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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 56 - Témoignages du 4 octobre 2018


OTTAWA, le jeudi 4 octobre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier les moyens à prendre pour que le secteur alimentaire à valeur ajoutée puisse mieux soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux (sujet : Programme des travailleurs étrangers temporaires).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis présidente du comité. Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur les moyens à prendre pour que le secteur alimentaire à valeur ajoutée puisse mieux soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Avant de laisser la parole à nos témoins, je vais demander à mes collègues sénateurs de bien vouloir se présenter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Rob Black, Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, Nouvelle-Écosse

La présidente : Merci. Avant de donner la parole aux témoins, je veux préciser qu’il y a de nombreux sénateurs ici présents qui souhaitent leur poser des questions. Je demanderais donc à chacun d’être aussi bref que possible, aussi bien pour les exposés que pour les réponses et les questions elles-mêmes. Nous pourrons ainsi entendre ce que nos témoins ont à nous dire tout en permettant à chacun d’intervenir.

Nous accueillons M. Ryan Koeslag, vice-président exécutif et chef de la direction de l’Association des champignonnistes du Canada. Nous recevons également une représentante de HyLife, soit Mme Baerbel Langner, jurisconsulte en immigration, ancienne présidente de l’Association du Barreau canadien, section de l’immigration nationale. Mme Justine Taylor, gestionnaire, Sciences et relations gouvernementales pour les Producteurs de légumes de serre de l’Ontario, est également des nôtres.

Bienvenue à tous. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation à comparaître devant nous. Nous allons débuter par Mme Taylor.

Justine Taylor, gestionnaire, Sciences et relations gouvernementales, Producteurs de légumes de serre de l’Ontario : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de me donner l’occasion de contribuer à l’étude de votre comité sénatorial sur les moyens à prendre pour que le secteur alimentaire à valeur ajoutée puisse mieux soutenir la concurrence. Mon exposé d’aujourd’hui portera principalement sur l’importance du Programme des travailleurs étrangers temporaires et de la main-d’œuvre dont le secteur horticole canadien a besoin pour continuer à prospérer.

La production de légumes de serre en Ontario est un secteur dynamique qui contribue grandement à l’économie canadienne en permettant aux Canadiens d’avoir accès tout au long de l’année à des produits locaux frais et sains. Avec plus de 3 000 acres de culture en serre de tomates, de poivrons et de concombres dans l’ensemble de la province et un taux de croissance composé annuel sans précédent de 6 p. 100, le secteur est un important moteur économique.

Nous estimons que, en 2018, nos membres offriront de l’emploi à plus de 12 000 personnes et contribueront à l’économie à hauteur de 1,7 milliard de dollars. Notre secteur jouit d’une réputation d’excellence pleinement méritée et s’est acquis une part importante du marché des États-Unis, 70 p. 100 de notre production étant actuellement exportée. Nous sommes bien positionnés pour contribuer à l’atteinte de l’objectif fixé par le Conseil consultatif en matière de croissance économique qui souhaite que notre part du marché mondial soit doublée d’ici 2027. Dans le cadre d’une approche à plusieurs volets, la croissance de notre secteur sera rendue possible par l’augmentation de la consommation de légumes frais au Canada; l’expansion des marchés existants aux États-Unis; le ciblage de nouveaux marchés sur le littoral du Pacifique; l’accroissement de la productivité grâce à des gains d’efficience et à l’innovation; la prolongation de la saison locale grâce à de l’éclairage supplémentaire et au décalage des plantations; et le recours à des techniques de transformation novatrices pour le développement de nouveaux produits frais et à valeur ajoutée.

À la lumière des tendances récemment observées, le secteur pourrait voir sa superficie cultivée croître d’un autre 900 acres au cours des cinq prochaines années. Il en résulterait plus de 1 milliard de dollars en investissements directs dans la construction, une contribution additionnelle de plus de 500 millions de dollars à l’économie et la création de 3 700 nouveaux emplois.

Il y a toutefois certains obstacles qui pourraient entraver l’atteinte de ces objectifs de croissance. Ces enjeux ont été bien cernés dans le récent rapport de la Table de la stratégie économique du secteur agroalimentaire. J’aimerais m’en tenir aujourd’hui aux difficultés éprouvées par le secteur lorsqu’il s’agit d’attirer une main-d’œuvre fiable.

Aussi bien dans les serres que dans les champs, la culture des fruits et des légumes doit passer par une quantité considérable de tâches à effectuer manuellement pour que ces produits délicats et périssables soient encore frais lorsqu’ils se retrouvent sur votre table. Bien que l’automatisation et l’innovation demeurent des éléments clés dans l’évolution de notre secteur, il y a encore ces nombreuses tâches manuelles que l’on peut difficilement automatiser à l’aide de la technologie existante.

Nos membres essaient d’embaucher des Canadiens d’abord. Des campagnes de recrutement sont en cours aussi bien au niveau local que dans les régions où sévit le sous-emploi. Notre organisation a intensifié ses efforts de rayonnement de telle sorte que les travailleurs potentiels comprennent bien toutes les possibilités offertes par l’agriculture moderne. Les emplois dans le secteur serricole sont diversifiés et s’inscrivent dans un très vaste registre, du génie jusqu’à la gestion des ressources humaines, en passant par l’entomologie, le marketing et la logistique. Il y a tout de même de nombreuses perceptions erronées qui persistent au sujet de la nature du travail en serre, et bien des Canadiens ne sont pas intéressés en raison du caractère saisonnier de ces emplois au bas de l’échelle.

Notre secteur a amplement recours à une main-d’œuvre embauchée dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) et du volet agriculture du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pour combler ses pénuries de main-d’œuvre lorsqu’il est impossible de trouver des travailleurs canadiens. Nous tenons absolument à faire notre part pour que ces programmes contribuent à la prospérité du secteur agroalimentaire au Canada, au bénéfice aussi bien des employeurs que des travailleurs.

Nous avons récemment exprimé nos préoccupations à l’égard du programme en place dans le cadre de l’examen du volet du secteur agricole primaire du PTET mené par Emploi et Développement social Canada (EDSC). Sans entrer dans les détails, je vous dirais que l’équité, la transparence et la diligence à l’intérieur d’un cadre appuyant la nature évolutive de l’agriculture moderne sont des éléments essentiels au succès futur du secteur agroalimentaire au Canada.

Il n’est pas exagéré de dire que, sans l’accès au Programme des travailleurs étrangers temporaires, le secteur horticole canadien tel qu’on le connaît actuellement serait paralysé. Nous avons absolument besoin de l’apport de cette main-d’œuvre étrangère pour continuer à soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux et à contribuer de façon significative à notre prospérité économique aux échelons national, provincial et régional. Pour leur part, les travailleurs étrangers investissent les sommes gagnées au Canada au bénéfice de leur famille et de leurs collectivités dans leur pays d’origine où bien des gens arrivent difficilement à joindre les deux bouts.

En outre, les connaissances agricoles acquises au Canada, l’un des chefs de file de l’agriculture moderne, peuvent être transférées dans des pays en développement et contribuer à la mise en œuvre de pratiques agricoles viables dans différentes régions du monde.

Notre Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, dont la mise en œuvre remonte à plus longtemps encore, font l’envie de bien des pays et sont souvent cités en exemple du fait qu’ils permettent un recours efficace à une main-d’œuvre étrangère. Ces programmes, qui sont assortis de mesures de protection des travailleurs, procurent à nos agriculteurs un avantage concurrentiel sur leurs homologues au sud de la frontière, car les programmes américains de recrutement de travailleurs étrangers agricoles doivent faire l’objet d’une réforme en profondeur.

Nos producteurs peuvent constater au quotidien toute l’importance de cette main-d’œuvre. Nous respectons et reconnaissons à leur juste valeur tous nos employés, et nous nous efforçons de les aider à se préparer un avenir meilleur. Notre organisation vient de lancer un projet pilote visant à favoriser une meilleure intégration et une plus grande acceptation de nos travailleurs étrangers dans les collectivités rurales. Ce projet est réalisé dans la région de Kingsville-Leamington, où la majorité de nos membres exploitent leurs fermes.

Le projet vise à mettre sur pied un réseau régional de ressources pour aider les travailleurs étrangers à avoir accès aux services, leur offrir des mesures de soutien adaptées à leur culture et régler les problèmes qui se présentent.

Trois séances de mobilisation communautaire sont prévues dans le cadre de cette initiative. La première a été tenue en juin avec la participation d’organismes de soutien aux travailleurs étrangers, de fournisseurs de soins de santé, d’organismes communautaires, de représentants en santé et sécurité, de municipalités, d’agriculteurs et de communautés religieuses. Cet événement couru nous a permis de constater que la plupart des intéressés adhèrent à cette initiative et la soutiennent. Les deux ateliers à venir devraient permettre d’intégrer encore davantage l’apport de la communauté des travailleurs étrangers, d’élaborer une stratégie pour faire en sorte que les bonnes intentions exprimées se traduisent par des gestes concrets, et d’établir une structure de leadership solide pour guider l’évolution du processus.

Par ailleurs, notre organisation a pris l’initiative de la conception d’une application pour téléphone intelligent qui sera rendue accessible aux travailleurs étrangers. Ceux-ci seront ainsi mieux à même de dénicher de l’information sur les services et les événements régionaux, de s’y retrouver dans le réseau régional de santé et de consulter les informations disponibles sur leurs droits et responsabilités dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous voudrions que ce modèle puisse servir également dans les autres régions du pays pour aider nos travailleurs étrangers dans tous les secteurs de l’agriculture.

Je suis persuadée que mes estimés collègues, qui sont intervenus tout au long du processus, vous fourniront tous les renseignements, les faits et les chiffres nécessaires pour démontrer toute l’importance du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour que le Canada puisse continuer de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux dans le secteur alimentaire à valeur ajoutée. On ne saurait trop insister sur l’apport de cette main-d’œuvre. Il est essentiel que le secteur agroalimentaire, le gouvernement et les collectivités rurales conjuguent leurs efforts pour veiller à ce que ces travailleurs soient les bienvenus et profitent du soutien nécessaire partout au pays. Merci pour le temps que vous m’avez consacré.

La présidente : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant entendre M. Koeslag.

Ryan Koeslag, vice-président exécutif et chef de la direction, Association des champignonnistes du Canada : Merci beaucoup de me donner l’occasion de comparaître devant vous pour parler du secteur des champignons et plus précisément des incidences du Programme des travailleurs étrangers temporaires sur notre capacité concurrentielle. Je vous ai transmis un document ainsi qu’un résumé graphique des quelques informations dont je vais traiter avec vous aujourd’hui.

Permettez-moi de vous dire d’abord quelques mots au sujet de notre secteur. Le Canada produit actuellement quelque 134 000 tonnes de champignons. Il peut s’agir aussi bien de champignons de Paris, blancs ou bruns, de portobellos, de pleurotes, de pleurotes en huître ou de shiitakés. Tous ces champignons sont récoltés au Canada grâce aux quelque 4 000 personnes qui travaillent dans notre industrie.

De 50 à 60 p. 100 de ces champignons sont cultivés en Ontario, de 30 à 40 p. 100 poussent en Colombie-Britannique et le reste est éparpillé un peu partout au Canada.

Depuis une dizaine d’années, le secteur connaît une période de croissance, non seulement au pays, mais également au sud de la frontière. Nos produits sont jugés de meilleure qualité que ceux des Américains. Nos exportations vers les États-Unis comptent pour une proportion de 30 à 40 p. 100 des 134 000 tonnes de champignons que nous produisons. Il n’y a pas un supermarché au Canada où vous ne trouverez pas un champignon canadien frais. Il y a tout lieu de s’en réjouir autant pour l’agriculture canadienne que pour le pays dans son ensemble.

Quant aux mesures à prendre pour accroître la capacité concurrentielle de notre industrie, je dirais qu’il s’agit très concrètement de s’assurer que ces champignons puissent se rendre jusqu’aux marchés. Notre taux de postes vacants se situerait actuellement à environ 9,7 p. 100. De nombreux emplois sont à pourvoir dans le secteur du champignon.

