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ARCT - Comité spécial

Arctique (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur l'Arctique

Fascicule no 13 - Témoignages du 24 septembre 2018


OTTAWA, le lundi 24 septembre 2018

Le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique se réunit aujourd’hui, à 18 h 29, pour examiner les changements importants et rapides dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants, puis à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, et bienvenue au Comité sénatorial spécial sur l’Arctique. Je m’appelle Dennis Patterson, sénateur du Nunavut. J’ai l’honneur de présider le comité. Je demanderais aux sénateurs autour de la table de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba, vice-présidente du comité.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

Le président : Je vous remercie.

Chers collègues, dans le cadre de notre étude sur les changements importants et rapides dans l’Arctique et leurs effets sur les premiers habitants, nous continuons d’examiner deux sujets précis : le développement économique et l’infrastructure.

Nous accueillons, ce soir, Duane Wilson, vice-président des relations avec les parties prenantes, d’Arctic Cooperatives Limited. Je vous remercie de vous joindre à nous.

Bienvenue à la sénatrice Galvez.

Monsieur Wilson, je vous invite à présenter votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite à une séance de questions et réponses.

Duane Wilson, vice-président des relations avec les parties prenantes, Arctic Co-operatives Limited : Je vous remercie beaucoup, sénateur Patterson. Bonsoir aux honorables sénateurs et aux gens dans la salle. Comme l’a dit le sénateur Patterson, je suis vice-président des relations avec les parties prenantes pour Arctic Cooperatives Limited. Je suis ravi d’être ici pour livrer un témoignage au nom de mon organisation, qui appartient à 32 coopératives communautaires du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, et est gérée par elles.

Ces coopératives suivent un modèle d’affaires coopératif composé de sept principes qu’on retrouve de par le monde. Ces principes sont bien différents de ceux que j’ai appris lorsque j’étudiais le commerce à l’Université Carleton, ici à Ottawa. Ils nous enjoignent à continuer d’appuyer l’industrie de l’art inuit, que d’autres ont abandonné; à former la main-d’œuvre locale au lieu d’offrir des solutions comme un numéro 1-800 pour le service et le soutien; et, enfin, à mettre sur pied et à promouvoir des programmes de recyclage et de réduction du gaspillage dans les régions où il n’y en a pas, comme le programme Tundra-Take-Back pour les véhicules en fin de vie élaboré en collaboration avec Summerhill Impact et Automotive Recyclers of Canada.

Dans l’Arctique canadien, les coopératives ont été l’un des premiers acteurs du secteur privé à avoir développé l’infrastructure communautaire et à faire preuve d’un esprit d’entrepreneuriat collectif depuis leur début.

Nombre des difficultés liées au travail dans l’Arctique canadien sont bien connues, même si leurs effets individuels ou cumulatifs sont mal compris. Le guide de discussion relatif au cadre stratégique pour l’Arctique cerne de nombreuses difficultés, notamment le déficit d’infrastructure, la pénurie de logements et le chômage.

À mon avis, la petite taille des collectivités éloignées dans les territoires ajoute aux difficultés des coûts de fonctionnement élevés que sont le transport, les réparations et l’entretien, les services publics, les salaires et la construction. Le commerce de détail et en gros que pratiquent nos membres repose sur la masse critique et les économies d’échelle, qui sont simplement impossibles à réaliser dans les petites collectivités. Nos coopératives membres ont cependant pris toutes les mesures à leur disposition pour réaliser des économies d’échelle grâce à la diversification localisée et à la participation volontaire à une fédération de service coopératif.

Les salaires versés aux employés du Sud qui ne résident pas dans les collectivités nordiques de manière permanente constituent une fuite importante des capitaux. La relocalisation temporaire ou la présence de la main-d’œuvre seulement durant les périodes de travail sont symptomatiques dans bien des industries, en particulier les secteurs de l’extraction des ressources et de la construction. Les coûts de transport élevés ont amené certaines entreprises, notamment en construction et dans le secteur minier, à internaliser le transport aérien. La position de l’industrie aérienne qui peine aussi à réaliser des économies d’échelle est d’autant plus fragilisée. Ainsi, les autres utilisateurs de ces services essentiels doivent assumer des coûts plus élevés.

Du point de vue du commerce de détail dans les collectivités, la fuite des capitaux sous forme de commande directe et de magasinage en ligne, le transport maritime avec son propre bateau et la franchise de bagage élevée sont tous des facteurs qui contribuent à l’érosion du marché et à des coûts de fonctionnement fixes élevés.

Bon nombre de problèmes dans les communautés éloignées dans l’Arctique sont le résultat de la pauvreté et des inégalités de revenus. L’écart entre les riches et les pauvres est important. Par exemple, Inuit Tapiriit Kanatami signale que le revenu médian par personne pour les Inuits qui habitent dans l’Inuit Nunangat est d’un peu plus de 23 000 $ comparativement à celui des résidants non autochtones qui est supérieur à 92 000 $. Les personnes qui ont un revenu élevé ont un accès au marché et ont les ressources financières nécessaires pour contourner les fournisseurs de services dans la communauté. Cela accroît la pression sur les prix et marginalise davantage certains résidants.

