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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 61 - Témoignages du 18 février 2019


Ottawa, le 18 février 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui à huis clos, à 9 h 32, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux (étude d’une ébauche de rapport); puis à huis clos, pour l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs); puis en séance publique, pour examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant l’agriculture et les forêts en général (sujet : l'appui aux secteurs agricoles soumis à la gestion de l’offre dans le cadre de l’AEUMC, du PTPGP et de l’AECG, et leur indemnisation)

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

La présidente : Je suis la sénatrice Diane F. Griffin de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous accueillons aujourd’hui un certain nombre d’invités. Avant de les présenter, je demanderais aux sénateurs assis autour de la table de bien vouloir se présenter.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

Le sénateur R. Black : Rob Black, de l’Ontario.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le sénateur Mercer : Terre Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Comme vous pouvez le constater, nous avons ici des gens venus de diverses provinces qui s’intéressent vivement à la question.

Aujourd’hui, le comité se penche sur l’appui aux secteurs agricoles soumis à la gestion de l’offre dans le cadre de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada, l’AEUMC, du Partenariat transpacifique global progressiste, le PTPGP, et de l’Accord économique et commercial global, l’AECG, ainsi que de l’indemnisation de ces secteurs. J’aimerais bien qu’on trouve des acronymes plus faciles à prononcer pour tous ces accords.

C’est notre premier groupe de discussion sur la question. Nous accueillons, des Producteurs de poulet du Canada, M. Tim Klompmaker, membre du conseil d’administration, en Ontario, et M. Yves Ruel, directeur du commerce et des politiques. Des Producteurs d’œufs d’incubation du Canada, nous accueillons M. Jack Greydanus, président, et M. Salomon Compaore, économiste.

Je crois savoir que les représentants des Producteurs de poulet commenceront. Cela répond à la question de savoir ce qui vient en premier, l’œuf ou la poule. Nous connaissons maintenant la réponse.

Sur ce, j’invite M. Klompmaker à prononcer ses remarques liminaires.

Tim Klompmaker, membre du conseil d'administration, Producteurs de poulet du Canada : Sénateurs et sénatrices, bonjour. Je m’appelle Tim Klompmaker et je suis un éleveur de poulet de troisième génération à Norwood, en Ontario. La quatrième génération de notre famille est également dans l’agriculture puisque nos trois fils exploitent des fermes à eux.

Je voudrais remercier le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts de m’avoir invité aujourd’hui pour vous parler des conséquences du PTPGP et de l’AEUMC sur les 2 800 éleveurs de poulet du Canada. Notre secteur contribue 6,8 milliards de dollars au PIB canadien, soutient 87 200 emplois et paie 2,2 milliards de dollars en impôts. Nous voulons continuer d’assurer la croissance de notre secteur mais, malheureusement, les concessions liées à l’accès au marché accordées dans les deux accords de libre-échange récemment conclus par le Canada compromettent notre capacité de poursuivre notre travail pour favoriser la croissance de l’économie canadienne.

En ce qui concerne le PTPGP, tout au long des négociations et jusqu’à la première conclusion, en octobre 2015, les États-Unis étaient le seul demandeur d’accès au marché canadien du poulet. Bien que les États-Unis se soient retirés de l’entente finale, conclue au début de 2018, les concessions faites dans l’accord d’origine n’ont pas été rajustées dans le PTPGP. Lorsque l’accord sera entièrement mis en œuvre, le Canada accordera à ses membres un accès additionnel au marché canadien de 26,7 millions de kilos par an.

Par l’entremise de l’ACEUM, du PTPGP et des engagements précédents auprès de l’OMC, l’accès total au marché canadien du poulet a augmenté, passant de 90,1 millions de kilogrammes, ou 7,5 p. 100 de la production canadienne, à 129,6 millions de kilogrammes, ce qui représente 10,8 p. 100 de la production canadienne. Cette augmentation de l’accès au marché canadien se traduira par des pertes annuelles de 240 millions de dollars dans l'économie canadienne et par la perte de 3 100 emplois au pays. Ces répercussions se feront principalement sentir dans les collectivités rurales.

À la conclusion des négociations du Partenariat transpacifique d’origine, en octobre 2015, le gouvernement du Canada s’était engagé à consacrer 4,3 milliards de dollars pour des programmes visant à aider les secteurs sous gestion de l’offre à s’ajuster aux augmentations de l’accès aux marchés et à régler des problèmes de contrôle des importations touchant les secteurs des produits laitiers et de la volaille. Pour le poulet, cela incluait les mélanges définis de spécialité, le Programme d’exonération des droits, ou PED, et l’importation frauduleuse de viande de poulet à griller faussement étiquetée.

Comme les répercussions du PTPGP demeurent les mêmes que celles qui prévalaient pour le PTP et qu’il y aura à présent des répercussions supplémentaires découlant de l’ACEUM, les producteurs canadiens de poulet s’attendent à ce que le gouvernement du Canada prenne un engagement qui va au-delà de l’engagement annoncé en 2015.

Les Producteurs de poulet du Canada sont heureux de faire partie du groupe de travail sur la volaille et les œufs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, mis sur pied par le ministre MacAulay, à la suite de la conclusion de l’AEUMC. Nous espérons que les travaux du groupe de travail entraîneront la mise sur pied de programmes concrets et efficaces qui permettront aux producteurs et au secteur du poulet de recevoir un soutien qui correspond à leurs besoins. Nous avons présenté au gouvernement du Canada des recommandations à l’égard d’initiatives qui contribueraient à répondre aux besoins des producteurs qui seront touchés par l’accès accru aux marchés. Nous recommandons fortement qu’elles englobent ce qui suit : un programme de crédit d’impôt à l’investissement qui aiderait les producteurs qui investissent à apporter des améliorations à leurs exploitations; un fonds de développement du marché visant à promouvoir le poulet élevé au Canada; une méthode d’attribution des contingents tarifaires conçue pour garantir que les distorsions du marché soient minimales; la mise en application de normes canadiennes de production sur les importations; et enfin l’élimination de deux échappatoires importantes des mesures de contrôle des importations — l’utilisation abusive du Programme d’exonération des droits et l’importation frauduleuse de viande de poulet à griller faussement étiquetée. Le gouvernement du Canada doit aussi s’engager à ce qu’aucun accès supplémentaire au marché canadien du poulet ne soit accordé dans de futurs accords commerciaux, comme ce pourrait être le cas dans le cadre des pourparlers en cours sur un accord de libre-échange entre le Canada et le Mercosur, ou dans toutes autres discussions futures à l’OMC.

Les 2 803 producteurs de poulet du Canada améliorent constamment l’efficience du secteur, contribuent à l’économie et s’assurent que les Canadiens mangent un poulet salubre élevé selon les normes les plus élevées. Nous sommes fiers du système de gestion de l’offre qui nous garantit de recevoir un bon prix pour nos produits directement du marché. Le secteur du poulet canadien ne s’est jamais opposé aux accords commerciaux, mais les nouveaux accords commerciaux ne doivent pas se faire au détriment de nos producteurs.

En aidant à réduire l’incidence du PTPGP et de l’ACEUM et en corrigeant les échappatoires dans les contrôles d’importation qui nuisent à notre production, le gouvernement du Canada peut aider nos producteurs à continuer de faire croître l’économie et à garantir que le poulet demeure la protéine animale numéro un au Canada. Je vous remercie.

La présidente : Merci de votre exposé. Nous allons maintenant entendre les Producteurs d’œufs d’incubation du Canada. Je crois que M. Jack Greydanus fera une déclaration liminaire.

Jack Greydanus, président, Producteurs d’œufs d’incubation du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis un producteur d’œufs d’incubation de l’Ontario. Je suis accompagné de Salomon Compaore, économiste chez les Producteurs d’œufs d’incubation du Canada. Nous sommes ravis et honorés d’être les premiers témoins à comparaître dans cette salle et dans cet édifice.

Je vous remercie de nous donner l’occasion de nous prononcer notamment sur l’incidence de ces deux accords commerciaux sur les producteurs d’œufs d’incubation du Canada et sur la chaîne d’approvisionnement dans toute l’industrie canadienne. Nous sommes fiers de fournir des œufs d’incubation au témoin situé à ma gauche qui représente les Producteurs de poulet du Canada. Je me demande bien ce qui vient en premier, la poule ou l’œuf? Nous vendons des poussins aux producteurs de poulet, et j’achète mon produit à l’étranger. Honnêtement, je crois que l’œuf vient en premier, mais cela reste à voir. Je suis certain que vous connaîtrez la réponse à la fin de la séance aujourd’hui.

Nous sommes préoccupés et certainement quelque peu déçus qu’un meilleur accès soit accordé aux producteurs étrangers, qui grugent nos parts de marché et affaiblissent la gestion de l’offre. Le cœur de nos préoccupations, c’est l’accès accru qu’on donne à la production étrangère.

Le plus récent accès a été accordé aux termes de l’ALENA. À l’instar de la présidente, je vais continuer de parler de l’ALENA et de l’ALENA 2.0. Nous avons donné accès à 21 p. 100 de notre marché il y a fort longtemps. Nous affichons déjà une grande ouverture aux producteurs américains. La situation est demeurée la même par rapport à l’époque où il y a eu une ouverture du système de gestion de l’offre pour notre industrie au milieu des années 1980. Rien n’a changé à cet égard aux termes de l’ALENA 2.0, ou l’ACEUM. Toutefois, cet accord octroie des contingents tarifaires à mes collègues, les producteurs de poulet. Naturellement, cela a une incidence sur notre production, car sans contingent tarifaire pour le poulet, nous ne pouvons pas produire d’œufs.

Un autre problème, c’est que les contingents tarifaires s’appliquent à l’échelle nationale. En ne tenant pas compte des frontières provinciales, on crée des distorsions. Y a-t-il moyen de répartir les contingents tarifaires en fonction de la production de chaque province pour prévenir ce genre de situation? Nous pensons qu’il serait très avantageux au fil du temps d’y remédier. Il faut éviter que ces contingents tarifaires supplémentaires n’aggravent les distorsions.

Conformément au PTPGP, un accès a été accordé. Dans notre cas, il s’agit d’un nombre fixe d’œufs d’incubation, soit 12 millions d’œufs pour la durée de l’accord sans parler de l’augmentation au fil du temps. Durant la mise en place progressive du programme sur 19 ans, le nombre total qui sera accordé au Canada approche les 680 millions d’œufs. Si on fait le calcul en fonction de la taille moyenne des exploitations canadiennes, cela représente 18 nouvelles exploitations seulement en raison de l’accès qui a été concédé. Les Canadiens savent que le succès de notre pays dépend des petites entreprises indépendantes, et les petites exploitations agricoles en font partie. Il importe de se rappeler ces chiffres qui exigent une intervention.