Selon une étude du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, environ 75 p. 100 de nos travailleurs sont canadiens. Nous devons tout de même avoir recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires pour la cueillette de nos champignons de manière à pouvoir répondre à la demande.

Toutes les heures, un champignon voit sa taille augmenter de 4 p. 100. En fait, il double de taille à toutes les 24 heures. Compte tenu de l’importance du moment où le champignon doit être cueilli, il faut pouvoir compter sur la main-d’œuvre nécessaire à cette fin. Notre taux de postes vacants de 9,7 p. 100 nous oblige à renoncer à 20 p. 100 de nos récoltes, ce qui correspond à des pertes d’environ 100 millions de dollars par année. Il est vraiment attristant de ne pas pouvoir cueillir ces champignons. Bien que nous soyons encore en pleine expansion, c’est uniquement une question de synchronisation. Une couche de champignons permet en moyenne trois cueillettes. La première offre le meilleur taux de production et les suivantes permettent de récolter d’autres champignons. Il s’agit d’avoir à sa disposition la main-d’œuvre nécessaire au moment où les champignons atteignent la taille optimale pour leur mise en marché.

Il y aurait quelques éléments que nous souhaiterions porter à votre attention aux fins de l’amélioration du programme et de l’apport d’un plus grand nombre de travailleurs étrangers temporaires dans le secteur du champignon.

On entend souvent dire que l’on ne paie pas suffisamment nos travailleurs. Nous avons mené une étude sur la rémunération avec le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture. Nous avons ainsi pu constater — vérifications faites — que nos travailleurs peuvent être payés à différents taux horaires, du salaire minimum jusqu’à 30 $ l’heure. Pour les surveillants et les contremaîtres, la rémunération peut aller de 35 000 $ à 80 000 $ par année. Dans le cas des gestionnaires, elle varie de 42 000 $ à 171 000 $. Ce n’est donc pas vraiment la rémunération qui pose problème dans notre secteur. Nous considérons que les emplois que nous offrons ne font pas nécessairement partie de ceux que les Canadiens aspirent le plus à occuper. Bien que nous employions des Canadiens dans une proportion de 75 p. 100, il nous faut tout de même avoir recours à des travailleurs étrangers temporaires pour combler les lacunes de manière à pouvoir effectuer toutes les tâches nécessaires pour répondre aux exigences de livraison sur le marché.

Comment améliorer le programme ou le rendre plus accessible afin de nous appuyer dans nos efforts en vue de réduire notre taux de postes vacants? Il y a un élément dont on vous a sans doute déjà parlé, mais j’estime important d’y revenir. Nous devons obtenir des Études d’impact sur le marché du travail (EIMT). Il y a actuellement des retards dans le traitement de ces études. Il faut compter six mois pour pouvoir embaucher un travailleur et le faire venir au Canada. Lorsque nous sommes en pleine expansion, nous voudrions que les choses aillent plus rapidement que le délai de six mois actuel.

Nous avons en outre droit à certaines décisions arbitraires à la suite de ces études. Certains de nos agriculteurs qui ont présenté une demande pour embaucher cinq travailleurs se sont fait répondre qu’ils ne peuvent en recruter que trois. Il arrive aussi que nous publiions une offre d’emploi au Canada sans recevoir aucune candidature pour soumettre ensuite une demande d’Étude d’impact sur le marché du travail et essuyer un refus sous prétexte que l’on devrait être capable de trouver un Canadien pour occuper cet emploi. Même si l’on a suivi toutes les étapes pour l’obtention d’une EIMT, on nous indique que l’on ne peut pas acquiescer à notre requête, parce qu’on estime qu’il nous est possible de trouver des travailleurs canadiens.

Je vais me permettre de vous lire la déclaration de l’un de nos producteurs, car elle va tout à fait dans le sens des objectifs visés pour la séance d’aujourd’hui. Il y parle des décisions arbitraires et de la difficulté qu’il éprouve à trouver de nouveaux travailleurs en période d’expansion.

Chaque nouvelle demande d’EIMT est plus ardue que la précédente, car il faut pouvoir démontrer pour quelle raison on a besoin de ces travailleurs et pourquoi il nous en faut exactement le nombre demandé. Nous devons sans cesse fournir les mêmes renseignements et répéter les mêmes explications. De plus, nous avons, dans un très court laps de temps, presque doublé le nombre de travailleurs étrangers temporaires auxquels nous avons recours, car nous procédons à une expansion de notre exploitation agricole. On nous a dit que nous ne pouvions pas présenter de demande pour embaucher des travailleurs étrangers temporaires afin d’appuyer la croissance de notre ferme tant et aussi longtemps que le premier champignon ne serait pas sorti de nos nouvelles terres. Nous leur avons expliqué que nous nous retrouverions ainsi à faire pousser des champignons sans personne pour les récolter, ce qui nous obligerait à les jeter. Il faut plus de six mois pour remplir une demande afin d’embaucher des travailleurs étrangers temporaires et pour que ceux-ci obtiennent un permis. Un agent de Service Canada nous a dit que cela n’avait pas d’importance et qu’il fallait qu’il soit établi que nous avons investi substantiellement dans de l’équipement et que tout était prêt pour l’exploitation, c’est-à-dire que l’expansion était totalement chose faite.

On a présenté une demande d’Étude d’impact sur le marché du travail en vue d’étendre ses activités agricoles et on s’est fait répondre que ce n’était pas une raison valable pour avoir recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Celui-ci doit servir à soutenir la croissance — certains diraient à favoriser la stagnation — et non pas à prendre de l’expansion. C’est d’autant plus contrariant pour nous que cela mine notre capacité concurrentielle.

Nous savons également que le processus des Études d’impact sur le marché du travail est retardé en raison des vérifications qui sont effectuées. Le gouvernement a investi considérablement dans une initiative de vérifications non annoncées et aléatoires des dossiers de demande pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires, et il arrive que cela cause des retards dans le traitement des EIMT. À titre de mesure provisoire, nous recommandons que l’on n’interrompe pas le traitement de ces EIMT sauf dans les cas où un travailleur risque d’être victime de maltraitance grave ou s’expose à un autre problème semblable. Bien que ce soit la politique actuellement en vigueur, nous estimons que ces vérifications retardent le traitement des EIMT pour diverses raisons.

Il y a aussi la question du logement. Lorsque nous faisons venir au Canada un travailleur étranger temporaire, plusieurs y voient une main-d’œuvre bon marché pour nous. C’est bien loin d’être le cas. En plus du coût du voyage, il y a les faibles montants que nous pouvons récupérer à l’égard du logement que nous offrons sur une base annuelle pour la récolte des champignons. Actuellement, nous pouvons demander seulement 30 $ par semaine à un travailleur pour son logement, ce qui est un peu problématique. Nous souhaitons aider ces travailleurs à cheminer vers le statut de résident permanent, mais il peut leur être difficile d’assumer les coûts véritables d’un logement au Canada, alors qu’ils sont habitués à ne payer que 30 $ par semaine.

Cela m’amène au dernier élément que je désirais aborder. Nous voulons permettre à ces travailleurs peu spécialisés d’avoir accès au statut de résident permanent. Nous avons actuellement entre 700 et 800 travailleurs en pareille situation qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas devenir des résidents permanents. C’est le fait dans certains cas de compétences linguistiques insuffisantes, d’exigences relatives aux études secondaires qui ne sont pas remplies ou de l’absence d’un programme des candidats de la province. Nous arrivons difficilement à trouver une solution pour ces travailleurs qui ont un emploi dans une industrie comme la nôtre dont le besoin de main-d’œuvre a été bien établi. Nous voudrions que ces gens-là puissent demeurer en permanence au Canada, et c’est ce qu’ils désirent également dans bien des cas. Il leur est pourtant vraiment impossible de rester au pays. Nous aimerions que ces modalités soient révisées de telle sorte que nous puissions toujours compter dans l’industrie agricole, et plus particulièrement dans le secteur des champignons, sur ces travailleurs que nous apprécions, ou que nous devrions apprécier, à leur juste valeur au Canada. Il serait très bénéfique pour nous qu’ils puissent demeurer ici pour occuper ces emplois.

J’espère n’avoir rien oublié. Il y a de nombreux aspects à considérer, mais ce sont les principaux éléments importants pour notre industrie du champignon.

La présidente : Merci pour votre exposé.

Baerbel Langner, jurisconsulte en immigration, ancienne présidente de l’Association du Barreau canadien, section de l’immigration nationale, HyLife : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Nous sommes vraiment heureux d’avoir l’occasion d’être des vôtres ce matin pour vous fournir quelques indications sur les moyens à prendre pour accroître la capacité concurrentielle du secteur alimentaire à valeur ajoutée.

Je suis jurisconsulte en immigration pour HyLife, un producteur de porc du Manitoba. Suivant la formule « de la ferme à l’assiette », notre entreprise a son bureau principal à La Broquerie, au Manitoba, une usine de transformation à Neepawa, au Manitoba et des installations d’élevage un peu partout au Manitoba, en Saskatchewan et dans le reste du Canada. Je fais également partie de l’Équipe spéciale sur la main-d’œuvre du secteur agricole et agroalimentaire dont les membres représentant la main-d’œuvre agricole ont été nommés par les tables rondes de la chaîne de valeur d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Hylife a aussi témoigné dans le cadre de l’étude menée en 2016 par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, qui a abouti au rapport sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires déposé en septembre de cette année-là. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de prendre connaissance des recommandations formulées dans ce rapport, mais il y en a un certain nombre qui méritent encore aujourd’hui d’être prises en considération et, nous l’espérons, mises en œuvre.

J’aimerais vous parler de quelques-uns des rapports existants et à venir ainsi que des lettres d’appui soumises relativement aux changements proposés au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Je vais aussi vous entretenir brièvement de la croissance de HyLife, à titre d’exemple d’entreprise de transformation de la viande, pour vous montrer comment la disponibilité des travailleurs étrangers temporaires, que nous employons autant dans notre usine que dans nos élevages, et qui sont tous en voie d’obtenir leur statut de résident permanent, nous a grandement aidés dans nos efforts pour atteindre les objectifs d’exportation établis par notre gouvernement.

Une des plus grandes préoccupations de l’industrie des viandes et de HyLife, c’est l’accès à une main-d’œuvre stable, fiable et durable. Sans ces gens, nous ne pouvons pas produire la viande qui sera exportée. C’est très simple.

D’après ce que je comprends, le mardi 2 octobre, des représentants du CCRHA ont comparu pour vous parler de leurs travaux en vue d’évaluer les pénuries de main-d’œuvre qui ralentissent la croissance et d’évaluer les besoins de l’industrie pour permettre cette croissance. J’aimerais me faire l’écho de leurs commentaires. En effet, on s’attend à une forte croissance dans cette industrie, comme l’a documenté le Conference Board du Canada, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, la Table sectorielle de stratégies économiques sur l’agroalimentaire, le budget fédéral et les budgets provinciaux. Notre gouvernement fédéral prévoit augmenter les cibles d’exportations dans le secteur agroalimentaire de 19 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Il faut des travailleurs pour y arriver.

Je crois que certaines de ces statistiques vous ont été fournies. Si ce n’est pas le cas, nous pouvons vous fournir le résumé pour faciliter la consultation. J’ai des statistiques sur les emplois dans le secteur de la transformation de la viande au Canada; elles ont été compilées par le Conseil des viandes du Canada en mai 2018.

Le secteur de la transformation de la viande est le plus grand employeur au Canada dans le secteur de la fabrication des aliments et des boissons. En effet, ce secteur employait 64 500 travailleurs en 2015 en milieu rural et en milieu urbain dans chaque province du Canada. Les exportations de viande rouge pour la consommation ont appuyé 288 000 emplois au Canada en 2016 et ont généré 6 milliards de dollars en revenus annuels. Nos membres embauchent d’abord des Canadiens en faisant l’annonce et la promotion d’emplois aux travailleurs sous-représentés et en situation minoritaire.

