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ARCT - Comité spécial

Arctique (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique

Fascicule no 7 - Témoignages du 23 avril 2018


OTTAWA, le lundi 23 avril 2018

Le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 18 h 28, pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir et bienvenue à la réunion du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Je m’appelle Dennis Patterson. Je suis un sénateur du Nunavut. J’ai le privilège de présider le comité. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont parmi nous dans la salle et à tous les téléspectateurs qui nous regardent un peu partout au pays à la télévision ou en ligne. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et sont aussi disponibles en ligne sur le site web du Sénat à sencanada.ca.

Je demanderais maintenant aux sénateurs autour de la table de se présenter.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de Toronto.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le président : Chers collègues, ce soir, nous poursuivons nos séances d’information générales sur les enjeux liés à l’Arctique. Pour ce qui est du premier groupe de témoins, je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à Johannes Lampe, président, et Isabella Pain, sous-ministre du Secrétariat de Nunatsiavut du gouvernement du Nunatsiavut. Merci de vous joindre à nous.

Je vous invite maintenant à nous présenter votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à une période de questions et de réponses.

Johannes Lampe, président, gouvernement du Nunatsiavut : Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui. Le gouvernement du Nunatsiavut représente environ 7 200 Inuits, dont environ 2 200 vivent dans cinq collectivités du Nunatsiavut. Nous bénéficions d’un accord de revendication territoriale, y compris de l’autonomie gouvernementale, qui est entré en vigueur le 1er décembre 2005.

Nous travaillons en collaboration avec d’autres régions inuites et ITK pour veiller à ce que les enjeux soient examinés du point de vue de l’Inuit Nunangat. Bon nombre des défis auxquels nous sommes confrontés au Nunatsiavut sont similaires à ceux rencontrés dans les autres régions inuites et sont liés directement au besoin de bâtir des collectivités plus fortes et plus saines grâce à la préservation de la culture, de la langue et de l’identité inuites. Il est tout aussi important de combler les lacunes en matière d’infrastructure.

Nous devons également veiller à ce que les Inuits du Labrador aient la possibilité de recevoir une éducation et une formation appropriées afin de bâtir une économie durable.

Pour bâtir des collectivités plus fortes et plus saines, nous devons mettre l’accent sur les besoins en santé physique et mentale des nôtres. Nous avons été heureux de constater dans le budget de 2018 un engagement relativement à l’Enquête sur la santé des Inuits et un engagement lié à l’élimination de la tuberculose d’ici 2030. Comme dans les autres régions inuites de l’Inuit Nunangat, nous continuons d’afficher de hauts taux de tuberculose dans nos collectivités. À Nain, cette année, il y a eu quatre cas confirmés de tuberculose. Jusqu’à présent, 527 personnes ont fait l’objet d’un dépistage et il y a un certain nombre d’enquêtes en cours.

J’aimerais souligner la coopération très positive qui existe entre les employés de notre service de santé, la DGSPNI, l’ASPC et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador dans le cadre des efforts pour composer avec la situation actuelle. En peu de temps, nous avons réussi à obtenir un appareil à rayons X dans la collectivité, ce qui signifie que les gens n’ont plus à se rendre à Goose Bay par avion pour subir une radiographie. Nous tentons également d’obtenir un appareil GeneXpert à Nain, qui nous permettra d’obtenir des résultats très rapides à partir d’échantillons d’expectorations.

Pour éliminer la tuberculose, nous devons examiner les déterminants sociaux de la santé, y compris en ce qui concerne le logement et la sécurité alimentaire. Encore une fois, nous avons été heureux de constater une affectation liée à l’hébergement dans le budget de 2018. Le gouvernement de Nunangat en est aux dernières étapes de l’élaboration d’une stratégie de logement pour le Nunatsiavut, et nous continuons de travailler en collaboration avec ITK dans le cadre de la stratégie nationale sur le logement des Inuits. Le gouvernement du Nunatsiavut travaille aussi en collaboration avec Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pour réaliser des évaluations sur les besoins en matière de logement dans nos collectivités afin de s’assurer d’obtenir des renseignements à jour sur les niveaux de surpeuplement, la présence de moisissures dans les maisons et le nombre de sans-abri.

Le Nunatsiavut n’a pas l’infrastructure de base nécessaire pour servir nos collectivités et pour aider à stimuler la croissance économique et le développement. Nos collectivités sont desservies toute l’année par des avions, principalement un Twin Otter, et, selon la saison, par des navires de transport de marchandises et de passagers. Il n’y a pas de lien routier vers le Nunatsiavut ou entre les collectivités inuites du Labrador. La mer est notre autoroute, mais nous continuons tout de même d’avoir un service maritime inférieur aux normes.

Certains des effets les plus importants et les plus précoces des changements climatiques sont ressentis partout au Nunatsiavut. La couverture de glace de mer dans le nord de la mer du Labrador le long de nos côtes a diminué de 73 p. 100 au cours des 40 dernières années, le déclin le plus rapide de toutes les régions du Canada. Le service maritime actuel doit composer avec des problèmes depuis des années, maintenant. Le bâtiment de voyageurs et de marchandises MV Northern Ranger a connu de nombreux problèmes mécaniques et logistiques, surtout au cours des dernières années. Le navire de marchandises ne répond pas aux besoins des collectivités du Nunatsiavut.

Nous avons récemment appris que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador allait présenter une proposition relativement à un service de transport de passagers et de marchandises. Nous avons demandé une copie de l’ébauche de ce document aux fins d’examen et de commentaires, mais nous ne l’avons toujours pas reçu. Ce manque de transparence est très préoccupant pour nous en tant que gouvernement, et nous continuons de douter de la capacité de ce nouveau bâtiment de répondre à nos besoins.

Les installations portuaires actuelles ne sont pas équipées pour composer avec les saisons de navigation plus longues et les bâtiments nécessairement plus gros. Étant donné l’augmentation prévue des activités de transport maritime dans le Nord à mesure que les voies navigables du Nord sont tracées et élargies, il faudrait mettre l’accent sur l’amélioration de nos installations portuaires afin de relever les défis futurs et de profiter des occasions de développement économique et social.

On prévoit que les conditions météorologiques extrêmes deviendront plus courantes à l’avenir, ce qui crée le besoin très concret d’améliorer la sécurité des voyages en mer.

Les collectivités du Nunatsiavut sont prêtes à adopter les nouvelles technologies et les nouvelles pratiques, mais elles savent trop bien que les changements dans la région exigent une planification minutieuse et une grande attention à la façon dont notre mode de vie et notre environnement seront touchés. La promotion d’un transport maritime sécuritaire et actif, la mise en place d’activités de recherche et de sauvetage hautement réactives permettant de sauver des vies et l’expansion d’une infrastructure de télécommunications plus fiables au Nunatsiavut sont des éléments essentiels pour nous aider à nous adapter aux changements climatiques.

Le nombre de navires qui passent le long de la côte nord du Labrador augmente et continuera d’augmenter. Nous devons nous assurer de mettre en place les mécanismes, les règles et les technologies appropriés afin de réduire les probabilités de catastrophe maritime.

Le gouvernement du Nunatsiavut demande depuis des années une nouvelle piste d’atterrissage à Nain, notre plus grande collectivité et notre centre administratif. L’emplacement et la longueur de la piste d’atterrissage actuelle, en plus du fait qu’elle n’est pas équipée pour permettre des atterrissages de nuit, soulèvent d’importantes préoccupations liées à la sécurité, et ce, depuis de nombreuses années. La ville de Nain continue de grossir, et la croissance future entraînera une augmentation du trafic aérien, ce qui accentuera les problèmes actuels.

Le gouvernement du Nunatsiavut prévoit une augmentation constante du trafic touristique vers le Nunatsiavut et vers le parc national des Monts-Torngat, Nain étant le principal point de relais ou la principale porte d’entrée vers le parc. Une nouvelle piste d’atterrissage moderne capable d’accueillir des avions plus grands que des Twin Otter aiderait à stimuler le développement économique et à réduire les coûts de transport aérien et de frais de transport.

Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a financé une étude météorologique pour déterminer le meilleur emplacement pour la nouvelle piste d’atterrissage. On estime le coût de nouvelles pistes d’atterrissage à plus de 60 millions de dollars. Une part élevée de ce coût serait associée au lien routier avec la collectivité.

Il faut absolument que les trois ordres de gouvernement concluent une entente pour s’assurer de construire l’infrastructure nécessaire.

Même s’il y a eu certaines améliorations, l’insuffisance de la bande passante et des capacités de réseau dans notre région menacent la prestation de services essentiels, comme les services gouvernementaux, les services bancaires, la santé et l’éducation et ainsi de suite. Ces limites continuent aussi d’être un obstacle important au développement économique et à la croissance. De meilleurs services à large bande permettront d’améliorer la productivité et soutiendront les entreprises nouvelles et émergentes en plus d’accroître l’accès aux marchés extérieurs.

La communication, le commerce, la prestation de services et les arts, et les divertissements exigent tous une connectivité réseau à haute vitesse dans la société d’aujourd’hui. Il s’agit d’une infrastructure essentielle qui, dans certains cas, élimine le désavantage géographique des Inuits qui veulent établir des liens avec le Sud du Canada et le monde entier.

La solution à long terme en matière de connexion à large bande au Nunatsiavut exige une connexion par fibre optique au réseau de télécommunications du Sud du Canada. Il existe des options terrestres et sous-marines, l’option sous-marine étant la plus facile à obtenir dans l’immédiat. Il faudra déterminer à qui appartient toute infrastructure de fibre optique future. Si une telle infrastructure est mise en place grâce à un soutien financier public, les partenaires de financement devraient conserver la propriété de cette infrastructure en tant que bien public et même, possiblement, stratégique, et ne pas en céder la propriété à des intérêts privés.

Le manque de sécurité énergétique dans nos collectivités nuit à la croissance économique et sociale et à la stabilité. Si nous voulons renforcer notre économie et améliorer la vie des Nunatsiavummiut, il est essentiel de trouver des façons de répondre à nos besoins énergétiques à long terme.

Toutes les collectivités inuites du Labrador dépendent entièrement du diesel pour produire de l’électricité, ce qui entraîne une dépendance totale à l’égard du carburant importé ainsi que des coûts de production élevés, qui sont aussi fortement subventionnés, ce qui fait en sorte qu’il est difficile de déterminer le coût réel de la production d’électricité.

Le Plan de sécurité énergétique du Nunatsiavut, qui a été approuvé par notre gouvernement il y a deux ans, est une approche proactive et durable en matière de développement visant à répondre aux besoins énergétiques des collectivités inuites du Labrador tout en tenant compte des conditions sociales et économiques locales. Le plan aborde également d’autres aspects de l’infrastructure municipale, notamment le logement et les installations communautaires.

Grâce à un processus exhaustif, inclusif et de fond, ce plan permet de répondre directement aux besoins de la collectivité dans le Nunatsiavut d’une façon qui tient compte des dimensions sociale, économique et environnementale de l’énergie. Ce qui est tout aussi important, c’est que le plan est fondé sur le cadre réglementaire et stratégique du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que sur les considérations économiques liées à l’énergie, qui sont la réalité pour tous.

Le gouvernement du Nunatsiavut, en partenariat avec Hydro Terre-Neuve-et-Labrador, a présenté une proposition dans le cadre des volets biothermie, démonstrations et déploiement du programme Énergie propre pour les collectivités rurales et éloignées. La proposition de microréseau éloigné de Nain intègre la production d’énergie éolienne, le stockage d’énergie, des compteurs intelligents et un contrôleur de microréseaux intégrés au réseau actuel de production électrique à partir de diesel de la collectivité.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, bon nombre de nos défis ne sont pas uniques, mais une approche différente est requise pour les relever. Il faut trouver des ressources fédérales supplémentaires pour bâtir l’infrastructure nécessaire dans nos collectivités. C’est quelque chose que nous avons dit à de nombreuses reprises au gouvernement fédéral. La géographie ne devrait pas dicter si nous avons droit ou non à l’occasion de grandir et de prospérer. Notre réussite en tant que région sera un des éléments de l’édification d’une nation plus forte, ce que nous voulons tous.

Encore une fois, je vous remercie de m’avoir donné cette occasion.

Le président : Je vais maintenant passer aux questions des sénateurs en commençant par la vice-présidente, la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : J’ai deux questions, si vous me le permettez. Pour commencer, je tiens à vous remercier beaucoup de votre aperçu complet des situations auxquelles vous êtes confronté. Il est évident qu’elles sont multidimensionnelles et complexes.

Je vais seulement aborder deux de ces questions, si vous me le permettez. Je sais que mes collègues en aborderont d’autres. Je vous parle du point de vue d’une personne qui aime regarder vers l’avant en s’appuyant sur le passé.

En ce qui concerne le document Cadre stratégique pour l’Arctique du Canada : Guide de discussion, relativement auquel, je l’espère, vous avez été consulté, j’aimerais savoir de quelle façon, selon vous, ce guide stratégique pour l’Arctique peut offrir des possibilités dans le Nord et particulièrement pour les résidants du Nord et les Inuits qui vivent dans votre collectivité? Selon vous, quels sont les tremplins positifs?

M. Lampe : Assurément, la première chose à mentionner, c’est que nous avons participé, et que c’est très important. Les consultations auprès des Inuits sont très importantes, tout comme le travail qu’il reste à faire.

