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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 24 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui à 8 heures pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, et poursuit sa séance à huis clos pour étudier une ébauche de rapport.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis Diane Griffin, présidente du comité et sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard. Je vais demander aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec. Bienvenue.

Le sénateur Dagenais : Sénateur Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci.

Aujourd’hui, nous allons entendre d’autres témoins dans le cadre de notre étude sur le secteur agricole à valeur ajoutée et sur la façon dont il peut être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux. Nos témoins d’aujourd’hui sont Cam Dahl, président de Cereals Canada, et Ron Davidson, directeur général de Soy Canada.

Bienvenue, messieurs, et merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui.

Nous allons commencer par M. Dahl, puis nous entendrons M. Davidson. Nous aurons ensuite les questions.

Cam Dahl, président, Cereals Canada : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. C’est un véritable privilège de comparaître encore une fois devant le comité.

Je m’appelle Cam Dahl, et je suis le président de Cereals Canada. Parce que nous avons peu de temps, je ne vais pas vous donner les renseignements généraux sur Cereals Canada. Je crois qu’on vous a distribué le mémoire. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.

Avant de vous présenter mon exposé sur le secteur des aliments à valeur ajoutée, je vais me permettre une parenthèse. Hier, le projet de loi C-49 a reçu la sanction royale. C’est un projet de loi crucial pour l’agriculture, et je veux vous remercier tous, ainsi que le Sénat dans son ensemble, du travail qui a été accompli pour ce projet de loi en particulier.

La valeur des ventes au détail des produits de boulangerie, des pâtes et des nouilles faits au Canada s’est élevée à plus de 8,6 milliards de dollars en 2017. La valeur du secteur est supérieure quand on tient compte des produits destinés à l’exportation vers les marchés étrangers. La valeur des exportations canadiennes de produits céréaliers à valeur ajoutée s’était élevée à plus de 4,2 milliards de dollars en 2007. C’est une très importante industrie.

Nous tirons aussi profit de la transformation à valeur ajoutée dans les marchés d’exportation. Le blé canadien est régulièrement exporté dans plus de 65 pays, et les exportations annuelles dépassent les 6,5 milliards de dollars. Cette valeur économique importante ne se limite pas au blé; il y a également d’autres céréales, comme l’avoine et l’orge.

Nous croyons qu’il existe d’importantes possibilités de tirer davantage parti de cette valeur au pays et de renforcer la compétitivité à l’étranger. Je vais me concentrer sur cinq aspects: la recherche et l’innovation, la politique commerciale, le fardeau réglementaire, la coopération en matière de réglementation et, pour terminer, la politique alimentaire nationale dont je vais parler un peu.

Parlons pour commencer de recherche et d’innovation. La capacité du Canada de commercialiser et d’adopter de nouvelles technologies est grandement influencée par les contraintes réglementaires ainsi que par les demandes des consommateurs, aussi bien au Canada qu’à l’étranger. Sans règles commerciales fondées sur la science et les risques, nos agriculteurs et transformateurs sont soumis aux caprices de la dernière tendance sur Internet.

Le Canada doit faire preuve de leadership sur la scène internationale en soutenant un cadre favorable à l’adoption des innovations par les gouvernements et les consommateurs. Cela signifie qu’il faut aussi jouer un rôle de leadership au sein des organismes de normalisation internationaux, ainsi que veiller à la promotion et à l’application de règles commerciales fondées sur la science.

Les provinces canadiennes ont aussi un important rôle à jouer. La fragmentation interne s’accompagne de coûts et d’obstacles additionnels pour les entreprises agroalimentaires. Dans les cas où les provinces canadiennes se sont éloignées de la prise de décisions fondées sur la science en matière de réglementation, comme l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes en Ontario, les résultats se sont révélés contre-productifs pour la transformation à valeur ajoutée au Canada et pour nos intérêts à l’exportation.

Il faut pour la recherche une approche coordonnée stimulée par des partenariats public-privé. Cela gagne en importance avec le temps. Cereals Canada est à la tête d’un processus national d’établissement des priorités pour la recherche sur le blé de concert avec Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ce processus réunit la chaîne de valeur entière afin de centrer les efforts de recherche sur les priorités stratégiques. Nous croyons que ces efforts vont améliorer la capacité du secteur alimentaire de générer des produits à valeur ajoutée tout en veillant à ce que le milieu de la recherche soit réceptif à la demande des consommateurs à l’échelle mondiale.

Passons maintenant à la politique commerciale. Cereals Canada appuie résolument les efforts de libéralisation du commerce déployés par le gouvernement du Canada. En plus d’offrir des règles commerciales plus solides, fondées sur des données scientifiques, les accords commerciaux comme le PTPGP et l’AECG réduisent la progressivité des droits de douane visant les produits à valeur ajoutée. Le gouvernement du Canada devrait ratifier sans attendre le PTPGP pour préserver les gains potentiels. Cereals Canada encourage fortement le comité à recommander que le Canada compte parmi les premiers pays à ratifier le PTPGP. Cela exige rapidement l’adoption de dispositions législatives.

Il ne suffit pas de ratifier des accords commerciaux : encore faut-il que ces accords soient appliqués. Depuis l’entrée en vigueur de l’AECG, les exportations canadiennes du premier produit agricole d’exportation vers l’Italie — le plus important vers l’Europe, le blé dur — sont passées d’environ un million de tonnes par année à zéro. C’est la conséquence directe de mesures protectionnistes d’étiquetage du pays d’origine, conjuguées à une campagne de dénigrement exercée par l’union des agriculteurs italiens à l’endroit du Canada.

Il est urgent que le gouvernement du Canada réagisse officiellement et fermement à cette situation. Si le Canada néglige de réagir, la valeur des accords commerciaux comme l’AECG sera, à juste titre, remise en question. Un refus d’agir reviendrait à encourager d’autres États à suivre l’exemple de l’Italie, ce qui provoquerait une contagion des mesures protectionnistes à d’autres domaines.

Je demande au comité de recommander la mise en application vigoureuse des règles commerciales, quand des mesures protectionnistes font entrave au commerce.

Pour ce qui est du fardeau réglementaire, les frais liés à la réglementation et la fragmentation des marchés intérieurs canadiens freinent l’investissement dans la transformation à valeur ajoutée au Canada. Par exemple, le secteur de la transformation alimentaire devra dépenser plus de 2 milliards de dollars pour se conformer aux nouvelles exigences d’étiquetage proposées. Ce sont 2 milliards de dollars qui auraient pu être investis dans l’innovation, les nouvelles technologies et la modernisation des usines. Ce sont des coûts qui rendent le Canada moins attrayant aux yeux des investisseurs.

Je vais laisser mes notes de côté un peu pour soulever une autre chose que j’ai apprise hier. Le projet de loi S-228 provient d’ici et son objectif est en toute bonne foi de prévenir la commercialisation de produits alimentaires qui sont mauvais pour la santé des enfants. Il arrive qu’un objectif louable se perde au cours du processus de réglementation. J’ai appris hier que toutes les sortes de pain seront sur la liste des produits qui sont mauvais pour la santé. C’est un autre exemple de la mesure qui fait que le processus de réglementation peut s’éloigner de l’intention initiale de la loi et ainsi gravement affaiblir les industries alimentaires et la transformation à valeur ajoutée du Canada. C’est un autre exemple actuel de la mesure dans laquelle le contexte réglementaire peut affaiblir la transformation à valeur ajoutée.

Pour créer un climat réglementaire encourageant l’innovation et la croissance de notre secteur à valeur ajoutée, il faudra faire correspondre la modernisation de la Loi sur les aliments et drogues à celle des mesures relatives à l’innocuité et à l’inspection des aliments. Quand la Loi sur les aliments et drogues a été rédigée, nous ne pouvions pas faire des tests déterminant le nombre de parties par milliard ou de parties par billion.

Il faut aussi une réforme en vue d’harmoniser la réglementation des diverses agences du gouvernement. Par exemple, les seuils de tolérance établis par la Commission canadienne des grains pour les grains fusariés — le fusarium est la bactérie qui crée le désoxynivalénol — ne s’accordent pas avec l’approche de réglementation du désoxynivalénol, ou DON, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Encore une fois, nous insistons sur la nécessité de disposer d’une réglementation cohérente reposant sur le risque et les données scientifiques dans l’ensemble de l’industrie, et d’un bout à l’autre du pays.

En ce qui concerne la coopération réglementaire, l’AECG ouvre la voie à la coopération réglementaire entre le Canada et l’Europe. Le Canada doit profiter pleinement de cette tribune. Le Canada et les États-Unis ont aussi fait des efforts semblables de coopération par l’intermédiaire du Conseil de coopération en matière de réglementation, le CCR. S’il est vrai que le CCR a été inactif au cours des dernières années, il n’en constitue pas moins un modèle qui mérite d’être redynamisé. Je crois que cela peut et doit être l’un des aboutissements des négociations en cours de l’ALENA.