Pour chaque quatre employés canadiens, il y a un travailleur international. Les membres du Conseil des viandes du Canada ont recensé plus de 1 700 emplois vacants dans le secteur de l’emballage de la viande en milieu rural. Cela représente une pénurie de main-d’œuvre de l’ordre de 7,3 p. 100. Avec le PTET actuel, les producteurs ne peuvent pas adéquatement répondre à la demande du marché. Le Conseil des viandes du Canada prévoit qu’il manquera, dans 10 ans, 56 000 travailleurs dans le secteur de la transformation des viandes.

Une étude récente menée par le Conference Board du Canada indique que pour chaque 100 millions de dollars en exportations supplémentaires, l’industrie crée 1 161 nouveaux emplois. Si les politiques actuelles du Programme des travailleurs étrangers temporaires ne sont pas modifiées, on ne sera pas en mesure d’augmenter suffisamment les exportations de viande canadienne pour répondre aux nouvelles exigences du marché.

Pour vous donner un exemple précis, Stephanie Cruickshanks, une spécialiste du développement industriel au ministère de l’Agriculture du Manitoba, a envoyé une lettre datée du 2 octobre 2018. Elle vous a été fournie à titre de référence. Je ne sais pas si elle vous a été distribuée. J’aimerais citer quelques-uns de ses commentaires:

La population de la collectivité de Neepawa a augmenté. Cette augmentation est presque entièrement attribuable aux nouveaux arrivants au Canada qui sont employés par HyLife. Comme les données l’indiquent, le taux de chômage est extrêmement faible dans la population de Neepawa et des environs. On peut penser que c’est un avantage pour la collectivité, mais un taux de chômage faible représente également un obstacle à la croissance industrielle.

En date du 1er novembre 2016, l’Enquête nationale auprès des ménages a calculé un taux de participation au marché du travail de 85,3 p. 100 à Neepawa. Ce taux de participation au marché du travail est extrêmement élevé dans un groupe de la population, ce qui signifie qu’essentiellement tous les membres de cette population sont employés, et qu’on doit faire venir de nouveaux employés d’ailleurs pour permettre la croissance industrielle.

Elle souligne également que l’immigration d’entrepreneurs et de travailleurs qualifiés fait partie du plan d’action économique pour la croissance du Manitoba.

Je crois que le CCRHA a fourni au comité un rapport qui vient d’être publié par la Table sectorielle de stratégies économiques sur l’agroalimentaire. À la page 19, on recommande le projet pilote en matière d’immigration suivant:

Pour les besoins en travailleurs permanents pendant toute l’année, il y a plusieurs programmes fédéraux offerts pour des travailleurs très spécialisés qui souhaitent obtenir leur résidence permanente. Il y a moins de possibilités pour les travailleurs ayant de faibles compétences ou des compétences moyennes. Nous recommandons la mise en œuvre d’un projet pilote national de traitement des demandes d’immigration pour le secteur de la production et du traitement des aliments qui faciliterait l’obtention de la résidence permanente à l’intention des travailleurs embauchés pendant toute l’année et pour tous les niveaux de compétence exigés dans le secteur.

Ce rapport fait également référence à un modèle d’employeur de confiance, une notion mentionnée à la page 18 du rapport, afin de faciliter le traitement pour les employeurs qui ont fait preuve d’intégrité et qui ont prouvé qu’ils étaient dignes de confiance.

Maintenant, permettez-moi de vous raconter l’histoire de HyLife. Au départ, HyLife était une exploitation agricole familiale exploitée par les trois frères Vielfaure — Paul, Denis et Claude — et un ami, Don Janzen, qui ont combiné leurs ressources pour réaliser une vision commune, c’est-à-dire créer la structure opérationnelle intégrée la plus efficace pour la production porcine. Leur coentreprise a été fondée en 1994 dans leur ville natale, La Broquerie, au Manitoba, avec 10 employés. En 2007, ils avaient 500 employés. En 2008, ils ont acheté l’usine de transformation du porc de Neepawa; cette usine transformait 300 porcs par année et employait 300 personnes. Neepawa est une petite ville située à environ deux heures de route de Winnipeg et, à l’époque, elle comptait 3 500 habitants. Depuis 2008, HyLife a investi plus de 200 millions de dollars dans une stratégie intégrée de production et de transformation du porc. L’usine transforme maintenant 1,95 million de porcs et fournit 1 300 emplois à Neepawa. C’est toute une croissance. De la ferme à l’assiette, nous avons 2 000 employés sur nos sites principaux.

Si vous venez au Manitoba dans un avenir rapproché, nous vous invitons tous à venir nous voir; nous vous ferons visiter notre usine et Neepawa. C’est une ville active en croissance dans une région rurale du Manitoba; elle a été revitalisée par l’arrivée de travailleurs dans le cadre du PTET et du PCP du Manitoba. Bravo à ces deux programmes et au Programme des candidats de la Saskatchewan, avec lequel nous travaillons pour obtenir des techniciens en élevage du porc dans les étables de la Saskatchewan. Traditionnellement, la disponibilité des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs sur la voie de la résidence permanente dans le cadre de notre PCP du Manitoba a été essentielle à la croissance de HyLife.

En août 2017, le gouvernement du Manitoba a annoncé un ajout important et une nouvelle garderie au Neepawa Area Collegiate Institute, car les inscriptions dans les écoles ont augmenté de 33 p. 100 au cours des 10 dernières années et on s’attend à ce que cette croissance se poursuive. Je ne pense pas que ce soit le cas dans de nombreuses régions rurales du Canada. C’est une vraie réussite, comme le reconnaît la province du Manitoba.

En avril 2018, HyLife Foods a célébré un agrandissement de 100 000 pieds carrés dans son usine de transformation du porc à Neepawa. Cet agrandissement comprend notamment une nouvelle salle de découpe. Ces travaux découlent de l’accroissement de la demande pour le porc canadien en Chine et au Japon.

HyLife est maintenant l’un des principaux producteurs et transformateurs de porc au Canada. Notre usine de Neepawa fabrique des produits de porc commerciaux de haute qualité, notamment des coupes de spécialité vendues dans plus de 20 pays, y compris le Mexique, le Japon, la Chine et la Corée du Sud. HyLife a également ouvert son propre restaurant appelé HyLife Pork Table, à Tokyo, afin de s’en servir comme outil de commercialisation pour accroître ses ventes au Japon. Nous vous invitons également à visiter le restaurant HyLife Pork Table lors de vos déplacements internationaux.

La croissance de HyLife n’aurait pas été possible sans les efforts de recrutement intensifs et soutenus déployés d’un bout à l’autre du Canada et sans la possibilité de faire venir des travailleurs étrangers qui peuvent avoir accès à la résidence permanente lorsque le recrutement national pour compléter ses effectifs à Neepawa n’est pas suffisant.

Comme je l’ai mentionné, lorsque HyLife a acheté l’usine de Neepawa en 2008, la ville comptait 3 500 habitants. Actuellement, nous avons de nombreux travailleurs qui sont arrivés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires et qui ont obtenu la résidence permanente ou qui sont devenus citoyens dans certains cas. Ces gens continuent d’habiter à Neepawa et dans les environs. Nous avons des travailleurs à différentes étapes du processus d’immigration, car le PCP du Manitoba collabore étroitement avec les employeurs comme HyLife pour combler les besoins en matière de main-d’œuvre.

HyLife profite du soutien de son syndicat, comme plusieurs autres entreprises de transformation au Canada. C’est un point important.

Jeff Traeger, président de la section locale 832 des TUAC, a écrit une lettre datée du 18 avril 2018; elle vous a également été fournie. Cette lettre a été envoyée aux ministres Hussen, Hajdu et MacAulay. Elle confirme que le syndicat appuie le rôle des travailleurs étrangers temporaires à HyLife Foods. Le syndicat appuie sans réserve l’élimination du nombre limite dans le secteur de la transformation primaire. Il appuie le retour au permis de travail de deux ans délivré à la suite d’une EIMT. Il appuie les PCP qui fonctionnent ou un projet pilote fédéral supplémentaire pour répondre aux besoins en main-d’œuvre dans le secteur de la transformation des viandes.

M. Traeger souligne également que HyLife Foods a de nombreux exemples de bouchers à long terme, des travailleurs étrangers temporaires et des personnes qui ont été en mesure d’immigrer et de devenir des employés de longue date. Il indique que les usines de transformation de la viande ont recours aux travailleurs étrangers temporaires pour pourvoir des postes lorsque les travailleurs canadiens ne répondent pas aux offres d’emploi ou à d’autres efforts de recrutement énergiques. Il souligne que HyLife s’adresse aux groupes sous-représentés, notamment les Premières Nations, les femmes, les jeunes et les nouveaux immigrants par l’entremise d’agences d’aide à l’établissement.

HyLife a reçu plusieurs prix au cours des années, en particulier le Prix de reconnaissance des employeurs pour l’emploi des nouveaux arrivants, en 2017. Ce prix a été présenté par le ministre Hussen.

En ce qui concerne les salaires dans l’industrie de la viande, il est bon de souligner que les emplois sont permanents, à l’année et dans un environnement de travail stable qui offre un salaire concurrentiel et des prestations intégrales dans de nombreux cas.

Revenons brièvement sur les conditions avant et après juin 2014...

La présidente : Pourriez-vous conclure, s’il vous plaît?

Mme Langner : Oui, je formule mes derniers commentaires.

Avant juin 2014 : avis relatifs au marché du travail, solide évaluation pour déterminer s’il existait un besoin pour des travailleurs étrangers temporaires, permis de travail de deux ans délivrés sur le fondement d’un AMT, possibilité d’obtenir la résidence permanente par l’entremise du PCP du Manitoba. Après 2014, les AMT deviennent les EIMT, et on impose graduellement un nombre limite de travailleurs à salaire peu élevé sur trois ans : d’abord 30 p. 100, ensuite 20 p. 100 et enfin 10 p. 100. Cette limite est gelée à 20 p. 100 en 2016.

Comme nous l’avons expliqué aux membres du comité HUMA, le calcul du nombre limite est difficile, encombrant et ne mène pas à une main-d’œuvre qui représente 10 ou 20 p. 100, quel que soit le chiffre magique. Cela mène plutôt à une représentation de travailleurs sur le plancher qui est beaucoup moins élevée. Je pourrais parler de cela pendant une heure.

L’industrie souhaite donc obtenir la mise sur pied d’un projet pilote fédéral en matière d’immigration dans le secteur agroalimentaire pour la transformation de la viande, afin que les bouchers aient une option d’immigration et la possibilité d’obtenir la résidence permanente dans toutes les provinces. De plus, nous recommandons l’élimination de la limite du nombre de travailleurs étrangers temporaires dans le secteur de la transformation primaire, car cela ralentit la croissance. Nous recommandons le retour aux permis de travail de deux ans délivrés sur le fondement d’une EIMT, afin de permettre le traitement des demandes de résidence permanente. Enfin, nous recommandons une désignation d’employeur de confiance qui permet d’accélérer le traitement des EIMT, comme il est recommandé dans le rapport du comité HUMA et dans l’autre rapport auquel j’ai fait référence plus tôt dans mon exposé.

Pour terminer, j’aimerais souligner que le ministère de l’Immigration a formulé des commentaires selon lesquels un projet pilote est à l’étude, et qu’EDSC a formulé des commentaires selon lesquels la recommandation liée à la prolongation des permis de travail d’un à deux ans et les changements au nombre limite sont également à l’étude. Nous avons hâte que le gouvernement progresse à cet égard et nous sommes reconnaissants envers le gouvernement et les ministères d’accepter de maintenir le dialogue. Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Les exposés ont pris beaucoup plus de temps que prévu. Maintenant, 10 personnes doivent poser leurs questions en 25 minutes. Cela signifie que nous pourrons poser une question dans la première série de questions. Je suis désolée. C’est le temps qui nous est imparti. Je vais ajouter des gens sur la liste pour la deuxième série de questions, au cas où nous aurions miraculeusement le temps.

Nous entendrons d’abord le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question comporte deux volets et s’adresse à M. Koeslag.

Vous avez signalé deux problèmes majeurs en ce qui a trait à votre industrie, soit celui de la cueillette et celui du transport. Il est bien évident que votre industrie est très recherchée et qu’il est très important d’effectuer la cueillette au bon moment, parce que sinon, votre saison est foutue; c’est le même enjeu lorsqu’il s’agit de les transporter également, car les deux sont interreliés. Il faut que ce soit fait dans un temps donné pour que les produits arrivent au bon moment et qu’ils soient propres à la consommation.