Isabella est en mesure de répondre à votre question de façon plus technique.

Isabella Pain, sous-ministre, Secrétariat du Nunatsiavut, gouvernement du Nunatsiavut : Nous avons participé à l’élaboration du cadre stratégique pour l’Arctique, en ce qui a trait tant à l’élaboration du guide qu’à la tenue de consultations dans nos collectivités et dans notre région. Lors de la séance à Nain, un certain nombre d’enjeux ont été soulevés, des enjeux similaires à ce dont vous entendez parler aujourd’hui. Afin d’aller de l’avant, nous devons combler les lacunes fondamentales en matière d’infrastructure. Nous devons reconnaître que les indicateurs sociaux et liés à la santé doivent être respectés. Il faut trouver une façon d’augmenter certaines choses comme l’utilisation de l’inuktitut et s’assurer que les gens adoptent le mode de vie inuit s’ils le souhaitent. Il faut aussi fournir de meilleurs systèmes d’éducation et de meilleurs emplois. Nous voulons du développement économique dans nos régions. Selon nous, l’absence de certaines infrastructures de base est l’un des obstacles qui nous empêchent d’y arriver.

Nous sommes heureux de participer à la corédaction du guide stratégique sur l’Arctique. J’imagine que nous n’en sommes pas encore là, alors le vrai test, ce sera de voir si nous pouvons en arriver à un document qui nous donne l’impression que nous avons vraiment été écoutés et si les choses que nous souhaitons se retrouvent bel et bien dans la politique sur l’Arctique. Ce sont des processus encore en cours.

La sénatrice Bovey : Vous avez mentionné les enjeux liés à la piste d’atterrissage et à l’aéroport et à l’importance croissante du tourisme et de tous les points de correspondance qu’il y a là-bas.

Je tiens à vous féliciter pour le centre culturel qui, si j’ai bien compris, ouvrira bientôt. Il s’agira probablement, je l’espère, d’un outil très important pour le développement du tourisme. Je sais que l’un des défis a été la compréhension de la culture et l’utilisation de votre langue. Pouvez-vous nous en parler un peu dans le contexte du tourisme et du développement économique?

Mme Pain : Oui. Nous croyons que le tourisme va augmenter. C’est en tout cas ce que nous avons constaté au cours des dernières années. Le président Lampe a discuté de notre infrastructure marine et, par exemple, l’un de nos groupes d’entreprises exploite, dans le cadre d’un contrat conclu avec la province, le service de traversiers. Nous avons déjà des réservations pour la saison qui s’en vient, des réservations de touristes, mais, puisqu’il y a un nombre de places limitées sur ces navires, nous devons limiter le nombre de touristes que nous pouvons accepter, parce que nous savons que les gens du coin doivent aussi utiliser des traversiers pour des raisons personnelles, et il y a aussi les marchandises à transporter et d’autres choses. Nous constatons déjà des pressions entre l’augmentation du tourisme et tout simplement la vie sur la côte, les gens qui doivent tout simplement utiliser ces services au quotidien.

Nous voyons de plus en plus de personnes qui veulent aller dans des endroits comme le parc national des monts Torngat, ce qui est très bien. Ce n’est pas facile de s’y rendre. Mentionnons aussi la réserve du parc national des monts Mealy à notre frontière Sud. Et là aussi, nous prévoyons que cela entraînera une augmentation du nombre de visiteurs dans notre région. Nous avons commencé à constater cette augmentation, mais, en même temps, tout ça pose des défis tout simplement en raison de notre infrastructure de base.

Nous nous attendons à ce que le centre culturel, Illusuak, attire plus de visiteurs. C’est une installation merveilleuse, et la nouvelle exposition devrait être prête à l’automne. Ce sera l’occasion pour nous de raconter notre histoire de façon à ce que les gens puissent venir et raconter notre histoire comme nous la racontons et comme nos Aînés la racontent.

La sénatrice Bovey : Allez-vous pouvoir transporter ces expositions?

Mme Pain : Nous prévoyons faire certaines choses en ligne parce que, évidemment, Nain n’est qu’une de nos collectivités. Une partie de ce que nous voulons faire, c’est joindre toutes nos collectivités en créant des expositions itinérantes pour chacune de nos autres collectivités, mais aussi créer une exposition en ligne que les gens peuvent visiter. Comme le président Lampe l’a dit, cependant, nous avons des problèmes de capacité en ce qui a trait à la bande passante. C’est une chose à laquelle nous devons toujours penser. Dans quelle mesure pouvons-nous en demander plus à notre système alors qu’il a déjà de la difficulté à composer avec nos demandes actuelles?

Le président : J’ai une question supplémentaire à ce sujet. Madame Pain ou monsieur le président Lampe, vous avez parlé des lacunes du navire Northern Ranger. À qui appartient ce navire? Et qui est responsable d’améliorer le service, s’il vous plaît?

Mme Pain : Le MV Northern Ranger appartient au gouvernement provincial. C’est l’un des traversiers que le gouvernement exploite. Il est exploité dans le cadre d’un contrat par le Nunatsiavut Group of Companies. Nous gérons le tout au nom de la province. Le bâtiment appartient à la province, et c’est elle qui est responsable de le remplacer. C’est un très vieux bâtiment. Les responsables avaient réalisé un processus de DP il y a quelques années. C’est, évidemment, une infrastructure très coûteuse, et ils n’avaient pas les moyens de procéder à son remplacement à ce moment-là.

Il y a un certain nombre d’années, il y avait un arrangement avec le Canada. Un fonds pour les transports avait été créé. L’argent lié à ce fonds a été utilisé pour construire certaines routes dans le Sud du Labrador et à Goose Bay. Rien dans nos collectivités. Essentiellement, ce fonds n’existe plus, et nous nous retrouvons encore avec un service maritime médiocre sans avoir beaucoup d’options pour le remplacer. Comme le président Lampe l’a mentionné, nous croyons savoir que le gouvernement procédera à une nouvelle DP au cours des deux ou trois prochains mois; il reste à voir à quoi tout cela ressemblera.

La sénatrice Eaton : Depuis que je siège au Comité des finances, l’une des choses qui m’intéressent, c’est le logement pour les Autochtones, parce que, contrairement au secteur du logement dans le Sud, qui est très codifié, il n’y a pas de code pour le logement des Autochtones dans leurs régions géographiques. Je crois que beaucoup d’enfants autochtones et inuits souffrent de problèmes respiratoires à cause de la moisissure. Est-ce là une des causes de la tuberculose et, pour commencer, allez-vous créer des codes pour les logements futurs, de façon à ce que les logements soient adaptés à l’endroit où vous vivez et au climat, là-bas? Ensuite, un service à large bande vous aiderait-il en ce qui a trait à la santé et l’éducation? Ce serait un outil majeur, n’est-ce pas, en ce qui a trait à la santé, à l’accessibilité des experts, aux soins palliatifs, et à tout le reste, si vous aviez un meilleur service à large bande? J’imagine que ce serait parfait pour les études supérieures aussi.

Mme Pain : En ce qui concerne les codes de logement, c’est un problème que nous soulevons depuis un certain temps. Il y a quelques années, nous avons reçu le Prix Inspiration Arctique, et l’objectif était en partie d’élaborer, puis de construire un nouveau type de logement. Ce que nous avons fait — et nous venons tout juste de terminer, et des résidants déménageront dans les logements au cours du prochain mois, environ — c’est que nous avons bâti des logements en respectant des normes plus élevées que ce qui est actuellement exigé. Tout a été conçu par des Inuits de la collectivité. Grâce à une série de charrettes de conception, on a demandé aux gens quel genre de logements ils aimeraient avoir. On a construit les logements en gardant ces choses à l’esprit, en tenant compte de ce facteur de confort, j’imagine, d’un point de vue social, mais nous avons aussi conçu des logements très écoénergétiques, avec beaucoup d’isolation et les avons orientés vers le sud afin d’essayer de tenir compte de l’énergie solaire passive durant l’hiver. Nous avons aussi intégré un certain nombre de gains d’efficience. Je pourrais probablement fournir toutes les spécifications techniques. Une fois tout en place, il y aura là six appartements. Nous allons procéder à un contrôle continu. Nous travaillons en collaboration avec la SCHL pour assurer une surveillance continue de façon à voir si nous avons réussi à rendre ce type de logement beaucoup plus écoénergétique. Nous allons faire un suivi au cours des deux ou trois prochaines années. Une autre chose qui nous intéresse, c’est la surveillance sociale. Nous voulons parler aux gens afin de savoir si ces logements répondent à leurs besoins sociaux et familiaux ou s’il y a d’autres choses à faire.

La sénatrice Eaton : J’imagine que, dans certaines collectivités, il y a des membres de plus d’une génération qui vivent ensemble, non? Parfois, les logements que créait la SCHL étaient prévus pour la parfaite famille nucléaire.

Mme Pain : Nous avons essayé d’en tenir compte. En ce qui a trait à ces logements précis — nous disons que c’est notre prototype — nous avons rendu les logements accessibles aux aînés qui sont, évidemment, en santé et mobiles et qui peuvent vivre par eux-mêmes, peut-être avec un peu d’aide, un peu de soutien, mais sans soutien médical. Trois sont destinés à des familles plus jeunes, parce que ce sont là les deux groupes au sein de notre population qui sont incapables d’avoir accès par eux-mêmes aux autres genres de logement que nous fournissons. Ce sont des gens qui sont tout simplement passés entre les mailles du filet, en un sens, en ce qui concerne les logements accessibles. Lorsque nous parlons aux aînés, par exemple, au sujet du genre de logement qu’ils aimeraient, ils disent qu’ils aimeraient avoir une pièce de plus dans la maison. Il y a peut-être une ou deux personnes. Ce peut être une personne seule ou un couple âgé, mais ils veulent des pièces de plus dans leur maison pour leurs petits-enfants, qui viennent très souvent vivre avec eux, ou peut-être pour des frères ou des sœurs plus âgés. Ils veulent un peu de souplesse en ce qui a trait à leur famille. Il n’y a pas de conception prédéfinie de la famille, c’est qui ils considèrent comme étant des membres de leur famille.

La sénatrice Eaton : Ces maisons, ces codes, ces nouveaux logements que vous construisez, avez-vous prévu leur durée de vie? La plupart des résidences construites dans le Sud peuvent avoir 20, 30 ans. Elles ont une certaine espérance de vie. Le climat est beaucoup plus rigoureux là où vous vivez, mais les bâtiments sont-ils construits de façon à résister à ces conditions plus rigoureuses?

Mme Pain : Si nous réalisons les recherches actuellement et que nous construisons ces logements, c’est parce que nous avons des problèmes liés à la fonte du pergélisol. Ce n’est pas une situation aussi extrême que dans certains endroits parce qu’il n’y a pas du pergélisol partout. Nous avons chez nous du pergélisol discontinu qui se trouve en poches dans certains endroits. Dès que l’on creuse pour installer une fondation ou un service d’eau et d’égouts, il commence à fondre. Puis, si on construit à cet endroit sans utiliser un type de fondation approprié, on constate que le bâtiment bouge avec le gel et le dégel et ainsi de suite au fil des saisons. Nous constatons qu’il y a des résidences qui ont été construites au cours des 10 dernières années qui doivent être remplacées, tout simplement parce qu’elles s’effondrent à cause de la situation du sol. Cela n’a rien à voir avec la construction en tant que telle : le sol bouge tout le temps. Ce que nous avons fait avec ce prototype précis, c’est que nous avons regardé quel type de fondations étaient appropriées vu les conditions du sol afin de maintenir la durée de vie d’une maison, afin qu’elle ne dure pas seulement 10 ans, mais qu’elle puisse rester habitable pendant longtemps.

Le président : À ce point-ci, je vais peut-être vous poser une question au sujet du budget de 2017, que le président Lampe a mentionné rapidement dans sa déclaration préliminaire.

Quatre cents millions de dollars avaient été engagés, sur 10 ans, pour soutenir le logement sur les terres inuites dans les régions inuites du Nunavik, du Nunatsiavut et d’Inuvialuit.

Nous allons accueillir un représentant de la région d’Inuvialuit plus tard ce soir.

Pouvez-vous nous décrire comment se déroule la stratégie de logement dirigée par les Inuits? C’était pour les trois régions. Quatre cents millions de dollars sur 10 ans, soit environ 40 millions par année. Je ne sais pas exactement si le montant est divisé par trois, mais je me demande comment vont les choses. Cette mesure devait vous accorder un rôle plus important dans le cadre de la conception et de la construction, j’imagine. Comment tout ça se passe-t-il?

Mme Pain : Il y avait beaucoup d’argent prévu dans le budget de 2018; nous ne savons pas encore combien nous en recevrons. On est encore en train de définir les affectations, alors nous n’avons pas l’information.

Cependant, le budget de 2017 est un bon exemple de la façon dont les choses peuvent fonctionner et devraient fonctionner. Les régions inuites se sont vu fournir des fonds pour le logement directement du Canada. Nous avons reçu certaines affectations directement, et nous avons pu les dépenser dans les domaines que nous jugions prioritaires. Il ne s’agissait pas de fonds affectés à la province, qui pouvait ensuite réadministrer le tout. Ces fonds étaient assujettis à nos décisions à la lumière d’une évaluation des besoins en matière de logement que nous avions réalisée en 2012 nous ayant donné accès à des données précisant où se trouvaient les taux de surpeuplement et où il fallait investir plus. Nous utilisons ce genre de données pour prendre nos décisions quant aux endroits où nous bâtissons les maisons et les genres de maisons que nous choisissons.

Dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement des Inuits, nous travaillons dans toutes les régions pour examiner les options de logement dont nous avons besoin dans nos collectivités et trouver des façons de répondre à ces besoins. Nous travaillons en collaboration en tant qu’Inuit Nunangat de toutes les régions dans le cadre de cette stratégie.

Ensuite, nous travaillons sur notre propre stratégie, celle qui vise le Nunatsiavut. Dans cette stratégie, nous examinons le continuum de logements actuellement offerts dans nos collectivités. Il y a des éléments du continuum qui n’existent tout simplement pas dans nos collectivités. Par exemple, dans certains cas, nous n’avons pas de refuge d’urgence. Par conséquent, si une personne est sans abri, nous n’avons rien pour elle dans nos collectivités, alors est-ce là un besoin? Il n’y a pas beaucoup de logements locatifs ou d’autres marchés locatifs privés. C’est là quelque chose qui manque. C’est difficile d’attirer des employés, parce que nous n’avons pas de marchés locatifs. De quelle façon pouvez-vous venir travailler dans nos collectivités si vous n’avez nulle part où vivre?

Nous avons certaines choses de base, mais nous n’avons pas fait une analyse de notre propre continuum de logements. Nous allons nous pencher là-dessus. Nous travaillons en collaboration avec le Canada et Terre-Neuve, encore une fois, pour préparer notre prochaine évaluation des besoins en matière de logement. Nous tentons de mesurer s’il y a eu des améliorations depuis 2012, alors que nous connaissions la situation. Nous voulons comparer tout cela à aujourd’hui. Il y a eu certains investissements supplémentaires. Avons-nous fait quoi que ce soit? Constatons-nous une amélioration en ce qui concerne la réduction des taux de surpeuplement et du nombre de sans-abri?

C’est ce que nous voulons savoir, et nous voulons aussi vérifier si nous faisons les bonnes choses.

La sénatrice Eaton : En ce qui concerne le surpeuplement, la tuberculose est-elle problématique? C’est bien beau que la ministre se rende là-bas pour inoculer et tester les gens, mais si les gens vivent dans des maisons surpeuplées et aux prises avec des problèmes de moisissures, on ne réussira pas à enrayer la maladie.

Mme Pain : Le surpeuplement est l’un des déterminants sociaux de la santé qui fait en sorte que la tuberculose persiste. Dans certaines de nos collectivités, il y a des maisons de trois chambres à coucher où vivent 16 ou 17 personnes. Les gens vivent dans des conditions de surpeuplement.

De plus, les gens ont faim. Si on ne répond pas aux besoins en matière de sécurité alimentaire, le corps est naturellement plus faible.

Nous devons tenir compte des déterminants sociaux de la santé si nous voulons nous débarrasser de la tuberculose. Il y a toutes sortes de choses dont il faut tenir compte aussi.

Le sénateur Neufeld : Merci d’être là. Vous avez présenté un excellent exposé.

Je veux vous poser quelques questions sur la tuberculose. Pourquoi cette maladie est-elle si répandue? Je sais, vous avez parlé de certaines choses, comme le surpeuplement et la moisissure. Sont-ce là les seules raisons? Quelles sont les autres raisons expliquant la prévalence de cette maladie?

Mme Pain : Selon nous, il y a un certain nombre de raisons. Pour ce qui est de la tuberculose, elle existe. Elle est dans nos collectivités, et les gens doivent suivre un traitement. Les traitements sont très longs. On parle de neuf mois. Ils sont aussi très durs et difficiles pour le corps. Il faut que les gens acceptent de suivre le traitement.

Il y a beaucoup de cas de tuberculose latente dans nos collectivités. Si vous avez une tuberculose latente, vous n’êtes pas obligé de prendre des médicaments, même si vous pouvez le faire et que vous devriez le faire en guise de traitement prophylactique afin de tuer la maladie qui sommeille. Elle est en vous, mais elle n’est pas active — vous ne la répandez pas —, mais elle pourrait devenir active à n’importe quel moment. Tant qu’on n’aura pas trouvé tous ceux qui sont atteints de tuberculose latente ou active et que nous ne nous assurerons pas qu’ils respectent à 100 p. 100 le traitement médicamenteux, la maladie sera difficile à éradiquer.

Une des choses qu’il faut faire, c’est mettre fin à la stigmatisation concernant la tuberculose. Les gens ressentent beaucoup de stigmatisation et de jugement entourant la tuberculose. Ils ont l’impression qu’on l’attrape lorsqu’on ne prend pas soin de soi et des choses du genre. Rien de tout cela n’est nécessairement vrai, si vous vivez dans une maison surpeuplée et que vous êtes en contact avec quelqu’un qui l’a.

Nous savons que la tuberculose se propage par les articles pour fumeurs. Les gens se partagent des cigarettes ou utilisent d’autres dispositifs dans lesquels on respire directement de l’air dans les poumons. Ce peut être une cause de la propagation de la tuberculose. C’est quelque chose que nous constatons dans certaines populations plus jeunes qui peuvent s’adonner à ces activités.

Il s’agit d’éduquer et de sensibiliser les gens et de s’assurer qu’ils ne ressentent pas de stigmatisation. Il faut qu’ils fassent les premiers pas pour être testés, et il faut soutenir les gens qui ont la tuberculose. Lorsque les gens prennent des médicaments contre la tuberculose, il doit y avoir une observation pour que l’on puisse s’assurer que le médicament est pris. Il faut s’adresser aux responsables de la santé publique pour obtenir les médicaments. Peu importe ce dont il s’agit et peu importe le nombre de fois par semaine, il faut s’y rendre. Cela signifie que nous devons aider les gens pour nous assurer que, si on est au beau milieu de l’hiver et qu’il fait moins 50, quelqu’un ira les chercher pour les conduire à leur rendez-vous afin qu’ils n’aient pas à s’y rendre à pied.

C’est aussi une question du type de traitement. Il y a certains nouveaux traitements qui ne durent pas neuf mois ou qui ne sont pas aussi durs physiquement sur l’organisme. Il reste à espérer que nous pourrons avoir accès à ces médicaments. Les gens les prendront peut-être si le traitement n’est pas aussi long.

Le sénateur Neufeld : Vous avez parlé des problèmes à Terre-Neuve-et-Labrador. Les gens là-bas sont responsables des traversiers et des services de fret. Comment tout cela est-il réparti? Où entre en jeu le gouvernement fédéral? Le gouvernement fédéral est-il responsable? Quelles sont les responsabilités du fédéral comparativement à celles de Terre-Neuve-et-Labrador dans ces genres de choses?

Mme Pain : Le gouvernement fédéral était responsable à un moment donné du transport maritime. Des transferts ont été faits à la province, mais — je ne me souviens plus de l’année — une entente a été conclue entre le Canada et Terre-Neuve. Un certain montant a été transféré à Terre-Neuve pour améliorer l’infrastructure de transport. L’argent a surtout été utilisé pour les routes. À ce moment-là, la province de Terre-Neuve est devenue responsable du service maritime.

À notre connaissance, Terre-Neuve est responsable des services maritimes dans la province.

Le sénateur Neufeld : Le service a-t-il empiré depuis que Terre-Neuve-et-Labrador s’en occupe, comparativement à lorsque le gouvernement fédéral en était responsable?

Mme Pain : Je crois que c’est encore administré par la province. Le pire, dans tout cela, c’est qu’il n’y a pas eu de nouveaux investissements dans les bâtiments. Les bâtiments ont une certaine durée de vie, et malgré toutes les activités de surveillance continue, et d’entretien et toutes les mises à niveau mécaniques, il arrive un moment où ce n’est plus possible, il faut un nouveau bâtiment, et cela coûte cher.

Le sénateur Neufeld : J’imagine. Le gouvernement fédéral est-il responsable de l’entretien et du remplacement des bâtiments ou est-ce là encore une responsabilité de Terre-Neuve-et-Labrador? Quelqu’un a-t-il fait une mauvaise affaire?

Mme Pain : À notre connaissance, Terre-Neuve est maintenant responsable. Comme vous le savez probablement, la province n’a pas beaucoup d’argent en ce moment. Nous sommes coincés dans une situation où la province est censée fournir les services conformément à un accord conclu avec le Canada il y a un certain nombre d’années. Nous avons un bâtiment qui n’est pas adéquat et qui ne nous permet pas de fournir les services nécessaires.

Le sénateur Neufeld : Pour ce qui est des services aériens, tout est privé? De quelle façon le service aérien est-il offert dans les collectivités?

Mme Pain : C’est un service privé. Il y a une entreprise actuellement qui s’appelle Air Borealis. C’est un partenariat entre des transporteurs aériens provinciaux et le Nunatsiavut Group of Companies — notre secteur d’activités et celui de la nation inuite. Nous misons sur un partenariat tripartite pour fournir le service aérien dans les collectivités inuites ainsi qu’à Natuashish, une collectivité innue entre deux de nos collectivités inuites.

L’entreprise fournit un service commercial. Dans le cadre d’un contrat avec la province, l’entreprise fournit aussi des services d’évacuation sanitaire par avion et au moyen de dispositifs Sked-Evac pour les patients des hôpitaux. Elle fournit également un service de fret aérien et transporte de la marchandise et des choses expédiées aux collectivités pendant toute l’année, mais encore plus durant l’hiver.

Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que la construction d’une piste d’atterrissage à Nain coûte environ 60 millions de dollars, mais une bonne partie des coûts serait destinée à la construction d’une route. La piste d’atterrissage est-elle située loin de la collectivité?

À quoi ressemble la portion routière de tout cela, afin que je puisse comprendre ce dont on parle d’un point de vue géographique?

Mme Pain : Actuellement, la piste d’atterrissage se trouve dans la collectivité de Nain. Lorsque vous arrivez, vous pouvez la voir. Vous atterrissez tout juste à côté de certaines maisons et de l’océan. Elle est juste là, mais il y a beaucoup de courants descendants parce qu’on est situé à côté d’une montagne. Ce n’est pas sécuritaire. La façon dont la piste est orientée fait en sorte qu’on n’atterrit pas face aux vents dominants de façon générale. Une étude météorologique a été réalisée par la province, et on a regardé les zones où on pourrait éventuellement construire la nouvelle piste. Les responsables ont regardé la situation d’un point de vue topographique pour commencer et, une fois qu’ils ont cerné ces zones, ils ont ensuite procédé à des études météorologiques afin de voir le meilleur endroit vu la météo, le vent et le brouillard. Nous avons toutes ces données. L’emplacement privilégié est assez loin de Nain. Si vous n’êtes jamais venu à Nain, nous sommes entourés de montagnes. Nous sommes une petite vallée entourée de collines et de montagnes. Il faudra dépenser beaucoup d’argent pour construire une route pour se rendre à la piste. C’est le coût associé à la construction d’une route, parce que nous n’avons pas beaucoup de routes dans notre collectivité pour nous rendre au nouvel emplacement.

Le sénateur Neufeld : En ce qui concerne le logement et la construction de maisons dans le pergélisol, la question de la fonte du pergélisol n’a rien de nouveau pour moi. Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique et j’ai travaillé dans la région nordique du Canada et les Territoires du Nord-Ouest. Vous dites que certaines résidences construites il y a 10 ans ne seront peut-être plus habitables. De quelle façon a-t-on décidé de construire les maisons de cette façon, ce qui fait en sorte qu’elles bougent autant? Qui a pris ces décisions? Est-ce le gouvernement fédéral ou la SCHL? Qui a décidé? Nous savons depuis que je suis un jeune homme ce qui se produit avec le pergélisol. Soit dit en passant, c’était il y a longtemps.

Mme Pain : Malheureusement, dans nos collectivités, les services d’aqueduc et d’égouts sont creusés dans le sol. Ils sont souterrains. Nous commençons par préparer le terrain, puis nous installons les services d’aqueduc et d’égouts. On passe parfois par des zones de pergélisol discontinues, et le sol gelé commence à fondre. Le coût de l’aménagement de ces terrains équipés est très élevé. Une fois qu’un terrain est là et que les services sont installés, que ce soit un bon terrain ou pas, la ville accorde un permis de construction, parce qu’il n’y a pas beaucoup d’options en matière d’aménagement du territoire. Ce n’est pas comme s’il y a des terrains aménagés qui attendent tout simplement. Dans une de nos collectivités, actuellement, Hopedale, on a prévu construire quatre maisons cette année, mais il y a seulement trois terrains aménagés. Les terrains sont précieux, et les terrains constructibles coûtent très cher.