Des recherches commencent à faire des liens entre l’inégalité des revenus et certains problèmes sociaux. Ils sont organisés en fonction d’indicateurs comme la scolarité, les taux d’incarcération, les taux de suicide, les grossesses à l’adolescence et les taux de crime violent, pour n’en nommer que quelques-uns. Même si les recherches ne sont pas entièrement concluantes jusqu’à maintenant, ceux d’entre nous qui travaillent dans le Nord ne peuvent que reconnaître qu’il s’agit là de défis auxquels font face bon nombre de communautés dans l’Arctique canadien. Je me demande si les inégalités au sein d’une communauté sont en partie responsables de circonstances comme le taux de suicide dans les territoires, qui est une crise. Je me demande aussi ce que nous pouvons faire dans nos vies personnelles ou professionnelles pour améliorer la vie des gens dans les communautés que nous servons.

La plupart des gens conviennent qu’il n’existe pas une seule solution pour régler les inégalités sociales et économiques auxquelles bon nombre de résidants de l’Arctique canadien font face. Je crois qu’il serait utile d’avoir des politiques ou des investissements qui aideraient les résidants permanents des communautés à acquérir les compétences de base nécessaires, et ce, très tôt pour tirer profit d’occasions d’emploi, particulièrement dans le domaine des métiers et des mines. En plus de réduire les fuites de capitaux liés à une main-d’œuvre importée, les avantages comprendraient des coûts moindres pour la construction de logements résidentiels en raison d’une main-d’œuvre accessible sur place, et une plus grande faisabilité pour des projets potentiels, augmentant les chances que ces projets aillent de l’avant, créant ainsi plus d’activité économique et d’occasions d’emploi.

Pour atteindre l’objectif d’atteindre un plus haut niveau de scolarité, il est absolument nécessaire d’aborder les conditions sous-jacentes et l’accessibilité au logement acceptable.

Il est très difficile de faire un exposé complet en cinq petites minutes. Je vous remercie d’avoir invité le secteur coopératif dans l’Arctique canadien à témoigner.

Le président : Merci. Monsieur Wilson, vous avez abordé bon nombre de questions durant le temps qui vous était imparti. Je vous en remercie.

Vous avez parlé de recherches intéressantes qui établissent des liens entre l’inégalité des revenus et les problèmes sociaux. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces recherches maintenant, ou par l’intermédiaire de notre greffière?

M. Wilson : Certainement. Des recherches ont été menées par Daniel Wilson — nous n’avons pas de lien de parenté — et David Macdonald. Monsieur le sénateur, je serai ravi de vous fournir de plus amples renseignements par l’intermédiaire de la greffière après la réunion.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Bovey : Merci beaucoup pour votre témoignage et pour les liens que vous avez faits avec les questions essentielles que vous avez soulevées. Vous ne serez pas surpris que je veuille revenir au début des coopératives et à l’incroyable travail mené par les coopératives d’artistes. Elles ont beaucoup fait en termes de financement et de compréhension de l’Arctique. Cela remonte au milieu des années 1960. Puis les choses ont changé. Je suis heureuse que Arctic Cooperatives Limited existe toujours. Par contre, le lien avec les artistes et la compréhension de l’Arctique qu’ont les gens du Sud grâce à l’art se dont dissipés. Vous parlez de taux de suicide, et je trouve qu’il est très troublant de voir certains travaux en cours qui, bien évidemment, illustrent les dimensions sociales dont vous parlez.

Puis vous avez parlé des achats faits en ligne. Je suis certaine que ces travaux n’illustrent pas ces réalités, c’est-à-dire que les gens veulent faire des achats en ligne. Pouvez-vous nous parler de l’état actuel des choses pour ce qui est du rôle des coopératives d’artistes et du mouvement coopératif?

M. Wilson : Je vais faire de mon mieux. Je ne prétends pas être un expert dans le domaine des arts. Je peux toutefois vous dire que les coopératives dans le monde, peu importe où elles se trouvent ou dans quelle industrie, sont généralement une réponse à une défaillance du marché. Vous avez tout à fait raison : au milieu des années 1960, les gens se sont rassemblés dans les communautés pour former des coopératives afin de répondre aux échecs du marché. Cela comprenait le commerce de marchandises au détail et la commercialisation non seulement de l’art, mais aussi de la fourrure. Ils voulaient avoir un plus grand degré de contrôle et d’influence sur les économies de leurs collectivités.

Au fil du temps, avec l’évolution des marchés, ce qui, traditionnellement, contribuait largement au volume de ce que les coopératives faisaient a stagné ou, je pourrais même dire, a diminué. C’était pour des questions de principe. Comme je l’ai dit plus tôt, on avait un modèle d’affaires régi par des principes autres que ceux qu’on apprend dans une école de commerce, notamment la valeur actuelle nette et une analyse coûts-bénéfices. Un de nos principes est de nous soucier de la communauté.

J’ai parlé des taux de chômage. Bon nombre de gens dans l’Arctique ont un emploi rémunéré, car ils produisent des œuvres d’art. C’est pour cette raison, et pour des questions de principe, que nous demeurons résolus à appuyer cette industrie, alors que d’autres ont jeté l’éponge, car cette industrie ne leur permet pas d’obtenir un rendement satisfaisant de leurs investissements.

La sénatrice Bovey : Puis-je poser une question complémentaire? Je ne voudrais pas trop m’étendre sur ces questions, mais je vais quand même insister. Je suis d’accord avec vous lorsque vous dites qu’un plus fort pourcentage de gens du Nord gagnent leur vie en misant sur leurs créations artistiques. Je comprends que, quel que soit le secteur, on cherche toujours de nouvelles sources de revenu et de nouvelles bases sur lesquelles s’appuyer pour faire notre travail.

