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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 47 - Témoignages du 29 mars 2018


OTTAWA, le mardi 27 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 7, afin d’examiner, pour en faire rapport, les questions concernant l’agriculture et les forêts en général (sujet : le compostage des résidus de cannabis et les répercussions possibles sur l’environnement).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. J’appelle Diane Griffin, sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard.

Voici notre vice-président.

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Doyle : Sénateur Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Sénateur Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Sénatrice Nicole Eaton, de l’Ontario.

Le sénateur R. Black : Sénateur Robert Black, de l’Ontario.

La présidente : Nous effectuons ce soir ce que nous appelons une étude ponctuelle. Autrement dit, nous tenons une séance sur un sujet particulier, après quoi nous déterminerons si nous devons aller plus loin.

Cette fois-ci, notre étude porte sur le compostage des résidus de cannabis et les répercussions possibles sur l’environnement.

Nous recevons notre premier groupe de témoins, qui est composé de M. Brian King et Susan Antler, du Conseil canadien du compost, ainsi que de M. Alfred Wong, président, et M. Cam Battley, membre du conseil d’administration, de Micron Waste Technologies Inc.

Nous entendrons d’abord le Conseil canadien du compost. Je suis sûre que le greffier vous a tous remis des instructions sur la durée des interventions.

La parole est donc à vous.

Susan Antler, directrice générale, Conseil canadien du compost : Merci. Essentiellement, le cannabis est une plante qui, comme tout autre être vivant, peut être compostée pour produire du compost, l’ingrédient essentiel à la vie dans nos sols. Cette matière organique nous permet d’avoir des sols sains qui sont productifs et durables. Le compostage est un processus naturel au cours duquel les matières organiques se transforment en produit semblable au sol ou en humus. Ce processus fonctionne avec l’aide de microorganismes, comme les bactéries et les champignons, en conjonction avec l’air, l’humidité, le temps et la température.

Le Conseil canadien du compost est une organisation sans but lucratif nationale œuvrant à l’avancement du recyclage organique et du retour à la terre du compost et d’autres produits du sol afin d’en assurer la durabilité et la productivité continues.

Notre organisme existe depuis 1991. Depuis 27 ans, nous travaillons dur pour favoriser le compostage et pour développer des infrastructures afin de permettre aux Canadiens de recycler leurs résidus organiques à la maison, au travail ou dans leurs loisirs.

Même si, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, la gestion des déchets est une responsabilité provinciale et territoriale, l’existence et les fondements même de notre organisation nationale reposent sur le fait que la science est une science. Que nous agissions au Yukon ou à Terre-Neuve-et-Labrador, la science est une science.

Pour composter adéquatement, que soit dans sa cour arrière, dans un système sur place ou dans un système de cueillette et de traitement centralisé, les principes fondamentaux demeurent les mêmes. C’est une question de recette; il faut mélanger des matières riches en carbone, sous forme de feuilles, de rognures et de résidus de plante, comme des plants de tomates en fin de saison ou des racines et des résidus de cannabis, avec des matières riches en azote, comme des restes de table, du fumier et des biosolides, et gérer le processus de décomposition en surveillant le temps, la température et l’humidité pour créer un produit naturellement renouvelable, le compost, dont notre sol est friand et que nous avons la responsabilité de lui fournir.

Notre conseil compte des membres des secteurs public et privé, d’universités et d’organismes de réglementation du gouvernement, des défenseurs de l’environnement et des gens qui travaillent dans les domaines de l’agriculture, de l’aménagement paysager, du contrôle de l’érosion, de la sylviculture, de l’exploitation minière et de la fabrication à valeur ajoutée, qui utilisent tous le compost en raison de ses nombreux bienfaits sur la santé du sol, le productivité des plantes, la conservation et la qualité de l’eau, la réduction des pesticides et le soutien des économies locales.

Des membres de notre conseil ont déjà réussi à traiter les résidus de marijuana médicale et ont installé sur place des systèmes permettant aux producteurs de cannabis de traiter leurs plants dans des résidus de sol grâce au compostage fait sur place. Des quelque 33 millions de tonnes de déchets que les Canadiens produisent annuellement, de 40 à 50 p. 100 sont des résidus organiques pouvant être compostés ou digérés en anaérobiose.