Nous aimerions savoir s’il est possible de concevoir une fondation différente sur ce genre de terrain précis. Y a-t-il quelque chose d’autre que nous devrions faire? Faudrait-il préparer le terrain différemment? Faudrait-il enlever tout ce qui fond et remplacer cette matière par quelque chose d’autre? Faudrait-il utiliser des pilotis, par exemple, comme type de construction différente? Nous avons réalisé des évaluations géophysiques des terres dans nos collectivités à divers endroits. Nous avons terminé le travail dans les trois dernières collectivités durant la dernière saison de construction. Nous avons une bonne idée de ce à quoi ressemble le sol dans ces divers endroits. Si nous devons construire dans un endroit précis, nous avons une bonne idée des caractéristiques du sol et nous pouvons concevoir la structure du bâtiment de façon appropriée. Cette structure peut varier d’un terrain à l’autre.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins d’être là. Je veux poser une question sur la protection de l’environnement et la préservation de la biodiversité de l’Arctique. Le document Cadre stratégique pour l’Arctique du Canada : Guide de discussion mentionne la gestion conjointe de l’environnement avec les Autochtones. Il est dit qu’un tel partenariat constituerait une base solide pour tirer toute une gamme d’avantages économiques liés à l’emploi pour les résidants de l’Arctique.

Quels sont les principaux défis liés à l’intervention en cas d’urgence environnementale dans l’Arctique?

Le président : L’intervention d’urgence.

Mme Pain : Je crois que nous avons beaucoup de défis à relever en matière d’intervention d’urgence. Dans certains cas, il s’agit simplement du fait que nous n’avons pas beaucoup d’endroits ou d’infrastructures où les interventions d’urgence peuvent se rendre en tout temps. Il faut s’assurer que les responsables ont accès à des choses comme du carburant. S’ils vont à l’extérieur de certaines de nos collectivités, par exemple, ils n’auront peut-être pas assez de carburant. Le Labrador est très vaste. Il y a beaucoup d’endroits où il n’y a pas nécessairement l’infrastructure nécessaire pour soutenir certaines des activités d’intervention d’urgence.

Nous sommes préoccupés à l’idée qu’il pourrait y avoir quelque chose comme une catastrophe maritime ou un déversement de pétrole. Nous n’avons pas de trousse de nettoyage de déversement d’hydrocarbures dans nos collectivités. Nous ne les avons tout simplement pas. Il faut les apporter ici. Il faut réfléchir à certaines de ces choses. Actuellement, nous travaillons sur quelque chose qui est lié aux aires de conservation et l’Imappivut — nous l’appelons « nos eaux » —, mais il reste que nous regardons les eaux océaniques adjacentes au Labrador pour déterminer de quelle façon nous pouvons en assurer la protection. Nous avons besoin de développement alors nous tentons de concevoir un plan logique permettant de répondre à tous ces besoins. Nous constatons qu’il y a plus d’activités à cet endroit. Nous savons qu’il y a du pétrole et du gaz au large des côtes. Nous nous attendons à ce que les gens s’y intéressent, peut-être pas demain, mais au cours des prochaines années, c’est très probable. Il faut être prêt à composer avec l’augmentation du nombre de navires, d’activités d’exploration et de formes d’utilisation de ces zones. Il faut aussi comprendre que nous continuons de vivre et d’avoir besoin de la nourriture et du poisson dans ces eaux. C’est là que nous pêchons.

Le sénateur Oh : Si une réelle situation d’urgence se produit, où se trouve l’aide la plus proche? En combien de temps les secours peuvent-ils être là?

Mme Pain : J’imagine que tout dépend du problème. Il y a certains aéronefs à Goose Bay, qui n’est pas très loin. Dans la plupart des cas, ces choses sont à Gander, sur l’île. Il y a eu une urgence de nature médicale il y a deux ou trois semaines, et il a fallu plus de cinq heures pour que les gens arrivent. Lorsqu’ils sont arrivés et qu’ils ont tout mis en place, il se faisait tard. Un Twin Otter aurait pu atterrir pendant ce temps. Il faut du temps pour bénéficier des services d’urgence de recherche et de sauvetage sur terre ou pour qu’arrive l’aéronef ou pour qu’arrive l’aéronef qui aurait pu venir d’un autre endroit.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Lampe et madame Pain, de vos exposés. J’ai une série de brèves questions.

Je connais un peu le Nunatsiavut Group of Companies parce que mon gendre, Adam Brown, travaille là et il travaille avec vous deux : j’en sais un peu, mais lorsque vous parlez d’économie, des défis, des occasions, de toute évidence, le Labrador compte d’incroyables ressources naturelles. Il compte sur une incroyable population et une merveilleuse culture, ce qui a déjà été mentionné. Ce serait bien si nous pouvions tous en savoir un peu plus au sujet du Nunatsiavut Group of Companies, ce dont il s’agit et quel est le lien entre les recettes — ou les profits, je l’espère — générés par certaines de ces entreprises qui peuvent ensuite servir à autofinancer certaines des choses dont vous parlez. C’est là ma première question.

Mme Pain : Pour ce qui est du gouvernement du Nunatsiavut, nous avons créé une branche commerciale. Dans un premier temps, nous avons créé une fiducie chargée de s’occuper des activités de développement économique. C’était une décision consciente d’essayer de créer une séparation entre les affaires et la politique. Le gouvernement ne peut pas dire à ces gens quoi faire. La seule façon de contrôler le groupe, c’est de changer les fiduciaires. Notre assemblée peut décider de changer les fiduciaires si nous n’aimons pas l’orientation prise. Le Labrador-Inuit Capital Strategy Trust a créé le Nunatsiavut Group of Companies en tant qu’entreprise à but lucratif. Ce groupe possède un certain nombre d’entités, y compris un partenariat avec Air Borealis, le transporteur aérien. Nous sommes propriétaires de Universal Helicopters. Je dis « nous » parce que je suis membre du conseil du NGC. Nous sommes aussi actifs dans le domaine de la construction résidentielle au Nunatsiavut, alors nous construisons des maisons dans les collectivités en embauchant et en formant certains des nôtres afin que l’argent reste dans nos collectivités.

Nous gérons aussi le contrat de services maritimes. Nous possédons un certain nombre d’entités différentes. Nous avons un plan en matière de responsabilité sociale des entreprises dans le cadre duquel nous redonnons à nos collectivités. Une des composantes de nos principes opérationnels, c’est qu’il faut redonner sur le plan du développement social; on parle donc de contributions financières. Nous prenons très au sérieux le besoin d’embaucher et de former les nôtres, c’est-à-dire aider les gens à obtenir la formation dont ils ont besoin et les embaucher pour occuper ces postes. C’est quelque chose que nous prenons très au sérieux, et nous produisons un rapport à ce sujet chaque année. Nous publions un rapport annuel dans lequel nous disons publiquement le nombre d’Inuits que nous employons, l’argent que nous avons gagné et les investissements que nous faisons dans les collectivités. Nous prenons ces choses très au sérieux et nous nous attendons à ce que les gens nous tiennent responsables relativement à certaines de ces mesures.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. C’est un aspect très important et une composante très unique et spéciale de ce que vous réalisez.

L’énergie est un des enjeux que vous avez soulevés, et, bien sûr, c’est un enjeu qui est lié à tout le reste, l’économie, les logements, tout.

Muskrat Falls est tout près. Je sais qu’il y a un problème. Pour commencer, il y a une certaine résistance politique et des préoccupations au sujet de Muskrat Falls. Je suis curieuse — et je plaide l’ignorance, ici — je ne sais pas ce qui s’est passé récemment ni pourquoi Muskrat Falls ne peut pas alimenter ce qui se trouve dans sa propre cour.

Mme Pain : J’imagine que, quand Muskrat Falls a été construit, le barrage n’a pas été conçu pour alimenter la côte nord. Il n’y a pas eu de ligne de transport vers aucune de nos collectivités.

Il y a eu des discussions à divers moments sur la possibilité de construire une ligne de transport d’électricité pour aider un site minier à creuser; nous aurions donc fourni de l’électricité là, puis, possiblement, nous aurions aussi alimenté en électricité deux collectivités. Ça n’a pas fonctionné. J’imagine que le coût des lignes de transport est très élevé. Nous cherchons des sources d’énergie de rechange.

Dans notre stratégie sur la sécurité énergétique, nous n’envisageons pas un seul projet d’aménagement pouvant répondre à tous nos besoins. En fait, nous tentons de trouver des plus petits projets près de chaque collectivité pouvant venir s’ajouter au diesel. Nous ne nous attendons pas à arrêter d’utiliser du diesel bientôt, mais, si nous pouvons obtenir du financement pour réaliser des choses comme l’étude de microréseaux que nous voulons faire, l’énergie éolienne pourra devenir complémentaire à notre utilisation de diesel.

Dans certaines autres collectivités, nous croyons avoir l’occasion de bâtir des petites centrales hydroélectriques au fil de l’eau. On pourrait ainsi fournir une partie de l’électricité dans ces collectivités précises. Plutôt que d’envisager un mégaprojet pour tous, nous nous intéressons beaucoup plus aux petits projets permettant de desservir une collectivité.

La sénatrice Coyle : La zone environnante?

Mme Pain : Oui.

La sénatrice Coyle : Merci. Une dernière question. Vous avez mentionné — je sais que c’est non pas une collectivité inuite, mais une collectivité innue — Natuashish, qui est célèbre, ou tristement célèbre, comme l’était son prédécesseur. Nous savons que vous représentez les Inuits de la région.

Je suis curieuse. Pour notre gouverne, savez-vous si certains des très graves problèmes de toxicomanie chez les jeunes et les autres problèmes sociaux graves constatés dans des collectivités comme Natuashish sont aussi présents dans certaines de vos collectivités? Ou de quelle façon feriez-vous une distinction entre les deux?

Mme Pain : Je crois que nous avons certains problèmes de toxicomanie chez les jeunes. Je ne crois pas qu’ils consomment les mêmes substances. Il n’y a pas ici autant d’inhalations d’essence. Ce n’est pas un problème majeur dans nos collectivités. Je ne dis pas que nous n’avons pas de problème de consommation d’alcool par des mineurs et/ou de consommation de drogue par des mineurs. Il y a certaines autres drogues consommées.

Nous réalisons un programme actif en ce qui a trait à l’éducation des gens au sujet de la toxicomanie. C’est l’une des choses que notre service de santé et de développement social fait. Les responsables travaillent auprès des jeunes pour essayer de réduire au minimum ces problèmes. Comme vous le savez, beaucoup de jeunes font souvent des expériences. Nous ne constatons pas les mêmes niveaux élevés de consommation de certaines substances que dans d’autres endroits.

La sénatrice Coyle : C’est bon à entendre. Merci.

Le président : Je crois que le comité aimerait beaucoup par l’intermédiaire du greffier, obtenir, s’il vous plaît, la stratégie du Nunatsiavut sur la sécurité énergétique.

Le sénateur Gold : Bienvenue, monsieur le président et bienvenue madame la sous-ministre.

Je veux revenir sur la question maritime dont vous avez parlé durant vos exposés. Monsieur le président, vous avez mentionné que la mer est votre autoroute et vous avez exprimé une préoccupation au sujet de l’augmentation du trafic touristique, de l’exploration et de la possibilité de catastrophes pour lesquelles vous n’êtes pas préparés pour toutes les raisons que vous avez mentionnées.

Je veux vous poser des questions liées davantage aux enjeux quotidiens touchant les activités de recherche et de sauvetage maritime. Un autre comité du Sénat réalise actuellement une étude et se rendra dans le Nord, mais, malheureusement, pas dans votre collectivité.

Pouvez-vous nous aider à comprendre de quelle façon vous gérez actuellement les activités de recherche et de sauvetage dans les eaux autour de vos diverses collectivités. Combien de bénévoles avez-vous? Quel genre de formation leur fournissez-vous? Quel genre de collaboration, le cas échéant, obtenez-vous de la part de la Garde côtière ou d’autres organisations? Aidez-nous à comprendre de quelle façon vous gérez cette dimension très importante pour assurer la sécurité des vôtres.

Mme Pain : Je crois qu’il y a une différence du point de vue des activités maritimes lorsque l’eau est gelée et lorsqu’elle ne l’est pas.

Nous avons des capacités d’intervention différentes sur la glace de mer, lorsqu’on peut en fait se déplacer en motoneige. Nos collectivités sont très actives en ce qui a trait à la recherche et au sauvetage sur terre. Il y a des bénévoles dans toutes nos collectivités, et ils sont vraiment en nombre suffisant. Il y a beaucoup d’intérêt et beaucoup de personnes donnent de leur temps à cette fin. Je crois qu’ils reçoivent un certain niveau de formation. Ils sont tous membres des comités provinciaux de recherche et de sauvetage et participent à des réunions annuelles avec les organismes provinciaux de recherche et de sauvetage.

Je crois qu’offrir plus de formation est toujours une bonne chose, mais, comme je l’ai dit, durant l’hiver, s’il y a une situation d’urgence et que quelqu’un est perdu sur la glace marine, ces bénévoles interviendront et se rendront là où il faut.

Lorsqu’on parle de la zone marine, de l’océan, lorsqu’il n’y a pas de glace, c’est une question très différente. Je crois — et je me trompe peut-être — que nous avons certains bâtiments de la Garde côtière auxiliaire canadienne, et ce sont les gens avec qui on communique. Dans ce cas-là, on ne se tourne pas vers notre communauté locale de recherche et de sauvetage; les gens ne peuvent pas tout simplement se rendre sur place pour effectuer des recherches. Il faut avoir recours à un bâtiment enregistré de la Garde côtière auxiliaire.

