Aller au contenu
ARCT - Comité spécial

Arctique (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique

Fascicule 3 - Témoignages du 26 février 2018


OTTAWA, le lundi 26 février 2018

Le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 18 h 30, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

[Note de la rédaction : Les interventions en inuktitut sont interprétées en anglais.]

Le vice-président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Je suis Dennis Patterson. Je suis un sénateur du Nunavut, et j’ai le privilège d’être vice-président de ce comité. Je souhaite la bienvenue à tous les gens présents dans la salle et aux auditeurs de partout au pays qui suivent nos délibérations à la télévision ou en ligne. Je rappelle aux auditeurs que ces séances du comité sont ouvertes au public et sont accessibles en ligne sur le site web du Sénat, au sencanada.ca.

J’aimerais souhaiter la bienvenue à la sénatrice Coyle en tant que nouveau membre du comité et demander aux sénateurs autour de la table de se présenter, en commençant avec la sénatrice Coyle.

La sénatrice Coyle : Bonjour, je suis la sénatrice Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l’Ontario.

Le sénateur Neufeld : Sénateur Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Bovey : Sénatrice Pat Bovey, du Manitoba.

La sénatrice Galvez : Sénatrice Rosa Galvez, du Québec.

Le vice-président : Chers collègues, en septembre, le Sénat a institué ce Comité sénatorial spécial sur l’Arctique dont le mandat est d’examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants. C’est notre deuxième réunion de quelques audiences que nous tiendrons pour recueillir des renseignements généraux sur les enjeux touchant l’Arctique.

Ce soir, j’ai le plaisir d’accueillir parmi nous, par vidéoconférence de Yellowknife, l’honorable Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest.

Merci de vous joindre à nous, monsieur le premier ministre McLeod. Veuillez faire votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons à la période des questions. Nous vous demandons de garder à l’esprit que votre exposé sera interprété en français en simultané.

Monsieur le premier ministre McLeod.

L’honorable Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Merci, sénateur Patterson. Je suis ravi de comparaître devant le comité sur l’Arctique, et je suis heureux de voir quelques collègues et amis que j’ai connus dans le cadre de mes fonctions précédentes et actuelles. Merci de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. Je suis heureux de pouvoir vous faire part du point de vue des Territoires du Nord-Ouest sur l’Arctique et de certaines priorités de notre gouvernement. Notre gouvernement veut créer un avenir durable et prometteur pour la population des Territoires du Nord-Ouest. À notre avis, cela doit reposer sur une économie forte et diversifiée qui offre aux résidants les emplois et les possibilités économiques dont ils ont besoin pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cet avenir doit également être bâti sur la reconnaissance du fait que les résidants du Nord doivent être ceux qui prennent les décisions concernant l’avenir du Nord. Nous espérons que le gouvernement du Canada comprend et partage les priorités des résidants du Nord et qu’il sera notre partenaire pour un développement social et économique transformateur du Nord. Depuis des décennies, la source de richesse et de possibilités pour les résidants des Territoires du Nord-Ouest a été le développement responsable de ses ressources naturelles. Nous nous attendons à ce qu’il continue de représenter une part importante de notre économie, mais nous savons que la croissance et la diversification de notre économie sont essentielles à notre avenir à long terme et pour fournir à nos résidants, en particulier dans nos collectivités et régions à l’extérieur de Yellowknife, de bons emplois et des revenus de classe moyenne. C’est une priorité de notre gouvernement, mais qui ne peut être atteinte sans quelques changements et le soutien du Canada.

Les politiques du Canada et les décisions prises en fonction de ces politiques, particulièrement en ce qui a trait à la mise en valeur des ressources et la protection de l’environnement, peuvent avoir des conséquences importantes pour le Nord et les économies du Nord. Il en va de même des décisions en matière de dépenses du Canada, y compris les investissements dans les infrastructures et dans d’autres secteurs prioritaires comme le logement et les soins de santé. Les décisions qui auront une incidence sur le Nord doivent être prises par les résidants du Nord en fonction de nos propres priorités et besoins.

Nous espérons que le gouvernement fédéral examine de près la façon dont ses décisions auront une incidence sur les résidants des Territoires du Nord-Ouest et qu’il tient compte des points de vue et des priorités du Nord. Cela signifie en partie que les intentions fédérales envers le Nord doivent être clarifiées. Nous avons besoin que le Canada démontre qu’il partage l’intérêt des résidants du Nord pour une économie forte et diversifiée comme fondement d’un Nord durable, avec un plan et des engagements financiers clairs pour l’avenir.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous sommes déterminés à faire respecter les droits ancestraux et issus de traités des Autochtones et nous avons participé à la négociation et au règlement de multiples ententes sur les terres, les ressources et l’autonomie gouvernementale au cours des 30 dernières années. Cet engagement fait de notre territoire un chef de file national et un exemple de la façon dont un véritable partenariat avec les gouvernements autochtones régionaux et communautaires fondé sur le respect et la reconnaissance mutuels peut mener à une plus grande autodétermination politique et à une participation économique accrue des peuples autochtones du Nord. Nous avons fait de grands pas vers l’autodétermination politique au cours des quatre dernières décennies, grâce à de nombreuses ententes sur les terres, les ressources et l’autonomie gouvernementale ayant été conclues, et ce, davantage dans le cadre de négociations actives.

À l’heure actuelle, la majorité des députés de notre assemblée législative, dont cinq des sept ministres du Cabinet, sont autochtones, tout comme moi. Le fait est que les dirigeants autochtones sont les décideurs dans les Territoires du Nord-Ouest, tant au sein du gouvernement public des Territoires du Nord-Ouest que dans les gouvernements autochtones régionaux et communautaires. Nous élaborons des politiques publiques et créons des programmes et des services qui s’inspirent de nos propres expériences et priorités en tant qu’Autochtones. Nous ne jouons pas un rôle de spectateur, et nous pensons que le Canada doit garder cela à l’esprit lorsqu’il examine ses politiques et ses décisions pour le Nord.

On parle beaucoup au Canada de la réconciliation avec les peuples autochtones en ce moment, de la façon dont le Canada doit faire mieux pour les peuples autochtones. Je m’en réjouis, tout comme la population de notre territoire, et je suis encouragé par l’annonce récente du premier ministre de créer un cadre de reconnaissance des droits autochtones qui aidera à instaurer un climat de certitude pour tous les peuples autochtones du Canada. J’espère toutefois que ce cadre tiendra compte de la diversité de l’expérience autochtone au pays et qu’elle sera respectée. Il doit, par exemple, reconnaître que les Territoires du Nord-Ouest ne sont pas situés dans le Sud du Canada, que nous ne connaissons pas la même structure de réserve qu’au sud et qu’ici, les Autochtones et les non-Autochtones vivent et travaillent ensemble dans les mêmes collectivités, recevant des programmes et des services du même gouvernement public.

Le nouveau cadre canadien doit également respecter le fait que les Territoires du Nord-Ouest travaillent depuis des décennies sur la question de la réconciliation et de la gouvernance autochtone. Nous avons négocié des revendications territoriales dans ce territoire depuis les années 1980 et avons conclu plusieurs de ces traités modernes.

Au fil des ans, ces ententes négociées ont mené à la création de plusieurs structures de gouvernance et d’administration qui garantissent que les peuples autochtones puissent exercer leurs droits inhérents et participer à la prise de décisions sur des questions qu’ils jugent importantes pour eux.

J’ai déjà mentionné que l’autodétermination politique exige une autodétermination économique, et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’estime qu’il est si important de maintenir le développement économique dans le Nord à l’ordre du jour national. Une économie vigoureuse et prospère dans les Territoires du Nord-Ouest est un élément crucial d’un modèle réussi de réconciliation autochtone qui pourrait servir de guide pour le reste du pays.

Les Territoires du Nord-Ouest méritent une chance équitable d’être des participants appréciés de l’économie canadienne, et notre peuple mérite la possibilité de parvenir à l’autodétermination économique.

Dans le Nord, l’exploitation des ressources est au cœur de notre économie depuis des décennies. Cela a créé des emplois et des débouchés économiques qui profitent aux résidants, aux gouvernements et aux entreprises autochtones et non autochtones. Lorsque notre gouvernement a négocié le transfert des responsabilités des terres et des ressources publiques du Canada, nous avons tenu à inclure tous les gouvernements autochtones qui voulaient être signataires de l’accord. Nous nous sommes également engagés à partager jusqu’à 25 p. 100 de notre part des revenus tirés des redevances sur les ressources naturelles avec ces gouvernements autochtones, sans condition, pour nous assurer qu’eux et leur population tirent profit du développement de notre territoire.

Depuis l’entrée en vigueur du transfert des responsabilités en 2014, nous avons partagé plus de 20 millions de dollars avec nos partenaires gouvernementaux autochtones. Nous voulons maintenir la vigueur de notre économie pour continuer à générer et à partager ce genre de prospérité. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons tous les ingrédients d’une forte croissance économique, y compris des ressources naturelles abondantes, ainsi qu’une participation et un soutien importants au développement économique de la part des entreprises et des gouvernements autochtones. Nous nous attendons à ce que la mise en valeur des ressources continue de jouer un rôle important dans l’économie du Nord, mais nous savons aussi que nous ne pouvons pas tenir cela pour acquis et qu’il faut accroître et diversifier l’économie territoriale.

Les trois territoires du Nord font face à des problèmes semblables, y compris notre dépendance à l’égard de la mise en valeur responsable des ressources pour le maintien de nos économies. Nous sommes unis pour trouver un moyen d’assurer une économie saine pour les générations futures et nous sommes fermement d’accord pour dire que les décisions concernant le Nord et son avenir devraient être prises par les résidants du Nord. En août dernier, nous avons publié une vision panterritoriale pour le développement durable que j’ai communiquée à votre greffier pour distribution.