À l’heure actuelle, les matières organiques constituent la matière la plus recyclée au Canada sur le plan du volume. C’est la seule matière pouvant être recyclée individuellement par chaque Canadien, dans des composteurs installés chez soi ou dans des installations centralisées de plus grande envergure où on livre les matières.

Le compostage et la digestion anaérobie sont des solutions de recyclage locales. Des études réalisées au Nouveau-Brunswick montrent que chaque dollar investi dans l’établissement d’installations de compostage ou de digestion anaérobie est multiplié par quatre avant de quitter la province.

Notre organisation, bien qu’elle soit numéro un, n’atteint que 30 p. 100 environ de son potentiel. Nos installations sont réglementées par des ministères provinciaux et territoriaux de l’Environnement, et nous devons en outre nous conformer aux exigences de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ou ACIA, pour ce qui est de nos produits finis de compost et de digestion, sans égard aux intrants.

Nos installations de production sont strictement réglementées sur le plan de l’air, de l’eau, des odeurs, des intrants et des produits finaux conçus et utilisés. Elles sont soumises à des contrôles au chapitre de la documentation; nous devons notamment tenir des dossiers détaillés sur le genre, la quantité et la sorte de matières reçues; la surveillance du processus, en ce qui concerne entre autres la température; le ratio carbone-azote, les niveaux d’oxygène et la maturité; et effectuer des tests sur le produit final. Le transport, qui inclut la collecte, est également soumis à des règles appliquées strictement.

Nous sommes une des industries les plus réglementées dans le domaine de la gestion des déchets et au-delà.

Selon nous — et peut-être considérerez-vous que vous avons un parti-pris —, si on aime manger, respirer de l’air sain, boire de l’eau propre, appuyer les économies locales, contribuer à laisser un héritage environnemental bénéfique et favoriser la durabilité de l’environnement, le recyclage organique grâce au compostage et à la digestion anaérobie est la meilleure solution pour toutes les matières organiques résiduelles, y compris les racines et les rognures de cannabis ou de marijuana ne servant plus pour la production.

Nous sommes d’avis que le compostage devrait être la méthode privilégiée pour le traitement des résidus de cannabis. Les dépotoirs, dépourvus de collecteurs de gaz adéquats, émettent des gaz à effet de serre, dont 90 p. 100 proviennent des résidus organiques. L’incinération consomme de l’énergie et ne permet pas d’utiliser les produits finaux, qui devront être enfouis.

Chaque tonne de résidus organiques pouvant être traités dans nos systèmes permet d’éviter le rejet d’une tonne d’émissions. Nous avons des études qui montrent aussi que le retour des matières organiques dans les sols permet d’emprisonner le carbone. Le retour du compost et des matières organiques dans les sols pourrait permettre d’atténuer le tiers des changements climatiques actuels. Le tiers.

Du point de vue de la gestion des déchets, les résidus de cannabis pourraient être produits à trois endroits : au cours de la production, au point de vente et à domicile, où le cannabis pourrait également être cultivé.

Par résidus de cannabis, nous faisons essentiellement référence aux matières organiques qui n’ont plus d’utilité bénéfique autre que celle de servir d’intrant dans la production de compost.

Dans certains États américains, la réglementation prévoit une méthode selon laquelle on rend les résidus de plants de marijuana inutilisables en les broyant et en les incorporant à d’autres matières moulues pour que le mélange final contienne au moins 50 p. 100 de matière autre que la marijuana par volume.

Nous sommes persuadés que les résidus de cannabis ne devraient être mélangés qu’avec d’autres matières organiques, comme les restes de table et/ou des feuilles et des résidus de jardinage, et non avec des matières inorganiques, car cela les rendrait inutiles.

Le processus de compostage atteint des températures élevées afin de tuer les agents pathogènes et les graines de mauvaises herbes. Ce processus, au cours duquel on broie et mélange diverses matières, donne un produit hétérogène et non distinguable, ce qui signifie essentiellement que l’on ne peut récupérer les intrants initiaux.

Tout ce processus crée un nouveau produit de sol agricole, le compost, dont l’aspect, la texture et la valeur le distinguent des intrants et des déchets initiaux. Le compost est une matière organique polyvalente de haute qualité, qui constitue la matière de la vie de notre planète.