Je ne crois pas que nous ayons beaucoup de ces navires. Je crois qu’il y en a deux ou trois à Nain, par exemple, mais la situation n’est pas la même lorsque la mer est gelée, que tout le monde a une motoneige. Dans un tel cas, s’il faut se rendre là-bas, nous avons beaucoup de moyens de le faire.

Le sénateur Gold : Il n’y a jamais assez d’actifs où que ce soit au pays, honnêtement, pour répondre aux demandes en matière de recherche et de sauvetage. Lorsqu’on parle d’une urgence en mer, avez-vous une idée de la mesure dans laquelle les ressources sont suffisantes ou inadéquates? Ou avez-vous déjà présenté des demandes, que ce soit la Garde côtière auxiliaire ou à d’autres intervenants pour obtenir un soutien supplémentaire?

Mme Pain : Je ne sais pas si nous avons vraiment demandé des ressources supplémentaires à la Garde côtière auxiliaire. Je pense qu’il y a des navires dans nos collectivités, des palangriers, des bâtiments un peu plus gros que des embarcations de plaisance, pouvant partir en mer.

Je crois que nous avons été assez chanceux dans la mesure où nous n’avons pas souvent eu de tels besoins, par exemple. Il y a eu quelques situations, mais il n’y en a pas eu beaucoup, pour l’instant, pour ce qui est de la nécessité d’envoyer notre Garde côtière auxiliaire ou des membres de nos collectivités pour intervenir en cas d’urgence en mer.

Le président : En terminant, j’aimerais poser une question sur la mine de nickel de la baie Voisey, qui est exploitée par la Vale Corporation. Des avantages ont été négociés relativement à votre revendication territoriale. Pouvez-vous nous dire comment tout cela fonctionne pour les Inuits du Labrador?

J’aimerais savoir si vos collectivités ont pu profiter des activités pétrolières et gazières extracôtières en cours dans les eaux du Labrador, s’il vous plaît.

Mme Pain : En ce qui concerne l’entente de la baie Voisey sur les répercussions et les avantages, nous avons bel et bien signé une telle entente en 2002. La mine a commencé à être exploitée — je parle ici de produire du minerai — en 2005.

Certains des engagements énoncés dans l’entente sur les répercussions des avantages incluent des engagements liés à la formation et l’embauche et un engagement en ce qui a trait à des services d’approvisionnement qui tiendraient compte de la propriété par des Inuits et des Innus. Je parle ici pour ma part des Inuits, mais les Innus ont conclu une EBI similaire eux aussi.

Il y a aussi certaines choses comme une surveillance environnementale. Nous avons des surveillants sur place qui ont un accès complet pour voir ce qui se passe sur le site. Ils peuvent nous communiquer directement les résultats de leur surveillance.

Pour ce qui est de la formation, nous avons eu au départ un bon programme de formation qui était financé en partie par le Canada et qui permettait de fournir certains cours de formation dans nos collectivités pour acquérir certaines des compétences requises. Il y a eu par exemple une formation d’exploitant d’usine dans les collectivités inuites et aussi à Natuashish pour former des gens et leur apprendre le métier d’opérateur d’usine à la baie Voisey. Il y a aussi une composante sur place dans le cadre de laquelle des gens sont amenés sur le site pour voir ce à quoi les installations ressemblent et pouvoir en faire concrètement l’expérience avant d’accepter un emploi. C’est un horaire de deux semaines sur quatre, ce qui constitue un mode de vie différent, alors ce n’est pas pour tout le monde, mais nous avons eu pas mal de succès à cet égard. Pour ce qui est de l’embauche et de la formation, plus de 50 p. 100 de la main-d’œuvre est inuite ou innue, alors nous sommes bien représentés.

Le président : Mieux que partout au Nunavut.

Mme Pain : Oui. Nous avons une bonne main-d’œuvre là-bas, et il commence à y avoir certains des nôtres qui occupent des postes au sein de la haute direction. Certains de nos bénéficiaires sont responsables du dynamitage. C’est eux les patrons, là-bas. Ils sont responsables du site minier. Nous sommes responsables de l’usine, nous occupons donc des postes au niveau le plus élevé dans le cadre des opérations de l’usine. Les gens ont gravi les échelons.

Le seul domaine où nous semblons avoir de la difficulté, c’est lorsqu’on parle des types de carrières où il faut avoir un diplôme d’études postsecondaires. Je parle donc des métallurgistes. Nous ne sommes pas présents, là. Les chimistes, nous n’y sommes pas non plus. C’est la même chose pour certains des postes de soins infirmiers. Nous réussissons bien lorsque la formation peut être donnée dans la collectivité ou sur le site de la mine ou lorsqu’il s’agit d’un programme plus court menant à un diplôme. Cependant, lorsqu’on parle de programmes d’études complets de quatre ans ou plus menant à un diplôme, dans ces cas-là, nous n’avons pas eu autant de succès.

Dans l’ensemble, nous pensons que c’est un bon projet. Nous en avons tiré un certain nombre d’avantages, y compris des avantages financiers pour l’une des autres fiducies que nous avons créées à la suite de l’entente sur les répercussions et les avantages. Pour l’instant, nous attendons qu’ils décident s’ils vont creuser ou non. Il y a encore de l’incertitude à cet égard.

Le président : Pouvez-nous parler un peu de ce qui se passe en zone extracôtière?

Mme Pain : Pour ce qui est de la zone extracôtière, il n’y a pas eu beaucoup d’engagements, et nous n’avons pas vu là beaucoup d’avantages. Les gens réalisent certaines opérations sismiques au large des côtes depuis un certain nombre d’années. Il y a eu des observateurs de mammifères marins sur ces bâtiments. D’autres observateurs faisaient partie des équipages. Vraiment, ils n’accostent pas au Labrador, alors nous ne les voyons pas beaucoup. Ils restent en mer et, comme je l’ai dit, jusqu’à présent, nous n’avons pas vu là beaucoup d’avantages et il n’y a pas eu beaucoup d’interactions avec ces personnes.

Le président : Est-ce que le moratoire sur les activités pétrolières et gazières dans l’Arctique s’applique dans vos eaux?

Mme Pain : Non.

Le président : C’est seulement au nord du 60e parallèle?

Mme Pain : Oui.

La sénatrice Eaton : Vous avez parlé et nous avons beaucoup entendu parler de langue et d’éducation dans le cadre des témoignages précédents. Je me demande simplement si, depuis 1985, l’année où vous avez obtenu votre propre gouvernement, vous avez réussi à faire les progrès que vous souhaitiez en gardant votre langue vivante et en organisant votre propre système d’éducation?

M. Lampe : L’inuktitut est très important pour les Inuits du Labrador, et nous prenons certainement cette question très au sérieux : qui nous sommes et d’où nous venons. Nous avons élaboré certains programmes pour améliorer la situation de l’inuktitut, mais, en même temps, nous avons eu de la difficulté à obtenir le financement nécessaire pour réaliser les programmes.

La sénatrice Eaton : Obtenez-vous un financement par enfant de la province?

M. Lampe : Non. Pour ce qui est de la culture ou de la langue, nous ne recevons pas de financement de la province de Terre-Neuve-et-Labrador, mais nous travaillons continuellement en collaboration avec l’ITK et Inuit Nunangat, les régions, ensemble, pour essayer de voir de quelle façon rétablir l’usage de l’inuktitut.

C’est la réalité. La réalité, c’est que l’usage de l’inuktitut diminue de jour en jour, mais il faut travailler plus dur, et, il ne fait aucun doute que, selon nous, la législation est un aspect important de la question tout comme le fait de s’assurer que le Canada et les provinces tiennent compte de notre langue. C’est une langue aussi importante que l’anglais ou le français. D’ici là, nous commencerons à aller de l’avant en ce qui a trait à l’inuktitut, pas seulement au Labrador, mais dans tout le Nunavut.

Le président : Je tiens à remercier sincèrement les témoins d’être là et de leur exposé. Voilà qui met fin à cette partie de la séance.

Pour ce qui est du deuxième groupe de témoins, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Bob Simpson, directeur des Affaires du gouvernement de la Société régionale inuvialuit, une personne avec qui j’ai travaillé il y a de cela des années, plusieurs décennies, en fait. Merci de vous joindre à nous. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire. Puis, comme vous le savez, vous pouvez vous attendre à des questions réfléchies de la part de mes collègues. Bienvenue.

Bob Simpson, directeur, Affaires du gouvernement, Société régionale inuvialuit : Merci de l’invitation. C’est assurément apprécié. Je suis désolé que notre président et chef de la direction n’ait pas pu venir. Il y a des préoccupations.

Je vous ai donné un document qui brosse un aperçu de la région désignée des Inuvialuit. C’est à l’autre bout du pays du Nunatsiavut.

La Convention définitive des Inuvialuit a été négociée et conclue en 1984. Il s’agissait du troisième accord sur les revendications territoriales globales au Canada. En 1984, les trois principaux objectifs — je vais probablement revenir assez régulièrement à ces objectifs lorsque vous me poserez des questions — de la Convention définitive des Inuvialuit étaient de préserver l’identité et les valeurs culturelles des Inuvialuit au sein d’une société nordique en voie d’évolution, de permettre aux Inuvialuit d’être des participants à part entière de la société ainsi que de l’économie nordique et nationale et de protéger et de préserver la faune, l’environnement et la productivité biologique de l’Arctique.

Ce sont les raisons principales pour lesquelles ils ont négocié l’accord. Dans les années 1970 et les années 1980, il y a eu beaucoup de pressions liées aux changements relativement aux compagnies pétrolières et gazières. Celles-ci cherchaient de très grandes réserves de pétrole et de gaz dans la mer de Beaufort et dans le delta du Mackenzie, et elles les ont trouvées.

Dans le document, il y a quelques diagrammes, notamment des terres privées et des parcs nationaux. Il y a quatre parcs nationaux dans la région désignée des Inuvialuit, de très grands parcs. Il y a deux zones de protection marine, cinq grands refuges d’oiseaux, un parc territorial au Yukon ainsi qu’un lieu historique national.

Il y a aussi des aires de conservation. North Slope, en particulier, compte non seulement un parc national, mais, du côté est de la région, il y a une zone sans développement. La zone est gérée par le Comité consultatif de la gestion de la faune. Chaque collectivité possède son propre plan de conservation, et les Inuvialuit possèdent également la zone 7.1.a, la surface et la subsurface, et la zone 7.1.b, les terres.

Fait important, les Inuvialuit ont cherché à obtenir le plus de terres possible. Je peux honnêtement vous dire que ce sont les chasseurs et les trappeurs qui ont négocié.

Il y a beaucoup d’institutions dans l’entente, ce qui est aussi un peu inhabituel. Il y a un conseil du gibier, et six comités de chasseurs et de trappeurs. Ces groupes contrôlent et gèrent leurs prises et prodiguent des conseils en ce qui a trait à la gestion de la faune. Il y a des comités d’évaluation environnementale et d’examen dans la région désignée. Les responsables de l’évaluation, en particulier, évaluent tout : tous les projets de développement proposés ou qui exigent un permis doivent passer par ce comité. Si un projet suscite d’importantes préoccupations pour les Inuvialuit ou le public, le comité d’examen réalisera alors un examen complet des répercussions environnementales.

Il y a un dédoublement en ce qui concerne la LCEE. Ces personnes peuvent réaliser leur propre examen. Habituellement, nous nous sommes entendus pour réaliser un seul examen pour plusieurs projets qui se sont rendus à cette étape. Encore une fois, il y a des conseils consultatifs de la gestion de la faune au Yukon, et il y en a un dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y a aussi un comité mixte de gestion des pêches.

Voilà les fondements de l’EBI. Je dois aussi souligner que nous réalisons ce qui est selon moi un excellent projet. Nous créons une plateforme d’apprentissage en ligne relativement à la Convention définitive des Inuvialuit. Nous en sommes environ à la deuxième ou à la troisième génération pour ce qui est des jeunes, et ils ne savent pas grand-chose au sujet de leurs droits et des divers processus qui ont été mis en place. Nous espérons commencer à offrir le tout en juin. Nous exerçons aussi des pressions auprès du ministère de l’Éducation afin qu’il s’agisse d’un cours obligatoire, aussi, au moins dans la région visée par la convention.

J’aimerais vous fournir un peu de renseignements contextuels sur les efforts de la SRI parce que non seulement les membres de la société s’occupent de l’environnement et de la faune dans la région visée par la convention, mais en plus, ils veulent aussi prendre soin des gens. Ils ont passé beaucoup de temps à réfléchir à ces choses comme la santé et le logement. Nous avons réalisé pas mal de projets de recherche par nous-mêmes, sur la santé mentale, en particulier, ainsi qu’une étude sur les besoins en matière de logement.

Nous avons réalisé un projet intéressant. Nous sommes allés voir chaque ménage de la région désignée pour essayer de nous faire une idée de la situation économique de chaque ménage inuvialuit. Nous avons ainsi obtenu une très bonne idée de la façon dont on gère les enjeux liés à la sécurité alimentaire. En fait, nous avons recueilli des renseignements sur les activités de pêche, de chasse et de trappage pour voir dans quelle mesure ces activités contribuaient à mettre de la viande sur la table. L’exercice était assez complet, et nous avons ainsi pu brosser un tableau de la situation.

