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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 48 - Témoignages du 19 avril 2018


OTTAWA, le jeudi 19 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et j’ai l’honneur de présider ce comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter eux-mêmes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec. Bienvenue, mesdames.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Bonjour. Je m’appelle Yuen Pau Woo et je viens de la Colombie-Britannique.

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

La présidente : Merci, chers collègues.

Aujourd’hui, le comité reprend son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux. Notre premier groupe de témoins est composé de Carla Ventin, vice-présidente des relations gouvernementales, Produits alimentaires et de consommation du Canada, et de Claire Citeau, directrice générale de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. C’est Mme Ventin qui va prendre la parole en premier.

Merci d’avoir accepté notre invitation de comparaître devant notre comité aujourd’hui. Vous avez la parole.

Carla Ventin, vice-présidente, Relations gouvernementales, Produits alimentaires et de consommation du Canada : Bonjour à tous, et merci à vous, madame la présidente. Produits alimentaires et de consommation du Canada tient à remercier le comité de nous avoir invités à participer à votre étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

Depuis près de 60 ans, notre association professionnelle représente, au niveau national, des entreprises qui fabriquent et distribuent la majorité des produits alimentaires, des boissons et des produits de consommation qu’on trouve dans les magasins, dans les restaurants et à la maison. Issus de toutes les régions du Canada, nos membres offrent des emplois à valeur ajoutée à des Canadiens qui vivent dans plus de 200 circonscriptions électorales du pays, aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales.

Au Canada, l’industrie de la transformation alimentaire est le plus gros employeur du secteur de la fabrication; elle offre aux Canadiens des emplois de qualité dans plus de 6 000 centres de fabrication. En fait, elle compte plus d’employés que les secteurs automobile et aérospatial confondus.

Selon Dominic Barton, conseiller spécial du premier ministre et président du Conseil consultatif en matière de croissance économique, la production alimentaire va devenir l’un des secteurs les plus puissants au monde. Dans son rapport, le conseil examine les possibilités qu’a le Canada de produire et de transformer davantage d’aliments destinés à sa propre consommation, et fait remarquer que nous n’ajoutons de valeur qu’à 50 p. 100 de ce que les agriculteurs produisent au Canada. Il y a donc là un énorme potentiel qui est pour l’instant inexploité.

L’insuffisance de la chaîne de valeur est certainement l’un des défis que nous devons relever au Canada. Nous sommes très performants lorsqu’il s’agit d’exporter des produits de base comme le canola et le blé, mais il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit d’exporter des produits à valeur ajoutée. Qui plus est, nous rachetons ces produits à valeur ajoutée 20 fois plus cher. En effet, lorsque nous exportons nos produits sans valeur ajoutée, nous exportons en même temps les emplois de haute technologie qui vont avec.

Tout récemment, surtout dans le budget de 2017, le gouvernement a commencé à s’intéresser sérieusement à notre secteur. Des initiatives comme la Table sectorielle sur l’agroalimentaire, les supergrappes, le Fonds stratégique pour l’innovation et le Partenariat canadien pour l’agriculture sont des mesures importantes, qui sont très bien accueillies par nos membres.

PACC est fière de faire partie de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, qui comparaît en même temps que moi aujourd’hui, et de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, qui comparaîtra tout à l’heure.

Notre recommandation no 1 vise à remédier au déficit de compétitivité que nous avons avec les États-Unis. Premièrement, pour savoir comment le secteur de valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés internationaux, nous devons examiner de près la question de savoir pourquoi il coûte de plus en plus cher d’exploiter une entreprise au Canada. Nos membres sont de plus en plus préoccupés par l’accumulation et le coût des règlements qui leur sont imposés, qui s’ajoutent aux dépenses liées à l’énergie, à la main-d’œuvre, aux taxes et aux intrants.

Comparé aux États-Unis, le contexte opérationnel de nos membres n’est pas compétitif. L’administration Trump a mis en place des incitatifs pour rapatrier des usines de fabrication, et le Canada se doit de réagir. Nos membres reçoivent de plus en plus d’appels de leurs voisins du Sud qui leur proposent des conditions très intéressantes pour aller s’installer aux États-Unis.

Nous recommandons d’élargir et de bonifier la déduction pour amortissement accéléré, afin de la rendre équivalente aux règles américaines; ce serait un pas dans la bonne direction. Étant donné l’incertitude qui prévaut aux États-Unis, il est particulièrement important d’appuyer les entreprises qui exportent vers de nouveaux marchés internationaux, notamment en Asie. Le gouvernement s’est fixé un programme ambitieux en matière de commerce international et il a reconduit le financement du Secrétariat de l’accès aux marchés, ce qui est une très bonne chose. Nous aimerions toutefois qu’une grande partie de ce financement soit destinée aux fabricants de valeur ajoutée.

La recommandation no 2 vise à encourager l’investissement dans l’innovation, la recherche fondamentale et appliquée, et dans les biens d’immobilisation. Pour être plus compétitive et atteindre les objectifs fixés par le gouvernement en matière d’exportations agroalimentaires, l’industrie doit privilégier la fabrication de produits novateurs qui plairont aux consommateurs étrangers. L’industrie doit également utiliser des processus plus intelligents, plus propres et plus efficaces pour fabriquer les produits que veulent les consommateurs. Cela nécessite des investissements dans l’innovation, à la fois pour la mise au point de nouveaux produits et pour l’intégration des nouvelles technologies dans les centres de fabrication.

Le problème qui se pose vient du fait que nous avons beaucoup moins investi dans la R-D et dans les équipements des usines de transformation que nos partenaires étrangers, et que nous sommes moins avancés qu’eux dans l’adoption des nouvelles technologies. Selon un rapport de KPMG de 2014, le coût est le principal obstacle à l’intégration de nouvelles technologies dans les usines de fabrication de produits alimentaires.

Outre les initiatives récentes du gouvernement, nous appuyons la recommandation de la Table ronde de l’industrie de la transformation des aliments qui vise à créer un fonds pour l’innovation alimentaire de 500 millions de dollars sur cinq ans, afin de financer la mise au point de nouveaux produits et de nouvelles techniques de production.

La recommandation no 3 vise à actualiser les règlements en vigueur afin d’aider les entreprises à s’adapter aux nouvelles réglementations. Nous devons déterminer pourquoi les fabricants canadiens de produits alimentaires investissent peu dans la R-D, dans les équipements et dans la technologie. L’accumulation des règlements et l’ampleur des coûts que doit assumer l’industrie sont de vrais obstacles à l’investissement, à la croissance et à l’innovation. La réglementation à laquelle nous sommes assujettis n’est plus en phase avec les nouvelles technologies, avec les pratiques internationales ou avec les nouveaux produits. Des règlements surannés continuent de s’accumuler, sans compter que le gouvernement veut maintenant accroître son niveau d’intervention dans notre industrie.

La Stratégie en matière de saine alimentation, par exemple, nous oblige à changer nos façons de fabriquer, d’étiqueter et de vendre nos produits. Nous avons du mal à imaginer que le gouvernement puisse demander à un autre secteur de fabrication de modifier aussi radicalement le cycle de vie de ses produits en aussi peu de temps. Pour vous donner une idée des pressions qui s’exercent sur l’industrie, je vous dirai que la modification de l’étiquetage des produits, dont il est en ce moment question à la table, coûtera aux fabricants de produits alimentaires 1,8 milliard de dollars.

Afin d’éviter tout effet pervers, nous avons besoin de règlements équilibrés, raisonnables et fondés sur des données scientifiques. Nous pouvons y parvenir sans pour autant compromettre la sécurité et la santé du public.

Notre industrie a besoin de mesures de soutien supplémentaires pour s’adapter aux nouveaux règlements, faire face à l’augmentation des coûts et répondre à l’évolution des besoins. Nous souhaitons également que tous les ministères adoptent une approche coordonnée en ce qui concerne le secteur agroalimentaire, notamment entre les organes de réglementation et les ministères économiques. C’est important si l’on veut pouvoir déterminer les effets cumulatifs des règlements à la fois sur l’industrie qui fabrique les aliments et sur les consommateurs qui les achètent.

Enfin, il faut absolument que le gouvernement actualise les règlements en vigueur avant d’en introduire de nouveaux.

En conclusion, je tiens à vous dire que nous sommes tout à fait prêts à continuer de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement, dans le but d’atteindre les cibles d’exportation qu’il a fixées et de devenir plus compétitifs sur les marchés étrangers. Merci.

Claire Citeau, directrice générale, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Merci de m’avoir invitée à prendre la parole au nom de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, ou l’ACCA, qui est le porte-parole des exportateurs canadiens de produits agricoles et agroalimentaires, au sujet de la compétitivité du secteur des aliments à valeur ajoutée sur les marchés étrangers.

L’ACCA représente les 90 p. 100 d’agriculteurs qui dépendent des échanges commerciaux et les producteurs, transformateurs et exportateurs d’agroalimentaire qui veulent stimuler l’activité économique grâce à un accès plus facile et plus concurrentiel aux marchés étrangers. Il s’agit notamment des producteurs de bœuf, de porc, de viande, de céréales, de légumineuses, de soja, de canola, de sucre, de malt et de produits agroalimentaires.

Tous ensemble, nos membres représentent 90 p. 100 des exportations agroalimentaires, lesquelles ont totalisé plus de 57 milliards de dollars en 2017, et ils emploient environ un million de travailleurs dans les collectivités urbaines et rurales du Canada. Une bonne partie de ces emplois n’existerait pas sans un accès concurrentiel aux marchés étrangers.

Le commerce extérieur, les accords de libre-échange et la compétitivité du secteur sont intrinsèquement liés. Les accords de libre-échange ont une incidence importante sur la compétitivité du secteur à l’étranger, autrement dit sur sa capacité de faire face durablement à la concurrence sur les marchés étrangers. L’accès au marché est en grande partie déterminé par les accords de libre-échange, les tarifs douaniers, les quotas, les règles d’origine, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, les subventions, et cetera. L’accès concurrentiel aux marchés étrangers via des accords de libre-échange est notre priorité, car 90 p. 100 des agriculteurs dépendent des marchés étrangers pour survivre, et nous exportons plus de la moitié de notre production agroalimentaire.

La région Asie-Pacifique, le Japon, l’ALENA, l’Europe et la Chine sont nos priorités. Notre succès dépendra de la date d’entrée en vigueur des accords de libre-échange sur les marchés que convoitent également nos concurrents.

Premièrement, il faut absolument que le Canada ratifie le plus vite possible l’accord de Partenariat transpacifique global et progressiste. L’ACCA défend ardemment cet accord, et nous avons sauté de joie quand nous avons appris que le Canada avait conclu et signé une entente au Chili, le mois dernier. L’accord de Partenariat transpacifique global et progressiste offrira non seulement au secteur un accès sans précédent au lucratif marché japonais et aux marchés asiatiques émergents, comme le Vietnam et la Malaisie, mais aussi un avantage concurrentiel au Canada par rapport aux États-Unis, puisque ce pays a décidé, pour le moment, de ne pas ratifier l’accord. L’accord de partenariat transpacifique entrera en vigueur dès que six membres l’auront ratifié, et il y a tout lieu de penser que déjà sept pays — le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, Singapour, le Mexique et Brunei — le ratifieront et le mettront en œuvre avant la fin de 2018. Si le Canada ne compte pas parmi les six premiers pays à ratifier l’accord, nous risquons de perdre l’avantage à arriver le premier sur ces marchés.

Étant donné l’incertitude qui entoure l’ALENA, il est indispensable, pour qu’il soit compétitif à l’étranger, que le secteur agroalimentaire ait un meilleur accès aux marchés de la région Asie-Pacifique. La meilleure façon de mettre en œuvre l’accord au plus tôt, c’est de le ratifier le plus vite possible.

Deuxièmement, étant donné l’importance de l’ALENA pour nos exportations agroalimentaires, notre succès dépend aussi de la capacité du Canada à négocier un nouvel accord qui renforcera la capacité d’accès et la compétitivité de l’industrie canadienne des produits agricoles et alimentaires. Bref, nous vous recommandons de préserver ce qui marche et de moderniser l’ALENA là où c’est possible. Plus particulièrement, la renégociation ne devrait pas se traduire par l’inclusion de nouveaux droits de douane, de nouvelles barrières non tarifaires ou de toute autre nouvelle disposition visant à limiter les échanges commerciaux.

Dans son mémoire, l’ACCA identifie plusieurs secteurs dans lesquels il devrait être possible d’améliorer l’ALENA, notamment en ce qui concerne le commerce de certains produits comme le canola, les céréales, les viandes, le sucre et les produits sucrés, et en ce qui concerne aussi l’harmonisation des règlements et les mécanismes de règlement des différends.

Voici ce que nous vous recommandons pour aider le secteur agroalimentaire à être plus compétitif sur les marchés étrangers. Le Canada devrait allouer les ressources nécessaires aux entités responsables de la négociation et de la mise en œuvre des accords de libre-échange, notamment l’ALENA, l’accord de Partenariat transpacifique, l’OMC et la Chine. La négociation d’un accord de libre-échange avec la Chine donnera un coup de pouce à nos exportations vers un pays qui est devenu la deuxième économie mondiale. La Chine a déjà manifesté de l’intérêt pour la libéralisation des échanges avec des pays producteurs d’agroalimentaire comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Chili, et cela s’est traduit par des retombées substantielles. Comme on prévoit que la Chine deviendra le plus gros importateur de produits agroalimentaires d’ici à 2020, il est crucial que nous comptions parmi ses fournisseurs privilégiés et que nous obtenions un accès garanti à ses marchés, si nous voulons stimuler l’emploi et l’économie au Canada.

Le Canada devrait aussi accorder des ressources adéquates aux entités responsables de la mise en œuvre des accords de libre-échange et de l’amélioration de l’accès aux marchés. L’AECG, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Europe, qui est entré en vigueur en septembre dernier, offre vraiment la possibilité à nos exportateurs de mieux s’implanter sur ces marchés, mais il va falloir pour cela attendre quelque temps parce que l’Union européenne tarde à autoriser un accès commercial durable à son marché.

