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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 58 - Témoignages du 8 novembre 2018


OTTAWA, le jeudi 8 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 1, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, et à huis clos, pour étudier l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier (étude d’une ébauche de rapport).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis présidente du comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président, le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur D. Black : Douglas Black, de l’Alberta.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Je remercie les témoins de comparaître aujourd’hui. Si vous le voulez bien, je veux d’abord régler une question avant que nous commencions. Nous céderons la parole à nos témoins par la suite.

Vous aviez demandé la parole, sénateur Black.

Le sénateur R. Black : Lors d’une réunion il y a deux ou trois semaines, j’ai présenté une motion que j’aimerais modifier quelque peu.

Vous êtes saisis de la motion, qui se lit comme suit :

Que, nonobstant la motion adoptée par le comité le jeudi 25 octobre 2018, le comité présente au Sénat son rapport tiré de l’étude sur l’aide et l’indemnisation aux secteurs agricoles sous gestion de l'offre en marge de l'AEUMC, du PTPGP et de l'AECG au plus tard le 31 mars 2019.

Si vous vous en souvenez bien, la date était le 6 décembre 2018. Étant donné que nous n’avons pas le texte et que certaines choses changent encore, je veux bien changer la date pour le 31 mars 2019.

La présidente : Y a-t-il des questions ou des commentaires? Il s’agit essentiellement de la même motion, mais la date a été modifiée.

Le sénateur R. Black : Je crois que c’est plus sensé.

La présidente : Surtout que, étant donné que nous avons de la difficulté à tenir des réunions le mardi soir, nous aurons alors plus de temps pour compenser cela.

Le sénateur R. Black : Exactement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bravo, sénateur Black, de retarder le dépôt de votre motion, d’autant plus que le ministre de l’Agriculture a créé trois comités à ce sujet. Je crois donc qu’il serait sage pour le comité d’attendre les conclusions de ces comités avant de procéder de notre côté; sinon, on dédouble le travail, puisque nous interrogerons probablement les mêmes acteurs dans ce domaine. Nous espérons que ces comités feront rapport au ministre d’ici au 31 mars. Si nous voulons ensuite ajouter quelque chose, nous pourrons toujours nous servir de votre motion afin de l’ajouter au rapport que le ministre aura présenté en Chambre. Voilà. Merci.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Je répondrais en disant qu’il y a possibilité de conjuguer nos efforts. Je préférerais ne pas attendre après la présentation de ce rapport. Je crois que nous pouvons travailler ensemble et peut-être contribuer collectivement. Je voulais ajouter mon grain de sel.

La présidente : Il se peut que certains des secteurs agricoles soient prêts à faire leurs observations avant d’autres. Il y a encore des ajustements qui se font. Vous avez raison de dire que nous n’avons pas encore l’information finale, et c’est donc ce que nous ferons.

Puisqu’il n’y a pas d’autres interventions, nous sommes prêts à voter. Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

La présidente : La motion est adoptée.

Nous revenons à nos travaux. Nous poursuivons notre étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Je vais maintenant vous présenter nos deux invités. Celui qui est avec nous dans la salle est M. Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politiques agroalimentaires à la faculté d’agriculture de l’Université Dalhousie. Notre autre invité, qui comparaît par vidéoconférence, est M. Evan Fraser, de la Chaire de recherche du Canada sur la sécurité alimentaire mondiale, sciences humaines, de l’Université de Guelph.

Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître ce matin. Nous entendrons d’abord le témoin qui comparaît par vidéoconférence. La parole est à vous, monsieur Fraser.

Evan Fraser, Chaire de recherche du Canada sur la sécurité alimentaire mondiale, sciences humaines, Université de Guelph, à titre personnel : Il y a un peu plus de 18 mois, comme vous le savez sûrement, le Conseil consultatif en matière de croissance économique a déposé son rapport sur la façon de faire prospérer l’économie du Canada. Parmi ses recommandations figurait très clairement le fait de mettre l’accent sur le secteur agricole et agroalimentaire. Dans un sens, le rapport énonce qu’il s’agit d’un secteur sous-utilisé de l’économie et que nous devrions nous efforcer d’accroître nos exportations agroalimentaires.

La présidente : Attendez un instant, monsieur. Nous avons un problème. Il n’y a pas d’interprétation.

[Français]

Le sénateur Maltais : Le témoin peut-il parler un peu plus lentement, parce que les interprètes auront de la difficulté à se rendre au bout du témoignage?

[Traduction]

La présidente : L’interprète a de la difficulté à vous suivre. Pourriez-vous ralentir un peu, s’il vous plaît?

M. Fraser : Nous ne nous sommes pas bornés à simplement établir des objectifs commerciaux; nous avons soutenu que le Canada devrait s’efforcer de devenir le fournisseur fiable de la planète en matière d’aliments salubres et durables. Si nous concrétisions cette vision, cela représenterait un passage significatif vers un système alimentaire à valeur ajoutée.

Depuis que le rapport a été déposé il y a environ deux ans, j’ai participé à un certain nombre de dialogues intéressants, dont ceux organisés dans le cadre du groupe de réflexion Canada 2020. Ces dialogues ont réuni entre autres des membres de l’industrie et de la société civile et des universitaires afin de regarder de plus près à quoi ressemblerait la mise au point d’un système alimentaire qui repose sur les notions de sûreté, fiabilité et durabilité.

Un consensus se dégage : nous devons établir à l’étape préalable à la concurrence la marque aliments du Canada qui indiquerait à nos partenaires commerciaux qu’en achetant des produits alimentaires canadiens, ils achètent les aliments les plus fiables, salubres et durables du monde. L’établissement d’une telle marque inclurait trois choses essentielles auxquelles le gouvernement fédéral peut contribuer.

J’ai trois recommandations. Premièrement, le Canada doit devenir le chef de file mondial dans les normes relatives à la salubrité et à la durabilité. Deuxièmement, nous devons élaborer les systèmes d’information et de technologie, comme les chaînes de bloc, pour aider à régir et à protéger notre marque. Troisièmement, nous avons besoin de commercialiser notre marque pour que la marque aliments du Canada soit reconnue mondialement et qu’elle soit synonyme de salubrité et de durabilité. Permettez-moi de parler de chacune de ces recommandations.

Je recommande tout d’abord que le Canada devienne le chef de file mondial dans les normes relatives à la salubrité et à la durabilité. Nous avons bien des raisons d’être fiers et nous avons de formidables bases sur lesquelles nous appuyer. Notre système de réglementation des aliments fait l’envie du monde entier. Parallèlement, nos transformateurs et nos agriculteurs sont reconnus mondialement également. Nous pouvons bâtir sur ces bases en codifiant et en consolidant ce que signifient salubrité, fiabilité et durabilité.

Nous ne voulons pas réinventer la roue. Nous avons de très bons programmes, comme le plan environnemental en agriculture et la Table ronde canadienne sur le bœuf durable. Pour le moment, cependant, bon nombre de ces systèmes sont fragmentés et nous ne disposons pas d’un système complet d’assurance de la durabilité dans la chaîne de valeur.