Nous nous sommes occupés d’éducation; comme vous l’avez appris, il y a une enquête sur la santé des Inuits prévue dans le budget. Nous sommes aussi un des cofondateurs de la Stratégie de recherche axée sur le patient dans les Territoires du Nord-Ouest, stratégie financée par l’un des trois conseils, les Instituts de recherche en santé du Canada. Nous en sommes seulement aux balbutiements, mais nous envisageons d’obtenir certaines données sur la santé permettant de renforcer ou de compléter l’enquête sur la santé des Inuits. Nous prévoyons créer une plateforme de données qui permettra aux Inuvialuit de regarder les chiffres et de les analyser afin de pouvoir déterminer les domaines où nous avons des problèmes en ce qui a trait à la santé et ce que nous pouvons faire à ce sujet.

Nous avons fait beaucoup de travail en ce qui a trait aux statistiques dans nos deux bureaux ainsi qu’au sein du conseil régional de l’éducation. Selon nous, les données et les données probantes sont des outils très puissants, non seulement pour exercer des pressions auprès des gouvernements, mais aussi pour permettre aux Inuvialuit d’exercer des pressions et, au bout du compte, de prendre leurs décisions sur la façon dont ils veulent prendre soin d’eux-mêmes, plutôt que de s’attendre à ce que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ou le gouvernement fédéral trouve des solutions à certains des problèmes liés à certains indicateurs sociaux et économiques médiocres.

Le projet sur l’éducation était très intéressant, parce que nous voulions évaluer régulièrement les enfants afin de les suivre de la petite enfance jusqu’en 12e année. Nous avons constaté qu’il s’agissait là d’un outil très utile pour les enseignants, parce qu’il y a un taux de roulement extrêmement élevé parmi le corps enseignant. Environ le tiers des enseignants viennent et repartent. C’est bon pour un enseignant qui arrive en septembre de savoir là où est rendu chaque étudiant et les difficultés qu’il peut avoir. On obtient aussi ainsi des données très précises au sujet du système d’éducation.

Pour revenir à l’environnement, nous avons réalisé depuis 2014 divers projets de recherche liés au développement dans la mer de Beaufort. C’était avant, à l’époque où le projet gazier Mackenzie était en exploitation. Nous craignions que, une fois le projet gazier Mackenzie terminé, il y aurait encore plus d’exploration et d’exploitations pétrolières et gazières dans la mer de Beaufort. Les gens étaient préoccupés, surtout au sujet des répercussions potentielles en cas de déversement de pétrole et d’autres problèmes, aussi.

La première chose que nous avons faite, c’est d’essayer de dresser une liste des choses à faire en collaboration avec le gouvernement et de produire un plan d’action stratégique pour la mer de Beaufort. Nous avons ainsi obtenu certaines très bonnes recommandations quant au système réglementaire et à la façon de l’améliorer. Nous avons aussi réalisé un projet de recherche exhaustif d’environ quatre ans financé par le Canada. Le rapport a été produit peu après l’éruption du puits Macondo dans le golfe du Mexique. À l’époque, il y avait beaucoup d’intérêt pour le type d’exploration en eaux profondes, des activités similaires à ce qui s’était fait du côté de Macondo.

Nous en sommes maintenant à la troisième itération de notre évaluation environnementale stratégique régionale, dans le cadre de laquelle nous brossons un portrait global de la région de la mer de Beaufort, en réunissant toutes les recherches et en tentant de réaliser une évaluation générale pour comprendre les répercussions du développement pétrolier et gazier, l’environnement, la faune ainsi que les répercussions culturelles, sociales et économiques.

Voilà qui résume assez bien la situation. Je vais rapidement vous donner un peu plus de renseignements contextuels sur la Société régionale Inuvialuit, la SRI. Puisque nous étions parties à une des premières ententes sur les revendications territoriales globales, beaucoup de choses n’ont pas été incluses dans l’entente. Un exemple de situation qui est devenue de plus en plus pressante en raison de l’important ralentissement économique, c’est que la Société régionale Inuvialuit n’obtient pas de financement de base ni de financement de mise en œuvre relativement à l’entente.

Nous avons récemment effectué une analyse liée au financement. La SRI dépense de 4 à 5 millions de dollars de ses fonds pour s’acquitter de ses obligations dans le cadre de l’entente. Elle fournit aussi du financement de base parce que nous assurons aussi la prestation de beaucoup de programmes. C’est grâce au gouvernement fédéral, parce que la majeure partie des fonds viennent de lui, pas du gouvernement territorial.

Cela nuit un peu du point de vue de l’économie. Ce sont là 4 ou 5 millions de dollars que les Inuvialuit pourraient investir pour créer des emplois dans la région.

Un autre facteur, c’est que, la semaine dernière, en tant que négociateurs — c’est un autre de mes rôles, soit de négocier une entente sur l’autonomie gouvernementale —, nous avons pas mal réglé la question de l’accord définitif. Nous en sommes maintenant au processus difficile d’obtenir les approbations. Tout ça peut prendre encore deux ou trois ans, mais, au bout du compte, la situation sera très similaire à celle du Nunatsiavut. Les gens là-bas ont un accord sur une revendication territoriale et une entente sur l’autonomie gouvernement et ils ont le pouvoir d’adopter des lois relativement à bon nombre des domaines que j’ai mentionnés, des domaines où nous avons l’impression d’avoir de meilleures façons de faire les choses ou d’améliorer les choses. Je n’essaie pas de dire ici que tout ce que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ou le gouvernement fédéral fait n’est pas bien, mais, parfois, tout ça n’est pas adapté à la situation des Inuvialuit.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup. C’est bien d’avoir le point de vue d’un représentant de l’Ouest canadien sur l’Arctique.

J’ai deux questions assez différentes, et je suppose qu’elles sont toutes les deux liées aux consultations relativement au cadre stratégique pour l’Arctique. La première question est liée aux répercussions sur la faune. De plus en plus, je suis préoccupée par les zones marines protégées et l’océan. Nous savons tous que le Canada s’est donné comme objectif de protéger 10 p. 100 de ces zones marines d’ici 2020 conformément à des accords internationaux. Je crois savoir que nous en sommes maintenant à 7,7 p. 100. Y a-t-il certaines de ces zones de protection marine ou aires marines protégées dans cette partie précise de l’Arctique?

M. Simpson : Les Inuvialuit ont été les premiers à avoir des zones de protection marines dans l’Arctique et peut-être même au Canada. Il faudrait que je vérifie. Nous avons deux zones de protection marine?

La sénatrice Bovey : Vous en avez deux.

M. Simpson : Oui. Je crois que, l’année dernière, le ministre des Pêches et des Océans en a approuvé une près de la baie de Paulatuk Darnley. Nous tentons de travailler en collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans au sujet d’autres zones de protection marine possibles. Nous avons réalisé quelques travaux d’enquête initiaux à ce sujet en plus d’examiner les connaissances — outre les connaissances traditionnelles — pour voir s’il n’y a pas des données scientifiques au sujet de la morue et des baleines... Vous savez, la situation de ces mammifères marins est aussi préoccupante.

Il y a probablement certains endroits où on pourrait créer des zones. Nous avons exercé des pressions sur le gouvernement afin qu’il entreprenne l’évaluation environnementale stratégique de la région, et, soudainement, il y a eu ces obligations internationales ou ce moratoire sur le développement dans la mer de Beaufort, des décisions unilatérales relativement auxquelles les Inuvialuit n’ont pas été consultés. Nous entreprenons une évaluation environnementale stratégique qui, nous l’espérons, fournira une approche équilibrée en matière de développement et de protection de l’environnement. Vous ne pouvez pas dire que les Inuvialuit ne sont pas des protecteurs de la nature. C’est la raison pour laquelle j’ai pris le temps de vous dire qu’il y avait beaucoup de parcs nationaux et de zones importantes. Les gens ont créé leur propre plan de conservation autour de chacune des collectivités. Ce sont des gens très conscients de l’environnement, bien sûr, parce que c’est de là qu’ils tirent leurs moyens de subsistance. Cependant, nous voulons bien faire les choses. Une évaluation environnementale stratégique nous permettra de favoriser le développement économique tout en continuant à préserver la faune de l’Arctique, comme je l’ai dit, qui est un des objectifs de la Convention définitive des Inuvialuit. Ce sont des obligations que les Inuvialuit ont vraiment très à cœur.

La sénatrice Bovey : Je comprends. Merci de cette précision. J’ai été intriguée lorsque vous avez dit que vous avez un taux de roulement des enseignants d’environ un tiers par année, ce qui rend l’accès à l’éducation plus difficile, à mon avis.

J’aimerais que vous nous parliez un peu de la façon dont vous composez avec le besoin de protéger et d’enseigner les langues et les cultures autochtones vu la dynamique changeante associée au taux de roulement du corps enseignant. J’imagine que la plupart des enseignants viennent de très loin.

M. Simpson : Eh bien, la plupart d’entre eux ne connaissent pas la langue et ne comprennent pas la culture.

La sénatrice Bovey : C’est ce que je voulais qu’on dise pour le compte rendu, oui.

M. Simpson : Nous embauchons des enseignants inuvialuits pour la composante linguistique, et nous offrons certains programmes culturels. En fait, nous avons créé un certain programme pour Taimani, comme nous l’appelons. C’est essentiellement un cours d’histoire fondé sur la culture. C’est l’histoire des Inuvialuit. C’est important pour les enfants de comprendre ça aussi parce qu’ils font leurs propres études nordiques, sur les explorateurs, ainsi de suite, mais ils ne savent pas beaucoup de choses sur les Autochtones dans le Nord. Nous avons créé ça nous-mêmes. Nous avons fourni les enseignants pour ce programme. C’est quelque chose que nous aimerions élargir.

Pour faire la part des choses, il faut reconnaître que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a produit un programme sur les pensionnats. C’est une situation importante qu’il faut communiquer aux étudiants, mais il y en a eu d’autres.

Les Inuvialuit ont eu beaucoup de difficulté. Environ 90 p. 100 de leur population a été décimée par la maladie. Les gens n’avaient nulle part où aller. Ils ne pouvaient pas se tourner vers leurs shamans. Ils ne produisaient rien, alors ils se sont retrouvés avec les prêtres. Puis, une autre chose a grandement endommagé la culture : les gens ont perdu leur spiritualité et toutes sortes d’autres choses différentes. Mais c’est là un exemple. Puis, il y a eu les pensionnats, le gouvernement et le pétrole et le gaz.

D’une certaine façon, c’est étonnant qu’un groupe de personnes puisse faire preuve d’autant de résilience et continuer à se tenir debout et à dire assez c’est assez lorsqu’il y a eu toutes les activités liées au pétrole et au gaz. À ce moment-là, ils ont affirmé qu’ils avaient leur mot à dire au sujet de tout ça.

C’est important que les gens le sachent. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous prévoyons cette orientation dans le cadre de la Convention définitive des Inuvialuit. D’où est-ce que ça vient? Pourquoi avez-vous fait ça?

Je crois que c’est important pour les jeunes, aussi, mais c’est aussi utile pour le tiers du corps enseignant qui arrive. Nous espérons offrir à nouveau sous diverses formes cette activité d’apprentissage. L’une des activités est destinée aux enfants, et l’autre, aux employés qui ne connaissent pas bien ces choses et ainsi de suite. Nous espérons pouvoir offrir de nouveau le tout dans les écoles aussi.

La sénatrice Eaton : Oui, je suis d’accord avec vous. Pour ce qui est de votre exposé... J’ai été ravie de voir vos quatre parcs nationaux, votre zone de protection marine, les cinq grands refuges d’oiseaux et le fait que vous adoptez une approche très équilibrée en matière d’exploitation de vos ressources naturelles.

Est-ce que tout cela fonctionne avec le gouvernement fédéral? Êtes-vous d’accord? Êtes-vous sur la même longueur d’onde? Vous entendez-vous avec le gouvernement fédéral? Avez-vous des obstacles à surmonter à cet égard?

M. Simpson : Eh bien, la convention définitive a seulement été signée par le gouvernement fédéral et les Inuvialuit. Le gouvernement territorial n’a pas…

La sénatrice Eaton : Le gouvernement accepte vos objectifs environnementaux et votre désir d’exploiter le gaz et le pétrole extracôtier?

M. Simpson : Il s’agit là d’une compétence du gouvernement du Canada. Les zones extracôtières sont une compétence fédérale, et nous n’avons donc pas à composer avec l’interaction avec le gouvernement territorial. Nous interagissons avec le gouvernement territorial principalement pour les questions liées à la faune terrestre.

La sénatrice Eaton : Mais vous êtes sur la même longueur d’onde en ce qui concerne les objectifs environnementaux fédéraux? C’est une question qui m’intéresse, parce que je crois…

M. Simpson : Je crois que les Inuvialuit avaient des dispositions très fermes et qu’ils ont été le premier groupe autochtone à définir un modèle de cogestion. C’est la raison pour laquelle il y a beaucoup de conseils de cogestion sur la liste. Toute la question des pêches est fondée sur un cadre de cogestion.

La sénatrice Eaton : Si les gens veulent exploiter le pétrole et le gaz là-haut, peuvent-ils le faire ou est-ce qu’ils doivent obtenir la permission du gouvernement fédéral?

M. Simpson : Oui, il faudrait passer par là parce que c’est du gouvernement fédéral que relève l’organisme de réglementation.