Vous dites qu’il vous manque actuellement 25 p. 100 de main-d’œuvre, c’est-à-dire que vous avez 75 p. 100 de main-d’œuvre canadienne et que 25 p. 100 de la main-d’œuvre est plus ou moins flottante et provient de l’étranger. Les délais pour obtenir la main-d’œuvre des travailleurs étrangers sont beaucoup trop longs pour le genre de culture que vous faites, ça va de soi. C’est un peu comme les fraises; au mois de février, on n’a pas besoin de travailleurs, mais au mois de juin, on en a besoin.

Croyez-vous qu’il existe un autre moyen d’avoir accès à ces travailleurs, sans être soumis aux attentes et aux décisions interminables des ministères concernés?

[Traduction]

M. Koeslag : Comme mes collègues de l’industrie des viandes, un programme d’employeurs de confiance nous serait utile, par exemple une carte NEXUS pour notre industrie. Dans une industrie où on a reconnu qu’il y a des postes vacants, les agriculteurs ont entrepris un processus il y a des années, et même des décennies. Ils peuvent fournir les renseignements et se soumettre aux audits et ils connaissent bien le processus lié aux besoins en matière de logement. Nous pensons que la majorité de nos membres, sinon tous nos membres, pourraient se qualifier dans le cadre d’un programme d’employeurs de confiance, ce qui accélérerait le processus pour obtenir des travailleurs.

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup. Ma question s’adresse aux trois témoins, mais la réponse peut être brève.

Nous avons déjà entendu — et nous l’avons entendu aujourd’hui — que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est géré par le gouvernement et par plusieurs ministères. Pouvez-vous nous indiquer où se trouvent précisément les goulots d’étranglement? Est-ce dans un ministère ou un endroit particulier? Veuillez nous parler très brièvement des goulots d’étranglement.

M. Koeslag : Cela dépend de l’endroit que vous examinez. Les questions de résidence permanente, par exemple, sont liées à l’immigration. C’est l’un des goulots d’étranglement. En ce qui concerne les améliorations visant à accélérer le processus d’EIMT, ces enjeux sont parfois attribuables à un manque de communication avec Services Canada ou EDSC. Un goulot d’étranglement peut même se trouver entre ces deux ministères.

Il y a différents endroits. Des goulots d’étranglement se trouvent peut-être entre les ministères. Nous avons tenté d’encourager la tenue de réunions mixtes entre ces différents groupes, afin de trouver des solutions plus rapidement sans devoir s’adresser à chaque groupe individuellement.

Mme Langner : Je suis d’accord avec ces commentaires. Nous devons trouver de meilleures façons de communiquer. Étant donné le grand nombre de ministères dans ce processus, la seule solution consiste à améliorer les communications. L’option du programme des employeurs de confiance pourrait aussi accélérer le processus d’EIMT.

Mme Taylor : Les cultivateurs me disent qu’une partie du processus de Service Canada leur cause des difficultés, car un représentant leur demande de fournir un certain renseignement et le représentant suivant leur demande pourquoi ce renseignement a été envoyé. On n’explique pas clairement quels renseignements sont requis. J’ajouterais qu’il serait très avantageux de préciser les renseignements exacts que les cultivateurs doivent présenter dans le cadre de ce processus.

Le sénateur Mercer : Je vais tenter de combiner mes questions dans une seule question. Il me semble que le Programme des travailleurs étrangers temporaires est nécessaire pour nous aider à relever le défi. Comme vous le savez, le gouvernement a mis le secteur agricole au défi d’augmenter sa production et ses exportations agricoles. Toutefois, il ne peut pas vous présenter ce défi sans vous aider à obtenir les outils pour y parvenir. Je crois que c’est un point important. Nous pourrions peut-être l’ajouter à notre rapport. Il me semble qu’on ne peut pas avoir les deux options, c’est-à-dire qu’on ne peut pas demander au secteur d’augmenter la production sans l’aider en accélérant le Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui a été grandement endommagé lorsque le secteur de la restauration rapide l’a utilisé à son avantage.

Vous nous avez dit que 100 millions de dollars en champignons n’avaient pas été récoltés ou avaient été gaspillés dans une année. Comment mesurez-vous ces 100 millions de dollars? S’agit-il de livres ou de tonnes de champignons?

M. Koeslag : C’était une valeur de 100 millions de dollars.

Le sénateur Mercer : Comment traduisez-vous cela en emplois? Vous savez quoi? Ce que tous les politiciens qui sont ici ou à la Chambre des communes comprennent sans problème, c’est le nombre d’emplois pour les gens qu’ils représentent. Les montants sont très impressionnants. Combien d’emplois sont vacants? Combien de gens ne travaillent pas? Combien de personnes ne paient pas d’impôt? Combien de gens n’envoient pas leurs enfants à l’école? C’est ce qu’ils comprennent. Pouvez-vous nous donner les chiffres correspondant à ces catégories?

M. Koeslag : C’est une bonne question. Dans le secteur agricole, il semble y avoir plusieurs façons de mesurer les unités. C’est peut-être aussi le cas dans cette conversation continue. Je crois que, actuellement, de 700 à 800 personnes souhaitent obtenir la résidence permanente. Si nous pouvions doubler ce montant, nous pourrions pourvoir nos emplois vacants. Si nous disions que 800 emplois ou postes doivent être pourvus, je crois que ce serait une hypothèse assez juste. Je peux vérifier cela à nouveau.

Le sénateur Oh : Je tiens à dire que vous faites de l’excellent travail pour notre marché d’exportation. Vous avez réussi à vendre à prix fort nos viandes en Corée, au Japon et en Chine et à verser ici de bons salaires.

Nous avons bien entendu votre problème. Vous avez besoin d’aide pour résorber la pénurie de main-d’œuvre. En avez-vous parlé au ministre responsable? Je vois beaucoup de paperasserie administrative, trop de ministères sur le dossier. C’est un problème. Avez-vous recommandé une solution au ministre?

Mme Langner : Oui. Je suis chez HyLife depuis trois ans et demi. Pendant tout ce temps, nous avons rencontré à plusieurs reprises des homologues, les ministres, leurs fonctionnaires et des décideurs. Nous avons réaffirmé le besoin de clarté, de transparence et d’une plus grande efficacité.

Récemment, en juin 2018, nous avons rencontré sur la Colline les trois ministres compétents — Hussen, Hajdu et MacAulay —, qui ont eu l’amabilité de nous accorder un peu de leur temps. Nous avons répété les propos que vous entendez aujourd’hui, ce qui a conduit à la reconnaissance de la nécessité d’examiner plus en profondeur ce projet pilote pour compléter les effectifs.

Nous devons reconnaître que les gens que nous embauchons sont de futurs résidents permanents. Ce ne sont pas des travailleurs étrangers temporaires. Le nom du programme qui s’applique dans les circonstances engendre plutôt la confusion, parce que ces gens que nous faisons venir restent ici. Ils viennent, ils restent et ils deviennent résidents permanents. Il faut, je pense, le reconnaître.

M. Koeslag : On s’est efforcé d’organiser des réunions mixtes. Je dois féliciter le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture d’avoir organisé une séance avec la Fédération canadienne de l’agriculture, au début de mai, je crois. D’après les conversations, tous semblaient comprendre nos problèmes et nos motifs de préoccupation à l’égard du programme et tous semblaient nous avoir entendus. Actuellement, j’ai l’impression que c’est logique pour tous mes interlocuteurs. Nous n’attendons que des mesures pour voir se concrétiser les résultats du rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées d’il y a quelques années et ceux de nos discussions avec divers politiciens en passant par les consultations de l’été dernier. Tous voient et comprennent ce que nous leur montrons. Maintenant, place à l’action!

Le sénateur Oh : Nous espérons que quelque chose se produira. Merci.

Le sénateur Doyle : Je vous remercie de vos exposés. Je m’interroge sur les travailleurs autochtones. Je fais partie du Comité des peuples autochtones. Un membre de ce comité a dit, récemment, que les travailleurs de ferme autochtones étaient sous-représentés dans le secteur agricole et dans le travail agricole, que des problèmes culturels les empêchaient d’être bien représentés dans le secteur. J’imagine que les travailleurs étrangers éprouveraient aussi des problèmes culturels.

Quelle est la différence entre les deux groupes? Se trouve-t-il un effectif assez considérable d’Autochtones dans vos opérations? Cherchent-ils à y travailler? Je sais que, au Manitoba, le problème ne devrait pas être aussi grave, en raison de la forte proportion d’Autochtones dans la population. Avez-vous des observations à ce sujet?

Mme Taylor : Je pense que la cause est en partie géographique. Tous les emplois que nous proposons offrent des chances égales à tous les candidats. Ces chances sont là, il suffit d’en profiter. La culture en serres est plutôt assez localisée. La majorité de nos exploitations agricoles se trouve dans la région de Kingsville-Leamington. Nous y sommes entrés en contact avec la nation Caldwell. Il y a eu peu de suites. Elle traverse une période de changements, elle aussi. Espérons que cela se réglera et que les rapports seront plus suivis.

Mme Langner : Si vous voulez, nous pouvons en parler plus en détail : nous avons collaboré étroitement avec la nation Sandy Bay, qui se trouve à plus d’une heure de Neepawa. Durant la dernière année et demie, nous avons créé une école de découpe des viandes avec l’appui du gouvernement, et quatre cohortes de 16 élèves l’ont fréquentée. Hylife, la nation Sandy Bay et les fonctionnaires ont collaboré étroitement pour leur procurer des occasions d’emploi.

M. Koeslag : Je me contenterai, sans rien de précis à dire sur les Autochtones, de souligner la croyance qu’on appuie rarement les travailleurs étrangers temporaires arrivant dans ces régions rurales, possédant des antécédents culturels différents et pour qui même l’anglais est une langue seconde. Toutefois, dans les fermes que nous avons observées ou avec lesquelles nous avons collaboré, on trouve des exemples et des cas d’aide accordée à la formation linguistique ou à la prise des rendez-vous nécessaires. On essaie de les intégrer dans la communauté. On envoie souvent les néo-Canadiens qui arrivent au Canada en milieu urbain, où ils reçoivent des services de l’État à l’immigration.

Les agriculteurs prennent soin d’eux à leur arrivée en région rurale, ils les aident à accéder aux services et à s’intégrer. Qu’on le sache. Ce devrait être un atout pour le secteur qu’ils le fassent volontiers. Ils l’ont pris sur eux ces dernières décennies ou années.

Mme Langner : C’est la même chose dans le secteur des viandes.

Mme Taylor : Nous reconnaissons aussi que le transport, en milieu rural, cause beaucoup de soucis. Le plus grand centre proche de nous, à Leamington, est Windsor. Nous pourrions y embaucher des travailleurs pour augmenter nos effectifs. Le transport vers la campagne présente de gros problèmes, que nous essayons de corriger avec le concours de nos partenaires dans la communauté.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à Mme Taylor et à M. Koeslag. Est-ce que la nouvelle entente qui remplacera l’ALENA aura un impact positif ou négatif sur notre capacité d’exportation?

[Traduction]

M. Koeslag : Il est sûr que nous sommes très préoccupés de ne pas avoir d’entente. Actuellement, je pense que rien ne semble avoir changé. Nous sommes essentiellement heureux de ce progrès.

Il est évident qu’une barrière qui fermerait l’entrée aux États-Unis de 40 p. 100 de la production canadienne de champignons serait catastrophique. Nous sommes heureux du statu quo pour notre secteur, pour autant que nous le sachions.

Mme Taylor : J’éprouve aussi ce sentiment. À notre connaissance, rien ne devrait changer.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Avec votre permission, madame la présidente, j’aimerais poursuivre avec Mme Taylor.

Le Canada importe de nombreux produits du Mexique et des États-Unis. Évidemment, cela se voit dans nos épiceries. Vous produisez en serres et vous exportez. Est-ce que vos producteurs exportent des produits que nous importons? Si c’est le cas, pourquoi est-ce plus profitable pour eux d’exporter leurs produits?