Le Conseil des arts du Canada a récemment modifié sa structure de financement pour passer de 140 à 10 programmes. Ma prochaine question concerne les possibilités de commerce numérique. J’ai été très reconnaissante que le Conseil des arts du Canada me fournisse, à ma demande, une liste de tous les artistes du Nord qui ont reçu des subventions lors de la dernière attribution, et cette liste ne fait même pas trois pages. Malgré le fait que la population du Nord comporte un plus fort pourcentage de personnes qui créent des œuvres d’art que dans tout le reste du pays, je constate qu’ils reçoivent beaucoup moins d’aide par habitant que les autres régions.

Prenons l’exemple du Yukon, si vous le voulez bien. Il n’y a pas une seule œuvre d’un artiste du Yukon au Musée des Beaux-Arts du Canada. Y a-t-il un problème de marketing? Y a-t-il un problème d’accès à ces programmes? Comment ces artistes sont-ils censés obtenir de l’aide pour créer des œuvres et les vendre? Dans les années 1960, 1970 et au début des années 1980, c’est l’exportation de leurs œuvres d’art qui rapportait de l’argent dans le Nord; aujourd’hui, l’argent coule vers le Sud.

M. Wilson : Merci de me poser la question. Je tâcherai d’y répondre de mon mieux.

Nous subissons constamment diverses pressions financières. Chaque dollar que le système de coopératives investit dans les arts fait augmenter d’un dollar le coût des aliments puisque nous sommes une coopérative. Nos membres propriétaires bénéficient de nos économies nettes, dans l’esprit même de l’autonomie et de l’indépendance coopérative. Cet argent, ils sont libres de l’utiliser comme bon leur semble dans leur collectivité. Par exemple, la coopérative de Holman est maintenant en mesure de commencer à revitaliser sa production de gravures de reproduction et d’œuvres artistiques locales. Nous pensons qu’il vaut mieux que ces décisions soient prises au niveau communautaire puisque chaque coopérative autonome a ses propres priorités. La coopérative de Naujaat va bétonner le sol de sa patinoire afin que les enfants puissent l’utiliser à l’année. C’est la priorité que cette coopérative a choisie.

L’essentiel de ce que nous faisons au jour le jour pour appuyer les arts ne concerne pas le marketing, que ce soit avec la coopérative Producteurs de l’Arctique canadien, de Mississauga, ou dans le monde entier au moyen du site web Northern Images. Le système de coopératives est un important pilier de cette industrie. Bon nombre des employés de la salle d’exposition de Mississauga ont acquis une très grande expertise. Ce qu’ils font, entre autres activités, madame la sénatrice, c’est de conseiller les artistes sur la façon d’améliorer la commerciabilité de leur art. Il est difficile d’attacher une valeur monétaire à cet appui. Ils leur font des suggestions sur la proportion à donner à une œuvre, la façon de la finir, les détails à ajouter, les autres supports à utiliser afin d’améliorer la valeur d’une œuvre. Voilà, d’après moi, les plus importants.

En outre, l’organisme continue à faire la promotion des intérêts et à travailler avec l’Inuit Art Foundation dans le but de préserver l’étiquette « L’Igloo ». La recherche effectuée par l’Inuit Art Foundation a montré — si je me souviens bien — que la valeur d’une œuvre moyenne augmente de 40 p. 100 lorsque son authenticité est certifiée par l’étiquette « L’Igloo ». La coopérative Producteurs de l’Arctique canadien est, je crois, l’un des 10 ou 11 titulaires de permis autorisés à certifier qu’une œuvre d’art est authentiquement inuite.

La sénatrice Bovey : Merci. Vous avez fait pour moi le lien entre la formation et les possibilités commerciales. Je pense que c’est de la plus haute importance. Merci pour le travail que vous faites.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur Wilson. En fait, nous revenons tout juste du Nord. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de problèmes là-bas, comme des coûts d’exploitation élevés, des problèmes sociaux, du chômage élevé et une pénurie de logements. Le niveau d’éducation est faible et l’infrastructure, inexistante. Le Nord semble avoir tous les problèmes. Est-ce qu’il vous faut plus d’argent pour être plus efficaces? Que pouvez-vous faire pour vraiment améliorer la vie de ces collectivités du Nord?

M. Wilson : Eh bien, s’il suffisait de faire une chose, je suis sûr que des gens beaucoup plus intelligents que moi l’auraient déterminé il y a longtemps.

Si je devais essayer de faire une seule chose — et je ne peux pas m’arroger le mérite de cette idée —, je réglerais le problème du logement; cela me semble assez fondamental. L’investissement dans le port en eau profonde d’Iqaluit nous offre l’occasion de modifier la façon de traiter les questions de logement. Je vais essayer de vous résumer la question très brièvement.

À l’heure actuelle, si le logement résidentiel coûte près de 450 $ le pied carré, c’est, comme je l’ai mentionné dans mon exposé préliminaire, que la main-d’œuvre arrive et repart par avion, le climat pose problème, et cetera. Je pense qu’on pourrait construire des logements modulaires en utilisant des conteneurs aménagés à cet effet dans une collectivité comme Iqaluit. À l’heure actuelle, l’inconvénient de la solution modulaire, c’est que les conteneurs coûtent plus cher à transporter que, par exemple, un vaisseau de poteaux d’acier de la taille de sept tables, qui sont installés à intervalle de 16 pouces alors que transporter un élément modulaire déjà construit, c’est essentiellement expédier une grande quantité d’air.