Cet effort est nécessaire pour installer un climat réglementaire harmonieux et réduire le plus possible les formalités administratives, tout en établissant des normes progressistes et en servant d’exemple aux partenaires des pays tiers sur la scène internationale.

Enfin, j’aimerais vous parler un peu de la politique alimentaire nationale. Cereals Canada appuie les efforts que déploie le gouvernement du Canada pour mettre au point une politique alimentaire nationale exhaustive. Nous croyons qu’il est nettement plus important de prendre le temps nécessaire pour arriver à la bonne politique que de respecter des échéances artificielles.

Nous devons créer un processus qui sache reconnaître les points forts du Canada, qui repose sur une juste évaluation des risques et une réglementation à fondement scientifique. L’agriculture canadienne moderne peut relever ces défis, mais seulement si la politique n’est pas élaborée en prenant comme idéal le modèle suranné de la « ferme à Mathurin ».

Pour s’engager dans la bonne voie, la première étape consistera à adopter des principes de gouvernance solides et efficaces, propres à orienter les efforts vers un consensus. J’ai résumé nos suggestions à cet effet dans le mémoire que vous avez devant vous. Cereals Canada demande au comité de formuler des recommandations quant à la structure et à la gouvernance d’un éventuel conseil national sur la politique alimentaire.

Merci. Je vous ai fait un résumé de notre mémoire, et j’attends avec intérêt vos questions et la discussion.

Ron Davidson, directeur général, Soy Canada : Bonjour. J’ai habité dans une ferme à Mathurin il y a quelques décennies.

Soy Canada est l’organisme de l’industrie qui représente les intervenants dans la chaîne de valeur du soja, y compris les entreprises de semences, les producteurs, les transformateurs et les exportateurs.

Je vous remercie de nous donner l’occasion de vous exprimer notre point de vue sur les façons d’améliorer la compétitivité du secteur alimentaire à valeur ajoutée du Canada sur les marchés mondiaux.

Quand on parle de valeur ajoutée, bien souvent, on ne pense qu’à l’augmentation de la capacité de transformation au Canada. Ce n’est pas la seule façon d’ajouter de la valeur dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

L’existence même de l’industrie du soja est une véritable histoire à succès en matière de valeur ajoutée au Canada. Le soja n’est pas une plante indigène. Statistique Canada parle pour la première fois d’une production importante à l’échelle commerciale du soja en Ontario dans un rapport qui date de 1941. Entre 1941 et 2017, la production est passée de 5 900 tonnes cultivées sur une superficie de 10 900 acres dans une seule province à 7,7 millions de tonnes sur 7,3 millions d’acres dans huit provinces, qui vont de l’Alberta jusqu’à la Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard. On prévoit en outre que la production doublera au cours de la prochaine décennie.

Qui plus est, le rendement moyen est passé de 19,9 boisseaux par acre en 1941 à 44 boisseaux en 2016. Autrement dit, l’élargissement géographique de la production au pays s’est accompagné d’une augmentation du rendement de 121 p. 100 par acre.

La production du soja a une valeur ajoutée tout au long de la chaîne de valeur, et c’est le principal facteur à l’origine de la croissance continue de l’industrie. Je vais vous donner cinq exemples de facteurs qui contribuent ensemble à faire en sorte que cette histoire à succès se poursuive encore aujourd’hui.

Le premier est le fait d’avoir un produit de haute qualité et très recherché. Le soja est une source de protéines de haute valeur biologique qui contient tous les acides aminés en quantités requises pour la santé humaine. De plus, le soja est une excellente source de minéraux comme le calcium et le fer. L’huile de soja contient principalement des bons gras — des gras monoinsaturés et polyinsaturés —, y compris des acides gras oméga-3, et elle ne contient pas de cholestérol. Les caractéristiques de son huile en font un bon ingrédient pour de nombreux produits, de la margarine au shortening, en passant par la mayonnaise, les vinaigrettes, les produits congelés, les imitations de produits laitiers et carnés, et les pains et pâtisseries qu’on trouve sur le marché.

Le deuxième est d’avoir des chercheurs des secteurs privé et public motivés. La phytotechnie a été le principal outil qui a permis à la production du soja de se développer au Canada, et la phytotechnie, notamment les techniques de sélection conventionnelles, la technologie de la modification génétique et les nouvelles techniques de sélection végétale comme la correction génétique et la lutte antiparasitaire, doit demeurer la pierre angulaire sur laquelle repose la croissance de l’industrie. Les chercheurs mettent au point des variétés hâtives et à haut rendement qui s’adaptent aux régions où les étés sont plus frais et plus secs.

Le troisième est d’avoir des agriculteurs progressistes au Canada. Les agriculteurs acceptent volontiers d’utiliser de nouvelles techniques à valeur élevée pour fixer l’azote dans le sol qui profitent à tout le cycle de rotation de leurs cultures. Grâce à la technologie la plus perfectionnée qui soit dans le monde, notamment l’agriculture de précision, les agriculteurs deviennent ainsi de meilleurs intendants de leurs terres, tout en accroissant leur rendement grâce à l’évolution de la recherche, de la technologie et de l’équipement.

Le quatrième est le fait que le Canada puisse produire des variétés tant modifiées que non modifiées génétiquement. Le Canada possède un des meilleurs, si ce n’est pas le meilleur, système de ségrégation du soja au monde.

Le Système canadien de reconnaissance de la ségrégation, géré par la Commission canadienne des grains, permet au Canada de se démarquer sur les marchés étrangers. Le Canada est le seul pays à s’être doté d’un système de traçabilité national gouvernemental pour le soja de qualité alimentaire qui est reconnu dans le monde entier.

Le cinquième est la compétitivité internationale. L’industrie canadienne du soja est tournée vers l’exportation et est concurrentielle sur la scène internationale. En 2017, le Canada a exporté cinq millions de tonnes de graines de soja, de fèves de soja à identité préservée, de fèves de soja biologiques, de fèves de soja à broyer, de tourteaux de soja et d’huile de soja pour une valeur de 2,7 milliards de dollars, et ce, dans 71 pays, les principales destinations étant la Chine, l’Union européenne, les États-Unis et le Japon.

Toutefois, même si beaucoup a été accompli, ce ne sont pas les occasions qui manquent de faire encore mieux.

Premièrement, il y a les accords commerciaux internationaux. L’industrie du soja appuie fermement la négociation de ces accords, y compris l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne qui vient d’être mis en œuvre, et le Partenariat transpacifique global et progressiste en suspens depuis longtemps. En 2017, environ 22 p. 100 et 15 p. 100 des exportations canadiennes de soja ont pris la route d’un pays qui participe à l’AECG ou au PTPGP, respectivement.

Nous aimerions également voir le Canada presser le pas dans les négociations avec la Chine. La Chine est, de loin, le plus important importateur de soja dans le monde; elle représente les deux tiers du commerce mondial et le tiers des exportations canadiennes. Des progrès dans les négociations avec la Chine, notre client le plus important, pourraient réduire le risque de voir nos exportations de soja subir le contrecoup du commerce dirigé.

Deuxièmement, il y a l’accès aux marchés étrangers. La négociation concernant l’élimination des barrières techniques comme l’approbation des caractères, les limites maximales de résidus, la présence en faible quantité et l’étiquetage est un mandat exclusif du gouvernement. Même si nous félicitons le gouvernement d’avoir investi considérablement dans les accords commerciaux internationaux, nous regrettons de voir que les organismes gouvernementaux qui négocient pour éliminer les barrières techniques et stratégiques d’accès aux marchés souffrent d’un sous-financement important et chronique. L’absence de cohérence au sein du gouvernement est un facteur important qui l’empêche d’atteindre ses objectifs en matière d’exportations et de création d’emplois.

Troisièmement, il y a la capacité de trituration au pays. Même si le Manitoba et la Saskatchewan ont produit 2,7 millions de tonnes de soja en 2017, soit 35 p. 100 de la production totale canadienne, il n’y a pas d’usine de trituration du soja dans l’Ouest canadien. Il en résulte trois conséquences: premièrement, l’Ouest canadien ne profite pas des avantages de la valeur ajoutée que lui procurerait une usine dans la région; deuxièmement, le soja doit livrer concurrence aux autres grains pour le transport par rail vers les lieux d’exportation; et troisièmement, les producteurs de bétail doivent payer des frais de transport élevés pour importer des tourteaux de soja, ce qui réduit leurs chances de vendre leur viande sur les marchés d’exportation. Même si un groupe de représentants régionaux du secteur privé fait la promotion de la construction d’une usine de trituration du soja dans l’Ouest canadien, il n’y a pas eu de confirmation officielle que l’on irait de l’avant.