Certains dossiers sont encore en suspens, notamment pour ce qui est des protocoles de transformation de la viande, des produits phytosanitaires, de l’étiquetage du pays d’origine et de l’approbation rapide des caractéristiques biotechnologiques. Nos membres sont aussi très préoccupés par les mesures protectionnistes qu’ont récemment adoptées des États membres au motif que les dispositions sur l’étiquetage du pays d’origine ne sont pas conformes à l’esprit de l’AECG. Il arrive souvent que la mise en œuvre d’accords de libre-échange soit suivie de l’implantation de multiples barrières non tarifaires. Il est donc indispensable que des ressources adéquates soient allouées au Secrétariat de l’accès aux marchés, afin qu’il soit en mesure de minimiser les barrières techniques au commerce et de redonner aux exportateurs un véritable accès au marché, ce qui est crucial.

Le Canada devrait également continuer d’appuyer les ministres et les hauts fonctionnaires concernés à établir des relations à haut niveau sur les marchés étrangers. Il faudrait également allouer des ressources adéquates au réseau des représentants canadiens à l’étranger, notamment les ambassades et les délégués commerciaux du secteur agricole. La capacité du Canada de se doter d’une industrie compétitive dépend en grande mesure de son dynamisme à l’étranger. Il faut que le Canada fasse davantage, et pas moins, de démarches de haut niveau, surtout dans les pays asiatiques. Merci.

La présidente : Je vous remercie de ces deux excellents exposés. Je suis sûre que les sénateurs ont beaucoup de questions à vous poser.

Je vais demander à mes collègues, qui sont nombreux aujourd’hui, de se limiter à deux questions pendant le premier tour. S’il nous reste du temps, nous en ferons un deuxième.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais m’adresser d’abord à Mme Ventin.

Vous avez beaucoup parlé des réglementations et de la paperasse qui retardent certains dossiers. Vous n’avez pas parlé de vos objectifs. Quels sont les objectifs d’accroissement, de production pour combler la demande des marchés internationaux? C’est ma première question. J’aimerais que vous nous donniez des détails à ce sujet, parce qu’avant d’aller dans le cœur du sujet, j’aimerais connaître les objectifs de votre association. Comptez-vous augmenter la quantité de produits ou de raffiner davantage les produits au Canada? Est-ce que les changements technologiques provoquent un ralentissement pour vous?

[Traduction]

Mme Ventin : À propos des objectifs de croissance de nos membres, je peux vous dire que leur priorité est d’ajouter de la valeur aux cultures que les agriculteurs produisent au Canada. Notre pays a des ressources incroyables. Il a des agriculteurs extraordinaires. Il a des technologies fantastiques. En plus, nous avons de l’eau et de la terre. Cependant, il faut cesser d’envoyer des produits de base à l’étranger sans leur avoir ajouté de la valeur ici au Canada, car cela représente un potentiel inexploité.

Voilà ce que nous demandons. Nous aimerions pouvoir collaborer étroitement avec les agriculteurs pour ajouter de la valeur à leurs produits avant de les vendre sur les marchés étrangers, ce qui créera des emplois au Canada. Cela s’intégrerait à toute la chaîne de valeur. Cela serait bénéfique pour les agriculteurs et les collectivités et encouragerait le secteur de la fabrication du Canada à se développer. À notre avis, il y a là un grand potentiel.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Citeau, vous avez parlé de l’accord de libre-échange Canada-Asie, mais le Canada a 49 traités de libre-échange. Allez-vous être en mesure de fournir à ces 49 traités? Est-ce trop vous demander? Avez-vous la capacité de répondre à la demande?

Mme Citeau : Absolument, nous en avons la capacité. Bon nombre de nos entrepreneurs et de nos transformateurs travaillent sous régime en ce moment. Oui, la capacité et les ressources existent. Il y a de l’espace au Canada pour produire plus. Le problème aujourd’hui n’est pas la capacité, mais plutôt un accès compétitif aux marchés visés par nos producteurs et transformateurs.

Le sénateur Maltais : Il y a un facteur qui m’interpelle, parce que les agriculteurs n’ont pas la même version des faits que vous. Il faudrait s’entendre là-dessus. Je pense que les agriculteurs, en matière de recherche et de développement des nouvelles technologies, sont en avance sur vos transformateurs. Est-ce une bonne ou une mauvaise perception?

Mme Citeau : En ce qui concerne la recherche et le développement, ce sont nos membres qui s’impliquent directement dans ce genre de programme. Nous représentons directement les agriculteurs et les transformateurs qui cherchent à exporter, et 90 p. 100 d’entre eux au doivent exporter leurs produits, parce que nous n’avons pas la population au Canada pour consommer tout ce qui est produit ici.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Je vous remercie de vos exposés. Vous avez parlé des objectifs de croissance de vos membres. J’aimerais savoir comment le Canada se situe par rapport aux États-Unis ou à l’Union européenne en matière d’approvisionnement alimentaire, du point de vue de la régularité de l’approvisionnement et du prix. Est-ce que nous sommes un pays typique du G8? Sommes-nous compétitifs du point de vue de la régularité de l’approvisionnement et du prix? Sommes-nous compétitifs par rapport aux États-Unis et aux autres pays qui font le même genre de choses?

Mme Ventin : Du point de vue de la régularité de l’approvisionnement et des prix de l’alimentation sur le marché canadien?

Le sénateur Doyle : Oui.

Mme Ventin : Si on les compare aux populations des autres pays, les Canadiens consacrent à l’alimentation une plus faible partie de leurs revenus, surtout par rapport aux Européens. Au Canada, les prix des produits alimentaires sont abordables, et nous sommes compétitifs à ce niveau-là, mais cela ne veut pas dire qu’ils le sont aussi dans certaines régions rurales ou éloignées, ou dans les communautés autochtones.

Le sénateur Doyle : Vous avez dit que le marché européen est, pour vous, un marché très prometteur. Les transformateurs de produits alimentaires du Canada ont-ils la capacité d’exploiter pleinement le potentiel de ce nouveau marché?

Vous avez également parlé des réglementations gouvernementales. Quel genre de règlement serait utile à votre industrie? J’ai entendu dire qu’il faudrait peut-être apporter des modifications à notre politique de transport parce que les systèmes que nous avons ne sont peut-être pas bien adaptés au transport en vrac, et cetera. Y a-t-il des changements à faire dans le secteur des transports?

Mme Ventin : Comme l’a dit Mme Citeau, le marché européen est très important pour les agriculteurs et les transformateurs de produits alimentaires, mais il y a les barrières non techniques. Pour nos membres, par exemple, il y a une différence entre ce qui est écrit dans l’accord commercial et la réalité. Ce sont de tout petits détails, souvent mineurs. Par exemple, il y a le problème de la modification génétique des produits et ce que l’Union européenne décide d’accepter ou non.

Pour ce qui est de la situation au Canada, il faut absolument que les agriculteurs et les transformateurs de produits alimentaires soient en mesure d’acheminer leurs produits aux consommateurs, et qu’ils puissent compter sur des transports ferroviaires fiables. Or, le manque de fiabilité des services ferroviaires au Canada est un problème récurrent, qui a un impact considérable sur les agriculteurs et les transformateurs de produits alimentaires du Canada.

Le sénateur Doyle : Merci.

Le sénateur Mercer : La question du sénateur Doyle et votre réponse m’amènent à vous poser cetyte question. Nous parlons constamment de modernisation. Dans notre comité, nous parlons constamment des 9,7 milliards d’habitants de la planète qu’il va falloir nourrir, mais comment allons-nous arriver à le faire sans OGM? Vous avez dit tout à l’heure que les pays de l’Union européenne étaient opposés aux OGM, mais ils n’ont pas d’autre solution à proposer pour nourrir les 9,7 milliards d’habitants de la planète. Il va pourtant bien falloir trouver rapidement une réponse à ce problème, car ces gens sont là et ils ont faim.

Nous parlons constamment de modernisation. Chaque fois que j’entends ce mot, je pense à innovation. Les OGM devraient être considérés comme une innovation. Comment faire? Les OGM sont-ils là pour durer, ou ne sont-ils qu’un obstacle qu’il va falloir surmonter en mettant au point une autre technologie?

Mme Ventin : Je pense que les OGM sont la solution de l’avenir. Il n’y a aucune raison, d’ordre sanitaire ou sécuritaire, qui nous empêche de modifier génétiquement un produit. Les produits génétiquement modifiés permettent d’augmenter le rendement. Ils requièrent moins de pesticides, moins d’eau, et cetera. C’est une technologie importante.

Il y a beaucoup d’autres nouvelles technologies émergentes qui vont permettre d’augmenter le rendement et qui ne sont pas encore sur le marché. Je pense que la modification génétique est un outil extrêmement important pour les agriculteurs de notre pays.

Le sénateur Mercer : Le sénateur a aussi soulevé le problème du transport. Le Canada est un pays très vaste, mais le monde lui aussi est très vaste. Je suis également membre du Comité des transports, et l’une des questions dont nous discutons régulièrement, c’est la disponibilité des équipements pour acheminer les produits sur les marchés. Le meilleur exemple qui me vienne à l’esprit est celui des légumineuses de la Saskatchewan. Je peux vous dire que c’est très difficile de transporter les légumineuses jusqu’au port de Vancouver et de les charger sur un navire avant de les acheminer sur les marchés asiatiques, et ce, dans un délai suffisamment court pour qu’elles soient encore destinées à la consommation humaine, et pas à la consommation animale.

L’une des solutions pourrait consister à ajouter de la valeur à ce produit en Saskatchewan avant de l’expédier dans un format différent, de sorte qu’il ne se détériore pas sur le quai de Vancouver en attendant le bateau. Cela aurait du sens. L’agriculteur produit les légumineuses et quelqu’un d’autre leur ajoute de la valeur. L’essentiel, c’est de garder ces emplois rémunérateurs au Canada et d’expédier un produit de bonne qualité à nos clients étrangers.

Ma question est la suivante : le transport est-il le seul gros problème?

Mme Ventin : Il y a pas mal de problèmes. Pour revenir sur ce que vous disiez tout à l’heure au sujet de la valeur ajoutée, il serait tout à fait logique que les usines de valeur ajoutée soient installées juste à côté des terres où les agriculteurs cultivent leurs produits. Dans l’est, par exemple, les usines de transformation des pommes de terre sont installées juste à côté des terres des agriculteurs qui cultivent ces merveilleux produits que nous aimons tant.

Pour en revenir à la question du transport, je dirai que l’acheminement des produits au port d’exportation n’est pas le seul problème, il y a aussi celui de les transporter à l’intérieur même du Canada. Nos membres ont besoin d’acheminer leurs produits jusque sur les étagères des épiceries et dans les restaurants, et si nous n’approvisionnons pas ces clients de façon régulière et prévisible, cela a des effets en cascade.

Pour relever tous ces défis, nous avons besoin d’une réglementation modernisée et d’un contexte national qui encourage l’innovation et la croissance. Il faut trouver des solutions aux enjeux de la compétitivité, car si nous fabriquons un produit, c’est bien pour le vendre et l’acheminer au client. Je vous répondrai donc en disant que vous avez raison de penser que les transports sont un maillon crucial de toute la chaîne.

Le sénateur Mercer : Merci.

Mme Citeau : J’aimerais dire quelques mots au sujet de votre question sur les OGM, si vous me le permettez. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous estimons que les accords de libre-échange doivent être assortis d’engagements à mettre en place des processus décisionnels rapides, transparents et prévisibles. Nos producteurs utilisent une nouvelle technologie, et les décisions doivent être fondées sur des données scientifiques, intégrées aux accords de libre-échange et acceptées par les pays étrangers.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux invités. Madame Ventin, j’aurai quatre questions à vous poser rapidement, et une pour vous, madame Citeau.

Madame Ventin, avez-vous des problèmes à trouver de la main-d’œuvre? Quelle proportion de la main-d’œuvre est spécialisée? Et y a-t-il suffisamment de programmes de formation dans les institutions d’enseignement? Qu’est-ce qui pourrait inciter les jeunes à s’intéresser aux emplois de votre industrie? Enfin, quel est l’écart des salaires et des avantages pour un travailleur au Canada par rapport aux États-Unis?

[Traduction]

Mme Ventin : Des problèmes de main-d’œuvre, nous en avons assurément partout, dans le secteur de la transformation alimentaire aussi bien que dans la production agricole. Nos membres ont du mal à recruter des travailleurs. Que ce soit dans les usines de transformation de la viande ou même dans les usines de transformation des légumes, il leur faut avoir suffisamment de main-d’œuvre, car ils ont un délai de trois heures pour cueillir, laver et congeler les petits pois, sinon, ils sont perdus. Il faut donc qu’ils aient suffisamment de main-d’œuvre, et c’est un vrai défi. C’est difficile de trouver des gens prêts à travailler quand il le faut.

Dans ce secteur, il y a des emplois qualifiés et des emplois non qualifiés. J’ai visité un grand nombre d’installations de transformation d’aliments, et j’ai constaté que les gens qui les dirigeaient avaient généralement trois types de diplômes : génie, inspection des aliments, et cetera. Il y a donc pas mal d’emplois qualifiés.

Par ailleurs, un grand nombre de ces usines sont maintenant automatisées et fonctionnent avec des robots, de sorte qu’il serait très difficile pour quelqu’un comme moi, avec ma formation, d’y trouver un emploi.

Cependant, il y a aussi des emplois non qualifiés.

La question de la relève est certainement très intéressante, et je dois vous dire que nous avons du mal à attirer du sang neuf. La plupart des Canadiens, jeunes et vieux, s’imaginent que le secteur de la transformation alimentaire fonctionne encore sur le modèle de fabrication des années 1950 — avec des usines sombres et lugubres —, mais au contraire, c’est une industrie très moderne. C’est de plus en plus important parce que nous avons tous besoin de nous nourrir. En revanche, il est très difficile d’attirer des Canadiens vers ces professions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma dernière question concerne la différence de salaire entre un emploi situé au Canada et le même emploi aux États-Unis.

[Traduction]

Mme Ventin : Je n’ai pas vu de chiffres là-dessus. Si vous voulez savoir quel est le salaire de ceux qui travaillent dans les usines de fabrication au Canada en comparaison du salaire des mêmes travailleurs aux États-Unis, vous devriez poser la question aux Manufacturiers et Exportateurs du Canada, qui vont bientôt témoigner. Je n’ai pas vu de chiffres là-dessus, mais c’est une question intéressante.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’ai une dernière question à poser à Mme Citeau. Les accords commerciaux, si l’on réussit à s’entendre avec l’ALENA — pas seulement en principe, mais avec un accord solide —, permettront d’ouvrir les portes à l’exportation de nos produits. Pouvez-vous nommer les trois principaux désavantages réglementaires qui persistent ou qui vont persister avec ces accords commerciaux et que nous pourrions cibler dans le cadre de notre travail pour formuler des recommandations claires dans le rapport que nous allons préparer?