Un nouveau programme, l’initiative sur la durabilité agroalimentaire au Canada, pourrait constituer la base du leadership du gouvernement fédéral par l’établissement d’un organe de gouvernance pour codifier les normes sur la salubrité et la durabilité. Ce serait un premier pas important vers la concrétisation de la vision énoncée dans le rapport du conseil consultatif. On pourrait également l’intégrer dans la politique alimentaire pour le Canada à venir qui explore les idées concernant l’établissement d’un conseil national de la politique alimentaire.

Ma deuxième recommandation porte sur la création d’une infrastructure de TI. Une fois les normes en place, nous devons avoir des systèmes de technologie de l’information pour que les systèmes alimentaires canadiens soient transparents et cybersécuritaires. Cela fait progresser notre discussion dans les domaines de l’informatique en nuage, de la cybersécurité et des chaînes de blocs.

Un bon système de TI pour les aliments comporte deux volets essentiels. Premièrement, les consommateurs soucieux de la salubrité et de la durabilité exigent de plus en plus que les systèmes permettent d’avoir une vision claire des chaînes d’approvisionnement alimentaire. Des éléments comme les codes QR sur l’emballage permettent aux consommateurs de prendre connaissance de chacune des étapes que l’aliment a franchies de la ferme jusqu’à l’assiette. Alors que nous progressons vers un système des TI de plus en plus sophistiqué, nous serons en mesure de mieux gérer les problèmes, comme le rappel d’aliments, lorsqu’ils surviennent.

Par exemple, concernant les chaînes de blocs, IBM collabore avec Walmart, et plus tôt cette année, ils ont mis à l’essai un système permettant de retracer des mangues. Ils ont mis à l’essai leur ancien système, et il leur a fallu sept jours pour retracer le parcours d’une mangue de la ferme au magasin. Avec un système de chaîne de blocs, ils ont été capables de le faire en deux secondes. C’est dans ce type de systèmes qu’il nous faut investir.

Le second but important d’avoir un système alimentaire qui s’appuie sur une infrastructure des TI sophistiquée, c’est qu’il nous permet de mieux nous protéger contre les atteintes à la cybersécurité. Pensez-y : autrefois, quand tout ce que l’on négociait c’était le prix, la meilleure façon pour nos concurrents d’accaparer nos marchés, c’était de battre nos prix. Toutefois, si nous voulons mettre au point ce système fondé sur la confiance, la salubrité et la durabilité, un système alimentaire à valeur ajoutée, nous devons nous préparer à contrer le piratage qui essaiera de saper ces prétentions. Encore une fois, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle essentiel dans la création de l’infrastructure des TI requise pour assurer la transparence et la sécurité quant aux produits alimentaires canadiens.

Dans ma première recommandation, je disais essentiellement que nous devions établir les normes et les protocoles qui nous permettraient d’avoir les données empiriques de base sur lesquelles établir une marque aliments du Canada. Ma seconde recommandation porte sur les TI, pour les objectifs de salubrité, de sécurité et de transparence. Ma troisième recommandation consiste à nous assurer que nous serons récompensés par nos compétiteurs internationaux pour avoir fait ces choses.

Ma troisième recommandation, c’est que nous avons besoin d’élaborer des programmes de marketing. Il y a un consensus au sein de l’industrie, à savoir que les consommateurs nantis du monde entier, plus particulièrement en Asie, sont disposés à payer davantage pour des aliments dont la salubrité et la durabilité ne font aucun doute.

Outre l’établissement de protocoles et d’infrastructures des TI , nous devons promouvoir la marque aliments du Canada. Encore une fois, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle essentiel à l’aide de missions commerciales qui se concentrent explicitement sur la salubrité et la durabilité du secteur alimentaire canadien. Il s’agit aussi d’influencer les campagnes dans les médias sociaux et traditionnels. Je recommande que nous envisagions de placer l’idée de la marque aliments du Canada au cœur de notre politique commerciale agroalimentaire.

Pour conclure, je crois que la base d’un système agricole et alimentaire à valeur ajoutée peut mettre la notion d’une marque aliments du Canada à l’avant-plan et faire en sorte que nos aliments deviennent synonymes de salubrité des aliments.

Nourrir la population mondiale grandissante tout en composant avec certaines choses, comme les changements climatiques, définira le siècle en quelque sorte, mais ce défi de la sécurité alimentaire mondiale représente une occasion unique pour le pays. Grâce à l’infrastructure sophistiquée que nous avons déjà, à notre secteur alimentaire et à notre réputation pour la salubrité de nos aliments et notre environnement réglementaire stable, nous pouvons créer une marque aliments du Canada qui sera utilisée pour montrer aux consommateurs du monde entier qu’acheter des aliments canadiens signifie qu’ils pourront se nourrir et nourrir leur famille avec les produits alimentaires les plus salubres et les plus durables que le monde peut offrir.

Je suis vraiment convaincu qu’un énorme consensus se dégage dans l’industrie selon lequel c’est une façon de nous distinguer et de créer le système alimentaire à valeur ajoutée dont vous voulez parler. Merci.

La présidente : La parole est à vous, monsieur Charlebois.

Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politiques agroalimentaires, faculté d’agriculture, Université Dalhousie, à titre personnel : Je crois qu’il s’agit de mon septième témoignage devant le comité. C’est toujours un privilège pour moi d’être invité à venir vous entretenir de l’avenir du secteur agricole et agroalimentaire de notre pays. C’est donc un honneur pour moi de m’adresser encore à vous aujourd’hui.

Cette fois-ci, on m’a demandé de formuler des observations sur les moyens possibles d’accroître la compétitivité du secteur agroalimentaire canadien à l’échelle mondiale. En quelques mots, j’aimerais aborder trois questions distinctes : la gouvernance publique et l’innovation, l’infrastructure et les accords commerciaux mondiaux.

Tout d’abord, concernant la gouvernance publique, pour les différents gouvernements du pays, la transformation alimentaire est souvent l’enfant oublié du secteur agroalimentaire. On demande souvent aux ministères de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de s’occuper des questions qui touchent la ferme plus que n’importe quel autre dossier. Nous nous en remettons souvent à des paradigmes bien connus pour accélérer et améliorer la croissance au lieu de suivre des principes de gestion de la demande comme le font d’autres pays ayant un secteur agroalimentaire florissant.

Les offices de commercialisation et la politique économique de l’offre ont été grandement utiles au fil des ans, mais ils entravent désormais la croissance. Pour mieux comprendre les futurs marchés, de même que pour saisir les occasions, nous avons besoin de données, et des quantités de données pour en reconnaître le pouvoir. Par exemple, les pommes de terre sont importantes pour notre économie, mais personne ne semble savoir à quoi ressemblera l’industrie de la pomme de terre dans 20 ou 30 ans. Nous avons besoin d’obtenir ces réponses. Ce n’est qu’un exemple.

Les États-Unis, l’Europe et bien d’autres pays échangent des données démocratisées pour mieux appuyer l’industrie, les PME et les entreprises familiales qui s’efforcent de prospérer. Le Canada accuse du retard en ce qui concerne l’échange et l’utilisation de données d’analyse à l’appui de stratégies et de politiques. De meilleures données d’analyse sont synonymes de meilleures innovations.

