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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance

Fascicule n° 7 - Témoignages du 1er octobre 2018


OTTAWA, le lundi 1er octobre 2018

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 18 h 34, pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, et je suis le président du comité. Je demanderais d’abord à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche par la vice-présidente.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, sénatrice indépendante de l’Ontario.

Le sénateur Duffy : Michael Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci, chers collègues. Aujourd’hui, le comité poursuit son examen de l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et l’impact du secteur volontaire au Canada.

Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur l’emploi et sur les gens qui travaillent dans le secteur caritatif et sans but lucratif.

Je vous présente nos témoins. Nous accueillons Mme Cathy Winter, gestionnaire de programme, DiverseCity onBoard, de l’Université Ryerson. Merci d’être ici. Nous recevons aussi Mme Raksha Manaktala Bhayana, chef de la direction de la Bhayana Family Foundation. J’ai probablement prononcé votre nom de travers; je vous prierais donc de me corriger.

Raksha Manaktala Bhayana, chef de la direction, Bhayana Family Foundation : Vous l’avez bien prononcé, merci.

Le président : Merci beaucoup.

Je vais inviter les témoins à présenter leurs exposés, mais je tiens aussi à leur rappeler que, conformément aux instructions qu’elles ont reçues, leurs exposés ne doivent pas durer plus de cinq à sept minutes. Après les exposés, nous passerons aux questions des sénateurs. Je demanderais aux sénateurs de poser des questions brèves et aux témoins de donner des réponses concises afin de faire intervenir le plus grand nombre de gens possible.

Nous allons commencer par Mme Bhayana.

Mme Bhayana : Bonsoir, mesdames et messieurs. Merci de m’avoir invitée à vous présenter mon point de vue. Je suis une ancienne travailleuse de première ligne du secteur sans but lucratif. Je connais de première main la valeur du travail que font les employés du secteur et l’impact qu’ils ont sur leurs clients. Le travail accompli par ma fondation, en partenariat avec plusieurs groupes de Centraide partout au Canada, a renforcé de manière exponentielle ma reconnaissance de la valeur de ces employés.

Nous récompensons le rendement exceptionnel des membres du personnel de Centraide et des organismes qu’elles subventionnent. Ce soir, j’aimerais me concentrer sur deux sujets : la rémunération adéquate des employés du secteur sans but lucratif et le besoin de reconnaissance publique de la valeur du secteur.

J’aimerais d’abord vous parler de quelque chose qui s’est produit à Halifax. J’étais là la semaine dernière. C’est l’histoire d’un employé à temps partiel qui travaille dans un centre pour jeunes ayant des déficiences développementales complexes. Notre fondation lui a remis un prix de leadership et de dévouement. La personne qui l’a recommandé a écrit:

En juin dernier, nous avons organisé un grand bal des finissants, et il a payé de sa poche une énorme surprise. Nos membres n’en croyaient pas leurs yeux lorsqu’ils ont vu arriver une limousine rose très allongée pour leur faire faire des tours. Beaucoup n’étaient jamais montés à bord d’une limousine. Il a passé la soirée à sortir des gens de leur fauteuil roulant et à les installer dans ce merveilleux véhicule pour les aider à faire de leur bal des finissants une soirée inoubliable, comme pour les autres jeunes. Nous avons offert de rembourser une partie du coût de la limousine, mais il a refusé. La seule récompense qu’il voulait était de voir la joie sur les visages des jeunes qui ont participé.

Sa directrice administrative n’était pas certaine qu’elle pourrait le maintenir en poste pendant longtemps, comme les autres jeunes employés. Pourquoi? Parce que, comme un autre travailleur l’a exprimé d’une manière très émouvante : « J’ai peine à subsister avec mon salaire. Je n’y arriverais pas si je n’étais pas célibataire. Ce serait impossible d’avoir une famille avec cet emploi. Aucun d’entre nous n’est à l’abri des soucis. »

C’est particulièrement vrai pour les petits organismes, qui représentent la plus grande partie du secteur. Leur personnel est formé principalement de femmes, de membres de minorités raciales et ethniques comme moi, et de jeunes.

Quels facteurs contribuent aux difficultés liées à la main-d’œuvre que le secteur éprouve? Les politiques de financement des gouvernements sont un des facteurs principaux. Selon un rapport récent, le plafonnement du financement et la prépondérance du financement par projet sur le financement de base ont mené à des salaires inférieurs et non concurrentiels, à l’instabilité des emplois et à un déclin des emplois permanents à temps plein. C’est ce type de poste que j’occupais quand j’ai commencé il y a 30 ans, et j’avais des avantages sociaux; aujourd’hui, nous voyons des taux élevés de formes précaires d’emploi, sans avantages sociaux.

La formation du personnel? C’est un rêve. Les organismes de service communautaire ont du mal à répondre aux demandes croissantes de service tout en respectant les lourdes obligations redditionnelles des multiples bailleurs de fonds, ce qui prend 40 p. 100 de leur temps. Ils ont peu de temps à consacrer aux problèmes systémiques comme la pauvreté, les sans-abri et le manque de logements. Cette situation nous permet-elle d’obtenir le meilleur rendement de nos investissements?

Je vais maintenant passer à un deuxième sujet : le besoin de reconnaissance publique de cette puissance économique cachée. Vous connaissez bien les données : le secteur caritatif et sans but lucratif représente 8,1 p. 100 du PIB, il soutient les personnes vulnérables et il emploie près de 2 millions de personnes. Les employés de ce secteur méritent d’être récompensés, tant sur le plan de la rémunération adéquate que sur celui de l’excellence du rendement. Nous récompensons les plus grands vendeurs de produits et de services. Notre entreprise fait de même. Pourquoi ne pas récompenser les personnes qui aident les gens à devenir des citoyens productifs? Notre fondation planifie produire des vidéos qui montrent le travail accompli par ces héros et les répercussions de ce travail, en partenariat avec les groupes Centraide du Grand Toronto, du Lower Mainland et d’Halifax, où nous venons de terminer la première vidéo.

Que font d’autres pays pour reconnaître les travailleurs du secteur sans but lucratif? Au Royaume-Uni, une campagne intitulée « Respect for Social Work » a été lancée dans le but d’accroître le respect à l’égard du travail social et d’améliorer les conditions de travail dans le secteur. Aux États-Unis, mars est le mois du travail social. Je suis actuellement membre bénévole du conseil d’administration et chef de la direction de la Bhayana Family Foundation. Au cours des 10 dernières années, la fondation et ses partenaires de Centraide ont récompensé le travail extraordinaire accompli par près de 900 employés en organisant des cérémonies de remises de prix visant à souligner leurs exploits en présence de leurs pairs.

Les évaluations menées à la suite des cérémonies montrent quels effets ont les prix. Un directeur administratif a déclaré : « Pour le lauréat de première ligne, cela représentait la reconnaissance externe que nous ne pouvions pas exprimer nous-mêmes. Les prix ont inspiré une plus grande fierté non seulement au lauréat, mais aussi à toute l’équipe. Le moral a été remonté, et des répercussions ont été ressenties à l’extérieur des murs de notre organisme. »

Voici une esquisse qui montre le manque de reconnaissance envers les employés du secteur. Après une des cérémonies de remise de prix, un des lauréats a raconté son histoire. Il est le benjamin de sa famille et il a deux frères. L’aîné travaille dans le secteur de l’investissement et il est considéré comme ayant du succès. Le frère cadet travaille dans le secteur immobilier et il est considéré comme réussissant bien. Le lauréat est considéré comme un raté parce qu’il travaille dans le secteur sans but lucratif. Remporter le prix lui a permis d’être vu comme un gagnant pendant une journée.

Que faire maintenant? Nous avons des recommandations. Premièrement, le gouvernement fédéral doit soutenir, à l’échelle provinciale, les initiatives pour le travail décent qui réglementent les salaires, les avantages sociaux et les pensions. Deuxièmement, afin d’assurer la durabilité, il faut de la coordination à l’échelle fédérale, des cadres de financement, ainsi qu’un équilibre entre le financement par projet de durée limitée et le financement de base. Aussi, les directeurs administratifs nous ont dit que leur plus grande recommandation était de passer d’un financement annuel à un financement triennal, au minimum, car sinon, ce n’est tout simplement pas soutenable.

Les différents ministères fédéraux doivent coordonner les demandes de financement, la reddition de comptes et les exigences en matière de résultats. Les provinces ont besoin d’appui pour investir dans l’intégration organisationnelle — qui est vraiment nécessaire — et pour tirer parti de la technologie afin de soutenir les plateformes communes.

De plus, tous les ordres de gouvernement doivent affecter des ressources à la création de tables de collaboration. Les bailleurs de fonds, les philanthropes, les fondations, ainsi que les collaborateurs des secteurs public et privé doivent travailler à l’élaboration d’une vision commune des collectivités saines au sein de leurs régions géographiques. Peut-être, arriverons-nous ainsi à réduire le dédoublement et le chevauchement.

Enfin, la dernière recommandation, mais non la moindre, est de créer une journée pour reconnaître et souligner le travail des héros invisibles de tous les jours.

Mesdames et messieurs, c’est l’occasion de transformer et de renouveler le secteur sans but lucratif surchargé et d’en faire un secteur florissant. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup, madame Bhayana.

Cathy Winter, gestionnaire de programme, DiverseCity onBoard, Université Ryerson, à titre personnel : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je m’appelle Cathy Winter et je dirige le programme national et torontois DiverseCity onBoard, un programme de la Chang School de l’Université Ryerson, à Toronto. Merci de m’avoir invitée à m’adresser au comité.

Les conseils d’administration ont le pouvoir de faire bouger les choses, d’établir le programme, d’influer sur les politiques, d’affecter des fonds et de prendre des décisions qui ont une incidence sur les gens qui vivent, qui travaillent et qui s’amusent au Canada.

J’aimerais d’abord vous parler un peu du programme DiverseCity onBoard, qui sera bientôt rebaptisé « onBoard Canada », et vous dire pourquoi notre travail devrait vous intéresser.

DiverseCity onBoard renforce la capacité de gouvernance en faisant la promotion d’un leadership efficace et en fournissant un tel leadership à tous et partout. Nous procédons de deux manières distinctes. Premièrement, nous offrons de la formation en gouvernance abordable et accessible aux Canadiens de partout au pays, peu importe leurs antécédents. Lors d’une séance de notre groupe de discussion il y a plusieurs années, nous avons constaté qu’il y avait un manque de formation en gouvernance abordable et efficace dans le secteur caritatif sans but lucratif. Deuxièmement, dans un nombre croissant de collectivités partout au Canada, notre programme de jumelage met en relation des conseils d’administration des secteurs public, caritatif et sans but lucratif et des personnes qualifiées issues de communautés traditionnellement exclues des postes de gouvernance, comme les Autochtones, les membres des communautés LGBTQ2+, les personnes handicapées, les personnes appartenant à une minorité visible et les femmes.

Au départ, il s’agissait d’un programme local, basé à la Fondation Maytree, qui avait pour but d’accroître la représentation des minorités visibles au sein des conseils d’administration des secteurs public, caritatif et sans but lucratif. Depuis sa création, le programme a été reconnu sur la scène internationale par l’Alliance des civilisations des Nations Unies, c’est devenu un programme d’envergure nationale et il a été le moteur de plus de 1 000 nominations à des conseils d’administration et à des comités partout au Canada. Son réseau compte plus de 1 500 individus et 900 organismes publics et sans but lucratif.

Nous avons ouvert une voie aux groupes traditionnellement sous-représentés vers le leadership et la gouvernance.