Nous demandons votre appui afin de plaider en faveur du compostage de toutes les matières organiques, y compris les résidus de cannabis. C’est un objectif polyvalent qui est bénéfique à tous les égards. Le compostage devrait être considéré comme un service essentiel.

À titre d’organisation nationale, le Conseil canadien du compost possède, grâce à ses membres, toute la gamme de systèmes et de technologies, les ressources universitaires et les laboratoires de mise à l’essai nécessaires pour effectuer les recherches qui doivent maintenant être entreprises pour appuyer l’industrie du cannabis afin d’en améliorer la productivité, les processus et la gestion du cycle de vie.

Nous sommes sincèrement impatients de travailler avec vous. Merci.

La présidente : Merci de cet exposé.

Nous entendrons maintenant M. Wong.

Alfred Wong, président, Micron Waste Technologies Inc. : Merci, madame la présidente et distingués membres du comité.

Je m’appelle Alfred Wong et je suis président de Micron Waste Technologies, une entreprise de technologie propre sise à Vancouver. Je suis accompagné aujourd’hui de Cam Battley, chef des services corporatifs à Aurora Cannabis, un des principaux producteurs autorisés du Canada.

Depuis la fin de 2017, Micron Waste et Aurora collaborent afin de trouver une solution de gestion propre des résidus adaptée à l’industrie du cannabis. L’étude que nous entreprenons aujourd’hui sur les questions environnementales que soulèvent les résidus issus du compostage du cannabis arrive à point nommé. Le cannabis étant sur le point d’être légalisé, certaines facettes de la manipulation des résidus du cannabis auront un impact direct sur l’environnement et les proches résidants qui seront touchés.

J’espère que notre témoignage d’aujourd’hui pourra montrer au comité qu’il existe au Canada des solutions propres qui sont à la fois efficaces et bonnes pour l’environnement.

Je commencerai par expliquer ce que Micron Waste Technologies est et n’est pas. Micron Waste propose une solution de digestion anaérobie au cours de laquelle les résidus organiques sont désagrégés dans un délai de 24 à 48 heures et les effluents sont traités afin de satisfaire aux normes des règlements municipaux sur les égouts. Ce n’est pas du compostage.

La solution de Micron Waste comprend deux parties, toutes deux, mises en œuvre directement chez le cultivateur de cannabis. Au cours de la première partie, on recourt à un processus mécanique et biologique pour désagréger les résidus afin de produire une boue contenant du THC, du CBD et d’autres composés du cannabis.

Dans la deuxième partie, on utilise un conteneur d’expédition de 20 pieds renfermant toute notre usine de traitement des eaux usées. Notre processus permet de retirer les composés et les matières organiques du flux de déchets.

Juste pour vous donner un exemple, j’ai apporté trois bouteilles d’eau de notre installation de Vancouver, chacune montrant une étape réussie du système de traitement des déchets.

La première bouteille contient la boue que produit habituellement le processus de digestion organique des résidus alimentaires. Les niveaux de demande biochimique d’oxygène, ou DBO, qui est une mesure des matières biologiques dans l’effluent, sont de plus de 7 000 milligrammes par litre.

Juste pour mettre les choses en perspective, le règlement sur les égouts de Vancouver prévoit une norme de 500 milligrammes de DBO par litre; c’est donc plus de 12 fois la limite permise.

La troisième bouteille contient l’effluent issu de la dernière étape de notre processus, lequel réduit le niveau de DBO à 460 milligrammes par litre, c’est-à-dire 10 p. 100 sous la limite.

Voilà ce dont nous sommes capables. Cette eau grise claire peut maintenant être réutilisée au cours du processus agricole d’Aurora ou rejetée en toute sécurité.

Micron résout trois grands problèmes environnementaux que pose le traitement des résidus de cannabis.

Tout d’abord, les dépotoirs se remplissent rapidement dans le monde. Selon les prévisions de GMP Securities, il se produira plus de 1 200 tonnes métriques de cannabis au Canada d’ici 2020, ce qui devrait générer plus de 6 000 tonnes métriques de résidus. Micron Solutions étant directement sur place, il n’est plus nécessaire d’envoyer les résidus au dépotoir.