[Traduction]

Mme Taylor : Comme je l’ai dit, nous exportons 70 p. 100 de notre production aux États-Unis, surtout quand la production bat son plein. Le printemps, l’été et l’automne, nos serres produisent. Nous exportons et nous fournissons les marchés locaux. Sauf catastrophe, nous n’importons rien des États-Unis et du Mexique.

Le sénateur Woo : Je vous remercie. Je suis absolument d’accord avec vous, sur l’importance des travailleurs étrangers temporaires et sur la nécessité d’améliorer le programme. Je comprends que le rôle d’effectifs suffisants de travailleurs, y compris de bas niveau, à titre temporaire, qui deviennent progressivement des résidents permanents, est de maintenir la production de vos industries ou de l’augmenter.

Quelle est la relation entre les travailleurs étrangers temporaires et la production à valeur ajoutée? Comment le programme pour leur embauche soutient-il l’investissement dans la production à valeur ajoutée, l’innovation et la productivité accrue de vos industries? C’est ce que nous étudions, la production à valeur ajoutée.

M. Koeslag : Notre secteur produit en majorité des champignons frais. Nous faisons tout le conditionnement, et notre produit est essentiellement prêt, sur place, pour l’expédition à l’épicerie. Reste à voir si on peut le considérer comme un processus à valeur ajoutée sur l’exploitation.

Nous avons beaucoup de pratiques innovantes, notamment le dosage de la vitamine D, et des tentatives pour en augmenter la teneur. Tout ça permet mieux d’envisager ces pratiques innovantes au lieu d’essayer de maintenir la production aux niveaux actuels faute des effectifs nécessaires. L’affirmation selon laquelle les travailleurs étrangers temporaires n’augmentent pas nécessairement la production à valeur ajoutée entre tout à fait dans la stratégie générale de fonctionnement de l’industrie. Si on ne peut pas remplir les commandes en souffrance, on ne peut pas s’occuper de l’activité principale ni de l’innovation.

Mme Langner : Oui, je suis tout à fait d’accord avec ces propos. Dans notre usine, nous produisons du porc dit réfrigéré, des découpes très haut de gamme destinées au Japon, dont la vente est très profitable. Toutefois, par exemple, HyLife n’est pas associé à la production de bacon et de viande pour sandwich, ce genre de choses. Des travailleurs étrangers temporaires hautement qualifiés fabriquent ces produits. Venez simplement voir leurs découpes de précision. Nos clients, outre-mer, ont beaucoup de discernement. Ces découpes doivent répondre à des spécifications très précises pour donner un produit presque prêt à servir.

Je peux vous dire que, à la faveur de notre expansion, nous avons investi dans le dernier cri de l’automatisation de partout dans le monde. En fin de compte, on ne peut se passer des gens.

Mme Taylor : J’ajouterais seulement que la production primaire fait partie intégrante de la chaîne de valeur. Si on ne la facilite pas, et les travailleurs étrangers temporaires y jouent un rôle clé, on ne peut pas ensuite passer aux maillons à valeur ajoutée de la chaîne de valeur.

La sénatrice Gagné : Soyez les bienvenus. Je viens du Manitoba. Ma carrière a débuté à La Broquerie. Je connais très bien la famille Vielfaure, qui est respectée et qui fait partie des chefs de file de la communauté, de sa communauté. Elle souhaite l’intégration de tous les travailleurs dans la communauté, si je la décris bien. C’est ma perception. Vous travaillez pour une excellente compagnie.

Nous parlions de pénurie de main-d’œuvre. Nous examinons le Programme des travailleurs étrangers temporaires. La pénurie est mondiale. Elle ne se résorbera pas. Elle s’aggravera. Comment s’attaquer à ce problème pluridimensionnel. C’est un gros défi pour notre pays et pour le secteur agricole et agroalimentaire. Comment le contourner? Comment lui trouver une réponse pluridimensionnelle et exhaustive? Je voudrais votre opinion.

Mme Langner : Il n’y a pas de réponse facile. Je pense qu’il nous faut d’abord accepter la nécessité, à cause du déclin prochain de nos effectifs de travailleurs — et beaucoup d’études le prévoient — d’accueillir des immigrants. Je sais que la question a été soulevée dans des exposés antérieurs : partout au Canada, on trouve des chômeurs. C’est vrai. Notre secteur, mes collègues cherchent d’abord des Canadiens. Je pense qu’il faut aussi reconnaître que nos enfants, malheureusement, ne se bousculent pas pour décrocher ces postes; c’est un fait. Nous faisons tout pour favoriser à l’école leur entrée dans ces emplois, et cetera. En fin de compte, je pense que nous devons nous résoudre à la nécessité d’accueillir des immigrants.

Tout comme pendant les nombreuses décennies passées de la colonisation du Canada, ses régions rurales ont besoin de sang neuf. Si nous pouvons nous faire à cette idée et considérer Neepawa comme un exemple d’intégration réussie des nouveaux venus dans une ville rurale et sa couronne en plein essor, ce point de vue privilégie à la fois les Canadiens de souche, mais il reconnaît notre besoin de ces travailleurs étrangers temporaires pour qui la résidence permanente devrait être une possibilité. Pas question de faire appel à eux pour les renvoyer ensuite. Comme vous l’avez fait remarquer, HyLife a travaillé avec acharnement à cet élément d’intégration. Je pense que l’accueil des immigrants, en cherchant à les retenir dans les communautés, grâce aux employeurs et aux habitants, aura des résultats positifs à long terme. Nous aurons toujours besoin d’immigrants.

M. Koeslag : Je ne suis pas sûr que le Canada ou les provinces ont reconnu l’existence de la pénurie de main-d’œuvre agricole. À ce que je sache, le Manitoba serait le seul à l’avoir fait. Et même après, ses programmes, je crois, ont déjà été modifiés ou se sont révélés plus avantageux pour la communauté agricole que les programmes de toutes les autres provinces.

Si le Canada reconnaissait cette pénurie de travailleurs agricoles et développait des programmes pour y remédier, des améliorations seraient possibles. Chacun de nos producteurs sait qu’il traînera dans ses bilans, pendant de nombreuses années la trace des technologies et de ses investissements récents dans ces technologies. La robotique fait l’objet de travaux en divers endroits, au Canada et aux Pays-Bas. Il est sûr que les investissements, chaque fois que les producteurs construisent ou s’agrandissent, visent à augmenter l’efficacité de la main-d’œuvre. Les producteurs savent que c’est un enjeu de la production.

Mme Taylor : Pour en revenir à la formulation de votre question, c’est une démarche pluridimensionnelle. Nous devons reconnaître notre méconnaissance des métiers agricoles et les préjugés dont ils sont l’objet, nous efforcer de mieux nous informer sur ce que sont ces métiers, aujourd’hui, et de mieux les connaître, parce que l’automatisation rend ces métiers de plus en plus techniques, des métiers d’ingénieurs, essentiellement. Il faut une sensibilisation à ces plans de carrière.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie d’être ici. C’est très intéressant. J’essaie d’établir mentalement des rapports. Voilà un groupe inexploité d’étrangers qui demandent l’asile et qui arrivent en Ontario après avoir traversé le Québec, faute de place au Québec. Avez-vous songé à ce lien? Beaucoup d’entre eux viennent peut-être de régions rurales et pourraient posséder des connaissances en agriculture. Est-ce possible ou est-ce simplement trop compliqué, parce qu’ils sont bloqués dans les villes en essayant de faire remplir leurs papiers?

M. Koeslag : Je suis heureux que vous posiez la question, parce que, dans la situation actuelle — sans vouloir nommer trop de noms —, effectivement, nous avons certainement considéré les réfugiés et les nouveaux arrivés au Canada comme de la main-d’œuvre possible. Des complications viennent entraver le travail de ceux qui arrivent au Canada.

Je pense que le dernier chiffre que j’ai entendu est que ces personnes peuvent actuellement travailler trois jours par mois, au plus, avant de commencer à perdre le droit à leurs services et aux avantages sociaux fédéraux, qui sont importants pour eux. Mushrooms Canada a tenté, ainsi que nos membres, de veiller à ne pas leur faire perdre, à ces personnes qu’une tragédie ou d’autres difficultés ont motivés à venir ici, le droit à ces services tout en pouvant continuer à travailler. Ils sont heureux d’être ici, dans certains cas, et heureux de travailler. Si on ne leur en donne pas le droit, je pense que nous créons une situation qui risque de s’envenimer plus tard.

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce qu’ils perdent leur droit aux services de santé ou seulement...

M. Koeslag : Je pense que c’est la formation linguistique et d’autres avantages sur le plan du logement, ce genre de choses. Je peux m’informer pour vous. Il nous est arrivé de nous adresser à ces personnes et de leur avoir offert du travail agricole, mais Immigration et Citoyenneté ou Emploi et Développement social Canada, peu importe le ministère compétent, n’a pas donné les autorisations voulues.

Nous sommes prêts aujourd’hui à accueillir ces travailleurs. Parfois, nous leur avons préparé une place faite sur mesure pour eux, mais les autorisations voulues pour y donner suite n’ont pas suivi.

La présidente : Merci. J’aimerais remercier le groupe de témoins. C’était très intéressant. Nous aurions pu continuer plus longtemps. Nous avons entendu de nombreuses bonnes observations. Vous avez posé de bonnes questions, honorables sénateurs. Merci.

Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins. C’est un grand groupe et nous serons nombreux à poser des questions. Nous devrons être rapides, car nous passerons à huis clos peu avant 10 heures.

Je vous présente le directeur des politiques sectorielles du Programme des travailleurs étrangers temporaires de la Direction générale des compétences et de l’emploi à Emploi et Développement social Canada, M. Steven West. Nous accueillons également des représentantes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : la directrice générale de la Direction générale de l’immigration, Mme Natasha Kim, et la directrice de la Division du programme des résidents temporaires, Orientation du programme d’immigration, Mme Helene Panagakos. Enfin, nous accueillons des représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada : le sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, M. Tom Rosser, et le directeur général de la Direction du développement et analyse du secteur à la Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, M. Marco Valicenti.

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Nous sommes heureux que vous soyez ici. Nous allons tout d’abord entendre l’exposé de M. Steven West.

Steven West, directeur, politiques sectorielles, Programme des travailleurs étrangers temporaires, Direction générale des compétences et de l’emploi, Emploi et Développement social Canada : Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au comité aujourd’hui.

Le secteur de l’agriculture, notamment l’agriculture primaire et les exploitations à valeur ajoutée, revêt une grande valeur pour l’ensemble du pays, ainsi que pour les collectivités et les familles du Canada. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires s’affaire à aider les employeurs, y compris ceux du secteur de l’agriculture, à combler leurs besoins en main-d’œuvre lorsque des Canadiens et des résidents permanents ne sont pas disponibles, tout en protégeant les droits des travailleurs étrangers temporaires.

[Français]

Le programme prend au sérieux la question de la protection des travailleurs. Dans le budget de 2018, en plus d’avoir créé un cadre solide de conformité visant à protéger les travailleurs temporaires étrangers vulnérables, le gouvernement s’est engagé à accroître le nombre d’inspections sans préavis des employeurs ayant recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il a offert du financement en faveur de la mise en œuvre d’un nouveau réseau pilote de soutien pour les travailleurs migrants qui s’adresse à ceux qui vivent une situation de mauvais traitement ou d’abus.

[Traduction]

Le programme a mené cette année de vastes consultations au sujet de la question des besoins en main-d’œuvre des employeurs auprès des entreprises de l’industrie de la transformation des aliments, notamment ceux des secteurs de la viande et des fruits de mer, ainsi qu’auprès des intervenants du secteur de l’agriculture primaire.

En 2016, le Programme des travailleurs étrangers temporaires a fait l’objet d’un examen du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Le rapport, déposé le 19 septembre 2016, comprenait de nombreuses recommandations visant à améliorer le programme, notamment en ce qui a trait au volet de l’agriculture primaire.