Nos cours de gouvernance, qui sont entièrement accessibles, fournissent aux membres actuels et éventuels de conseils d’administration les outils, les compétences et la confiance nécessaires pour siéger à un conseil d’administration. En outre, lorsque des personnes appartenant à ces groupes deviennent membres de conseils d’administration d’organismes des secteurs public et sans but lucratif, elles peuvent contribuer favorablement aux décisions qui les touchent et qui touchent leurs communautés.

En occupant de tels postes, non seulement elles ajoutent de nouvelles perspectives aux conversations et aux décisions, mais elles deviennent aussi des modèles pour les membres de leurs communautés. Elles tirent parti de leurs compétences en leadership aux tables du pouvoir et de l’influence. Du même coup, elles renforcent la capacité du conseil et leur capital social en bâtissant de nouveaux réseaux sociaux et professionnels, ce qui contribue à la cohésion sociale.

Le programme de formation comprend des cours sur les principes de base de la gouvernance, sur le leadership inclusif et sur les préjugés inconscients, à l’intention des conseils. Nous sommes d’avis que la diversité et l’inclusion font partie intégrante de la gouvernance et qu’elles sont essentielles au renforcement de la capacité des conseils d’administration et des organisations. Nous avons toujours appuyé notre travail sur des faits, comme les recherches que nous avons menées en partenariat avec l’Institut de la diversité de l’Université Ryerson. Notre dernière étude, qui est en cours, est une enquête nationale de grande envergure portant sur la représentation des groupes aspirant à l’équité — les Premières Nations et les peuples autochtones, les communautés LGBTQ2+, les immigrants sous-représentés, les minorités visibles, les femmes et les personnes handicapées — au sein des conseils d’administration des entreprises, du secteur public et du secteur sans but lucratif. Les villes incluses comprennent Calgary, le Grand Toronto, Hamilton, London, Ottawa, le Grand Vancouver, Montréal et Halifax. L’étude devrait être terminée en janvier 2020.

Le Canada compte au-delà de 170 000 organisations caritatives sans but lucratif et des centaines d’organismes du secteur public, qui sont dirigés en grande partie par des conseils d’administration ne représentant pas la diversité des communautés du pays. Selon le dernier recensement, la majorité des résidants de grandes villes, comme le Grand Toronto, déclarent appartenir à une minorité visible. Les données montrent aussi que les jeunes autochtones sont le segment de la population qui connaît la plus forte croissance démographique au pays et que la population autochtone se déplace en grand nombre des régions rurales aux centres urbains.

Comparons donc cela aux résultats de l’étude DiversityLeads, de l’Institut de la diversité de l’Université de Ryerson, qui s’est penchée sur la représentation des minorités visibles dans la haute direction, y compris au sein des conseils d’administration. En 2014, la représentation des minorités visibles dans les conseils des secteurs public et sans but lucratif était de 17,6 p. 100. En 2017, elle a descendu à 17,4 p. 100, même si ce segment de la population prend de l’expansion. À Montréal, en 2011, la représentation était de 11,4 p. 100; en 2015, elle a descendu à 5,6 p. 100.

Comme les données du recensement le montrent, le problème n’est pas le manque de personnes appartenant à des minorités visibles. Ces personnes sont là. Le problème, c’est le manque de politiques et de pratiques intentionnelles.

En outre, d’ici à 2031, on prévoit que l’immigration représentera plus de 80 p. 100 de la croissance démographique du Canada. Nous avons donc et nous continuerons à avoir une société diverse, mais voulons-nous une société diverse, inclusive ou exclusive?

La réponse, c’est que c’est une question de gouvernance et de leadership, et que la solution se trouve entre les mains des personnes qui élaborent les politiques publiques et qui dirigent nos nombreuses organisations. Le travail que nous avons accompli au cours des 10 dernières années a révélé le besoin d’adopter de nouvelles approches et des pratiques intentionnelles dans le but de renforcer la capacité des conseils d’administration.

Quels sont les nouveaux accords dont nous avons besoin? Bien que la présence de personnes aux vues similaires et de personnes connues au sein d’un conseil — qui peuvent être redevables envers un membre du conseil ou envers le directeur général responsable de leur nomination — assure une certaine homogénéité, le nouveau travail du conseil demande de nouvelles perspectives, de nouvelles ententes et de nouvelles conversations sur la façon de fonctionner dans l’intérêt supérieur de la mission de l’organisation et de la communauté qu’elle dessert.

Dans le cadre de son nouveau travail, le conseil doit notamment comprendre le lien entre la mission, la stratégie et la composition du conseil. Pour qu’une organisation soit inclusive, elle doit d’abord établir un conseil diversifié et inclusif.

Il faut un nouveau leadership pour approfondir les questions suivantes : sur le plan stratégique comment la diversité et l’inclusion renforcent-elles la capacité du conseil, tout en améliorant la mission, la vision, les campagnes, les politiques, les programmes, le budget, les services et le rayonnement de l’organisation? Et sur le plan éthique, est-ce que la mission, la vision les valeurs et les actions de l’organisation reflètent son engagement à l’égard de la diversité et de l’inclusion?

La composition du conseil a une incidence sur son leadership. Les membres du conseil ont une incidence sur le fonctionnement de l’organisation et sur les décisions qu’elle prend. De nombreuses études ont démontré que l’homogénéité favorisait une pensée unique puisqu’elle étouffe les nouvelles idées et perspectives.

Bien que la représentation soit importante aux fins des pratiques de recrutement du conseil, il faut qu’elle soit authentique et non uniquement symbolique. Les communautés doivent avoir le sentiment d’être représentées dans les postes de pouvoir et d’influence. Sinon, elles n’appuieront pas l’organisation. De plus, les gens au sein de l’organisation doivent se sentir valorisés, appuyés et respectés. Sinon, ils ne resteront pas.

Les organisations doivent examiner minutieusement leurs pratiques de recrutement et d’embauche. Elles doivent réaliser de vastes activités de sensibilisation et offrir une formation aux gestionnaires recruteurs afin qu’ils puissent reconnaître la partialité et le langage codé. Elles doivent avoir recours aux services de DiverseCity onBoard. La limitation de la durée des mandats permet de veiller à ce que la composition d’un conseil soit le reflet de ses besoins actuels en matière de leadership et permette à de nouvelles voix de s’exprimer.

Nous devons favoriser une culture d’inclusion. Il n’est pas seulement question de cocher des cases ou d’asseoir de nouvelles personnes dans les sièges. C’est une question d’inclusion. Il faut que les gens aient un sentiment d’appartenance; qu’ils se sentent valorisés, appuyés et respectés. C’est essentiel aux fins de la conservation du personnel.

Donc, quel est le rôle de la politique publique dans tout cela? Les décideurs publics doivent se poser les questions suivantes : comment pouvons-nous accroître l’inclusion dans la société? Comment pouvons-nous utiliser la diversité de notre pays comme une force et non seulement comme un slogan, mais bien à titre de moyen de renforcer la capacité du conseil dans un secteur qui est près de la communauté, où les décisions qui sont prises ont une incidence directe sur les membres de la communauté : les arts, la santé, les sports et l’environnement, par exemple?

Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada, a présenté un nouveau modèle de financement en avril 2017, qui établissait un lien direct entre la diversité et le financement de grands organismes artistiques pour la première fois depuis l’établissement du conseil en 1957. De plus, le modèle ne s’appliquait pas uniquement aux artistes, mais aussi au personnel administratif, aux personnes qui travaillent en coulisses, au public, au conseil d’administration et aux galeries d’art dont le revenu était supérieur à 2 millions de dollars. Ces gens devaient démontrer leur engagement à refléter la diversité de la communauté géographique de l’organisation ou de la région.

Il s’agit manifestement d’un critère d’évaluation. Ce n’est plus un souhait, selon Simon Brault. De plus, en vue de démontrer l’impératif stratégique et éthique, il ajoute que ces changements ne visent pas seulement l’inclusion, mais bien la viabilité des arts dans un pays de plus en plus multiculturel. Voilà qui illustre la nouvelle orientation.

Voici donc quelques recommandations : je recommande au comité de fonder ses décisions sur des faits, parce que ce qui se mesure peut être réalisé. Nous devons mesurer, évaluer et améliorer. Cela comprend l’élaboration de critères d’évaluation, la collecte de données probantes et l’évaluation des résultats afin de cibler des pistes de solution systémique. Il faut songer à une représentation de base des groupes démographiques visés par l’équité en matière d’emploi pour les conseils de gouvernance du secteur caritatif et sans but lucratif.

Je vous remercie de m’avoir écoutée.

Le président : Nous vous remercions toutes les deux pour vos déclarations préliminaires, qui étaient réfléchies et qui suscitent la réflexion.

Madame Bhayana, vous m’avez fait penser à mon premier emploi dans le secteur à titre de directeur général de la Fondation du rein de la Nouvelle-Écosse. Le titre peut sembler prestigieux, mais je travaillais à partir de mon sous-sol, avec un bureau et un téléphone — il n’y avait pas d’ordinateur à cette époque —, et je tentais d’aider un grand groupe de bénévoles à amener l’organisation à un niveau supérieur. C’était mon premier emploi et je devais remplir le mandat de l’organisation, mais aussi amasser suffisamment d’argent pour payer mon propre salaire et mes dépenses. De nombreuses organisations ont ce lot de difficultés. C’est grâce aux gens qui y travaillent que ces organisations sont plus fortes, et j’attribue une grande partie de ma réussite aux bénévoles qui travaillaient avec moi à l’époque.

Nous allons maintenant passer aux questions.

La sénatrice Omidvar : Nous vous remercions toutes les deux de votre présence. Vos exposés étaient très intéressants. Raksha, je dois dire que, tout comme le sénateur Mercer, votre exposé m’a aussi rappelé mon premier emploi au Canada, qui était aussi dans ce secteur. C’était un poste administratif, mais je peux tracer une ligne droite entre cet emploi et ma nomination ici au Sénat. L’histoire de ce jeune homme d’Halifax était très touchante.

Ma question a trait à la façon de changer la donne pour les travailleurs du secteur caritatif et à but non lucratif, qui sont surchargés. C’est un secteur très vaste. D’une part, il y a les universités, les hôpitaux et les musées, et je ne crois pas que les gens qui y travaillent sont sous-payés. Certains diront même qu’ils sont très bien payés.

Pouvez-vous nous dire à quelle partie de cet écosystème vous faites référence?

Mme Bhayana : Je parle des services sociaux et des servces à la personne.

Je crois que Statistique Canada a publié un rapport sur les salaires dans le secteur des organismes caritatifs et sans but lucratif. Si je me souviens bien, dans les hôpitaux, c’était environ 1 200 $. Dans les organismes à but non lucratif offrant des soins de santé à domicile, c’était environ 600 $. Cela vous donne une idée de la différence entre les salaires hebdomadaires de ces travailleurs.

La sénatrice Omidvar : Vous parlez des services à la personne, peut-être des organismes artistiques?

Mme Bhayana : Les chiffres que je vous ai donnés visent les hôpitaux. Les 675 $ visaient les soins de santé à domicile, je crois. Cela vous donne une idée de la gamme de salaires. Je parle des services de base. Comme j’étais à Halifax, c’est l’exemple qui me reste en tête. Le dévouement de ces gens pour leur travail est incroyable. C’est touchant de voir à quel point ils travaillent fort; ils donnent tout ce qu’ils ont.

La sénatrice Omidvar : Merci. J’essaie de rapprocher deux éléments opposés dans notre société. L’un vise le paiement en fonction de l’incidence, qui fait partie du financement du gouvernement, et l’autre vise un travail décent. Comment peut-on rapprocher ces deux tensions presque contradictoires dans notre système? D’une part, le gouvernement doit rendre des comptes et doit offrir les services à un prix raisonnable. D’autre part, les travailleurs de ce secteur doivent eux aussi être traités avec décence. Croyez-vous que ces possibilités soient mutuellement exclusives? Peut-on avoir une incidence dans le domaine des services sociaux et payer les gens de manière appropriée? Est-ce que c’est possible ou pas?