Quatrièmement, il y a la teneur en protéines, un facteur de choix dans la valeur du soja. La teneur en protéines du soja produit dans l’Ouest est habituellement moins élevée que celle du soja produit dans l’Est. En 2016, la différence moyenne était de 1,6 p. 100, mais elle est passée à 2,5 p. 100 en 2017. La situation a eu pour effet de réduire les revenus des producteurs, mais aussi, étant donné que quelques échantillons ont révélé que la teneur en protéines se situait sous le seuil minimal requis, de limiter le nombre d’acheteurs étrangers. Des discussions préliminaires sont en cours sur l’importance de la teneur en protéines pour les revenus des producteurs et l’acceptabilité des acheteurs, de même que sur des initiatives variétales et agronomiques qui pourraient améliorer la teneur en protéines.

En terminant, j’aimerais remercier les sénateurs de soutenir l’industrie du soja dans le cadre de son examen du projet de loi C-49. Nous sommes heureux que le débat ait débouché sur la décision de traiter toutes les cultures et tous les agriculteurs dans l’Ouest de façon égale.

Je vous remercie de votre invitation à venir témoigner aujourd’hui.

La présidente : Merci. Vos exposés étaient très intéressants. Nous avons de nombreux sénateurs qui veulent poser des questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, messieurs, et merci de vos présentations fort intéressantes et très instructives pour nous.

Si je comprends bien, monsieur Dahl, le chiffre d’affaires de vos entreprises se situe autour de 12 milliards de dollars, ce qui représente quand même une partie très importante de l’agriculture canadienne.

Vous avez surtout parlé d’un cadre de soutien à l’exportation. Pourriez-vous nous dire comment vous aimeriez que fonctionne ce cadre à l’exportation?

[Traduction]

M. Dahl : Je pense que l’élément le plus important, sénateur, n’est pas seulement d’avoir un cadre relatif aux exportations, mais d’avoir un cadre harmonieux entre nos marchés d’exportation et nos marchés intérieurs. Il faut en outre et surtout avoir une réglementation prévisible basée sur des données scientifiques et les risques.

On observe dans certaines régions du monde — en Europe, par exemple — qu’on s’éloigne des évaluations basées sur les risques. Nous avons besoin que le Canada prenne les devants dans ce dossier, afin de veiller à ce que nos règles commerciales reposent sur des évaluations solides basées sur les risques et des données scientifiques.

Et cela ne s’applique pas uniquement aux marchés internationaux. Cela s’applique également au marché national pour éviter d’avoir un marché et une réglementation fragmentés. On constate, par exemple, que des provinces bannissent l’utilisation de certains pesticides en s’appuyant sur des évaluations qui ne sont pas basées sur les risques et des données scientifiques.

À mon avis, l’élément le plus important est d’avoir un cadre réglementaire solide, prévisible et fondé sur des données scientifiques.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez beaucoup parlé de l'Accord sur le Partenariat transpacifique, non seulement de sa signature, mais également de sa mise en place et de sa réglementation.

Qu’en est-il de l’AECG? Quels horizons est-ce que cela représente pour vous?

[Traduction]

M. Dahl : L’AECG présente des possibilités fantastiques. Si je ne m’abuse, il y a 500 millions de consommateurs dans les pays qui font partie de l’Europe. Mais on ne doit pas se contenter de signer des ententes. Il faut aussi les faire appliquer lorsqu’on constate que nos partenaires commerciaux ne respectent pas ce qui a été convenu.

Depuis la signature de l’AECG, les exportations canadiennes de blé dur canadien, qui se chiffrent à environ 500 millions de dollars — ce n’est pas peu — sont tombées à zéro. Cela s’est produit en moins d’un an. Et c’est le fait d’un gouvernement en particulier, celui de l’Italie, qui a mis en place des mesures protectionnistes qui, à mon point de vue, débordent totalement le cadre de nos ententes commerciales.

L’accord en soi présente des possibilités fantastiques. C’est très important, mais il ne faut pas s’arrêter après la signature et la ratification. Il faut aussi que les règles soient appliquées et suivies, et le gouvernement a un rôle important à jouer à cet égard. Il lui revient de veiller à ce que nos accords commerciaux soient respectés.

M. Davidson : Je peux répondre brièvement.

Dans le cas de l’Europe, ce qui nous inquiète vraiment, ce sont les barrières non tarifaires et les barrières non tarifaires et non scientifiques auxquelles nous nous heurtons dans tout le secteur agricole. Je ne pense pas que ce soit le lot d’un produit en particulier.

Les barrières non tarifaires sont nombreuses, qu’on pense aux délais très longs — vraiment très longs — qu’il faut pour faire approuver un caractère, aux réponses non scientifiques aux cultures génétiquement modifiées, aux limites touchant les pesticides, et la liste est longue.

Quand j’ai parlé du manque de ressources au sein du gouvernement pour réagir concrètement face à tous les pays dans le monde, et ceux de l’Union européenne arrivent en haut de la liste, qui imposent des barrières techniques, je dois dire que c’est un problème pour nous.

Dans le cas du PTPGP, nous exportons déjà dans la plupart des pays concernés, mais il sera avantageux sur deux fronts. Premièrement, il éliminera les tarifs douaniers sur les produits à valeur ajoutée. Au fur et à mesure que l’industrie canadienne du soja continuera de croître, nous nous attendons à exporter plus de produits à valeur ajoutée, y compris l’huile, dans ces pays. Deuxièmement, je pense que le fait d’avoir un accord commercial facilitera les discussions sur les obstacles techniques. Cela ne réglera pas les problèmes, mais nous aurons assurément un cadre pour en discuter et ce sera certainement un avantage pour nous.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez souligné, monsieur Davidson, que vous n’avez pas d’usine de broyage dans l’Ouest, ce qui vous oblige à transporter vos produits par train ou par bateau, dépendamment si c’est pour la côte Est ou la côte Ouest. Le centre du Canada étant quand même un des plus gros producteurs de soja, pour quelle raison n’avez-vous pas d’usine de broyage? Cela vous éviterait de transporter du brut, ce qui s’avérerait une deuxième valeur ajoutée.

[Traduction]

M. Davidson : Je pense qu’il y a quelques raisons à cela. La première est historique. Le soja n’est devenu une culture importante dans l’Ouest que depuis l’an 2000. Ce n’est en fait qu’au début des années 2000 que le Manitoba, en particulier, est devenu un producteur important. En Saskatchewan, la production a augmenté beaucoup l’an dernier, et l’Alberta est devenue membre de Soy Canada cette année en raison de l’intérêt grandissant pour la production du soja dans les autres provinces de l’Ouest.

Il n’y avait donc pas de base historique solide. À mon avis, les entreprises ont attendu, jusqu’à un certain point, que la production augmente jusqu’à un niveau intéressant, et c’est le cas maintenant.

Ce qui amène la question suivante : quelles sont les conditions d’investissement? Les entreprises semblent réticentes à investir au Canada en raison du coût de faire des affaires ici, comparativement à ce qu’il est au sud de la frontière.

Le Manitoba et la Saskatchewan également, dans une certaine mesure, sont d’importants producteurs de porc, et le porc est un grand consommateur de tourteaux de soja. Selon les producteurs de porc du Manitoba, ils paient environ 40 $ la tonne pour importer des tourteaux des États-Unis et ils pourraient s’en procurer à bien meilleur prix s’ils étaient produits localement. Ainsi, leur porc serait plus concurrentiel sur leurs marchés internationaux d’exportation.

Je pense que le passé et les conditions d’investissement en ce moment n’attirent pas les investisseurs privés, mais nous sommes convaincus que l’augmentation de la production incitera quelqu’un à construire une nouvelle usine ou à en convertir une ancienne pour traiter à la fois le canola et le soja.

Le sénateur R. Black : Cam, vous avez donné des chiffres: valeur au détail sur le marché national du pain et des pâtisseries, et cetera, 8,6 milliards de dollars; exportations, 4,2 milliards de dollars; exportations annuelles dépassant les 6,5 milliards dans 65 pays. Est-ce qu’on peut aller au-delà de ces chiffres? Avons-nous la capacité, les équipes de recherche et les producteurs nécessaires pour produire encore davantage?