En 2017, en réaction à cet examen, le plan décrivant la marche à suivre pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été annoncé afin d’étudier des questions, comme la cause fondamentale de la pénurie de travailleurs en agriculture primaire; le recours à la liste nationale des secteurs agricoles et la méthode connexe de comparaison des salaires; des retenues salariales pour l’hébergement des travailleurs agricoles étrangers; et des normes d’hébergement à l’échelle du pays.

Emploi et Développement social Canada, en collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, mène un examen de l’agriculture primaire dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires. L’examen comprend une étude du marché du travail, une étude des normes d’hébergement pour les travailleurs étrangers temporaires dans le secteur agricole et une série de consultations pancanadiennes avec les intervenants sur la modernisation du volet de l’agriculture primaire.

Le processus de consultation comprenait 21 séances pancanadiennes en personne et par téléconférence avec des employeurs, des travailleurs et d’autres intervenants, et a été complété par plus de 55 observations écrites et plus de 100 réponses à un sondage en ligne. Les responsables du programme examinent actuellement les résultats de la recherche et les commentaires des intervenants et formulent des recommandations à l’intention de la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail. Les responsables du programme continueront de travailler en étroite collaboration avec les intervenants tout au long de l’examen.

Bien que la mise en œuvre de certains des changements qui suivront l’examen de l’agriculture primaire prendra un certain temps, les responsables du Programme des travailleurs étrangers temporaires ont pris des mesures pour régler immédiatement bon nombre des problèmes clés qui ont été cernés par l’industrie et d’autres intervenants lors des consultations. Tout d’abord, l’industrie de l’agriculture a souligné l’importance d’améliorer la communication et la collaboration avec les fonctionnaires. En réaction à cela, le 3 mai 2018, le secrétaire parlementaire de la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, Rodger Cuzner, a coprésidé une table ronde au sujet du Programme des travailleurs étrangers temporaires avec le président de la Fédération canadienne du travail, Ron Bonnett. Des représentants de l’industrie et des fonctionnaires fédéraux y ont participé.

À la suite de la table ronde, un groupe de travail permanent composé de membres de l’industrie et de représentants de ministères fédéraux a été mis sur pied afin d’examiner les politiques du programme, les questions d’ordre opérationnel et les possibilités d’améliorer les communications. Des réunions se tiennent tous les deux mois depuis juillet 2018. La réunion la plus récente a eu lieu le 20 septembre.

Ensuite, de nombreuses initiatives politiques et opérationnelles ont été annoncées et mises en œuvre en réaction directe aux inquiétudes des intervenants. Ces initiatives comprennent un examen des normes de service; une initiative pour surveiller la qualité de décisions relatives au programme; des inspections centrées sur des domaines où le risque de non-conformité est élevé parmi les employeurs; un processus simplifié pour le remplacement ou le transfert de travailleurs; un réseau pilote de soutien pour les travailleurs migrants en Colombie-Britannique, qui a été annoncé dans la province aujourd’hui; et, enfin, une souplesse accrue relativement aux inspections de logement à compter de 2019.

Je suis convaincu que l’examen de l’agriculture primaire et les autres importantes initiatives qui ont déjà été annoncées et mises en œuvre nous mettent sur la bonne voie pour donner suite au rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées sur le programme et, plus important encore, pour offrir un volet de l’agriculture primaire grandement amélioré qui répond mieux aux besoins des employeurs, des travailleurs et de tous les intervenants.

Merci.

La présidente : Je vous remercie de votre exposé. Allez-y, madame Kim.

Natasha Kim, directrice générale, Direction générale de l’immigration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie de m’offrir l’occasion de parler de la façon dont les programmes d’immigration appuient les communautés et les entreprises canadiennes, y compris celles du secteur des aliments à valeur ajoutée.

[Français]

À IRCC, nous gérons des programmes d’immigration temporaire et permanente. En ce qui concerne le Programme des travailleurs étrangers temporaires, IRCC partage avec Emploi et Développement social Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada une responsabilité conjointe qui inclut le traitement des demandes de permis de travail et de visas.

[Traduction]

Nous administrons également le Programme de mobilité internationale, qui relève seulement d’IRCC et qui facilite l’admission des travailleurs étrangers temporaires pour faire avancer les intérêts nationaux économiques et culturels. Par exemple, l’admission des chercheurs, des travailleurs ayant des connaissances spécialisées et des personnes qui viennent aux termes d’accords internationaux, réciproques et relatifs à la mobilité des jeunes est facilitée par ce programme. Cela peut inclure des travailleurs des secteurs de l’agriculture et de la transformation alimentaire.

En 2017, le ministère a lancé la Stratégie en matière de compétences mondiales, qui offre un traitement accéléré des demandes de permis de travail pour les travailleurs étrangers dans de nombreuses professions très spécialisées et de gestion, quel que soit le secteur. Cette mesure appuie les employeurs et la nécessité qu’ils aient accès à des personnes qualifiées talentueuses du monde entier lorsqu’ils en ont besoin.

En ce qui concerne les programmes d’immigration permanente, IRCC est chargé d’établir et de mettre en œuvre le plan des niveaux d’immigration, qui fixe le nombre d’admissions annuelles de résidents permanents de façon à équilibrer les priorités du gouvernement en matière d’immigration économique et celles qui sont liées à la réinstallation des réfugiés et à la réunification des familles.

En ce qui concerne l’immigration économique, il y a les programmes fédéraux de travailleurs hautement qualifiés qui facilitent l’entrée de gestionnaires, de cadres, de professionnels, de corps de métiers et de techniciens. Dans le cadre de votre étude, j’aimerais parler de deux programmes. Ces programmes sont de bons exemples d’approches axées sur la collaboration que le ministère a adoptées pour répondre aux besoins du marché du travail pour le secteur.

Premièrement, le Programme des candidats des provinces qui existe depuis longtemps reconnaît que les provinces et les territoires sont bien placés pour déterminer les besoins de leur marché du travail. Cela leur permet de recruter des résidents permanents. En fait, bon nombre ont établi des volets qui ciblent des travailleurs peu spécialisés, notamment dans le domaine de l’agriculture, dont bon nombre étaient auparavant des travailleurs étrangers temporaires.

Deuxièmement, il y a le Projet pilote d’immigration au Canada atlantique. Il a été élaboré de concert avec les quatre provinces de l’Atlantique et mis en œuvre en mars 2017. Nous avons travaillé à mettre en place de solides partenariats entre le secteur des entreprises et les fournisseurs de services d’établissement afin de combler les pénuries de main-d’œuvre et, ce qui est plus important encore, d’assurer le maintien des nouveaux arrivants dans ces emplois et dans ces communautés.

[Français]

Pour terminer, j’aimerais rappeler qu’IRCC est résolu à collaborer avec ses partenaires, les intervenants et les employeurs pour remédier aux pénuries de main-d’œuvre régionale. Diverses mesures d’immigration sont offertes afin que les employeurs disposent des ressources humaines dont ils ont besoin pour faire prospérer leur entreprise, et pour favoriser la croissance économique générale et la prospérité de tous les Canadiens et Canadiennes. Merci.

Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci, madame la présidente. Je sais que nous sommes pressés par le temps, donc je serai bref.

Depuis longtemps, le recrutement de la main-d’œuvre, surtout dans les régions rurales, est un défi pour le secteur agricole. Avec un taux de chômage national parmi les plus bas depuis une génération, le problème est devenu prioritaire. Lors de leur conférence tenue à Vancouver au mois de juillet dernier, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture ont établi la main-d’œuvre comme étant leur plus grande priorité et ont donné instruction à leurs fonctionnaires de travailler en collaboration pour essayer de trouver des solutions.

[Traduction]

Madame la présidente, ce matin, on vous a parlé des recommandations de la Table sectorielle de stratégies économiques sur l’agriculture et l’agroalimentaire, qui a publié son rapport récemment et qui a fait un certain nombre de recommandations sur la main-d’œuvre et les compétences. J’aimerais souligner que les solutions peuvent être classées — ce que la table a fait avec raison — en deux catégories : solutions à court terme et solutions à long terme.

Elle a fait un certain nombre de recommandations sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Elle a proposé des solutions à court terme, mais elle sait qu’il faut également trouver des solutions à long terme.

Il y a, en particulier, l’automatisation continue de l’industrie, ce qui permet à l’industrie de produire un volume de produits donné en employant moins de travailleurs, mais en offrant des emplois hautement spécialisés et mieux rémunérés. Dans le cadre du Partenariat canadien pour l’agriculture, que la plupart des membres du comité connaissent sûrement, un certain nombre de programmes peuvent aider l’industrie à faire la transition vers une main-d’œuvre hautement qualifiée dans ce processus d’automatisation.

On a également parlé au comité ce matin de l’idée de prendre contact avec des groupes sous-représentés, d’amener les jeunes à vouloir travailler dans le secteur agricole. Je crois que cela fait partie des solutions à long terme.

Le comité a également entendu parler ce matin d’un certain nombre de processus de consultation liés aux travailleurs étrangers temporaires et aux pénuries de main-d’œuvre en général. Ils font intervenir des fonctionnaires, mais on vous a dit également que les ministres Hajdu, Hussen et MacAulay ont collaboré avec des intervenants pour trouver des solutions. Il a été question des séances organisées par la Fédération canadienne de l’agriculture en mai, auxquelles le ministre MacAulay a participé. Il a été question également d’une séance organisée par le Conseil des viandes du Canada et l’Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, où l’on a discuté des défis particuliers associés à l’industrie de la viande. On en a parlé au comité ce matin.

Lors de cette séance, on a dit aux ministres qu’il ne s’agissait pas seulement des travailleurs étrangers temporaires. Il s’agit de la possibilité d’obtenir la résidence permanente. Il s’agit d’offrir du travail à l’année et de réussir à intégrer les nouveaux arrivants dans les collectivités rurales et dans le cadre du Programme des candidats des provinces dont il a été question. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans le processus, mais il en est de même pour les provinces.

Madame la présidente, comme le temps file, je vais m’arrêter ici. Mon collègue et moi serons ravis de répondre à toutes vos questions.

La présidente : Je remercie tous les témoins. Nous avons entendu trois exposés qui étaient concis. J’étais présente à la séance du 3 mai à laquelle ont participé la ministre, Rodger Cuzner et bien d’autres personnes. C’était une très bonne séance.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Ce matin et lors de réunions précédentes, des témoins nous ont parlé des goulots d’étranglement : nombreux programmes, problèmes de communication, manque de clarté dans les exigences, différentes demandes venant de différents représentants d’un même ministère, temps requis pour remplir des formulaires, et cetera. Une réunion a eu lieu ensuite au printemps pour régler une partie de ces problèmes. A-t-on établi un échéancier pour que les changements soient vus par les intervenants et examinés par le personnel pour voir si cela change la donne?

Encore une fois, on nous a dit ce matin qu’il y avait toujours des problèmes. Cela ne fait que six mois, mais a-t-on établi un échéancier pour accomplir la tâche?

M. West : Je vous remercie de la question. Au cours de la dernière année et demie, nous avons beaucoup consulté les intervenants pour qu’ils nous parlent de leur expérience et fassent des recommandations sur l’avenir du programme.

Nous sommes en train de terminer ces travaux à bien des égards. Nous avons invité le secteur de la transformation de la viande à participer à une série de tables rondes et à des rencontres de suivi, et nous avons examiné tous les renseignements tirés de recherches disponibles sur le secteur. De plus, depuis 2016, nous échangeons abondamment avec le secteur de la transformation du poisson et des produits de la mer sur leur expérience relativement au programme. Nous avons également beaucoup travaillé avec le secteur de l’agriculture primaire dans le cadre de l’examen de l’agriculture primaire et du Programme des travailleurs étrangers temporaires.

Maintenant que nous sommes en train de terminer tous ces travaux, il nous incombe à mon équipe et à d’autres intervenants du Programme des travailleurs étrangers temporaires, à Agriculture et Agroalimentaire Canada et à IRCC d’examiner l’information. Notre engagement à l’égard de ma ministre consiste à faire des recommandations sur un certain nombre de questions cet automne.