Cette vision doit servir de fondement à la prise de décisions sur le Nord et nous sommes unis dans l’espoir que le Canada l’intégrera à ses propres réflexions et politiques. Plus précisément, elle doit être un élément clé du nouveau Cadre stratégique pour l’Arctique qui est en ce moment en cours d’élaboration.

Il nous faudra cependant plus que des politiques pour transformer le Nord. Les politiques portent sur les principes et les intentions, elles ne concernent pas les actions. Transformer le Nord en un élément prospère et durable de la Confédération exigera des mesures concrètes et des investissements.

Avec une infrastructure limitée, de longues distances et des climats rigoureux, le développement économique dans le Nord peut s’avérer beaucoup plus difficile que dans d’autres régions du pays. D’autres pays reconnaissent les défis que pose le développement de l’Arctique et ont des plans clairs pour les mesures qu’ils prendront et l’argent qu’ils investiront. Le Canada a besoin d’un plan semblable avec des ambitions semblables et des engagements clairs.

Une planification efficace prend du temps et il est donc impératif que l’élaboration d’un plan pour notre territoire soit une priorité pour le Canada.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir invité à prendre la parole devant vous cet après-midi. Je suis persuadé que de telles possibilités aideront à guider les Territoires du Nord-Ouest dans la réalisation de notre vision d’un Nord fort et durable dont tous les Canadiens peuvent être fiers. Merci.

Le vice-président : Merci, monsieur le premier ministre. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant avec le sénateur Neufeld.

Le sénateur Neufeld : Monsieur le premier ministre McLeod, nous sommes ravis de vous revoir, même si c’est par vidéoconférence. Je suis toujours content de vous entendre constamment parler de ce qui est dans l’intérêt de la région du Canada où vous habitez, les Territoires du Nord-Ouest. J’ai énormément de respect pour vous.

Tout d’abord, il y a eu le transfert des responsabilités. Je suis certain que les gens dans les Territoires du Nord-Ouest pensaient qu’ils auraient leur mot à dire dans les décisions qui sont prises entourant l’exploitation des ressources, voire qu’ils pourraient prendre eux-mêmes les décisions, à tout le moins dans le cadre de la discussion. J’aimerais que vous nous expliquiez le type d’exploitation pétrolière et gazière que nous pourrions envisager dans les Territoires du Nord-Ouest et que vous nous disiez le nombre d’emplois ou les avantages que ces activités pourraient générer pour les Territoires du Nord-Ouest.

Expliquez-nous brièvement les consultations qui ont eu lieu entre le premier ministre Trudeau et vous lorsqu’il a décidé d’emboîter le pas aux États-Unis et d’imposer une interdiction de forage dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons entendu plusieurs versions, mais j’aimerais entendre la vôtre. Vous êtes le premier ministre. J’espère que vous êtes celui avec qui il a discuté, mais il serait intéressant de connaître le genre de discussions qu’il a eues avec vous. Y a-t-il eu des consultations? A-t-on tenu compte des données scientifiques? Les promesses dans la stratégie sur l’Arctique ont-elles toutes été respectées?

M. McLeod : Merci, sénateur Neufeld. Nous sommes ravis de vous revoir, même si c’est par vidéoconférence, comme vous le dites.

Je vais commencer avec l’exploitation pétrolière et gazière. Vous connaissez très bien notre région du pays. Les Territoires du Nord-Ouest ont toujours été considérés comme étant un territoire exportateur de pétrole. Nous exportons le pétrole depuis la Seconde Guerre mondiale; si je ne m’abuse, la découverte de pétrole s’est faite en 1936. Un pipeline a été construit jusqu’à Whitehorse et, depuis, on produit du pétrole et du gaz. Depuis le 21 décembre 2017, nous n’avons produit aucune molécule de pétrole et de gaz dans les Territoires du Nord-Ouest — cela fait donc plus d’un an. C’est très inquiétant, car nous considérions cette production comme étant un aspect très important de notre avenir et nous pensions que nous serions les dernières terres vierges à être exploitées.

En ce qui concerne le moratoire sur l’exploitation du pétrole et du gaz dans la mer de Beaufort, j’ai reçu un appel deux heures avant que l’on annonce un moratoire d’une durée indéterminée sur l’exploitation pétrolière et gazière dans le Nord, et plus particulièrement dans la mer de Beaufort. J’ai dit : « Eh bien, si nous laissons des billions de dollars de pétrole et de gaz sous terre, alors laissons-les sous la terre — et c’est plusieurs billions de dollars —, mais nous aurons besoin d’un projet d’envergure pour les remplacer. » Il n’y avait pas de stratégie économique. Lorsque le moratoire sur les pêches a été imposé à Terre-Neuve, le gouvernement fédéral avait une enveloppe de 9 milliards de dollars. Le premier ministre a déclaré que nous aurions une stratégie relative à la croissance propre et à l’emploi. Nous avions le tourisme et les pêches. C’était donc très inquiétant. Ce n’est que maintenant que nous travaillons à l’élaboration du cadre stratégique pour l’Arctique.

Les Territoires du Nord-Ouest ont trois mines de diamants en exploitation. Nous exportons plus de 2 milliards de dollars de diamants chaque année. Nous nous attendions à ce que les exportations de pétrole et de gaz soient 10 fois plus élevées. Le premier ministre a dit que le moratoire ferait l’objet d’un examen tous les cinq ans, mais les fonctionnaires vont visiter toutes les sociétés minières et gazières qui ont des baux et des permis dans le Nord. Ils leur demandent ceci : « Que faudrait-il faire pour que vous renonciez à vos baux et à vos permis? » C’est donc très préoccupant pour nous.

Nous cherchons à diversifier l’économie. Nous devons transformer notre économie et nous examinons les moyens d’y parvenir.

Le sénateur Neufeld : Merci de ces observations.

Vous avez donc tenu une consultation de deux heures. Eh bien, ce ne serait pas une consultation de 2 heures, mais probablement un appel téléphonique de 15 minutes, 2 heures après qu’il a pris la décision et, par ailleurs, il a dit qu’un examen serait effectué tous les 5 ans.

Si, entretemps, les fonctionnaires vont visiter les sociétés pétrolières pour leur demander de renoncer à leurs baux, cela en dit long sur le processus d’examen quinquennal. Le forage pétrolier et gazier n’est certainement pas dans les plans. N’êtes-vous pas d’accord avec moi?

De plus, il y a des discussions entourant le forage dans la mer de Beaufort. Je crois qu’il y a eu des activités de forage et peut-être que vous pourriez nous éclairer sur les activités qui ont eu lieu dans la mer de Beaufort au fil du temps.

M. McLeod : Il y a eu d’importantes activités de forage au fil du temps. La mer de Beaufort fait partie du bassin sédimentaire de l’Ouest canadien qui part de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan et qui se rend jusque dans les Territoires du Nord-Ouest. Dans les années 1970, lorsque le gouvernement fédéral versait 10 cents par dollar, il y avait d’importantes activités de forage. De nombreux puits étaient forés dans la mer de Beaufort et de nombreuses attestations de découverte étaient émises, et maintenant, 2,6 milliards de dollars ont été versés pour exploiter la partie la plus profonde de la mer de Beaufort. Nous ne sommes pas certains si ces activités de forage auront lieu également.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le vice-président : Sénateur Neufeld, vous avez mentionné l’entente sur le transfert des responsabilités, et monsieur le premier ministre McLeod, vous méritez d’être félicité pour cette réalisation. Mais le transfert des responsabilités fédérales pour les ressources naturelles dans les Territoires du Nord-Ouest n’est lié qu’aux terres. A-t-on discuté des zones extracôtières dans l’entente sur le transfert des responsabilités qui a été conclue en 2014? Où en sont les choses à cet égard?

M. McLeod : Eh bien, l’accord de transfert des responsabilités comprend un mécanisme qui prévoyait, six mois après son entrée en vigueur, qui a eu lieu le 1er avril 2014, le commencement de négociations avec le gouvernement fédéral, ainsi que les Inuvialuits, qui ont un accord de revendication territoriale protégé par la Constitution dans la région.

Donc, nous faisons régulièrement un suivi auprès du gouvernement fédéral, mais il n’y a pas eu de négociations et nous attendons qu’on nous indique s’il y en aura. De plus, dans le cadre de l’accord de transfert des responsabilités, nous nous penchons sur un mécanisme de règlement des différends pour déterminer si c’est une chose que nous devrions prendre en considération.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur le premier ministre. Il est toujours agréable de vous voir sur l’écran à Ottawa.

J’ai une question pour vous. Cela pourrait nuire à la croissance économique durable dans votre région. J’ai cru comprendre que votre gouvernement a investi dans un câble à fibres optiques qui se rend jusqu’à Inuvik, qui est, je crois, un des deux meilleurs endroits au monde pour construire une station terrestre de télécommunication par satellite. J’ai lu que votre gouvernement espère obtenir ainsi une nouvelle source de croissance économique durable dans la région.

C’est avec inquiétude que j’ai lu dans un article du 22 février que les utilisateurs potentiels de la station terrestre étaient prêts à ne plus investir au Canada à cause d’un problème qui les empêche d’obtenir un permis d’Affaires mondiales Canada. Pouvez-vous nous donner de plus amples renseignements à ce sujet et nous dire si vous pensez que la réputation des Territoires du Nord-Ouest comme endroit ouvert aux affaires peut être restaurée?

M. McLeod : Merci beaucoup, sénateur Oh. Je suis très heureux de vous voir.

Ce projet a un énorme potentiel pour les Territoire du Nord-Ouest. Nous avons construit une liaison à microfibres optiques. Nous avons investi 110 millions de dollars pour relier toutes nos collectivités le long de la vallée du Mackenzie, et l’Inuvik possède environ cinq ou six de ces stations de surveillance par satellite. Nous nous attendons, selon toute vraisemblance, à en avoir entre 30 et 35 au cours des prochaines années.