M. Dahl : C’est une excellente question. La réponse courte est oui. La réponse longue est, bien sûr, plus nuancée.

Je vais répéter encore une fois que nous avons besoin d’un cadre réglementaire basé sur les risques qui est solide. C’est l’élément le plus important pour avoir un environnement qui va encourager les investissements dans la recherche et le développement. C’est essentiel pour attirer des investissements au Canada — avoir un cadre prévisible basé sur des données scientifiques et les risques.

Ce qui nous amène à nous demander, eh bien, quelles données scientifiques? Lorsque la Loi sur les aliments et drogues a été rédigée à l’origine, il était impossible de mesurer des parties par milliard et des parties par mille milliards. Une partie par mille milliards est l’équivalent d’une seconde sur 32 000 années. C’est un chiffre très petit. Quand la Loi sur les aliments et drogues a été rédigée à l’origine, si on pouvait détecter quelque chose de nocif, cela présentait probablement un risque parce que c’était les niveaux mesurés par les tests, mais notre capacité de tester va maintenant beaucoup plus loin.

Il nous faut un environnement réglementaire en harmonie avec nos capacités techniques actuelles.

Le sénateur R. Black : Vous avez parlé de l’entrée en vigueur de l’AECG et du problème lié au blé dur. Ce n’était pas la première fois que vous nous en parliez. Je veux dire que ce n’est pas la première fois que vous le mentionnez. Est-ce que le gouvernement fait quelque chose? Entendez-vous parler de quoi que ce soit?

M. Dahl : Nous recevons un appui très solide au plan diplomatique.

Au plan diplomatique, comme nous avons une mission à Rome et une mission à Bruxelles auprès de l’Union européenne, les ministres canadiens et européens sont bien au courant du dossier. On constate un penchant de plus en plus nationaliste en Europe, en particulier en Italie. Ce n’est donc pas par la diplomatie discrète qu’on réglera le problème. Nous en sommes rendus au stade où il faut réagir de manière plus énergique.

Le sénateur R. Black : Est-ce que c’est ce qui se produit?

M. Dahl : Non, ce n’est pas ce qu’on voit à l’heure actuelle.

Le sénateur R. Black : Merci.

J’ai une dernière question pour M. Davidson. Je ne savais pas que le soja de l’Ouest et de l’Est avait des teneurs en protéines différentes. À quoi est-ce dû?

M. Davidson : Le climat est un facteur important. Le temps plus doux autour des Grands Lacs, où le soja a d’abord été cultivé au Canada, aide beaucoup à accroître la teneur en protéines. La teneur varie aussi selon les variétés. Nous avons entamé des discussions au sein de l’industrie pour sensibiliser les producteurs de l’Ouest à la teneur en protéines et à l’impact que cela a sur leurs revenus, et nous avons trouvé différentes façons de le faire, notamment en publiant une liste des différentes variétés et de leur teneur en protéines, et en encourageant les entreprises qui s’occupent de la recherche à accorder plus d’importance à cet élément. Jusqu’à maintenant, on se concentrait surtout sur le rendement. Le rendement a énormément augmenté, mais on s’est peu concentré sur la teneur en protéines.

Le sénateur R. Black : Avons-nous la capacité de faire croître l’industrie au Canada, si on fait abstraction de l’usine de trituration dans l’Ouest? A-t-on la capacité, les équipes de recherche et les producteurs nécessaires? Y a-t-il un intérêt?

M. Davidson : C’est le cas, à n’en pas douter, oui. En fait, j’ai beaucoup discuté avec les entreprises de semences, car c’est vraiment le point de départ si on veut doubler la surface de production, là où les étés sont encore plus doux et plus secs. Ce sera dans l’Ouest. Il est possible d’augmenter la production dans l’Est également, mais les rotations sont assez stables dans cette région. Il y a beaucoup de possibilités dans l’Ouest, et c’est là où nous mettons l’accent.

[Français]

La sénatrice Gagné : Merci de vos présentations.

[Traduction]

Monsieur Dahl, vous avez dit dans votre exposé que Cereals Canada animait un processus national d’établissement des priorités de la recherche sur le blé, en collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je me demandais quelles étaient ses priorités en recherche dans les cinq années à venir.

M. Dahl : Excellente question. En fait, le point de départ de l’établissement de priorités nationales pour la recherche est essentiellement de s’interroger sur les désirs de nos clients d’ici et de l’étranger. Quels caractères recherchent-ils? Ensuite, est-ce l’objectif privilégié par notre recherche?

Beaucoup de cloisons divisent la recherche. On veut de la recherche sur chaque produit, dans chaque province, chaque université, ce qui aboutit à l’émiettement. Nous pouvons y remédier et beaucoup mieux focaliser la recherche.

De même, le marché ne cherche pas toujours à savoir ce que le client est disposé à payer. On revient à la question du sénateur Black sur la croissance.

Simplement un exemple de la concurrence que nous affrontons — ce n’est pas sur la valeur ajoutée —, mais, il y a 10 ou 12 ans, les pays riverains de la mer Noire exportaient environ 4 ou 5 millions de tonnes de blé. Cette année, ils en exporteront 50 millions. Voilà nos concurrents. Comment le Canada tire-t-il son épingle du jeu? Par l’innovation et la recherche. Nous devons être agiles, nous devons nous focaliser sur les besoins de la clientèle et mettre le secteur privé dans le coup, parce que ce n’est pas une stratégie que les pouvoirs publics peuvent financer à eux seuls. Il est très important d’encadrer les partenariats public-privé. Nous n’y sommes pas encore. C’est un autre sujet auquel nous travaillons.

Sur les priorités et les mesures très précises de la recherche, nous avons publié un rapport qui les énumère toutes, dont nous pouvons vous faire parvenir un exemplaire.

La sénatrice Gagné : Pourriez-vous tirer profit d’une stratégie nationale de recherche?

M. Dahl : C’est réellement ce dont il s’agit; c’est l’élaboration d’une stratégie nationale de recherche et la volonté de diriger les fonds vers les domaines visés par notre clientèle du public et du privé, de l’État fédéral et des provinces. C’est vraiment une stratégie nationale de recherche pour le blé.

La sénatrice Gagné : J’imagine un plan très robuste de transfert des connaissances.

M. Dahl : Oui, c’est d’une importance capitale. Ça fait bien partie de la stratégie.

La sénatrice Gagné : Merci. Je trouve particulièrement irritante la recherche de pain quand je fais le marché. Il y en a pour le déjeuner, le dîner, pour tous les goûts.

Pour en revenir à l’étiquetage, il y a du pain bon pour la santé et du pain qui ne l’est pas tellement. Je pense que l’industrie ne voudrait pas que son pain soit étiqueté mauvais pour la santé. Dans l’ensemble des pains qu’elle offre, il y en a qui ne sont pas bons pour la santé.

M. Dahl : D’après ce que j’ai lu hier, les propositions de Santé Canada ne font aucune de ces distinctions. C’est simplement du pain, et ce n’est pas…

La sénatrice Gagné : L’étiquette permet de connaître les ingrédients.

M. Dahl : Encore une fois, je reviens aux commentaires sur la nécessité d’un processus de décision fondé sur une très bonne connaissance des risques et des faits scientifiques. Ça s’applique aussi aux renseignements que les compagnies font figurer sur les emballages. Voici un exemple sans rapport avec le sujet, mais il se vend du sel rose de l’Himalaya sans OGM. Sérieusement! Un produit absolument minéral, donc sans organismes modifiés. Nous avons besoin de cette véracité dans l’étiquetage. Nous devons aussi être prudents.

Encore une fois, j’ai consacré du temps à la question des pâtes européennes. J’ai vu la photo d’une étiquette d’une pâte vendue en Europe qui couvrait les deux côtés de l’emballage. Il y avait deux ingrédients — de la semoule de blé dur et du sel — et l’étiquette couvrait les deux côtés de l’emballage. Ça ne s’appelle pas informer. Nous devons agir plus intelligemment et de manière à informer le consommateur. Nous devons aussi nous fonder sur les sciences exactes et pas seulement sur le dernier caprice à la mode.

La présidente : Merci.

Le sénateur Oh : Puis-je poser une question supplémentaire?

La présidente : Oui.

Le sénateur Oh : Aujourd’hui, on demande toujours du pain de blé entier, brun ou blanc. Mon médecin m’a conseillé de toujours acheter le pain de blé entier 100 p. 100, pas le blanc. Qu’est-ce que ça veut dire? Est-ce une technique de vente, en s’insinuant dans l’esprit du consommateur?

M. Dahl : Pour prendre l’exemple du pain blanc, il est fait de farine enrichie qui a permis une réduction importante de l’incidence du spina-bifida en Amérique du Nord. En fait, nous avons les résultats d’un travail de recherche qui montre que son incidence augmente de nouveau, en raison de la baisse de la consommation de farine enrichie.