Mme Bhayana : Je crois que c’est une question fondamentale. Je peux vous citer quelques-uns des directeurs généraux auxquels j’ai parlé par l’entremise de notre fondation et de notre programme de prix. Je dirais que la majorité d’entre eux n’ont pas de problème avec la reddition de comptes ou la mesure de l’incidence. Ce qu’ils trouvent difficile, ce sont les multiples sources de financement, les diverses demandes de financement et les exigences en matière de production de rapports, qui prennent 40 p. 100 de leur temps ou plus.

Pour être franche, du point de vue d’une entreprise, il n’y a pas de rendement du capital investi associé à cela. Ce n’est que pour un an. Il faut répéter tout le processus année après année. Il y a une perte de ressources organisationnelles, de puissantes ressources de gestion. Encore une fois, je vous donne cet exemple, parce que j’ai visité Halifax récemment. Certains bailleurs de fonds paient les directeurs généraux pour assister aux réunions portant sur les sans-abri, parce qu’ils n’ont pas le temps d’y assister. Ils sont trop occupés. Ils n’ont pas le temps de parler du système.

Le sénateur R. Black : Merci. J’aimerais que vous me disiez toutes les deux comment vos programmes et organisations ont une incidence sur le Canada rural. J’ai entendu parler de la région du Grand Toronto, d’Halifax, de Vancouver, du Lower Mainland et de Toronto, et cetera, mais comment aidez-vous les groupes des régions rurales du Canada?

Mme Winter : Le 1er novembre, nous allons changer l’image de marque d’onBoard Canada. Nous allons faire la promotion de notre programme de formation en gouvernance dans toutes les villes, y compris les régions rurales du Canada.

Le sénateur R. Black : Comment?

Mme Winter : Notre formation est offerte en ligne.

Le sénateur R. Black : Comment allez-vous atteindre l’association des 4-H du comté de Renfrew, dont le conseil d’administration est composé de 20 bénévoles? Comment pourront-ils connaître votre programme?

Mme Winter : Nous allons notamment utiliser les médias sociaux; encore plus avec notre nouvelle image de marque. Nous allons aussi parler de notre programme aux organismes locaux. Nous allons embaucher un responsable du marketing qui sera chargé de communiquer avec ces organismes.

Mme Bhayana : Pour être honnête, notre fondation n’atteint pas les régions rurales, mais les organismes Centraide y sont présents. Ce sont nos partenaires et ils sont très présents dans les régions urbaines comme dans les régions rurales. Nous espérons que les vidéos que nous réaliserons sur ces héros seront aussi le reflet de ce qui se passe dans ces régions. Nous allons raconter l’histoire de trois personnes seulement et la majorité des 2 millions de personnes qui travaillent dans ce secteur donnent plus que leur maximum.

Le sénateur R. Black : Merci.

Le président : Les héros dans ce secteur sont nombreux; il est très important de souligner leur travail et de permettre à tous les Canadiens de le reconnaître par l’entremise de ces plateformes. Nous vous souhaitons bon succès. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires au cours de ma carrière. Je me suis toujours demandé comment ils faisaient; comment ils trouvaient le temps et l’énergie pour faire ce travail, en plus de faire tout le reste. C’est très important.

La sénatrice Martin : Merci. Vous m’excuserez pour mon arrivée tardive. Mon vol a été retardé, mais j’ai entendu la deuxième partie de votre exposé. Merci à vous deux.

Si je puis me permettre, j’ai fait du travail bénévole pour plusieurs organismes caritatifs et à but non lucratif et je sais à quel point les gens comme vous et d’autres sont dévoués. Je crois que le temps que vous consacrez à ces organisations est inestimable et très précieux. Je vous remercie pour ce que vous faites.

J’ai une question au sujet de la table de collaboration et de ce que vous avez dit au sujet de la réduction des redondances et du chevauchement, dans la mesure du possible, et de la maximisation des ressources disponibles.

D’autres organisations nous ont parlé de l’importance du financement de base et de s’éloigner d’un financement annuel ou pluriannuel. J’aimerais entendre vos réponses à ce sujet. L’idéal serait d’offrir un financement de base à toutes les organisations, mais ce n’est pas possible. Comment alors détermine-t-on quels groupes recevront un tel financement et quels groupes n’en recevront pas, alors que toutes ces organisations offrent des services essentiels? Que penseriez-vous d’offrir un financement de base à un centre caritatif qui partagerait les ressources avec les autres organisations afin que tous les groupes puissent faire leur travail? Est-ce que ce serait la voie à suivre? Est-ce que le gouvernement devrait offrir un financement de base pour aider toutes les organisations?

Mme Bhayana : Je crois que c’est une excellente idée. Nous avons besoin de plus de modèles de collaboration. Les gens veulent travailler ensemble. Ils aimeraient faire un travail intégré, mais ils ont besoin de ressources pour ce faire. Pour regrouper les TI et les RH, il faut des ressources. Ce n’est pas seulement une question d’économies d’échelle où le regroupement suffit à réduire les coûts. Il faut des ressources dès le départ pour investir dans le but d’accroître l’efficacité. Je crois que ce serait une très bonne idée.

J’ai aussi siégé au conseil du Réseau local d’intégration des services de santé. Nous l’avons fait avec certaines organisations, de petits organismes de santé communautaires, et ils ont été très réceptifs. Il a fallu du temps. Nous avons dû composer avec une certaine résistance, mais les organismes étaient disposés à travailler ensemble.

J’aimerais aussi dire que, contrairement au stéréotype, les directeurs généraux, les cadres supérieurs et le personnel sont des entrepreneurs de cœur. Ils ont de nombreuses idées. Si vous le voulez, je peux vous faire part d’une idée qu’une personne m’a partagée récemment.

La plupart des organismes de taille moyenne ont certains actifs, qu’il s’agisse de fonds de dotation ou autres, et ils se sont dits : « Nous avons un important problème de logement dans la région. Pourquoi les organismes qui ont des capitaux ne les réunissent-ils pas pour obtenir un financement privé et l’argent du gouvernement afin de lancer un projet d’habitation commun? » C’est une source de revenus pour l’organisation également.

Ce n’est qu’une idée. Les gens sur le terrain ont beaucoup d’idées. Il faut les exploiter et investir. Il faudra des ressources au départ, mais les possibilités de réussite sont importantes.

La sénatrice Martin : Je crois que ces idées sont excellentes. Je suppose que la coordination représenterait le plus grand défi pour faire de ces idées une réalité. Vous avez donné des exemples dans le domaine de la santé; qui a coordonné ces efforts?

Mme Bhayana : Le Réseau local d’intégration des services de santé, l’un des 14 organismes créés il y a environ 12 ans par le gouvernement ontarien.

La sénatrice Martin : Merci.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie toutes les deux de vos exposés. Je voulais parler des problèmes de financement et de l’incidence du manque de financement de base sur le recrutement, les méthodes d’embauche et la qualité des candidatures que vous attirez.

Dans notre rôle de parlementaires, nous avons souvent l’occasion, sur la Colline, de rencontrer des représentants d’organismes du secteur sans but lucratif. Ils font un travail remarquable pour les Canadiens, mais j’ai l’impression que le secteur passe inaperçu. C’est à la fois triste et décevant, car ces gens font un travail extraordinaire.

Si le problème est systémique, quel est l’impact d’un financement non permanent? Le financement de base n’est pas très élevé, et il est renouvelable annuellement. Cela a des répercussions sur le type de personnes que vous pouvez embaucher ou recruter et sur les salaires et les avantages que vous pouvez leur offrir, notamment le régime de retraite. J’aimerais avoir votre aide, en ma qualité de législatrice au fédéral, car j’aimerais savoir si nous pouvons faire quelque chose pour améliorer la situation.

Mme Bhayana : Ce sont tous des problèmes fort courants dans les petites organisations, qui forment la majorité des organisations au Canada. Un directeur général a posé la question suivante à titre d’exemple : aimeriez-vous changer de médecin de famille tous les deux ans? Elles parviennent à retenir les jeunes pour quelques années, sans plus.

L’étude d’Imagine Canada a démontré qu’en raison de la faible rémunération, quelque 35 p. 100 des jeunes seulement considéreraient faire carrière dans le secteur sans but lucratif.

Quant aux mesures à prendre pour changer la donne, on ne peut à cette époque se tourner continuellement vers le gouvernement pour demander plus de ressources. Ce que nous demandons, je pense, c’est une meilleure planification des ressources, ce qui permettra, dans les faits, de dégager des ressources. Nous considérons également qu’il faut tirer parti du secteur privé sur les plans du sociofinancement et de l’innovation sociale. Toutefois, pour y arriver, vous devez investir.

Un comité fédéral sur l’innovation sociale et le sociofinancement a présenté des recommandations qu’il sera très important de mettre en œuvre si nous voulons faire des progrès.

Il n’y a pas une, mais une multitude de solutions. Premièrement, éliminons le mode de financement renouvelable annuellement. Ce mode qui entraîne une véritable perte de ressources pour les organisations de très petite taille. La production de rapports sur les indicateurs et les mesures de rendement est très difficile.

Le président : Il faut aussi mettre en place des mécanismes de dons novateurs, car souvent, les dons de charité ne sont mesurés qu’en dollars et en cents, tandis que les grandes sociétés ont divers moyens de faire des dons. Je le sais d’expérience. J’ai en effet convaincu un important détaillant en alimentation de ma région — ce n’est pas très difficile à trouver, puisque je viens de la Nouvelle-Écosse — de faire don d’espaces à bureau dans un immeuble du centre-ville d’Halifax qui lui appartient.

À l’époque, j’ai trouvé cela extraordinaire : je sortais de mon sous-sol pour me retrouver dans un vrai bureau, avec du vrai mobilier de bureau. Vingt ans plus tard, l’organisme caritatif était toujours là; je n’y jouais aucun rôle, mais je connaissais encore un des membres du personnel. Je lui ai demandé si l’organisme était toujours hébergé gratuitement, et on m’a dit que c’était le cas. Imaginez simplement la valeur de ce don. Pour cet organisme, cela a été très stimulant. La créativité est-elle disparue?

Mme Bhayana : Absolument. Les gens font preuve d’une grande débrouillardise. Souvent, les locaux sont loués à très bas prix par les églises ou les entreprises, ou fournis à titre gracieux par les municipalités. On ne peut pas dire qu’il y a un manque de créativité et d’innovation, c’est certain.

Le sénateur Duffy : Bienvenue. Vous pourrez peut-être m’aider à régler mon problème. Actuellement, à l’Île-du-Prince-Édouard, deux organismes sans but lucratif ne savent pas quoi faire. En fait, ces gens savent ce qu’ils aimeraient faire, mais ne savent pas comment. Une partie du problème, c’est qu’ils n’ont accès à personne ayant les compétences techniques pour leur expliquer comment remplir correctement une demande de financement. Ils n’ont pas encore lancé leurs activités; ils sont en démarrage. Il y a un besoin, et ils ont fait ce qu’ils pouvaient. Ils ont trouvé un local et fait beaucoup de choses eux-mêmes. Toutefois, ils ont besoin d’une certaine expertise pour passer à la prochaine étape, ce qui nous ramène à deux choses. La première est la capacité d’embaucher des professionnels. Le premier organisme est un centre jeunesse, qui doit répondre aux besoins croissants pour les jeunes; il faut les empêcher de se retrouver à la rue et les tenir occupés. L’autre est une société historique.