Mme Citeau : En ce qui concerne l’ALENA?

Le sénateur Dagenais : On pourrait parler de l’ALENA, de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) ou de l’Union européenne. J’imagine qu’il y a des désavantages ou des choses que l’on pourrait corriger et, à ce moment-là, cela pourrait nous permettre de les préciser dans notre rapport en indiquant au gouvernement les désavantages ou les choses à améliorer dans les prochains accords qui seront conclus.

Mme Citeau : En ce qui concerne le PTPGP, la demande de nos membres, c’est de veiller à ce que le Canada fasse partie de l’entente dès sa mise en œuvre. Donc, qu’il fasse partie des six premiers pays à mettre l’entente en œuvre au moment de la ratification. Pourquoi? Car il y a d’autres pays qui ont des accords avec le Japon et l’Australie, en particulier. L’Europe a conclu un accord avec le Japon qui sera mis en œuvre en 2019.

Si vous regardez la situation, le Japon est notre troisième marché à l’exportation et un marché à haute valeur. Nos concurrents, le Mexique et l’Australie, y ont déjà accès et, à cause de cela, nos fermiers et nos transformateurs sont à la traîne. Les autres pays et nos concurrents à Melbourne, par exemple, y ont un meilleur accès que nos fermiers et transformateurs. Pourquoi? L’accord de libre-échange, dès sa mise en œuvre, va permettre de corriger cela. Par contre, plus on attend, plus nos fermiers et transformateurs seront désavantagés par rapport à leurs concurrents. Il est vraiment important que le Canada fasse partie de la première tranche de pays à mettre l’entente en œuvre, sinon nous continuerons à perdre du terrain.

En ce qui a trait au deuxième point concernant l’ALENA, il est vraiment important de s’assurer qu’on arrive à une nouvelle entente, préférablement modernisée et améliorée. Étant donné l’intégration des marchés agroalimentaires en Amérique du Nord, si l’ALENA arrivait à sa fin et qu’on enlevait un des pays de l’équation, il pourrait y avoir un effet domino. Quelles seraient les implications? On ne les connaît pas aujourd’hui, mais elles seraient dévastatrices pour nos fermiers et transformateurs qui ont des systèmes intégrés en Amérique du Nord.

Quant à l’Accord économique et commercial global (AECG), aujourd’hui, c’est une entente dont on parle beaucoup qui apporte des possibilités immenses, mais, malheureusement, près de la moitié de nos membres ne peuvent pas en profiter, car il reste des barrières non tarifaires à régler. Il est vraiment important que le Canada travaille fort avec l’Europe pour que celle-ci réponde aux promesses qui ont été faites noir sur blanc dans l’entente que nous avons soutenue depuis le début, mais qui ne se produisent pas dans la réalité.

Le sénateur Dagenais : Cela veut dire que, même si l’on signe des ententes, les pays ne les respectent pas toujours. C’est écrit noir sur blanc, mais nous avons de la difficulté à les mettre en application.

Mme Citeau : Tout à fait.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Je vous remercie de vos exposés.

Quand Dominic Barton et son groupe affirment que le Canada pourrait devenir une superpuissance de l’agroalimentaire, comme vous le dites dans votre exposé, j’ai l’impression qu’ils sont surpris que ce ne soit pas déjà le cas. Je crois qu’ils laissent entendre que c’est l’ambition que nous devrions avoir et que nous devrions faire beaucoup d’efforts et mobiliser toutes nos ressources dans ce sens. Dans le rapport, ils se demandent, compte tenu de l’abondance de nos ressources, notamment nos ressources agricoles, c’est-à-dire les terres, l’eau et les récoltes, pourquoi nous ne sommes pas déjà une superpuissance de l’agroalimentaire. Est-ce que vous partagez mon interprétation de ce rapport?

Pour moi, la question sous-jacente est la suivante : pourquoi ne sommes-nous pas déjà une superpuissance agroalimentaire?

Je veux concentrer mes questions sur la première étape de la mise au point de produits alimentaires à valeur ajoutée, c’est-à-dire la R-D et l’innovation. En examinant la liste des membres de PACC, je vois beaucoup de noms que je connais, comme nous tous. Plusieurs sont des noms d’entreprises étrangères ayant des filiales au Canada. Pas tous, bien sûr.

J’aimerais savoir si vos membres font beaucoup d’innovation au Canada, à part assembler ici des produits fabriqués ailleurs ou fabriquer et conditionner ici des produits conçus ailleurs?

Mme Ventin : Nous avons parmi nos membres des petites et des grandes entreprises, des sociétés multinationales et des sociétés à propriété canadienne qui approvisionnent nos épiceries et nos restaurants avec des produits de nombreuses marques différentes. Nous avons aussi des sociétés multinationales qui ont des unités de fabrication au Canada.

En ce qui concerne l’intensité de l’innovation et de la R-D pratiquées au Canada, cela varie d’une entreprise à l’autre. Ça dépend de nombreux facteurs. On fait beaucoup d’innovation au Canada, mais je pense qu’il faudrait en faire plus.

Je crois que le rapport de KPMG de 2014 qui portait sur un large éventail d’entreprises est vraiment intéressant. Au lieu de se pencher spécifiquement sur nos entreprises membres, les auteurs se sont penchés sur tout le secteur de l’industrie de la transformation alimentaire. On pourrait faire encore beaucoup plus pour adopter et intégrer la technologie dans nos unités de fabrication.

Le sénateur Woo : Cela m’amène à ma question suivante. Je voudrais vous demander à toutes les deux de me donner une idée des capacités d’innovation et de recherche de valeur ajoutée dans la transformation alimentaire au Canada. Je ne veux pas parler seulement de l’innovation de produits, mais aussi de la technologie de transformation, de l’utilisation des mégadonnées, de la technologie de conditionnement, du contrôle et de l’assurance de la qualité, bref, de toute la chaîne de valeur. Quels sont nos secteurs les plus forts en recherche et développement et en innovation? Vous avez fait allusion à une supergrappe dans l’agroalimentaire. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Sur quels secteurs devrions-nous parier, si nous étions joueurs?

Mme Ventin : Il y a en tout cinq supergrappes. Il y en a une dans la fabrication avancée, qui offre beaucoup de potentiel à nos entreprises membres et à notre industrie.

Il y en a une autre dans le secteur des protéines et je crois qu’elle est basée en Saskatchewan.

Il vaut la peine de préciser que beaucoup de ces supergrappes s’intéressent à tout l’agroalimentaire de manière générale. Je crois que c’est précisément l’objectif visé, c’est-à-dire d’être intégré dans de nombreux aspects et de nombreux secteurs.

Je pense que c’est la nature même des supergrappes; je connais particulièrement celle de la fabrication avancée dont l’objectif est d’encourager les fabricants à réunir les meilleures personnes, y compris des universitaires et des chercheurs, afin de les faire collaborer. Je sais qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada œuvre aussi dans le même sens.

Il est intéressant que vous parliez de la recherche qui se fait actuellement au Canada. Je crois qu’on a pris conscience qu’il y a un manque de collaboration. On fait beaucoup de recherches intéressantes en technologie, mais cela se fait à l’écart des entreprises de fabrication et de l’industrie elle-même. Je pense qu’on essaie maintenant de jeter des ponts entre les différents secteurs pour faire en sorte qu’ils se parlent afin de faire plus d’innovation. Je parle d’innovation de produits, pour concevoir de nouveaux produits qui plairont aux consommateurs, et d’innovation de procédés en faisant appel à l’automatisation et à la robotique pour fabriquer les produits de manière plus écologique, plus intelligente, plus efficiente et, en fin de compte, plus productive.

Le sénateur Woo : J’ai l’impression que le fossé que vous venez d’identifier est celui qui sépare souvent la recherche de la commercialisation, autrement dit la recherche fondamentale n’est pas appliquée par le secteur de la commercialisation.

Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Citeau?

Mme Citeau : Simplement revenir sur une question précédente.

Le Canada est aujourd’hui le cinquième exportateur mondial de produits agroalimentaires, mais nous avons déjà été le troisième. Nous nous plaçons aujourd’hui derrière les États-Unis, le Brésil et l’Europe, mais jadis nous occupions le troisième rang.

Le sénateur R. Black : Où nous situons-nous aujourd’hui?

Mme Citeau : Au cinquième rang. Voilà pourquoi nous avons besoin d’avoir un accès compétitif aux marchés que convoitent également nos concurrents. Je pense qu’il est important pour nous de passer des accords de libre-échange avec les grands marchés du monde et de surveiller aussi ce que font nos concurrents afin d’arriver sur ces marchés les premiers ou, au moins, d’être sur un pied d’égalité.

La sénatrice Oh : J’ai deux questions pour vous. Parlons d’abord des produits à valeur ajoutée dans chaque marché. La clé du succès est d’identifier les produits qui sont le plus en demande sur chaque marché. Ça peut être n’importe quelle innovation du point de vue de l’emballage, du marketing ou de l’adaptation aux cultures locales, aux ethnicités ou même aux traditions religieuses. Le Canada est une nation multiculturelle avec des gens de nombreuses origines ethniques ou religieuses différentes. Comment vos membres répondent-ils à ce genre de demandes?

Deuxièmement, comment votre organisation aide-t-elle ses membres à identifier les différents créneaux commerciaux et à en profiter?

Mme Ventin : Oui, le Canada est très multiculturel, et il y a des Canadiens qui s’intéressent à toutes sortes de produits différents. Pour réussir dans le secteur alimentaire, il faut bien connaître les consommateurs et surtout comprendre que leurs besoins changent. Les consommateurs d’aujourd’hui veulent des produits différents de ceux d’il y a 20 ou 40 ans, ou ils sont peut-être d’origine différente et demandent donc des produits différents.

Les consommateurs sont également plus sensibles au conditionnement des produits. Certains achètent en fonction de l’emballage. Par exemple, ils ne veulent pas de petites quantités dans des grandes boîtes, et ils veulent que l’emballage soit recyclable et même compostable, si possible.

Lorsqu’ils choisissent un produit, ils tiennent compte aussi des antécédents de l’entreprise en matière de durabilité environnementale et de recyclage. Ils savent peut-être que c’est une très bonne entreprise écocitoyenne, qu’elle tient ses engagements en matière de recyclage et de durabilité, et ils peuvent décider d’acheter ses produits sur cette base-là, y compris sur son bilan à l’échelle internationale.

Comment identifier les produits répondant à ces critères? Je pense que c’est le genre de question que se posent chaque jour les fabricants de produits alimentaires. Quand vous dites qu’il faut connaître les consommateurs, je dois dire qu’un des grands avantages du Canada au niveau international est la réputation de la marque Canada. Nous avons la réputation de fabriquer des produits de grande qualité. Lorsque les gens pensent au Canada, ils pensent à une eau très pure, ils pensent à un vaste territoire vierge, et tout cela contribue à la réputation de nos produits.

Mme Citeau : Ce que souhaitent nos membres quand ils pensent à des accords de libre-échange, c’est non seulement pouvoir diversifier leurs marchés et obtenir plus de valeur pour leurs produits, mais aussi trouver des marchés pour des produits qu’ils ne pourraient normalement pas vendre ici ou aux États-Unis. En Asie, par exemple, nos producteurs de viande peuvent vendre des morceaux qu’ils ne pourraient pas vendre en Amérique du Nord ou en Europe.

Le sénateur R. Black : Dans le même ordre d’idées, et considérant que les consommateurs font de plus en plus leurs choix en fonction de critères éthiques, environnementaux et sanitaires, pourriez-vous nous donner des exemples précis d’innovations destinées à répondre à ce genre de nouvelle demande?

Mme Ventin : En ce qui a trait à l’innovation, on peut penser à l’emballage des produits. Beaucoup de nos membres utilisent aujourd’hui des emballages beaucoup plus petits et compostables. Pour le café, par exemple, les capsules d’aujourd’hui sont totalement compostables, ce qui est une énorme innovation. Les Canadiens sont très sensibles à ce genre d’innovation et ils en tiennent compte quand ils font leurs achats.

Pour ce qui est d’autres types d’innovations, je dirais qu’on a déjà fait pas mal de choses du point de vue de la durabilité environnementale.

Mme Citeau : Il faudrait que je demande à mes membres.

Le sénateur R. Black : Mais ce travail se fait-il?

Mme Citeau : Absolument.

La sénatrice Gagné : Je vous prie de m’excuser, je n’étais pas présente pendant votre exposé. Je reviens sur la question du sénateur Woo concernant l’existence d’un fossé. Vous avez dit qu’il y a un fossé entre la recherche et la commercialisation des produits? Que faudrait-il faire pour le combler?

Mme Ventin : Oui, je suis convaincue que ce fossé existe. Comment le combler? Je crois que le gouvernement s’est déjà attaqué au problème. Les supergrappes sont une bonne méthode pour réunir les bonnes personnes. Comme je l’ai dit, on fait déjà de l’innovation technologique, mais l’essentiel, c’est d’établir un lien entre toutes les parties. C’est ça qui est vraiment intéressant.

Nous avons la capacité voulue au Canada et nous le faisons déjà dans certains domaines. Nous produisons la technologie qu’emploient les unités de fabrication. Par contre, dans la transformation alimentaire, nous importons la majeure partie de l’équipement dont nous avons besoin. Ne pourrions-nous pas fabriquer cet équipement au lieu de l’importer, essentiellement d’Europe? Quand on importe l’équipement, on doit aussi se procurer l’expertise technique. Il ne suffit pas d’acheter l’équipement, il faut l’intégrer aux opérations existantes et, pour cela, on a besoin d’ingénieurs, sans compter qu’il y a des questions sanitaires à prendre en considération.

Comment peut-on combler ce fossé? Je sais qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada œuvre dans ce domaine pour essayer de créer les liens voulus. Je pense aussi que les supergrappes sont positives. La table de concertation du gouvernement sur la Stratégie économique agroalimentaire essaie de voir comment assurer la croissance de l’industrie agroalimentaire à l’échelle globale, en faisant venir des gens qui conçoivent des technologies et des innovations. Je crois donc qu’il existe de bonnes initiatives à ce sujet.