En outre, le transport par camions à ordures produit des gaz à effet de serre. Or, le Canada s’est engagé, dans l’Accord de Paris, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux taux de 2005 d’ici 2030. La solution de Micron fait en sorte qu’on n’a pas besoin de transporter des résidus au dépotoir ou à des installations de traitement des déchets centralisées.

Enfin, la culture du cannabis exige énormément d’eau. L’eau représente 80 p. 100 du poids d’un plant de cannabis frais. Le Canada renferme le cinquième des réserves mondiales d’eau douce, et il importe que nous puissions protéger cette ressource naturelle. La solution de Micron permet de retourner l’eau dans le processus agricole dans le cadre d’un système en boucle fermée complet.

Le concept de Micron a fait ses preuves au cours des 12 derniers mois, et nous nous préparons à installer une unité opérationnelle près des installations d’Aurora en juin prochain.

Je vais maintenant céder la parole à Cam Battley, qui vous fera part de ses observations à titre de cultivateur de cannabis.

Cam Battley, membre du conseil d’administration, Micron Waste Technologies Inc. : Mesdames et messieurs, je m’appelle Cam Battley. Je suis membre du conseil d’administration de Micron Waste et aussi chef des services corporatifs à Aurora Cannabis.

Aurora est le deuxième producteur de cannabis du monde au chapitre des revenus et de la capitalisation boursière. Nous exploitons deux installations en Alberta et deux installations au Québec, et nous sommes en train d’en construire une autre au Danemark alors que nous élargissons notre production de cannabis médical dans le monde.

Nous nous sommes intéressés à Micron parce que nous sommes une jeune entreprise œuvrant dans une jeune industrie et, parce que la plupart de nos employés sont des milléniaux affichant un grand idéalisme pratique. Alors que nous nous employons à inventer une nouvelle industrie, nous considérons que nous pouvons faire de bonnes choses aussi. Les employés d’Aurora ont donc une grande conscience environnementale.

Le cannabis, une substance réglementée, pose quelques défis. À l’heure actuelle, seul le cannabis médical est autorisé. Nous sommes évidemment tournés vers l’avenir, sachant que très bientôt, le cannabis sera également un produit de consommation, qui sera toujours fortement réglementé et qui devra être traité d’une certaine manière.

À l’heure actuelle, le système de production de cannabis médical ne prévoit pas de méthode prescrite pour éliminer les résidus de cannabis, une opération qui peut s’effectuer de bien des manières. Les résidus peuvent être déchiquetés et mélangés à d’autres produits pour qu’ils se désagrègent. Un des moyens les plus utilisés actuellement pour éliminer les résidus de cannabis s’appelle, sans blague, la méthode de la litière pour chats, laquelle consiste à littéralement mélanger les résidus avec de la litière pour chats et de l’eau pour les rendre inutilisables. En fait, il s’agit de la seule méthode qu’ait jamais prévu la réglementation canadienne dans le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, un ancien régime de réglementation précurseur du régime actuel auquel nous sommes assujettis.

Les résidus peuvent également être incinérés si on peut trouver un incinérateur approuvé. Ils peuvent également être compostés, dans la mesure où le compost est gardé séparément, dans un endroit clôturé non accessible au public, ou envoyés dans un endroit sécuritaire pour être compostés.

La solution de Micron qui nous a intéressés fonctionne à merveille avec la manière dont nous aimons faire des affaires à Aurora, car il s’agit d’une nouvelle technologie améliorée et supérieure. L’approche de Micron nous a séduits, car elle permet de gérer les résidus de cannabis au moyen d’une méthode sécuritaire qui est conforme à la réglementation canadienne appliquée par Santé Canada, le tout sur place et rapidement. Le processus de digestion prend environ 24 heures; on peut donc déposer les résidus de cannabis dans le digesteur et, 24 heures plus tard, on se retrouve avec le contenu de la troisième bouteille, lequel peut être utilisé par n’importe quelle municipalité, dans le respect de n’importe quelles normes municipales en matière d’effluent.

Cette technologie nous plaît donc. Aurora est une entreprise qui s’investit dans chaque élément et chaque segment du secteur du cannabis, qu’il s’agisse de la conception d’installations à la fine pointe de la technologie, de la production de cannabis et de chanvre, de l’extraction de cannabinoïdes ou d’ingrédients pharmaceutiques actifs du cannabis lui-même ou de l’élimination de résidus de cannabis.