Il m’est venu une question à l’esprit tandis que je vous écoutais. Lorsque le gouvernement fédéral opte pour le financement pluriannuel, son personnel est moins occupé. Devrait-il y avoir, au gouvernement fédéral, un secteur, un groupe, un ministère ou une division qui pourrait aider les petits organismes sans but lucratif à remplir les demandes? Cela se fait-il déjà?

D’autres ont évoqué la création d’un centre où ces organismes pourraient mettre leurs ressources et peut-être leur expertise en commun. Avec le vieillissement des baby-boomers, nous en aurons besoin davantage.

Mme Bhayana : Cela ne fait aucun doute. Selon cette étude, les services aux aînés fonctionnent au maximum de leurs capacités depuis 2006. Je vieillis aussi. Nous aurons tous besoin de ses services.

C’est une question très complexe et je répondrai en deux temps. Il est certes possible de communiquer avec divers ministères fédéraux pour obtenir de l’aide pour remplir des formulaires. Personnellement, je ne sais pas ce qu’il en est actuellement. Mes informations sont dépassées, puisque je ne travaille plus dans ce secteur depuis 20 ans. Il faudrait que je me renseigne, sénateur, et que je vous revienne là-dessus plus tard.

J’espère que cela ne vous fera pas rire, mais un des directeurs généraux m’a dit qu’il pouvait en faire une entreprise, qu’ils pourraient s’aider mutuellement, gratuitement. Ce ne serait donc pas une véritable entreprise, mais plutôt un service offert aux petits organismes, qui offriraient quelque chose en retour, comme à l’époque du troc. Par exemple, vous me donnez quelque chose, une chose dont j’ai peut-être besoin, et je peux vous aider à remplir la demande. Ils sont prêts à le faire.

Le sénateur Duffy : Cela ressemble étrangement à ce que j’essaie de faire maintenant, soit amener nos témoins à aider les gens à l’Île-du-Prince-Édouard.

Il nous faut des infrastructures ou un plan quelconque pour garantir un financement et offrir des certitudes. Le financement pluriannuel est dans l’intérêt du gouvernement, pas seulement dans celui des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif. Tant mieux si les groupes s’entraident. Madame Winter, je veillerai à ce qu’on annonce le grand lancement de onBoard Canada sur Twitter. Nous veillerons à informer le plus de gens possible.

Mme Bhayana : En Ontario, le modèle d’entraide fonctionne. Centraide et le système des services de santé mentale pour les enfants ont adopté ce modèle, qui comprend des organismes centraux. Donc, ces organismes travaillent ensemble, pas de façon aussi formelle que ce que vous avez dit. En fait, oui, mais pas nécessairement de la même façon que ce que vous avez décrit. Si je peux vous être utile, je le ferai avec plaisir, sénateur.

Le sénateur Duffy : Merci beaucoup.

Mme Winter : Merci d’avoir diffusé un message sur Twitter pour nous.

Le président : L’entraide est au cœur des activités du secteur. Les gens sont très généreux de leur temps, mais le temps est limité et précieux. À votre avis, est-il pertinent d’offrir des cours de perfectionnement professionnel aux travailleurs du secteur? Un problème récurrent dans ce secteur, c’est que de bons candidats commencent comme subalternes dans une organisation de très petite taille, acquièrent une bonne connaissance du milieu et deviennent très compétents. Ensuite, comme vous vous en doutez, ils sont recrutés par une importante organisation. C’est bon pour leur carrière, mais cela nuit aux organismes de bienfaisance. Si tout le monde joue un rôle dans le développement professionnel, n’est-ce pas là un aspect du secteur auquel nous n’accordons pas beaucoup d’attention, madame Winter?

Mme Winter : Vous parlez d’aider les gens?

Le président : Je parle de l’aide offerte aux membres du personnel pour qu’ils deviennent meilleurs, pour qu’ils en sachent plus sur leur travail. Le sénateur Duffy a parlé d’un groupe qui ne sait pas comment rédiger une proposition, ce qui est souvent un art, mais si vous ignorez comment faire et que d’autres le savent... Il faut une structure pour transmettre ces connaissances. Peu d’écoles consacrent du temps à la formation des bénévoles du secteur sans but lucratif.

Mme Winter : Il y a certainement un vide; c’est une lacune.

Le sénateur Duffy : Le perfectionnement professionnel pourrait-il être intégré à votre formation en gouvernance?

Mme Winter : Nous sommes un petit organisme sans but lucratif; nos ressources et notre financement sont limités. Notre équipe est toute petite.

La sénatrice Omidvar : Madame Winter, j’aimerais orienter la discussion sur la gouvernance décente plutôt que sur le travail décent, car c’est la raison d’être de votre présence ici. Je connais très bien ce secteur, mais je ne m’attarderai pas là-dessus.

J’ai une question au sujet de la bonne gouvernance, que le gouvernement fédéral a certainement intérêt à promouvoir, car si les organismes caritatifs et sans but lucratif sont bien gouvernés, cela signifie que les deniers publics sont utilisés à bon escient. Donc, dans ce cas-ci, quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer pour faire connaître votre travail dans les collectivités rurales, les communautés isolées et les centres urbains? Avez-vous une recommandation à faire sur la compétence en matière de gouvernance et sur l’accès des cours de formation en ligne abordables sur la gouvernance?

Mme Winter : Vous demandez si le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à cet égard.

La sénatrice Omidvar : Oui.

Mme Winter : Je pense que par rapport au financement offert pour...

La sénatrice Omidvar : Le gouvernement fédéral devrait-il insister pour que les organismes auxquels il accorde le statut d’organisme de bienfaisance ou celui d’organisme sans but lucratif aient tous une excellente gouvernance?

Mme Winter : Oui, car c’est un aspect essentiel, tant pour la viabilité des organismes que pour l’impact dans la société. Il devrait y avoir une corrélation, puisqu’ils utilisent des fonds publics.

La sénatrice Omidvar : Vous avez mentionné l’importance des données probantes. Je pense que tout le monde ici s’entend pour dire que cela devrait être le fondement de toute recommandation. Si j’ai bien compris, vous avez laissé entendre que l’équité en matière de gouvernance passe par l’obtention de données de base sur la démographie. C’est une bonne idée, mais les représentants du secteur nous disent qu’ils se noient dans la paperasserie et qu’ils doivent respecter leurs obligations auprès de 40 bailleurs de fonds, comme Mme Bhayana l’a indiqué, puis que le gouvernement fédéral arrive avec une exigence supplémentaire. Pensez-vous que le secteur a la préparation, la volonté et la capacité nécessaires?

Mme Winter : Je conviens qu’ils sont submergés. À mon avis, si les gens du secteur considèrent que c’est essentiel à leur survie, ils le feront. L’autre facteur est l’aspect éthique. Certes, on mentionne la diversité et l’inclusion, mais il n’y a aucune mesure précise démontrant que ce n’est pas seulement un slogan, mais que cela se traduit en actions. Je pense que ce serait un bon incitatif. S’ils pouvaient consacrer plus de temps à la stratégie pour établir des rapprochements avec leur propre stratégie, à leurs résultats, je pense qu’ils concluraient que c’est dans leur intérêt.

La sénatrice Omidvar : Merci. Puis-je poser une dernière question?

Mme Bhayana : Sénatrice, j’aimerais faire un commentaire. Je pense que certaines entités existantes ont déjà des normes. Dans la plupart des cas, les organismes où j’ai oeuvré à titre de membre du conseil d’administration avaient un organisme d’accréditation. Agrément Canada a des normes très élevées, tout comme Imagine Canada.

Vous faites non de la tête.

La sénatrice Omidvar : En effet, car même si la norme existe, aucune formation n’est offerte pour amener les gens à l’atteindre. Il est bien d’avoir des normes, certes, mais c’est aussi une bonne chose d’avoir une stratégie pour y satisfaire. Voilà ce qui me préoccupe par rapport à la promotion de services abordables dont Cathy parle en général.

J’ai une question, pour les deux minutes qui restent. D’autres témoins nous ont parlé de la concurrence qui existe dans le secteur, tandis que vous parlez plutôt de collaboration. Cela dépend-il de la taille? De la fonction? Du secteur? Vous brossez en effet un tableau complètement différent en parlant d’un secteur où règne la collaboration plutôt qu’une concurrence féroce pour obtenir les fonds disponibles.

Mme Bhayana : Il y a les deux. Il y a une concurrence, car tous les organismes veulent plus de fonds. Donc, vous seriez en concurrence avec X, Y et Z pour obtenir des fonds. C’est un fait; tout le monde a besoin d’argent. Toutefois, les bailleurs de fonds exigent une collaboration. Les deux existent en parallèle.

La sénatrice Omidvar : Ils peuvent donc coexister?

Mme Bhayana : Il y a évidemment des tensions sur le terrain. On observe une résistance à l’intégration, par exemple, même si les réseaux locaux d’intégration des services de santé font une promotion active de l’intégration. À mon avis, les deux peuvent et devraient coexister.

L’agrément me préoccupe, car il existe beaucoup d’autres entités que les deux que j’ai mentionnées. C’est un problème, évidemment.

Le président : Je vous remercie tous les deux de vos exposés fort instructifs. Comme vous avez pu le constater par le nombre de questions que nous avons posées, vous avez suscité un intérêt et une réflexion considérables. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion, en plus de susciter d’autres questions et de présenter des pistes de solution.

Au nom de mes collègues, je vous remercie toutes les deux d’être venues.

Mme Bhayana : Je suis désolée, sénatrice, de n’avoir pu répondre à votre question sur l’agrément.

Le président : Honorables sénateurs, le comité va maintenant entendre ses prochains témoins. Nous aimerions souhaiter la bienvenue à Mme Jacline Nyman, ancienne présidente et chef de la direction, Centraide Canada et, de l’Ontario Nonprofit Network, Mme Cathy Taylor, directrice générale.

Merci à toutes les deux d’être venues. Très rapidement, vous disposerez de cinq à sept minutes chacune pour faire une déclaration. Ensuite, mes collègues vous poseront des questions. Nous essaierons d’être concis dans nos questions et réponses, de manière à pouvoir poser le plus de questions possibles. Nous sommes ici pour apprendre. Nous allons commencer avec Mme Nyman.

Jacline Nyman, ancienne présidente et chef de la direction, Centraide Canada, à titre personnel : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité spécial, de cette invitation et de l’occasion de discuter avec vous ce soir.

Comme vous le savez, je suis Jacline Nyman, et je témoigne aujourd’hui à titre personnel. Durant mes 30 ans de carrière, j’ai été professeure, responsable des activités de financement pour des œuvres de bienfaisance et leader dans le secteur sans but lucratif. Au cours des six dernières années, j’ai été la présidente et chef de la direction de Centraide Canada. En août dernier, j’ai quitté mon poste pour joindre les rangs de l’Université d’Ottawa et devenir professeure agrégée et vice-présidente des Relations externes. J’ai fait ce changement de carrière récemment.

À votre demande, je suis ravie de comparaître devant vous pour vous faire part de mes opinions sur ce sujet, et plus particulièrement sur les conséquences pour l’emploi. Il va sans dire que le secteur emploie environ 2 millions de personnes. De plus, 44 p. 100 de près de la moitié d’entre nous donnent de leur temps bénévolement, consacrant près de 2 milliards d’heures par année. La générosité des Canadiens est incontestable, mais comment pouvons-nous nous assurer que le temps, l’énergie et le travail consacrés au secteur et à l’entraide sont appuyés par des politiques qui veillent à optimiser les répercussions de ces investissements?