Sachez que nous sommes doublement touchés par cet accord. Comme je l’ai mentionné, le Canada a accordé des contingents tarifaires de 12 millions d’œufs d’incubation, soit de 670 millions sur la durée du programme. Je vous rappelle aussi que les contingents tarifaires supplémentaires dans le secteur du poulet diminuent la production et les revenus des producteurs d’œufs d’incubation du Canada.

En passant, nous sommes placés dans une situation sans commune mesure. Aucun autre produit régi par la gestion de l’offre ne connaît un tel problème. L’accès accordé dans les négociations commerciales nous touche de deux manières et nous prenons la situation très au sérieux.

Un autre élément qui n’a pas fait partie des négociations du PTPGP, c’est l’accès graduel suivant l’entrée en vigueur de l’accord. Puisque le PTPGP est entré en vigueur l’avant-dernier jour de l’année, le 30 décembre 2018, cela fait un an. Tout à coup, en 2019, nous devons accorder deux ans d’accès en un an seulement. Nous ne prenons pas à la légère cette situation qui nous touche durement. Nous ne l’avions pas planifiée, et elle ne constitue pas une modalité de l’accord. Nous tenons à faire connaître notre position à l’heure actuelle.

Comme vous le savez, Agriculture et Agroalimentaire Canada préside un groupe de travail, dont nous faisons partie intégrante, avec les producteurs de poulet, de dinde et d’œufs. Ce groupe de travail cherche à élaborer une stratégie d’adaptation complète et équitable pour atténuer les conséquences de ces deux accords en particulier. D’après les déclarations du premier ministre et de la ministre des Affaires mondiales, le gouvernement et le groupe de travail s’engagent à indemniser entièrement les producteurs. Néanmoins je pense que le groupe de travail est trop tourné vers lui-même en se concentrant sur l’aspect agricole. Nous croyons que d’autres ministères pourraient participer au mécanisme d’atténuation visant à nous aider. Il vaut la peine d’y réfléchir et, selon moi, le Sénat pourrait suggérer cette idée.

Nous travaillons en étroite collaboration avec nos amis producteurs de poulet, d’œufs et de dinde pour faire avancer des propositions semblables dans ce dossier, et nous avons déjà communiqué ces propositions au gouvernement. Je tiens à répéter que les producteurs d’œufs d’incubation ne sont pas à la recherche de paiement direct à l’intention des producteurs. Ce n’est pas notre stratégie. Il y a de meilleures idées en matière d’investissement et de croissance pour les producteurs de volaille partout au Canada.

Les idées qui ont déjà été lancées méritent d’être examinées. Investir dans les crédits d’impôt est une bonne stratégie. Un don à un fonds de développement du marché local, fonds qui pourrait être soutenu, serait une idée géniale. Pour ce qui est des producteurs de poulet, une meilleure application des règles à la frontière est incontournable à mon avis. Comme je l’ai dit plus tôt, il faudrait examiner la possibilité de procéder à un examen de l’administration et du processus d’allocation des contingents tarifaires et veiller à ce que les produits d’importation adhèrent aux mêmes règles que nous du côté national.

J’aimerais expliquer la situation à l’échelle nationale. Ma ferme doit se conformer à des exigences en matière de salubrité alimentaire. Je ne suis pas certain que ce soit le cas pour les produits importés. Du côté des animaux, j’ai aussi des exigences à respecter, tout en tenant compte des nouvelles réalités, des soins des animaux, et ces types de choses. Nous avons des politiques et des règles chez nous à l’échelle nationale que nous mettons en œuvre chez nos producteurs, mais qui ne sont peut-être pas appliquées aux produits importés.

Aussi, nous avons au pays des règlements en matière d’antibiotiques auxquels d’autres pays n’adhèrent pas nécessairement. Pouvons-nous faire quelque chose pour que cette norme s’applique à tous les produits?

Nous espérons que le groupe de travail finira par formuler une recommandation qui profiterait certainement à tous les producteurs d’œufs d’incubation et de poulet partout au Canada. C’est notre objectif.

Pour conclure, la meilleure stratégie d’atténuation pour le gouvernement du Canada consiste à éviter d’accorder tout accès supplémentaire. Il s’agit de la meilleure stratégie, plutôt que d’essayer de tout arrêter.

Naturellement, la plus grande inquiétude, c’est le prochain processus de négociation. Je parle des négociations entre le Canada et Mercosur, qui comprend un exportateur important de poulet. Cet exportateur est le Brésil. Évidemment, c’est une question que nous voulons régler. Il ne fait aucun doute qu’il y aura d’autres rondes de négociations. À notre avis, la gestion de l’offre ne doit pas faire l’objet de négociations, point. Je crois que c’est une bonne stratégie dont devrait faire la promotion cette Chambre auprès du gouvernement. Interdire tout nouvel accès est le meilleur moyen pour le gouvernement de soutenir nos secteurs.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Je vous remercie. Vos deux exposés étaient excellents.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie d’être venus.

Je suis connu depuis longtemps pour mon soutien à la gestion de l’offre. J’ai défendu la gestion de l’offre à toutes les fois que c’était nécessaire.

J’ai désormais quelques réserves, cependant. Je suis déçu que le gouvernement ait accordé un accès accru, mais ce qui est fait est fait. On ne peut pas retourner en arrière. J'entends les industries assujetties à la gestion de l’offre parler de ce qu’elles obtiendront du gouvernement maintenant que ces accords seront en place.

Vous avez parlé des défis que vous devez relever. Vous n’avez pas parlé des occasions. L’accord est censé créer des possibilités. Y a-t-il possibilité d’apprendre à produire davantage de poulet, et aussi d’augmenter les activités de production d’œufs d’incubation? J’exprime mes frustrations et je vous invite à y réagir.

Je suis ici depuis plus de 15 ans, et je n’ai jamais trouvé de mention de la gestion de l’offre dans le budget du gouvernement du Canada. Cela va changer. D’une façon ou d’une autre, quelqu’un pourra offrir un soutien. Peut-être allons-nous y donner un nouveau nom. On peut tenter de camoufler, comme les gouvernements le font parfois lorsqu’ils ne veulent pas que les gens se servent de la même terminologie, mais il y aura maintenant des fonds affectés dans le budget aux groupes de la gestion de l’offre en agriculture. Comment défendre cette mesure? Y a-t-il moyen pour nous de changer l’attitude des gens?

Quelqu’un a parlé du fait qu’au lieu de chercher à obtenir de l’argent, on devrait plutôt opter pour des programmes. Cependant, vous jouez le jeu du ministre des Finances, car c’est ce qu’il va faire. Il ne va pas carrément dire qu’il donne de l’argent aux producteurs d’œufs d’incubation et de poulet. Il va créer un programme auquel des fonds seront rattachés.

Nombre de personnes au Sénat et à la Chambre des communes s’opposent à la gestion de l’offre. Ces gens ne vont pas se taire. Cependant, en participant aux négociations, ce gouvernement — soit délibérément, soit par accident — leur a donné des munitions pour s’attaquer à la gestion de l’offre. Pourrais-je avoir vos commentaires, s’il vous plaît?

M. Greydanus : Il y a un coût associé à un accès accru. C’est ce qu’il faut retenir. Les producteurs partout au pays doivent renoncer à des sources de revenu, d’argent. Cela ne touche pas que les producteurs. Ces mesures touchent aussi les infrastructures et les communautés dynamiques en raison du succès qu’a obtenu la gestion de l’offre dans toutes les provinces du pays. Il y a un coût lié à tout cela.

Si on continue d’augmenter l’accès, sans comprendre les coûts qui y sont associés, comment sommes-nous censés gérer la situation?

Le sénateur Mercer : Lorsque j’ai défendu la gestion de l’offre, j’ai dit qu’il n’y avait rien pour l’industrie dans le budget, mais que la situation allait changer, sous une forme quelconque. Comment puis-je défendre cette mesure maintenant?

M. Greydanus : Il faut parler du coût de cet accès. Je ne sais pas si cet argent servira à la gestion de l’offre. C’est le prix à payer pour avoir augmenté l’accès.

Le sénateur Mercer : L’autre problème, quand on parle de gestion de l’offre, c’est que les gens ne comprennent pas. Il m’a fallu quelques années pour bien comprendre. Comment expliquer ce système aux Canadiens? Ces Canadiens feront l’objet d’attaques verbales de la part des opposants à la gestion de l’offre à la recherche de leur soutien, soutien possiblement politique. Le soutien à la gestion de l’offre sera mal vu, tandis que maintenant il s’agit d’un point de vue politique populaire.

M. Klompmaker : D’une certaine façon, il s’agit d’une expropriation de produits agricoles. C’est ce qui finit par arriver.

D’abord, je vous remercie de l’appui que vous offrez à la gestion de l’offre. Ce sont des personnes comme vous qui nous aident à maintenir notre système au Canada. C’est très apprécié.

Vous avez demandé quelles sont les possibilités à l’heure actuelle. Certaines des idées que Jack et moi avons exposées en ce qui concerne certaines mesures d’atténuation portent sur des échappatoires aux frontières que le gouvernement pourrait aborder.

Ce qu’on nous a souvent répété à la conclusion de nombreux accords commerciaux c’est que maintenant que nous sommes à la fin, nous avons la possibilité de régler certains des problèmes que vous aviez, mais d’autres accords commerciaux se présentaient, et le gouvernement nous disait que le moment était mal choisi pour les résoudre. C’est le bon moment d’agir. Il est possible de remédier à certaines de ces lacunes. On ne s’attend pas à ce que le gouvernement mette en œuvre de nouvelles règles. Il suffit de faire respecter les règles en vigueur aujourd’hui. C’est ce qu’on cherche. Voilà quelques-unes des possibilités qui s’offrent à nous. Je ne les perçois pas comme ayant un coût direct pour le budget.

Les quatre membres du groupe de travail ont convenu de ne pas chercher à indemniser directement les agriculteurs. Nous cherchons plutôt des mesures d’atténuation qui, en fait, donneront aux agriculteurs la possibilité d’investir dans leur ferme. Dans l’exemple du crédit d’impôt, si ces investissements sont offerts aux agriculteurs sur une période de 10 ans, même les jeunes agriculteurs nouvellement arrivés dans ce secteur, qui ont beaucoup de dettes et ne disposent pas des liquidités nécessaires pour faire des investissements, pourront le faire ultérieurement, ce qui, au bout du compte, se traduira par de l’activité économique au Canada.