Nous sommes un très vaste pays où la transformation alimentaire est très diversifiée. L’industrie laitière est très différente de l’industrie de la viande, et une usine de transformation de la viande est très différente d’une usine de transformation des légumes ou de la pomme de terre. Les besoins sont très différents d’un secteur à l’autre, et on a besoin de types différents de chercheurs, d’équipement et d’expertise.

La sénatrice Gagné : Vous avez dit que nous importons la majeure partie de l’équipement, et j’aimerais savoir si le gouvernement pourrait faire quelque chose pour aider les usines de transformation à se procurer l’équipement au Canada. Fait-on de la recherche au Canada pour être en mesure de concevoir l’équipement requis, afin de le fabriquer ici même?

Mme Ventin : Absolument. Je pense qu’il faut fournir un appui à nos chercheurs. À l’heure actuelle, à Agroalimentaire Canada, la majeure partie de la recherche est consacrée au secteur agricole et aux denrées primaires; je dirai que cela en représente 90 p. 100. Vous avez donc raison de dire que nous devrions mettre plus l’accent sur l’ajout de valeur. Nous devrions donc appuyer l’innovation dès que les denrées ont quitté la ferme.

Le sénateur Mercer : Pour revenir à ma question d’origine, j’ai employé le mot « innovation » pour tous les secteurs. Vous avez mentionné plusieurs fois le recours à la robotique dans la production alimentaire et en agriculture.

Nous continuons d’avoir le même problème dans ce pays, c’est-à-dire que nous voulons être des gars sympas qui respectent les règles, alors que nos concurrents n’hésitent pas, eux, à les enfreindre. Je me plais toujours à dire autour de cette table que l’équipement le plus important dans une ferme américaine est la boîte aux lettres, pour recevoir le chèque du gouvernement, pas des subventions. Qu’ils disent ce qu’ils veulent, ce sont des subventions. Nous n’avons pas cela au Canada, mais si nous voulons devenir une superpuissance de l’agroalimentaire, comme nous le souhaitons tous, nous allons devoir repenser beaucoup des choses que nous faisons actuellement.

Vous avez dit qu’il faut connaître le consommateur, ce qui me fait penser à une conférence qui se tiendra cet automne à Paris, du 21 au 25 octobre, et sera, dit-on, le plus grand salon de l’alimentation au monde. Aurons-nous des représentants là-bas? Aurez-vous des représentants sur place? Votre organisation sera-t-elle présente là-bas ou n’y aura-t-il que certains de vos membres?

Mme Ventin : Certaines de nos entreprises membres y seront, et le gouvernement du Canada aussi, mais, pour ce qui est de notre association, nous ne participons généralement pas à ce genre de chose.

Le sénateur Mercer : Étant donné que nous venons de signer un nouvel accord avec les Européens, il me semble que c’est une occasion qu’il ne faudrait absolument pas manquer. Il y aura là-bas plus de 7 000 entreprises issues de 109 pays différents. Quand on a la chance d’avoir autant de clients potentiels au même endroit, on met son plus beau costume et on y va.

Mme Ventin : Ça semble être une excellente opportunité.

Mme Citeau : Si je comprends bien, vous parlez du SIAL, l’un des plus grands salons de l’alimentation, qui se tiendra à Paris. Il y a aussi l’Anuga. Ce sont deux salons de l’alimentation qui alternent d’une année à l’autre. Certains de nos membres y participent ou y envoient leurs directeurs du marketing pour faire la promotion de leurs produits.

Le sénateur Mercer : Le comité est tout à fait conscient de l’importance de ces salons commerciaux. Il y a environ un an, nous avons assisté à une très grande conférence agricole à Shanghai, et cela nous a permis de constater son importance pour le commerce. Nous y avons aussi constaté la puissance de la marque Canada. Ce fut une expérience vraiment très intéressante.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’aimerais soulever un point pour que vous puissiez en discuter avec vos membres en ce qui a trait à l’emballage de vos produits. Nous sommes dans une société de plus en plus verte. Par exemple, lorsqu’on déballe notre épicerie, il y a des sacs de plastique et des emballages inutiles. Les sacs de papier biodégradables pourraient-ils remplacer les sacs de plastique? Parce que lorsqu’on revient de l’épicerie, on a l’impression d’avoir deux épinettes dans notre sac. Y a-t-il des efforts qui sont déployés ou de nouvelles recherches qui sont menées à cet égard? Je vous rappelle qu’on a beaucoup de bois au Canada. Donc, ce n’est pas un problème de fabriquer du papier. Ce serait une façon d’exploiter autrement nos ressources naturelles.

[Traduction]

Mme Ventin : L’emballage, oui, c’est absolument une priorité.

Avant de répondre à votre question, je reviens sur les règlements dont je parlais tout à l’heure. Santé Canada a adopté certains règlements exigeant que l’on appose plus d’étiquettes sur les produits de consommation. Cela exigera qu’on modifie la taille des emballages. Nous avons donc l’organisme de réglementation qui exige qu’on donne plus d’informations au consommateur, et donc qu’on utilise de plus grands emballages, et un consommateur qui exige des emballages plus petits. C’est vraiment un problème pour nous.

En ce qui concerne le plastique, et spécialement les sacs en plastique, nous avons manifestement là une occasion à saisir, et l’industrie a entamé des pourparlers avec le gouvernement pour essayer de trouver de meilleurs types de plastique, comme du plastique compostable, et elle essaie d’en utiliser moins. Beaucoup de nos entreprises membres ont innové dans ce domaine au niveau international. C’est vraiment une excellente occasion pour le gouvernement et l’industrie de collaborer.

Selon nos informations, lors de la prochaine réunion du G7 en juin, la ministre de l’Environnement pourrait proposer une charte du plastique afin de réduire la quantité de plastique utilisée dans le monde. C’est vraiment une question d’actualité. Nous savons que la Chine vient de pratiquement mettre fin au recyclage du plastique que nous avions l’habitude de lui exporter.

Je m’intéresse toujours à ce qui se fait aux Pays-Bas, où l’on vient d’ouvrir la première épicerie sans plastique. C’est un pays qui fait beaucoup de progrès dans ce sens, et c’est un excellent exemple pour nous parce qu’il investit beaucoup dans l’innovation. On y trouve la plus grande plateforme de R-D au monde, et c’est parce qu’ils ont décidé de faire de l’innovation une priorité.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais vous arrêter ici. Les consommateurs canadiens ont l’impression que vous ne suivez pas la bonne voie. Vous vous en remettez aux fonctionnaires avec vos règlements, et cetera. Je ne veux pas savoir ce qui se passe en Hollande. J’aimerais savoir ce qui se passe dans mon pays, d’abord et avant tout. Vos consommateurs vous reprochent très fortement de ne pas avoir de plan d’intervention à long terme. J’aimerais savoir ce que vous pensez et ce que vos membres feront à moyen et à long terme au sujet des emballages de plastique. C’est ridicule. On achète un steak sur une petite plaque de styromousse emballée dans du plastique. Puis, le boucher vous remet la pièce de viande dans un sac de plastique. J’ai l’impression qu’il y a plus de plastique que de steak. Les consommateurs sont en droit de se poser des questions. Ils ont le droit de savoir ce que vous comptez faire à l’avenir.

[Traduction]

Mme Ventin : Absolument. Comme je l’ai dit, beaucoup d’industries utilisent le plastique, pas seulement l’industrie de l’alimentation. Il y a beaucoup d’intervenants dans la chaîne de valeur qui doivent conditionner leurs produits, pas seulement les transformateurs. Toutefois, je peux vous assurer qu’on a fait beaucoup de progrès au Canada pour réduire l’utilisation du plastique.

C’est, bien sûr, très important du point de vue environnemental. C’est une priorité pour nous, ne serait-ce que parce que c’est ce que réclament les consommateurs. Aujourd’hui, les consommateurs ont de plus en plus de choix en matière d’emballages.

Ce sont des éléments vraiment très importants.

[Français]

Le sénateur Maltais : Pour conclure, je vais vous donner un exemple très simple. Lorsque le bœuf arrive de l’abattoir, il n’est pas emballé dans du plastique. Il n’a que sa peau. On devrait l’amener sur la table avec le moins d’entraves possible pour ce qui est de l’emballage.

[Traduction]

La présidente : J’ai deux questions. Pour la première, je vais revenir sur la pénurie de main-d’œuvre. Le programme des travailleurs étrangers temporaires avait été envisagé comme une solution de dépannage et, s’il y a aujourd’hui beaucoup de travailleurs étrangers au Canada, il semble qu’il soit de plus en plus difficile d’obtenir l’autorisation d’en faire venir. Qu’en pensez-vous?

Mme Ventin : Oui, c’est aussi notre impression. Il est également très difficile de trouver de la main-d’œuvre pour les usines de transformation alimentaire et pour les exploitations agricoles elles-mêmes. C’est un énorme défi. C’est aussi en grande mesure un problème régional, que ce soit pour la transformation du poisson ou pour la transformation de la viande.

La présidente : Je voudrais aussi revenir sur une expression que vous avez employée en disant que ce n’est pas un problème de capacité, mais plutôt d’accès concurrentiel. En fait, cela a un impact sur la capacité parce qu’il y a aussi une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur du transport, comme vous l’avez reconnu. C’était juste une remarque que je voulais faire, pas une question.

Vous avez parlé d’équipements et d’innovation. Il me semble que nous avons un grave déficit d’innovation dans les équipements, dans toute la chaîne de transformation des aliments, et que nous sommes largement dépassés par bien d’autres pays, comme le Danemark. Que fait-on au Danemark dans ce domaine?

Mme Ventin : En ce qui concerne le Danemark en particulier, je ne sais pas, mais je sais que les pays européens en général excellent dans la fabrication de ce genre d’équipement. En outre, comme je l’ai dit, l’Europe n’innove pas seulement dans le secteur de l’alimentation, mais dans tous les secteurs. Il se fait beaucoup de bonnes choses là-bas.

La présidente : Merci. Vous avez pu voir que nous avions beaucoup de questions à vous poser et nous vous remercions beaucoup d’avoir participé à nos travaux. Nous sommes vraiment très heureux de vous avoir accueillies devant le comité.

Nous allons maintenant passer au deuxième groupe de témoins. Du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, nous accueillons Mme Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale, et M. Dimitri Fraeys, vice-président, Innovation et Affaires économiques. Nous accueillons aussi M. Mathew Wilson, vice-président, Politiques et relations gouvernementales, Manufacturiers et Exportateurs du Canada.

Je vous remercie tous d’avoir accepté notre invitation à témoigner devant le comité.

Je crois comprendre que c’est M. Wilson qui va commencer. Je vous donne la parole, Monsieur Wilson.

Mathew Wilson, vice-président, Politiques et relations gouvernementales, Manufacturiers et Exportateurs du Canada : Merci, madame la présidente. Je m’exprime au nom des 90 000 manufacturiers et exportateurs du Canada. Notre association regroupe 2 500 membres directs, et je suis ici pour discuter de la manière dont nous pourrions rendre notre secteur de la transformation alimentaire plus compétitif sur les marchés mondiaux.

L’industrie manufacturière contribue de manière cruciale à la production de richesse et à la hausse du niveau de vie de chaque Canadien. Elle représente 11 p. 100 de toute la production économique du Canada et emploie directement plus de 1,7 million de personnes, dans des emplois très rémunérateurs.

La transformation alimentaire avec ajout de valeur est l’un des sous- secteurs manufacturiers les plus gros et les plus importants du Canada, avec une production totale record de 103 milliards de dollars en 2017. Ce sous-secteur représente 15 p. 100 de toute l’activité manufacturière du pays et emploie plus de 227 000 Canadiens. Le sous-secteur de la transformation alimentaire avec ajout de valeur n’est pas seulement une filière économique importante pour le Canada, c’est aussi, croyons-nous, une filière dotée d’un énorme potentiel encore inexploité.

J’ai été appelé en 2016 à consulter environ 1 200 cadres d’entreprises manufacturières sur l’avenir du secteur et ses possibilités de croissance. Cette initiative, intitulée Industrie 2030, avait pour objectif de doubler la production manufacturière et les exportations à valeur ajoutée d’ici à 2030.

Pour atteindre cet objectif, nous avons examiné un large éventail de facteurs susceptibles d’avoir un impact sur l’investissement, la R-D, la croissance et l’expansion des entreprises manufacturières du pays. Nous nous sommes également penchés sur diverses branches spécialisées dont nous pourrions exploiter le potentiel pour atteindre cet objectif. Parmi toutes ces branches, la transformation alimentaire s’est avérée être celle qui offre le plus de potentiel.

La raison en est simple. Depuis des générations, le Canada est une puissance mondiale de l’agroalimentaire. Nous avons d’abord commencé par être un fournisseur de poisson et d’autres ressources naturelles, puis nous sommes devenus le grenier à grains de l’empire. Nous sommes même devenus ensuite l’un des plus gros fournisseurs d’alcool des États-Unis à l’époque de la prohibition. Aujourd’hui, des entreprises canadiennes ont créé des marques alimentaires mondiales et fournissent au monde entier aussi bien des frites que des produits de la viande ou des légumineuses.

Nous pourrions cependant faire encore beaucoup plus. Nous croyons que le Canada n’a encore fait que gratter la surface de ce qui est possible, et ce, pour deux grandes raisons. La première est que le secteur a toujours sous-investi en technologie et en productivité et qu’il pourrait améliorer considérablement cette dernière s’il augmentait ses investissements. La transformation alimentaire est aujourd’hui l’un des sous-secteurs manufacturiers qui connaissent la plus forte croissance. Au cours des cinq dernières années, la transformation alimentaire avec ajout de valeur a enregistré une croissance de 21 p. 100, soit près du double que celle du secteur dans son ensemble. Or, cette croissance est intervenue alors que les dépenses de ce sous-secteur dans la machinerie et dans l’équipement sont en déclin depuis le pic de 2014, comme dans le reste du secteur manufacturier. Il est crucial de renverser ce déclin si nous voulons que la croissance continue.