Ce soir, j’aimerais m’attarder sur trois volets précis qui ont un effet tangible sur notre secteur et me concentrer plus particulièrement sur l’emploi : premièrement, le financement précaire et souvent instable pour les organismes de bienfaisance, deuxièmement, les perturbations technologiques rapides et leurs effets sur le secteur et, troisièmement, la concurrence pour les ressources humaines qui est intimement liée aux deux autres éléments que je viens de mentionner.

Le premier est le financement précaire et souvent instable pour les organismes de bienfaisance. L’instabilité du financement, comme vous le savez, donne lieu à des emplois précaires dans le secteur. Lorsque les subventions et les dons de bienfaisance sont annuels, d’une durée limitée ou tout simplement insuffisants pour financer le coût de l’embauche du personnel pour réaliser notre mission, cela entraîne des emplois contractuels à court terme qui, de par leur nature, ne favorisent pas une stabilité à long terme pour les travailleurs ou l’organisation. Cela contribue au problème croissant des emplois précaires au pays. Les emplois précaires incluent des postes à temps partiel et contractuels sur appel, des emplois sans avantages sociaux et des emplois où l’avenir est incertain, ce qui se caractérise par de l’incertitude, de l’insécurité et de l’instabilité.

Les organismes de bienfaisance servent l’ensemble des Canadiens, mais nous nous concentrons principalement sur les personnes les plus vulnérables et souvent sur celles qui vivent dans la pauvreté. Nous ne devrions pas oublier l’ironie selon laquelle notre secteur qui sert les personnes les plus vulnérables contribue également à la précarité en raison de son instabilité pour ce qui est d’offrir des emplois stables et à long terme.

Les Canadiens choisissent de travailler dans le secteur car ils ont à cœur la mission de l’organisation et les gens qu’ils servent. Autrement dit, il y a un attachement aux valeurs personnelles. Cependant, le secteur dans son ensemble doit rivaliser avec d’autres pour attirer des éléments dans un marché très concurrentiel, un marché où le taux de chômage est très faible au Canada en ce moment, ce qui nous rend la tâche encore plus difficile pour recruter et maintenir en poste des personnes compétentes et productives.

Les politiques qui sont en place pour les organismes sans but lucratif, comme d’autres témoins l’ont mentionné, font souvent en sorte que le secteur de bienfaisance soit inadmissible à du financement qui lui permettrait d’offrir des emplois stables et, ce faisant, de pouvoir investir au-delà de la mission de base, notamment dans l’innovation, ce qui est tellement nécessaire. De plus, les cycles de financement à plus court terme, les critères et les exigences d’évaluation nuisent vraiment au secteur. Ils font augmenter les frais généraux administratifs, ce qui réduit les fonds qui sont directement versés pour la prestation de services aux bénéficiaires visés.

Je recommande de promouvoir la stabilité du financement pour les organismes sans but lucratif par l’entremise de politiques progressives, y compris une subvention stable à long terme semblable à celle utilisée pour stimuler l’économie des sociétés, des fonds de démarrage et de subvention pour l’innovation dans les organismes sans but lucratif nouveaux et existants et une réduction du fardeau administratif dans le cycle d’évaluation à court terme.

Je vais maintenant aborder la perturbation technologique rapide et ses effets sur le secteur. Permettez-moi d’ajouter un élément de complexité, le rythme actuel de la perturbation associée aux avancées technologiques et aux changements révolutionnaires tels que la mise en œuvre de nouvelles technologies numériques, dont l’analyse des données et l’intelligence artificielle. L’un des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le monde, y compris au Canada, c’est le déclin de la confiance dans le gouvernement et les organismes sans but lucratif. Une partie du problème est la mobilisation rapide de l’information et la transparence au chapitre de la gouvernance et des dépenses, que l’on qualifie souvent de ligne de mire pour le don. Les investissements dans les technologies sont nécessaires pour nous assurer de relever ces défis associés à la connectivité en temps réel le plus rapidement possible. Cela nous aide non seulement à communiquer et à évaluer ces programmes plus rapidement mais offre aussi des solutions fondées sur des données probantes.

Investir dans les budgets de recherche et de développement des secteurs sans but lucratif et parapublics est crucial pour faire progresser nos organismes durant une période de changements technologiques révolutionnaires. Sans ces investissements, nous ne serons tout simplement pas en mesure de suivre le rythme des avancées technologiques, encore moins d’avoir les moyens de payer pour les compétences ou les ressources humaines de talent pour lesquelles nous rivalisons avec le marché à but lucratif. Le secteur des services professionnels, scientifiques et techniques au Canada a un taux de chômage beaucoup moins élevé que le taux de chômage moyen dans la population, qui se chiffre à 2,7 p. 100 à l’heure actuelle. Cela rend notre capacité de recruter du personnel talentueux et doué avec la technologie beaucoup plus difficile voire impossible, en raison de notre incapacité de soutenir la concurrence pour ce qui est des salaires, des indemnités ou de la stabilité.

Lorsqu’on combine le fardeau administratif auquel sont confrontés tous les organismes de bienfaisance, le besoin souvent urgent et indéfectible de fournir des services et le coût élevé pour soutenir la concurrence afin d’attirer les meilleurs candidats, on peut vite voir que ce secteur accuse du retard au chapitre de l’innovation. Souvent, ces technologies nous montrent que les applications les plus prometteuses pour le secteur sont celles qui sont hors de portée telles que Al, blockchain, et cetera.

À l’heure actuelle, l’une des seules options pour investir suffisamment afin de pouvoir adopter des technologies numériques est que les organismes de bienfaisance s’associent avec des organismes à but lucratif. En fait, les organismes à but lucratif s’introduisent même sur le marché du secteur de bienfaisance, comme nous l’avons vu avec les logiciels de collecte de fonds et les services de consultation, dans le but de tirer parti de tous les segments de l’économie qui devaient exister à l’extérieur du paradigme de profitabilité. Autrement dit, les organismes sans but lucratif, malgré leurs ressources limitées, doivent rivaliser avec des organismes à but lucratif dans le secteur de bienfaisance.

En terminant, la stabilité de l’emploi dans le secteur de bienfaisance fera la promotion de l’emploi à long terme, de l’aspiration à poursuivre une carrière fondée sur des valeurs et d’une option viable pour les jeunes adultes afin de les encourager à investir de leur temps depuis l’obtention de leur diplôme jusqu’à la retraite. Le secteur est novateur et durable, comme en témoigne la longévité de la contribution à l’économie canadienne qui excède 8 p. 100 de notre PIB. Les gens sont disposés à gagner leur vie en se dévouant à des missions, et notre pays a besoin de ce type de mentalité et d’innovation pour prospérer. Nos gouvernements doivent promouvoir des politiques qui visent à favoriser des emplois sûrs et à éliminer la précarité actuelle associée à notre secteur.

Merci beaucoup de l’invitation ce soir. J’espère avoir apporté une contribution utile à votre étude.

Cathy Taylor, directrice générale, Ontario Nonprofit Network : Merci à tous les sénateurs de l’invitation à me joindre à vous aujourd’hui. Nous avons une vision de l’emploi dans le secteur sans but lucratif qui permettra aux organismes de réaliser plus efficacement leurs missions car ils offrent des emplois décents à leurs employés. Nous croyons qu’il est essentiel de favoriser une meilleure compréhension de la main-d’œuvre du secteur si nous voulons élaborer des solutions efficaces à long terme pour les employeurs et les employés.

Si nous avons des travailleurs plus heureux, plus en santé et mieux soutenus, les organismes sans but lucratif pourront faire une meilleur travail pour accomplir leur mission et offrir leurs services et leurs programmes, ce qui sera bénéfique à toutes nos collectivités.

Comme vous le savez, le secteur sans but lucratif et de bienfaisance en Ontario et au Canada est un élément essentiel de notre tissu économique et social. Comme Jacline vient de le souligner, le secteur sans but lucratif au Canada emploie 2 millions de Canadiens, ce qui représente environ 11 p. 100 de notre population économiquement active. Cela n’inclut pas les 13 millions de bénévoles qui consacrent suffisamment d’heures pour totaliser 1 million d’emplois à temps plein.

En Ontario seulement, il y a 58 000 organismes, et nous estimons qu’il y a 1 million d’employés dans le secteur. C’est une estimation, puisque les données sur la main-d’œuvre dans le secteur sans but lucratif sont limitées ou inexistantes, ce qui pose problème pour les bailleurs de fonds, les décideurs et les organismes.

Le secteur sans but lucratif diffère des autres secteurs car il a ses propres caractéristiques, défis et possibilités qui ont une incidence considérable sur l’emploi dans le secteur. Nous travaillons à résoudre les problèmes de main-d’œuvre en Ontario depuis de nombreuses années, et nos efforts ont permis la création et l’utilisation du cadre du « travail décent ». Ce concept a été élaboré par l’Organisation internationale du travail et nous a été présenté par la Fondation Atkinson.

Le travail décent se définit comme étant les occasions d’obtenir un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine. C’est une vision pour envisager le travail juste, équitable et stable; il ne s’agit pas seulement de satisfaire aux exigences minimales, car il faut aussi créer un milieu de travail dans lequel des personnes de diverses identités peuvent s’épanouir.

En septembre 2015, le Canada et 192 autres États membres des Nations Unies ont adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le but numéro 8 sur cette liste, que le Canada s’est engagé à atteindre, est le travail décent et la croissance économique : « D’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir à toutes les femmes et à tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égale ». Par conséquent, le Canada s’engage à mettre en place des emplois décents dans nos collectivités, et nous devrions poursuivre sur cette lancée dans le secteur sans but lucratif plus précisément.

Il y a sept indicateurs de travail décent qui pourraient intéresser le secteur, selon le rapport Change Work que nous avons produit. Ce sont là des possibilités d’emploi, des revenus équitables, des prestations de santé et de retraite, des emplois stables, des possibilités de perfectionnement et d’avancement, l’égalité et les droits au travail, et la culture et le leadership. Ces indicateurs nous donneraient un plan de travail pour créer de meilleurs emplois dans le secteur sans but lucratif.

Je veux également prendre un instant pour souligner plus particulièrement le problème des travailleuses dans le secteur sans but lucratif en Ontario, qui touche également l’ensemble du Canada. Les femmes représentent 80 p. 100 du secteur des travailleurs en Ontario, mais nous en savons très peu sur comment elles s’en tirent dans le secteur. En raison des intersections critiques entre la main-d’œuvre, le secteur sans but lucratif et les femmes, nous explorons cette question en appliquant une perspective sexospécifique au mouvement du travail décent, avec l’appui de Condition féminine Canada. Nous recueillons les opinions des femmes sur leur expérience professionnelle dans le secteur et nous publierons un rapport plus tard ce mois-ci. Nous avons appris que le sexe des travailleurs joue un rôle important sur le marché du travail dans le secteur. Nous savons que le secteur est constitué majoritairement de femmes, mais n’est pas dirigé par des femmes. Nous avons également appris que les travailleuses sont la cible de sexisme et d’autres formes de discrimination dans notre secteur.

Nous estimons que c’est une situation assez urgente. Les changements démographiques nous révèlent que les dirigeants et les employeurs du secteur sans but lucratif prendront leur retraite prochainement. La planification de la relève est limitée. Nous ne disposons pas des ressources, des avantages et des soutiens pour attirer des travailleurs plus jeunes et plus diversifiés. Et les services que notre secteur fournit n’ont jamais été aussi désespérément nécessaires dans nos collectivités, que ce soit les banques alimentaires, les organismes qui offrent des services aux immigrants, les programmes parascolaires, les programmes d’art communautaires ou les refuges. Nous devons maintenir en poste et recruter des talents dans l’intérêt de tous les Canadiens, pas seulement dans l’intérêt de notre secteur.