Je ne vois pas comment cela se traduirait nécessairement par un impact direct et important sur le budget pour ce qui est des coûts. Nous ne cherchons pas à indemniser directement les agriculteurs.

Le sénateur Doyle : Je vous remercie de vos exposés. J’aimerais me faire l’avocat du diable pendant un instant : y a-t-il une contradiction à conserver un système de gestion de l’offre parallèlement au nombre croissant d’accords de libre-échange que nous avons en vigueur aujourd’hui? Pouvons-nous maintenir ce système indéfiniment avec tous les accords de libre-échange que nous avons signés?

M. Greydanus : Le libre-échange n’est pas forcément aussi gratuit que nous pensons. Dans le domaine des pièces d’automobile, par exemple, c’est une chose très fluide et changeante en tout temps.

Il faut examiner le tout dans une perspective de stabilité et de prévisibilité. Si un accord de libre-échange était le résultat final, je pense que ne nous serions pas tous satisfaits. Je ne pense pas que cela se produirait aux termes d’un accord de libre-échange. La gestion de l’offre a pour objet de maintenir cette stabilité et prévisibilité naturellement pour les producteurs, les transformateurs, les collectivités et les provinces où nous habitons. Je ne perçois pas cela comme une contradiction. Vraiment pas du tout. Ce sont tout simplement deux stratégies différentes de production alimentaire pour la population canadienne.

Le sénateur Doyle : Vous avez brièvement évoqué plus tôt les conséquences du fait que les États-Unis aient un plus grand accès au marché canadien. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que seraient les conséquences si les États-Unis pouvaient obtenir un meilleur accès à nos marchés?

M. Klompmaker : J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit plus tôt. D’abord, je ne sais pas à quel point la gestion de l’offre peut continuer à fonctionner comme elle le fait actuellement lorsque nous continuons à accorder de l’accès.

Dès maintenant, une fois que ces deux accords seront complètement mis en œuvre, nous devrons céder 10,8 p. 100 de notre production. Nous croyons qu’à l’heure actuelle, nous pouvons probablement encore fonctionner avec ce niveau d’accès, pourvu que nous ayons une approche disciplinée à l’égard des contingents tarifaires. Si les contingents tarifaires ne sont pas gérés de façon disciplinée, c’est-à-dire de manière à ne pas fausser les marchés, je pense que nous pouvons continuer de fonctionner. Toutefois, il faut se demander quelle sera la part d’accès à laquelle pourra renoncer l’industrie avant que le système de gestion de l’offre ne puisse plus fonctionner?

Je ne connais pas ce chiffre. J’espère ne jamais le découvrir, mais chaque fois que nous concluons un accord commercial, si les secteurs sous gestion de l’offre sont traités comme une monnaie d’échange et qu’ils constituent une sorte de boni pour conclure l’accord, c’est comme si on faisait mourir la gestion de l’offre à petit feu. C’est toujours ce qui nous préoccupe : que nous en abandonnions un petit peu à la fois. C’est très inquiétant.

Le sénateur Doyle : La date fatidique à laquelle vous aurez besoin d’une meilleure indemnisation dans votre industrie pour faire face aux pressions que subit la gestion de l’offre approche-t-elle rapidement?

M. Klompmaker : Aurons-nous besoin d’une meilleure indemnisation à l’avenir?

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Klompmaker : J’espère que nous n’aurons pas besoin de futures mesures d’indemnisation ou d’atténuation et que le gouvernement commencera à reconnaître le fait que pour que le système de gestion de l’offre continue à prospérer, nous ne pouvons plus conclure d’accords commerciaux et céder plus d’accès à nos secteurs sous gestion de l’offre.

Yves Ruel, directeur du commerce et des politiques, Producteurs de poulet du Canada : J’ajouterais comme complément d’information à ce qu’a dit M. Klompmaker que nous fournissons actuellement 7,5 p. 100 de la production de poulet au Canada qui est importée, et que ce pourcentage va augmenter, comme on l’a mentionné, pour atteindre 10,8 p. 100. Ce n’est pas complètement incompatible avec les négociations commerciales parce que nous accordons une part équitable de l’accès par le truchement des contingents tarifaires, de sorte que nous offrons un accès important au marché canadien. Souvent, nous importons beaucoup plus que les pays qui prétendent s’adonner au libre-échange, mais leurs niveaux d’importation ne s’approchent pas de ceux que nous accordons au Canada.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins d’être présents.

Selon le gouvernement du Canada, le PTPGP garantirait de nouveaux débouchés aux exportateurs canadiens de produits laitiers, de volaille et d’œufs. Dans quelle mesure le PTPGP augmenterait-il la valeur des exportations canadiennes vers les pays signataires de cet accord? Avez-vous profité de ces nouveaux débouchés? Que se passe-t-il?

M. Klompmaker : Personnellement, je ne pense pas que l’industrie canadienne du poulet ait la possibilité d’exporter aux pays membres du PTPGP. Nous ne sommes tout simplement pas un pays exportateur de poulet et, comme je l’ai dit, je ne vois aucune possibilité pour nous.

M. Greydanus : Il avait été mentionné que, dans le cadre du PTPGP, il y aurait des débouchés pour le secteur agricole et non pas uniquement pour les produits laitiers, la volaille et les œufs. Cela visait le secteur agricole, qui était en fait le bœuf, le porc, les céréales, les légumineuses et ce genre de choses. C’étaient les secteurs visés, je pense. Je ne sais pas si l’accord stipulait vraiment que c’était dans ce domaine.

Notre principal partenaire commercial est naturellement les États-Unis. À mon avis, le coût de faire des affaires dans un pays où l’hiver n’est pas vraiment un problème — le coût de construire un immeuble en Ontario, où j’habite, ou bien en Géorgie, où j’étais la semaine dernière, représente une différence de coûts de 28 p. 100 en raison de notre hiver et des coûts de chauffage, par exemple.

Pouvons-nous honnêtement dire que nous pourrions rivaliser dans un tel domaine? Nous connaissons ces différences de coûts. À notre humble avis, notre stratégie est plutôt nationale. Je pense que l’Accord de PTPGP était plutôt axé sur nos collègues agriculteurs et sur d’autres produits d’exportation.

Le sénateur Oh : Est-ce que nos prix pour la volaille et les œufs sont concurrentiels sur le marché international?

M. Greydanus : Nous avons toujours tendance à être présents sur le plus gros marché, celui des États-Unis. Nous sommes très concurrentiels face aux autres pays en Europe. Nous n’avons pas tendance à exporter là-bas parce qu’un œuf vivant est un embryon, et ce genre d’œuf ne voyage pas très bien. Notre plus gros marché a plutôt tendance à être celui des États-Unis. Encore une fois, nous avons l’occasion d’exporter là-bas, mais nous le faisons rarement à cause des coûts.

Le facteur le plus important est ce qui profitera à tous les Canadiens. Vous avez raison, je pense que ces accords existent pour une raison, mais les avantages de la gestion de l’offre, d’après moi, dépassent largement les possibles gains d’exportation, car nous offrons à nos producteurs, aux banques et aux autres la stabilité et la prévisibilité. Je crois que c’est là le facteur le plus important.

Le sénateur Oh : Croyez-vous qu’il y a des concurrents d’autres pays qui pourraient venir ici et prendre une part de votre marché ici?

M. Greydanus : Dans le cadre du PTPGP, je ne crois pas que des œufs d’incubation viendraient du Vietnam. Je ne pense vraiment pas que cela se produirait. On prévoyait qu’il y en aurait des États-Unis lorsque ce pays faisait partie du partenariat. Ils n’en font plus partie actuellement. Nous ne pensons pas qu’il y ait beaucoup de possibilités, car c’est un produit tellement délicat. Je ne connais pas la situation du côté du poulet.

M. Ruel : Premièrement, dans le secteur du poulet, il faut comprendre que le Brésil et les États-Unis sont les deux plus gros producteurs au monde avec des coûts de production beaucoup plus bas qu’au Canada, surtout à cause des conditions météorologiques. Il s’agit d’une structure complètement différente.

La production américaine est environ 16 ou 17 fois plus importante que la production canadienne. Bien sûr, leurs coûts de production sont plus bas, car ils sont situés dans le Sud des États-Unis. La production du Brésil est 10 ou 11 fois plus grande que celle du Canada. Le Brésil est le plus grand exportateur au monde. Leurs exportations à elles seules sont trois fois plus importantes que la production totale du Canada. Leur structure de coûts est très différente. La plupart des années, ces deux pays exportent à eux seuls environ 75 p. 100 du poulet dans le monde. Ils dominent très fortement le marché. Le Canada ne fera pas concurrence à ces deux puissances. Nous exportons certains produits spécialisés, mais cela se fait à une échelle complètement différente.

En ce qui concerne les importations des pays du PTPGP, pour répondre à la dernière partie de votre question, nous savons que des importations viendront du Chili. Il y en aura peut-être d’autres pays plus tard, mais il y en a actuellement du Chili. Ils exportent déjà un faible volume de poulet vers le Canada, car le PTPGP n’était pas encore en place. Dès qu’ils l’auront ratifié, ils seront en mesure de profiter de ce nouvel accord, et les contingents tarifaires viendront de ce pays.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Ma question s’adresse à M. Ruel. Dans un premier temps, j’aimerais connaître le pourcentage qu’occupe le Québec dans l’industrie du poulet. Je m’excuse de mon ignorance, mais je n’en sais rien.

Deuxièmement, des compensations ont-elles déjà été accordées à votre industrie dans la foulée de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste?

Troisièmement, vous parlez de normes canadiennes de production qui devraient être imposées aux Américains. Dans le contexte actuel, est-il réaliste de penser que ce scénario pourrait se produire?

M. Ruel : Merci. En ce qui a trait au pourcentage pour le Québec, je n’ai pas le chiffre exact.

[Traduction]

M. Klompmaker : Le pourcentage exact pour le Québec est de 27 p. 100.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

M. Klompmaker : Pour répondre à votre autre question, à savoir si une indemnisation avait été donnée après le PTPGP, non, notre secteur n’en a pas reçu.

Au sujet des normes, je vais vous donner des exemples de ce dont nous parlons et de ce que nous aimerions. Du côté des vaccins, nous les administrons à la ferme ou au couvoir, et il y a une période de restriction de 21 jours pour tous les vaccins administrés soit au couvoir, soit à la ferme. On ne peut pas vendre ce produit pour les 21 jours suivant le vaccin. Dans certains pays, on peut les vendre tout de suite.