En outre, le sous-secteur fonctionne aujourd’hui à pleine capacité et n’a guère de possibilités de croissance. Dans le secteur manufacturier, on considère que l’usine fonctionne à pleine capacité quand elle fonctionne à environ 80 p. 100, le reste du temps étant consacré aux réparations, à la maintenance et aux changements de produits. Aujourd’hui, le sous-secteur de la transformation alimentaire avec ajout de valeur fonctionne à plus de 88 p. 100 de sa capacité, ce qui limite et restreint directement ses possibilités de croissance. Bref, sans nouveaux investissements et sans accroissement des capacités, il n’y a aucun potentiel de croissance, ce qui entrave aussi le potentiel de croissance de l’économie canadienne.

La deuxième raison concerne davantage le caractère national de l’activité et les possibilités d’expansion à l’international. À la différence des autres branches de l’industrie manufacturière, les entreprises de transformation alimentaire ont tendance à produire et à vendre pour le marché intérieur, alors qu’il existe de bien plus gros marchés à l’étranger où le Canada pourrait avoir du succès. Bien que la valeur de nos exportations alimentaires à valeur ajoutée ait quasiment doublé au cours de la dernière décennie, il y a encore de la marge. À titre de comparaison, le secteur canadien de l’automobile représente environ 15 p. 100 de la production manufacturière et 22 p. 100 de toutes les exportations à valeur ajoutée. L’agroalimentaire, quant à lui, représente également 15 p. 100 de la production, mais seulement 9 p. 100 des exportations à valeur ajoutée. Donc, l’agroalimentaire a une taille et une surface à peu près équivalentes à celles de l’automobile, mais il exporte moins de 40 p. 100 du total.

Au niveau international, le Canada a la réputation d’être une source de produits alimentaires salubres et de grande qualité, ce dont nous devrions tirer parti pour augmenter nos ventes à l’étranger et assurer l’expansion de l’industrie chez nous. Cela est d’autant plus vrai que l’on constate actuellement sur les marchés émergents une croissance rapide des classes moyennes qui cherchent exactement les produits que les entreprises canadiennes pourraient leur offrir.

Ces deux défis peuvent se traduire par d’importants débouchés pour le Canada et notre secteur de la transformation des aliments. Cependant, pour en tirer parti, il faut que le gouvernement agisse et appuie cette croissance. Le gouvernement devrait, selon nous, porter son attention sur trois domaines fondamentaux.

Premièrement, nous devrions créer le contexte commercial compétitif qui permettra de réduire les coûts d’exploitation et encouragera la croissance et la production grâce à une réforme fiscale et réglementaire, dans le but d’harmoniser nos efforts et nos actions avec ceux de nations comparables.

Deuxièmement, nous devrions mettre en place des programmes de soutien aux investissements compétitifs à l’échelle mondiale, afin d’aider les entreprises en matière d’expansion planifiée, d’adoption de technologie ainsi que d’innovation et de commercialisation de produits, notamment en élargissant le programme de déduction pour amortissement accéléré dans le but de soutenir les investissements.

Troisièmement, nous devons soutenir l’expansion internationale en créant, à l’intention des PME, un programme de préparation à l’exportation qui proposerait la mise en place d’un service de guide-expert en exportation contrôlé par le secteur privé, afin d’établir un lien entre les PME et les services gouvernementaux; l’adoption d’un crédit d’impôt à l’exportation pour les entreprises qui contribuent activement à l’accroissement des exportations; l’élaboration d’une campagne de promotion des produits fabriqués au Canada qui serait déployée à l’échelle nationale et sur les marchés internationaux; et une attention particulière accordée aux exportations agroalimentaires dans les accords de libre-échange et les programmes de soutien connexes.

De tels appuis politiques sont indispensables pour encourager la croissance du secteur canadien de la fabrication de produits alimentaires et pour respecter notre objectif Industrie 2030 qui consiste à doubler la production manufacturière, mais nous croyons que nous pouvons et devrions obtenir de meilleurs résultats. De manière plus stratégique, nous estimons que le Canada a le potentiel de devenir une superpuissance dans la fabrication de produits alimentaires en s’appuyant sur l’innovation au pays pour être en mesure d’offrir à ses clients du monde entier des produits de calibre mondial. Nous disposons de ressources et de capacités dont presque tous les autres pays ne peuvent que rêver. Nous devrions viser cet objectif et nous espérons que le travail de votre comité contribuera à nous mener dans cette direction.

Je vous remercie et je me tiens prêt pour la discussion.

[Français]

Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale, Conseil de la transformation alimentaire du Québec : Merci, honorables sénateurs, de m’avoir invitée. Le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) est le principal regroupement d’entreprises de transformation alimentaire au Québec et compte plus de 500 membres.

L’industrie de la transformation des aliments et des boissons est la première industrie manufacturière au Canada en termes de PIB et de valeur de production avec des livraisons de 112,4 milliards de dollars en 2016, ce qui représente 18 p. 100 du total des livraisons manufacturières et 2 p. 100 du PIB national. L’industrie investit environ 2 milliards de dollars par année en immobilisations au Canada, dont environ 80 p. 100 sont investis dans les équipements et la machinerie. Au Québec, les investissements sont en décroissance et se situent à 382 millions de dollars.

Les 6 900 entreprises de l’industrie au Canada représentent l’employeur manufacturier le plus important et fournissent des emplois directs à plus de 257 000 Canadiens. D’ailleurs, elles emploient plus de Canadiens que les industries de l’automobile et de l’aérospatiale réunies. L’industrie alimentaire fournit environ 70 p. 100 de tous les aliments et boissons transformés au Canada, et est le plus important acheteur de denrées alimentaires. Les exportations de produits alimentaires transformés vers 192 pays continuent d’augmenter et représentaient 33,5 milliards de dollars en 2016.

Selon le rapport Barton, le Canada devra exporter pour 75 milliards de dollars en 2025. C’est seulement par la création de la valeur des produits agricoles que le Canada pourra y arriver. La marque Canada est un atout majeur pour exporter. Encore faudrait-il pouvoir l’utiliser ici au Canada. En effet, pour être en mesure d’utiliser l’allégation « produit du Canada », il faut que 98 p. 100 des ingrédients proviennent du Canada, ce qui limite grandement l’utilisation de la marque et l’identification des produits à l’exportation. L’industrie recommande que le seuil soit abaissé à 85 p. 100.

Au Québec, on parle de livraisons de plus de 28 milliards de dollars. Le secteur de la transformation alimentaire est aussi le premier employeur du secteur manufacturier et représente près de 66 000 emplois directs dans 1 600 entreprises qui se retrouvent dans plus de 1 800 établissements, et ce, sur l’ensemble du territoire québécois.

L’intervention des transformateurs alimentaires ajoute de la valeur aux aliments et aux boissons, et permet à tous les Canadiens de consommer des aliments diversifiés toute l’année. Notre industrie est un maillon essentiel entre l’agriculture et la distribution d’aliments et de boissons. En effet, 70 p. 100 de la production agricole au Québec et en Ontario est transformée par l’industrie, ce qui représente le principal débouché pour ce secteur.

La croissance de l’industrie agroalimentaire passe par le développement des marchés. Au Canada, le marché domestique offre un potentiel de croissance intéressant, mais limité. La stratégie de croissance s’articule donc autour des exportations agroalimentaires de produits à valeur ajoutée, ce qui devrait amener des bénéfices pour toute la chaîne agroalimentaire. Le terme « valeur ajoutée » peut être décrit de deux façons. D’abord, il s’agit du rendement total du capital et de la main-d’œuvre qui correspond à la différence entre la valeur d’un bien à la fin et au début du processus de production ou de transformation, qui tient compte des matières premières ou des services acquis et consommés pour le produire ou le transformer. La valeur ajoutée crée de l’activité économique à chacune des étapes de la transformation d’un bien, elle contribue au PIB et elle constitue ainsi une mesure de l’état de santé ou de l’importance de l’industrie ou d’un secteur.

La valeur ajoutée peut se définir également comme l’augmentation, l’amélioration ou la transformation d’un produit en vue de le rendre plus attrayant pour le consommateur ou de le faire remonter dans la chaîne de valeur. En ajoutant de la valeur à un produit alimentaire pour mieux répondre aux tendances ou aux besoins des consommateurs, le transformateur gagne un avantage sur ses concurrents et peut accroître sa part du marché ou accéder au marché plus facilement.

Le commerce des commodités et des marchandises en vrac occupe depuis toujours une place importante dans l’économie canadienne. Lorsqu’une denrée est vendue en gros avec une moins grande valeur ajoutée, le prix devient le principal facteur déterminant; le Canada est alors à la merci des nouveaux venus peu coûteux sur le marché mondial.

L’augmentation des produits à valeur ajoutée est très avantageuse pour l’économie canadienne et l’ensemble des collectivités, car elle favorise la création d’emplois et l’augmentation de l’activité économique; la promotion d’une culture de recherche et d’innovation; la diminution de la dépendance à l’égard du prix mondial des denrées; une meilleure reconnaissance de la marque distinctive des produits canadiens grâce à l’assurance de la qualité résultant d’homologations, de normes de qualité et de systèmes de salubrité, de repérage et de traçabilité.

Je vais maintenant passer la parole à mon collègue.

Dimitri Fraeys, vice-président, Innovation et affaires économiques, Conseil de la transformation alimentaire du Québec : Bonjour. Je vous remercie de nous accueillir parmi vous.

Au Canada, la valeur ajoutée est évaluée à 39 milliards de dollars, tandis qu’elle est évaluée à 11,9 milliards au Québec. Ainsi, les entreprises du Québec qui fabriquent environ 22 p. 100 des livraisons manufacturières au Canada créent 30 p. 100 de la valeur ajoutée au Canada.

Le Canada a la capacité de générer des produits à valeur ajoutée pour répondre à la demande des consommateurs du monde entier, tout en demeurant concurrentiel sur le marché canadien.

Les ententes fédérales-provinciales actuelles, telles que le Cadre stratégique pour l’agriculture de 2018-2023, favorisent la valeur ajoutée en mettant l’accent sur des attributs comme la qualité et la salubrité des aliments ou sur les normes environnementales. L’approche des chaînes de valeur agroalimentaires ou du travail en filière vise à accroître son avantage concurrentiel dans le cadre d’un projet réunissant des producteurs, des transformateurs, des entreprises de services alimentaires, des détaillants, des fournisseurs de service tels des expéditeurs, des groupes de recherche, bref, toute la filière. Une chaîne de valeur est un partenariat stratégique entre des entreprises interdépendantes qui entretiennent des liens de collaboration pour apporter progressivement une valeur ajoutée aux consommateurs finaux, ce qui se traduit par un avantage concurrentiel collectif.

Les efforts d’un secteur axé sur une collaboration en vue de développer et de commercialiser des produits de façon efficace devraient permettre aux entreprises du Canada de répondre aux besoins du marché. L’alignement des activités de production, de transformation et de commercialisation sur les demandes des consommateurs est une recette gagnante pour toute l’industrie alimentaire. Ainsi, la grappe en innovation annoncée tout récemment par le ministre Bains sur les industries des protéines végétales favorisera la création d’une chaîne de valeur qui va permettre d’exporter le savoir-faire canadien et de nourrir le monde.

La valeur ajoutée doit occuper une place prépondérante dans l’avenir de notre système agricole et agroalimentaire. Des programmes qui permettent d’élaborer des plans d’action et des stratégies visant à aider les agriculteurs à remonter dans la chaîne de valeur et à développer des activités de transformation à la ferme doivent être encouragés et soutenus. En outre, le fonds du capital de risque de Financement agricole Canada finance une partie des investissements du capital de risque dans des produits à valeur ajoutée. Ainsi, augmenter les investissements dans la recherche et le développement en agriculture et en alimentation est primordial. Les entreprises doivent innover si elles veulent se démarquer et exporter davantage, voire survivre. Les investissements en faveur de la productivité, de l’automatisation, de la robotisation et de la modernisation des entreprises vers Entreprise 4.0 vont leur permettre de s’outiller contre la pénurie de main-d’œuvre.

Il faut aussi appuyer les entreprises canadiennes à s’adapter aux changements réglementaires imposés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et Santé Canada. Une étude publiée en juin 2017 estime que l’industrie devra investir 2 milliards de dollars au cours des prochaines années afin de se conformer aux nouvelles règles d’étiquetage qui seront en vigueur d’ici cinq ans.

Le Canada doit aussi continuer d’investir dans le développement des exportations, particulièrement en Europe, en Chine et en Inde. La croissance dans ces marchés, ainsi que les occasions de vente de produits à valeur plus élevée, notamment grâce aux nouvelles ententes telles que l’AECG entre le Canada et l’Union européenne et le PTPGP, continuera de progresser à mesure que ces économies prendront de l’ampleur et deviendront plus riches, car elles pourront acheter davantage de nos produits.

La valeur ajoutée doit s’appuyer sur la promotion de saines habitudes de vie, la qualité, le caractère régional ou d’autres attributs qui répondent à la demande des consommateurs. Elle se manifeste par une plus grande confiance des consommateurs envers les aliments canadiens et par des prix compétitifs pour les produits du pays au-delà de ses frontières. Le Canada est un pays riche en ressources de toutes sortes, qui peut produire des intrants et des produits alimentaires à valeur ajoutée de qualité en grand volume. Néanmoins, pour que ses produits demeurent concurrentiels et accèdent à ces nouveaux marchés, la valeur ajoutée doit occuper une place prépondérante dans l’avenir de notre système agricole et agroalimentaire.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

La présidente : Merci pour vos exposés. Plusieurs sénateurs indiquent déjà qu’ils souhaitent poser des questions. Comme nous sommes assez nombreux dans la salle, nous allons commencer par autoriser chacun d’eux à poser deux questions et, si nous avons suffisamment de temps, nous ferons ensuite un deuxième tour. Je demande aux sénateurs de poser des questions concises et aux témoins de rester brefs dans leurs réponses.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, mesdames et messieurs, pour votre excellent exposé. Je ne sais pas si vous étiez dans la salle il y a environ 30 minutes, lorsque nous avons reçu un autre groupe qui ne tenait pas les mêmes propos. Je trouve que vous êtes beaucoup plus progressistes. Bien sûr, le gouvernement du Canada a des responsabilités envers le secteur agricole et la valeur ajoutée. Je pense qu’il ne s’en tire pas trop mal, mais qu’il est à la limite de ce qui est acceptable avec les autres pays concernant les traités de libre-échange. Avec le temps, on pourra en faire plus. Ce que j’aime, c’est votre attitude positive. Tout à l’heure, on nous a fait un chapelet de demandes extraordinaires, mais on ne nous a pas dit comment on allait régler ça, alors que vous savez où vous vous en allez. Je vous félicite, car il est important de savoir où on va.