Je peux vous donner un exemple. Chaque année, l’Université Dalhousie et l’Université de Guelph publient le Canada’s Food Price Report. Nous sommes en train de préparer la neuvième édition pour décembre. Nous utilisons 254 000 points de données, qui proviennent tous des États-Unis. Vous avez bien entendu : nous essayons de prévoir le prix de détail des aliments au Canada en utilisant les données de la réserve fédérale de Saint-Louis. Voilà à quel point la situation est déplorable au Canada.

Quand il s’agit d’innovation, le secteur est toujours contraint de forcer les limites réglementaires. Il faut que le secteur puisse oser, découvrir et aller au-delà de l’acceptation conventionnelle dans le domaine de l’alimentation. Comparativement à d’autres secteurs, le secteur agroalimentaire n’est pas reconnu pour son ingéniosité, mais les choses changent tranquillement.

La plupart des entreprises qui amènent des idées nouvelles et différentes et qui bouleversent le cours des choses ne sont pas du secteur agroalimentaire. En fait, certaines des idées les plus fascinantes émanent de femmes influentes et de personnes aux bagages ethniques et culturels différents qui peuvent plus que jamais se faire un nom. J’encadre moi-même 10 PDG de nouvelles entreprises dans le secteur agroalimentaire, de Halifax à Montréal, jusqu’à Calgary. Sur les 10, 9 sont des femmes et la plupart ont des antécédents ethniques et culturels particuliers. Dans le domaine agroalimentaire, la diversité favorise la mise en place de conditions nécessaires à l’innovation. Je ne crois pas qu’on a suffisamment insisté là-dessus au fil des ans.

Il convient de célébrer la création de Protein Industries Supercluster en Saskatchewan. Elle oblige des intervenants qui, autrement, ne travailleraient pas ensemble, à réfléchir différemment et à examiner ensemble les possibilités de croissance. Des possibilités s’offriront ainsi à nombre d’entre eux.

J’ai toujours pensé que la vraie première grappe agroalimentaire au Canada avait pour nom Le Choix du Président, mais le réseau avait pour but d’appuyer des marques, appartenant à des intérêts privés, fructueuses. Il fallait seulement reproduire le modèle de façon à ce que le développement de marchés pour l’ensemble d’une chaîne soit véritablement inclusif et plus ouvert. Il faut reproduire ce modèle pour les poissons et les fruits de mer, la moutarde, le bétail et les produits horticoles, jusqu’à un certain point.

[Français]

Le deuxième point que j’aimerais soulever concerne les infrastructures. Nos infrastructures ont incontestablement besoin d’être maintenues à tout jamais. Nous demeurons dans l’un des plus grands pays du monde. Sans le développement du transport intermodal, il est impossible de développer de nouveaux marchés pour le secteur agroalimentaire. Un éveil s’est produit au cours des dernières années, certes, mais il faut continuer à investir dans les installations portuaires, les aéroports, les routes et les chemins de fer.

Le dernier point que j’aimerais soulever concerne les traités internationaux. Je salue le gouvernement actuel, ainsi que l’ancien gouvernement, pour avoir signé et ratifié ces importants traités de commerce international avec trois continents. Par contre, peu d’entreprises tirent profit de ces traités. Par exemple, nous constatons les résultats décevants de la nouvelle entente canado-européenne. Nous devons appuyer nos entreprises en amont dans la découverte de nos marchés. Je suis absolument d’accord avec M. Fraser, il faut appuyer nos entreprises plus en amont pour qu’elles puissent tirer profit de ces traités.

Le secteur de la transformation alimentaire est d’une importance capitale pour l’économie agroalimentaire du pays. Par contre, les tensions qui persistent entre la distribution et la transformation, qui sont un peu « l’éléphant dans la pièce », limitent les chances du secteur d’innover et de profiter des débouchés ici et ailleurs. Les sciences analytiques sont nécessaires pour le secteur afin qu’on puisse mieux comprendre les tendances et les conditions de marchés et reconnaître les véritables enjeux du secteur. Malheureusement, nous ne savons pas grand-chose sur l’avenir de différents secteurs et nous effectuons peu de prospectives stratégiques. Le manque d’information pour le secteur est flagrant et notre façon de prendre des décisions et d’élaborer des politiques publiques doit changer. Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci, monsieur Charlebois.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur Fraser. Bienvenue à nouveau, monsieur Charlebois. Si on vous voit souvent ici, c’est parce qu’on a besoin de vous. C’est clair, net et précis.

Monsieur Fraser, vous avez beaucoup parlé d’innovation. Je reviens de l’exposition de Paris, le SIA, où l’innovation dans le domaine agricole était présentée comme une priorité. Lorsque vous parlez de la marque canadienne, vous avez raison de dire qu’on a un retard certain sur cette partie qui nous aide à vendre nos produits. D’après vous — je ne parle pas pour aujourd’hui, mais pour les prochaines années —, quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre avec l’industrie agroalimentaire pour améliorer l’image de la marque canadienne, qui a une bonne reconnaissance?

Avec le traité de libre-échange, on a pris du recul. Il faudrait trouver une solution afin que cette image de marque revienne en force au cours des 5 ou 10 prochaines années.

[Traduction]

M. Fraser : Merci beaucoup de la question. Je reviens à ce que le Conseil consultatif en matière de croissance économique a dit : pour établir notre marque, nous devons devenir fiables, sûrs et durables. Ce sont les trois adjectifs clés que Dominic Barton et les membres du conseil consultatif ont employés. D’après moi, en analysant ces trois adjectifs, on obtient la feuille de route pour la création de la marque aliments du Canada. C’est le fondement de ma participation à un grand nombre de dialogues et de conversations. L’adjectif « fiable » se rapporte à la mise en place de systèmes de technologie de l’information transparents qui tracent une ligne directe entre les consommateurs et les producteurs.

Nous en avons de très bons exemples, comme le soja à identité préservée, un soja comestible non génétiquement modifié pour lequel les producteurs de soja de l’Ontario ont créé un marché à forte valeur ajoutée, précisément pour répondre à la demande de soja, d’edamame et de miso des consommateurs japonais. Ils ont mis en place un système de préservation de l’identité qui permet au consommateur de remonter la chaîne jusqu’à l’agriculteur et de comprendre ce qui s’est produit à chaque étape. C’est ce qu’on entend par « fiable ».

L’adjectif « sûr » renvoie à l’ACIA et à notre régime de réglementation, qui compte déjà parmi les meilleurs au monde. Nous devons renforcer le fait que notre régime de réglementation en matière de salubrité des aliments est le meilleur au monde.

Nous avons du travail à faire relativement au troisième adjectif : « durable ». Nous devons collaborer avec l’industrie pour codifier les normes et l’image de marque liées à la durabilité, de façon à montrer aux consommateurs partout dans le monde que lorsqu’ils achètent des aliments canadiens, ils acquièrent quelque chose d’un peu spécial.

En songeant à ces trois mots — fiable, sûr et durable —, nous pouvons élaborer ou mettre au point des stratégies, fondées sur les TI, l’ACIA et les normes de durabilité, pour chacun de ces concepts. La majorité des gens avec lesquels je discute croient qu’en adoptant une telle approche, nous obtiendrons de bons résultats.

[Français]

Le sénateur Maltais : C’est pourquoi la recherche et le développement dans vos universités sont importants.