Nous avons mené quelques missions en Europe pour voir comment les gens là-bas lancent des satellites, et ce qu’ils nous disent, c’est que le taux de réussite augmente avec la fréquence des communications avec les fusées de lancement de satellite. À Kiruna, on nous a dit que la communication est de neuf minutes l’heure lors du lancement d’un satellite. Avec la participation d’Inuvik, ce chiffre passerait à 30 minutes l’heure, ce qui permet donc de tripler les chances de réussite.

D’après un rapport récent, jusqu’à 4 000 satellites seront lancés dans l’espace au cours des prochaines années. Nous pensons donc que c’est une occasion extraordinaire.

Dans la situation dont vous parlez, l’un des promoteurs a installé plusieurs antennes et demandé un permis, et il a dû attendre deux ans. Je pense que sa demande a été approuvée récemment, et nous espérons donc que le promoteur qui menaçait de partir restera.

Nous envisageons d’approcher les gens du gouvernement fédéral. Ils reconnaissent que c’est un nouveau domaine pour eux. Leur loi est vieille, et nous espérons être en mesure de collaborer pour la moderniser, afin de pouvoir accélérer le développement à l’avenir.

La sénatrice Galvez : Je suis heureuse de vous rencontrer, monsieur le premier ministre. Je me suis souvent rendue à Yellowknife. C’est une ville très moderne. Le nombre de langues, y compris le Japonais et le Chinois, et d’accents en anglais qu’on peut entendre dans la rue à Yellowknife est incroyable.

J’ai travaillé avec votre bureau chargé des terres pour tenter d’accroître la viabilité des activités minières, et je suis donc très heureuse d’entendre votre vision. Je suis parfaitement d’accord avec vous quand vous parlez avec objectivité de l’importance du développement du Nord pour diversifier l’économie, pour faire participer les habitants du Nord aux décisions concernant l’avenir de leur région et pour créer de bons emplois verts et bien rémunérés pour la classe moyenne.

Vous avez dit que vous voulez axer le développement sur les priorités, et vous voulez diversifier l’économie. J’aimerais que vous en disiez plus long sur ce que vous entendez par économie diversifiée. Quelles sont les priorités?

J’aimerais également que vous parliez de l’échéancier, car le réchauffement est réel et les habitants du Sud ont hâte de développer le Nord. Si vous voulez qu’on entende vos priorités et qu’on les respecte, où en est votre réflexion sur le développement du Nord?

M. McLeod : Merci beaucoup. Onze langues officielles sont parlées à notre assemblée législative. Nous avons également une population très multiculturelle. Je suis donc heureux que vous ayez eu l’occasion de nous visiter.

On a dit que notre économie fait l’objet d’une alternance de cycles d’expansion et de ralentissement, et ce que nous voulons, c’est une base solide pour qu’elle soit durable. À l’heure actuelle, les activités minières constituent le principal secteur de notre économie. Elles comptent pour environ 25 p. 100 de notre PIB. Le deuxième, ou celui qui croît le plus rapidement, est le secteur gouvernemental.

Quand on regarde le milieu, on constate que cela coûte très cher. Les gens nous disent que nous n’avons pas les infrastructures nécessaires pour attirer des investissements. Il est très important pour nous non seulement de diversifier notre économie, mais aussi d’investir dans nos infrastructures.

Le tourisme est le secteur de notre économie qui connaît la plus forte croissance. L’observation des aurores boréales connaît beaucoup de succès. Nous nous tournons davantage vers l’écotourisme et le tourisme d’aventure. Les sous-secteurs plus intermédiaires du tourisme que sont la chasse et la pêche éprouvent des difficultés. Les changements climatiques ont d’importantes répercussions sur l’environnement. L’effet sur notre faune est considérable, et nos modes de transport en souffrent également. Un grand nombre de collectivités ne sont accessibles que par avion, ou par bateau l’été. Nous utilisons donc beaucoup de routes de glace, et la période pendant laquelle elles sont praticables raccourcit à cause du réchauffement.

Nous devons envisager une économie du savoir. Nous pensons que cette avenue nécessitera un investissement important dans le secteur manufacturier ou même dans les universités. Compte tenu des changements climatiques, nous nous tournons vers l’agriculture, car le nombre de terres arables ou qui peuvent servir à l’agriculture augmente. Nous étudions toutes les possibilités auxquelles nous pouvons penser.

La sénatrice Galvez : Dans votre document sur la vision panterritoriale, l’« autosuffisance » est un des mots clés. Je pense que vous voulez créer des emplois pour les habitants du Nord. Pensez-vous accorder beaucoup d’importance à l’éducation et à la formation? Comment allez-vous procéder?

M. McLeod : L’éducation est une des principales priorités de notre gouvernement. Nous allouons d’ailleurs une partie importante de notre budget à l’éducation.

Nous avons de très petites collectivités. Les Territoires du Nord-Ouest en comptent 33, et c’est difficile pour ces collectivités. Nous avons abandonné le système des pensionnats indiens, qui a beaucoup servi dans le Nord. Je pense que, en grande partie, il faut essayer de trouver des économies d’échelle. Nous devons trouver le moyen d’offrir une éducation de qualité dans les petites collectivités, car nous estimons qu’on ne doit pas être défavorisé à cause de l’endroit où on vit. Nous avons probablement le meilleur programme d’aide financière aux étudiants au Canada. Nous avons un système de collèges communautaires qui est revu en profondeur. À part cela, nous n’avons pas de système ou d’établissement d’enseignement postsecondaire. Nos enfants doivent se rendre dans le Sud s’ils veulent poursuivre leurs études à un certain niveau.

Une grande partie de nos employés viennent encore du Sud parce que nos gens n’ont pas les compétences nécessaires. Nous avons les emplois, mais nous n’arrivons pas à jumeler les emplois avec les chômeurs. Nous avons beaucoup de travailleurs qui font des allers-retours en avion. Ce sont les difficultés auxquelles nous faisons face.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup de vos observations, monsieur le premier ministre. Elles sont très intéressantes, et vous n’êtes pas le seul à être confrontés à toutes ces difficultés. Comme vous le dites, le Canada a besoin d’un plan semblable avec des aspirations similaires et des engagements clairs.

C’est demain que le budget fédéral sera présenté, et compte tenu du changement de contexte en ce qui concerne la vie dans des collectivités saines, dynamiques et prospères, et depuis le passage à une formule par habitant pour le Transfert canadien en matière de programmes sociaux ainsi que le transfert en matière de soins de santé, quelle est l’incidence pour les Territoires du Nord-Ouest? À quoi vous attendez-vous dans le budget fédéral de demain? Qu’espérez-vous pour donner suite à vos priorités?

M. McLeod : Quand nous avons décidé de procéder au transfert des responsabilités, beaucoup de personnes étaient grandement préoccupées par le fait que nous sommes un territoire très peu peuplé et qu’on nous confie d’énormes responsabilités. Nous pouvons seulement compter sur les garanties du gouvernement du Canada qui a dit qu’il n’allait pas nous abandonner et qu’il continuerait de travailler avec nous au développement du Nord et d’investir dans les infrastructures, surtout en raison de l’énorme superficie de notre territoire, qui est de 1,5 million de kilomètres carrés, et parce que nous ne sommes que 44 000 habitants. On ne peut pas s’attendre à ce que nous payions pour de grands projets d’édification de la nation. C’est ce qu’il semblait nous avoir été garanti. C’était très important.

Les trois territoires du Nord ont une formule de financement tandis que les provinces ont la péréquation. Dans le reste du Canada, c’est en grande partie lié à la population et aux habitudes de dépense.

La formule de financement doit être renégociée en 2019. De toute évidence, nous aimerions obtenir plus d’argent parce qu’un grand nombre de nos programmes et de nos services ne peuvent pas répondre à la demande et que nous devons investir davantage, par exemple dans le logement. Il nous manque probablement près de 3 000 maisons.

À propos du budget de demain, nous espérons que le Nord sera mentionné. Nous espérons qu’il y aura des annonces positives en ce qui a trait aux infrastructures. Nous avons besoin d’investissements de taille dans la lutte aux changements climatiques pour que nous délaissions les combustibles fossiles et adoptions plutôt des formes d’énergie renouvelable. Nous pensons qu’il serait très utile qu’on nous aide à convertir les gens dans les collectivités.

Je suppose que le principal domaine dans lequel nous nous attendons à des annonces budgétaires fédérales est celui du financement direct pour soutenir les programmes et les services des gouvernements autochtones. Nous espérons également que les niveaux de financement et le financement de base augmenteront. Nous sommes sans aucun doute d’avis qu’il faut des investissements considérables dans le logement autochtone.

La sénatrice Bovey : Nous avons parlé de formation et des gens qui font des allers-retours pour travailler dans la région. Vous avez parlé d’un système de collèges communautaires. Devrait-il y avoir une université dans l’Arctique? Est-ce que cela serait avantageux?

M. McLeod : C’est sans aucun doute une chose que nous devrions avoir selon moi.

Je me déplace beaucoup. Je me suis rendu dans certaines collectivités des provinces. Je me suis rendu dans la province du sénateur Neufeld. Je me suis rendu à Prince George et à Kamloops. Je vois l’importante contribution de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique à Prince George, où la population est passée de 20 000 à environ 100 000 personnes presque du jour au lendemain. C’est la même chose à Kamloops, où il y a un grand hôpital régional. La même chose s’est produite.

Je suis donc convaincu que nous devrions avoir une université. Je suis certain que les autres territoires diraient la même chose. Nous avons communiqué avec un certain nombre d’universités pour essayer d’en avoir une plus près de chez nous pour nos enfants et pour aller de l’avant avec cette transition.