Fondamentalement, nous croyons qu’il y a un avantage à recueillir les témoignages des travailleurs dans le secteur et à écouter leurs expériences. Nous vous remercions de nous donner l’occasion de vous faire part de leurs histoires aujourd’hui.

Il y a une volonté dans le secteur sans but lucratif, parmi tous les types et toutes les tailles d’organismes, d’améliorer les conditions de travail, et je peux vous dire que ce sont les travaux les plus populaires que nous avons faits au cours des dernières années.

Le discours du secteur caritatif et le mythe entourant les frais généraux sont bien implantés au sein de la main-d’œuvre du secteur et ont une incidence négative sur elle, et nous croyons que le secteur sans but lucratif est souvent une situation impossible, où nous devons choisir entre investir dans le personnel et servir la collectivité.

Nous recommandons respectueusement que le Sénat envisage les mesures suivantes : de meilleurs renseignements sur le marché du travail et une meilleure collecte de données aux échelons fédéral et provinciaux avec l’aide de Statistique Canada; un appui à l’élaboration d’une stratégie pour la main-d’œuvre dans le secteur sans but lucratif en mettant l’accent sur les changements démographiques et sur leurs répercussions, notamment la planification de la relève et les possibilités de financement pour soutenir le secteur; une réforme des subventions et des contributions fédérales pour permettre d’effectuer des investissements appropriés dans la dotation en personnel et une réduction importante du fardeau administratif; une analyse sexospécifique qui met l’accent sur la diversité et sur des solutions dans la main-d’œuvre du secteur sans but lucratif; un examen des autres changements que le gouvernement fédéral peut apporter aux autres systèmes qui seraient avantageux pour les employés du secteur sans but lucratif et tous les employés au Canada, notamment l’augmentation du salaire minimum et un engagement à payer un salaire suffisant, des mesures de bonification du RCP, la transparence salariale, des solutions pour combler l’écart salarial entre les hommes et les femmes et une stratégie nationale de garde d’enfants; et enfin, un appui à l’épargne-retraite et aux régimes de pension agréés, plus particulièrement la transférabilité au sein des secteurs et entre les provinces.

Nous tenons à remercier le Sénat d’avoir entrepris cette étude, et nous avons bien hâte de pouvoir créer conjointement une stratégie.

Le président : Merci à tous les deux de vos excellents exposés. Nous allons maintenant entendre mes collègues.

La sénatrice Omidvar : Vous avez fait deux excellentes déclarations. Merci beaucoup du temps que vous nous consacrez.

Premièrement, madame Taylor, félicitations pour votre solution novatrice. Les travailleurs des secteurs sans but lucratif et de bienfaisance de l’Ontario pourront s’inscrire à un régime de pensions à prestations déterminées qui est financé par les employeurs et les employés. C’est merveilleux.

Ce que vous avez toutes les deux dit — et je vais m’appuyer sur vos propos, madame Nyman —, c’est que du financement précaire donne lieu à des emplois précaires, et du financement décent donne lieu à des emplois décents. Ce sont des énoncés importants et plutôt inspirants. Je vais essayer d’aborder le fond de la question. Nous avons entendu parler d’enveloppes de financement de trois ans, de stratégies de financement concertées et de plaques tournantes.

Avec ce mythe lié aux frais généraux et à l’administration, recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral ait un poste budgétaire à chaque application pour permettre aux organismes d’obtenir un certain pourcentage de financement pour les frais généraux et administratifs? À l’époque, c’était 12 p. 100. Je ne suis pas certaine si ce taux est encore valide. C’est une idée sur laquelle j’aimerais que vous vous penchiez.

Il y a aussi les services spécialisés partagés. Madame Nyman, vous avez parlé de la révolution technologique, de la façon dont le secteur est laissé pour compte. Qu’en est-il des services dorsaux que le gouvernement fédéral finance pour que les organismes puissent suivre le rythme de l’évolution et des révolutions technologiques, des services dorsaux partagés et des services de RH? Il est difficile pour les organismes sans but lucratif de faire de la publicité, de recruter, et cetera.

Et madame Taylor, pourriez-vous me dire ce qui s’est passé avec le secteur bénévole des RH? Un élément est ressorti de l’Initiative sur le secteur bénévole.

Le sénateur R. Black : Comment s’appelle-t-il?

Mme Taylor : Le Conseil RH pour le secteur bénévole.

La sénatrice Omidvar : C’est une série de questions, et nous pourrons les aborder au deuxième tour si nous ne pouvons pas le faire maintenant.

Mme Nyman : La question des frais généraux acceptables est intéressante. Quand on parle d’un contexte de recherche de profits, les frais généraux sont tout ce qui se traduit quand même par un profit pour l’actionnaire. Dans le contexte des organismes sans but lucratif, comme je l’ai vécu au sein de Centraide, vous pouvez avoir l’organisation où les frais généraux sont les plus bas, on va quand même vous critiquer.

Vous êtes probablement tous au courant du courriel qui circule chaque année et qui dit que des gens travaillent pour rien. J’ai un prêt hypothécaire à rembourser et j’ai une fille, et je me dévoue profondément à ce secteur. Il y a donc des frais généraux qui servent à attirer de bonnes personnes, éduquées et fortes, qui veulent faire carrière dans ce secteur.

Quant à la question de savoir à quoi le gouvernement pourrait aider, quels sont des frais généraux acceptables? L’ARC dit qu’ils n’enquêtent même pas sur ce qui dépasse 35 ou 40 p. 100. Qu’est-ce qui est acceptable, concernant les organisations à but lucratif? Parce que le niveau qui est imposé aux organismes de bienfaisance est si bas, nous ne pouvons pas du tout nous permettre d’investir dans la recherche et le développement. Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer ou de courir des risques, mais nous savons tous qu’innover, c’est courir des risques et investir. Rares sont les organisations à but lucratif qui n’investissent pas des sommes importantes dans la recherche et le développement pour assurer leur réussite.

Un bon point de départ consisterait à dégager des fonds pour stabiliser ou couvrir les frais généraux acceptables, et à lancer une conversation avec tous les ordres de gouvernement pour faire ressortir la légitimité des frais généraux.

Mme Taylor : Le mythe des frais généraux, bien sûr, et de ce qui constitue une dépense administrative appropriée est présent depuis longtemps dans le secteur, et on en a beaucoup discuté.

Je nous mets au défi de penser aux coûts réels des affaires. Avons-nous même vraiment besoin d’appeler cela des frais administratifs ou généraux, de toute façon? Dans une petite organisation où il y a un directeur général qui s’occupe des programmes ainsi que trois employés, quelle part de son temps le directeur général consacre-t-il à l’administration, par opposition au travail de programmation de l’organisation?

C’est un faux rapport que nous essayons d’établir. La plupart des ministères gouvernementaux, tant à l’échelon provincial qu’à l’échelon fédéral, versent un montant fixe, qui peut se situer entre 5 et 20 p. 100, et il n’y a généralement aucun rapport avec ce que l’organisation fait ou son emplacement. C’est la politique du ministère particulier. Il faut réfléchir à ce que cela représente et à ce que cela couvre.

Aux États-Unis, Stanford Social Innovation a réalisé des travaux sur les coûts réels des affaires et sur l’élimination du graphique des frais administratifs et des frais généraux. On ne demande pas aux organisations du secteur privé à combien s’élèvent leurs frais généraux, alors pourquoi nous le demande-t-on, à nous?

Pour ce qui est des services spécialisés partagés, je pense que c’est une excellente possibilité. Les services spécialisés partagés suscitent un énorme intérêt. On en fait l’essai en ce moment. J’ai vu cela dans de nombreuses collectivités. Je travaille dans un bureau partagé où sont mis en commun les TI, le soutien administratif, les bureaux et les réceptionnistes. Nous voyons beaucoup cela, dans le secteur, et les bailleurs de fonds et organisations vont eux-mêmes investir dans certains de ces services partagés. Je crois que c’est énorme, comme possibilité.

Le Conseil des ressources humaines était l’un des conseils du secteur financés par le gouvernement fédéral, et tous ces conseils du secteur ont perdu leur financement. Il y a quelques années, trois ou quatre, on leur a retiré leur financement. Les biens web du Conseil des ressources humaines existent toujours, et leur gérance est assurée par les Fondations communautaires du Canada.

Le président : L’un des problèmes, c’est qu’il suffit d’une personne ou d’un organisme de bienfaisance ayant des frais généraux extrêmement élevés pour que cela fasse la nouvelle. Vous verrez cela à la Une. Tous les autres s’efforcent de maintenir les frais généraux au niveau le plus bas possible et de canaliser les fonds vers les programmes et la mission de l’organisation.

Ne croyez-vous pas que les médias ont un rôle à jouer dans cela? Oui, si quelqu’un abuse du système, ne donne pas un bon rendement et dépense trop en frais généraux sans consacrer assez d’argent aux programmes qu’il a promis d’offrir, les médias ont l’obligation de signaler cela, mais ils ont aussi l’obligation de parler de l’organisme de bienfaisance voisin qui fait exactement le contraire, dont les frais généraux sont vraiment bas et qui fait du bon travail dans la collectivité.

Mme Nyman : Toujours à propos des services spécialisés, je pense que nous en sommes au point où nous devons préciser très soigneusement la différence entre le partage de bureaux et de photocopieurs, et le partage de technologies numériques perfectionnés. Ce n’est pas toujours réaliste avec la tendance aux technologies numériques axées sur des licences et l’infonuagique qui doivent être hautement adaptées aux organisations particulières. L’un des plus importants investissements que les organismes de bienfaisance doivent faire en ce moment, c’est veiller à pouvoir évoluer dans l’économie numérique et travailler à retrouver ou continuer de gagner la confiance des Canadiens et des bailleurs de fonds dans cette relation. Nous devons donc investir, mais il est impossible de se permettre les talents et encore moins les investissements requis dans le matériel, les logiciels, et ainsi de suite. Ce ne sont pas des choses qu’on peut partager. Ce sont des choses uniques à chaque organisation, et il nous est donc difficile de mettre dans un seul panier notre capacité de partager un espace alors qu’il faut faire des adaptations dans une très grande mesure.

Le sénateur Duffy : Merci. À propos de la technologie, le gouvernement fédéral fait des milliards de dollars en vendant des parties du spectre aux enchères aux entreprises de téléphonie cellulaire — il leur vend des parties des ondes publiques. Il tire de 5 à 10 milliards de dollars de ces ventes aux enchères.

Ces organisations de radiodiffusion, les entreprises de télécommunication en particulier, devraient-elles être obligées de verser un certain montant au secteur caritatif? Les radiodiffuseurs et les câblodistributeurs sont obligés de faire des contributions à des fonds de production qui servent à financer le talent canadien. Est-ce qu’on devrait envisager de demander aux entreprises de télécommunication et aux entreprises de téléphonie cellulaire de donner une part de leurs revenus sous la forme de services ou d’argent aux organismes de bienfaisance, afin de leur permettre d’évoluer dans cet espace?

Mme Nyman : C’est une idée fascinante. J’encouragerais certainement cette ligne de pensée et l’exploration de cette possibilité. Cela ne s’arrête pas là, en plus. Quand nous parlons de toute sorte de choses, de la neutralité du Net à l’accessibilité d’Internet pour les populations vulnérables, en tant que secteur qui sert cette même population, avoir accès à ce genre de mise en commun des ressources serait extraordinaire et aiderait énormément le secteur. Merci.

Le sénateur Duffy : Avons-nous besoin d’un ministre responsable des bénévoles et des organismes sans but lucratif, d’une personne qui deviendrait un champion au sein du gouvernement et le visage public du secteur? Des témoins nous ont parlé du nombre en baisse de donateurs. Avons-nous besoin de ce genre de poids pour que le gouvernement fédéral puisse en venir à résoudre ces problèmes?