Nous considérons que c’est une solution verte idéale et une preuve qu’il s’agit de quelque chose de spécial.

Dans tout le débat entourant la légalisation du cannabis, le degré d’innovation dont on fait preuve au Canada dans ce domaine a peut-être été un peu oublié. La légalisation de la consommation aura un avantage net pour l’environnement. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.

À l’heure actuelle, la consommation du cannabis est répandue au Canada. Personne n’est en train d’inventer la consommation du cannabis à notre époque. Selon Statistique Canada, plus de 5 millions de Canadiens consomment du cannabis régulièrement. Cela signifie qu’une chaîne d’approvisionnement non administrée existe. Elle n’est pas réglementée. Aucune surveillance n’est exercée, et nous ne savons pas comment elle fonctionne. Nous ignorons comment le cannabis est produit. Dans certains cas, il est probablement produit tout à fait correctement alors que, dans d’autres cas, il est probablement produit par des moyens que nous n’approuverions pas, soit à l’aide de pesticides interdits, et cetera. À l’heure actuelle, nous ne savons pas ce qui advient des déchets issus de la culture du cannabis, parce qu’il n’y a aucune réglementation.

L’un des avantages potentiels de l’utilisation légale du cannabis par les consommateurs, c’est que la production du cannabis et l’élimination des résidus de cannabis seront finalement surveillées.

Voici l’un des éléments d’une situation très emballante qui est en cours en ce moment, à savoir le fait que des entreprises canadiennes et des investisseurs canadiens investissent massivement dans cette nouvelle industrie. Cela crée des emplois dans les quatre coins du pays, non seulement dans le secteur du cannabis en tant que tel, mais aussi dans des industries connexes, y compris celle de l’élimination des déchets.

En résumé, Aurora est extrêmement fière de sa collaboration avec Micron Waste, des sommes que nous avons investies dans cette entreprise et du fait qu’il s’agit là d’une innovation de calibre mondial qui survient au Canada. Nous sommes très fiers de jouer un rôle dans cette innovation.

Merci beaucoup.

La présidente : Formidable. Je remercie les deux groupes de leurs exposés. Nous allons maintenant céder la parole aux sénateurs afin qu’ils puissent poser des questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Wong, monsieur Battley, votre compagnie est cotée en bourse?

M. Battley : Oui, sur le TSX.

Le sénateur Maltais : J’imagine que vous travailliez dans le domaine de l’agriculture avant de venir ici. Vous faisiez la production de laitue, de tomates, de navets, et cetera.

[Traduction]

M. Battley : Avant d’entrer au service de l’industrie du cannabis, j’ai passé ma carrière dans le secteur biopharmaceutique.

[Français]

Le sénateur Maltais : Et vous, monsieur Wong?

[Traduction]

M. Wong : En ma qualité de chef de la direction, je dirigeais une entreprise de recyclage des déchets organiques en Asie.

[Français]

Le sénateur Maltais : Quel est votre intérêt pour l’agriculture canadienne?

[Traduction]

M. Wong : Je suis né et j’ai été élevé au Canada. J’ai grandi en croyant fermement au compostage et en enseignant à mes deux jeunes enfants les avantages qu’il y a à composter et à restituer aux sols leurs éléments nutritifs.

Ce qui m’a attiré dans l’entreprise Micron Waste, c’est essentiellement sa technologie verte.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous proposez de cultiver 100 000 kilogrammes de cannabis. C’est bien cela?

[Traduction]

M. Battley : Aurora sera mon entreprise. D’ici 2020, nous produirons plus de 250 000 kilogrammes de cannabis par année au Canada et à l’échelle internationale.

[Français]

Le sénateur Maltais : Où allez-vous développer vos ventes à l’échelle internationale?

[Traduction]

M. Battley : Nous construisons en ce moment une installation de production du cannabis d’un million de pieds carrés au Danemark, en plus de nos deux installations en Alberta et de nos deux installations au Québec.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Wong, votre compagnie traite les résidus. Vous avez trois bouteilles d’eau. Vous avez dit que celle qui est maintenant vide contenait de l’eau naturelle. Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Wong : L’eau que notre système génère n’est pas potable. On ne peut pas la boire. C’est essentiellement une eau non potable ou une eau grise qui peut être réutilisée dans le processus agricole, que ce soit pour exercer des activités agricoles, pour laver des planchers, pour alimenter les toilettes ou pour la déverser en toute sécurité dans un drain.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’ai une dernière question. Nous sommes pris par le temps, c’est malheureux. Nous avons 100 000 questions à poser.