Le vice-président : Monsieur McLeod, vous avez parlé de l’infrastructure. Le gouvernement fédéral a annoncé un grand programme d’infrastructure, qui prévoit une somme nettement supérieure à 100 milliards de dollars sur 12 ans, je crois. Pouvez-vous décrire brièvement certaines des priorités des Territoires du Nord-Ouest sur le plan des infrastructures?

Nous avons également entendu parler de différents fonds, de la banque de l’infrastructure, de carburants pouvant remplacer le diesel et du Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. Aux Territoires du Nord-Ouest, pensez-vous pouvoir tirer parti de ces fonds destinés aux infrastructures? Quelle est la situation à cet égard?

M. McLeod : Eh bien, je pense que nous sommes très heureux de la réponse qu’on nous a donnée concernant l’éventail de fonds destinés aux infrastructures. Nous pensons obtenir sur 10 ans une très bonne partie des fonds qui existent déjà.

Le problème pour nous, c’est que nous avons un plafond d’emprunt. Par conséquent, pour maximiser les investissements dans l’infrastructure, nous devrons probablement faire des démarches auprès des responsables pour procéder comme nous l’avons fait la fois où nous avons construit la route entre Inuvik et Tuk. Nous avions fait des démarches pour hausser notre limite d’emprunt, et nous devrons probablement en faire autant cette fois-ci.

Nous avons également établi que les routes sont une grande priorité pour rendre le Nord accessible. Nous croyons que l’ouverture de la route entre Inuvik et Tuk aura d’importantes retombées.

Nous espérons avoir du financement pour la route de la vallée du Mackenzie, et nous voulons aussi prolonger l’Ingraham Trail, la route praticable en toutes saisons qui part de Yellowknife, plus au nord parce que nous craignons que les routes de glace qui mènent aux mines de diamants soient moins souvent praticables. En prolongeant la route plus au nord, nous nous attendons à prolonger le cycle de vie des mines.

Bien entendu, pour nous aider à lutter contre les changements climatiques, nous aimerions procéder à d’autres phases de la centrale hydroélectrique de Taltson. La phase 1 consisterait à accroître la capacité de 56 mégawatts et, à un moment donné, à ajouter un autre barrage le long de la rivière.

Nous aimerions exporter de l’hydroélectricité et faire ainsi partie de la solution dans l’Ouest canadien, mais nous avons besoin d’investissements et de lignes de transmission pour nous brancher au réseau de l’Ouest canadien.

C’est pour cette raison que nous pensons que la banque de l’infrastructure serait parfaite pour financer l’agrandissement des installations du barrage de Taltson. Nous attendons des renseignements sur le fonctionnement de la banque de l’infrastructure pour que nous puissions commencer à présenter nos projets.

La sénatrice Coyle : Je suis heureuse de vous rencontrer. Je suis impatiente d’avoir l’occasion de le faire en personne. Je n’ai pas beaucoup d’expérience dans les Territoires du Nord-Ouest, bien que j’aie visité Yellowknife, et je sais que c’est juste une petite partie de votre beau territoire.

Dans votre déclaration, vous avez parlé d’autres pays qui reconnaissent les difficultés associées au développement de l’Arctique et qui ont des plans concrets, pas seulement des politiques, mais des plans qui indiquent les mesures qui seront prises et la somme qui sera investie.

J’aimerais que vous me disiez quels sont les plans que vous avez vus ailleurs qui vous ont impressionné et qui permettraient aux Territoires du Nord-Ouest et au gouvernement fédéral, dans sa relation avec le territoire, d’apprendre quelque chose. Pouvez-vous en parler?

M. McLeod : Bien sûr. Je me suis rendu dans de nombreux pays d’Europe. Je me suis aussi rendu en Chine à cinq reprises, et j’y retourne cet automne. La Chine s’intéresse beaucoup au Nord.

Mon expérience la plus récente était en Islande, où 2 500 personnes ont participé à une conférence du cercle arctique. Quand on entend ces pays parler de ce qu’ils font dans l’Arctique, de certains de leurs importants investissements, d’une partie de l’infrastructure qu’ils ont en place et de la façon dont l’Arctique est à l’origine de la majeure partie de leurs recettes, on porte certainement attention à ce qui se dit.

Les organisateurs islandais, ainsi que les représentants d’autres pays, disent que nous devrions nous concentrer davantage sur l’axe est-ouest plutôt que sur l’axe nord-sud, pour lequel nous avons des allégeances. Nous avons toujours eu des liens étroits avec l’Alaska, mais pas autant avec le Groenland, l’Islande et les îles Féroé. Quand on regarde ce qui se fait en Suède et en Finlande, nous semblons avoir des liens plus naturels parce que beaucoup de nos problèmes dans l’Arctique sont très semblables aux leurs. C’est, sans aucun doute, une question que nous voulons examiner davantage.

Je pense que nous avons toujours porté attention à l’axe nord-sud. J’avais l’habitude de me rendre souvent aux États-Unis. Dans ces dossiers, il semble dorénavant plus naturel de collaborer avec les pays européens de l’Arctique.

Le vice-président : Monsieur le premier ministre, les Territoires du Nord-Ouest ont signé le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques — je crois que c’était il y a un an, en décembre — ainsi qu’un plan de tarification du carbone. Je me demande si vous pouvez faire le point à ce sujet et si vous pensez que la tarification du carbone sera un moyen efficace d’encourager vos citoyens à réduire leur consommation de combustibles fossiles.

M. McLeod : Eh bien, nous avions beaucoup de réserves à cet égard au début. Je ne veux pas parler au nom de tous les territoires du Nord, mais aux Territoires du Nord-Ouest, nous vivons déjà dans un environnement très dispendieux. Alors, selon nous, cela n’aurait aidé personne d’imposer une taxe supplémentaire, car nous n’avons pas accès à des solutions durables pour nous permettre d’abandonner les carburants fossiles.

Nous voulions donc prendre le temps d’examiner le cadre pour savoir ce que cela impliquerait pour nous d’y consentir.

Nous étions également préoccupés par la sécurité alimentaire et notre économie en développement. Le gouvernement a versé des centaines de millions de dollars à des pays en voie de développement — quelque 250 millions de dollars —, et nous étions d’avis qu’il devrait sans doute faire la même chose pour nous.

Nous avons fait beaucoup de modélisation. Nous avons travaillé de très près avec le gouvernement fédéral, qui a reconnu les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Au terme de deux séries de consultations, nous sommes maintenant prêts à soumettre notre stratégie sur les changements climatiques au gouvernement du Canada. Nous espérons qu’elle saura le satisfaire. Nous pensons pouvoir trouver le moyen d’abandonner progressivement les carburants fossiles et de nous adapter aux changements climatiques.

Nous en subissons les effets quotidiennement. Les changements climatiques causent du tort à notre faune, à nos routes, à nos immeubles. Mais je crois que nous pouvons établir un plan réaliste, et nous espérons que le gouvernement du Canada acceptera notre vision et qu’il nous permettra de la mettre en œuvre.

Le vice-président : Dites-vous que la tarification du carbone devra suivre des critères différents dans les Territoires du Nord-Ouest par rapport à d’autres régions du Canada?

M. McLeod : Il faut reconnaître que la réalité du Nord est unique et que différents facteurs doivent être pris en compte. Nous allons aussi mettre les efforts qu’il faut pour composer avec les changements climatiques, réduire nos émissions et délaisser les carburants fossiles.

La sénatrice Bovey : Vous avez parlé du tourisme. Je sais que les gens sont fascinés par le Nord et les Territoires du Nord-Ouest. J’ai suivi les aventures de parents et amis qui ont fait des excursions en canot, entre autres, et je trouve cela fantastique.

Qu’en est-il des navires de croisière? C’est un phénomène nouveau dans l’Arctique. J’aimerais que vous nous disiez quels sont les aspects positifs et négatifs liés au trafic de ces navires dans le passage du Nord-Ouest.

M. McLeod : J’ai assisté à une conférence sur le tourisme il y a de nombreuses années, et quelqu’un m’avait posé la même question. J’ai été quelque peu bouche bée, parce que je ne connaissais pas vraiment la réponse. Je pense la connaître aujourd’hui.

D’après moi, les navires de croisière sont la voie de l’avenir. Ils empruntent le passage du Nord-Ouest depuis un bon moment maintenant. Je crois que le plus de navires qu’on a vus est 75. Une grande partie du trafic se situe du côté du Nunavut.

Quelqu’un l’a mentionné déjà, mais pour les petites collectivités qui se trouvent sur l’itinéraire des navires de croisière, c’est une excellente occasion de vendre leur artisanat. C’est un marché à leurs portes. Par contre, les 3 000 passagers d’un navire peuvent facilement envahir un petit village de 300 personnes. Mais je crois que les exploitants de navires de croisière en sont conscients, et ils tâchent d’amener des groupes de taille raisonnable, soit peut-être une centaine de passagers à la fois.

Il faut voir la réalité en face, car cela ne fait que commencer. Nous devons nous préparer à une hausse importante du trafic, puisque c’est sans doute ce qui va arriver. Par exemple, nous n’avons pas d’infrastructure à la mer de Beaufort. Il n’y a même pas d’installations portuaires ni d’équipe de recherche et sauvetage. Il faut faire venir des intervenants par avion de Trenton ou de Comox, à deux heures de là. Alors s’il faut secourir des gens, l’aide arrive de loin.

Le passage du Nord-Ouest n’est pas cartographié, alors je crois qu’il faudrait remédier à cela et veiller à ce que ces navires ne se mettent pas en péril. Il est déjà arrivé qu’un navire soit bloqué dans le passage et qu’on doive secourir les passagers.

Nous avons besoin d’un plan et nous devons nous assurer que tout se déroule de la façon la plus sécuritaire possible.