Pour la saison 2019, surtout pour les producteurs de l’agriculture primaire, nous apporterons un certain nombre d’améliorations — modestes, mais importantes —, à la façon d’offrir le programme à ce secteur. Nous ferons des recommandations plus détaillées à partir de cet automne et nous donnerons aux intervenants l’occasion de faire des observations sur ces recommandations préliminaires au cours de l’hiver. Nous songeons à mettre en œuvre les éléments du programme pour lesquels les changements sont plus importants en 2019.

Le sénateur R. Black : Merci.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de nous fournir de très bons renseignements et d’aller au fond des choses.

Un peu plus tôt, j’ai demandé aux témoins s’ils avaient rencontré un ministre. Maintenant, je vous écoute. Puisqu’un grand nombre de travailleurs temporaires reviennent chaque année depuis de nombreuses années, y a-t-il un moyen de simplifier les choses en leur accordant un super visa? C’est que la même chose se produit tous les ans. S’il faut refaire une demande, trop de paperasses circulent entre les ministères. Pourrait-on faciliter les choses en leur accordant un super visa ou en établissant quelque chose qui est bon pour cinq ans?

M. West : Du côté de notre ministère, les employeurs nous ont parlé entre autres de l’idée d’un modèle de l’employeur de confiance. C’est un élément que nous examinons dans le cadre de notre analyse. À ce moment-ci, nous n’avons pas pris d’engagement à l’égard d’un tel moyen de permettre aux employeurs d’accéder facilement au programme. Du point de vue de notre ministère, c’est une solution possible dans le processus de l’Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) pour faciliter le traitement et simplifier un peu le processus pour les travailleurs qui viennent au Canada années après année, surtout dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, quant à la demande de l’employeur et à l’Étude d’impact sur le marché du travail.

M. Rosser : Mes collègues ont parlé des processus d’examen de changements de politique pouvant être apportés au programme. Cela comprend un aspect lié à l’information et à la communication. Mieux les gens comprendront le processus, le programme, son fonctionnement, les exigences et les attentes, moins il y aura de problèmes en cours de route. Il y a un certain nombre de processus en cours dans le cadre desquels chaque ministère doit collaborer avec des intervenants pour s’assurer que les gens connaissent le programme et ses exigences le mieux possible. L’événement réussi de la Fédération canadienne de l’agriculture qui s’est tenu en mai a mené à la création d’un comité. Je crois comprendre que le comité a également entendu le témoignage du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, avec lequel nous communiquions activement justement au sujet de la communication et de l’information, qui font partie de la solution.

Mme Kim : Quant au traitement des permis de travail à IRCC, il correspond généralement à la durée de l’EIMT, parce que l’EIMT est liée au poste alors que le permis de travail est lié à la personne. Pour ceux qui reviennent année après année, c’est principalement le Programme des travailleurs agricoles saisonniers. IRCC travaille en collaboration avec nos bureaux à l’étranger, dans les pays où l’on participe au Programme des travailleurs agricoles saisonniers, afin de veiller à ce que le processus se déroule le plus en douceur possible.

La sénatrice Gagné : Monsieur Rosser, quels sont les obstacles possibles en cours de route?

M. Rosser : Mes collègues d’IRCC et d’EDSC pourraient sans doute mieux que moi vous donner des détails. Des changements ont été apportés au programme et à son administration, au début de l’année civile, et cela a causé de la confusion. Des renseignements erronés ont été donnés dans le secteur.

Il y a dans certaines provinces, comme au Québec, des organismes qui aident les employeurs à faire leurs demandes. Les modèles diffèrent selon les endroits. À la suite de nos discussions avec les intervenants, nous en sommes entre autres arrivés à la conclusion que cela ne représente pas la solution complète. Cependant, il vaut mieux que les employeurs comprennent le processus et le fonctionnement parce qu’en cas de changements au processus, surtout, il peut y avoir de la confusion et, par conséquent, des retards. Nous avons vécu cela au début de l’année, et nous travaillons avec nos partenaires de l’industrie pour trouver des solutions et veiller à ce que les employés et les employeurs comprennent le mieux possible le programme et ses exigences.

La sénatrice Gagné : Madame Kim, vous avez mentionné quelque chose dans votre exposé. J’ai cela ici.

[Français]

Il est dit ce qui suit, et je cite :

[...] le Ministère a lancé la Stratégie en matière de compétences mondiales, qui offre un traitement accéléré des demandes de permis de travail pour les travailleurs étrangers dans de nombreuses professions très spécialisées et de gestion, quel que soit le secteur.

Je comprends donc que, pour les travailleurs spécialisés, un processus accéléré est en place. Qu’arrive-t-il en ce qui a trait aux travailleurs peu spécialisés? Existe-t-il un processus tout de même relativement rapide pour les faire venir?

[Traduction]

Mme Kim : Je vous remercie de votre question. Je vais demander à ma collègue de répondre, concernant les normes de service plus générales qui s’appliquent aux permis de travail. La Stratégie en matière de compétences mondiales a été lancée l’année passée et vise particulièrement les travailleurs hautement qualifiés. On a parlé ce matin d’innovation et de la nécessité de recourir à l’automatisation ou à d’autres méthodes, comme solutions aux pénuries de main-d’œuvre. La Stratégie en matière de compétences mondiales sert à faire venir rapidement des travailleurs temporaires hautement qualifiés dans le cadre de notre programme d’immigration.

Helene Panagakos, directrice, Division du programme des résidents temporaires, Orientation du programme d’immigration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci, madame la sénatrice. Selon les normes de services relatives aux permis de travail délivrés par IRCC, la période prévue est de deux mois pour les nouveaux permis de travail. Pour les prolongations de permis de travail, c’est quatre mois.

Pour les nouveaux permis de travail, nous respectons les normes de service dans environ 90 p. 100 des cas. Quant aux prolongations de permis de travail, ce sont environ 97 p. 100 des demandes qui sont traitées à l’intérieur de la période de quatre mois.

La sénatrice Gagné : Quelle est la différence entre le programme accéléré et l’autre programme? Quel est le nombre de mois? Comment cela se compare-t-il?

Mme Panagakos : Je parle en termes généraux. Je n’ai pas la ventilation de cela. Nous pouvons vous transmettre cette information si vous voulez, au sujet de la différence. Dans l’ensemble, pour les permis de travail délivrés, ce sont les normes de service et nos résultats.

Mme Kim : Selon la Stratégie en matière de compétences mondiales, l’engagement est de traiter en 14 jours les demandes de permis de travail. En complément de cela, le volet des talents mondiaux qui est administré par EDSC vise des groupes professionnels pour lesquels le processus d’EIMT est facilité.

La sénatrice Gagné : Merci.

Le sénateur Woo : Merci. Si vous étiez ici pour la séance précédente, vous allez trouver que je me répète, mais je vais revenir sur le commentaire de Mme Kim concernant les pénuries de travailleurs hautement qualifiés. On parle beaucoup des travailleurs peu qualifiés. Je comprends complètement que l’industrie se préoccupe de pourvoir ces postes vacants, et je l’appuie, mais il est évident que pourvoir ces postes vacants peut donner une production soutenue et même accrue sans qu’il y ait pour autant une augmentation de la productivité et de l’innovation. J’aimerais connaître la façon de penser des divers ministères concernant les façons de stimuler l’innovation et d’accroître la productivité, peut-être grâce à la Stratégie en matière de compétences mondiales.

Ma question, plus précisément, madame Kim, porte sur la participation à ce programme de vos collègues du secteur agricole. Sont-ils seulement intéressés par les travailleurs peu qualifiés, ou sont-ils aussi intéressés par les travailleurs hautement qualifiés qui peuvent contribuer à l’innovation et à la productivité? J’aimerais aussi, monsieur Rosser, que vous me parliez de l’équilibre entre fournir de nombreux travailleurs à salaire relativement peu élevé à l’industrie et stimuler les investissements dans les technologies permettant l’économie de main-d’œuvre, ce qui devrait véritablement s’inscrire dans l’avenir de l’agriculture au Canada.

Mme Kim : Je peux commencer. Malheureusement, je n’ai pas les chiffres qui nous permettraient de savoir dans quelle mesure le secteur agricole se prévaut de la Stratégie en matière de compétences mondiales. Honnêtement, je ne suis pas sûre que nous ayons ces données, car ce n’est pas en fonction des secteurs, mais plutôt des groupes professionnels.

En ce qui concerne la Stratégie en matière de compétences mondiales et nos programmes Entrée express, on peut dire que dans la plupart des secteurs, il faudrait des travailleurs hautement qualifiés comme des ingénieurs en informatique pour innover ou pour simplement veiller à ce que l’entreprise soit moderne. C’est là-dessus que la Stratégie en matière de compétences mondiales se concentre, pour les travailleurs temporaires, mais nous avons aussi les programmes Entrée express pour l’immigration économique permanente de travailleurs hautement qualifiés. Je parle de travailleurs hautement qualifiés dans l’optique de la Classification nationale des professions. Nous avons entendu aujourd’hui d’autres compétences à tenir en compte, mais quand nous parlons de personnes hautement qualifiées, nous parlons vraiment de dirigeants, de gestionnaires, de professionnels comme les travailleurs des TI et de gens de métiers spécialisés.

M. Rosser : Je remercie le sénateur de sa question et je suis tout à fait d’accord avec ses propos. À long terme, il ne fait aucun doute que la solution réside en partie dans la productivité accrue du secteur, dans la réduction des besoins en main-d’œuvre peu qualifiée dont le travail est très exigeant physiquement, et dans la transition vers des emplois hautement qualifiés. C’est ce que nous constatons aussi bien dans le secteur de l’agriculture primaire que dans le secteur de la transformation des aliments.

Depuis le début de la Confédération, la productivité augmente constamment dans le secteur. Il faut accélérer cela. Il existe dans l’industrie agroalimentaire diverses technologies qui ont le potentiel d’être transformationnelles. La technologie des chaînes de bloc, l’exploitation des mégadonnées pour l’agriculture de précision et l’intelligence artificielle, entre autres, pourraient accélérer dramatiquement la croissance de la productivité dans le secteur. Mon collègue voudrait peut-être ajouter quelque chose.

Marco Valicenti, directeur général, Direction du développement et analyse du secteur, Direction générale des services à l’industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Je crois que quelqu’un a mentionné précédemment la Table de la stratégie économique du secteur agroalimentaire. Ce n’est pas sans raison que les participants à la table des chefs d’entreprises n’ont pas envisagé uniquement les éléments à court terme qu’ils appuieraient pour la modernisation du PTET, mais qu’ils ont aussi examiné les besoins à long terme. Mon collègue, M. Rosser, a mentionné quelques-unes de ces technologies.

Si vous mettez en place ces nouvelles technologies, il faut un nouvel ensemble de compétences que le système d’enseignement doit soutenir. C’est une chose à envisager à long terme, et c’est la raison pour laquelle nous collaborons avec le CCRHA, le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, afin de nous pencher sur ces compétences. Nous avons les programmes liés au Partenariat canadien pour l’agriculture, le PCA, notamment pour l’innovation, dont le but est de regarder les gains en productivité et la façon dont les technologies peuvent atténuer la pénurie de main-d’œuvre, du moins à long terme, car cela produit des effets sur la productivité et les profits. Nous voyons cela aussi bien à la ferme que dans le secteur de la transformation des aliments. Ce sont les secteurs sur lesquels nous nous penchons, non seulement à court terme, mais aussi à long terme.

Le sénateur Woo : J’aimerais demander une précision à Mme Kim. Est-ce que je vous ai bien entendue dire qu’il n’est pas possible d’avoir des données sur l’utilisation du programme des compétences mondiales par secteur, par exemple pour le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire? Pourrions-nous essayer d’obtenir ces données?

Mme Kim : Nous pouvons essayer de voir ce que nous pourrions obtenir. C’est basé sur le secteur, mais nous pourrions être en mesure de...

Mme Panagakos : Nous pouvons certainement nous pencher là-dessus. Ce sera très préliminaire, car le programme est très nouveau.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Nous avons rencontré plusieurs témoins qui sont producteurs. Je me mets à leur place. Je vous garantis qu’il n’est pas facile d’engager des travailleurs étrangers. C’est ce qu’ils nous ont dit. Vos programmes sont compliqués et génèrent beaucoup de paperasse. Il est difficile pour eux d’assimiler tout cela.