Mme Nyman : Voici mon opinion. Je pense que c’est ma collègue Tonya Surman, du Centre for Social Innovation, qui a dit récemment : « Nous ne sommes pas des criminels. » C’est intéressant, car nous rendons des comptes à l’ARC, et c’est une question de savoir si nous sommes conformes, par opposition aux actifs que nous accumulons et qui correspondent à 8 p. 100 du PIB du Canada. Je serais très contente de cela, par conséquent, et je sais qu’Imagine Canada a travaillé très fort à défendre cette idée pendant un certain temps. Cela donnerait au secteur le type de légitimité que mérite un facteur si important dans la culture canadienne. Voici qui nous sommes : nous donnons, nous partageons et notre reddition de comptes ne devrait pas se limiter à démontrer à l’ARC que nous sommes conformes.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup de vos déclarations vraiment très informatives. Je vais revenir à la question que j’ai posée aux témoins précédents. Vous avez déclaré très clairement que les problèmes de financement et le manque de financement de base permanent produisent un effet direct sur le recrutement et la dotation, et par conséquent, sur le type de qualité qu’une organisation peut offrir. Tout le monde ici connaît probablement très bien les chiffres, mais je suis nouvelle au comité et je ne les connais pas. Je crois cependant que vous avez dit, madame Taylor, que 11 p. 100 de la main-d’œuvre active se trouve dans le secteur caritatif et sans but lucratif, et que les femmes représentent 80 p. 100 de cela.

Mme Taylor : En Ontario, 80 p. 100 sont des femmes. Nous ne connaissons pas les chiffres à l’échelle nationale, mais nous pensons que ce serait semblable.

Le sénateur Seidman : Mais les femmes n’occupent pas les postes de haut niveau, alors elles n’auraient pas des heures de travail stables, de très bons salaires ou peu probablement des régimes de retraite. Cela m’amène à la question suivante. Quelle serait d’après vous la meilleure façon de recruter et de conserver les talents? Des gens venus à cette table ont parlé de perfectionnement professionnel, mais il me semble que nous ne pouvons pas parler de perfectionnement professionnel si nous n’offrons pas les types d’emplois qui procurent aux gens la sécurité et la stabilité qui les porteraient à souhaiter du perfectionnement professionnel.

Expliquez-moi cela. Je crois que c’est vous, madame Taylor, qui avez parlé d’une stratégie visant la population active du secteur sans but lucratif. Je ne comprends pas très bien, et j’aimerais comprendre les principes.

Mme Taylor : Les jeunes gens veulent manifestement travailler dans le secteur sans but lucratif. Les travailleurs de la prochaine génération veulent un travail qui les passionne. Ils veulent contribuer à leur collectivité, et ce, plus que toute autre génération. C’est une génération véritablement engagée qui émerge. Le secteur est donc le milieu de travail idéal pour ces jeunes.

Nous pouvons faire diverses choses pour les recruter et les garder. Je dirais qu’il y a entre autres des salaires, des avantages et des régimes de retraite justes. C’est l’aspect qui coûte de l’argent, et il faudra des ressources et des changements structurels au mode de financement du secteur et au mode d’attribution de ressources au secteur.

Il y a cependant bien d’autres mesures que le secteur peut prendre pour attirer les jeunes et s’assurer de leur engagement. Par exemple, nous pouvons investir dans le perfectionnement professionnel, nous pouvons veiller à offrir des occasions d’apprentissage et du mentorat, et nous pouvons créer dans nos environnements de travail une culture propice à la génération montante.

Nous entendons déjà des jeunes dire que le travail dans le secteur sans but lucratif, c’est plus de flexibilité, plus de temps pour le travail à domicile, plus de créativité et plus d’innovation. Nous avons le travail qu’ils veulent faire, mais leur donner des contrats de six mois ou d’un an n’est pas la solution. Leur offrir des salaires et des avantages qui sont très loin d’être appropriés, et loin de ce qu’on offre pour des postes de premier échelon dans le secteur privé ou gouvernemental, c’est aussi problématique. Il faut des règles du jeu plus équitables.

Il faut entre autres déboulonner le mythe qui veut qu’on doive consentir un rabais — un rabais pour passion —, parce qu’on travaille dans le secteur caritatif et sans but lucratif. Cela n’a pas lieu d’être. Nous avons besoin de personnes talentueuses et expérimentées. Le travail que les gens accomplissent dans notre secteur est incroyablement important pour nos collectivités. Nous avons besoin de gens qui ont les compétences, que ce soit en technologie, en ressources humaines ou en counselling. Ce n’est pas une deuxième carrière; c’est un choix de carrière.

Sur ce plan, nous aimerions voir une stratégie visant la population active du secteur. De nombreux autres secteurs et industries ont, en matière de main-d’œuvre, des stratégies qui portent sur la situation globale du secteur. De très nombreux chefs et cadres vont prendre leur retraite d’ici quelques années, mais comment assurons-nous la relève du leadership dans le secteur sans but lucratif? Nous n’avons pas encore trouvé comment par nous-mêmes. La plupart des employeurs du secteur sont des micro employeurs. Beaucoup d’employeurs ont de 10 à 15 employés, sans plus. Ils n’ont pas de responsable de la gestion des talents ni de vice-président des ressources humaines, et seraient donc incapables de créer eux-mêmes de telles stratégies.

Je trouve que le gouvernement pourrait vraiment nous aider à créer cette stratégie relative à la population active. Le cadre visant un travail décent et les indicateurs connexes constituent un jalon important auquel le gouvernement s’est déjà engagé, et cela peut nous servir à travailler ensemble à cette stratégie.

Mme Nyman : Vous avez mentionné les femmes en particulier. D’après une formidable étude réalisée avec l’organisme Centraide du Grand Toronto et l’Université McMaster, nos populations vulnérables, comme les femmes, ont des emplois beaucoup plus précaires que les hommes. La précarité des emplois est liée dans une certaine mesure au sexe.

Notre secteur caritatif — et je l’ai mentionné précédemment — sert les populations vulnérables avec un effectif qui est représentatif de la diversité, mais nous sommes incapables de garantir à nos employés de meilleurs moyens et nous contribuons aux problèmes que nous essayons de régler. Je pense donc que c’est une chose que nous pourrions aussi faire, car l’instabilité de l’emploi au sein de notre secteur va nécessairement mener à ce type de précarité. Je crois qu’il y a de nombreuses stratégies possibles, comme vous l’avez dit, pour essayer d’atténuer cette précarité. Toutefois, en réalité, le financement instable et à court terme ne nous permettra jamais d’offrir un emploi récurrent, le facteur le plus important pour les gens : de la stabilité pour une période donnée au moins, et non une succession de contrats.

La sénatrice Seidman : Donc, outre le financement de base — et nous venons effectivement de discuter de la stratégie visant la population active du secteur sans but lucratif —, quel est d’après vous le rôle du gouvernement fédéral à cet égard?

Mme Nyman : Le gouvernement fédéral a un programme de travail-études donnant accès à des fonds. Réserver une tranche spéciale de ce financement au secteur caritatif et sans but lucratif serait extraordinaire, avec en plus un long préavis et un engagement d’une année à l’autre. Il faudrait pouvoir bâtir cela.

Je me souviens, juste avant que j’atteigne la vingtaine, de la création par la Fondation McConnell d’un programme appelé McConnell Fellows. Les universités pouvaient recruter de jeunes diplômés pour les préparer à devenir des collecteurs de fonds de carrière. Aujourd’hui, ces boursiers du programme McConnell Fellows sont des leaders au sein d’organismes caritatifs à l’échelle du pays. Ce programme est à l’origine de cela, alors ne sous-estimons pas les bons vieux outils comme les stages rémunérés et les programmes de travail-études pour lesquels le gouvernement verse le financement de démarrage qui atténue la pression. Nous pourrons ainsi offrir l’expérience qui attirera des gens dans le secteur.

Il y a beaucoup d’emplois moins bien payés et très peu d’emplois qui sont rémunérés à un niveau de leadership. Si nous n’avons pas de stratégie de planification de la relève, nous perdrons nos travailleurs d’expérience; ils vont choisir d’autres secteurs avant que nous puissions les préparer à devenir des leaders, avec une rémunération soutenant mieux la comparaison.

Mme Taylor : Je suis très d’accord. Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en misant sur ses relations avec les provinces. Il existe beaucoup de programmes de financement de contrepartie et de partenariats en matière de subvention entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Des mesures comme une réforme de la façon dont le gouvernement fédéral consent des subventions et des contributions vont aussi avoir des incidences sur la façon dont chaque province conclut des accords de paiements de transfert ou organise ses propres subventions et contributions.

Par exemple, si l’on envisage l’administration dans une optique différente, on peut miser sur l’aide du gouvernement fédéral. Seulement 40 p. 100 environ du secteur obtient des fonds gouvernementaux, alors n’oublions pas que 60 p. 100 du secteur investit dans son personnel à l’aide des ressources qu’il gagne, par exemple dans le cas d’un club de soccer qui perçoit des droits. Il arrive souvent que les organismes du secteur n’investissent pas dans leur personnel, et ce n’est pas parce que leur bailleur de fonds ne le leur permet pas — ce sont les organismes qui décident de cela —, mais à cause de l’enjeu de l’administration. Ils se disent : « Si nous investissons dans notre personnel, nous aurons l’air de dépenser davantage en frais généraux. » Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais c’est tout cela globalement.

Le sénateur R. Black : Je veux revenir à l’annonce qui a été faite récemment. Cathy, quelle a été la réponse initiale à l’annonce relative au régime de retraite? Est-ce fait? Est-ce qu’on a décidé d’aller de l’avant et de continuer?

Mme Taylor : Merci. C’est un fait accompli, et tout est prêt. Il a été lancé lundi. Il s’agit d’un régime de retraite à prestations déterminées pour les travailleurs du secteur à but non lucratif de l’Ontario. Ce régime est portable d’un organisme à l’autre, ce qui signifie que si vous travaillez dans un petit organisme et que vous allez travailler dans un autre, vous pouvez transférer votre régime. C’est un programme à contributions de contrepartie, c’est-à-dire 3 p. 100 de l’employeur et 3 p. 100 de l’employé, pour une contribution de 6 p. 100.

Ce pourcentage n’est pas aussi élevé que celui d’autres régimes de retraite du secteur public, mais c’est un début. En Ontario et au Canada, moins de 10 p. 100 de notre secteur a un régime de retraite quelconque. Nous avons créé un merveilleux partenariat avec OPTrust, la société de fiducie à but non lucratif qui gère le régime de retraite du gouvernement de l’Ontario et du SEFPO. Elle a été en mesure de tirer parti de tous ses actifs et de créer ce régime juste pour notre secteur. Le formulaire de demande a trois pages et le régime est très facile à administrer. Comme je l’ai mentionné, c’est un régime portable.

La rétroaction a été extraordinaire. Dès la première semaine, plus de 100 organismes souhaitaient s’inscrire, et nous avons de nombreux organismes en attente. Nous croyons réellement que cela changera la donne. C’est l’un de ces outils que nous n’avions pas et maintenant, nous pouvons tenter de déterminer quels autres outils pourraient nous être utiles.

Il a fallu beaucoup de travail. Il nous a fallu plus de quatre ans pour arriver à ce résultat. Encore une fois, c’est un régime qui nécessite la contribution de l’employeur et celle de l’employé et maintenant, une partie de notre travail consistera à sensibiliser les bailleurs de fonds, les gouvernements, les bailleurs de fonds non gouvernementaux et les bailleurs de fonds privés, afin de leur indiquer que les cotisations au régime de pension représentent un coût réel d’exploitation, et qu’ils pourraient voir cela dans leur formulaire de demande à l’avenir. Il faut également leur rappeler que c’est important, car ils ont presque tous des régimes de pension et des cotisations. Ce travail de sensibilisation se poursuivra maintenant que nous avons ce régime, mais sous un angle différent. Nous sommes donc très heureux.