Je pense que le Crystal Serenity est le plus gros navire à avoir emprunté le passage. Cela a nécessité deux ans de préparation, et le tout s’est déroulé sans heurt. Des brise-glaces accompagnaient le navire, des hélicoptères étaient à la disposition de l’équipage, et toutes les collectivités incluses à l’itinéraire avaient été consultées. C’est la bonne façon de faire les choses.

Par contre, je doute que tous les autres exploitants fassent de même. Beaucoup d’amateurs de sensations fortes empruntant le passage du Nord-Ouest manquent probablement de préparation. Il faut tenir compte de cela aussi.

La sénatrice Bovey : Je suis heureuse d’apprendre que des exploitants respectent certaines normes. Je suis curieuse d’en savoir plus sur les brise-glaces de croisière qu’on construit en Europe en ce moment et qui s’apprêtent à explorer la côte de l’Alaska avant de poursuivre vers le Nord.

Le vice-président : Premier ministre McLeod, je tiens à vous remercier d’avoir accordé de votre temps au comité et de l’aider dans son étude sur le Cadre stratégique pour l’Arctique du Canada.

J’ai eu le plaisir de vous côtoyer dans le cadre de fonctions diverses au fil des ans. C’est toujours agréable de vous voir représenter avec éloquence la population des merveilleux Territoires du Nord-Ouest. Merci beaucoup.

Pour la deuxième partie de notre réunion, je suis heureux d’accueillir l’honorable Paul Aarulaaq Quassa, premier ministre du Nunavut, qui est accompagné de Virginia Mearns, sous-ministre déléguée des Affaires intergouvernementales et exécutives.

Merci beaucoup de vous joindre à nous, monsieur le premier ministre. Avant de vous inviter à faire votre déclaration préliminaire, je veux informer mes collègues et le public que cette portion de la séance sera interprétée en inuktitut. L’interprétation sera disponible sur le canal 1, comme à l’habitude. Le Sénat a fait les démarches nécessaires, suivant l’initiative du sénateur Watt. Vous pourrez aussi entendre l’interprétation en anglais au canal 1.

Monsieur le premier ministre, la parole est à vous.

[Traduction de l’interprétation]

L’honorable Paul Aarulaaq Quassa, premier ministre du Nunavut, gouvernement du Nunavut : Merci et bonsoir. Je m’appelle Paul Quassa, premier ministre du Nunavut.

Avant de commencer, je veux souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine. Je suis heureux de pouvoir discuter avec vous d’enjeux importants pour les Nunavummiut, tandis que nous sommes sur leurs terres traditionnelles aujourd’hui.

Merci de m’avoir invité à témoigner devant le comité sénatorial. Je suis accompagné de Virginia Mearns, sous-ministre déléguée, Affaires intergouvernementales et exécutives, gouvernement du Nunavut. Elle m’aidera à répondre à vos questions suivant mon exposé.

Il est encourageant de voir que l’on s’intéresse de plus en plus aux questions concernant l’Arctique et touchant l’ensemble de notre territoire, et que le Sénat participe également à cet important dialogue.

Selon votre invitation, la séance d’aujourd’hui porte principalement sur les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et leurs effets sur les premiers habitants, les Inuits. L’Arctique canadien correspond au territoire traditionnellement occupé par les Inuits. J’avancerais qu’aucune autre population du Canada n’a dû composer avec des changements aussi importants et rapides que ceux auxquels sont confrontés les Inuits.

Il n’y a pas si longtemps, de mémoire d’homme, les Inuits avaient encore un mode de vie traditionnel. Nous comptions sur la pêche et la chasse pour nous nourrir. Nous vivions dans des campements, nous déplaçant selon la faune et les saisons. Je suis moi-même né dans un igloo, en périphérie du village qu’on appelle aujourd’hui Igloulik.

[Traduction]

Cependant, la vie des Inuits a été bouleversée à jamais par les politiques et programmes qui les ont arrachés à leur foyer, à leur langue et à leur culture, pour les transplanter dans un milieu inconnu, loin du mode de vie qu’ils avaient toujours connu. Nous avons été nombreux à oublier notre langue, notre culture et nos traditions : bref, notre identité.

Beaucoup ont eu du mal à concilier leurs traditions et leur nouvelle réalité. Certains se sont tournés vers l’alcool, les drogues ou la violence, ou se sont résolus au suicide. D’autres ont été profondément troublés par ces mesures, qui tourmentent encore bien des gens.

Afin de réparer les torts du passé, il est primordial de permettre aux Inuits de se réapproprier leur langue, culture et autonomie. Un pas important a été fait en ce sens il y a 25 ans avec la conclusion de l’accord du Nunavut.

[Traduction de l’interprétation]

Il est à noter par ailleurs que le président de votre comité était un des signataires de cet accord de revendication territoriale.

[Traduction]

La revendication territoriale a donné aux Inuits des droits sur les terres, les eaux, la faune et les ressources, ainsi que le droit à l’autodétermination grâce à la création d’un gouvernement public dans le but de bâtir un effectif représentatif de la population majoritairement inuite.

[Traduction de l’interprétation]

L’accord de revendication territoriale avait pour but de créer un territoire où les Inuits pouvaient se faire entendre dans le processus global de gouvernance et de prise de décisions relativement aux développements sociaux, économiques, environnementaux et politiques. La réalisation de cette vision passe par l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Aujourd’hui, 25 ans après la conclusion de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, nous devons examiner le chemin parcouru, cerner les obstacles à abattre, célébrer les jalons atteints en cours de route, et déterminer quelles seront les prochaines étapes.

[Traduction]

J’ai eu le grand honneur d’être aux premières loges de ces deux moments historiques, d’abord comme signataire de l’accord du Nunavut, et président de l’organisation inuite maintenant connue sous le nom de Nunavut Tunngavik Incorporated, et aujourd’hui comme premier ministre du gouvernement du Nunavut.

Je suis ravi de ce que nous avons accompli à ce jour, et je suis impatient d’entreprendre la suite de l’aventure. Au cours des prochaines semaines, notre gouvernement territorial va publier son nouveau mandat, qui donne un aperçu de nos objectifs et des mesures que nous entendons prendre pour les atteindre.

Comme il convient, notre nouveau mandat porte le titre de « Turaaqtavut », ce qui signifie essentiellement « la voie à suivre ».

Bien que je ne puisse pas discuter des détails de notre mandat pour le moment, je peux vous dire que nous allons continuer d’offrir aux Nunavummiut les programmes et les services dont ils ont besoin, tout en étant déterminés à remplir nos obligations en vertu de l’accord du Nunavut.

Le gouvernement fédéral a fait connaître son intention d’énoncer ses priorités à long terme pour le Nunavut par l’entremise du Cadre stratégique pour l’Arctique.

Le gouvernement du Nunavut participe activement aux tables rondes et continuera de s’impliquer dans le processus afin de veiller à ce que nos besoins uniques soient pris en compte dans les plans et activités du gouvernement fédéral. Nos priorités respectives devraient s’accorder dans l’ensemble. Nous espérons que nous pourrons collaborer de nouveau à des enjeux qui intéressent et préoccupent nos deux gouvernements.

La dévolution de tous les pouvoirs est la prochaine étape du développement politique du Nunavut. Bien que nous n’ayons pas encore atteint cet objectif, nous avons fait d’énormes progrès en ce qui a trait à la gestion des ressources naturelles et de l’utilisation des terres.

Nos commissions mixtes de planification et d’examen sont de bels exemples de coopération entre les organisations territoriales, fédérales et inuites. Au même titre que les données scientifiques, le savoir inuit traditionnel est maintenant un facteur considéré dans l’évaluation de la gestion de la faune, de l’utilisation des terres et des protections environnementales.

[Traduction de l’interprétation]

Cependant, beaucoup ne savent pas que nous sommes la seule administration du Canada à ne pas avoir le contrôle de ses ressources, et ce, malgré la dévolution prévue par l’accord du Nunavut. Dans notre cas, c’est le ministre fédéral à Ottawa qui a le dernier mot sur les terres, les eaux et les glaces du Nunavut.

Nous avons bon espoir que se concrétisera la dévolution des droits de propriété relatifs à nos terres et à nos eaux, et de l’autorité connexe. Il s’agira d’abord pour le gouvernement du Nunavut et le gouvernement du Canada de conclure une entente de principe, qui mènera au transfert intégral desdits pouvoirs au Nunavut. C’est ce que nous souhaitons.

Le Nunavut fait toujours face à des défis importants en matière d’infrastructure, de santé et de développement social qui exigent d’abord l’intervention, la participation et l’investissement du gouvernement fédéral pour répondre aux besoins du territoire de façon appropriée. Les infrastructures désuètes et le manque d’infrastructure essentielle représentent des obstacles majeurs au Nunavut, surtout en ce qui concerne le logement.

Nos 25 collectivités utilisent toutes des génératrices alimentées au diesel qui ont déjà atteint ou qui atteindront bientôt la fin de leur vie utile. Cet équipement est donc désuet. Et vous savez qu’il n’y a aucune route pour entrer ou sortir du territoire du Nunavut, ce qui signifie que les envois de marchandises et les déplacements se font seulement par avion ou par bateau.

[Traduction]

Notre superautoroute de l’information, c’est-à-dire Internet, est également limitée, car elle repose entièrement sur une connexion par satellite, ce qui engendre des coûts élevés et un débit lent. Cela contribue à l’impression de déconnexion entre le Nord et le Sud du Canada, ce qui isole davantage le Nunavut de ses voisins nationaux.

Relier le Nunavut au reste du Canada par l’entremise de routes, de fibres optiques, de lignes de télécommunications et de réseaux d’alimentation électrique aurait de nombreuses retombées positives sur notre territoire, car cela nous permettrait notamment de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et à ses répercussions sur l’environnement, de réduire le coût de la nourriture, des biens et des services grâce à des méthodes d’expédition plus efficaces, d’accroître notre participation à l’économie numérique et de réduire le fossé numérique.