Vous avez parlé d’investisseurs canadiens. C’est bien cela? Êtes-vous certain que ce sont tous des investisseurs canadiens? Pouvez-vous nous confirmer aujourd’hui que tous ceux qui sont dans votre entreprise sont des investisseurs canadiens qui résident au Canada, qui paient leurs impôts au Canada, et que vous n’avez pas d’investisseurs étrangers?

[Traduction]

M. Wong : Je suis conscient du problème auquel vous faites allusion. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’une société publique ne sait pas exactement qui sont ses investisseurs d’un jour à l’autre.

Cependant, je peux vous affirmer que plus de 80 p. 100 de nos investisseurs sont des citoyens canadiens, et nous nous attendons à ce qu’ils paient des impôts. Toutefois, certains des investisseurs d’Aurora habitent aux États-Unis, en Europe et dans d’autres parties du monde. Nous respectons toutes les dispositions de la réglementation des valeurs mobilières, mais si, comme je le pense, vous souhaitez savoir si, à notre connaissance, tous nos investisseurs sont canadiens, la réponse est non. Ils ne sont pas tous Canadiens. Nous avons des investisseurs internationaux comme toute société publique.

Le sénateur Oh : J’adresse ma question à tous les témoins. En vertu de la nouvelle mesure législative, les Canadiens adultes seront autorisés à cultiver jusqu’à quatre plants de cannabis à leur domicile.

Quelles difficultés les cultivateurs à domicile affronteront-ils lorsqu’il leur faudra éliminer les résidus des plants de cannabis? Si vous habitez dans un logement en copropriété de 30 étages, votre domicile pourrait presque faire fonction de serre. Comment sortiront-ils le cannabis de là?

Mme Antler : Du point de vue du compostage, si la collectivité offre à ses résidants un programme de recyclage des déchets organiques, ils peuvent y participer en collectant dans un bac vert des déchets comme des feuilles et des résidus de jardin. Ce serait l’endroit idéal où déposer les racines et les tiges des plants de cannabis afin de les intégrer dans le processus de compostage.

Vous pourriez aussi les composter à domicile si vous avez un bac de compostage dans votre jardin, parce que le cannabis est une plante. Cela ne pose donc pas de problème. Le problème est plutôt lié à l’infrastructure et essentiellement à l’éducation.

Nous devons reconnaître que les gens seront autorisés à cultiver du cannabis à la maison, mais, s’ils disposent de l’infrastructure nécessaire pour composter régulièrement, les résidus de cannabis seront un ajout parfait.

En toute honnêteté, la quantité de déchets issus de la culture du cannabis que les Canadiens produiront sera infime comparativement à la quantité de déchets organiques qu’ils produisent.

M. Battley : Je devrais ajouter qu’il est important de comprendre que les déchets provenant de la production de cannabis ont une très faible teneur en cannabinoïdes ou en ingrédients pharmaceutiques actifs. Lorsque nous parlons de composantes comme le THC ou le CBD, ou cannabidiol, c’est-à-dire le principal cannabinoïde non psychoactif du cannabis, il faut noter que les cannabinoïdes sont fortement concentrés dans la fleur de la plante. Par conséquent, les feuilles et le matériel végétal, ainsi que tous les résidus, ont une très faible teneur en cannabinoïdes. J’ai pensé qu’il serait peut-être utile de le signaler.

Le sénateur Oh : Les déchets ne sont pas du tout nocifs?

M. Battley : Non. Il faudrait disposer d’une très grande quantité de déchets. Vous seriez forcés d’en amasser une grande quantité, puis d’utiliser un processus d’extraction afin d’extraire les cannabinoïdes de ces déchets. En fait, le jeu n’en vaudrait pas la chandelle, et c’est la raison pour laquelle, dans pratiquement tous les cas, les gens se soucient surtout de la fleur elle-même, parfois connue sous le nom de cocotte.

Le sénateur Oh : Combien de temps faut-il avant que la plante soit mature?