Ma réponse tient dans le mot équilibre. Un régime sain est un régime équilibré. Les grains entiers peuvent y contribuer. Beaucoup de travaux de recherche montrent que les grains entiers contribuent à un régime sain, équilibré. Ça ne signifie pas que le pain blanc n’est pas bon pour la santé ou qu’il ne nourrit pas et qu’il ne peut pas faire partie de ce régime équilibré. Il fait partie du mien. Ça ne veut pas dire qu’on peut vivre de pain et de bière. Ce régime serait intéressant pendant une semaine. L’essentiel, c’est l’équilibre.

On revient aussi à l’étiquetage. Nous devons garder cet équilibre à l’esprit.

Le sénateur Mercer : Maintenant, je ne me sens pas très bien. Vous venez de dire que bière et pain ne font pas un régime sain. J’y ajoute deux ou trois autres choses.

Merci à vous deux d’être ici. Vous me renseignez beaucoup. La discussion sur le blé dur dans le syndicat des agriculteurs italiens est fascinante. Vous dites que, maintenant, la diplomatie ne donne pas de résultat. Si c’est vrai, nous devons la remplacer. Ces agriculteurs italiens qui protestent au sujet du blé dur cultivent-ils aussi du raisin, à part ce blé que je suppose qu’ils cultivent?

M. Dahl : J’ignore si ces agriculteurs, précisément, en cultivent, mais il se cultive beaucoup de raisin en Italie.

Le sénateur Mercer : Je demande à mes collègues et aux millions d’auditeurs Canadiens de bien vouloir me pardonner: peut-être devrions-nous cesser d’acheter du vin italien. Au nom de la réciprocité. Si, en un an, ils peuvent passer d’un million de tonnes à rien, ils sont là-bas assez bien organisés.

M. Dahl : Oui. Ils ciblent le blé dur canadien depuis longtemps et, depuis quelques années, ils ont trouvé des moyens efficaces.

Je vous comprends. Quand je reviens chez moi, le soir, j’ai tendance à être d’accord. Je n’achète plus de pâtes italiennes, ça je vous le dis!

Le sénateur Mercer : Pour moi aussi c’est fini.

M. Dahl : Je pense qu’une guerre ou une querelle commerciale serait stérile pour le Canada. Nous devons trouver d’autres façons, fondées sur des règles, pour résoudre ce différend. Nous avons contesté ces mesures devant l’Organisation mondiale du commerce ou sous le régime de l’Accord économique et commercial global.

Oui, je crois que nous pouvons employer des moyens de rétorsion. Mais, pour moi, ce ne serait qu’en dernier recours. Nous sommes en meilleure posture quand notre commerce avec l’Europe se fait sans encombre.

Le sénateur Mercer : Nous sommes tous d’accord, mais les Canadiens ont la réputation de toujours jouer les bons gars un peu naïfs. Une belle réputation, c’est très bien, mais nous avons besoin des emplois qu’offrent l’agriculture et la valeur ajoutée.

Parlons maintenant, un moment, du soja et de la nécessité d’une usine de trituration. Il me semble que si tellement d’agriculteurs produisent un si bon produit et qu’il y a un marché pour sa transformation, qu’est-ce qui empêche une coopérative d’agriculteurs à l’ancienne de se lancer dans la trituration? Ça doit être un bon filon. Je ne connais pas d’agriculteurs qui hésitent à gagner de l’argent ou à essayer d’en gagner et ils ont toujours excellé dans le mouvement coopératif.

Les agriculteurs ne parlent-ils pas de s’associer pour soit construire une usine ou transformer une usine de trituration du canola?

M. Davidson : Actuellement, je ne suis pas au courant de ce genre de discussions entre eux. On trouve au Canada de très grandes multinationales de la trituration capables d’affronter la concurrence ici, aux États-Unis et dans d’autres pays. Je pense qu’on hésite un peu, actuellement, à créer une usine indépendante de trituration.

Cependant, si les circonstances continuent d’évoluer et que la production augmente, ça deviendrait certainement possible, particulièrement si la production croît en Saskatchewan et en Alberta, ce qui faciliterait les choses. Actuellement, seuls les producteurs du Manitoba seraient partants.

Le sénateur Mercer : Je tiens aussi à vous rappeler, à vous et à d’autres qui occupent ces sièges de temps à autre que lorsqu’on essaie de faire bouger le gouvernement dans ce genre de dossier, particulièrement la valeur ajoutée, il faut employer une langue que comprennent les politiciens urbains. Ils sont plus nombreux que les ruraux. Nous devons les convertir et faire miroiter les emplois. Il faut vraiment parler des emplois créés. Oui, des emplois se créent sur la ferme, mais comme nous parlons de valeur ajoutée, il s’en crée aussi là, comme dans la trituration du soja, qui seraient durables et peut-être bien rémunérés.

Monsieur Davidson, une usine de trituration aiderait-elle à résoudre certains problèmes que nous éprouvons continuellement dans le transport et l’acheminement du soja jusque sur le marché — si nous le transformions localement et si nous livrions un produit fini?

M. Davidson : Voici ce qui nous aiderait: plutôt que de nous servir du matériel de transport pour exporter de gros tonnages de fèves de soja vers les ports, principalement de l’Ouest, mais, aussi, Thunder Bay —, on en libérerait une partie. On écourterait aussi la distance de transport de la farine de soja américaine au Canada, comme actuellement, grâce à ces usines et provenderies canadiennes.

Oui, il y aurait un impact. Bien honnêtement, une usine ne résorberait pas le problème du transport dans l’Ouest, mais ce serait un début de solution. Ça changerait certainement quelque chose dans l’industrie du soja, qui a éprouvé les mêmes difficultés que tout le monde, cette année, en essayant d’exporter son produit des Prairies.

Le sénateur Mercer : Nous importons maintenant du soja des États-Unis. En quelles quantités, alors?

M. Davidson : M. Davidson: Nous exportons pour environ 5 milliards de dollars en produits du soja et, je pense, nous en importons pour environ 1,5 milliard en farine et en huile. Au Manitoba, particulièrement, la farine destinée à la production porcine entre en grandes quantités.

Le sénateur Mercer : J’espère que nos négociateurs qui font la navette jusqu’à Washington pour discuter d’un ALENA révisé ont mis le soja sur la liste des produits pour lesquels nous avons d’une meilleure part des marchés américain et mexicain.

M. Davidson : Les secteurs agricoles du Canada et des États-Unis, en général, partagent à quelques exceptions près le même point de vue sur l’ALENA. Ça reste vrai pour le soja et, je crois, les céréales. Nous ne voulons pas de problèmes à la frontière. La difficulté réside dans la traduction de la position de l’industrie en objectifs américains de négociation. Sur ce point, il reste à bouger.

Le sénateur Mercer : Leurs objectifs semblent un peu flous, vagues et variables au gré du tweet du lendemain matin.

Merci.

Le sénateur Oh : Merci. J’ai une question complémentaire.

À quels montants d’investissements songez-vous pour lancer une usine de trituration dans l’Ouest? Bien sûr, ça dépend du volume et de la capacité, mais, approximativement, de combien s’agit-il?

M. Davidson : Je connaissais ce montant, mais, maintenant, il m’échappe. Peut-être Cam peut-il m’aider. Le chiffre de 150 millions de dollars ou un montant de cet ordre me vient à l’esprit.

M. Dahl : Ça me semble avoir du sens. Je ne…

M. Davidson : Je suppose 150 millions de dollars. Je connais le montant. Je l’ai noté dans mon bureau. Je ne l’ai pas vu depuis novembre dernier. Ce serait pour 2 500 tonnes par jour. Essentiellement, il y a eu des discussions sur son coût avec un groupe de l’industrie qui proposait une usine d’à peu près cette taille.

Une autre possibilité se réalise dans l’Est. Les usines actuelles de trituration du canola pourraient décider de se convertir aussi au soja, ce qui demande quelques semaines pour remplacer l’équipement, mais c’est ce qui se produit dans l’Est. Il existe des usines à Windsor, Oakville et Bécancour, au Québec, où on est capable de faire les deux.

Le sénateur Oh : Je suis un peu étonné d’apprendre que les exportations de produits alimentaires du Canada sont passées du troisième au cinquième rang mondial. Quels occasions et défis découlent de la production et de l’exportation de produits céréaliers et de produits du soja canadiens relativement à l’expertise technique et à la formation ciblée en fonction de la clientèle des nouveaux marchés internationaux?

M. Dahl : Ron en a parlé: en partant, nous avons notamment besoin et je le préconise aussi, étant d’accord avec la recommandation de Ron à votre comité, d’assurer aux organismes gouvernementaux comme l’Agence canadienne d’inspection des aliments ou le Secrétariat de l’accès aux marchés, qui s’occupent des barrières techniques au commerce international, un financement convenable.