J’ai une question très simple. Vous avez dit, monsieur Wilson, que nous avons atteint environ 85 p. 100 de notre capacité de production.

[Traduction]

M. Wilson : Environ 88 p. 100.

[Français]

Le sénateur Maltais : Donc, 88 p. 100. Qu’est-ce qui manque pour qu’on atteigne 95 ou 98 p. 100?

[Traduction]

M. Wilson : Une capacité de production de 88 p. 100, c’est déjà un pourcentage supérieur à la moyenne pour la plupart des industries. À part le secteur de l’automobile dont la capacité atteint environ 105 p. 100, en raison des heures supplémentaires et d’autres façons de procéder, la plupart des secteurs de l’ensemble du pays ont une capacité variant entre 70 et 75 p. 100. Par conséquent, une capacité de 88 p. 100 est assez élevée. En fait, il faudrait abaisser ce pourcentage en ajoutant de plus grandes capacités de production de manière à donner aux entreprises plus de latitude pour s’adapter et une plus grande flexibilité dans leurs collections de produits.

Par conséquent, un pourcentage de 88 p. 100 est très élevé.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Cloutier, je suis un Québécois comme vous, et on entend beaucoup parler de problèmes de main-d’œuvre dans le domaine de l’agriculture. Comment les agriculteurs et les transformateurs peuvent-ils unir leurs efforts pour tenter de régler le problème? Parce qu’il va falloir arriver à une solution à un moment donné. Est-ce que vous avez une solution? En ce qui concerne les producteurs et les transformateurs — les deux manquent de main-d’œuvre spécialisée et non spécialisée —, d’ici cinq ans, qu’est-ce qui va arriver?

Mme Cloutier : La main-d’œuvre est effectivement un dossier prioritaire, le dossier no 1 pour assurer la survie et la compétitivité de notre industrie. Il y a quelques solutions. Vous avez parlé au groupe précédent de la main-d’œuvre étrangère temporaire. C’est un enjeu qui touche davantage le secteur de la transformation alimentaire que de la production. La loi a changé, il y a quelques années, et l’agriculture a été épargnée des changements, mais pas la transformation alimentaire. En période de récolte — souvent l’automne quand les étudiants sont retournés à l’école —, on a un manque de main-d’œuvre déjà en partant, parce que la main-d’œuvre temporaire d’été n’est plus disponible. Nous pourrions à ce moment-là, si nous avions les mêmes exclusions que l’agriculture, utiliser la même main-d’œuvre qui travaille à la récolte et qui pourrait ensuite travailler au niveau manufacturier. C’est une solution qu’on a apportée au gouvernement en ce qui a trait au changement réglementaire.

M. Fraeys : L’autre élément qui est primordial et préoccupant, c’est que les délais pour pouvoir embaucher des travailleurs étrangers temporaires dans les usines n’arrêtent pas de s’allonger. Je comprends qu’en ce moment on est dans le débat des réfugiés à la frontière, mais il demeure quand même qu’aujourd’hui, on est en avril, qu’il va falloir bientôt commencer à semer, et que les entreprises ne savent toujours pas si elles auront les employés nécessaires pour faire marcher les usines. Souvent, on n’a pas nécessairement besoin de nombres astronomiques de travailleurs, mais ça permettrait de faire un deuxième ou un troisième quart. Je vous donne un exemple. L’année dernière, les travailleurs étrangers ont permis à des travailleurs québécois de prendre une fin de semaine de congé après deux semaines de travail ininterrompu. Lorsque vous avez une récolte, vous devez transformer tout de suite, ça ne peut pas attendre, ce n’est pas une chaîne. Quand les petits pois sont récoltés, vous avez trois heures pour les mettre en boîte. C’est ce genre de détails qui est primordial.

Un autre élément que Sylvie a abordé plus tôt, c’est la façon dont les programmes sont gérés sur le plan de l’agriculture et de la transformation. Il y a un mur. Je vous donne un exemple concret. Une entreprise qui transforme des légumes a des travailleurs dans les champs pour récolter et des travailleurs dans l’usine pour emballer. Les mêmes travailleurs ne peuvent pas communiquer entre eux. S’il pleut, les travailleurs dans les champs regarderont la pluie tomber, mais ne pourront pas aller travailler dans les usines. Ce sont de petits détails qui peuvent faire toute une différence.

Le sénateur Maltais : Le sénateur Mercer a parlé plus tôt de la grande exposition de Shanghai. Il y en a une à Paris. Allez-vous y être cette année?

Mme Cloutier : Le CTAQ est toujours présent. Comme vous le savez sans doute, le Québec ou l’Est du Canada a créé un partenariat privilégié avec l’Europe en signant l’entente récemment avec l’Union européenne. Cela favorise un échange de produits extraordinaire, et représente une occasion propice pour exporter nos produits vers les pays d’Europe. Le Québec est très présent au Salon international de l’alimentation (SIAL). Le Canada y aura un très grand kiosque. C’est une occasion unique de mieux connaître les tendances et de savoir où nous pourrons exporter éventuellement. C’est une occasion en or. Il y a également le SIAL de Montréal qui se tiendra en mai. C’est un salon important, mais pas de la même envergure que celui de Paris. Le SIAL à Paris nous permet d’être à l’avant-garde et d’explorer les grands mouvements sur le plan agroalimentaire.

Le sénateur Maltais : Le traité de l’AECG nous donne l’occasion de connaître leurs nouvelles exigences. Ils sont très exigeants envers nos produits d’importation, et vous devez aussi faire connaître vos exigences.

Mme Cloutier : C’est l’occasion de le faire et de former des alliances avec des entreprises étrangères ou des entreprises européennes afin de faciliter l’exportation de produits canadiens qui répondent aux exigences européennes, et vice versa.

Le sénateur Maltais : Il y a quelques semaines, le ministre de l’Agriculture de la Saskatchewan a comparu devant notre comité. Il nous a dit de sortir d’Ottawa et d’aller voir ailleurs. Croyez-vous que notre comité devrait prendre part à cette exposition pour voir ce qui se passe avec les producteurs et les transformateurs?

Mme Cloutier : Je vous ai encouragés à le faire, il y a deux ans. Alors, aujourd’hui, je vous encourage de nouveau à y aller. C’est un salon qui permet vraiment d’avoir un aperçu de ce qui se passe à l’échelle de la planète.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Merci d’être venus. Vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait sans doute s’intéresser davantage au secteur manufacturier. Pensez-vous que le gouvernement sera amené à changer bientôt d’attitude, étant donné que vos débouchés commerciaux vont s’élargir considérablement en raison du PTP et de l’accord avec l’Union européenne, entre autres? Dans quels secteurs en particulier le gouvernement pourrait-il vous aider à saisir les opportunités qu’offrent le PTP et l’Union européenne? Pensez-vous en particulier aux mesures qu’il pourrait prendre dès maintenant pour vous aider?

Mme Cloutier : Depuis quelques années, le gouvernement fédéral a changé d’attitude à l’égard de l’industrie alimentaire. Depuis le rapport Barton, le secteur agroalimentaire est considéré comme un des chefs de file de l’économie canadienne et le gouvernement a reconnu la nécessité d’investir dans ce secteur. Il vient tout juste de lancer un programme de supergrappes. Il y en aura une dans le secteur de l’agroalimentaire, ce qui est une grande première au Canada, mais je constate aussi qu’il y a actuellement un changement positif à l’égard de notre secteur.

L’aide pourrait se présenter sous la forme d’un appui en matière de productivité. Comme vous le savez, nous avons une pénurie de main-d’œuvre et si nous voulons répondre à ces nouveaux accords commerciaux ou en tirer parti, nous devons augmenter notre productivité dans le secteur agroalimentaire canadien. Il faudra donc investir dans la R-D, l’innovation, et appuyer ces secteurs afin d’aider notre industrie à atteindre le niveau 4.0.

M. Wilson : Je partage entièrement toutes les idées qu’elle vient d’exposer.

J’ajouterais que, dans le domaine des exportations, la structure de nos entreprises elles-mêmes est un des défis qui se pose au Canada, tant dans le secteur agroalimentaire que dans le secteur manufacturier en général. Nos entreprises sont extrêmement petites, par comparaison aux sociétés européennes et américaines. En moyenne, les entreprises ont moins de 10 employés et 95 p. 100 de tous les fabricants du pays emploient moins de 20 personnes. Ce sont vraiment de petites entreprises qui disposent de ressources internes très limitées pour leurs activités. Des sociétés comme McCain ou Maple Leaf sont mieux équipées pour exporter leurs marchandises. Elles ont les compétences internes nécessaires pour stimuler les exportations, pour investir. Elles comprennent le concept d’Industrie 4.0. La plupart des entreprises n’en ont aucune idée. Ce sont de très petites entreprises, essentiellement des entreprises familiales, exploitées par la personne qui a confectionné le produit alimentaire et elles ont beaucoup de difficulté à comprendre ce qui se trame à l’échelle mondiale. Elles savent comment investir. Elles se démènent pour investir dans les technologies appropriées qui conviennent à leur type de production et aussi pour investir dans les nouveaux marchés qui émergent sur la scène internationale.

Un des objectifs sur lesquels nous travaillons avec le bureau du ministre Bains et celui du ministre Champagne est le suivant : comment pouvons-nous aider ces PME à investir de la bonne façon pour que les technologies puissent leur être utiles? Elles ont de la difficulté à réunir les fonds nécessaires pour faire ces investissements, étant donné que les banques sont souvent réticentes à accorder des fonds aux fabricants.

Enfin, comment les aider à trouver ces nouveaux marchés? C’est une chose de signer un traité de libre-échange, mais c’en est une autre d’inciter les entreprises à se lancer sur la scène internationale. La plupart des PME n’ont pas d’échanges commerciaux à l’extérieur de leur chaîne d’approvisionnement. De manière générale, la majorité de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis, mais surtout, ils sont très concentrés à l’intérieur de grandes chaînes d’approvisionnement dans le secteur de l’automobile et de l’aérospatiale, ainsi que dans certains marchés de produits alimentaires. Nous ne pouvons pas commencer à exporter des produits de façon aléatoire en Europe ou en Asie. Habituellement, ce n’est pas ce que nous faisons et nous devons aider les entreprises à développer leurs marchés. Il est absolument nécessaire d’appuyer les PME.

[Français]

M. Fraeys : J’aimerais ajouter un commentaire. Les entreprises canadiennes devront, au cours des prochaines années, dépenser plus de 2 milliards de dollars pour s’adapter aux changements réglementaires. Ce seront 2 milliards de dollars qu’elles ne pourront pas investir en innovation et en développement de marchés. D’un côté, on a l’objectif d’exporter 75 milliards de dollars et, d’un autre côté, les entreprises ont l’obligation de s’adapter aux changements réglementaires, c’est-à-dire de revoir toutes les étiquettes de tous les produits de manière à pouvoir indiquer tout ce qui se trouve dans les produits destinés aux consommateurs. Nous sommes d’accord avec cette approche, mais vous devez comprendre qu’une entreprise ne peut pas, d’un côté, se conformer, et d’un autre côté, investir en robotisation et en développement des marchés. Nous sommes dans un carrefour très contraignant pour les entreprises.

Pour revenir plus spécifiquement sur les accords de commerce, les secteurs qui en bénéficieront, ce sont des secteurs dans lesquels le Canada est très fort, c’est-à-dire le secteur des fruits, notamment les canneberges, et des légumes. Donc, les secteurs qui bénéficieront le plus de l’AECG, ce sont les secteurs de la viande, des fruits, des légumes et du sirop d’érable. Quand on parle d’accords commerciaux, ce n’est pas tout le monde qui y a accès. Il s’agit de certains secteurs spécifiques dans lesquels le Canada est plus fort que d’autres pays, mais il faut tenir compte de ce que j’ai dit précédemment.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Considérez-vous qu’il existe des lacunes dans l’infrastructure des transports au Canada qui nuisent à votre compétitivité?

M. Wilson : Tout à fait. Nos membres des diverses régions du pays nous rapportent qu’il est parfois difficile d’acheminer des marchandises jusqu’à un port en vue de les exporter vers des marchés étrangers, même vers un port comme Windsor, dans le Sud de l’Ontario. On peut donc dire que l’infrastructure des transports joue un rôle important.

Il semble beaucoup plus facile d’importer des marchandises que d’en exporter. Vers l’est, par exemple, il n’y a qu’une seule ligne de chemin de fer pour se rendre au port de Halifax. Le transport routier est très long et, selon le type de marchandises ou de produits, le transport routier n’est pas nécessairement la meilleure option, contrairement au train.

Oui, nous recevons de nombreuses plaintes. Évidemment, on entend beaucoup parler des obstacles que rencontre le transport du grain en vrac et ce genre de produit. On nous parle aussi de la valeur ajoutée qu’entraîne le transport des marchandises vers les ports. Le transport semble être un défi pour les entreprises canadiennes, que ce soit par le rail, la route ou par voie aérienne. Nos concurrents étrangers ne font pas face aux mêmes défis.

L’acheminement des marchandises est beaucoup plus difficile et beaucoup plus coûteux.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins. Ma question nous ramène à l’ALENA. Certains pensent que les négociations de l’ALENA prendront bientôt fin, contrairement à d’autres qui croient qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Seulement 6 chapitres sur 30 environ ont été examinés et les divergences sont énormes sur certains sujets délicats tels que la résolution des conflits. Quelles seraient les conséquences de la renégociation de l’ALENA sur vos membres?

Mme Cloutier : Dans le cas des transformateurs alimentaires, ce serait un choc terrible, étant donné que nous exportons des produits alimentaires, et non pas des balles. Nous avons besoin d’exporter vers notre partenaire le plus proche, c’est-à-dire les États-Unis. Le Québec, à lui seul, exporte vers plus de 11 États en l’espace de 10 heures.

[Français]

La proximité du marché facilite les exportations vers les États-Unis. On achète aussi beaucoup des États-Unis. Le climat du Canada, on le voit encore aujourd’hui, ne nous permet pas d’avoir accès aux denrées d’une façon continue, ce qui fait qu’on importe beaucoup des États-Unis l’hiver, et même le reste de l’année. Ce serait un désastre pour nos achats du côté américain. On espère donc que l’accord soit conclu rapidement.