Monsieur Charlebois, vous avez soulevé un problème auquel on est confronté régulièrement sur le terrain lorsque le comité se déplace ou entend des intervenants ici ou par vidéoconférence.

Vous n’avez pas soulevé un facteur que vous connaissez très bien : les barrières entre les provinces. Celles-ci représentent un problème majeur. C’est ridicule. On signe des traités de libre-échange avec plusieurs pays, mais il faudrait en signer un pour le libre commerce à l’intérieur de notre pays. Il est tout à fait ridicule qu’en 2018 il y ait cette barrière entre les provinces.

Cela dit, l’autre problème est lié aux infrastructures dont se servent les producteurs de céréales, de fruits, de grains, de bœuf et de pommes de terre. Je vous donne un exemple concret. Les producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard sont très désavantagés sur le marché concurrentiel parce qu’ils doivent payer pour traverser le pont. Ils deviennent moins compétitifs que les producteurs du Nouveau-Brunswick à cause de ce pont.

Pourriez-vous nous aider à trouver une solution à ce problème au cours des prochaines années?

M. Charlebois : Merci, sénateur. Ce sont là deux bonnes questions. Tout d’abord, en ce qui concerne les barrières interprovinciales, c’est un problème. Je crois que tout le monde le sait. Je suis rassuré de savoir que les traités internationaux nous forceront à penser de façon différente en ce qui concerne le libre-échange.

Je n’ai jamais vu le Canada comme étant un joueur important. Je suis arrivé de la Chine il y a deux semaines, où j’ai participé à une conférence internationale sur le breuvage. Il s’agit d’un secteur qui va extrêmement bien, mais on ne pense pas au marché international. On pense à soutenir un marché national très restreint. Il n’y a pas de stratégie de développement. Ce qui me rassure, c’est que les traités internationaux nous forcent à penser autrement.

Pour la première fois, on a un débat au Canada sur les provinces et sur la façon de libéraliser le marché canadien de plus en plus. La plupart des consommateurs ne le savent pas. Politiser un problème, à mon avis, c’est la première étape pour régler un problème. On en entend parler de plus en plus. J’ai l’impression qu’éventuellement on en arrivera là. Il faudra peut-être quelques causes Comeau, mais je pense qu’on en arrivera là éventuellement.

Vous avez posé une autre question en ce qui concerne les infrastructures. Je vis à Halifax, une ville portuaire. J’ai vécu en Saskatchewan. Le pouvoir de la voie maritime est incroyable. Il n’y a pas de voie maritime dans l’Ouest. L’Initiative des corridors de commerce et de transport est essentielle. On doit investir davantage en faveur de cette initiative. Au Canada, nous vivons au sein d’un pays très vaste. Il est coûteux de mobiliser les moyens. Lorsqu’on se rend aux États-Unis, on constate que les infrastructures sont très différentes. Ils ont créé des endroits où il y a une capacité de transport intermodal assez importante, notamment à Chicago et à Kansas City. Tout cela est bien cadré et bien pensé, et c’est ce qu’il faudrait faire ici, à mon avis, afin de permettre aux entreprises de mieux faire affaire avec l’Asie et l’Europe. Les traités sont un bon départ, mais il faut soutenir ces traités par l’entremise d’une stratégie nationale bien pensée.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci d’être ici, messieurs. Je vais commencer par une brève observation que je fais durant presque toutes nos séances : d’ici à 2050, la population mondiale sera de 9,7 milliards d’habitants, et personne ne tente de trouver une solution collective à la question de nourrir 9,7 milliards de personnes. Cette situation déclenchera une crise mondiale majeure. Plusieurs millions de personnes seront fâchées ou affamées, ce qui causera des conflits. J’espère que vous en tiendrez compte en répondant à nos questions.

La sécurité alimentaire est un nouveau concept pour la majorité des Canadiens. Lorsque je vais à l’épicerie en Nouvelle-Écosse, je ne pense pas à la sécurité alimentaire. Je pense à la qualité, au prix et à l’origine de l’aliment. Récemment, je refuse d’acheter des produits cultivés aux États-Unis. Je sais que durant l’hiver, je finirai par en acheter en raison des limites de ce qui est offert aux Canadiens à cause de nos conditions météorologiques.

Comment expliquez-vous le concept de la sécurité alimentaire aux Canadiens afin qu’ils comprennent de quoi il s’agit?

M. Charlebois : En fait, l’Université Dalhousie a un nouveau plan de recherche stratégique contenant cinq volets, dont un sur la sécurité alimentaire. Les gens l’interprètent de différentes façons. La population est de plus en plus informée à ce sujet. Les nutritionnistes et les diététiciens parlent de sécurité nutritionnelle. Ce qui compte, ce n’est pas nécessairement d’avoir assez à manger, ce sont les aliments qu’on mange. Nous nous trouvons actuellement à la croisée de ces deux chemins.

Soit dit en passant, les niveaux d’insécurité alimentaire de la Nouvelle-Écosse sont les plus élevés au pays. C’est une préoccupation énorme en Nouvelle-Écosse. Le dialogue public sur la sécurité alimentaire porte surtout sur les aliments que nous mangeons. C’est pour cette raison que les protéines animales et végétales font l’objet de beaucoup de discussions. Quels aliments sont les meilleurs pour les consommateurs, la planète, le bien-être des animaux et la santé?

En 2015, par exemple, l’OMS a soulevé des préoccupations liées à la consommation de viande transformée. La semaine dernière, les Universités Dalhousie et de Guelph ont publié un nouveau rapport sur la consommation de viande. J’ai eu le privilège d’avoir plusieurs conversations à ce sujet le week-end dernier, avec des gens de partout au pays. Le discours sur les aliments à base de plantes est en train de tout changer.

Vous parlez de nourrir 9,6 milliards de personnes. Je dirais que nous détenons la solution : nous avons des systèmes alimentaires efficaces. Le Canada, en particulier, a beaucoup à offrir au reste du monde, mais nous n’en prenons pas avantage, car nous nous concentrons sur les produits de base et nous pensons très peu à l’innovation.

J’ai trouvé mon voyage en Chine déprimant parce que le salon qui s’y déroulait était six fois plus grand que celui de Paris. Il y avait des entreprises de l’Italie, de l’Allemagne et d’ailleurs dans le monde, mais pas une seule du Canada. J’étais le seul Canadien présent. C’est dommage. Je regardais autour de moi. C’est important d’innover non seulement à l’intérieur des exploitations agricoles, mais aussi à toutes les étapes de la chaîne alimentaire.

Le sénateur Mercer : Je vous suggère de prendre les témoignages que nous venons de recevoir et de les envoyer au président du sous-comité de la régie interne, parce que la décision que les membres de ce comité ont prise est une énorme bévue, non seulement pour le secteur de l’agriculture, mais pour tout le pays. Ils devraient avoir honte. Je vous demande de leur envoyer les témoignages.

La présidente : Les témoins n’ont pas à répondre à ce commentaire.

Monsieur Fraser, avez-vous quelque chose à dire par rapport à la question du sénateur Mercer?