M. Battley : Voilà une bonne question. Vous pourriez tout aussi bien demander la longueur d’un bout de ficelle. Qu’est-ce qu’une plante mature? À Aurora, nous cultivons diverses souches de cannabis, et certaines d’entre elles, par exemple, ne contiennent pratiquement aucun THC, mais elles ont une teneur élevée en CBD, alors que d’autres souches contiennent effectivement du THC. Les souches ont différents cycles de croissance; certaines d’entre elles parviennent à maturité en aussi peu que six semaines, et c’est à ce moment-là que nous les récoltons. D’autres souches poussent pendant des périodes plus longues, de 10 ou 12 semaines peut-être.

Voilà ce qui se passe à Aurora. D’autres entreprises et peut-être d’autres individus, une fois qu’ils seront en mesure de cultiver leur propre cannabis, attendront que leurs plants soient plus gros, ce qui exigera plus de temps.

La présidente : Certains d’entre vous ont peut-être remarqué qu’une lumière clignote à l’arrière de la salle. C’est parce qu’un vote est prévu à 18 h 57. Nous sommes six sénateurs ici. Notre première option consisterait à demeurer ici. L’autre option consisterait à faire une pause de 20 minutes dans à peu près 10 minutes, d’aller voter et de revenir entendre le présent groupe d’experts, immédiatement après le vote. La comparution du prochain groupe d’experts débuterait alors plus tard. Avez-vous une préférence quant à l’option à choisir? Vous n’avez aucune préférence?

Le sénateur Doyle : Je ne m’exprime pas au nom de mes collègues.

La présidente : Il y a quatre membres de votre caucus ici.

Le sénateur Doyle : Nous devons être présents pour le vote.

La présidente : Si nous souhaitons être présents pour le vote, il faudra que nous partions dans environ 10 minutes, au plus tard, et que nous prenions l’autobus. Qu’aimeriez-vous faire, monsieur le vice-président?

[Français]

Le sénateur Maltais : On doit aller voter, c’est l’obligation des sénateurs.

[Traduction]

La présidente : Nous reviendrons ensuite.

Le sénateur Doyle : Je serai très bref, car les lumières clignotent.

Quelle croissance supplémentaire croyez-vous que votre industrie connaîtra grâce à une industrie du cannabis bien établie au Canada? La croissance que votre industrie connaîtra sera-t-elle importante? Pouvez-vous me le dire?

Mme Antler : En tant que membres du Conseil canadien du compost, nous avons parlé de cette question dans le contexte des membres du comité. Le comité existe parce que de nombreuses provinces nous ont demandé d’expliquer comment nous utiliserions nos pratiques exemplaires pour gérer le matériel végétal issu de la production du cannabis.

Le commentaire qui a été formulé, c’est que la quantité de ces déchets est très faible. En réalité, nous sommes ravis d’être ici et enthousiasmés par le fait que vous êtes membres du Comité de l’agriculture et des forêts, que 33 millions de tonnes de déchets sont créées annuellement, que la moitié de ces déchets sont de nature organique et qu’ils devraient être compostés et restitués au sol. Si le cannabis est destiné à stimuler le recyclage des déchets organiques, alors allons de l’avant, car nous avons beaucoup d’efforts à déployer pour développer l’infrastructure requise pour recycler les déchets organiques.

Le sénateur Doyle : Dans son état actuel, votre industrie peut facilement gérer n’importe quelle sorte d’industrie du cannabis bien établie?

Mme Antler : Absolument. Pensez-y du point de vue des 27 années que nous avons passées à établir l’infrastructure et à communiquer, des réseaux d’universités et d’organismes de réglementation, des connaissances acquises, des leçons tirées et des éléments restitués au sol.

Le sénateur Doyle : J’ai une question à vous poser. Je déteste vous aiguillonner à ce sujet, mais le nombre de produits chimiques qui existent dans le cannabis est-il plus élevé que le nombre de produits chimiques que l’on retrouve dans les résidus du tabac? En ce moment, que faites-vous des résidus du tabac?

Mme Antler : Ils sont compostés.

Le sénateur Doyle : Est-il plus difficile de composter du tabac que des résidus de cannabis?