[Traduction]

M. Wilson : Je vais peut-être répondre à la première partie de votre question. J’ai beaucoup participé aux négociations de l’ALENA avec le cabinet du premier ministre, les négociateurs en chef et d’autres intervenants, avant le début du processus.

J’aimerais préciser deux choses. Premièrement, je ne suis pas certain que les négociations vont aboutir. Vous avez l’air d’être assez précis quant au nombre de chapitres qui ont été examinés ou qui sont en cours de négociation et combien de grandes questions restent encore en suspens. Nous espérons que les négociations prendront fin bientôt. Nous en serions très heureux. Nous pensons que le gouvernement canadien fait tout son possible pour que les négociations aboutissent. Nous sommes très heureux des progrès accomplis jusqu’à présent, mais il reste encore beaucoup de questions importantes à régler en peu de temps.

En même temps, nous n’avons jamais été trop pessimistes et nous n’avons jamais cru que l’accord serait résilié. Dès le départ, nous avons toujours pensé que les esprits raisonnables parviendraient à convaincre nos partenaires. Les commentaires à propos des exportations alimentaires du Québec et des importations vers le Canada montrent bien que nos économies sont importantes les unes pour les autres, que nos marchés sont intégrés et se soutiennent mutuellement. Cela dure depuis longtemps. On ne peut pas impunément tout annuler du jour au lendemain.

Les bonnes nouvelles finiront par arriver. Personne ne souhaite la fin de cet accord — personne que je connaisse. Même le gouvernement américain ne le souhaite pas.

En revanche, il est possible de moderniser l’accord. En effet, l’ALENA a 25 ans et il aurait sans doute déjà fallu le moderniser il y a 20 ans. On peut espérer que les discussions actuelles permettront de le moderniser.

Je pense qu’il en sortira quelque chose de bon; par contre, je ne suis pas sûr que tout soit terminé au cours des prochaines semaines.

Le sénateur Oh : Que pensez-vous de l’augmentation du protectionnisme et du risque de guerre commerciale suivant l’imposition de nouveaux tarifs sur les importations? Je suis contre. Je veux que l’accord de libre-échange soit maintenu et que le monde s’épanouisse et prospère.

M. Wilson : D’un point de vue canadien, en matière d’entente commerciale avec les États-Unis, je ne crains pas de nouvelles mesures tarifaires ou protectionnistes. Les plus grands secteurs où se sont toujours appliquées des mesures protectionnistes continueront d’exister — en raison par exemple du principe « Buy America ». C’est dommage et ce protectionnisme a un impact sur le secteur de la transformation des aliments, même si la plupart des gens n’en ont pas conscience. Quand on parle de protectionnisme, la plupart des gens pensent uniquement à l’acier. Pourtant, à cause d’une disposition qui date des années 1930, on ne peut pas livrer des produits alimentaires à l’armée américaine. Les exportateurs de produits alimentaires canadiens ne peuvent pas approvisionner l’armée, les hôpitaux ni les écoles aux États-Unis. Par conséquent, de telles mesures ont aussi une incidence sur le secteur agroalimentaire du Canada.

Cependant, nous ne voyons pas de nouvelles barrières s’ériger entre le Canada et les États-Unis ou même face au Mexique. En revanche, je ne pense pas que le président Trump va reculer face aux autres pays, en particulier dans des secteurs plus sensibles tels que celui de l’acier, par exemple, qui ne relève pas de notre secteur. Nous devrions être épargnés.

Le sénateur Woo : Je remercie les témoins pour leur présentation. J’ai une question pour chacun des deux groupes et je vais commencer par M. Wilson. J’aimerais parler de la différence que vous avez mentionnée. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais l’augmentation de la production est plus grande que la hausse des exportations de produits à valeur ajoutée dans le secteur de la transformation alimentaire. J’essaie de comprendre pourquoi il en est ainsi. Vous pouvez peut-être l’expliquer. Une des causes ne serait-elle pas que les produits alimentaires que nous fabriquons traditionnellement ne sont peut-être pas adaptés aux nouveaux marchés en pleine expansion où s’écoulent ces produits? Cela pourrait-il expliquer en partie la forte augmentation de la production de denrées destinées aux marchés intérieurs et peut-être au marché américain — produits qui ne sont tout simplement peut-être pas adaptés aux marchés d’Asie ou d’autres régions du monde — l’Europe, l’Afrique, et cetera?

M. Wilson : C’est une bonne hypothèse, mais c’est difficile de savoir exactement. Je ne sais même pas moi-même quels sont les secteurs qui ont connu cette augmentation massive. Ce pourrait être pratiquement n’importe quel secteur. Par exemple, si c’était le secteur de la bière, Molson ne pourrait pas commencer à vendre plus de bière de type Coors Light aux États-Unis, puisque celle-ci est déjà fabriquée là-bas. Cela peut toucher une grande variété de produits. C’est difficile de savoir.

Lorsqu’on cherche à augmenter la production, on souhaite que la hausse soit globale, que les niveaux de production augmentent de manière générale. Nous n’exportons qu’un faible pourcentage des produits manufacturés au Canada.

Pour nous, les débouchés se trouvent dans une large gamme de secteurs. L’Asie est un énorme marché pour les produits du porc. C’est au Canada que l’on trouve les plus grands producteurs de porcs au monde. Nous exportons une partie de notre production, mais par rapport à la production globale au Canada, c’est relativement peu. Une des raisons, c’est que les éleveurs pourraient en produire sans doute plus s’ils avaient la main-d’œuvre suffisante. C’est un véritable problème pour eux. Nous en avons déjà parlé. C’est un problème général.

Par ailleurs, la taille des entreprises est un autre facteur. Les entreprises sont assez petites et ne possèdent pas les compétences techniques nécessaires. Un peu plus tôt, j’ai parlé des déplacements que pourrait faire le comité. Je vous encourage à rencontrer certains fabricants et à vous intéresser à leur façon de fonctionner. Essayez de visiter des usines dans différentes régions du pays afin de comprendre comment elles fonctionnent.

Ne vous contentez pas de visiter les usines McCain, Maple Leaf ou d’autres grandes entreprises de ce type. Allez à la rencontre de petites et moyennes entreprises. Je peux vous faire quelques suggestions. Vous prendrez alors connaissance des défis qu’elles doivent relever. Elles doivent respecter les exigences réglementaires que nous avons mentionnées un peu plus tôt. Elles ont du mal à faire les investissements nécessaires. Elles ont vraiment besoin d’aide pour comprendre quels sont les débouchés. Les gouvernements aiment beaucoup se concentrer sur les accords commerciaux, mais il faut revenir à un niveau beaucoup plus élémentaire : les entreprises ne comprennent même pas où sont les débouchés. Dans beaucoup de cas, tout est à faire.

Selon moi, c’est l’aspect le plus important. Nous devons aider un plus grand nombre de petites entreprises à comprendre quels sont les débouchés commerciaux et les préparer à exporter vers ces marchés.

Le sénateur Woo : Il semble que le nœud du problème soit le manque de préparation à l’égard de l’exportation et la capacité insuffisante, en raison de la taille des entreprises. Je vous remercie de proposer au comité de visiter des usines. Je pense que c’est prévu au calendrier.

À propos, j’aimerais demander à nos interlocuteurs du Québec s’ils ont une anecdote à nous raconter, s’ils peuvent nous donner un exemple concret de valeur ajoutée qui s’est traduite par de bons résultats pour une de leurs entreprises membres.

Dans votre exposé, vous avez expliqué de manière convaincante comment on devrait s’y prendre pour donner une valeur ajoutée à un produit, en réunissant à la fois les producteurs, les consommateurs et les transformateurs pour créer un produit modifié répondant aux souhaits des consommateurs. Cela contribue à augmenter la valeur du produit et à lui ouvrir éventuellement des débouchés à l’exportation. Pouvez-vous nous donner un exemple illustrant cette combinaison de facteurs?

[Français]

M. Fraeys : Je pourrais vous donner comme exemple la canneberge biologique. Au Québec, quelques entreprises se spécialisent dans la canneberge biologique, qu’on exporte énormément en Asie, mais surtout en Europe. C’est l’un des secteurs qui bénéficiera le plus de l’AECG. Auparavant, le Canada avait un droit douanier de 17 p. 100 lorsqu’il exportait en Europe. Désormais, avec l’AECG, ce tarif douanier sera éliminé. Ainsi, les entreprises du Québec, notamment deux d’entre elles, pourront exporter davantage de canneberges séchées. C’est l’un des secteurs où l’entreprise a été en mesure de se moderniser et de s’équiper. C’est un bel exemple où, grâce à l’ouverture des marchés, l’entreprise est en mesure de s’automatiser et de se robotiser, et de prendre le virage 4.0, parce qu’il y a toute une série de perspectives qui s’ouvrent à elle. Donc, la canneberge biologique au Québec est un bel exemple.

[Traduction]

Mme Cloutier : Je pourrais également citer le secteur des fruits et légumes frais. Un des plus grands transformateurs de légumes se trouve au Québec. Il a établi une chaîne d’approvisionnement, un partenariat, entre le producteur et tous les intervenants jusqu’au distributeur. Ils travaillent en étroite collaboration depuis plusieurs années à la mise au point de nouveaux produits. Ils travaillent ensemble pour répondre à la demande des consommateurs. C’est une chaîne ininterrompue de la ferme à la table. Il me semble que nous avons là un exemple concret au Québec.

Si vous venez à Montréal, nous serons heureux de vous présenter un bel exemple québécois. Nous serions très heureux de vous montrer l’ensemble du processus. Vous pouvez commencer par Montréal.

La présidente : Merci de l’invitation. Je peux vous assurer que nous irons sur le terrain.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités de leurs témoignages. Ma première question s’adresse à M. Wilson. Vous avez parlé dans votre présentation d’innovation technologique déficiente. Pouvez-vous nous donner un exemple concret de ce qui nous manque pour être plus productifs et de ce qui existe ailleurs?

[Traduction]

M. Wilson : Certainement. J’ai écouté une partie de la discussion avec le premier panel, à propos de la même question. Je vais revenir au secteur alimentaire dans une seconde, mais, de manière générale, les fabricants canadiens ont tendance à ne pas investir suffisamment dans les technologies d’avant-garde. Les Canadiens n’aiment guère prendre des risques. Nous sommes très traditionnels dans la façon dont nous dirigeons nos entreprises et notre vie en général. Nous ne disposons pas du financement nécessaire, étant donné que les banques et les institutions gouvernementales ne nous soutiennent pas autant que dans d’autres pays du monde.

Nous représentons plutôt un marché secondaire ou tertiaire pour beaucoup de fabricants de matériel de pointe. Nous héritons de ce que personne d’autre au monde ne veut. Nous produisons beaucoup de pièces détachées pour le matériel et l’outillage, mais il n’y a pas beaucoup d’usines de matériel et d’outillage appartenant à des intérêts canadiens, ni de services internes de fabrication de ce type de produit. Il y a beaucoup de fabricants au Canada, mais ils ont tendance à produire des pièces détachées pour d’autres entreprises et à les exporter dans le monde entier. Nous sommes excellents dans ce domaine.

En Europe, par exemple, des pays comme l’Allemagne, le Danemark et la Hollande se spécialisent dans la création de produits-créneaux pour soutenir leur secteur manufacturier. Nous espérons que les entreprises de technologie canadienne, qui sont nombreuses, seront en mesure de mieux s’amarrer au secteur manufacturier afin d’offrir un avantage unique aux fabricants canadiens grâce à ces supergrappes. Une grande partie de l’initiative des supergrappes consiste à relier les deux secteurs. Nous espérons que ce sera le cas dans l’ensemble du secteur manufacturier.

Je vais vous donner un exemple du type de machine qui existe actuellement. La société allemande de robotique KUKA fabrique une machine que l’on pourrait qualifier de système automatisé de découpe de la viande. Si vous faites une recherche sur YouTube, vous verrez que cette machine peut découper un porc, par exemple, en quelques secondes. Tout est automatisé. Au Canada, des sociétés comme Maple Leaf ou Cargill ont du mal à trouver des ouvriers pour faire ce type de travail. Comme cette technologie n’est pas disponible au Canada, les usines doivent faire appel à de la main-d’œuvre étrangère temporaire qui est difficile à trouver. Les Canadiens ne veulent plus faire ce genre de travail. C’est pourquoi, les entreprises ont de la difficulté à prendre de l’expansion. Cette technologie n’est pas disponible au Canada ou bien les entreprises ne souhaitent pas investir dans ces technologies modernes.

Cela entraîne un écart de productivité. Nous n’avons pas beaucoup parlé de productivité, mais il en a été question un peu plus tôt. Dans les diverses régions du Canada, les taux de croissance de notre productivité se situaient aux alentours de 20 p. 100 au cours de la dernière décennie. Dans certains pays d’Asie, elle atteint près de 120 p. 100. Aux États-Unis, la croissance est d’environ 50 à 60 p. 100. Nous accusons un grand retard sur le plan de la productivité, uniquement parce que nous n’investissons pas dans la technologie. Voilà un très bon exemple de l’incidence que la technologie peut avoir dans un contexte d’Industrie 4.0, incidence qui permettrait au secteur manufacturier alimentaire du Canada de se développer en lui offrant une solution à ce problème précis. Cependant, cette technologie n’est pas suffisamment développée au Canada actuellement.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame Cloutier, pouvez-vous nous donner des exemples de produits canadiens qui quittent le pays en vrac, mais qui pourraient être transformés ici? Cela permettrait de créer des emplois et, indirectement, cela pourrait générer des revenus d’impôt pour les différents ordres de gouvernement, et peut-être aussi augmenter la valeur de nos exportations.

Mme Cloutier : Il y a les produits de commodité qui poussent dans les Prairies, par exemple le canola. Ce produit est exporté aux États-Unis et transformé ailleurs en huile, puis on le rachète à fort prix. C’est un exemple de produit transformé. La plupart des produits des Prairies sont exportés en vrac, comme le blé, les céréales, et cetera.