M. Fraser : Merci d’avoir abordé le sujet, sénateur Mercer. Il est indéniable que nourrir la population mondiale croissante tout en luttant contre les changements climatiques et sans nuire à l’écologie et à l’environnement dont notre survie dépend représente un défi de taille.

Vous avez posé une question précise, monsieur le sénateur. La définition du terme « sécurité alimentaire » du Programme alimentaire mondial est la suivante : l’accès pour tous, en tout temps, aux aliments, adaptés à la culture, nécessaires pour mener une vie active. Si vous cherchez une définition simple d’une phrase, c’est celle que j’utilise. M. Charlebois a tout à fait raison : nombreux sont ceux qui, comme moi, ajoutent à cette définition des questions de durabilité, de nutrition, de salubrité et de bien-être des animaux.

Ce que vous avez dit est parfaitement juste : il s’agit d’un défi déterminant. Comme M. Charlebois, je ne suis pas pessimiste à cet égard. Nous gaspillons un tiers des aliments produits à l’échelle mondiale. À l’exception des fruits et des légumes, nous produisons déjà assez de nourriture. Nous vivons une situation paradoxale où la faim et l’obésité sont tous deux en hausse. Le système alimentaire mondial comporte de nombreux avantages, mais il est aussi inefficace sur les plans de la distribution et, dans certaines régions du monde, de la nutrition. On peut résoudre ces problèmes en réduisant la pauvreté dans les pays en développement et en offrant des mesures incitatives appropriées aux acteurs du domaine de l’exploitation agricole.

D’un point de vue optimiste, il faut reconnaître que le secteur agricole est à la veille de connaître une révolution numérique qui changera les méthodes de production et qui en augmentera l’efficacité. À mon avis, les nouvelles méthodes réduiront considérablement l’empreinte écologique de l’agriculture.

Quand je tiens compte de tous ces facteurs, je vois la question de nourrir 9,7 milliards de personnes comme un des défis déterminants du XXIe siècle, mais je pense aussi qu’il est possible de le relever en combinant des moyens technologiques et des mesures politiques.

Le sénateur Mercer : Vous m’avez rassuré lorsque vous avez dit que notre système est l’un des meilleurs au monde et lorsque vous avez parlé de prendre plus de risques dans le domaine de l’agriculture.

Vous avez aussi suggéré que nous repoussions un peu les limites. Notre comité pourrait faire des recommandations en ce sens, mais les membres du Comité de l’agriculture de la Chambre des communes n’aiment pas prendre de risques, parce que si les choses tournent mal ou si une erreur est commise, ils en portent le blâme. Nous pourrions aussi en porter une partie, mais les répercussions ne sont pas aussi graves pour nous qu’elles peuvent l’être pour eux.

Comment peut-on concilier le fait que nous avons le meilleur système au monde et le besoin de prendre des risques?

M. Charlebois : Le Canada n’est pas le seul à se trouver dans cette situation. Les questions agroalimentaires deviennent toujours politiques. Il n’est pas rare de voir cela.

Il y a une différence entre ce que je vois au Canada et ce qui se passe en Australie et aux États-Unis. J’étais en Australie il y a environ deux mois, pour parler des technologies de chaîne de blocs, soit dit en passant. Les Australiens pensent à l’avenir, aux 20 ou 30 prochaines années. Ils se considèrent comme des acteurs mondiaux.

Les Canadiens ont tendance à se pencher uniquement sur les enjeux nationaux actuels. Contrairement à ce que nous pensons, nous ne réfléchissons pas de manière stratégique. Comme M. Fraser, j’ai été président de congrès internationaux. Si vous comparez les dialogues partout dans le monde, vous constaterez que le Canada dépend du commerce et qu’il n’est pas du tout axé sur le commerce.

Le sénateur Mercer : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Fraser?

M. Fraser : J’appuie ce que M. Charlebois vient de dire. Je n’ai rien à ajouter.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Bonjour, messieurs. Monsieur Charlebois, j’aimerais revenir à votre allocution. Vous avez parlé de « l’éléphant dans la pièce », qui est la gestion de l’offre, et des offices de commercialisation en disant, plus ou moins, qu’ils étaient des obstacles à la croissance. Évidemment, vous connaissez le contexte politique actuel. Il y a aussi de la politique dans ce domaine. En ce moment, on parle surtout de la situation qui touche les producteurs laitiers. Vous êtes dans le milieu universitaire, donc vous n’êtes pas impliqué dans ce secteur. Comment voyez-vous l’évolution de ce secteur au Québec? Comment voyez-vous la situation de l’UPA par rapport à celle de l’Union paysanne? Il y a des tensions énormes, mais certains fermiers gagnent leur vie de cette façon. Comment peut-on changer les choses?

M. Charlebois : C’est une excellente question. Chaque fois que je suis invité au Sénat, on me demande de parler de toutes sortes de choses, mais la gestion de l’offre est une question qui revient toujours. C’est un symbole qui représente le cœur de ce problème au Canada, à mon avis. En 1972, le Canada avait 42 000 fermes laitières et, aujourd’hui, il y en a 11 000. C’est un club fermé qui n’a jamais vraiment réfléchi à son rôle à l’échelle internationale. On n’a jamais sollicité la ferme laitière à penser autrement. C’était la gestion de l’offre qui primait, et celle-ci a été utile pendant un certain temps. Toutefois, je pense qu’elle a atteint la fin de sa vie utile. Il faut réfléchir à d’autres solutions. Les traités internationaux nous obligent à penser autrement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Comment? Les gens disent que si les prix ne sont pas protégés, les producteurs disparaîtront.

M. Charlebois : Je ne suis pas tout à fait d’accord. Si on fait une réforme stratégique de la gestion de l’offre...

Tout d’abord, l’abolition du système de quotas serait une erreur. Ce sont des actifs utilisés par Financement agricole Canada, qui est une société d'État. Les Canadiens sont autant impliqués dans la gestion de l’offre que les producteurs agricoles. Nous participons tous à ce système, d’une façon ou d’une autre, que ce soit en tant que consommateur, contribuable ou propriétaire au sein de Financement agricole Canada. Il faudrait réviser la formule tarifaire à la Commission canadienne du lait pour inciter les producteurs à être plus compétitifs.

Deuxièmement, j’irais de l’avant avec un nouveau système de quotas pour permettre à de nouveaux joueurs de tirer profit des marchés internationaux.

Troisièmement, il faudrait réviser la formule tarifaire. Tout cela mènerait à une transformation majeure du secteur. Je pense que le lait canadien, comme M. Fraser l’a dit, est un lait de qualité supérieure. On a innové pour nous, mais pas pour les autres. C’est le cœur du problème. On a du lait à offrir à tout le monde.

[Traduction]

Monsieur Fraser, avez-vous quelque chose à ajouter sur cette question, qui est à l’avant-plan de l’actualité en ce moment?

M. Fraser : M. Charlebois est l’expert en la matière. Tout ce que je dirais par rapport aux critiques de la gestion de l’offre, c’est que, en imaginant la transformation que l’industrie subira au cours des 10 prochaines années, avec l’évolution rapide de la technologie et du commerce, il faut faire attention de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Dans les fermes laitières de l’Ontario que je connais, la taille moyenne des troupeaux est d’environ 125 à 150 vaches laitières. Normalement, ce sont des fermes bien gérées qui respectent des normes très élevées en matière de bien-être des animaux et qui ont une empreinte écologique relativement légère.