Le nouveau port en eau profonde d’Iqaluit permettra de transporter des conteneurs de 40 pieds pleinement chargés et d’utiliser ces conteneurs servant au transport de biens de consommation — des aliments non périssables, et cetera — à Iqaluit ainsi que des matériaux de construction pour les transformer en logements résidentiels d’une manière beaucoup moins coûteuse.

Que ce soit les métiers, les programmes d’apprentissage, et cetera, à Iqaluit, on peut maximiser la productivité d’un transport maritime. Un navire peut partir entièrement chargé du Sud et déposer 15 000 mètres cubiques à Iqaluit, ramasser 15 000 mètres cubiques de logements résidentiels et les transporter jusqu’à Pond Inlet, Arctic Bay, Pangnirtung, Kimmirut ou Cape Dorset et, en gros, dans un voyage aller-retour, livrer plus de 100 p. 100 de sa capacité théorique.

Maintenant, ce n’est pas cela en soi qui va transformer la situation pour le Nord. J’ai appris qu’on ne peut pas être vraiment autosuffisant dans cette région. Toutefois, si nous pouvons faire au moins cela — améliorer l’efficacité du transport maritime, utiliser de plus grands conteneurs qui coûtent la même chose que ceux deux fois moins grands —, cela sera utile. Si plus de gens ont des maisons, je crois fermement que cela permettra d’améliorer la réussite scolaire et les possibilités d’emploi alors que l’économie continue de croître, que ce soit dans les métiers, les mines ou l’exploration. C’est douloureux de devoir envoyer un technicien en réfrigération à Arctic Bay. Cela explique en partie pourquoi les aliments sont si chers. La facture pour la réparation, qui aurait coûté 375 $ en banlieue de Winnipeg, coûtera plus de 9 000$ et devra être assumée par une population d’environ 1 000 personnes à Arctic Bay. Toutes ces petites choses ont un effet cumulatif et expliquent pourquoi les gadgets à Winnipeg et à Whale Cove ne se vendent pas au même prix.

Le sénateur Oh : Je voulais poursuivre sur le sujet des œuvres d’art. On nous a dit que les bateaux de croisière qui passent par là devaient acheter des œuvres d’art des artistes locaux, mais ils achètent plutôt des œuvres d’art sur le bateau. Êtes-vous au courant de ce problème? Cela n’aide pas directement les artistes locaux.

M. Wilson : Je pense qu’il y a beaucoup d’organisateurs de croisière qui essaient de gérer cela à l’interne. Je crois qu’il y en a pour qui c’est un peu une question de contrôle de la qualité. Ils essaient de gérer l’expérience parce qu’ils veulent mieux contrôler l’expérience de leurs clients. Ils ont un plus grand contrôle lorsque c’est géré à l’interne, et il y a peut-être des cas où certains essaient de faire un profit sur ces ventes, contrairement aux ventes faites à terre.

Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici. Je comprends la difficulté vécue par les gens dans le Nord. Je ne vis pas aussi au Nord que les régions dont vous parlez, mais je vis quand même dans le Nord, alors je vois la rotation aérienne de milliers de travailleurs. Selon mon expérience, dans les secteurs minier et des ressources, l’endroit où on est ne fait pas de différence — que ce soit l’Arctique, Fort St. John ou l’intérieur de la Colombie-Britannique — il y a une rotation aérienne des travailleurs. Les gens ne veulent pas vivre dans ces communautés. Je ne sais pas pourquoi, mais ils ne le veulent pas. Ils sont prêts à vivre dans de plus grandes communautés, et les entreprises offrent l’accès aérien par des vols nolisés. Souvent, on voit beaucoup de vols nolisés qui arrivent à Fort St. John avec des centaines de gens à bord. Je pense que c’est un problème généralisé dans ces secteurs, pas juste dans le Nord, quoique c’est peut-être plus prévalent là-bas.

Quelles sont les statistiques en éducation pour les étudiants dans le Nord? Évidemment, cela doit varier d’une communauté à l’autre. Peut-être pourriez-vous nous en parler un peu. Premièrement, les gens aujourd’hui décrochent en huitième année, et se trouver du travail ne vous permettra pas d’avancer plus tard dans la vie. Parlez-moi du taux de scolarisation.

M. Wilson : Monsieur le sénateur, merci de cette question. Je ne suis pas expert en éducation. Je ne citerai pas de statistiques. De façon anecdotique, je sais que nombre de gestionnaires de nos coops ont de la difficulté même à offrir de la formation de base en alphabétisation et en apprentissage du calcul, même pour des postes de débutants dans l’entreprise. Je sais que d’autres témoins vous ont parlé plus précisément du système d’éducation.

Il y a beaucoup de talent dans le Nord. Je ne peux pas dire...

Le sénateur Neufeld : Comprenez-moi bien; je ne dirais pas qu’il n’y a pas de talent.

M. Wilson : Je ne peux pas dire si, à Fort St. John, la rotation aérienne des travailleurs est en place parce qu’il n’y a pas assez de gens pour faire le travail. Dans le Nord, il y a beaucoup de communautés où il y a une rotation aérienne des travailleurs ou des gens de métiers. On en est coupables nous-mêmes, quand on ne trouve pas un électricien à Hall Beach et qu’on fait venir quelqu’un par avion. C’est désolant.

J’aimerais qu’il y ait une meilleure formation professionnelle. Souvent, il faut commencer avec les fondements de l’éducation de la petite enfance. L’alphabétisation et l’apprentissage du calcul de base sont les précurseurs de ce genre de formation.