Il y a ensuite la classification des antibiotiques. Dans certains pays, les antibiotiques sont classés différemment de la façon dont ils le sont au Canada. Il peut donc se passer ce qui suit : si on prend un produit particulier élevé sans antibiotiques, cet élevage différerait d’un pays à un autre, mais ce poulet pourrait entrer au Canada avec un produit que nous ne pouvons pas utiliser, car il ne correspond pas à notre définition de « élevé sans antibiotiques ».

Il y a aussi la question des additifs des aliments pour animaux. Aux États-Unis, ils peuvent utiliser certains probiotiques qui ne sont pas offerts à nos éleveurs canadiens. Nous aimerions pouvoir avoir accès à ces produits et les faire approuver plus rapidement pour que nos éleveurs puissent les utiliser. Nos éleveurs sont donc désavantagés, car ils doivent faire concurrence à ces produits qui arrivent d’autres pays où ces trois normes sont différentes.

[Français]

M. Ruel : J’aimerais ajouter quelque chose. Il n’est pas vraiment nécessaire d’exiger ou de demander que les normes américaines soient modifiées, mais il faut tout de même réaliser que l’on mondialise le commerce des biens, mais qu’on ne mondialise pas les règles. On est tout à fait d’accord avec l’existence de certaines normes au Canada pour maintenir un haut niveau de qualité, mais il faut également s’assurer que notre industrie est toujours compétitive avec les pays avec lesquels on entretient des relations commerciales et on a conclu des ententes de libre-échange.

Il faut donc s’assurer que, si les biens sont libéralisés, les règles ont également un équivalent.

La sénatrice Miville-Dechêne : Malheureusement, l’expérience montre que les règles qui concernent, par exemple, le niveau des salaires et les conditions de travail ne changent pas quand le libre-échange arrive. Ce n’est donc pas propre à l’industrie du poulet.

Pouvez-vous m’expliquer, parce que je suis vraiment intriguée, ce qu’est l’importation frauduleuse de viande de poulet à griller faussement étiquetée?

M. Ruel : Le poulet à griller est soumis au contrôle des importations, donc à un contingent tarifaire, avec un volume d’importation qui est négocié dans le cadre des ententes de commerce dont on discute aujourd’hui. La poule de réforme n’est soumise à aucun contrôle des importations, donc à aucun contingent tarifaire, et elle peut être importée en volume illimité. Pour certaines découpes, par exemple une poitrine de poulet désossée ou une poitrine de poule de réforme désossée, il n’y a à peu près aucune différence du point de vue visuel pour un inspecteur. Un inspecteur ne peut voir la différence entre l’une ou l’autre.

On a vu souvent, au cours des dernières années, des importateurs canadiens qui importaient du poulet, mais le déclaraient comme de la poule de réforme pour éviter les contrôles douaniers. De cette façon, ils importaient du poulet au Canada en le déclarant faussement comme de la poule de réforme, et il y avait des importations illégales au Canada qui venaient créer des distorsions sur notre marché. Cela en est venu à un point tel que les importations représentaient un niveau qui correspondait à 100 p. 100 du volume de l’abattage aux États-Unis, ce qui était pratiquement impossible.

C’est un dossier que l’on pilote depuis de nombreuses années, et on a travaillé avec l’Université de Trent, en Ontario, pour développer un test d’ADN qui permet de différencier les deux types de viande, de façon à ce qu’il n’y ait plus de fraude aux postes douaniers pour l’importation au Canada.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup, monsieur Klompmaker, vous avez parlé de demander au gouvernement du Canada un engagement qui va au-delà de ce qui a été annoncé en 2015. Avez-vous eu l’impression d’un certain intérêt pour cet engagement? Vous avez énoncé diverses choses. Est-ce qu’on en arrive là dans les discussions à l’échelon du comité?

M. Klompmaker : Au sein du comité, je pense que nous faisons des progrès. Pour l’instant, nous ne pouvons divulguer la teneur de ces discussions. Néamoins, je pense que nous allons respecter l’échéance fixée. Le gouvernement doit faire preuve de volonté, si on veut obtenir ce que nous souhaitons.

Le sénateur R. Black : Existe-t-il un second comité, qui travaille à une vision, comme c’est le cas dans le secteur laitier? Avez-vous, vous aussi, deux comités?

M. Klompmaker : Non.

Le sénateur R. Black : Monsieur Greydanus, vous avez parlé d’autres ministères et avez recommandé la participation d’autres ministères. Pourriez-vous nous en dire plus?

M. Greydanus : Si on passe à un crédit d’impôt, l’une des stratégies sur laquelle nous nous concentrons, à ce que je comprends, EEC n’y pourrait probablement rien; il faudrait naturellement l’apport du Trésor, je pense. C’est notre raisonnement.

Le sénateur R. Black : Dans l’Ontario Farmer de la semaine dernière, à la troisième page, on lit que les producteurs laitiers se font conseiller de se préparer à la déclaration de Nairobi. C’est la première fois que je lis quelque chose là-dessus. Y a-t-il lieu de s'inquiéter du côté de la gestion de l’approvisionnement pour les secteurs des œufs d’incubation ou de la production de poulet? Devriez-vous vous en inquiéter?

M. Greydanus : Je laisserai Yves répondre à cette question.

M. Ruel : Je n’ai pas lu cet article. Il s’agit probablement de l’accord de Nairobi qui élimine les subventions à l’exportation. Les secteurs des œufs d’incubation et de la volaille ne reçoivent pas ces subventions.

Le sénateur R. Black : Il n’y a pas là d’inquiétude.

M. Ruel : Non.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie. C’est tout pour mes questions.

Le sénateur C. Deacon : Je pense que, en ce qui concerne l’explication au sujet de la durée de conservation si courte et du secteur des œufs d’incubation, il importe d’expliquer aux Canadiens et à d’autres pourquoi votre secteur devrait être protégé. C’est une nuance que je ne comprenais pas.

Pour ce qui est de la volaille, j’ai eu une entreprise et j’ai tenté d’exporter vers le Brésil. Les obstacles non tarifaires étaient plus difficiles à franchir que tout tarif quand on essayait de faire entrer des produits. Il nous faut des règles équitables. Je m’inquiète beaucoup de ce que les règlements canadiens auxquels vous devez adhérer ne s’appliquent pas, ou ne sont pas appliqués aux produits que nous importons. Je pense que les Canadiens s’attendent à ce que les mêmes normes s’appliquent partout.

S’il y a une raison fondée sur les faits pour ces règles dans le marché canadien, comment pouvons-nous nous assurer que les produits importés soient assujettis aux mêmes normes? Est-ce que les accords commerciaux le permettent? Il est certain que l’on souhaite un marché où tout est comparable. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre démarche pour obtenir de l’aide afin d’accéder aux marchés mondiaux? Je suis fermement convaincu qu’on ne doit jamais avoir une stratégie de défense. Il faut une stratégie offensive en vue de dominer et d’être le plus concurrentiel possible à l’échelle mondiale. Ce sont là les deux éléments opposés.

M. Ruel : Il y a là quelques éléments.

Tout d’abord, pour ce qui est des règles, certaines qui portent sur les produits importés sont appliquées par l’ACIA et d’autres instances au Canada. Avec le temps, on nous demande aussi d’élaborer de plus en plus de normes, par exemple, comme le disait tout à l’heure Tim, pour le retrait des vaccins, qui n’est pas imposé à d’autres pays. Cela ne rend pas forcément le produit insalubre, mais nous voulons adhérer aux normes élevées du Canada. Cela ne signifie pas que le produit qui vient d’ailleurs est insalubre, mais il ne répond pas aux mêmes normes que nous devons appliquer.

Par exemple, nous avons élaboré des pratiques de biosécurité dans les fermes, des programmes de sécurité alimentaire et des soins des animaux qui sont obligatoires pour toutes les exploitations agricoles canadiennes. Tous les pays n’ont pas nécessairement ces pratiques et programmes. Les gens de l’ACIA qui veillent sur l’importation des produits n’ont pas à s’assurer qu’ils ont été assujettis aux mêmes programmes de soins des animaux.

C’est le genre de choses dont il s’agit ici. Ce ne sont pas nécessairement des choses qu’exige le gouvernement, mais elles sont logiques, et c’est ce que souhaitent les Canadiens.

Le sénateur C. Deacon : Ce pourrait être plus une question d’image de marque et de valeur pour la clientèle, dans votre industrie, qui fait que vos clients ne reconnaissent pas la qualité supérieure des produits canadiens et ne font que voir sur les étagères des poitrines de poulet en pensant qu’elles sont toutes pareilles. Il me semble que ce pourrait être une belle occasion pour vous sur le marché canadien.

M. Ruel : Nous avons créé une image de marque pour le poulet élevé par un agriculteur canadien avec le logo du poulet entouré d’un cercle rouge. Nous essayons de promouvoir autant que possible cette image. C’est pourquoi, dans la mesure d’atténuation que nous demandons, il y en a une d’importance, à savoir une initiative de développement du marché qui nous permet de faire de la promotion. Parce que nous avons constaté, surtout après la conclusion du nouvel accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, que beaucoup se demandaient comment reconnaître que leur poulet était bien canadien. Nous avons maintenant cette image de marque, avec un nombre de plus en plus grand de partenaires.

Le sénateur C. Deacon : On dirait que ce pourrait aussi être une belle occasion du point de vue des exportations pour vendre un produit de qualité supérieure à l’échelle mondiale. Cela me semble être une initiative très importante.

M. Ruel : Il est certain que nous y travaillons, c’est un besoin flagrant à l’échelle nationale, et ce pourrait être une occasion d’exportation ultérieurement.

Actuellement, les volailles et le poulet sont certainement un produit de base en matière d'exportations mondiales. Il n’y a pas tant d’autres produits. Nous exportons des produits spécialisés de qualité supérieure, ou pour des besoins particuliers, mais à très petit volume.

Le sénateur C. Deacon : Pouvez-vous nous dire plus précisément comment nous pouvons nous protéger contre des pratiques que nous ne jugeons pas souhaitables, qui peuvent être appliquées dans une exploitation agricole, une installation du Brésil ou — je n’aurais pas dû désigner un pays en particulier — dans un autre pays? Des pratiques qui ne sont pas appliquées ici. Que recommanderiez-vous au gouvernement du Canada de mettre en place pour faire en sorte que les Canadiens aient accès au même type de produit ou qu’ils sachent que c’est un produit différent, et que ce soit bien clair?