Quand je voyage aux États-Unis et je visite des fermes qui comptent entre 2 000 et 15 000 vaches laitières, je constate les regroupements qui peuvent être faits rapidement et la pollution énorme produite par les vastes troupeaux de vaches laitières. Je suis conscient que notre système a mené à des regroupements importants et à une diminution du nombre de fermes laitières, comme M. Charlebois l’a dit, mais les regroupements ne sont pas équivalents à ceux qu’on voit au Colorado ou en Californie. Ce scénario me rend nerveux.

Dans l’élaboration de toute future politique, il faudra tenir compte de l’empreinte écologique des fermes et des enjeux liés au bien-être des animaux, deux dossiers qui sont plus faciles à gérer avec des troupeaux de 150 vaches et qui deviennent vraiment problématiques avec des troupeaux de 1 000 à 10 000 vaches. Si nous abandonnons ou si nous nous éloignons radicalement de la gestion de l’offre, j’ai peur que nous commencions à voir des regroupements de l’ampleur de ceux qui existent aux États-Unis. Cette éventualité m’inquiète.

La présidente : Monsieur Charlebois, avez-vous un bref commentaire?

M. Charlebois : Très rapidement, madame la présidente.

[Français]

Pour revenir à votre question, il y a de l’espoir. Par exemple, fairlife et Coca Cola ont investi des millions de dollars à Peterborough, en Ontario, pour bâtir une nouvelle usine afin de commercialiser la marque fairlife au Canada en utilisant du lait canadien. L’accord a été négocié entre la Dairy Farmers of Ontario et Coca Cola récemment pour permettre à l’association d’être plus compétitive. C’est rassurant.

J’aimerais vous rappeler que, en 2013, Chobani voulait bâtir une usine à Kingston, en Ontario, et créer 1 000 emplois pour la production de yogourt grec. Chobani avait tenté de s’entendre avec la Dairy Farmers of Ontario, mais cette entente n’a jamais été conclue. Cinq ans plus tard, on voit que la situation change. Les producteurs laitiers le savent.

Ce qui me préoccupe beaucoup, c’est le Québec, c’est-à-dire l’Union des producteurs agricoles, où il n’y a aucune ouverture. C’est vraiment inquiétant.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

Le sénateur D. Black : Pour revenir au sujet à l’étude, j’aimerais mentionner, comme nous songeons à nos recommandations, que le comité des banques a examiné en détail la question du commerce interprovincial. On pourrait faire référence à son étude, ainsi qu’au travail que nous avons accompli sur le corridor nordique, qui répond aux préoccupations de M. Charlebois concernant l’infrastructure.

Vous avez montré que le Canada jouit d’une occasion exceptionnelle. Cela fait l’unanimité. Si nous arrivons à commencer à jouer un rôle majeur dans le domaine de l’agriculture à l’échelle internationale, ce sera très avantageux pour le Canada.

Monsieur Fraser, vous avez parlé de trois sujets de préoccupation. D’après vous, où en sommes-nous par rapport à ces trois dossiers?

M. Fraser : En ce qui concerne notre capacité de synthétiser, de combiner et d’établir des normes mondiales en matière de durabilité et de salubrité, je pense que les choses vont plutôt bien, mais il y a énormément de travail à faire. L’industrie s’organise pour le faire, mais un coup de fouet et du leadership de la part du gouvernement fédéral l’aideraient certainement.

Le sénateur D. Black : Qu’entendez-vous par un « coup de fouet »? Je vous demanderais d’être précis, parce que nous voulons savoir ce que nous pouvons faire pour aider.

M. Fraser : Par exemple, dans le cadre de la politique alimentaire pour le Canada, on explore la possibilité que le gouvernement fédéral établisse un conseil national de la politique alimentaire. C’est une bonne idée. On devrait lui donner le mandat de codifier les normes actuelles en matière de durabilité et de salubrité et de veiller à ce qu’elles soient les plus rigoureuses au monde. C’est une proposition très concrète.

Concernant ma recommandation relative à l’infrastructure des technologies de l’information, nous accusons un retard important. Des endroits comme les Pays-Bas et Israël prennent de bien meilleures mesures que nous pour permettre de rassembler des données afin de procéder à des analyses et de prendre des décisions intelligentes. L’industrie est très avancée, et nous sommes en retard sur ce plan.

Je le répète, il faut établir des normes nationales régissant le rassemblement des données du secteur agricole, ce qui pourrait être fait sous la direction d’un conseil national de la politique alimentaire ou du Partenariat canadien pour l’agriculture. Cela nous ramène à un des arguments de M. Charlebois. Le gouvernement fédéral peut jouer un très grand rôle pour veiller à la sûreté, à la transparence et à la cybersécurité de nos données.

Il s’agit d’un enjeu énorme. L’industrie en parle. Toutefois, je ne crois pas que les industries individuelles aient la motivation de rassembler et d’uniformiser les données, ainsi que de créer des infrastructures de cybersécurité uniformes. C’est le gouvernement fédéral qui devra le faire.

Nous pouvons tirer parti de notre grande réputation sur les plans de la salubrité et de la durabilité. J’ai peur que nous n’ayons pas les moyens de protéger notre réputation, ce qui est lié à ma deuxième recommandation, mais en ce qui concerne notre image à l’échelle mondiale, nous avons une longueur d’avance. Pour quelque raison que ce soit, nous pouvons fonder nos échanges commerciaux sur notre réputation, mais si nous ne voulons pas la ternir, nous devons nous améliorer par rapport aux deux premiers enjeux. C’est ma troisième recommandation.

Le sénateur D. Black : Monsieur Charlebois, pourriez-vous en dire plus à ce sujet et sur votre surprenant commentaire, selon lequel il n’y a pas de données au Canada pour vous aider à évaluer le prix des aliments?

M. Charlebois : Il y a des données au Canada, mais elles ne sont pas bonnes.

Le sénateur D. Black : Il faut régler ce problème. Que pouvons-nous faire?

M. Charlebois : S’il y a un message que j’aimerais que vous reteniez ce matin, c’est que nous évoluons littéralement à l’aveuglette. Nous ne savons pas ce qui se passe. Beaucoup d’entreprises ont beaucoup de données.

J’ai rencontré les gens de Sobeys, Loblaws, Metro et Costco à Seattle; ils ont beaucoup de données. Il y a deux problèmes. Ils ne les partagent pas et ne savent peut-être pas comment les utiliser. Au Canada, on ne peut y avoir accès, pas même à Statistique Canada. Nous faisons des prévisions sur les prix des aliments pour les 12 prochains mois. Si nos prévisions s’améliorent, c’est parce que nous n’utilisons pas les données canadiennes; elles ne sont pas précises.

Le sénateur D. Black : Que peut-on faire pour corriger le tir?

M. Charlebois : Nous pouvons nous améliorer.

Le sénateur D. Black : Comment?

M. Charlebois : J’ai essayé de communiquer et de collaborer avec Statistique Canada afin de mieux comprendre comment ils collectent les données, en général. Ce n’était pas très clair. Nous ne savons pas exactement comment ils évaluent le marché.