La sénatrice Eaton : C’est ce que je voulais savoir pour le compte rendu. Donc les gens ne peuvent pas tout simplement exploiter ces ressources sans faire participer le gouvernement fédéral.

M. Simpson : Ni sans, si j’ose dire, la permission des Inuvialuit non plus.

Le président : À ce sujet, si vous me permettez, madame la sénatrice Eaton, vous avez parlé du Plan d’action stratégique et régional de la mer de Beaufort et des recherches qui ont été réalisées sur la mer de Beaufort après l’incident de Macondo. Je crois que vous avez mentionné quatre ans de recherche.

La sénatrice Eaton : J’imagine que c’est ce que j’essaie de comprendre, parce que nous savons que, actuellement, l’Alberta et la Colombie-Britannique sont dans une impasse. Le reste du Canada veut un oléoduc. Le gouvernement fédéral affirme vouloir un oléoduc, mais nous ne semblons pas en mesure d’en obtenir un. J’imagine que, ce que j’essaie de savoir c’est... Si les habitants là-haut veulent exploiter les ressources, pourraient-ils le faire si l’une des grandes pétrolières se pointait là?

M. Simpson : Le projet gazier Mackenzie aurait été le plus important projet d’infrastructure au Canada, et il aurait été mené dans une certaine mesure par les Inuvialuit parce que les champs d’ancrage étaient dans la région désignée des Inuvialuit. Cela ne signifie pas que nous n’étions pas préoccupés par les répercussions sur les gens et sur la faune.

La sénatrice Eaton : Non, je n’insinue rien de tel.

M. Simpson : Tout ça faisait partie de l’examen général.

La sénatrice Eaton : Je crois que certains Autochtones sont furieux contre le gouvernement fédéral parce qu’il a interdit le passage des pétroliers le long de la côte Ouest : ils considèrent qu’on leur retire des emplois et des possibilités. Je voulais tout simplement le souligner.

Le président : Un moratoire a été appliqué dans l’Arctique il y a deux ans pour une durée de cinq ans. Est-ce que le Plan d’action stratégique régional de la mer de Beaufort nous aide à nous préparer pour l’examen qui a été promis au terme du moratoire?

M. Simpson : Nous avons une entente à ce sujet. Puisque notre évaluation environnementale stratégique sera terminée durant ces cinq ans, cela pourrait faire partie de l’examen. C’est ce que nous croyons, parce que, sinon, nous dépensons 9,5 millions de dollars du gouvernement fédéral dans le cadre de notre évaluation environnementale stratégique, et ce, pour absolument rien.

Le président : Pourriez-vous faire parvenir des renseignements sur cet examen stratégique au comité, en passant par la greffière, pour que nous sachions où il en est rendu? Pourriez-vous communiquer au comité de l’information sur le travail réalisé par les Inuvialuit?

M. Simpson : Nous en sommes rendus à la troisième année de ce projet, et nous allons probablement publier bientôt un rapport. Ce n’est pas un mauvais processus, parce qu’il est en quelque sorte cogéré. Nous faisons une évaluation avec un ministère fédéral. Il y a quelques écueils, mais il semble que notre plan de travail est maintenant en assez bonne voie, et nous devrions être en mesure d’atteindre toutes nos cibles. C’est ce que je crois, oui, je le crois.

Le président : Merci.

M. Simpson : Ces renseignements devraient être publics, de toute façon.

Le président : Très bien.

À ce chapitre, vous avez parlé de cogestion et du fait que vous êtes la première structure de cogestion qui ait vu le jour dans le cadre d’une entente sur des revendications territoriales globales. Un nouveau projet de loi fédéral, le projet de loi C-69, va modifier le processus des évaluations environnementales. Est-ce que votre région pourra éviter d’avoir à s’y soumettre? Savez-vous comment les choses se présentent?

M. Simpson : L’une des prémisses de la LCEE, c’est qu’aucune évaluation environnementale ne serait faite deux fois. Mais la Convention définitive des Inuvialuit est un document protégé par la Constitution, qui rend obligatoire de faire des études et des examens. Il est impossible d’y échapper. Dans le cas contraire, les Inuvialuit vont probablement traîner le gouvernement fédéral devant les tribunaux. Nous faisions valoir, en parlant de la LCEE, l’argument suivant : « Il est inutile que vous fassiez une évaluation environnementale quelconque dans la mer de Beaufort. » Le processus prévu par la convention définitive y verrait.

Le sénateur Gold : Bienvenue. Comme vous le savez, notre comité, qui a été créé assez récemment, examine tous les enjeux liés à l’Arctique et essaie de tirer profit de témoignages comme les vôtres pour se faire une bonne idée des enjeux auxquels nous devrions nous attacher le plus.

Étant donné votre longue expérience de cette région nordique, quelles recommandations voudriez-vous faire au comité quant aux enjeux qui à votre avis sont les plus importants pour l’Arctique en général et pour votre région en particulier?

M. Simpson : J’ai personnellement beaucoup à cœur l’enjeu de l’éducation. Notre système d’éducation n’est pas le meilleur au monde. Dans cinq collectivités sur six, dans la région d’Inuvialuit, l’enseignement ne va pas au-delà de l’enseignement général. Si vous voulez devenir biologiste et que vous vivez dans l’une de nos petites collectivités, vous n’avez même pas accès aux cours de biologie 20 ou 30. Pour les suivre, il vous faudrait retourner à l’école. Nous avons essayé de travailler en très étroite collaboration avec notre conseil régional de l’éducation et, encore une fois, nous essayons de l’aider chaque fois que nous le pouvons. Nous avons donc commencé à offrir des cours à distance, et, cette année seulement, il y a eu trois diplômés à Ulukhaktok, une petite collectivité. Ils vont aller à l’université, cet automne. Cela prouve vraiment… Le gouvernement territorial a pris les choses en main en disant : « Nous allons élargir ce projet. » La formation à distance va donc se faire à l’échelle du territoire, à partir d’Inuvik. Il y a des façons innovatrices d’améliorer la scolarisation. C’est important parce que, peut-être à cause des pensionnats, les parents ne s’intéressent pas beaucoup à l’éducation de leurs enfants, et ces derniers affichent un taux d’absentéisme très élevé. Nous utilisions autrefois l’argent tiré de l’exploitation de nos ressources, dans le cadre de l’entente sur le transfert de responsabilités, pour financer les étudiants et les intervenants en soutien à la famille et aux élèves. Il n’y a pas grand-chose que vous puissiez faire, mais, essentiellement, je crois que, si l’on pense au cadre stratégique pour l’Arctique et au Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, nous avons envisagé la possibilité que le gouvernement investisse entre autres dans l’éducation. Si vous voulez une base économique solide, vous voulez des enfants solides et bien éduqués, qui ont également une culture solide.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup, monsieur Simpson. Ma question s’inspire en fait de celle du sénateur Gold. La voici : comme vous le savez, on a beaucoup documenté le fait que les Inuits du Canada étaient parmi les gens les plus pauvres, qui avaient le plus faim et le plus froid et qui étaient le plus souvent malades de toute la région circumpolaire, exception faite de la Sibérie. Vous dites que vous vous intéressez à la réussite scolaire, et nous avons l’impression que vous obtenez un aperçu de la situation chaque année. Est-ce exact? Avez-vous pu cartographier la situation, faire des prévisions? Je crois que l’exemple de la formation à distance que vous avez donnée est magnifique, mais je crois comprendre que la largeur de bande peut compliquer les choses, quand on parle de formation à distance.

Je suis curieuse de savoir quelles seraient vos prévisions quant au moyen que vous utiliserez pour atteindre en particulier les deux premiers objectifs de la Convention définitive des Inuvialuit, étant donné ce que vous venez de dire en parlant des lacunes au chapitre de l’éducation, de la langue et de la culture. Quels sont vos plans? Quelles recommandations notre comité pourrait-il faire qui vous aideraient à faire ce que vous essayez d’accomplir dans ces secteurs?

M. Simpson : Les choses se sont améliorées, du côté de la largeur de bande, puisque la fibre optique se rend maintenant à Inuvik et qu’elle se rendra dans une autre collectivité, Tuktoyaktuk. C’est bien d’avoir la fibre optique en plus des hyperfréquences et des satellites. C’est pour cette raison que nous avons pu par exemple nous rendre jusqu’à Ulukhaktok. C’est une collectivité assez éloignée, probablement notre collectivité la plus éloignée. Les autres collectivités peuvent se brancher; en fait, nous atteignons d’autres lieux, comme Fort Liard, les collectivités de Tlicho, Fort Resolution, directement depuis Inuvik.

C’est très utile, vraiment, parce qu’on a accès à un bassin d’enseignants qualifiés. Nous essayons de combler les lacunes des programmes généraux, de niveaux 20 et 30, et tous les cours sont offerts sur la plateforme qu’ils ont créée eux-mêmes. Le conseil régional de l’éducation a puisé dans son propre budget pour faire cela, et le ministère de l’Éducation a peu à peu commencé à y participer. Avec notre appui, il est devenu de plus en plus évident qu’il fallait en faire plus.

La largeur de bande est de moins en moins problématique, mais cela suppose de la maintenance, et ce serait très utile. Il y a d’autres aspects qui se rattachent à l’éducation. Comme je le disais, il y a beaucoup d’absentéisme, et c’est pourquoi nous devons embaucher des intervenants en soutien à la famille et aux élèves, non seulement pour qu’ils surveillent les présences, mais aussi pour qu’ils fassent des liens avec la collectivité, par exemple, en invitant des enseignants à venir dans la collectivité, à froid, pour créer un sentiment d’appartenance.

Nous essayons de faire quelques petites interventions. Nous n’avons pas beaucoup d’argent. Cet argent pourrait être consacré à d’autres programmes. Nous avons des programmes d’aide aux chasseurs et aux trappeurs. C’est pour cette raison que j’ai parlé de l’économie des ménages inuvialuit. Le tiers de la population n’a aucun revenu disponible. Ils ne savent même pas comment ils pourraient s’en tirer. Il n’y a pas d’emplois pour eux, mais ils doivent quand même parcourir le territoire et faire certaines choses pour mettre de la nourriture sur la table. C’est quelque chose qu’il est difficile de montrer avec des statistiques, la cohésion sociale et la tradition de partage. Cela entraînerait quelques graves problèmes, dans certaines des collectivités des Inuvialuit, et le coût de la vie est insensé.

Le président : Nous aimerions beaucoup en apprendre davantage sur le travail qu’a fait la Société régionale inuvialuit dans le domaine de l’économie des ménages. Si vous pouviez faire parvenir ces renseignements au comité, nous y serions très intéressés.

M. Simpson : Nous pouvons le faire. Je tiens à préciser que nous n’avons pas vraiment confirmé ces données auprès des collectivités, à l’exception de celles de Paulatuk. Je pourrais vous faire parvenir tous nos rapports. Il y en a six.

La sénatrice Pate : Serait-il possible de nous faire parvenir également les résultats des enquêtes sur la réussite scolaire que vous faites chaque année, comme vous le disiez? J’ai l’impression qu’ils sont destinés aux enseignants, mais ce serait peut-être utile que nous les ayons nous aussi.

M. Simpson : J’ai brossé un tableau statistique des conditions sociales, culturelles et économiques. Je pourrais vous envoyer ce rapport. Nous l’avons réalisé pour la dernière fois en 2017, c’est l’an dernier. Nous en faisons une importante mise à jour. Vous pouvez le trouver sur Internet, sur le site inuvialuitindicators.com. Vous y trouverez surtout des grands renseignements statistiques publics que nous transmettent Statistique Canada ou le Bureau de la statistique des Territoires du Nord-Ouest.

Ce qui rend ce tableau unique, c’est que les mesures ne concernent pas le grand public : elles s’attachent uniquement, collectivité par collectivité, à la population inuvialuit. Nous devons parfois supprimer certains renseignements pour protéger leur caractère confidentiel, mais nous suivons les règles, en général. Nous aimerions en réalité en faire davantage, et nous sommes vraiment heureux qu’il y ait une enquête sur la santé des Inuits, parce que c’est un calvaire d’obtenir des données de ce ministère.

Le président : Merci. On nous a dit que les données présentées sur votre site web étaient très impressionnantes. J’ai l’impression que la réussite de votre programme de formation à distance, dans les collectivités éloignées, suscite un réel intérêt. C’est peut-être un exemple que devraient suivre d’autres régions de l’Arctique.

Pourrais-je vous demander des renseignements supplémentaires au sujet de ce projet?

M. Simpson : Oui. La seule chose qui me vient à l’esprit, c’est le Conseil scolaire de division Beaufort-Delta, qui organisait beaucoup d’activités de financement parce qu’il avait lui aussi beaucoup de difficulté à trouver de l’argent. Je pourrais peut-être retrouver sa proposition et vous l’envoyer, parce qu’il y expose sa vision. Cette vision est presque entièrement réalisée, aujourd’hui.

Le président : Cela nous intéresserait beaucoup. Merci.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Simpson. Les gens d’Inuvialuit sont vraiment des pionniers au chapitre des ententes sur les revendications territoriales, au Canada. Vous avez parlé des trois buts principaux et vous avez formulé rapidement votre opinion à propos de ces buts. J’aimerais en apprendre davantage sur l’opinion qu’auraient les gens au sujet des buts qui ont été établis parallèlement à la CDI; j’aimerais aussi savoir quelles sont vos ambitions par rapport à la nouvelle entente du gouvernement autonome qui s’appliquera à la prochaine génération. Qu’est-ce que les gens espèrent?