M. Klompmaker : Des accords sont conclus entre les pays. Il faudrait que le Canada ait un accord vétérinaire avec le Brésil. Je ne sais pas exactement comment certaines normes de salubrité alimentaire ou de pratiques de soins aux animaux sur les fermes pourraient être intégrées à un tel accord. Je pense qu’il faudrait encourager le gouvernement à tenter de régler certaines de ces questions.

Le sénateur C. Deacon : Ou qu’on signale la différence dans les produits...

M. Klompmaker : Ou à tout le moins qu’on signale la différence, c’est exact.

Le sénateur C. Deacon : ... ou sur les tablettes.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je comprends que les différents accords de libre-échange ouvrent le marché canadien aux producteurs internationaux, ce qui n’est pas très favorable pour les producteurs canadiens d’œufs et de volaille, entre autres, à cause des différents facteurs que vous avez déjà énoncés.

Compte tenu de cette situation, ne devrions-nous pas nous concentrer sur le développement de produits propices à l’exportation? Le gouvernement fédéral ne devrait-il pas encourager le développement de produits spécifiques pour les marchés internationaux?

[Traduction]

M. Klompmaker : Comme vous le disiez, nous exportons certains produits. Il s’agit notamment de produits biologiques, des produits casher, qui viennent de l’Ontario; mais à part cela, nous n’exportons pas beaucoup.

Comme on le disait tout à l’heure, la plupart du temps, les produits qui sont exportés dans le monde sont des produits de poulet de base. Ce n’est pas un créneau très lucratif. Bien souvent, il ne s’agit pour les pays que de faire sortir des produits. Je n’y vois pas à gagner pour nous. Nous devrions pouvoir élargir les créneaux dans lesquels nous sommes déjà, mais je le répète, ils sont très restreints.

La sénatrice Gagné : Même avec l’image de marque canadienne?

M. Klompmaker : Une image de marque canadienne semble être de plus en plus reconnue sur certains des produits d’exportation. C’est ce que nous ont dit certaines personnes qui les produisent. Pour ce qui est de l’afficher sur les produits de base, je n’y vois pas grand intérêt pour les pays qui importent ces produits.

La présidente : Merci. Les brillantes questions que j’avais à poser ont déjà été posées par d’autres.

Ceci nous amène à la fin de ce groupe. Nous avons quelque peu débordé notre horaire, mais ce n’est pas grave parce que la discussion a été des plus intéressantes. Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence aujourd’hui. Vous nous avez formulé des recommandations excellentes et très précises dans vos exposés, et je pense que les questions posées ont permis d’obtenir de plus amples détails. C’est très apprécié.

Pour notre prochain groupe de témoins, nous avons Les Éleveurs de dindon du Canada, représentés par M. Phil Boyd; des Producteurs d’œufs du Canada, nous avons M. Emmanuel Destrijker, membre exécutif, et Mme Judi Bundrock, directrice de la Politique commerciale internationale.

Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd’hui. Nous aimerions que vous prononciez vos remarques liminaires. Comme vous connaissez la façon de faire, elles seront suivies des questions des sénateurs.

Commençons donc par M. Boyd.

Phil Boyd, directeur exécutif, Les éleveurs de dindon du Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui. Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner au sujet de défis auxquels nos agriculteurs et le secteur agricole font face depuis l’adoption du PTPGP et de l’ACEUM, nouvelle mouture de l’ALENA.

Il y a environ une semaine, nous avons envoyé un mémoire qui contient certains détails concernant le secteur agricole. Je ne les répéterai pas pour ne pas perdre du temps.

Ce n’est pas la première fois que nous venons témoigner au Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts. Nous l’avons fait à trois ou quatre reprises au fil des ans, une fois pour parler de nos recherches et une autre fois au sujet du PTP qui était alors à l’étude. À l’époque, nous vous avons fait part des préoccupations de notre secteur quant à la façon dont se déroulaient les négociations et ce à quoi ressemblerait la version finale de l’accord.

Nous avons clairement exprimé nos préoccupations à ce moment-là. Aujourd’hui, ces inquiétudes se sont concrétisées. L’accès accru au marché prévu dans les deux accords se fait au détriment de notre secteur et de nos agriculteurs. Cela dit, nous sommes heureux de pouvoir aujourd’hui vous parler de certains détails.

Pour vous donner une vue d’ensemble de la situation, nous allons vous parler des conséquences globales du PTPGP et de l’ACEUM. Vous pouvez obtenir davantage de détails à leur sujet dans nos mémoires. Le PTPGP a eu des conséquences beaucoup plus néfastes sur notre secteur que le nouvel ALENA.

D’après ce que nous avons appris, les gouvernements se sont succédé et ont, en fait, augmenté l’accès au marché à l'issue des négociations commerciales pour notre secteur et d’autres dont les représentants sont déjà venus témoigner devant vous ou viendront le faire. Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie. Cela affaiblit notre secteur, la production agricole et le flux de production de nos usines. De plus, nous en sommes maintenant à un point où il nous faut discuter de stratégies d’atténuation des conséquences en raison des marchés perdus. Cela n’est pas du tout ce à quoi aspire notre secteur.

En les combinant, les deux accords représentent pour notre secteur une augmentation de 90 p. 100 en matière d’accès au marché. Cela représente presque le double de l’accès au marché historique que nous avions eu par suite des décisions prises par l’OMC et de l’ancien ALENA.

Les fermes canadiennes seront frappées de plein fouet. On estime que d’ici six ans, la concurrence s’élèvera à 8,6 millions de kilos. Cela découle du PTPGP. Il y aura une phase initiale sur 6 ans, puis la tendance va se poursuivre pendant 19 ans en tout. L’accord Canada-États-Unis-Mexique augmentera la concurrence d’un autre million. Au bout de 19 ans, notre marché aura été frappé d’une concurrence de 10,5 millions de kilos. De plus, notre production agricole et le flux de production de nos usines auront diminué.

M. Greydanus a dit plus tôt que cela représentait un coût de renonciation dans nombre de nouvelles fermes. De notre côté, nous estimons que ces montants générés à la suite de l’accès au marché accru représentent entre 20 et 25 nouvelles fermes. D’un point de vue négatif, les accords nous coûteraient environ 20 à 25 fermes. Notre perception des choses aura une incidence sur les mesures que nous prendrons.

Nous avons été heureux d’apprendre que le gouvernement a respecté l’engagement qu’il a pris d’examiner les mesures et les programmes d’atténuation. Le groupe de travail qui avait été annoncé à la fin de l’automne dernier a entamé ses travaux. Ce groupe de travail se concentre sur les deux accords. Nous en sommes heureux, car tous deux sont très importants. Nous sommes tout à fait ravis de participer au processus et de pouvoir apporter réellement notre contribution tout au long de celui-ci. Jusqu’à présent, nous croyons fermement avoir été écoutés avec attention lors des séances du groupe de travail. De plus, nous avons eu des discussions constructives avec le groupe de travail quant à l’avenir qui se dessine.

D’un point de vue technique, il nous reste certaines choses à peaufiner, mais nous sommes déjà en train de le faire. Nous sommes sur la bonne voie. Nous comprenons que même si le groupe de travail engendre de bons résultats, ce seront les maîtres politiques qui décideront au final de l’ensemble des mesures et des éléments qui en feront partie.

On souhaite que le gouvernement honore les engagements qu’il a pris au fil du temps et qu’il travaille avec nos secteurs à mettre en place les éléments d’un mécanisme d’atténuation des risques qui va résoudre les problèmes à court terme et, plus particulièrement, les problèmes à moyen et à long terme auxquels nous serons confrontés.

Vous avez entendu parler plus tôt des cinq éléments des principes de l’ensemble des programmes d’un système d’atténuation des risques — vous l’appellerez comme vous le voulez — dont on a parlé. En l’occurrence : le développement des marchés, certains incitatifs à l’investissement — peut-être grâce à un crédit d’impôt — l’allocation des contingents tarifaires, le besoin administratif de soutenir l’industrie nationale, et le fait de contourner les mesures d’importation en place maintenant et d’ensuite maintenir la production canadienne et les pratiques de transformation, ce qui a été discuté en long et en large dans le groupe précédent.

Le point qui est vraiment important à retenir c’est qu’une dinde n’est pas un œuf, une dinde n’est pas un poulet, un poulet n’est pas un œuf, un œuf de consommation n’est pas un œuf à couver. Nous avons tous différentes nuances dans nos marchés. Avec ces cinq principes clés, qui ont du bon sens, on cherche la flexibilité pour répondre à nos besoins précis du marché dont on parle.

Nos besoins dans le secteur de la dinde se concentrent vraiment sur le développement des marchés. Peut-être que c’est moins un problème dans l’industrie du poulet à certains égards, comme vous l’avez entendu aujourd’hui. Il s’agit d’une question d’ampleur et de savoir où nos marchés se situent en termes de consommateurs canadiens.

Nous nous attendions vraiment à ce que, lors de l’annonce de ces accords, le gouvernement ne parle pas seulement des concessions faites dans l’accès au marché, mais aussi des occasions qui se présentent pour nos secteurs grâce à ces négociations. On en a déjà discuté dans le groupe précédent. On s’attendrait à ce que tout gouvernement dise cela. La façon dont les choses se manifestent au jour le jour est une autre histoire qui nous amène un certain nombre de problèmes. Peut-être que pendant la période des questions et réponses nous pourrons discuter des secteurs où nous voyons des occasions ou un manque de débouchés.

Nous apprécions vraiment l’occasion qui nous est donnée d’être ici. Pour faire un sommaire rapide, notre secteur a subi les effets négatifs des deux accords. Je vous rappelle qu’il s’agit d’une augmentation de 90 p. 100 de l’accès au marché. C’est un choc pour tout système de marketing, peu importe la durée. Le PTPGP doit être mis en place sur une période de 19 ans. On chercherait à ce que les dommages qui en découleraient pendant cette période soient pris en compte dans l’ensemble de mesures d’atténuation des risques qui tiendrait compte des cinq composantes dont nous avons discuté. Nous soulignons le besoin d’une flexibilité propre à chaque secteur dans la façon dont cela se manifeste.

Comme je l’ai dit plus tôt dans mes commentaires, les gouvernements successifs ont décidé de trouver des solutions aux négociations commerciales en augmentant les contingents tarifaires non seulement pour le secteur de la dinde, mais pour les quatre autres secteurs qui fonctionnent selon la gestion de l’offre. C’est un coup terrible à faire payer à quelques producteurs pour que ce soit mis en place. Nous comprenons la dynamique des négociations commerciales. Nous comprenons pourquoi tout cela se produit. Nous comprenons également qu’il n’est pas nécessaire que tout cela se produise à l’avenir lorsqu’on des négociations soit pour le Mercosur, par exemple, ou peut-être même dans le cadre de l’OMC, car nous nous inquiétons du fait que les choses aient pris un certain élan.