M. Fraeys : Le Québec et l’Ontario achètent 70 p. 100 de tout ce qui est produit. L’autre 30 p. 100, c’est principalement des produits frais. Effectivement, on pourrait améliorer beaucoup les produits de deuxième transformation. Par exemple, on peut abattre un porc, mais c’est dans la découpe, dans les produits spécialisés qu’on peut créer de la valeur. Ça demande de l’investissement, mais c’est pour faire des produits à valeur ajoutée. Par exemple, au lieu de vendre des carcasses de porc, il faudrait vendre des morceaux de porc découpés au Canada. Cela permettrait d’employer de la main-d’œuvre canadienne. On exporte des pièces avec une valeur beaucoup plus élevée que des demi-animaux. Créer de la valeur, c’est offrir des produits à valeur ajoutée avec lesquels on effectue plus de travail et plus de recherche.

La sénatrice Gagné : Je vous remercie de votre excellente présentation. Les produits de la canneberge du Québec sont absolument délicieux, qu’il s’agisse de confits, de sirop, de porto, de tartinades, de chocolats, de vinaigrettes, et cetera. Je viens du Manitoba. Je m’intéresse aux supergrappes. En février dernier, on a annoncé l’initiative des supergrappes des industries des protéines qui ont été établies dans les Prairies, mais qui sont situées en Saskatchewan. L’Université de la Saskatchewan a une équipe de chercheurs très prisée, et cette supergrappe a tenté de faire appel à la génomique végétale ainsi qu’à des technologies de transformation novatrices. Le but est d’accroître la valeur des cultures telles que le canola, le blé et les légumineuses.

Alors, quand on établit une supergrappe dans une région comme la Saskatchewan, comment les autres régions comme le Québec, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve vont-elles en bénéficier? C’est la même chose pour d’autres supergrappes dans d’autres domaines, dans d’autres régions. Comment est-ce qu’on assure le transfert des connaissances? Comment est-ce qu’on a réussi à faire en sorte que, dans une autre région, on puisse ajouter une autre valeur au produit?

Mme Cloutier : Dans le cas des supergrappes, on a été impliqué au Québec avec une proposition de grappe. Évidemment, au Québec, ce sont d’autres qui l’ont eue. Quant à la supergrappe de Pulse Canada, axée sur les légumineuses, nous avons été impliqués indirectement dès le départ, et il est certain que nous pouvons y contribuer avec notre savoir-faire, notre développement technologique et notre commercialisation. Alors, c’était l’un des enjeux de cette supergrappe. Je sais qu’ils ont fait appel à d’autres provinces aussi; d’ailleurs, l’Université de Winnipeg y participe.

La sénatrice Gagné : L’Université du Manitoba.

Mme Cloutier : Le Manitoba a été impliqué avec le projet EMILI. C’est un réseau qui part des provinces des Prairies, mais qui va évidemment avoir un impact partout au Canada, parce qu’on va tenter de déterminer comment on pourra utiliser les produits générés par la grappe dans les produits transformés et comment on va les appuyer dans la commercialisation de ces produits.

M. Fraeys : J’aimerais ajouter deux choses. Premièrement, au niveau des universités, bien entendu, toutes les universités se parlent entre elles. Au Québec, l’Université Laval et l’Université McGill vont contribuer à ce projet. En ce qui a trait aux résultats, il y a des entreprises dans d’autres provinces, principalement le Québec et l’Ontario, qui vont peut-être plus facilement acheter des protéines végétales produites au Canada au lieu de les acheter à l’extérieur, parce qu’on sait que le marché des légumineuses est en croissance. On a aussi une denrée au Canada que peu de gens connaissent qui est la lentille. Les lentilles sont très peu utilisées au Canada et sont exportées à 90 p. 100. Il y a un grand potentiel pour utiliser ces protéines. C’est en utilisant les protéines de légumineuses dans les produits à valeur ajoutée qu’on va créer de la valeur.

La sénatrice Gagné : Dans le contexte de ces supergrappes, il y a aussi, je crois, les compagnies étrangères qui peuvent participer en tant qu’entreprises ou industries. Est-ce un avantage pour le Canada ou est-ce que ça représente un risque?

Mme Cloutier : Je le vois comme un avantage bien entendu, puisqu’elles vont probablement acheter les denrées ou les produits qui sont générés par cette grappe. Il est certain que, pour nous, c’est une occasion de travailler avec des compagnies étrangères et ensuite d’exporter nos produits à valeur ajoutée vers ces marchés. Alors, je le vois comme étant un avantage.

M. Fraeys : L’un des éléments fondamentaux d’une supergrappe est de créer des réseaux. Autant au niveau universitaire que de celui des entreprises, elle va être en mesure de créer des réseaux et d’établir de nouveaux contacts. Au Canada, on est bon, mais pas nécessairement dans tout. Ce sera au niveau universitaire, particulièrement l’université Wageningen, des Pays-Bas, qui est chef de file en ce qui a trait aux protéines végétales, mais il y en a d’autres dans le monde. Cela va nous permettre effectivement de nous rattacher à d’autres réseaux créés ailleurs dans le monde, que ce soit en Europe ou en Asie. Ça va nous aider à exporter dans un deuxième temps. Aujourd’hui, l’élément fondamental, c’est qu’il faut que le Canada se connecte.

[Traduction]

La nouvelle innovation, c’est la connectivité.

[Français]

Il faut que toutes les entreprises et les universités se connectent à ce qui se passe à l’extérieur du Canada.

[Traduction]

M. Wilson : Je suis d’accord avec tout ce qui vient d’être dit.

J’ajouterais que l’investissement étranger est indispensable au Canada. Que ce soit dans le secteur de l’agroalimentaire, de l’automobile ou de l’aérospatiale, le Canada s’appuie beaucoup sur les investissements étrangers qui, selon moi, ne sont pas suffisants. Alors, si les supergrappes sont une façon d’attirer plus d’investissements étrangers au Canada pour encourager de nouvelles recherches et des innovations au pays, c’est exactement une tendance que nous devons encourager.

Je sais que plusieurs entreprises étrangères sont directement impliquées dans le secteur manufacturier, secteur dans lequel nous sommes présents. C’est fantastique. Par contre, ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les investissements des grandes multinationales. C’est plutôt de savoir comment les PME pourront en tirer parti. Comment faire en sorte que les PME puissent bénéficier des connexions internationales, de la chaîne d’approvisionnement que ces plus grandes entreprises peuvent apporter? Si nous ne pouvons y parvenir, les supergrappes ne produiront pas les résultats escomptés. Pourtant, c’est leur objectif.

Par ailleurs, j’aimerais dire ceci au sujet de votre question précédente : comment vous y prenez-vous pour diffuser l’information ou créer ces réseaux dans les diverses régions du pays, afin que les supergrappes ne restent pas localisées, comme celles du secteur manufacturier dans le Sud de l’Ontario? La supergrappe Pulse est située dans les Prairies. Le gouvernement ne peut pas résoudre ces problèmes de lui-même. Souvent, le gouvernement a tendance à penser qu’il peut faire tout lui-même en raison de sa présence dans tout le pays. Or, les entreprises ne veulent pas toujours entendre parler du gouvernement. Je dirais qu’il y a beaucoup de réseaux constitués dans le secteur privé. C’est notre cas. Vous pouvez constituer votre propre réseau au pays en associant diverses organisations sœurs. Nous avons des bureaux partout au pays. Il y a les chambres de commerce et d’autres organisations analogues. Utilisez les réseaux du secteur privé qui existent déjà et profitez au maximum de cette capacité pour diffuser l’information et renforcer ces réseaux.

C’est la raison pour laquelle nous appartenons à un de ces réseaux et nous allons certainement l’exploiter. Je suppose que c’est exactement le but recherché par les autres supergrappes que l’on tente de mettre en place en ce moment. Elles n’en sont encore qu’à leurs premiers balbutiements. Elles ont vu le jour il y a seulement un mois environ. La plupart d’entre elles ne comptent qu’un seul membre dans leur personnel. Je pense qu’elles vont se développer. Nous collaborons avec la supergrappe du secteur manufacturier afin qu’elle ne soit pas perçue comme réservée à l’industrie lourde du Sud de l’Ontario, mais qu’elle est ouverte à tous les secteurs manufacturiers des diverses régions du pays. Vous avez raison de dire que ce sera vraiment la clé du succès.

La présidente : Je m’adresse précisément au CTAQ. Ma question concerne le Danemark et la coordination instituée dans ce pays entre l’industrie, les transformateurs et les producteurs pour faciliter le partage d’information, selon un processus qui ressemble à une sorte de table ronde. Ici, le transformateur a généralement conscience des besoins ou des souhaits des consommateurs, mais le producteur n’est pas toujours au courant de ce que cherchent les consommateurs. Le Danemark semble privilégier une intégration verticale, un processus de table ronde. Êtes-vous au courant de cela? Est-ce qu’une telle formule pourrait fonctionner ici?

Mme Cloutier : Nous avons ce genre de chose au Québec. Nous achetons 70 p. 100 de la production de nos agriculteurs. Par exemple, on trouve cette connexion dans le secteur des légumes avec le concept « de la ferme à la table » dans la chaîne de valeur. C’est la même chose dans le secteur du porc au Québec. Tous les intervenants travaillent en étroite collaboration, du producteur au consommateur.

Ces modèles que nous qualifions de chaînes de valeur, nous les avons développés dans différents secteurs et nous sommes satisfaits de leur fonctionnement. Nous sommes tous orientés vers le consommateur, car si le consommateur n’est pas au centre de notre attention, notre produit ne se vendra pas. Nous procédons de plus en plus de cette manière.

[Français]

M. Fraeys : Le Québec a uni ses efforts pendant une année en prévision du Sommet sur l’alimentation qui a eu lieu en novembre et, la semaine dernière, il y a eu le lancement de la nouvelle politique bioalimentaire au Québec. Ça nous a obligés à travailler tous ensemble, ce qu’on appelle les filières. C’est un bel exemple de la mobilisation de toute l’industrie pour en arriver à une politique. Au Québec, il n’y avait plus de politique bioalimentaire depuis 15 ans. Au Danemark, c’est un peu plus directif. Quand vous parlez d’intégration, il y a un tiers du secteur qui donne des ordres à toute la chaîne. Au Québec, c’est un peu plus latent. Tout le monde discute, mais on finit par en arriver au même résultat. Oui, on travaille aussi dans le même sens, mais différemment, et on arrive aux mêmes résultats.

Mme Cloutier : D’ailleurs, on a participé à une mission avec le gouvernement du Canada dans les Pays-Bas où il y a un modèle intégré. Les chercheurs, les universitaires, les compagnies agroalimentaires, tous travaillent ensemble dans le même environnement. Donc, on met à contribution tout ce qui est commercialisation, recherche, marketing, recherche en alimentation, achat d’intrants, et tous sont évidemment au service de l’industrie agroalimentaire, mais aussi au service du consommateur. Ils exportent 80 p. 100 de tout ce qu’ils font. Pour nous, c’est vraiment un modèle important.

M. Fraeys : Je faisais partie de la mission aux Pays-Bas. Parmi les grands facteurs de succès des Pays-Bas, c’est que le ministère de l’Agriculture a fusionné avec le ministère de l’Économie. Or, le ministère de l’Économie n’investit pas si l’entreprise ne lui indique pas où investir. Le ministère oblige les chercheurs à travailler dans l’usine, et les chercheurs industriels à travailler dans les laboratoires pour favoriser le rapprochement. Parce qu’on ne peut plus aujourd’hui travailler en silos. Il faut que tout le monde travaille ensemble et en réseaux. Donc, les Pays-Bas sont un bel exemple. La raison pour laquelle ils en sont arrivés là, c’est parce qu’ils ont été très durement frappés par la crise de 2008. Ils ont été obligés de se rapprocher pour travailler ensemble davantage. C’est devenu aujourd’hui un modèle. Les difficultés ont créé des occasions pour eux. C’est un beau modèle à suivre.

[Traduction]

La présidente : Merci.

Sénateur Maltais, nous devons laisser la place au prochain comité, mais vous pouvez poser une question rapide.

[Français]

Le sénateur Maltais : Puisqu’on parle des Pays-Bas, j’ai posé une question plus tôt aux témoins qui vous ont précédés concernant les emballages. Je ne suis pas tombé à la renverse en entendant leurs réponses. Je ne partirai pas d’ici très rassuré en sachant que ce sont eux qui seront responsables de cette initiative. Les Pays-Bas fabriquent des emballages à partir de produits de la terre qui sont biodégradables. Il y a 700 produits qui sont actuellement emballés de cette façon. Est-ce une option envisageable au Canada?

Mme Cloutier : Assurément. Bon nombre de recherches sont menées au Québec depuis plusieurs années pour remédier à cette situation. Le secteur agroalimentaire — je peux parler pour notre coin de pays — travaille à l’élimination graduelle des produits non biodégradables ou qui ne se dégradent pas. Des projets pilotes ont été mis de l’avant dans plusieurs secteurs d’activité. Il ne faut pas oublier que la raison no 1 pour l’emballage en agroalimentaire, c’est la sécurité des aliments. D’ailleurs, il y a aussi l’Agence canadienne d’inspection des aliments qui est très aux aguets quant à la salubrité ou à la question de la sécurité alimentaire. Donc, le premier impact serait sur la sécurité d’un aliment, ce qu’on ne peut pas mettre de côté et, deuxièmement... Je vais te laisser poursuivre.

M. Fraeys : En ce qui concerne les emballages biodégradables, c’est une bonne solution lorsque vous avez des sites de compostage. Malheureusement, ce sont les villes qui ont la responsabilité de mettre en place les sites de compostage. À titre d’exemple, au Québec, il y a une loi ou un règlement qui exige à ce qu’il y ait zéro enfouissement en 2020. Les sites de compostage seront construits en 2019. Il y a des solutions, mais vous ne pouvez pas jeter des emballages biodégradables dans les sites d’enfouissement, parce que ça va les contaminer. D’un côté, on a les solutions, mais d’un autre côté, on n’a pas les infrastructures nécessaires. Le fait de mettre des produits biodégradables dans les sites d’enfouissement entraînera l’émission de gaz nocifs. Donc, il faut attendre qu’il y ait des infrastructures. Oui, les solutions existent, mais on ne peut pas encore y avoir recours.

[Traduction]

La présidente : Je tiens à remercier le panel de témoins. La discussion a été très intéressante. Malheureusement, il ne nous reste plus de temps, mais je vous remercie d’être venus témoigner aujourd’hui et d’avoir contribué à notre étude.

(La séance est levée.)

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