Nous croyons que des investissements dans ces grands projets créeront une occasion de participer à une initiative moderne en matière d’édification de la nation.

Il est nécessaire d’établir des partenariats entre les gouvernements, les organismes inuits et le secteur privé pour répondre à nos besoins essentiels en matière d’infrastructure. Ces partenariats doivent reconnaître les besoins et les défis uniques du Nunavut.

Il y a deux semaines, je suis allé à Qikiqtarjuaq pour visiter la clinique de tuberculose mobile qu’on a installée là-bas pour dépister cette maladie et traiter le grand nombre de personnes qui sont touchées par la tuberculose dans cette collectivité. La clinique elle-même est une merveille médicale en raison de sa capacité de mobiliser de l’équipement spécialisé, du personnel et des ressources à très court préavis. Il s’agit possiblement de la meilleure clinique de traitement de la tuberculose dans le monde, et c’est un excellent exemple d’une collaboration entre de nombreux paliers de gouvernement pour une cause commune.

Toutefois, le fait que cette clinique soit nécessaire nous oblige à nous demander pourquoi, dans un pays développé comme le Canada, nous sommes toujours aux prises avec une maladie curable comme la tuberculose.

La solution se trouve dans l’amélioration des déterminants sociaux de la santé qui continuent de nous causer des difficultés, à savoir les pénuries de logements et les logements surpeuplés, l’insécurité alimentaire, les troubles de santé mentale et de toxicomanie, ainsi que la pauvreté. Nous devons absolument régler ces problèmes, mais nous ne pouvons pas y arriver sans aide. Ces problèmes exigent des ressources et des investissements importants qu’un seul gouvernement ou qu’une seule entité ne peut pas fournir.

Pour répondre à ces besoins sociaux pressants, nous devons collaborer avec le gouvernement fédéral, nos organismes inuits et les parties intéressées, afin de combiner les efforts et tirer parti de nos points forts.

Nous avons été heureux d’apprendre que le Sénat s’intéresse aux défis liés au logement dans les collectivités nordiques et autochtones. Nous sommes ravis d’avoir l’occasion de présenter la situation du Nunavut dans le cadre de vos délibérations à Iqaluit, et nous vous sommes reconnaissants des recommandations que vous avez formulées. Nous avons très hâte aux annonces qui seront faites demain dans le cadre du budget fédéral, afin d’en apprendre davantage sur les investissements qui seront effectués au Nunavut.

Nous espérons également que le gouvernement fédéral appuiera de plus en plus la création d’un centre de traitement des troubles mentaux et de la toxicomanie qui serait situé au Nunavut.

Nous avons tous entendu les demandes d’options de traitement pertinentes sur le plan culturel qui sont aussi fondées sur les traditions liées aux terres ancestrales et axées sur les Inuits dans le cadre de la Commission de vérité et réconciliation et, encore une fois, dans le cadre des audiences de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées qui ont eu lieu à Rankin Inlet la semaine dernière. Nous espérons que par l’entremise de la collaboration, de la coopération, de la compréhension et d’un engagement mutuel, nous serons en mesure de concrétiser ce projet pour le bien-être des Nunavummiut.

[Traduction de l’interprétation]

J’aimerais remercier le comité du Sénat de nous avoir donné l’occasion de souligner certains des défis et des répercussions auxquels fait face le Nunavut. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions sur mon exposé ou sur les enjeux que vous trouvez importants. J’ai hâte de lire votre rapport sur ces délibérations. Il nous sera très utile. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Monsieur le premier ministre, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier. Votre exposé était très émouvant et enrichissant, et vous l’avez certainement livré en toute sincérité.

J’aimerais également vous féliciter, ainsi que tous les citoyens du Nunavut, de vos nombreuses réalisations au cours des 25 dernières années. Elles ont été nombreuses, mais j’aimerais vous féliciter pour une chose qui s’est produite avant ces 25 ans. En effet, je tiens à souligner qu’à mon avis, ce sont les artistes du Nunavut qui, à de nombreux égards, sont des chefs de file dans les arts canadiens, et les coopératives qu’ils ont établies à Cape Dorset sont une source d’inspiration. Votre peuple et vos artistes ont inspiré les artistes du sud du pays. Veuillez donc accepter le défi de ce leadership, car il est reconnu à l’échelle mondiale. Je vous en félicite.

Cela dit, je suis manifestement très préoccupée, comme un grand nombre d’entre nous, par les enjeux liés à la santé, aux conditions de vie et à l’accès à l’éducation. J’aimerais avoir votre avis sur les résultats de l’adoption de la formule par habitant dans le Transfert canadien en matière de programmes sociaux et dans le transfert de services de santé. Quel effet cela a-t-il eu au Nunavut?

[Traduction de l’interprétation]

M. Quassa : C’est une très bonne question. Je vais tenter d’y répondre.

Lorsque nous examinons la formule par habitant et notre population, nous constatons que notre population n’est pas très nombreuse. Comme je l’ai dit, nous sommes peu nombreux, mais nous avons changé la carte du Canada. Notre nombre est trop petit, et nous sommes sur une énorme masse terrestre. Il s’ensuit que la formule par habitant ne fonctionne pas pour nous, car nous sommes trop peu nombreux.

[Traduction]

Encore une fois, la formule par habitant ne fonctionne pas très bien sur notre territoire. Comme je l’ai dit, notre population est très petite. Je crois que notre population, c’est-à-dire toute la population du Nunavut, pourrait remplir un centre sportif dans le Sud.

Comme vous le savez, le coût de la vie est très élevé. Je crois que cette formule ne fonctionne pas avec notre mode de vie, car le coût de la vie est tellement élevé. En effet, nous devons utiliser le transport par avion. Comme je l’ai dit plus tôt dans mon exposé, aucune route ne relie le Nunavut à d’autres régions. C’est certainement un aspect très important pour nous. Depuis la création du Nunavut, il y a de nombreuses années, nous indiquons au gouvernement fédéral qu’une formule par habitant ne fonctionne pas dans notre cas.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie d’avoir répondu à ma question.

J’aimerais aborder un autre sujet que vous n’avez pas mentionné, à savoir le tourisme. Je sais à quel point les gens de nombreux pays sont intrigués par le Nord. J’aimerais que vous nous parliez des avantages du tourisme ou de vos rêves liés au tourisme, mais également des préoccupations liées à la croissance de l’industrie touristique, surtout en ce qui concerne les navires de croisière qui visitent maintenant le Nord. J’aimerais avoir votre avis sur les bienfaits et les difficultés de cette situation.

M. Quassa : Eh bien, nous encourageons constamment le tourisme, car cette industrie a des retombées positives sur nos collectivités. Le tourisme apporte des avantages aux petites collectivités, surtout dans la région du passage du Nord-Ouest.

Nous étions à Pond Inlet plus tôt la semaine dernière, et les habitants nous ont parlé des navires de croisière qui passent par là. Environ 18 ou 19 navires de croisière, ou même plus, sont passés par Pond Inlet. Manifestement, les gens sont préoccupés par le fait que ces navires de croisière entrent dans les fjords dans lesquels ils pratiquent la chasse, car cela a des répercussions sur cette activité.

Mais en général, nous encourageons le tourisme, surtout en ce moment. J’imagine qu’on sait, partout dans le monde, que le passage du Nord-Ouest est en train de devenir accessible aux navires de croisière, mais je crois que nous devons avoir notre mot à dire sur les endroits où se rendent ces navires, sur les régions qu’ils peuvent traverser et sur la période de l’année. En effet, les Inuits dépendent encore beaucoup des mammifères marins. Je crois donc que c’est très important d’en tenir compte.

Aucune politique ou règlement concret ne régit cette région, car elle est très… quel est le mot approprié? Je ne sais pas.

[Traduction de l’interprétation]

Je le répète, notre eau est très précieuse. Nous ne voulons pas qu’elle soit compromise pour les animaux sauvages dont nous dépendons.

La route est également très importante. Au cours de la semaine dernière, les institutions publiques inuites du gouvernement, dans le cadre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, ont créé le Conseil du milieu marin du Nunavut. Cet organisme se penchera sur la réglementation.

Le Conseil du milieu marin du Nunavut élaborera des politiques et des règlements relatifs à la vie marine. Les petites collectivités ont de nombreuses préoccupations liées au trafic maritime. Je n’en dirai pas plus.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Monsieur le premier ministre, je vous remercie beaucoup de votre exposé. Il était très intéressant.

J’aimerais que vous me donniez un exemple. Si une route était reliée à Iqaluit, d’où viendrait-elle? Avez-vous une idée de la distance? Quels avantages cette route apporterait-elle à la collectivité d’Iqaluit?

J’aimerais que vous m’expliquiez la situation un peu plus en détail, afin que je la comprenne mieux. Si vous aviez une route, d’où viendrait-elle? Quelle distance couvrirait-elle? Et quelles seraient les retombées pour la collectivité d’Iqaluit ou la population des environs?

M. Quassa : Eh bien, étant donné qu’Iqaluit est sur l’île de Baffin, je ne crois pas que cette route relierait nécessairement la ville aux provinces du sud du Canada. Il s’agirait surtout de relier les collectivités dans la région de Baffin.

Comme je l’ai dit, la ville est sur l’île de Baffin. Je crois que c’est la cinquième plus grande île du monde. De plus, nous ne pouvons pas relier la ville à la terre ferme, à moins de bâtir un pont similaire à celui qui relie l’Île-du-Prince-Édouard à la terre ferme. Ce serait la seule façon de relier l’île de Baffin à la terre ferme.