L’ensemble des mesures d’atténuation des risques qu’on recevra est très important à court et à moyen terme pour nos agriculteurs. Nous avons hâte de voir vos recommandations et vos idées ainsi que votre influence à l’issue de cette étude lorsque vous formulerez vos recommandations au gouvernement dans l’intérêt de nos agriculteurs.

Encore une fois, merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé. J’ai parlé plutôt rapidement pour ne pas répéter ce qui a déjà été dit plus tôt et ce qui se trouve dans le document devant vous.

La présidente : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant entendre les producteurs d’œufs.

[Français]

Emmanuel Destrijker, membre exécutif, Les producteurs d’œufs du Canada : Merci. Je vais faire la présentation en français.

Je vous remercie, madame la présidente, et je vous remercie de nous recevoir ici aujourd’hui.

Les producteurs d’œufs du Canada se félicitent de pouvoir donner leur point de vue sur le soutien, l’indemnisation des secteurs agricoles et la gestion de l’offre en ce qui concerne l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste et l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ainsi que d’autres initiatives ayant trait aux négociations commerciales internationales et à leurs conséquences éventuelles sur notre secteur.

Je m’appelle Emmanuel Destrijker, et je suis producteur d’œufs depuis deux générations dans la région de Plessisville, au Québec. Je suis membre du comité exécutif des producteurs d’œufs du Canada. Je suis accompagné aujourd’hui par Mme Judi Bundrock, qui est directrice de la politique commerciale internationale pour Les producteurs d’œufs du Canada. Nous répondrons volontiers à vos questions à la suite de nos présentations.

Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui avec nos confrères aviculteurs qui représentent les producteurs d’œufs, de poulet, de dindon et d’incubation du Canada.

Les producteurs d’œufs du Canada ont pour mandat de gérer l’offre pour les œufs à l’échelle nationale et de promouvoir leur consommation, tout en veillant aux intérêts des producteurs d’œufs réglementés de tout le pays.

Il y a plus de 1 000 fermes avicoles au Canada, situées dans toutes les provinces et dans les Territoires du Nord-Ouest, qui se consacrent à la production d’œufs frais, locaux, que les Canadiens veulent et apprécient. Un sondage réalisé par l’un des plus grands instituts de sondage canadien a, en effet, confirmé que plus de 88 p. 100 des Canadiens estiment important que les œufs qu’ils achètent proviennent du Canada.

Nous comprenons très bien l’importance du Partenariat transpacifique et de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique pour le Canada et l’économie. Il n’en demeure pas moins que nos membres sont déçus et préoccupés par leurs conséquences.

Bien que le système de la gestion de l’offre du Canada soit maintenu, les deux accords ouvrent davantage notre marché intérieur aux importations d’œufs. Ces accords commerciaux auront des répercussions durables, en particulier sur nos jeunes producteurs qui démarrent dans notre industrie et sur les consommateurs canadiens qui, eux, préfèrent acheter des œufs canadiens. Notre principal sujet de préoccupation est l’accès accru au marché des œufs.

Dans le cadre du PTPGP, le gouvernement n’a pas suspendu les concessions sur l’accès au marché convenu pour les œufs dans l’accord initial du Partenariat transpacifique, qui répondaient essentiellement à des demandes faites par les États-Unis alors que ceux-ci se sont maintenant retirés de l’accord. Par conséquent, l’accord du PTPGP donne inutilement accès au marché canadien des œufs à hauteur d’environ 19 millions de douzaines d’œufs par an à la fin d’une période de mise en œuvre de 18 ans. La conclusion du PTPGP a entraîné une plus grande pression sur l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, qui accorde aux États-Unis plus de 11 millions de douzaines d’œufs de plus par an, à la fin d’une période de mise en œuvre de 16 ans. Si on ajoute l’accès au marché accordé par le PTPGP et l’Accord Canada—États-Unis—Mexique aux exigences des règles de l’Organisation mondiale du commerce, les œufs étrangers pourraient représenter, au total, 7 p. 100 de la production intérieure actuelle, soit 51,4 millions de douzaines d’œufs.

Je comprends que cela fait beaucoup de chiffres, et vous avez entendu des chiffres de nos collègues aussi. C’est l’équivalent de la production annuelle de près de 85 fermes avicoles canadiennes de taille moyenne. Est-ce beaucoup de fermes? Quatre-vingt-cinq fermes, pour notre secteur, cela représente la production du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador. Cela représente la production de ces quatre provinces. C’est cela, l’impact pour notre secteur. Ce sont des milliards d’œufs que mes confrères producteurs et nos enfants ne produiront jamais, et ce sont des conséquences qui seront subies pour toujours par des générations de producteurs d’œufs. Les effets se feront également sentir sur la santé et la viabilité des collectivités rurales de l’ensemble du Canada, qui dépendent de nos exploitations pour la création d’emplois ruraux indispensables et pour le soutien aux autres entreprises de nos collectivités.

Notre priorité est de travailler avec le gouvernement pour nous assurer que nous disposons des outils nécessaires à la gestion de notre industrie dans le contexte de ces nouveaux accords commerciaux, tout en gardant à l’esprit la prochaine génération de producteurs.

Comme mes confrères l’ont indiqué, nous avons présenté cinq stratégies d’atténuation afin de répondre aux besoins des producteurs touchés par l’ouverture de l’accès aux marchés accordés en vertu des accords commerciaux. Il s’agit d’un programme de crédit d’impôt à l’investissement, d’un fonds de développement des marchés, de l’attribution de contingents tarifaires conçus pour causer le moins de distorsion possible sur le marché intérieur, de la consolidation du contrôle des importations et de l’assurance que tous les produits d’œufs et de volaille importés respectent les normes élevées pratiquées par les producteurs canadiens.

Ces travaux ont partiellement commencé, et nous avons hâte de poursuivre notre action avec le gouvernement, y compris les représentants d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et Affaires mondiales Canada. Nous pensons qu’il est essentiel de tenir des consultations exhaustives et nous sommes heureux de participer au processus.

J’aimerais conclure en soulignant l’importance d’obtenir d’un résultat tangible à la fin de la consultation et de trouver une solution suffisamment souple qui prend en compte les réalités de chaque partie du secteur de la volaille de façon significative, tout en indemnisant de manière équitable et complète les pertes de nos industries. On a créé un problème à long terme, on aura besoin d’une solution à long terme.

J’ajoute que nous suivons de près les activités de l’OMC et l’accord de libre-échange entre le Canada et le Mercosur et que nous prévoyons l’intensification de ces pourparlers en 2019.

Tout au long de ces discussions, nous avons l’intention de rappeler au gouvernement que la gestion de l’offre et la sécurité alimentaire de nos collectivités ne peuvent plus servir de monnaie d’échange dans de futures négociations commerciales. L’enjeu est non seulement la stabilité de nos exploitations agricoles, mais aussi la capacité des collectivités rurales à prospérer.

Je vous remercie de nous avoir donné l’occasion d’exprimer notre point de vue. Nous sommes maintenant impatients de répondre à vos questions et de poursuivre la discussion sur le soutien et l’indemnisation des secteurs agricoles sous le régime de la gestion de l’offre par rapport aux récents accords commerciaux internationaux. Merci.

[Traduction]

La présidente : Merci pour votre présentation.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Je trouve le sujet très intéressant. Je viens de passer quelques semaines aux États-Unis. J’ai eu le plaisir d’entendre le discours à la nation de M. Trump, qui se vantait que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique était le meilleur accord pour les États-Unis et pour tous les pays, et qu’ils avaient subi une influence de la part du Canada qui n’était pas nécessairement bonne pour leur pays. Nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec lui.

Cela dit, j’aimerais que l’on discute des mesures compensatoires. Le gouvernement en place a annoncé des mesures compensatoires. Avez-vous reçu des sommes d’argent pour ces mesures compensatoires? Il y en a eu avec l’Accord de Partenariat transpacifique. À combien pouvez-vous évaluer les dommages? Le fait que les États-Unis ou d’autres pays exportent davantage de produits au Canada va vous désavantager. Avez-vous reçu des mesures compensatoires? Si oui, à combien s’élèvent-elles? Combien recevrez-vous avec la signature des futurs accords?

[Traduction]

M. Boyd : Merci beaucoup pour votre question, sénateur Dagenais. Non, ni les agriculteurs ni un secteur de l’industrie n’ont reçu la moindre somme d’un fonds d’atténuation découlant du PTPGP. Le groupe de travail se concentre plutôt sur les deux accords ensemble et sur l’impact cumulatif du PTPGP et de l’AEUMC. Nous en sommes à l’étape du groupe de travail et des détails techniques des dommages qui pourraient être quantifiés. Nous avons encore du travail à terminer. Nous allons travailler de concert avec le groupe de travail à préparer des recommandations de l’industrie pour le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire en temps opportun. Nous avons une rencontre prévue avec le groupe de travail le 18 mars, et nous allons finaliser les détails et préciser nos recommandations collectives au ministre. Bref, nous n’avons reçu aucun montant soit directement ou dans une sorte de fonds de développement des marchés ou d’indication d’incitatif fiscal pour des investissements.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je comprends qu’aucune mesure compensatoire n’a été payée et que vous en êtes à évaluer les dommages. Pour recevoir des mesures compensatoires, il faut être en mesure d’évaluer les dommages qui vous ont été causés. Monsieur Destrijker, avez-vous reçu des mesures compensatoires? Avez-vous évalué les dommages, pour indiquer au gouvernement le niveau de vos pertes et les mesures compensatoires que vous estimez être en mesure de recevoir?

M. Destrijker : Je vous remercie, sénateur. Nous en sommes au même niveau que nos collègues producteurs de dindon. Jusqu’à présent, nous n’avons rien reçu, directement ou indirectement, en raison de cette entente ou même des ententes précédentes. Nous faisons partie du comité de travail. Nous y siégeons tous ensemble et nous en sommes à évaluer les dommages qui vont affecter notre industrie.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais continuer sur la lancée de mon collègue, le sénateur Dagenais. Les producteurs de lait qui ont comparu nous ont dit avoir évalué les dommages à 450 millions de dollars de pertes par année. Êtes-vous mal à l’aise à l’idée de nous livrer le niveau de vos pertes parce que vous êtes en négociation, ou avez-vous de la difficulté à évaluer le coût de ces accords pour l’industrie?