Une chose m’a fait sursauter : on m’a dit que, chaque fois qu’on ouvre un dossier, il en coûte 1 000 $. Je ne sais pas où va cet argent. C’est peut-être une taxe déguisée. Il faut comprendre que ces gens sont des producteurs. Il y a une urgence à cultiver leurs produits. Je ne pense pas qu’il faille avoir un baccalauréat en ressources humaines pour cultiver ou ramasser des champignons ou des fraises. Il faudrait des programmes simplifiés.

Je comprends que vous avez de la bonne volonté, mais je vous jure que ces gens sont désemparés. Ils ont souvent de la difficulté à embaucher les mêmes employés. On entend souvent parler de tables de concertation, de groupes de travail et de programmes, mais ces gens trouvent cela très compliqué. Il faudrait trouver une formule simplifiée. J’aimerais savoir où est versée cette fameuse somme de 1 000 $. Le savez-vous? Je ne pense pas que ça coûte 1 000 $ de papier.

M. West : Les frais ont été mis en place en 2013 et ont augmenté à 1 000 $ en 2014. C’était une mesure restrictive du programme, effectivement. Maintenant, une de nos tâches est de faire un examen des frais pour les aligner sur le rendement des services. Nous passons également en revue le rendement des services dans le programme pour trouver des façons de faciliter l’accès au programme, si nécessaire.

[Traduction]

C’est un de nos engagements dans le cadre de la série d’examens que nous menons.

Il s’agit de regarder les frais et la prestation des services, et de trouver des façons d’harmoniser cela de façon plus sensée pour le programme. Nous espérons pouvoir en arriver au point où les employeurs y verront de la valeur et où le programme pourra servir à réaliser nos objectifs plus efficacement.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Et c’est ce qui coûte 1 000 $?

M. West : La méthodologie pour établir les frais visait à couvrir les coûts pour tout le rendement du programme.

[Traduction]

Les frais ne s’appliquent pas aux employeurs du secteur de l’agriculture primaire. Ces employeurs ne paient pas les frais de 1 000 $ par travailleur. Nous avons par conséquent des frais qui sont censés couvrir le coût de la plus grande partie du programme pour à peu près 40 p. 100 des travailleurs étrangers temporaires qui arrivent dans le cadre du PTET. Les frais ne s’appliquent qu’à environ 40 p. 100 des travailleurs étrangers temporaires qui arrivent chaque année. Les frais servent à couvrir la majorité des coûts de fonctionnement du programme.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Est-ce que c’est déductible d’impôt?

M. West : Malheureusement, je ne suis pas un expert en matière d’impôt, mais je ne pense pas.

Le sénateur Dagenais : Malheureusement. Est-ce qu’il y a moyen de simplifier? Je suis allé durant l’été visiter deux fermes, et j’ai discuté avec des travailleurs étrangers. On m’a dit que ça s’était un peu résorbé, parce que les gens qui travaillaient sur une période de huit mois, au-delà de deux ans, ne pouvaient plus renouveler leur contrat. L’agriculteur me disait : « C’est dommage, parce que j’ai formé ce travailleur, il est expérimenté, il travaille bien, mais maintenant, il ne peut plus revenir, il ne peut pas travailler plus de deux ans, et il doit retourner dans son pays. » Est-ce que ce problème a été réglé? Je trouve cela un peu ridicule, car l’employé voudrait bien revenir; il a été formé, il est expérimenté, l’employeur n’a plus besoin de prendre du temps pour lui montrer comment faire le travail. Est-ce réglé?

M. West : Je vais laisser à ma collègue, Mme Kim, le soin de parler un peu des mesures qui étaient en place auparavant pour réguler la durée de temps pendant laquelle un travailleur étranger temporaire peut rester.

[Traduction]

Mme Kim : Il y avait une règle relative à la durée cumulative, mais elle a été annulée en 2016. Selon cette règle, une personne ne pouvait rester que quatre années d’affilée en application de permis de travail consécutifs. La règle a été abrogée en 2016. Je ne sais pas s’ils parlaient de la durée du permis de travail, mais les permis de travail seraient renouvelables.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ce travailleur venait travailler huit mois, puis rentrait chez lui, puis revenait, et ainsi de suite. À un moment donné, il ne pouvait plus revenir. Je comprends que ça a été réglé dans le rapport de 2016, selon ce que vous me dites.

M. West : Dans le contexte du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, la majorité d’entre eux viennent pour la saison, et c’est la nature de leur travail qui fait que ce sont des travailleurs saisonniers.

[Traduction]

Une fois les récoltes terminées, ils sont censés retourner dans les Caraïbes ou au Mexique, soit les principaux pays où les employeurs trouvent leurs travailleurs pour ce programme. Les travailleurs retournent chez eux chaque année. D’après ce que nous avons compris en discutant avec les travailleurs, ils demeurent très fermement liés à leur pays d’origine et veulent y retourner. Ils sont contents de pouvoir revenir au Canada année après année et dans le cas de certains travailleurs, décennie après décennie, pour le travail saisonnier.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ce que je comprends ce matin, selon vos témoignages, c’est que, lorsque nous allons faire notre rapport, nous pouvons mentionner que vous avez pris l’engagement de simplifier la venue d’un travailleur étranger. Je ne dis pas que nous allons indiquer dans le rapport que les 1 000 $ sont déductibles d’impôt. Ce serait peut-être une bonne idée pour encourager les producteurs à avoir plus de personnel, car on en manque actuellement. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : J’ai une brève question. Le gouvernement impose-t-il un plafond pour le nombre de travailleurs étrangers temporaires par année? Est-ce que le nombre est fonction de la demande? Qu’est-ce qui détermine le nombre de travailleurs que le gouvernement va accepter chaque année? Est-ce qu’il y a un plafond?

M. West : Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est fonction de la demande des employeurs. Nous n’imposons pas de restriction générale sur le nombre de travailleurs temporaires étrangers qui peuvent entrer en application du programme. Nous avons cependant mis en place un plafond pour les travailleurs à faible salaire, en 2014. Ainsi, le nombre de travailleurs étrangers temporaires qu’un employeur peut embaucher est limité pour chaque lieu de travail, dans le cadre du programme.

Le plafond mis en place à l’origine en 2014 a été fixé à 30 p. 100, et l’intention était de l’abaisser à 20 p. 100 l’année suivante, puis à 10 p. 100 l’année d’après. Le plafond est donc de 10 p. 100 en ce moment pour les employeurs qui se prévalent pour la première fois du programme et pour les employeurs qui ne recouraient pas à des travailleurs étrangers temporaires avant 2014.

Le plafond est en ce moment fixé à 20 p. 100 pour les employeurs qui se prévalaient du programme avant 2014, et cela tient aussi compte des niveaux. C’est un mécanisme un peu complexe. Le but est de garantir une croissance contrôlée de l’utilisation de travailleurs étrangers temporaires pour des emplois à faible salaire.

Le sénateur Doyle : Ne serait-il pas assez facile de régler le problème du producteur de champignons qui ne pouvait pas avoir assez de travailleurs pour sa récolte? Que faites-vous pour lui?

M. West : Il est important de préciser que le plafond relatif aux travailleurs à faible salaire ne s’applique pas au secteur de l’agriculture primaire. Les employeurs qui se prévalent du volet agricole du Programme des travailleurs agricoles saisonniers ne sont pas assujettis au plafond visant les travailleurs à faible salaire. En ce qui concerne l’industrie agricole et agroalimentaire, le plafond s’applique aux employeurs de l’agroalimentaire et de la transformation des aliments. Dans nos discussions avec l’industrie, l’une des choses que nous avons entendues, c’est qu’on se préoccupe des restrictions à l’accès aux travailleurs étrangers temporaires. C’est une chose dont nous tenons compte dans nos recommandations.

Le sénateur Doyle : Est-ce que vous déterminez le pays d’origine des travailleurs? Intervenez-vous sur ce plan?

M. West : Dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, nous travaillons en étroite collaboration avec le Mexique et 11 pays des Caraïbes qui se chargent de faire le recrutement sur leur propre territoire et de vérifier les travailleurs qui viendront au Canada. C’est aux employeurs qu’il incombe de faire leur propre recrutement en général dans le cadre du programme. Même dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ils travaillent étroitement avec les pays de leur choix pour les travailleurs qu’ils veulent avoir.

Le sénateur Doyle : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bonjour. Je ne peux faire autrement que de souligner tout de même une grande frustration. J’arrive de la fonction publique du Québec en ce qui concerne ces questions qui sont évidemment partagées entre les provinces et le gouvernement fédéral. Les pénuries de main-d’œuvre, qu’elles soient dans le domaine de l’agriculture ou ailleurs, sont amplifiées par la lenteur du processus. Évidemment, je parle de façon systémique, et non individuelle. Donc, tout ça rend ces pénuries beaucoup plus dramatiques.

Je vais vous poser la même question qu’aux témoins précédents sur les réfugiés. Vous allez me dire que c’est un peu simpliste, mais nous avons beaucoup de réfugiés qui arrivent, et c’est assez difficile pour l’opinion publique, qui réagit assez mal à l’arrivée en masse de ces réfugiés. Pourquoi ne simplifie-t-on pas les processus pour que ceux qui le veulent, bien sûr, et qui le peuvent, puissent entrer dans cette main-d’œuvre agricole en attendant que la question de leur statut soit réglée? Parce qu’on en est à neuf mois, un an, un an et demi.

M. West : Je vais laisser à mes collègues d’IRCC le soin de répondre à la question concernant les réfugiés.

En ce qui a trait au processus, pour notre programme, nous travaillons étroitement avec la province de Québec pour le rendement du programme. Nous avons de bonnes relations avec nos collègues du gouvernement du Québec.

La sénatrice Miville-Dechêne : Mais c’est long.

M. West : Je suis d’accord, c’est long, et c’est un des défis auxquels il faut faire face constamment en ce qui concerne la division des responsabilités entre les deux gouvernements pour le rendement du programme. Je peux seulement dire que nous travaillons étroitement avec le gouvernement du Québec pour améliorer les processus et que nous partageons évidemment avec lui les renseignements sur les changements et les améliorations aux processus que nous mettons en œuvre avant de les mettre en œuvre pour veiller à ce qu’ils s’intègrent bien à leurs processus.

Mme Kim : Je vais commencer avec une entente qui a été conclue entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec concernant l’immigration. Dans cette entente, le gouvernement du Québec a beaucoup d’autonomie concernant la sélection des immigrants économiques. En ce qui a trait à la question des réfugiés, ceux qui sont choisis à l’extérieur viennent à titre de résidents permanents, et ils peuvent travailler comme n’importe quel autre Canadien.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je pense à ceux dont on entend beaucoup parler, les groupes.

Mme Kim : Oui, ils ont accès à un permis de travail ouvert, donc ils peuvent accéder au marché du travail.

[Traduction]

En attendant que leur demande soit entendue, ils ont accès au permis de travail. Si on conclut qu’ils sont des réfugiés, ils peuvent rester au Canada en tant que réfugiés et résidents permanents. Sinon, ils seront renvoyés.

La sénatrice Miville-Dechêne : Permettez-moi de vous interrompre. On nous a dit qu’un réfugié ne peut pas travailler plus de trois jours par mois pour ne pas perdre ses cours de langue et toute sorte d’avantages. Vous étiez peut-être là quand...

Mme Kim : Oui. Je ne peux pas parler des gouvernements provinciaux ou territoriaux concernant les modalités d’accès aux programmes sociaux. En ce qui concerne les programmes fédéraux, nous donnons accès au permis de travail. Les gens peuvent aller sur le marché du travail et réduire leur dépendance à l’aide sociale.

La présidente : Merci. C’est excellent. Je crois que nous avons entendu tous ceux qui étaient sur la liste des intervenants. Il est bon de finir à temps, même si nous avions un groupe de cinq témoins. C’est rare. Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, d’avoir coopéré en posant de belles questions concises.

Nous allons laisser à nos invités le temps de partir, puis nous allons poursuivre la séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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