Je proposerais aussi à certains organismes, comme l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, par exemple, de mieux s’appliquer à comprendre les répercussions de leurs décisions sur le marché. Sur deux aspects, ici, au Canada, il faut que ces organisations qui s’occupent des obstacles techniques au commerce soient convenablement financées, parce qu’elles feront croître ces obstacles, et il faut que nous comprenions bien les répercussions des décisions réglementaires sur notre capacité de fabrication industrielle de produits alimentaires et celle d’en faire le commerce.

M. Davidson : Ajoutons la précision suivante: j’ignore si d’autres témoins ont parlé du contexte réglementaire des nouvelles technologies de sélection végétale, des obtentions végétales. J’ignore si la question a été discutée ici. Le Canada est en train d’accuser un retard sérieux dans l’approbation des technologies de sélection végétale comme la correction génique — vous avez entendu parler de CRISPR-Cas — au point où, en plus de la sélection traditionnelle et des organismes génétiquement modifiés, la dernière innovation en sélection végétale offre de grandes occasions dans le secteur du soja et de beaucoup d’autres cultures. Les scientifiques et les chercheurs vivent une véritable incertitude relativement au nouveau contexte réglementaire dans lequel évolueront ces produits.

Je pense que vous avez entendu parler de la pomme Arctic, créée au Canada, produite aux États-Unis et réexportée ici. Il y a d’autres exemples comme celui-là, où notre régime réglementaire accuse un retard et met en péril la science canadienne et la capacité du secteur agroalimentaire canadien de profiter presque immédiatement de cet acquis scientifique.

Voilà un domaine où nous avons collectivement collaboré avec le secteur agricole, notamment le Conseil des grains du Canada. Nous avons rencontré des fonctionnaires pour en discuter. Malgré leur écoute attentive, aucune mesure n’a certainement été prise pour rattraper ce retard, puisqu’il subsiste.

Le sénateur Oh : Encore une question. Vous avez dit que vous exportiez 36 p. 100 du soja en Chine. C’est beaucoup. À cause de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, on a parlé, récemment, de l’achat de beaucoup plus de produits américains par la Chine. Craignez-vous que ça ne soit aux dépens de nos exportations vers ce pays?

M. Davidson : J’ai deux ou trois réponses. Au début d’avril, quand c’est devenu très médiatisé, j’ai passé toute une journée à recevoir des appels des médias, qui sondaient mes intentions. J’ai expliqué que nous préférions que la Chine et les États-Unis s’entendent, parce que nous craignions que si les Américains exportaient 35 millions de tonnes, cet ordre de grandeur, de fèves de soja en Chine chaque année, si ce débouché disparaissait, où ce produit allait-il se retrouver? Au Canada certainement, parce que c’est peut-être un endroit où il se vendrait encore mieux et il se répercuterait sur toute notre production, si le prix, ici, s’écroulait.

Le fait que les États-Unis ne puissent pas exporter de soya en Chine n’est pas une bonne chose pour nous. D’un autre côté, lorsque j’ai parlé des accords internationaux de libre-échange, j’ai évoqué la question du commerce administré, et c’est à cela que je faisais allusion. Si la Chine devait s’éloigner de la concurrence du marché pour déterminer d’où elle va importer — en optant pour une sorte de commerce administré pour équilibrer les livres avec quelqu’un d’autre —, ce serait très préoccupant. Et la raison en est, comme je l’ai dit, que la Chine achète les deux tiers du commerce mondial de soya et le tiers de notre production, et qu’il serait extrêmement difficile de trouver de nouveaux marchés pour ce produit. Oui, nous nous préoccupons effectivement des effets secondaires potentiels.

Le sénateur Oh : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. J’aimerais revenir sur l’Accord de Partenariat transpacifique — le PTP — et sur l’ALENA. Tout comme moi, vous constatez probablement que le gouvernement, lorsqu’il signe des accords, laisse traîner les choses au détriment du secteur agricole. Et je crois que lorsqu’on signe un accord comme le PTP, on doit s’empresser de régulariser les choses afin d’en profiter le plus rapidement possible.

D’après vous, quels sont les inconvénients causés aux entreprises, tels que des inconvénients financiers, pour ne pas avoir agi pour la mise en place de l’Accord de Partenariat transpacifique? Par exemple, il devait y avoir des mesures compensatoires pour les producteurs laitiers et cela n’a pas été mis en œuvre.

Est-ce que cela vous crée des inconvénients sur le plan financier?

[Traduction]

M. Dahl : Je crois qu’il y a des avantages considérables au fait d’être parmi les premiers participants à l’Accord de Partenariat transpacifique. Bien entendu, le corolaire est aussi vrai: il y a des désavantages au fait de ne pas faire partie de cette première cohorte de pays, des six premiers qui présideront à l’entrée en vigueur de l’accord.

Étant donné que les États-Unis ne font pas partie du PTP, nous allons avoir des avantages tarifaires dans certains gros marchés asiatiques, comme celui du Japon, où l’ensemble des produits canadiens vont jouir d’un avantage tarifaire par rapport aux produits américains, ce qui est une très bonne chose. Plus vite nous aurons cet avantage et plus longtemps nous pourrons en profiter, meilleures seront nos chances de constituer un marché. Il y a plusieurs inconvénients de taille à ne pas faire partie de ce groupe, et cela va au-delà de la simple question des tarifs douaniers.

Les pays de la première cohorte à ratifier l’accord seront aussi ceux qui définiront les conditions d’admission des pays qui suivront. Certains de ces futurs membres sont aussi des partenaires commerciaux importants ou des partenaires commerciaux potentiels du Canada. Il est important que nous soyons présents à la table lorsque les conditions d’admission des nouveaux membres seront définies.

M. Davidson : Je suis d’accord avec Cam. Il s’agit d’un signal que d’autres pays captent et qui insiste sur l’importance des liens; cela a quelque chose à voir avec la rapidité avec laquelle nous adopterons cet accord. En Asie, qui est une destination de première importance pour nos produits, nous voulons être perçus comme étant un pays qui veut faire du commerce. Il y a un signal qui doit être envoyé. Surtout, il y a un avantage au fait d’avoir une influence sur les nouveaux adhérents.

Dans le cas particulier du soya, ce sont les produits transformés et l’huile de soya, par exemple, qui verront les plus gros changements, attendu que les fèves nature jouissent déjà d’un accès en franchise de droits.

Lorsqu’on pense à l’avenir et à ce qui arrivera aux produits transformés, les avantages tarifaires prennent tout leur sens.

Comme je l’ai dit, lorsqu’il s’agit de discuter des barrières non tarifaires, il est toujours mieux d’avoir un cadre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : On sait que les négociations dans le cadre de l’ALENA sont longues. On a vu, cette semaine, avec l’administration américaine, que le président préférait régler ses accords avec la Chine qu’avec le Canada.

Une rumeur circule selon laquelle le Canada serait peut-être prêt à signer un accord de libre-échange sans la participation du Mexique. Le fait que le Mexique, pour quelque raison que ce soit, ne ferait plus partie de l’ALENA, quelles conséquences est-ce que cela pourrait avoir sur votre industrie? Avez-vous évalué la situation où il pourrait y avoir un accord de libre-échange sans la participation du Mexique?

[Traduction]

M. Dahl : M. Davidson a déjà parlé du fait que les trois pays avaient des points de vue somme toute assez semblables en matière d’agriculture. Il y a des exceptions, mais je les qualifierais de mineures. Le milieu de l’agriculture soutient énergiquement l’ALENA. Cela comprend les États-Unis. Cela comprend aussi les producteurs mexicains et, bien entendu, les producteurs canadiens qui exportent. Il s’agit d’un soutien très, très fort.

Pour beaucoup de produits agricoles états-uniens, le Mexique est en fait le plus gros marché. Pour reprendre l’exemple de Ron, si les États-Unis ne peuvent plus expédier leurs produits au Mexique, vers qui vont-ils se tourner? Nous profitons tous de la libre circulation des produits. Nous profitons tous du fait que l’accord comprend les trois pays. C’est le point de vue quasi unanime des secteurs agricoles des trois pays. Cela ne concerne pas seulement le secteur des céréales, mais bien l’ensemble de l’agriculture des trois pays. L’ALENA jouit d’un soutien très, très fort.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dois-je comprendre — autant du côté des négociations de l’Accord de Partenariat transpacifique que de l’ALENA — que le gouvernement vous consulte pour savoir les avantages ou les inconvénients que vous pouvez en tirer?