M. Destrijker : Nous ne sommes pas mal à l’aise à cause de discussions ou de négociations. Nous sommes mal à l’aise parce que nous n’avons pas encore terminé le travail. Nous voulons nous assurer d’avoir de bons impacts à long terme sur notre industrie. C’est vraiment pour cette raison.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une autre question sur le développement des marchés. J’ai été agréablement surprise d’apprendre que, dans le cas du dindon et des œufs, vous jugiez que le fait de développer des marchés à l’extérieur du Canada serait une solution ou une façon de limiter les dégâts. Pour le poulet, on nous disait qu’il était impossible d’être compétitif à l’étranger en raison des coûts de chauffage. Ce n’est pas le cas pour le dindon ou les œufs?

M. Destrijker : Je ne sais pas d’où cela vient, mais nous sommes dans la même situation que nos confrères. La ferme moyenne au Canada compte environ 24 000 poules pondeuses. La ferme moyenne aux États-Unis compte un million de poules pondeuses. Nous voulons pouvoir nous battre contre ces entreprises multinationales qui, dans la plupart des cas, sont des entreprises complètement intégrées. Cependant, pour le faire, il faut des armes et nous n’en avons pas.

La sénatrice Miville-Dechêne : Comment pouvez-vous développer des marchés dans ces conditions ?

M. Destrijker : À court terme, nous n’avons pas l’intention de développer des marchés. Nous voulons nous assurer de respecter le marché canadien et de répondre aux besoins de nos consommateurs. Il faut des stratégies à long terme pour être en mesure de développer des marchés.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente : Monsieur Boyd, souhaitez-vous faire des commentaires?

M. Boyd : Je suis désolé. Je n’ai peut-être pas été clair dans mes remarques. Nos initiatives de développement des marchés sont des initiatives qui visent les marchés intérieurs. Mes excuses si je n’ai pas été aussi clair que j’aurais pu l’être.

La sénatrice Miville-Dechêne : Peut-être que c’était moi.

M. Boyd : En termes de marchés extérieurs, ces accords n’ont pas ouvert beaucoup de débouchés dans les marchés d’exportation. Les deux plus grands exportateurs de viande de dindon au monde sont les États-Unis et le Brésil, qui est un partenaire dans le Mercosur, alors nous nous préoccupons un peu de la façon dont la situation va évoluer.

Le Chili est le pays qui, sous le PTPGP, va exporter de la viande au Canada. Par le passé, de la viande de dindon chilienne est entrée au pays en utilisant une proportion significative de l’accès au marché offerte aux fournisseurs chiliens par les importateurs canadiens.

Nous avons entendu dire que le PTPGP offrirait peut-être une occasion au Mexique. Eh bien, pas vraiment. Les États-Unis sont le premier fournisseur au Mexique. Le Mexique est probablement leur plus grand marché. Ils se concentrent sur le marché mexicain et le nouvel AEUMC va garder la porte ouverte pour le flux de produits américains au Mexique.

Pour vous donner une idée de l’échelle, l’industrie américaine est environ 15 fois plus importante que l’industrie canadienne, alors nous allons nous concentrer sur le développement de notre marché intérieur. Nous avons de bonnes protéines pour le régime alimentaire des Canadiens et c’est vraiment sur cela que nous allons nous concentrer. Lorsqu’on parle de développement des marchés, on se concentre vraiment sur le fait que les Canadiens mangent davantage de dindon canadien.

Le sénateur Mercer : On a fait allusion à des programmes qui pourraient aider à atténuer les dommages causés. Les producteurs d’œufs ont parlé du programme de crédit d’impôt et de la pleine compensation des pertes. Je retourne à ma préoccupation originale qu’il y a un poste budgétaire dans le budget futur qui montrerait les paiements directs soit aux agriculteurs, soit aux groupes d’agriculteurs dans le système de gestion de l’offre, retirant ainsi une des premières lignes de défense des opposants du système de gestion de l’offre. Il y a beaucoup d’opposants à la gestion de l’offre au Canada. Encore plus important, plusieurs de ces opposants se trouvent dans cette ville et sont des députés ou des sénateurs. On vient de leur donner des munitions.

En tant que défenseur de la gestion de l’offre, quel sera mon message maintenant? Auparavant je disais : « Il n’y a aucun poste budgétaire dans un budget qui montre que le gouvernement du Canada verse du financement aux agriculteurs dans le secteur de la gestion de l’offre. » Comment vais-je transmettre ce message maintenant?

[Français]

M. Destrijker : Je vais répondre de mon mieux à votre question. La gestion de l’offre représente un contrat social entre le gouvernement, les Canadiens et les producteurs d’œufs qui sont sous le régime de la gestion de l’offre au Canada.

Selon moi, dans le cadre des dernières négociations commerciales, une partie du contrat ou une partie de l’entente a été rompue à cause des brèches qui ont été créées au sein du système de gestion de l’offre. La gestion de l’offre est faite pour combler les besoins canadiens en œufs, en poulet, en dindon et en œufs d’incubation. Cependant, avec ces nouvelles ententes, une partie du contrat a, selon moi, été brisée.

Je comprends que votre rôle est de défendre cette ligne que vous n’aimez pas dans le budget; je ne l’aime pas non plus, et j’aimerais mieux ne pas y voir cette ligne. J’aimerais mieux pouvoir continuer à produire des œufs pour mes concitoyens canadiens que d’avoir une ligne à ce sujet dans le budget.

[Traduction]

La présidente : M. Boyd voudra peut-être dire quelques mots à ce sujet.

M. Boyd : En plus du contrat social dont parlait Emmanuel, il y a un certain nombre de choses. Il y a une forte différence entre l’indemnisation et la subvention continue. L’indemnisation pour la confiscation d’une partie d’un marché est une explication logique en termes d’atténuation. C’est surtout pour cette raison que les Éleveurs de dindon du Canada ne demandent pas de paiements compensatoires directs aux agriculteurs. Nous voulons utiliser notre argent pour investir dans la santé à moyen et à long terme du secteur.

La propriété nationale est également menacée par la réduction de la gestion de l’offre. Le contrat social a été mentionné, mais il y a un accord fédéro-provincial qui lie les provinces dans un système national de commercialisation et qui permet la production continue de volaille et d’œufs dans presque toutes les provinces du pays. Dans notre cas, il s’agit de huit provinces. Seules Terre-Neuve et l’Île-du-Prince-Édouard n’y participent pas. Cela contribue à la santé économique des régions rurales.

Votre question est valide pour plusieurs raisons. Nous pensons qu’il y a des réponses valables. Nos membres ne veulent pas non plus être dans le budget.

Enfin, au fil du temps, les gouvernements ont promis beaucoup d’argent pour le développement à de nombreux secteurs agricoles — des millions de dollars au total. Nos groupes n’ont pas réellement profité de cet argent, mais étant donné les concessions faites dans notre marché, je suppose que nous en sommes à un point où nous avons un peu de travail de développement à faire pour compenser les dommages. Voilà pourquoi je pense que nous travaillons sincèrement avec le groupe de travail pour en arriver au montant adéquat.

En terminant, nous sommes tout à fait d’accord, monsieur le sénateur, qu’il y a beaucoup de critiques de la gestion de l’offre. Je pense que vous soulevez un point valable. Cependant, ce n’est pas parce qu’il y a des critiques qu’elles sont nécessairement fondées. Nous continuerons à défendre la gestion de l’offre à long terme et à tenter de réduire les répercussions pour nos agriculteurs.

Le sénateur Mercer : Je sais qu’ils n’ont pas raison. J’encourage tous les groupes de la gestion de l’offre à redoubler d’efforts parce que ces gens ont demandé des changements que ceux d’entre nous qui appuient la gestion de l’offre ne veulent pas voir. Je pense que l’une des réponses à la question est l’innovation qui peut se produire dans le secteur. Voyons si on peut faire en sorte que l’exportation fonctionne.

Je sais combien c’est difficile pour certains produits, mais nous fabriquons des produits de qualité. Je pense que les agriculteurs canadiens, que ce soit dans le domaine de la gestion de l’offre ou ailleurs, sont parmi les gens les plus innovateurs au pays. Je vous souhaite bonne chance.

La présidente : Madame Bundrock, avez-vous quelque chose à ajouter?

Judi Bundrock, directrice, Politique commerciale internationale, Les Producteurs d’œufs du Canada : Oui, j’ai un bref commentaire à ajouter à ce qui a déjà été dit par mes collègues.

Je pense qu’il y a beaucoup de critiques à l’égard de la gestion de l’offre, mais il y a aussi une bonne nouvelle dans ce récent sondage qui montre que 88 p. 100 des Canadiens appuient la gestion de l’offre. Il est également important de garder cela à l’esprit lorsque vous parlez de la gestion de l’offre et de la défense du système.

Le sénateur Mercer : Vous devriez le rappeler aux politiciens. Leur dire que cela leur rapporte des votes.

Le sénateur R. Black : Une question rapide à M. Boyd à propos du mémoire des Éleveurs de dindon du Canada. Il y a trois pourcentages différents mentionnés à la page 3 de votre document. Le premier porte sur l’augmentation de l’accès aux importations de près de 90 p. 100 à la suite des deux accords. Quelques lignes plus loin, on parle d’une perte de production agricole annuelle de près de 6 p. 100 à l’échelle nationale. Et plus bas, sous la rubrique « Soutien annoncé par le gouvernement fédéral », il est question de l’accès et du fait que ce qui nous sera accordé s’élève à 2 p. 100. Pouvez-vous expliquer ces trois chiffres encore une fois?

M. Boyd : Bien sûr. Merci de votre question, sénateur Black. Nous passons d’environ 5,6 millions de kilogrammes d’accès à l’heure actuelle à environ 10 millions de kilogrammes. C’est l’augmentation de 90 p. 100. On double l’accès.

Le sénateur R. Black : Vous voulez dire ce qui peut entrer?

M. Boyd : C’est ce qui entrera au Canada. C’est du côté de l’importation.

Il s’agit d’une perte d’environ 6 p. 100. Cela équivaut à 10,5 millions de kilogrammes de dindon de poids vif, c’est donc la pièce de remplacement.

Le chiffre de 2 p. 100 s’inscrit en grande partie dans le contexte du PTPGP. Nous envisagions une augmentation de l’accès qui, selon le gouvernement, représentait environ 2 p. 100 de notre production en 2014-2015, je crois. Cela ne semble pas beaucoup, mais il faut savoir que ce qui arrivera sur notre marché sera de la viande de poitrine désossée et sans peau. Un kilogramme de cette quantité remplace quatre kilogrammes de dindon de poids vif, et ce n’est que le rendement en carcasse. La viande blanche est le moteur du marché nord-américain pour ce qui est de la viande de dindon. Ces 2 p. 100 ne sont qu’un chiffre théorique; l’impact réel sur le marché sera beaucoup plus important. C’est ainsi qu’on le calcule.