Le sénateur Neufeld : Avez-vous visité d’autres pays de l’Arctique pour voir ce qu’ils font? J’imagine que nombre d’entre eux font face aux mêmes défis.

M. Wilson : Je n’ai eu ni l’occasion ni le plaisir de le faire. J’ai eu la chance de voyager dans plus de 20 communautés de notre pays, dans l’Arctique, mais malheureusement pas dans d’autres pays.

Le sénateur Neufeld : On peut faire une bonne partie de cette recherche par Internet. Même s’il n’y a pas de solution magique, est-ce que votre groupe a fait ce genre de recherche pour voir ce que les autres pays font?

M. Wilson : Non, je ne l’ai pas fait. D’après moi, l’éducation est quelque chose dont s’occupe le gouvernement territorial. Notre organisation compte à peine 100 personnes et essaie d’appuyer les coopératives membres dans les secteurs de la vente au détail, du service alimentaire, de l’hôtellerie, de la livraison de carburant et de la câblodistribution dans une des régions les plus dures pour le commerce de notre pays.

Nous avons un groupe de gens qui se dévouent à les aider dans ces secteurs, moins en éducation, avec quand même quelques exceptions notables. La majeure partie de nos efforts en éducation concerne les besoins précis de nos coopératives.

Par exemple, de nombreux directeurs de coops suivent des modules sur le leadership. Ce n’est pas l’éducation de la petite enfance. C’est de la formation au leadership, que ce soit pour diriger une réunion efficace ou pour comprendre les états financiers, des choses comme ça pour développer les capacités des élus de notre organisation démocratique. Il y a beaucoup de formation axée sur les compétences, que ce soit en technologie du câble, en réponse au déversement de carburant, en réparation de petits moteurs, et cetera. Voilà les choses qui sont importantes pour nos membres.

Je plaisantais un peu lorsque je parlais du numéro 1-800 pour recevoir du service. Nous réagissons un peu lorsque les gens parlent des motoneiges et des VTT comme étant des véhicules récréatifs. Je peux vous assurer que nos membres propriétaires ne les considèrent pas comme des véhicules récréatifs. Il s’agit de l’autobus scolaire ou de l’auto familiale. C’est comme cela qu’ils vont chasser et qu’ils mènent beaucoup de leurs activités traditionnelles.

Même si l’analyse coûts-bénéfices ou le taux de rendement ne justifie pas l’appui pour les pièces d’équipement, la formation et la garantie des moteurs, nous continuons à l’offrir parce que cela correspond à nos principes d’engagement envers les communautés.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie beaucoup, monsieur Wilson. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue au Sénat du Canada. M. Wilson m’a dit qu’il a déjà été page au Sénat.

J’ai beaucoup aimé votre présentation. Cette discussion est aussi très utile. J’aimerais poser deux questions. Puis-je poser deux questions, monsieur le président?

Le président : Oui.

La sénatrice Coyle : Ma première question porte sur les possibilités de logement que présente la construction du port en eau profonde d’Iqaluit, dont nous avons entendu parler pendant notre visite là-bas. Votre organisation entend-elle profiter de ces possibilités de logement?

Le président : Certains de vos membres travaillent dans le secteur hôtelier.

La sénatrice Coyle : C’est exact, le document mentionne que vous avez des logements sociaux.

M. Wilson : Nous veillons surtout à loger le personnel et la direction de manière temporaire, ce qui n’est pas notre préférence pour tout vous dire. Idéalement, nous voudrions que des gens s’établissent dans nos communautés.

On me pose souvent des questions en matière de logement. Je présume que c’est parce que les coopérations d’habitation sont assez nombreuses dans le Sud. C’est un modèle bien établi. Les gens font le lien entre les coopératives et les besoins en logement dans l’Arctique.

J’aimerais bien que les coopératives d’habitation soient une réalité pour nous à court ou à moyen terme, mais en fait il s’agit surtout d’une option dans le Sud pour que le paiement de l’hypothèque ou du loyer soit assumé différemment. Les coopératives d’habitation ne sont qu’un autre modèle d’affaires pour loger les gens.

Bien des résidants dans les territoires vivent dans des logements insalubres ou des logements sociaux, qui sont souvent largement subventionnés. Pour que le modèle coopératif fonctionne, les gouvernements de la région devraient engager de vastes dépenses.

Certaines personnes qui habitent dans les logements sociaux ne paient que 60 $ de loyer par mois. Il est tout simplement impossible de bâtir des coopératives d’habitation dans une région où les coûts sont si élevés, si les locataires ne paient que 60 $ de loyer par mois.

Les coopératives se fondent sur les sept principes que j’ai énoncés, mais elles demeurent un modèle d’affaires. Sans revenu, elles ne peuvent pas poursuivre leurs activités. De là toute la difficulté. Ce serait différent si les gouvernements des territoires étaient prêts à céder leurs investissements dans le logement. Toutefois, pour être honnête, ce serait beaucoup demander et très risqué d’apporter des changements dans un programme aussi vaste.

J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Coyle : Vous y avez répondu d’une certaine manière. On nous a répété à maintes reprises que le logement est un enjeu important dans l’Arctique. Comme vous l’avez dit, de nombreux facteurs entrent en jeu, mais je vais en rester là. Je m’intéresse surtout à ce que vos coopératives considèrent comme les débouchés commerciaux de l’avenir. J’aimerais mieux comprendre l’état des différentes parties de votre réseau. Quelles sont les tendances et les nouvelles occasions qui se présentent? Quelles sont les tendances à la baisse et celles à la hausse? Quelles sont les possibilités qui se profilent à l’horizon? Je suis convaincu que ces coopératives sont essentielles à la survie de vos communautés. Il faut non seulement les préserver, mais on peut aussi espérer qu’elles prennent de l’expansion et qu’elles deviennent plus prospères.