Si nous avions une route seulement sur l’île de Baffin, elle permettrait de relier les collectivités entre elles. En effet, il y a 11 autres collectivités dans la région de Baffin ou sur l’île de Baffin, et ces collectivités pourraient être reliées entre elles si nous avions des routes. Cela faciliterait probablement surtout le commerce des aliments prélevés dans la nature. Je crois que ce serait probablement le seul avantage d’une route qui relierait Iqaluit aux autres petites collectivités, c’est-à-dire les collectivités environnantes sur l’île de Baffin.

Le sénateur Neufeld : Il serait donc avantageux pour ces collectivités d’être reliées à Iqaluit à l’année?

M. Quassa : Oui.

Le sénateur Neufeld : Deuxièmement, vous avez mentionné les fibres optiques. Elles sont dans un câble. D’où viendrait ce câble pour relier les collectivités de l’île de Baffin? Comment peut-on se connecter aux fibres optiques là-bas?

M. Quassa : On a beaucoup parlé de l’endroit d’où ce câble pourrait provenir. On a dit qu’il pourrait, par exemple, partir du nord du Québec et se rendre jusqu’à l’île de Baffin, probablement à Iqaluit et aux collectivités environnantes.

On a aussi parlé d’établir une connexion à partir de l’Ouest par l’entremise des collectivités situées à l’extérieur de l’île de Baffin. C’est une autre possibilité.

On a aussi pensé à le faire venir du Groenland jusqu’à l’île de Baffin.

Je crois que toutes ces options sont réalisables, mais manifestement, leur coût est très élevé. Nous espérons toujours que les fibres optiques — comme je l’ai dit plus tôt, nous utilisons seulement une connexion par satellite, et elle n’est pas aussi fiable que la connexion par fibres optiques. C’est certainement quelque chose que nous aimerions obtenir.

Le sénateur Neufeld : En ce qui concerne les navires de croisière, je crois que l’une de vos réponses soulignait que ces navires se rendaient dans des endroits où ils avaient des répercussions sur vos sources de nourriture.

Qui gère cette situation? Je présume que personne ne s’en occupe en ce moment. Les navires de croisière peuvent-ils tout simplement aller partout où ils le souhaitent? Est-ce ce que je dois comprendre?

Vous avez également dit qu’un groupe avait été formé pour formuler des recommandations sur des règlements et des politiques, ce qui est fantastique. Je crois que c’est une excellente chose, surtout en raison des connaissances de votre peuple. Je présume qu’on formulera également une recommandation sur la façon de les mettre en œuvre. En effet, c’est très bien d’avoir des règlements et des politiques, mais si on n’a aucun moyen de les faire appliquer, les navires de croisière pourront continuer de se rendre partout où ils le désirent. Est-ce exact? Il nous faudrait un plus grand nombre de navires de la Garde côtière ou même l’armée pour veiller à ce que les navires de croisière suivent le bon chemin. Est-ce quelque chose que vous pourriez envisager?

M. Quassa : Oui. Comme je le disais la semaine dernière seulement, les institutions gouvernementales comme la Commission d’aménagement du Nunavut, la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions et l’Office des eaux du Nunavut vont de l’avant. Le Conseil du milieu marin du Nunavut s’est joint à eux également. J’espère que le Conseil du milieu marin du Nunavut jouera un plus grand rôle en ce qui a trait à notre occupation des eaux.

La Garde côtière nous aidera également. Selon ce que je comprends, elle construit de nouveaux bateaux conçus pour naviguer dans notre zone. C’est ce que j’espère.

Comme je l’ai dit plus tôt, les Inuits exploitent les milieux marins. Ils chassent les mammifères marins partout dans cette zone où passent aussi les navires de croisière. Cela entraîne certaines conséquences. Ce ne sont pas seulement les navires de croisière. Les navires des sociétés minières passent par là également, surtout dans la région de Baffin, où l’on transporte le minerai de fer au moins trois ou quatre mois par année. Encore une fois, ces déplacements ont une incidence sur la vie marine.

Nous avons hâte que la Garde côtière exerce un contrôle accru sur ces navires de croisière.

Le vice-président : Monsieur le premier ministre, en ce qui a trait aux autoroutes, et pour faire suite à la question du sénateur Neufeld, vous avez parlé, lors de la Conférence Aurores Boréales qui s’est tenue à Ottawa il y a quelques semaines, d’une proposition visant à construire une route qui se rendrait jusqu’à la côte arctique dans la région de Kitikmeot et qui pourrait rejoindre la route de glace actuelle qui mène vers les mines de diamant des Territoires du Nord-Ouest dont a parlé le premier ministre McLeod. Pourriez-vous nous parler de ce projet routier et nous dire ce qu’il pourrait faire pour l’économie du Nunavut?

[Traduction de l’interprétation]

M. Quassa : À ce jour, nous avons un mandat et une vision. Nous y travaillons et je peux vous dire qu’au Nunavut, nous accueillons favorablement tous les progrès qui peuvent nous faciliter la vie. Pensons par exemple aux effets positifs de la construction d’une autoroute pour la population du Nunavut. Si une route reliait le sud du Canada au Nunavut — ce qui n’existe pas pour le moment —, ce serait avantageux pour nous sur le plan économique en raison des possibilités associées aux marchés et aux biens.

[Traduction]

La sénatrice Galvez : Nous vous remercions pour votre présentation très touchante.

Je réfléchissais à mes émotions et à mes sentiments associés au développement dans le Nord. D’une part, je crois qu’il faut favoriser l’éducation, la santé et une meilleure qualité de vie. D’autre part, j’ai été très triste de vous entendre parler de la perte de votre identité, de votre langue et d’une partie de votre culture.

J’aimerais que vous m’aidiez à réfléchir sur les développements qui sont bons pour le nord et qui vous permettraient de préserver votre culture. Qui devrait fixer les limites et contrôler la qualité de la croissance que les gens du Sud veulent développer dans le Nord?

M. Quassa : Récemment, nous avons tenu plusieurs réunions avec les sociétés minières et d’autres. Je dis toujours que nous sommes ouverts aux affaires. Je crois que le développement durable est essentiel. Nous appuyons le développement, pourvu qu’il soit durable.

Nous sommes très chanceux d’avoir ces importantes institutions gouvernementales en vertu de l’accord du Nunavut. Elles supervisent les développements qui s’opèrent sur notre territoire. Nous avons entièrement confiance en leur jugement.

En tant que gouvernement, nous appuyons ces institutions parce qu’elles veillent à ce que les développements soient appropriés et à ce qu’ils respectent la culture et les gens, et aussi les animaux sauvages que nous chassons et dont nous avons besoin. Je crois que ces institutions peuvent faire un excellent travail à cet égard.

Comme vous le savez, nous sommes toujours en train de négocier le transfert de responsabilités et nous tentons d’obtenir plus de pouvoirs afin de jouer un plus grand rôle dans la façon dont s’opèrent les développements sur notre territoire. Sur l’ensemble du territoire du Nunavut, 20 p. 100 des terres appartiennent aux Inuits. La plupart des développements se font sur ces terres. Les 80 p. 100 restants sont toujours sous le contrôle du gouvernement fédéral parce qu’il n’y a pas eu transfert des responsabilités. Ce transfert nous permettra d’exercer un contrôle sur plus de 80 p. 100 du territoire.

Je crois que le processus de transfert des responsabilités est très important parce que nous connaissons nos besoins et que nous reconnaissons l’importance du développement durable. À l’heure actuelle, nous avons une ministre responsable à la fois du développement économique et de l’environnement, dans un seul ministère. Cela veut tout dire. Nous misons sur le développement durable.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup.

La sénatrice Coyle : Nous vous remercions d’être ici aujourd’hui, monsieur le premier ministre et ministre. Nous sommes heureux de vous recevoir.

Je ne ferai pas semblant de bien connaître le Nunavut, même si j’y suis allée à plusieurs reprises. Je ne suis pas allée dans la région de l’île de Baffin, mais plutôt dans la région de Baker Lake, terre d’origine de Super Shamou et d’autres. Je suis certaine que vous le connaissez. Le Nunavut a donné naissance à plusieurs leaders remarquables.

Je tiens à vous féliciter. J’ai beaucoup aimé vous entendre parler de votre propre parcours à titre de signataire de l’accord du Nunavut. Comme vous le dites, vous êtes ici aujourd’hui, 25 ans plus tard, à titre de leader pour la création d’un nouveau mandat. Bien sûr, nous avons tous hâte de savoir quels seront vos objectifs. Cela nous intéresse beaucoup et c’est vous qui avez cette responsabilité. C’est extraordinaire.

Tout comme la sénatrice Bovey, j’aime moi aussi beaucoup les arts et la culture de votre région. Ce sont, tout comme votre peuple — puisque l’art est l’expression du peuple — d’incroyables atouts pour la région arctique. L’automne dernier, j’ai accueilli deux chanteuses de gorge du Nunavut : Kathleen, de Rankin Inlet, et Charlotte, qui vit maintenant ici, à Ottawa. Elles ont logé chez moi pendant leur séjour dans notre ville de la Nouvelle-Écosse. Je vois un grand potentiel dans ces jeunes artistes de votre région. Toutes sortes de possibilités s’offriront à elles. Elles sont maintenant connues à l’échelle mondiale; c’est merveilleux.

Ma question comporte deux volets et a trait à l’éducation. Je suis allée à Baker Lake parce que mon gendre travaillait pour vous, pour l’entreprise énergétique Kivalliq Energy. Il travaillait à un projet très important du gouvernement visant à favoriser l’embauche des Inuits — et vous en avez parlé plus tôt —, d’abord et avant tout pour des postes au gouvernement, mais aussi dans le secteur privé. C’est un mandat très important. Je sais qu’il s’agit d’un enjeu générationnel, à long terme.