Plus de transparence quant à la méthodologie serait utile, car cela permettrait aux universités et aux chercheurs d’aider Statistique Canada à améliorer la collecte de données afin d’appuyer l’industrie.

Je considère qu’il est essentiel de démocratiser les données. Collecter des données, c’est bien, mais il faut aussi les partager. L’USDA et la FDA publient des informations sur le secteur agroalimentaire américain tous les jours. Nous connaissons donc les prix, l’évolution pour les différents produits et l’incidence des changements climatiques sur les produits.

Au Canada, beaucoup de décisions sont fondées sur des suppositions et des intuitions, comparativement aux États-Unis.

Le sénateur D. Black : Selon vous, le comité devrait-il recommander d’examiner les modèles des États-Unis, des Pays-Bas et d’Israël?

M. Charlebois : Plusieurs facteurs sont en jeu. J’utilise les États-Unis comme exemple, mais lorsqu’on passe du temps en Europe, on se rend compte que les Européens s’intéressent à la durabilité, parce qu’ils manquent d’espace. Ils sont confrontés aux mêmes problèmes que nous, mais 30 ans avant nous. Nous pouvons tirer des leçons de leur expérience. Ils utilisent des outils d’analyse et des données.

Le sénateur R. Black : Monsieur Charlebois, vous avez mentionné l’AECG et la nécessité d’appuyer nos entreprises de façon proactive. Pouvez-vous préciser votre pensée? Quelles mesures précises le gouvernement doit-il prendre?

M. Charlebois : Le gouvernement?

Le sénateur R. Black : Dans la partie de votre exposé en français, alors que vous parliez d’un coup de pouce, je crois que vous avez dit que le gouvernement devait être plus proactif. En quoi consiste ce coup de pouce?

M. Charlebois : Ce sont là les propos de M. Fraser. En ce qui concerne l’aide et l’appui à l’industrie, je suis convaincu que l’industrie et les groupes commerciaux peuvent changer les choses.

Ce qu’il faut, c’est un changement de discours et de mentalité. Le Canada a toujours tendance à être sur la défensive. Par rapport à l’AECG, nous pensons aux produits qui pourraient percer le marché, mais nous ne réfléchissons pas la façon de vendre nos produits en Europe. C’est davantage un changement de paradigme.

Vous me demandez ce que le gouvernement peut faire. Il peut renforcer la sensibilisation, encourager les entreprises à cibler les marchés étrangers et organiser des missions.

Beaucoup de PME n’ont pas les moyens d’envoyer des représentants en Europe pour y rencontrer les clients. J’ai rencontré beaucoup de gens qui s’intéressent aux produits canadiens. Vendre du fromage canadien en Italie n’est peut-être pas une bonne idée, étant donné la grande qualité des produits italiens et le degré élevé de concurrence. Toutefois, le Canada pourrait tirer parti d’autres occasions, notamment en Allemagne et en France.

Le gouvernement pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la facilitation des discussions et l’établissement de relations entre l’industrie et les marchés cibles.

Le sénateur R. Black : J’ai une autre question pour M. Fraser et M. Charlebois. Dans le cadre de nos missions d’information et des témoignages au comité, nous avons entendu beaucoup de comparaisons entre les protéines animales et les protéines végétales.

Je crois comprendre, d’après vos commentaires, que nous sommes en transition vers les protéines végétales. Comment devons-nous présenter cela aux éleveurs de bétail canadiens? Que peut-on leur dire?

M. Fraser : C’est un des plus intéressants enjeux dans le secteur alimentaire actuellement. J’ai quelques observations, puis je répondrai à votre question.

Premièrement, les animaux jouent un rôle essentiel dans de nombreux agroécosystèmes durables, car ils recyclent les éléments nutritifs et jouent une multitude de rôles utiles au sein des écosystèmes. Deuxièmement, probablement un milliard de personnes sur cette planète, dont beaucoup de pauvres, tirent un revenu ou leur subsistance de l’élevage d’animaux. Troisièmement, la consommation de produits d’origine animale est importante sur les plans culturel, culinaire et nutritif, et ce, partout dans le monde.

Je ne prône aucunement l’arrêt de toute activité d’élevage. Cela dit, Michael McCain, le PDG des Aliments Maple Leaf, a récemment acquis une entreprise de production de protéines d’insectes et deux entreprises de production de protéines végétales. Donc, l’entreprise a commencé à intensifier ses activités dans la production de protéines de source végétale et d’autres sources. Pour taquiner Michael, je lui ai demandé ce qu’un spécialiste du hot dog pouvait bien faire d’une entreprise de production d’insectes. Il a répondu : « Evan, l’avenir, c’est moins de viande, mais une viande de meilleure qualité. » C’est presque une citation directe, et je pense que c’est un mantra qu’il convient de retenir.

C’est ce volet de l’élevage qui est appelé à disparaître. Sa part dans notre régime alimentaire diminuera pour diverses raisons interreliées, comme la durabilité, la santé et la demande, simplement. L’industrie offre de nouveaux produits qui suscitent un vif enthousiasme chez les consommateurs. La demande pour le nouveau produit de protéines de criquet de marque Choix du président dépasse l’offre.

L’industrie doit prendre conscience que sa production totale diminuera, mais qu’elle peut maintenir ses profits si elle adopte des produits à plus grande valeur ajoutée, commercialisés avec mention « biologique », « élevé en liberté » ou « sans ». Loblaws connaît aussi beaucoup de succès avec sa gamme de produits « Viandes simplement bon ».

L’industrie devra effectuer le virage vers un modèle à haute valeur et à faible volume, comme l’a indiqué nul autre que le PDG des Aliments Maple Leaf.

M. Charlebois : Cet été, j’ai fait une tournée dans six villes de l’Alberta : Vermilion, Red Deer, Edmonton, Calgary, Grande Prairie et Lethbridge. J’y ai vu beaucoup de chapeaux de cowboy. Ces gens sont très préoccupés. Ils sont conscients de la situation. Ils savent que, cette année, il se consommera au Canada 94 millions de kilos de bœuf de moins qu’en 2010.

Que devrions-nous faire? Le message que je leur ai livré est très simple et correspond aux propos de M. Fraser. Au Canada, la plupart des producteurs agroalimentaires ont tendance à considérer leur produit de manière isolée, et non comme partie d’un ensemble d’ingrédients. Je les invite à apprivoiser l’ennemi et à voir le bœuf comme une partie d’un ensemble d’ingrédients. Il n’y a pas de mal à dire aux Canadiens qu’utiliser des lentilles et du bœuf dans une recette de pain à la viande n’est pas une mauvaise idée. C’est ce que je veux dire lorsque je parle de coexistence.

La présidente : J’aimerais avoir la recette.

M. Charlebois : C’est une excellente recette.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie tous les deux d’être parmi nous ce matin. C’est toujours un plaisir de voir un confrère de Dalhousie.

Ma première question est dans la même veine que celle du sénateur Doug Black au sujet des données. Quels sont les obstacles? Qu’est-ce qui nous empêche non seulement d’obtenir ces données, mais aussi d’avoir des données de qualité? Quel est le problème?

M. Charlebois : Premièrement, le financement est un obstacle important, car la collecte de données adéquates requiert du temps et des ressources.