J’essaie de comprendre quelles sont les tendances.

M. Wilson : Selon notre vision, nous sommes un regroupement d’hommes et de femmes entrepreneurs. J’ai mentionné dans mon exposé que nos coopératives constituent un projet d’entrepreneuriat collectif.

La seule façon pour bon nombre de nos membres de réussir ou au moins de démarrer dans leur secteur d’activités de nos jours, c’est de compter sur la force de notre collectif. Ils ont besoin de rassembler leurs ressources, en matière de finances, d’administration, de véhicules ou autres.

Je pense que les coopératives existent dans le Nord depuis 1959. Elles s’assurent de compter sur une masse critique et expédient des marchandises de tout type et de toute taille dans des endroits très reculés avec une assez bonne fiabilité, compte tenu des conditions environnementales. Nous offrons certains des mêmes services que nécessitent les entreprises du secteur minier et les gouvernements des territoires. Nous avons réussi à bâtir cette masse critique et cette expertise au cours des 10 dernières années et nous fournissons maintenant beaucoup de matériels, d’aliments et de produits de consommation variés aux entreprises minières, comme Agnico Eagle Mines, pour que les retombées profitent à toute la communauté, au lieu de ne favoriser qu’une personne ou un petit groupe de gens. Je répète qu’il est possible de disperser les retombées dans toute la communauté pour éviter de concentrer la richesse et de laisser la majorité dans le besoin. Je pense que le modèle coopératif est un excellent moyen d’y arriver. Toutes les semaines, nous traitons avec environ 11 compagnies aériennes, qui exploitent toutes sortes d’avions allant du Pilatus PC-12 ayant une charge utile de 1 800 livres au Boeing 767-300 ayant une charge utile de 126 000 livres. Cette vaste gamme de services nous permet d’être un point de contact unique très flexible pour les entreprises minières, les gouvernements ou d’autres parties intéressées.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de votre exposé, monsieur Wilson. C’était intéressant, mais aussi triste d’apprendre tous les problèmes que vous connaissez dans le Nord. Je ne peux m’empêcher de tracer un parallèle avec les Autochtones des Andes, situés à 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer, qui travaillent et vivent dans des coopératives exactement comme celles que vous décrivez. En comparaison, je pense toutefois que vous avez un net avantage en pouvant recevoir de grands conteneurs remplis de produits, de matériels et de biens très variés.

Je suis d’accord avec vous pour dire que le principal problème, c’est le manque de logements. Le logement ne peut pas tout régler à lui seul, mais il entraîne de nombreux bienfaits et améliore la qualité de vie dans le Nord, où les gens affrontent des conditions difficiles et peuvent se sentir très isolés.

Si vous me le permettez, j’aimerais vous soumettre quelques idées, par exemple en matière de logement. Si vos coopératives développaient l’industrie du recyclage et de la déconstruction, vous pourriez aider à fournir des matériaux comme des outils pour la construction et à prolonger le cycle de vie des logements. De plus, tous les matériaux se trouvent déjà là.

Pour le logement, vous avez besoin d’électricité et de chauffage. Avez-vous pensé à mettre sur pied des entreprises d’énergie renouvelable, comme l’énergie solaire, éolienne, hydraulique ou la biomasse? Toutes vos communautés produisent beaucoup de déchets, comme des déchets humains qu’on peut transformer en méthane. Par ailleurs, avez-vous pensé à utiliser des drones pour transporter des biens de petite taille et les services en ligne? Vous avez dit que vous aviez déjà accès à l’Internet. Pourquoi ne pas vous en servir pour l’éducation?

M. Wilson : Vous avez posé de nombreuses questions.

La sénatrice Galvez : Je suis désolée.

M. Wilson : Pas de problème. Nous avons participé à la collecte de renseignements et à des ateliers concernant les dirigeables hybrides et toutes sortes d’autres solutions de rechange. Aux dernières nouvelles, celles-ci représentent toujours trois fois le coût du ravitaillement par mer. Elles comptent aussi sur une masse critique, ce qui signifie que les aéronefs à voilure fixe ne constitueront pas une solution viable dans les petites collectivités.

Concernant d’autres choses comme la livraison par drone, j’aimerais mettre cela en perspective pour ce qui est de la masse critique. Quatre bons Walmart représentent probablement le volume combiné de toutes les coopératives de l’Arctique mises ensemble. Pour mettre cela en perspective par rapport à la quantité de ressources disponibles pour envisager les drones et toutes sortes de solutions, nous n’avons pas les ressources pour être à la fine pointe.

Pour ce qui est des énergies de remplacement, j’ai indiqué dans mon exposé que parmi les facteurs de coûts élevés figure celui des services. Nous avons tenté de collaborer avec Qulliq Energy Corporation, la société de service public au Nunavut, par exemple, mais en ce moment, la loi ne nous permet pas de mettre en place la facturation inverse. Nous avons un ou deux projets solaires en suspens à l’heure actuelle. On ne nous permet pas de mettre en place la facturation inverse, car cette société est la seule à pouvoir vendre de l’électricité dans le territoire. Cela constitue un obstacle.