Le sénateur R. Black : Je vous remercie. Je n’ai plus de questions.

Le sénateur C. Deacon : Merci d’être venus nous rencontrer.

En observant les chiffres correspondant au marché des œufs et du dindon, je suis choqué de constater la mesure dans laquelle notre consommation à la maison est élevée par rapport à la moyenne. Les occasions de croissance dans notre marché sont considérables, du moins si je prends exemple sur ma consommation.

Je veux revenir sur la différenciation des produits. Je pense que c’est bon pour les marchés internationaux et nationaux. Je crois en l’agriculture canadienne, je crois que les produits alimentaires canadiens sont supérieurs et je crois que nous devons continuer à viser cette qualité. Je pense d’ailleurs que tous les agriculteurs sont du même avis.

J’aimerais en savoir un peu plus sur les manières dont vous estimez que le marché canadien peut croître pour vos deux produits. J’ai l’impression qu’il y a toute une occasion à saisir.

J’ai du mal avec le terme « gestion de l’offre ». Je crois vraiment que la concurrence est une très bonne chose; elle stimule l’innovation. Monsieur Boyd, j’étais très content de vous entendre parler — tout comme le dernier groupe de témoins — du besoin de générer des occasions structurelles dans l’industrie en investissant judicieusement à l’avenir.

J’aimerais vous entendre sur le développement des marchés au Canada et à l’étranger, plus précisément sur les débouchés, parce que je pense que les possibilités doivent être bien plus grandes que ce qu’on a perdu dans les accords commerciaux. C’est ce que je crois.

En innovant, comment arriver à non seulement offrir un produit de valeur aux consommateurs, mais aussi à élaborer de nouveaux produits ou à trouver de nouvelles manières d’offrir de la valeur ajoutée aux consommateurs et à faire en sorte que vous, les agriculteurs, puissiez tirer davantage profit de cette innovation. Il doit y avoir des moyens d’améliorer la perception des consommateurs par rapport à la valeur offerte, tout en obtenant plus pour les producteurs. Selon moi ce sont deux produits de base.

M. Boyd : Merci pour votre question, sénateur Deacon, mais aussi pour votre appui continu au quotidien. Nous l’apprécions beaucoup.

Certaines choses sont fondamentales. S’agissant de la différenciation des produits dans le marché canadien, notre secteur, en partenariat avec les acheteurs de dindons vivants, est sur le point d’investir considérablement dans le développement du marché canadien. Voilà un point positif concernant notre stratégie à long terme.

Dans notre secteur en particulier, contrairement à d’autres, certains consommateurs pensent à notre produit deux à trois fois par année — le dindon entier est difficile à cuisiner. Les données démographiques laissent croire que notre marché évolue. Une bonne partie de notre stratégie vise à communiquer aux consommateurs que notre protéine est facile à préparer, bonne à savourer toute l’année comme c’est le cas pour certains produits offerts, dont le dindon haché, les rôtis de dindon ou la viande marinée. Ces produits sont de plus en plus connus.

Le sénateur C. Deacon : Le bacon de dindon.

M. Boyd : Les œufs, un autre produit auquel nous travaillons. Nous investissons dans notre propre secteur et nous nous attendons à de bons résultats.

À part les données démographiques, en deuxième lieu, les Néo-Canadiens ne connaissent pas la viande de dindon. Ils viennent souvent de régions du monde où on ne mange pas de dindon ou on ne le connaît pas. Voilà une autre possibilité à explorer, ce que nous espérons entamer au printemps avec un plan quinquennal.

Il existe bien sûr une concurrence entre les différentes protéines de viande avec laquelle nous devons composer : le dindon haché par rapport au poulet haché ou au bœuf haché. Comment y arriver? Une entreprise a lancé un nouveau produit frais qui se conserve pendant 28 jours. C’est une innovation qui se situe dans la méthode d’emballage. Une conservation de 28 jours n’existait pas il y a quelques mois; la période de conservation était beaucoup plus courte. Cette innovation est majeure pour le développement de nos marchés.

À l'échelle internationale, et là, je me répète — mes excuses —, les marchés sont axés sur les marchandises. Il existe un créneau aux États-Unis pour le dindon casher du Québec. Dans le Sud-Ouest de l’Ontario, on conçoit des produits biologiques. On ne pourrait pas asseoir une industrie sur ces créneaux. C’est bon pour les entreprises, mais cela demeure insuffisant pour l’établissement d’une industrie solide à long terme dans les marchés des produits de base.

Plus de 50 p. 100 des exportations canadiennes sont destinées au continent africain. On exporte des produits comme le dos et le cou du dindon, la viande séparée mécaniquement, des ailes et des pilons, pas des produits très populaires en Amérique du Nord.

Au fil du temps, la proportion des exportations entre le Canada et les États-Unis correspondait probablement à la même proportion des produits exportés n’importe quelle année, et il s’agissait en grande partie des mêmes produits. Les marchés sont axés sur les produits, et il faudra voir si les mentions « élevé au Canada » ou « dindon du Canada » auront une influence sur ces marchés.

Je comprends votre question. Je vous ai décrit la situation actuelle, et on verra ce que l’avenir nous réservera. Nos producteurs n’aiment pas ces accords. Ils n’apprécient pas qu’on ait cédé un accès aux marchés, mais ils ne reculeront pas devant les défis à relever. Ils vont aborder les choses de front, tourneront la page et en sortiront gagnants. Merci.

Le sénateur C. Deacon : Merci.

Mme Bundrock : L’industrie des œufs a la chance d’être dans une situation un peu différente de ce que vous venez d’entendre. Nous avons connu 12 années consécutives de croissance. Cela est certainement une bonne nouvelle. Cela est le résultat, en partie, d’un accroissement de la demande des consommateurs, mais aussi de l’engagement de nos agriculteurs à produire des œufs canadiens pour les Canadiens.

Je pense que la croissance est très importante, car elle entraîne une augmentation des investissements de nos agriculteurs dans leur collectivité et en général. Pour ce qui est de l’investissement, pour vous donner quelques exemples simples, les Producteurs d’œufs du Canada participent activement aux investissements dans la recherche. Nous avons quatre chaires de recherche : développement durable, économie, bien-être animal et politique publique. Il est certain que la stabilité nous donne la capacité d’investir dans des domaines comme ceux-ci, mais aussi dans les économies rurales.

Je pense qu’il est intéressant de constater que nos agriculteurs sont en fait assez innovants. Ils veulent mieux faire. Ils veulent faire les choses de façon différente et intéressante. On assiste à énormément de choses dans nos exploitations agricoles en matière de développement durable et d’environnement. Je pensais que cela serait une bonne occasion de laisser M. Destrijker vous donner quelques exemples de ce que lui et certains de ses collègues font du point de vue de l’innovation.

[Français]

M. Destrijker : Certains producteurs utilisent maintenant l’énergie éolienne afin de moins dépendre d’autres sources d’énergie. Nous avons une ferme en Alberta qui ne produit aucun déchet; c’est une première au Canada. Différentes initiatives se multiplient sur les fermes. On a parlé d’innovations, et maintenant, toutes les nouvelles fermes peuvent être contrôlées à distance.

Cependant, le domaine de l’agriculture souffre d’un manque de main-d’œuvre important. Voilà pourquoi nous essayons d’être à la fine pointe de la technologie. Nous voulons nous assurer que nos enfants ou nos employés pourront profiter de conditions de travail peut-être pas meilleures qu’ailleurs, mais à tout le moins au même niveau que les autres secteurs de l’industrie canadienne.

De plus, nous profitons de partenariats avec les « déjeuners à toute heure de la journée ». C’est l’un des moyens que nous avons adoptés pour provoquer une augmentation de la consommation d’œufs au Canada. Pendant longtemps, les Canadiens ne consommaient les œufs qu’au déjeuner. Maintenant, les mentalités ont changé et on mange des œufs à toute heure de la journée, non seulement dans les restaurants spécialisés dans les petits-déjeuners, mais aussi à la maison et ailleurs.

Les Canadiens consomment environ 250 œufs par année. Au Japon, chaque habitant en consomme au-dessus de 300. On mange plus d’œufs chaque jour.

[Traduction]

La présidente : Je pense que nous sommes arrivés à la fin des questions. J’ai quelques questions brèves à poser. Vous nous avez expliqué, dans une certaine mesure, pourquoi l’industrie des œufs est en croissance. Vous avez cité des rapports annuels récents. Quel facteur est le principal responsable de cette croissance? Cela est-il lié au fait que les gens consomment plus d’œufs? Quelle province connaît la plus forte croissance de sa production d’œufs?

[Français]

M. Destrijker : L’augmentation de la consommation d’œufs est assez stable partout au Canada. Il n’y a pas une province qui se démarque plus qu’une autre. C’est la consommation annuelle de chaque consommateur qui s’améliore chaque année. Cela n’est pas arrivé par hasard; nous travaillons depuis des années dans le but de gagner la confiance des consommateurs.

Les nouveaux arrivants n’ont pas toujours des revenus importants, et l’œuf est une source de protéines considérable et très abordable pour ces gens, ainsi que pour l’ensemble des citoyens canadiens.

[Traduction]

La présidente : Merci. Je tiens à remercier nos témoins. Une fois encore, nos deux groupes nous ont livré des exposés fort intéressants proposant des recommandations très précises. C’est quelque chose que nous apprécions.

Nous devons traiter d’un point à l’ordre du jour du comité qui concerne un budget pour une visite exploratoire dans le Sud de l’Ontario.

Je crois comprendre que le sénateur Mercer souhaite proposer une motion.

Le sénateur Mercer : Que la demande suivante de budget supplémentaire pour une étude spéciale de la façon dont le secteur des produits alimentaires à valeur ajoutée pourrait être plus compétitif sur les marchés mondiaux, d’un montant de 66 308 $ pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019, soit approuvée pour être soumise au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

Vous devriez tous avoir une copie du budget. La motion est proposée.

Le sénateur R. Black : Je peux appuyer votre motion si vous le désirez.

La présidente : Je ne crois pas que nous ayons besoin de quelqu’un qui appuie la motion, mais il est bon de savoir que nous avons votre appui.

Des questions? Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire « oui ».

Des voix : Oui.

La présidente : Que ceux qui sont contre veuillent bien dire « non ».

La motion est adoptée.

(La séance est levée.)

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