Brian King, directeur des opérations de compostage, GFL Environmental Inc. : Je ne m’inquiéterais pas de l’aspect végétal du processus de compostage. C’est le compostage des viandes, dans lesquelles on peut retrouver, entre autres, la salmonelle, qui est préoccupant. Il est essentiel de détruire ces bactéries.

Sur le plan végétal, aucun problème n’est associé au compostage du cannabis. La température de 55 degrés atteinte au cours du processus est suffisamment élevée pour détruire toutes les composantes du cannabis.

Du point de vue du compost, il est évident que cela devrait produire une excellente matière première. Nous nous concentrons sur le produit final. Notre principal moteur, c’est le compost produit. Il retourne dans les sols. Le lixiviat ou liquide produit par le traitement aérobie et le compostage est recueilli et transformé en engrais liquide. Aucun résidu n’est déversé dans un drain ou ailleurs. Tout découle du produit final auquel nous croyons fermement.

Le sénateur Doyle : Merci.

La sénatrice Eaton : Je dispose de deux minutes. Je composte, et je jardine. J’adore composter. Je crois qu’un énorme travail d’éducation vous attend. Le nombre de personnes qui ignorent comment composter est consternant.

Chers représentants de Micron Waste Technologies, dans quelle mesure êtes-vous préparés à la légalisation du cannabis? Vous allez passer tout à coup du cannabis thérapeutique à la légalisation du cannabis. Dans quelle mesure votre entreprise est-elle préparée à assumer cette tâche à l’échelle nationale, ou exercez-vous déjà vos activités à l’échelle nationale?

M. Wong : Comme je l’ai mentionné, nous sommes en bonne voie d’installer une unité opérationnelle près des installations d’Aurora d’ici juin prochain, et une autre installation chez Aurora aura lieu peu de temps après. Nous espérons être en mesure d’accroître rapidement notre production et de desservir la totalité de l’industrie du cannabis. Toutefois, il faudra que les organismes gouvernementaux, les universités, le Conseil canadien du compost ainsi que les entreprises du secteur des technologies propres, comme Micron, collaborent afin de définir des pratiques exemplaires en matière de gestion des déchets issus de la culture du cannabis.

La sénatrice Eaton : Décrivez-moi les étapes une par une. Je sais comment le compostage fonctionne. Je peux l’imaginer en train de fonctionner parfaitement. Décrivez-moi les étapes. Vous ouvrez donc la porte de vos énormes serres, et vous retirez toutes les plantes. Qu’advient-il après?

M. Wong : Vous pouvez penser à nous comme à une étape de prétraitement des solides en vue de les préparer au compostage. Nous broyons essentiellement le matériel végétal jusqu’à ce que la taille des particules soit très fine. Nous broyons le matériel, puis nous utilisons un microprocessus pour le digérer, et ce processus organique produit une boue.

La sénatrice Eaton : Vous n’avez pas besoin d’ajouter des produits chimiques? Il vous suffit de broyer le matériel végétal comme le ferait un mélangeur?

M. Wong : Les microbes prennent en charge le travail et transforment le matériel en boue.

La sénatrice Eaton : Les microbes qui se trouvent dans le cannabis en tant que tel?

M. Battley : Ce sont les microbes exclusifs de Micron Waste Technologies. Voilà en quoi consiste la technologie, l’innovation. Ces microbes sont conçus précisément pour décomposer les protéines, les glucides et les lipides.

La sénatrice Eaton : Ils sont naturels.

M. Battley : Tout à fait naturel.

La sénatrice Eaton : Vous pourriez donc étendre la boue sur les terres d’une ferme biologique, et ses produits seraient toujours biologiques?

M. Wong : Vous le pourriez mais, comme, pendant la phase liquide, le THC et le CBD sont toujours présents, notre station de traitement des eaux usées retire essentiellement tous les composés du cannabis. Les biosolides produits par notre système sont en fait parfaitement adaptés au compostage puisque leur niveau d’humidité oscille entre 40 et 60 p. 100.

La sénatrice Eaton : Mais je pourrais les épandre dans mon jardin biologique ou sur mes légumes biologiques?

La présidente : Je vais devoir faire une pause maintenant. Le sénateur Black a des questions à poser, et le sénateur Maltais interviendra au cours de la prochaine série de questions.

Un autobus nous attend. Je vais donc suspendre nos travaux.

(La séance est levée.)

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