Il faut comprendre que le fait qu’on cherche à recouvrer le coût d’alimenter cette collectivité en électricité peut s’inscrire dans le contexte d’un effet boule de neige. Si un des deux ou peut-être trois utilisateurs commerciaux non gouvernementaux complète maintenant son alimentation en électricité et achète moins d’électricité, les coûts demeurent largement les mêmes. On brûle peut-être un petit peu moins de diesel, mais si on doit recouvrer les coûts dans la tarification, le tarif unitaire augmente. Cela revient à faire un pas en avant et trois quarts de pas en arrière.

La sénatrice Galvez : Vous avez dit qu’il existe une pénurie d’électriciens et que les électriciens coûtent très cher, tout comme les mécaniciens. Peut-être que nous recherchons des gens dotés de qualifications trop élevées. Peut-être que ce dont nous avons besoin dans le Nord, ce sont des gens dont les qualifications sont moindres que celles que nous connaissons dans le Sud. Est-ce envisageable? Mon fils de 19 ans est capable d’apprendre sur YouTube des notions d’électricité de base. Il y a un certain nombre de choses qui sont tout à fait possibles. Cela dépend de ce que l’on cherche à obtenir.

M. Wilson : Oui, je suis d’accord. Cependant, lorsque l’on fait inspecter un bâtiment, on va demander si quelqu’un d’accrédité s’est occupé de l’installation électrique en raison du risque d’incendie, et cetera.

J’ai simplement pris l’électricien de Hall Beach comme exemple. Je pense qu’une fois de plus, on en revient à la question de la masse critique. Par exemple, j’ai fait référence aux coûts d’un technicien en réfrigération à Arctic Bay. Le fait est qu’il n’y a probablement que trois bâtiments d’Arctic Bay qui sont dotés de systèmes de réfrigération commerciale : la coop, le magasin nordique et peut-être l’école.

Heureusement, touchons du bois, ces systèmes ne tombent pas en panne assez souvent pour garder quelqu’un suffisamment occupé. Cette collectivité n’a pas la masse critique nécessaire pour justifier la présence d’une personne de métier spécialisé. Par conséquent, il faut la trouver ailleurs.

Ce n’est là qu’un autre exemple des raisons pour lesquelles les choses sont plus coûteuses à Whale Cove qu’à Winnipeg. Lorsque votre alarme se déclenche parce que votre système de réfrigération est en panne à Winnipeg, quelqu’un peut être là en 45 minutes. Vous ne perdez pas 30 000 $ de marchandises comme c’est le cas à Arctic Bay parce que personne n’est en mesure d’être là en 30 minutes. Si vous avez de la chance, il vous faut trois jours.

Bon nombre de consommateurs et de résidants du Nord comprennent relativement bien les éléments de coût qui justifient les prix dans le Nord, car ils connaissent le montant de leurs factures de NorthwesTel. Ils expédient des marchandises par voie aérienne. Ils comprennent bien les raisons pour lesquelles ces coûts sont élevés. Cependant, je pense que les effets du caractère limité des marchés et de l’absence de masse critique sont moins bien compris.

Le président : Monsieur Wilson, si je puis me permettre, nous parlons ce soir de développement économique et d’infrastructure. Si j’ai bien compris, vous avez 1 000 personnes qui travaillent chez ACL, dont la majorité sont autochtones. Vous avez formé près de 400 personnes grâce au Fonds pour les compétences et les partenariats du gouvernement fédéral. Pouvez-vous nous parler un peu de cela, de la façon dont cela a fonctionné, et de ce que fait votre fonds de développement des coopératives de l’Arctique?

M. Wilson : Certainement. Pendant environ trois ans, nous avions un programme dont le sigle était STAT, soit Stratégie de formation des techniciens de l’Arctique. C’était différent de ce que le gouvernement fédéral finançait habituellement en matière de formation. Cela nous a permis de former des employés plutôt que des gens qui étaient au chômage. Par exemple, un employé de la coopérative quel qu’il soit a été en mesure de recevoir de la formation dans tout un tas de domaines. On proposait de la formation d’adjoint de gestion, de gestion de bureau, de réparation de petits moteurs, de télévision par câble, d’entretien des bâtiments et dans plein d’autres domaines.

L’un des aspects positifs, c’est qu’étant donné que nous participions à la formation, nous avons ajouté une composante de littératie financière. Grâce au principe de coopération intercoopératives, nous avons eu la chance de recevoir des fonds de la coopérative laitière Gay Lea du Sud. Cette dernière souhaitait faire quelque chose au Canada et a choisi d’investir dans un programme de littératie financière en partenariat avec nous-mêmes et l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. Nous avons inclus cet élément dans d’autres formations que nous offrons.

Sénateur Patterson, les chiffres que vous avez indiqués représentent le nombre cumulatif d’employés pour tous nos membres propriétaires. Ces 32 coops autonomes représentent quelque 900 de ces employés, et il y en a environ 105 au bureau de soutien de Winnipeg.

Pour ce qui est du Fonds de développement des coops de l’Arctique, l’un des empêchements du développement et de la croissance des coopératives a été le manque d’accès au financement. Heureusement, parce qu’il était beaucoup plus difficile d’exploiter un commerce dans les années 1950 et 1960 dans l’Arctique. Un petit nombre de personnes se rassemblaient pour unir leurs économies en vue de se lancer en affaires. Bon nombre de magasins ont connu de très modestes débuts, bien souvent ils étaient construits à partir de matériaux trouvés, ou bien on transportait tout simplement le bâtiment sur la glace à partir d’une installation du réseau avancé de pré-alerte.