[Traduction]

M. Davidson : Je crois que nous sommes très reconnaissants de pouvoir faire connaître nos points de vue par l’intermédiaire de l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire — nous appartenons tous les deux à cette alliance. C’est quelque chose que nous faisons régulièrement, voire fréquemment. Nous croyons que les négociateurs du gouvernement font de leur mieux pour faire valoir nos recommandations à la table de négociation. Nous ne serons fixés qu’une fois que ce sera fini. Nous avons l’impression que l’on nous écoute et que nos conseils sont pris en compte par les négociateurs.

M. Dahl : Permettez-moi d’ajouter que nos collègues des autres pays nous envient souvent, du fait que nous sommes en mesure de parler à nos équipes de négociation ainsi qu’à nos ministres. C’est une relation qui est très ouverte, et qui va dans les deux sens. Il leur arrive de nous dire des choses que nous ne voulons pas entendre, mais nous en discutons quand même.

En fait, il s’agit d’une relation qui est plus ouverte que dans presque tous les autres pays qu’il m’a été donné de voir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Marwah : Je veux revenir sur la question des barrières non tarifaires. Je crois que vous en avez parlé tous les deux. La situation qui s’est installée en Italie en ce qui concerne le blé dur donne l’impression d’une sorte de barrière non tarifaire.

Sur une échelle de 1 à 10 — où 10 serait un niveau alarmant de contamination touchant de nombreux pays, et 1, cet état où l’on aurait constaté le phénomène, mais sans y voir quelque chose de foncièrement mauvais — à quel point ce phénomène est-il répandu? Comment qualifieriez-vous cela?

M. Dahl : Je dirais que c’est très, très haut sur l’échelle des menaces. Au fur et à mesure que nous allons négocier la suppression des barrières traditionnelles au commerce, dont les tarifs et les quotas, les gouvernements protectionnistes vont se tourner vers d’autres outils, et ces autres outils sont des barrières non tarifaires.

Le sénateur Marwah : Monsieur Davidson, diriez-vous aussi que c’est très, très haut?

M. Davidson : Les barrières non tarifaires sont un problème récurrent, et l’Union européenne est un cas très problématique à cet égard, parce que les barrières tarifaires y sont si nombreuses et qu’elles sont longues à résoudre, lorsqu’on arrive à les résoudre. Mais ce n’est pas seulement le lot des Européens. Par exemple, en Chine, une très grande quantité de cultures canadiennes et de variétés végétales sont en attente d’une approbation, de l’approbation de leurs caractères, de leurs nouveaux caractères génétiquement modifiés.

Au Canada en général, le secteur agricole a pour mot d’ordre de ne pas commencer à cultiver ces produits, ces nouvelles variétés, avant que tous nos grands marchés ne les aient approuvés. Nous parlons ici de l’Union européenne, des États-Unis et de la Chine, dans le cas du soya, ainsi que du Japon.

Lorsqu’un de ces pays tarde à approuver un nouveau caractère, nous nous abstenons de produire cette variété. Nos producteurs ne peuvent pas tirer avantage de la « technologie » que ces nouvelles variétés renferment. Oui, il y a beaucoup de barrières non tarifaires, et elles ont effectivement une incidence, une incidence considérable.

Le sénateur Marwah : Dans vos observations, une des choses que vous avez mentionnées, c’est le grave sous-financement des organismes gouvernementaux qui négocient la politique d’élimination et la suppression des barrières techniques, qui sont en fait des barrières non tarifaires. Que faudrait-il pour résoudre ce problème? S’agirait-il pour le gouvernement de faire un investissement sérieux à cet égard — à hauteur de 5 millions de dollars, par exemple — ou d’ajouter 10 personnes? Quelle sorte d’investissement faudra-t-il pour que le gouvernement ait des ressources adéquates à ce chapitre?

M. Davidson : Je ne sais pas si je peux vraiment mettre un chiffre là-dessus. Vous êtes à même de constater la situation de vos propres yeux. Vous auriez dû poser la question à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, puisqu’elle a une façon de catégoriser l’importance ou le caractère prioritaire des barrières qui, un peu partout dans le monde, bloquent l’accès aux marchés. Un, deux, trois, quatre. Les ressources de l’agence sont si limitées qu’elle n’arrive même pas à résoudre toutes les priorités de sa liste numéro un, alors inutile de dire ce qui arrive à celles qui sont placées sur les listes deux, trois et quatre. Et on ne parle que d’un organisme.

Le sous-financement est un problème chronique qui ne date pas d’hier. C’est quelque chose qui nous a donné beaucoup de fil à retordre au cours de la dernière décennie. Nous entendons beaucoup de commentaires encourageants de la part de l’ACIA à propos de l’urgence et de la volonté de faire cela. Sauf que la réalité, c’est qu’elle n’a pas les ressources nécessaires. Et cela ne touche pas seulement l’ACIA, mais aussi l’ARLA, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, dont le travail a aussi une incidence sur ce que nous pouvons faire à l’étranger.

M. Dahl : Je ne peux pas vous donner de chiffre, moi non plus. La seule chose que je dirai, c’est qu’il s’agit d’un problème qui s’aggrave au fil du temps et qui va continuer de s’aggraver. Ces barrières non tarifaires vont devenir le problème numéro un pour notre organisation, si ce n’est pas déjà le cas.

Le problème est bien plus grave qu’il ne l’était il y a cinq ans, et cette tendance va se poursuivre. Je n’ai pas de montant à proposer, mais je sais qu’il est essentiel de veiller à ce que nos fonctionnaires aient les ressources qu’il leur faut pour traiter de ces enjeux.

Le sénateur Marwah : Vous avez parlé d’organismes internationaux de normalisation. C’est quelque chose qui est très important pour nous; si nous avons l’intention d’intervenir en matière d’innovation et de recherche et développement, plus ces normes seront élevées, meilleur ce sera pour les exportateurs canadiens.

Quelle est l’importance de notre rôle à cet égard? Sommes-nous des meneurs? Sommes-nous très actifs? Restons-nous en retrait? Pour ce qui est des normes internationales, sommes-nous des suiveurs plutôt que des meneurs? Croyez-vous que nous sommes plus efficaces pour mener que pour suivre?

M. Dahl : Je crois que nous exerçons un leadership, mais encore une fois, je pense que nous pouvons faire mieux. La réforme du Codex est un exemple d’initiative à laquelle, selon moi, le Canada devrait consacrer plus de ressources.

Nous avons fait preuve de leadership quant à l’élaboration d’une politique sur la présence à faible concentration. S’il y a… pourrait adopter un caractère, un caractère du coton, qui ne serait pas nécessairement approuvé au Canada. S’il y a un peu de poussière dans une cargaison, la cargaison ne sera pas stoppée pour autant.

Le Canada a joué un rôle de meneur quant à l’élaboration de cette politique à l’échelle internationale. Bien sûr, comme Ron l’a dit — je crois que c’était lui —, il y a des domaines où nous devrions nous investir de façon plus active. Je fais écho à l’observation qu’il a formulée sur les nouvelles techniques de sélection végétale. Nous devons intervenir de façon plus active sur la scène internationale.

Le sénateur Marwah : Merci.

La sénatrice Petitclerc : Je vais y aller rondement, car le désavantage de lever sa main en dernier, madame la présidente, c’est que toutes les questions ont déjà été posées. Je vais tout simplement dire merci.

Je vais tout de même, m’en permettre une petite. C’est très idéologique. En tant qu’ancienne athlète, je m’interroge sur le fait que le monde — le monde et le Canada, si l’on en juge par le nouveau guide alimentaire qui est en préparation — est en train de passer d’un régime carné à un régime axé un peu plus sur les traditions méditerranéennes. Que ce soit pour des raisons de santé ou pour des raisons environnementales, la tendance est là. Ne croyez-vous pas que cela va nous être favorable? N’y a-t-il pas là une occasion à saisir? Je pense bien que c’est le cas.

M. Dahl : Selon moi, toute l’agriculture au Canada est importante. Cela nous ramène à ce qui a été dit sur la nécessité de prendre des décisions fondées sur des faits et non sur des modes. Par exemple, certaines des idées qui circulent sur l’impact environnemental de l’agriculture animale sont erronées. Je ne vais pas parler pour les gens de l’industrie porcine et de l’industrie bovine, mais le fait de fonder un guide alimentaire sur des choses qui ne sont pas, tout à fait, exactes est très problématique. On ouvre la porte à des commentaires comme: « Quelle sera la prochaine idée à la mode? » Heureusement, la mode du « sans gluten » est en train de s’essouffler au Canada. Est-ce une bonne idée de fonder ses lignes directrices sur ce que le dernier médecin en vogue sur le Web a pu pondre comme théorie? C’est quelque chose qui peut se révéler très problématique.