J’aimerais avoir votre opinion au sujet des progrès réalisés en vue d’accroître le nombre d’Inuits qui occupent ces postes. Je suis certaine que vous ne voudrez pas remplacer tous les gens qui viennent du sud, mais nous savons que bon nombre de ces postes de première ligne du gouvernement et d’autres secteurs sont occupés par des habitants du sud.

Comment cela se passe-t-il, à votre avis? Quelles autres mesures faudrait-il prendre?

La deuxième question qui a été soulevée à notre table a trait à une université. Je connais des représentants d’Agnico Eagle; je sais qu’ils discutent avec vous de la possibilité d’établir une université de l’Arctique. Je suis certaine que vous avez des idées à ce sujet. J’aimerais savoir où vous en êtes avec cela également.

M. Quassa : C’est une très bonne question. En fait, on offre un excellent programme ici à Ottawa, qui s’appelle Nunavut Sivuniksavut, ce qui signifie « Nunavut, notre avenir ». De nombreux participants au programme Nunavut Sivuniksavut sont revenus au Nunavut. En fait, notre ministre de l’Éducation a suivi ce programme, tout comme certains sous-ministres. C’est un programme très pertinent. Nous en ressentons les effets tous les jours.

Comme je l’ai dit plus tôt, notre gouvernement a maintenant des obligations en vertu de l’accord du Nunavut. Il faut que le gouvernement soit représentatif de la population majoritaire, les Inuits. Nous y travaillons.

Nous avons des plans d’embauche des Inuits. Si vous me le permettez, je laisserais notre sous-ministre déléguée vous répondre au sujet de cette tâche très importante visant à accroître le nombre d’Inuits au sein de l’effectif.

Virginia Mearns, sous-ministre déléguée, Affaires intergouvernementales et exécutives, gouvernement du Nunavut : Merci.

Une grande partie de mon travail au sein du gouvernement du Nunavut vise à superviser la mise en œuvre de l’article 23 de l’accord du Nunavut. Je travaille surtout à établir les mesures de notre planification de l’embauche des Inuits, tant à l’échelle pangouvernementale qu’au sein de chacun des ministères et organismes du gouvernement du Nunavut.

Il s’agit d’une tâche permanente, qui sera requise aussi longtemps que le territoire existera, afin de veiller à atteindre un niveau représentatif au sein de notre administration pour mieux servir la population.

Ce qui nous préoccupe pour le moment, c’est que la majorité de la population est inuite, mais que cette majorité ne se reflète pas dans notre administration publique. Nous mettons donc en place des mesures pour veiller à offrir des possibilités d’éducation et de formation aux employés inuits, afin qu’ils obtiennent un niveau de scolarité supérieur tout en travaillant ou qu’ils bâtissent leur expérience de travail dans le but d’assumer plus de responsabilités.

De plus, nous travaillons avec le gouvernement du Canada et Nunavut Tunngavik afin de déterminer la meilleure façon d’établir ce que nous appelons les plans de formation avant l’embauche. Nous tenons compte des besoins et de l’offre de main-d’œuvre, en vue de les combler. En même temps, nous voulons avoir en place des mesures de recrutement efficaces qui inciteront les gens à intégrer l’administration pour devenir des employés nommés pour une période indéterminée.

Pour cela, il faut plus d’éducation. Bon nombre des personnes qui sont prêtes à intégrer notre effectif seraient considérées à titre d’étudiants adultes, mais pas selon le contexte traditionnel du sud du Canada. Ce serait des étudiants adultes qui obtiennent leur diplôme d’études secondaires. C’est la première étape. À partir de là, ils pourraient poursuivre leur parcours pédagogique.

C’est donc un travail imposant et très important, voire essentiel, pour le gouvernement du Nunavut. Il faudra que le gouvernement territorial et le gouvernement du Canada investissent de manière continue, non pas seulement à court terme, mais aussi à long terme.

M. Quassa : En ce qui a trait à l’université, je voulais simplement dire que nous avons mis sur pied une équipe mixte composée de représentants de notre ministère de l’Éducation, du Collège de l’Arctique du Nunavut et de Nunavut Tunngavik Incorporated. Ils travaillent ensemble à jeter les bases d’un partenariat de coentreprise que nous avons choisi. Au début de l’année, un comité de sélection composé de représentants du Collège de l’Arctique du Nunavut, du ministère de l’Éducation et de NTI a réalisé des entrevues avec quelques universités, à Iqaluit. Nous avons une courte liste d’universités : l’Université de Regina, l’Université des Premières Nations, l’Université McGill, l’Université Memorial, l’Université Dalhousie, l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard et l’Université Carleton.

Nous étudions donc diverses options et les possibilités de partenariats avec les universités du sud. Voilà où nous en sommes pour le moment. Nous avons hâte d’aller de l’avant.

Le sénateur Oh : Monsieur le premier ministre, nous sommes heureux de vous entendre et d’en apprendre plus sur le nord.

Je suis certain que vous travaillez fort pour favoriser la croissance économique et que le tourisme entraîne probablement les résultats les plus rapides. Mis à part l’investissement du Canada, comment arrivez-vous à attirer les investisseurs internationaux à Inuvik? Quels sont les pays étrangers les plus intéressés par votre région?

[Traduction de l’interprétation]

M. Quassa : Nous accueillons les nouveaux venus, surtout lorsqu’ils arrivent dans les petites villes, puisqu’il s’agit d’une nouvelle initiative. Pour ce qui est des touristes sur les navires de croisière, nous n’avons jamais planifié quoi que ce soit à cet égard. Il faut prévoir la façon de les gérer et de les surveiller, et désigner les voies qu’ils peuvent utiliser afin de veiller à ce qu’ils ne nuisent pas à la faune, à nos moyens de subsistance ou à nos sites historiques.

Les navires de croisière sont assez libres, peu importe leur provenance. Ils utilisent le passage du Nord-Ouest. C’est une nouvelle initiative, en place depuis quelques années maintenant; depuis quelques étés. Mais je suis certain que le Conseil du milieu marin du Nunavut fera son travail. Il se penchera sur la question des navires de croisière qui utilisent le passage du Nord-Ouest et qui naviguent sur nos eaux.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Mis à part les navires de croisière, je sais que le monde s’intéresse à votre région et souhaite l’explorer. Vous avez les aurores boréales, qui sont merveilleuses. C’est probablement un attrait touristique très important pour les visiteurs terrestres et non seulement pour les navires de croisière.

M. Quassa : Vous avez tout à fait raison : nos aurores boréales sont magnifiques; elles sont peut-être encore plus belles que celles de Yellowknife. Je ne sais pas.

Nous sommes très ouverts à toutes les formes de tourisme. Je crois que l’écotourisme est une très belle initiative; nous aimerions en voir plus. Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons de nombreux animaux sauvages et mammifères marins. En fait, de plus en plus d’épaulards viennent dans notre territoire. Ils arrivent peut-être de la Colombie-Britannique — je ne le sais pas —, mais il y en a beaucoup plus. Je crois qu’il faudrait songer à accroître l’écotourisme.

Nous sommes ouverts à tous les types de tourisme, c’est certain. Vous avez raison : nous avons un territoire magnifique; il est unique.

Le sénateur Oh : Lorsque j’ai visité l’île de Baffin pour la première fois, j’ai acheté une œuvre d’art de Robert Bateman, dont le titre est Polar Bears at Baffin Island.

Merci.

Le vice-président : Monsieur le premier ministre, j’aimerais vous poser une question au sujet de l’inuktitut et de la perte de langage et d’identité dont vous avez parlé. Vous avez fait référence aux problèmes sociaux qui sont parfois trop douloureux pour en parler au Nunavut.

Le gouvernement fédéral a promis des initiatives pour appuyer les langues autochtones au Canada. Pouvez-vous nous dire comment l’inuktitut peut aider les gens du Nunavut?

M. Quassa : Notre gouvernement a établi huit principes directeurs pour veiller à ce que les valeurs et la langue inuites fassent partie intégrante de notre territoire. Ce sont les principes qui orientent notre façon de gérer le gouvernement. C’est notre point de départ.

Un autre principe important, et que nous répétons toujours, c’est que tout commence à la maison. Il est essentiel que les parents inculquent ces valeurs à la maison.

Cela passe évidemment par notre processus d’éducation. Comme vous le savez, nous avons un système d’éducation bilingue : nous enseignons en inuktitut et en anglais. Nous voulons toujours nous améliorer à cet égard.

Dans la région de l’Inuit Nunangat, ITC souhaite normaliser notre système d’écriture. Notre langue serait ainsi plus forte.

Je vois tellement de jeunes, surtout dans les territoires à l’ouest, qui se réapproprient leur langue. Je vois leur fierté. Lorsqu’on retrouve sa langue maternelle, on retrouve la fierté d’être Inuit.

Le positivisme aide beaucoup également. J’ai presque oublié l’inuktitut lorsque j’étais au pensionnat. Lorsque j’ai retrouvé la langue, je me suis senti plus fort et j’ai voulu veiller à ce que nous la retrouvions tous.

Comme vous le savez, nous avons un gouvernement bilingue, et nous avons la Loi sur la protection de la langue inuite, qui est enchâssée dans notre territoire. L’inuktitut est notre langue officielle et tout cela nous permettra de garder cette langue bien vivante.

Le vice-président : Monsieur le premier ministre, je vous remercie de votre présence ici aujourd’hui. J’ai travaillé avec vous dans le cadre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et je serai heureux de travailler de nouveau avec vous, par l’entremise de ce comité, afin d’aborder les défis auxquels sont confrontés le Nunavut et l’Arctique, dont vous nous avez parlé avec tant d’éloquence.

[Traduction de l’interprétation]

Nous comprenons maintenant mieux le Nunavut. Merci.

(La séance est levée.)

Haut de page