L’obtention de fonds devenait de plus en plus difficile au fur et à mesure que les commerces prenaient de l’expansion et que la demande des membres augmentait. Pour un détaillant du Sud, l’idée de devoir acheter suffisamment de produits pouvant se conserver sur une tablette pendant un an et de les faire expédier par navire serait tout à fait farfelu. Cependant, le fait est qu’il faut probablement commander ces produits de 15 mois à 16 mois d’avance, les payer préalablement et attendre tout ce temps avant d’en vendre le dernier élément.

En 1986, grâce à l’appui du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, notamment, le Fonds de développement des coops de l’Arctique, comme nous l’appelons, a été créé. Ce fonds fait partie des actifs collectifs des 32 coopératives membres. Ces coopératives ont accumulé suffisamment de fonds pour s’entraider. En fait, elles peuvent emprunter à partir de ce fonds collectif pour financer leur réapprovisionnement ou pour obtenir des fonds transitoires en vue d’investir dans une infrastructure de proximité, ou pour refinancer la dette d’un tiers parti.

Depuis sa création en 1986, je pense que ce fonds a fait pour plus de 600 millions de dollars de prêts à ces 32 coopératives membres. Le fonds continue d’être utilisé dans l’ensemble des collectivités nordiques pour appuyer l’exploitation, le développement et l’amélioration des coops membres, tout en assurant une stabilité financière.

Le président : Merci. Nous avons très peu de temps. Les sénatrices Bovey et Coyle veulent intervenir. Pourriez-vous poser des question brèves s’il vous plaît?

La sénatrice Bovey : Je suis fascinée par la carte et l’emplacement des coopératives. L’une des choses qui a été soulevée, c’est le manque d’accès à Internet et de fibre optique. Cela a-t-il une incidence sur le programme coop? Parce que je constate que vous êtes dans des régions plutôt éloignées.

M. Wilson : Nous sommes dans des endroits assez éloignés. L’infrastructure ou l’architecture de certains de nos dispositifs de TI est telle que les systèmes ne sont pas toujours actifs. Les gens tentent de nouveau leur chance la nuit, lorsque, notamment, lorsqu’il y a plus de largeur de bande et autres choses du genre. Nous sommes conscients des limites que cela peut représenter. Par exemple, si quelqu’un voulait suivre une formation par vidéoconférence. En fait, on ne peut pas tout simplement compter sur la possibilité d’avoir accès à une diffusion continue comme c’est le cas ici, dans le Sud du Canada.

Les pannes de réseaux sont fréquentes. Par bonheur, notre service des TI a beaucoup travaillé pour essayer de trouver des façons d’avoir un certain niveau de fiabilité étant donné les circonstances dans lesquelles nous évoluons.

Je me souviens d’une panne de satellite — je pense que c’était en 2009 — qui a créé une panne des télécommunications destinées aux collectivités nordiques et émanant d’elles et qui s’est traduit par une réunion à Yellowknife. Nous savons que nous ne sommes pas les seuls à devoir faire face à ces réalités. Nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur.

La sénatrice Coyle : Je sais que le temps file. J’aimerais mettre l’accent sur une question. Il s’agit de l’entente de l’ACL avec la Banque des Premières Nations du Canada afin d’offrir des services financiers dans le Nord. C’est une question que nous n’avons pas examinée en détail. Comment en êtes-vous arrivés là et quelles sont vos intentions?

M. Wilson : Je vous remercie de cette question. Les coops de l’Arctique sont une organisation démocratique qui appartient aux membres. Nous avons adopté des résolutions à notre assemblée générale annuelle, qui remonte bien avant l’époque où j’ai commencé à occuper mon poste actuel il y a une dizaine d’années parce que les membres reconnaissent qu’ailleurs au pays, il existe des modèles de caisses populaires qui sont en fait fondées sur le modèle coopératif. Toutefois, l’industrie est tellement réglementée qu’ici dans les territoires, cela ne constituerait pas une option valable parce que nous n’avons pas la masse critique nécessaire.

Nous sommes habiles à trouver des solutions et à régler des problèmes, mais peu importe le type de commerce de détail, tout comme nos coopératives membres, ils devaient faire face aux mêmes défis en matière d’infrastructure et de coûts élevés, que ce soit un restaurant, ou dans ce cas-ci, une banque. Ce n’est pas non plus rentable pour un établissement financier de songer à construire une succursale physique dans le Nord. Quand on peut emménager dans un bâtiment préexistant, les coûts sont bien moins élevés.

En fait, nous avons de bonnes relations de travail avec la Banque des Premières Nations du Canada, en partie parce que nous ciblons essentiellement la même clientèle. Nous essayons de trouver des façons pratiques de répondre aux besoins de nos membres en vue d’améliorer l’accessibilité aux services bancaires de proximité parce que, bien souvent, les gens n’ont pas comme premier choix d’utiliser une application ou des services bancaires en ligne. Ils préfèrent faire affaire avec une personne réelle et dans leur propre langue.

L’entente que nous avons avec la Banque des Premières Nations du Canada comporte de nombreux parallèles du point de vue de la culture organisationnelle, ce qui nous aide à répondre aux besoins des propriétaires de commerce membres de notre coopérative en vue de leur permettre d’améliorer les services financiers de proximité de façon pratique.

La sénatrice Coyle : Merci. Ce fut très intéressant.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Wilson et chers collègues. Ceci termine la partie publique de notre réunion. Nous allons prendre une petite pause et passer à huis clos pour discuter des travaux du comité.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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