Voici un exemple simple : les consommateurs vont-ils plus ou moins souvent à l’épicerie aujourd’hui qu’il y a cinq ans? Combien de temps passent-ils dans le magasin? Dans combien de magasins vont-ils régulièrement? Nous avons fait une étude récemment, mais nous mesurions simplement les perceptions. Mesurer ce genre de choses requiert beaucoup de temps. C’est un obstacle.

L’autre obstacle est l’accès, car les entreprises du secteur alimentaire gardent jalousement leurs données. Elles ont peur. J’ai rédigé beaucoup d’études de cas. Récemment, j’ai fait des études de cas sur Maple Leaf, Sobeys, Monsanto, Ben & Jerry’s et beaucoup d’autres. Chaque fois, l’avocat est la première personne à qui on parle après le PDG. C’est la réalité. Lorsque vous voulez faire une entrevue, vous vous retrouvez dans une salle de conférence avec un avocat et la personne que vous voulez interviewer. C’est difficile. Voilà pour les deux obstacles.

La sénatrice Bernard : Cette question est aussi pour vous, monsieur Charlebois. Dans votre exposé, vous avez mentionné la nécessité d’innover, et vous avez indiqué que vous faites du mentorat auprès de 10 PDG, dont 9 femmes, et que ce groupe est très représentatif de l’équité et de la diversité de notre pays.

Dans le secteur, accorde-t-on assez d’attention à l’importance de la diversité des dirigeants? Cela a-t-il une incidence sur l’innovation?

M. Charlebois : Oui. Pour moi, c’est vraiment essentiel. On commence à voir des changements, mais pas assez rapidement, à mon avis. Je suis récemment allé dîner avec Michael Medline, le PDG de Sobeys, qui a exercé ces fonctions dans divers secteurs. Les propos que j’ai tenus sur le manque d’innovation du secteur sont de lui, en fait. Il n’est pas épicier ni issu du secteur de l’alimentation. Il est PDG de Sobeys, le deuxième plus important distributeur alimentaire au Canada, et il constate des problèmes.

Récemment, j’ai fait une étude de cas réel avec lui dans une classe du programme de MBA à l’Université Dalhousie. Il était accompagné de sept hauts dirigeants, dont trois femmes. Il y a 10 ans, il n’y aurait eu que des hommes de race blanche, à mon avis. Aujourd’hui, Sobeys est une entreprise plus novatrice qu’auparavant.

Il en va de même dans le secteur de la transformation. Les 10 PDG s’intéressent à divers produits qui ne retiennent pas l’attention de l’establishment, comme j’appelle les principaux distributeurs alimentaires comme Walmart et Costco. Ils n’ont pas les moyens de payer les frais relatifs aux listes de prix ou aux UGS. C’est un problème. Pour que ces nouvelles idées aient une chance de succès, il faut des mentors et du soutien et, pour parler franchement, il faut que les épiciers aient des relations plus souples et plus étroites avec les consommateurs.

La sénatrice Bernard : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : L’avantage d’être le dernier à poser des questions est de pouvoir revenir sur les sujets dont on a discuté. Vous avez attiré mon attention sur le Québec et l’UPA. On a parlé un peu de la gestion de l’offre. À moins que je ne me trompe, vous avez mentionné que la gestion de l’offre, sans être abolie, doit être harmonisée et modernisée au goût du jour. On ne peut pas laisser une entente de 35 ans sans y toucher.

Vous avez attiré mon attention en disant que le silence au Québec était inquiétant. Pourquoi ce silence est-il si inquiétant?

M. Charlebois : Merci, c’est une bonne question.

En fait, on a affaire à un débat très polarisé : on est soit en faveur ou contre. Personne ne se préoccupe de ce qui est entre les deux. Comment peut-on développer un modèle qui est logique? L’UPA est un monopole syndical et projette des idées en pensant que le syndicat représente tout le monde. Cependant, en parlant à des producteurs laitiers du Québec, ils savent lire et ils savent ce qui se passe. Ce qui arrive avec le discours de M. Bernier, pour ne pas le nommer, c’est que l’on prône l’abolition du système sans offrir un parchemin pour l’avenir. Or, il s’agit de fermes familiales. On ne peut pas tout simplement abolir la gestion de l’offre tout d’un coup. Il faut un canevas pour offrir de l’espoir à ces gens, et c’est ce qu’ils tentent de faire. Il y a des producteurs qui réinvestissent dans leur ferme, mais il n’y a toujours pas de vision.

Lundi, je serai à McGill pour participer à un débat avec l’UPA, au collège Macdonald. J’ai hâte, mais il y a 10 ans, jamais il n’y aurait eu un tel débat sur la gestion de l’offre au Québec. Aujourd’hui, on commence à m’inviter, ce qui est peut-être une source d’espoir.

Le sénateur Dagenais : J’aurais aimé assister à ce débat.

M. Charlebois : En Ontario, en Colombie-Britannique et au Manitoba, il y a beaucoup de débats qui se tiennent, mais pas au Québec.

Le sénateur Dagenais : Je voudrais revenir aux infrastructures de transport. Vous avez mentionné que le problème du Canada, c’est qu’il est grand et vaste. En quoi le coût du transport peut-il nuire à l’industrie canadienne et l’empêcher d’être compétitive, entre autres, dans le cadre des marchés internationaux? Effectivement, le transport est dispendieux lorsqu’on exporte nos produits. Est-ce que cela a une incidence sur la compétitivité de nos industries?

M. Charlebois : Oui, absolument. C’est une question d’accès, et ça va dans les deux sens. D’un côté, on veut vendre, mais on veut aussi acheter. Souvent, il y a des technologies que l’on ne peut pas développer, ici au Canada, et qu’on devrait acheter à moindre prix. Pour arriver à obtenir cette technologie ici, ça coûte cher. Plus on va investir, plus on va rendre les chemins de fer efficaces, et mieux ça va aller. Vous vous souvenez, il y a quelques années, du « backlog » des grains dans l’Ouest? Cela a coûté extrêmement cher. On n’en parle pas beaucoup, mais ça a été une honte. C’est là qu’on voit qu’on a un problème au Canada, surtout dans l’Ouest. Dans l’Est canadien, on tient pour acquise la voie maritime, mais elle est formidable, elle permet à l’Est d’être plus compétitif. Il faut la même chose dans l’Ouest, notamment pour le marché de l’Asie, parce que c’est là où il y a une croissance économique phénoménale.

Le sénateur Dagenais : Il faudrait peut-être créer des pipelines pour acheminer le grain.

M. Charlebois : Au lieu du gaz, oui.

Le sénateur Dagenais : Merci, beaucoup, monsieur Charlebois.

[Traduction]

La présidente : Je présente mes excuses auprès des personnes qui voulaient intervenir une deuxième fois, mais nous avons dépassé le temps imparti de près de 10 minutes. Pendant la deuxième partie de notre réunion d’aujourd’hui, nous voulions étudier l’ébauche d’un rapport, et je ne suis pas certaine que nous aurons assez de temps.

Je tiens à remercier nos deux invités. Vos témoignages ont suscité un vif intérêt, évidemment. Ce fut un plaisir de vous accueillir aujourd’hui.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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