Le président : Pourriez-vous nous donner les grandes lignes de l’entente sur l’autonomie gouvernementale, sur les pouvoirs qui semblent devoir être transférés ou dévolus?

M. Simpson : Nous avons commencé en 1996, il y a quand même assez longtemps. Nous avions conclu un partenariat avec le regroupement des Premières Nations de la région, le Conseil tribal des Gwich’in. Nous en étions rendus à l’étape de l’entente de principe, qui était assez détaillée, mais le conseil a fini par retirer ses billes, et les Inuvialuit ont commencé à négocier; c’était, je crois, en 2007.

Pour l’essentiel, la meilleure façon de décrire ces pouvoirs, c’est probablement de souligner qu’ils se concentrent surtout sur l’ensemble des programmes sociaux. Nous avons examiné les choses sous tous les angles et nous avons probablement dans la foulée créé certains pouvoirs en éducation. Nous avons le pouvoir d’adopter des lois. Elles auront la préséance sur les lois territoriales, dans le cas où un conflit se présente, et sur les lois fédérales; elles portent également sur d’autres sujets qui préoccupent les Inuvialuit, par exemple les services à l’enfance et à la famille, dont nous entendons beaucoup parler aujourd’hui. Il y a un soutien au logement et au revenu, un dossier qui commence à avancer. Comme nous avons conclu la convention définitive, nous commençons à chercher des moyens de financer tout cela.

Le processus financier, encore une fois, revient un peu à la rédaction conjointe d’une politique budgétaire pour le gouvernement autonome. Les choses avancent assez bien. On discute sans fin, mais il semble que ça se retrouvera en tant que cadre stratégique au Cabinet.

Nous utilisons en outre, comme politique de l’Arctique, un genre de nouveau langage avec le gouvernement fédéral. C’est davantage pour combler l’écart socioéconomique. Selon nos statistiques, ce serait peut-être un bon modèle pour mettre l’écart en lumière et montrer comment on peut le refermer en faisant des programmes différents ou en faisant soi-même ses programmes. Je ne sais pas si mes explications sont suffisantes.

Il s’agit uniquement des populations d’Inuvialuit. Il ne s’agit pas d’un gouvernement populaire dont nous aurions hérité parce que deux de nos collectivités comptent une importante population de membres des Premières Nations. Nous avons dû nous tourner vers un gouvernement un peu plus exclusivement autochtone, mais ce n’était pas ce que les Inuvialuit préféraient.

La sénatrice Coyle : Parlez-vous des Gwich’in du territoire du Yukon?

M. Simpson : Il y a des Gwich’in dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, et aussi en Alaska.

La sénatrice Coyle : Une dernière question à ce sujet. Vous n’avez pas beaucoup parlé du développement économique et du rôle de cette collectivité, de ce groupe, dans son propre développement économique. Pourriez-vous nous en parler?

M. Simpson : Eh bien, c’est une très solide corporation; après quelque 35 ans, elle vaut 450 millions de dollars. C’est sa valeur nette. Elle est même propriétaire d’un transporteur aérien, Canadian North. Elle est toujours un acteur, dans une certaine mesure, du secteur pétrolier et gazier. Mais c’est davantage pour le marché du Sud, remarquez.

Nous nous sommes en effet chargés des raccordements à des terminaux gaziers et nous avons également une société pétrolière. Le champ de gaz est en train de s’épuiser, et nous explorons d’autres options, étant donné que nous avons, grâce au projet gazier Mackenzie, trois grands champs d’ancrage. Nous envisageons peut-être de conclure une entente avec les titulaires de domaine à bail et de mettre en place un système de distribution de gaz pour tous les habitants de la région. Nous savons que ce n’est pas tout à fait de l’énergie propre, mais le gaz est bien mieux que le carburant diesel.

Notre grand projet, aujourd’hui, c’est le logement, et c’est assez choquant. Notre président-directeur général se demandait pourquoi les régions du Nunatsiavut et du Nunavik pouvaient faire elles-mêmes leurs projets de construction. Elles ont reçu de l’argent directement. C’est bien cela? Il y a quelqu’un qui est branché. Et nous, alors?

Le président : Avec l’aide du Sénat.

M. Simpson : Eh bien, merci de me le dire. Je ne le savais pas.

Le président : Le Comité des peuples autochtones a travaillé avec votre président afin d’obtenir une affectation de 15 millions de dollars dans le budget de 2016. Vous pourriez peut-être nous expliquer rapidement comment ça s’est passé?

M. Simpson : C’est formidable. Vraiment excellent.

Cela avait bien étonné le gouvernement territorial. Vous construisez toute une série de… Que faites-vous avec les logements une fois construits? En redonnez-vous la clé à la société de logements, qui assurera l’entretien et percevra les loyers? La société avait organisé une réunion lorsque le financement de 15 millions de dollars avait été annoncé, et les membres étaient en furie. Ils disaient : « Vous nous prenez notre argent. » Nous les avons toutefois rencontrés, récemment, et ils parlent aujourd’hui de partenariats, ce qui est bien mieux.

C’est vraiment excellent; vous le voyez, nous commençons à prendre l’initiative et à utiliser une partie des dollars qui doivent être consacrés à la formation pour vraiment renforcer les compétences et tout le reste, offrir beaucoup plus de programmes d’apprentissage, et cetera. Nous espérons pouvoir commencer, ces prochains mois, à mettre une partie de ces projets en œuvre.

Nous avons investi — comment dirais-je — dans un programme d’apprentissage très général, selon lequel une équipe se rendrait dans les différentes collectivités où il y a déjà une salle de classe sur roues. Cela nous coûte environ 1 million de dollars, mais nous espérons que le projet sera bien accueilli également dans les petites collectivités.

Cela nous a vraiment encouragés. Nous n’en tirons pas un grand profit, mais ce n’était pas notre but.

Le président : Les logements sont-ils de meilleure qualité? C’est ce que j’ai entendu dire.

M. Simpson : Oui.

Le président : D’accord. Merci.

Le sénateur Neufeld : La plupart des questions que je voulais poser ont déjà été posées, mais je voulais vous faire part d’une information intéressante. Si le gouvernement fédéral vous dit qu’il n’a pas d’argent, répondez-lui que, récemment, dans l’une des réunions de notre Comité des finances, nous avons appris que, pendant la première année, les dépenses d’infrastructure étaient d’un peu plus de 14 milliards de dollars; c’est la somme qui avait été promise, mais il n’en a dépensé que la moitié. L’autre moitié est là, à ne rien faire. Elle sera reportée sur le prochain exercice, mais il avait déjà prévu des dépenses, et il ne sait pas encore très bien comment il dépensera cette somme.

Il y a beaucoup d’argent et, si les choses se sont si bien déroulées lorsque vous avez reçu de l’argent directement pour vos logements, vous pourriez peut-être lui en parler. C’était juste une petite information supplémentaire. Il a beaucoup de fric en réserve, et il ne sait pas très bien quoi en faire. Je suis certain que vous avez quelques idées.

J’ai trouvé intéressant également le projet de formation à distance. Est-ce que je vous ai bien compris quand vous avez parlé de l’accès à la large bande et à la fibre optique? Vous avez dit que la fibre optique se rendait jusqu’à Inuvik, c’est bien cela? Vous avez ensuite parlé de Fort Liard? Est-ce que je vous ai bien compris, vous avez dit Fort Liard?

M. Simpson : Oui. Nous pouvons faire ce projet parce que nous avons une connexion à la fibre optique. Nous pouvons connecter jusqu’aux plus petites collectivités.

Le sénateur Neufeld : Vous vous rendez jusqu’à Fort Liard; à moins qu’il existe plus d’un Fort Liard, celui-ci ne se trouve pas dans votre région, n’est-ce pas?

M. Simpson : Je ne suis pas certain que la connexion se rende jusqu’à Fort Liard. Il se peut que les communications se fassent par hyperfréquences ou par satellite, en plus de la fibre optique. Les collectivités tlichos sont raccordées de cette manière.

Le sénateur Neufeld : Je connais Fort Liard. J’y suis allé deux ou trois fois. Je suis un peu confus.

M. Simpson : Vous pouvez offrir de la formation à distance par satellite; nous avons aussi un service par hyperfréquences, Northwestel, et nous avons maintenant aussi la fibre optique; il y a donc trois modes de communication à partir d’Inuvik.

Le sénateur Neufeld : Vous pouvez offrir les mêmes services sans fil que vous offririez autrement avec le câble à fibre optique, c’est bien ça?

M. Simpson : Oui.

Le sénateur Neufeld : C’est quelque chose que les témoins de l’autre groupe viennent de nous dire : dans l’Est de l’Arctique, il n’y a pas de connectivité. J’ai été surpris qu’il n’en ait pas été question ici.

Ma dernière question concerne l’éducation, parce que vous en avez aussi beaucoup parlé. Quel est le taux de diplomation? Faites-vous un suivi des taux de diplomation?

M. Simpson : Oui, bien sûr.

Le sénateur Neufeld : Est-ce que ces taux sont en hausse? Ce serait à espérer.

M. Simpson : Ils sont en hausse, mais c’est intéressant. Notre base de données couvre une période de 20 ans. Je crois qu’elle remonte au début des années 1990. Oui, les taux augmentent, mais ils augmentent à l’échelle du Canada et à l’échelle des Territoires du Nord-Ouest.

Si vous revenez à l’année 1991, l’écart était assez faible, il était peut-être de 15 p. 100. Aujourd’hui, il s’est creusé, et il y a une différence de 25 à 30 p. 100 entre la moyenne canadienne et celle des Territoires du Nord-Ouest. La situation se détériore.

Comme vous le savez peut-être, après les pensionnats, les gens voulaient pouvoir terminer leurs études secondaires dans leur collectivité. Ils voulaient que les enfants reviennent chez eux. Ils ne voulaient pas que leurs enfants vivent ce qu’ils avaient vécu. Une promesse leur avait été faite : « Oui, les écoles secondaires iront jusque chez vous. » Cette promesse a été tenue. Elle a été tenue dans les Territoires du Nord-Ouest, mais c’est un programme général, il n’est pas aussi complet que le programme offert à Yellowknife ou n’importe où ailleurs, dans le Sud du Canada, j’imagine, ou à Inuvik. Il y a des programmes de niveau postsecondaire à Inuvik.

L’écart s’élargit, et il faudrait aussi nous en préoccuper.

Le sénateur Neufeld : Nous devrions. Merci.

La sénatrice Jaffer : Un peu plus tôt, vous avez parlé de la question de la langue et du fait que les enseignants ne connaissaient ni la culture ni la langue. Comment faites-vous, à ce chapitre, pour protéger votre langue? C’est très difficile. Je le comprends.

M. Simpson : Il y a de moins en moins de locuteurs, donc, de moins en moins de personnes qui peuvent enseigner la langue. Nous avons essayé de le faire au Collège Aurora, parce que certaines personnes qui parlent la langue n’ont pas les compétences nécessaires pour l’enseigner. Nous avons offert un programme d’une année pour aider les professeurs de langue, mais c’est quand même difficile.

La sénatrice Jaffer : Recevez-vous une aide quelconque du gouvernement fédéral?

M. Simpson : Oui. Je vais essayer de citer la réaction de mon président-directeur général à l’annonce de notre première réunion du partenariat inuit : « C’est une bonne idée, mal exploitée. » Cela nous ramène à notre grande question : « Pourquoi est-ce que l’argent est toujours donné au gouvernement territorial? » Quand il s’agit de culture et de langue, il faudrait que l’argent soit donné aux responsables de cette langue?

Ce n’était pas un gros supplément de financement; il s’agissait d’un financement supplémentaire de 80 000 $. C’était déjà peu, avant, parce que la langue, comme le montrent les statistiques, est en train de mourir.

La sénatrice Jaffer : J’ai une question difficile et je ne veux pas que vous vous sentiez blessé si j’ai de la difficulté à la formuler. Je vous écoute et j’entends tous les défis auxquels font face les gens de votre région — je sais de quelle région vous venez —, et je me demande s’ils ont l’impression qu’on les a oubliés?

M. Simpson : Cela se peut. Nous constatons un phénomène assez fréquent, qui est aussi assez préoccupant : 40 p. 100 des participants ont déménagé, ils sont allés dans le Sud. Ils cherchent des carrières prometteuses et de bons emplois. Il n’y a pas grand-chose à faire dans la région, sauf peut-être de la pêche, une activité que bien des gens apprécient, je crois. Il est très difficile de vivre dans la pauvreté, j’imagine.

Le président : Chers collègues, cela nous amène à la fin de la séance. J’aimerais souligner que nous avons invité le président d’Inuit Tapiriit Kanatami à une de nos prochaines séances, et je crois qu’il va accepter. Il est le fer de lance du projet sur la langue auquel toutes les régions inuites participent. J’espère qu’il pourra nous donner davantage d’information.

Cela dit, un gros merci pour vos exposés, pour les réponses utiles à nos questions et pour toute l’information que vous allez nous communiquer.

(La séance est levée.)

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