La sénatrice Petitclerc : Dans votre secteur particulier, les tendances mondiales vous sont assurément favorables, non?

M. Dahl : Encore une fois, je crois qu’il faut être prudent. Dans une bonne partie du monde, les revenus augmentent et, avec eux, la consommation de protéines. C’est une bonne chose. Cela permet l’amélioration de l’alimentation de beaucoup de gens. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’une tendance mondiale; en fait, il se peut que la tendance mondiale soit dans l’autre sens.

Oui, il peut y avoir des avantages à court terme, mais quelle sera la prochaine tendance? Il se peut qu’elle soit désavantageuse. Encore une fois, cela souligne la nécessité de fonder notre cadre sur la science, les faits et la prise en compte du risque. Si vous buvez trop d’eau, vous allez mourir. Cela ne veut pas dire que l’eau n’est pas bonne pour votre santé. C’est vraiment cette différence entre le danger et le risque qu’il faut prendre en considération.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

M. Davidson : Si je peux ajouter quelque chose, je dirais que je suis personnellement préoccupé par une grande partie de l'information qui circule en matière de nutrition et par les fondements scientifiques en vogue. L’autre jour, quelqu’un m’a dit: « Je cherche quelque chose dans Google, je regarde la première page de résultats et je sais tout ce qu’il a à savoir là-dessus. » À l’évidence, cette méthode ne fournit pas d’information fondée sur la science en matière de conseil nutritionnel. Essentiellement, il s’agit des pages les plus consultées ou les plus souvent ouvertes — et il y a des raisons qui expliquent cela. Elles ne contiennent pas vraiment d’informations proprement scientifiques.

Je vais vous donner un exemple précis de ce que je veux dire. L’autre jour, en me rendant au travail, j’écoutais une émission à la radio de la CBC, et il y avait quelqu’un des Diététistes du Canada qui parlait des préparations pour nourrissons. Le lait maternel est le choix préférable. Si le lait maternel ne peut être utilisé, Santé Canada et les diététistes conseillent d’utiliser le lait de vache. La seule autre option qu’ils pourraient prendre en considération, c’est le lait de soya fortifié pour nourrissons. Il y a sur le marché d’autres boissons à base de plantes, mais elles ne contiennent pas assez de protéines. Certains enfants qui ont été nourris avec ces boissons ont eu des problèmes de santé très graves.

Je suis très content que les gens consomment du lait de soya. Il est important qu’ils aient une information complète, car le simple fait de dire que c’est à base de plantes et que c’est bon pour vous ne suffit pas; il faut aller plus loin que cela.

Le deuxième point concerne le secteur du soya. Oui, nous faisons la promotion des protéines de soya auprès des consommateurs, mais le bétail consomme aussi beaucoup de tourteau de soya. Laissons les nutritionnistes débattre de cela. Nous nous contenterons d’approvisionner les marchés, quels qu’ils soient.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

La présidente : Mes questions s’adressent à M. Davidson.

Je veux parler des organismes génétiquement modifiés. Quelle portion des cultures de soya provient maintenant d’OGM?

M. Davidson : D’abord, je tiens à souligner que les agriculteurs — surtout dans l’Est du Canada pour le moment, car ils ont accès à ces variétés —, que les agriculteurs vont produire ce qui sera le plus rentable pour eux sur le plan financier. La culture de variétés qui ne sont pas génétiquement modifiées doit fournir une valeur ajoutée substantielle. Tout d’abord, les agriculteurs doivent acheter d’autres sortes de semences, des semences qui leur coûteront plus cher. Ensuite, les pratiques agronomiques sont plus restrictives.

Récemment, j’ai participé à une mission internationale en compagnie d’autres agriculteurs. Un de ceux-là nous a dit qu’il lui coûtait 150 $ l’acre, sinon plus, pour cultiver des variétés non génétiquement modifiées. Voilà un premier problème.

Si la valeur ajoutée est au rendez-vous pour tel ou tel produit, nous allons le produire.

Si l’on se fie à la récolte de 2017, récolte qui a été marquée par une augmentation marquée de la production dans l’Ouest du pays, les cultures non génétiquement modifiées représentent de 20 à 25 p. 100 de la production. C’est une portion de la production de l’Est du Canada. Au fur et à mesure que la production va augmenter dans l’Ouest, la proportion de cultures génétiquement modifiées va augmenter et celle des cultures non génétiquement modifiées va diminuer, et ce, aussi longtemps que les variétés non génétiquement modifiées ne seront pas plus facilement accessibles dans cette partie du pays.

Tout cela est très lié au marché. Nous allons produire ce pour quoi le consommateur est prêt à payer. Quoi qu’il en soit, à l’heure actuelle, la proportion de variétés non modifiées oscille entre 20 et 25 p. 100.

La présidente : Voilà qui est intéressant.

Avez-vous constaté une résistance de la part des acheteurs? Ça ne peut évidemment pas être considérable, compte tenu de la proportion dont vous venez de faire état. Les acheteurs sont prêts à l’acheter.

En ce qui concerne la production de saumon, ce qui s’est produit dans l’Est du Canada, c’est que les gens se sont mis à appeler le saumon génétiquement modifié « Frankenfish ». Ces saumons sont beaucoup plus gros.

Quoi qu’il en soit, avez-vous constaté quelque chose de semblable avec le soya?

M. Davidson : Oui, il y a une vive opposition à l’échelle mondiale à l’égard du soya génétiquement modifié. En Europe, en Chine, au Japon et à Taiwan, il y a partout des groupes de consommateurs qui s’opposent aux OGM.

Les choses ne sont pas nécessairement claires. Dans une vaste mesure, le soya génétiquement modifié est davantage utilisé pour certaines catégories d’huile de soya et de tourteau, et le soya non génétiquement modifié est surtout utilisé pour des produits comme le lait de soya, le tofu, le miso, l’edamame, le natto, et cetera. Cela vous donne une idée générale de la façon dont les produits sont différenciés sur les marchés.

Le président : Merci.

M. Dahl : J’ai une petite précision à apporter, car cela rejoint une partie de la conversation que nous avions concernant le besoin d’avoir un gouvernement très proactif et très engagé en ce qui concerne les nouvelles techniques de sélection végétale. Nous devons nous assurer que le cadre réglementaire international pour ces nouvelles techniques n’aura pas les mêmes problèmes que ceux qu’ont eus les OGM.

Les possibilités de croissance, d’investissement et de développement associées à ces nouvelles techniques sont énormes. Si des activistes arrivent à convaincre les gouvernements de traiter cela comme ils ont traité les OGM, nous n’allons pas être en mesure de concrétiser ces avantages.

Le gouvernement doit s’engager dès aujourd’hui à faire en sorte que nous ayons une cadre réglementaire international qui nous permettra de profiter de cette nouvelle technologie.

La présidente : Je remercie notre groupe d’experts. C’était une intéressante discussion. Heureusement, nous n’avons pas été limités à une heure. Tout le monde a pu poser ses questions.

Merci d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Nous allons faire une courte pause avant de passer à huis clos avec le personnel, les sénatrices et les sénateurs.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

La présidente : Nous allons parler du budget. Il y a une motion concernant le budget pour notre voyage à l’exposition de Paris et notre mission d’études aux Pays-Bas.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je propose :

Que la demande d’autorisation du budget supplémentaire suivante, concernant l’étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, au montant de 305 956 dollars, pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019, soit adoptée et présentée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration suivant un examen final mené par l’administration du Sénat et encadré par le Sous-comité du programme et de la procédure.

[Traduction]

La présidente : Nous avons été saisis d’une motion.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’aimerais que l’on ajoute à la motion de la sénatrice Gagné que c’est dans le cadre du traité de libre-échange avec le Canada et l’Europe concernant la deuxième, la troisième et probablement la quatrième transformation de nos produits canadiens.

[Traduction]

La présidente : Est-il nécessaire d’ajouter cette précision à la motion? Je sais que c’est l’objectif du voyage. Voulez-vous que ce soit ajouté à la motion?

Le budget s’insère dans l’ordre de renvoi que nous avons déjà pour cette étude. Je ne sais pas s’il faut que tout cela soit repris dans la motion proprement dite. En ce qui a trait à l’ordre de renvoi que nous avons relativement à l’étude sur la valeur ajoutée, souvenez-vous, nous avons eu toute une discussion à l’époque et nous avons parlé de la relation que cela pouvait avoir avec les différents accords commerciaux. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de le préciser dans la motion. C’est un aspect qui est déjà couvert. Nous allons en parler lorsque nous nous adresserons au comité.

Tous les sénateurs sont-ils d’accord?

Des voix : Oui.

La présidente : La motion est adoptée.

(La séance est levée.)

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