Le sénateur R. Black : Est-il nécessaire que les bailleurs de fonds exigent que les organismes commencent à collaborer plus efficacement ou plus étroitement, afin qu’il n’y ait pas deux salles de réunion, deux photocopieurs et deux directeurs généraux si deux organismes ont le même bailleur de fonds? Je parle également des activités de soutien. Est-ce nécessaire?

Mme Nyman : On a déjà effectué une énorme restructuration dans le secteur et nous faisons beaucoup de choses volontairement. Je ne crois pas qu’il s’agit de prendre des mesures de conformité. Les missions sont souvent tellement différentes que si vous demandiez à un directeur général de diriger la mission d’un autre organisme, il lui serait impossible de réaliser cette mission. En effet, de nombreuses PME dans notre secteur ne pourraient pas réaliser ensuite la mission elle-même. De plus, des connaissances très spécialisées sont également nécessaires pour la réalisation de cette mission.

Je ne crois pas que cela nécessite une mesure de conformité. Je sais que dans le cas de Centraide, par exemple, ces dernières années, des fonds axés sur les enjeux à traiter ont été disponibles. Si nous tentons de progresser, par exemple, dans la crise des opioïdes au Canada, un financement de groupe pourrait être offert aux organismes qui collaborent pour résoudre ce problème. En outre, je crois que ce type d’incitatif est beaucoup plus progressif qu’une mesure de conformité à l’autre bout.

Mme Taylor : Je suis tout à fait d’accord avec Jacline. On me demande tout le temps s’il y a trop d’organismes à but non lucratif et d’organismes de bienfaisance au Canada. La réponse est toujours oui et non. Il y a une multitude de ces organismes. Certains d’entre eux ont-ils des mandats similaires et se font-ils concurrence? Probablement. Toutefois, dans une démocratie, n’importe quel groupe de citoyens peut fonder un organisme à but non lucratif afin de répondre à un besoin communautaire qu’ils ont cerné et identifié. Nous voulons que ce soit une composante solide de notre démocratie. Je crois donc que les bailleurs de fonds peuvent jouer un rôle qui consiste à encourager et à appuyer les activités de collaboration. Ils peuvent offrir des subventions pour contribuer à ces activités.

Je ne crois pas nécessairement que tous les bailleurs de fonds connaissent à fond les organismes et qu’ils ont suffisamment d’information pour être en mesure de déterminer quels organismes devraient fusionner et quels organismes devraient collaborer. La communauté devrait déterminer cela.

Le sénateur R. Black : Merci.

La sénatrice Martin : J’aimerais m’écarter un peu du sujet pour revenir sur une chose mentionnée par Mme Nyman. J’ai quelques questions à cet égard. Je suis curieuse au sujet de vos commentaires sur les entreprises à but lucratif qui créent une concurrence dans le secteur à but non lucratif. Est-ce une préoccupation croissante? Est-ce en raison d’un manque de ce que j’appellerais des règlements ou ces entreprises empiètent-elles sur ce qui devrait être un secteur à but non lucratif plus protégé? J’aimerais en savoir plus sur ce commentaire que vous avez formulé dans votre exposé.

Mme Nyman : Je suis heureuse d’approfondir ce commentaire. Comme vous pouvez l’imaginer, nous sommes un gros organisme à but non lucratif, et nos donateurs ne veulent pas que nous dépensions l’argent ailleurs que sur le résultat souhaité pour l’individu ciblé. Je suis donc extrêmement limitée en ce qui concerne la technologie dans laquelle je peux investir. Cependant, nous magasinons tous sur Amazon, nous voulons tous profiter de l’expérience offerte par Amazon et nous voulons des preuves visuelles. Je veux voir, comme je peux le faire avec d’autres œuvres de bienfaisance, l’eau qu’un enfant boit dans le puits pour lequel j’ai donné de l’argent. Toutefois, pour être en mesure d’offrir cette expérience, je dois prendre une partie du don de bienfaisance pour construire l’infrastructure nécessaire.

Voici qu’arrivent des organismes à but non lucratif qui ont tous les gadgets imaginables, de la technologie, des investisseurs du secteur privé et un rendement du capital investi, et ils font concurrence aux autres organismes dans le même environnement, mais avec des gadgets et les moyens de suivre les dons effectués, ainsi que des tableaux de bord numériques et une expérience semblable à celle offerte par Amazon.

Je ne peux pas faire concurrence à ces organismes, car puisque je suis dans le secteur caritatif, on exige que je remette le plus d’argent possible au bénéficiaire prévu, non seulement en raison des règlements de l’ARC, mais aussi parce que le donateur s’y attend.

Je trouve donc qu’il est fascinant, puisque les entreprises à but lucratif sont en mesure d’investir des sommes extraordinaires dans les moyens les plus innovateurs de communiquer avec les gens, qu’on s’attende à ce que nous leur fassions concurrence. C’est donc pour cette raison que j’ai fait ce commentaire. Je trouve simplement qu’il est extrêmement ironique qu’on trouve acceptable que des entreprises à but lucratif mènent leurs activités dans le secteur à but non lucratif tout en réalisant des profits avec ces mêmes dons de bienfaisance. Lorsque ces entreprises offrent une expérience améliorée et palpitante, c’est acceptable, mais c’est inacceptable dans le cas d’une œuvre de bienfaisance, car on veut que chaque dollar soit versé au récipiendaire prévu.

Je ne suis donc pas certaine comment tout cela peut fonctionner, mais nous avons formulé des suggestions pour démystifier la notion de frais généraux et trouver des façons innovatrices de régler ces frais. Je crois que de nombreuses recommandations ont déjà été formulées à cet égard.

Cette semaine, j’ai entendu une nouvelle expression, et veuillez me pardonner si vous l’avez déjà entendue à maintes reprises, mais c’était la première fois que je l’entendais. On a parlé d’étendre le tapis rouge plutôt que la paperasse.

J’aime cette expression et elle s’applique aussi à une demi-douzaine d’universités qui offrent des bourses d’études qui ne sont pas versées, car les étudiants doivent faire une demande et ils ne savent pas que ces bourses existent. Je crois que c’est la même chose avec les œuvres de bienfaisance. Dois-je embaucher un rédacteur de demandes de subvention qui remplira une demande après l’autre ou devrais-je embaucher cette personne pour faire du travail de bienfaisance? C’est toujours le même dilemme. Si nous pouvons faire en sorte que les gouvernements déroulent le tapis rouge et cherchent des œuvres de bienfaisance connues et légitimes dans leur milieu qui peuvent trouver leurs propres réseaux associatifs pour réussir à concrétiser cette promesse, le tapis rouge sera alors déroulé pour permettre de réaliser la mission et nous éliminerons la paperasse et cet obstacle auquel nous faisons souvent face.

La sénatrice Martin : C’est une très bonne explication. Je vous remercie d’avoir approfondi la question, car votre réponse est très utile.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Omidvar : Madame Nyman, vous avez beaucoup parlé des comparaisons et des différences entre le secteur à but lucratif et le secteur à but non lucratif. J’ai passé plus de 30 ans dans ce secteur, ce qui m’a amenée à me poser une question à laquelle il est difficile de répondre; vous pourrez peut-être nous aider. Voici donc ma question : qui est le client des œuvres de bienfaisance et des organismes à but non lucratif? Est-ce le donateur? Est-ce le gouvernement? Est-ce le client? Si nous éclaircissions ce point, obtiendrions-nous le respect que nous méritons plutôt que d’obtenir seulement la confiance qu’on nous accorde habituellement?

Mme Nyman : C’est une grande question axée sur les valeurs. C’est la raison pour laquelle je vais maintenant assumer le rôle d’un donateur et sortir du rôle d’employée qui a travaillé toute sa vie dans ce secteur. Je suis donc un donateur et je crois que je suis le client. J’ai le droit de savoir comment mon argent est utilisé. Mais maintenant, je serai un bénéficiaire, une personne qui a besoin d’une garderie pour son enfant, et je pense que je suis le client, car je suis la personne qui a un besoin à combler. Au bout du compte, je crois que les organismes du secteur caritatif ne sont jamais les clients et que les gouvernements ne sont pas les clients non plus. Je pense qu’il y a égalité entre le point de vue du donateur qui offre le financement et celui de la personne qui a désespérément besoin du type de soutien que nous offrons. C’est une tension saine qui est seulement résolue par des valeurs personnelles, mais je crois qu’il est bon que notre culture canadienne tente de résoudre cette tension.

La sénatrice Omidvar : Merci. Votre réponse est très utile.

Cathy, dans votre exposé, vous avez parlé du manque de données sur la main-d’œuvre dans le secteur. Plus tôt, on nous a parlé du manque de preuves sur les mesures en matière de diversité qui s’appliquent à la main-d’œuvre et à la structure de gouvernance dans le secteur. Selon vous, quelle serait la meilleure source pour nous procurer ces renseignements? Est-ce dans les formulaires T3010 ou T1044, dans la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif ou dans le filon habituel de Statistique Canada?

Mme Taylor : C’est une excellente question. Je crois que c’est une combinaison de toutes ces choses. Je pense que Statistique Canada fait déjà une excellente collecte de données sur les enjeux liés à la main-d’œuvre et sur les tendances et les enjeux liés au marché du travail, ce qui aide à déterminer le point de vue du secteur à but non lucratif. En ce moment, lorsqu’on examine les barèmes de rémunération ou différents types de données sur la main-d’œuvre, on ne nous demande pas si nous travaillons dans le secteur public, si nous travaillons pour le secteur à but lucratif ou si nous travaillons pour le secteur à but non lucratif. En effet, le secteur à but non lucratif n’est pas considéré comme étant une industrie. Il n’y a pas de classification industrielle. Nous pouvons donc calculer le nombre exact de travailleurs dans le secteur automobile, mais nous n’avons aucune classification pour le secteur à but non lucratif.

Ce problème est facile à résoudre. Je ne suis pas statisticienne, mais je crois qu’il existe une solution facile. Toutefois, je pense que nous pouvons mieux utiliser les données du formulaire T3010, et je crois que les organismes à but non lucratif qui ne sont pas des organismes de bienfaisance enregistrés — les entreprises à but non lucratif doivent produire certains rapports annuels. Nous pouvons améliorer le contenu de ces rapports annuels et ajouter des renseignements sur le marché du travail et sur les revenus.

Il ne s’agit pas d’un manque de transparence ou de reddition de comptes. Depuis plusieurs années, nous voyageons partout en Ontario pour parler à des représentants d’organismes à but non lucratif. Nous avons rencontré des centaines de représentants, et ces gens ne craignent pas la reddition de comptes et la transparence. Ce n’est donc pas le problème. Si nous remplissons déjà le formulaire T3010, si nous produisons déjà un rapport annuel sur notre situation d’organisme à but non lucratif, la question qu’il faut se poser, c’est quels sont les meilleurs mécanismes pour accomplir cette tâche. Il faut profiter des outils dont nous disposons déjà, utiliser les données ouvertes et des approches créatives communes et transmettre ces renseignements à nos communautés. Les intervenants du secteur sont d’accord, car ils souhaitent connaître les barèmes de rémunération dans les communautés, ils veulent connaître les tendances et les enjeux et ils veulent savoir où nous en sommes sur le plan de la diversité.

La sénatrice Omidvar : C’est très utile. Merci.

Le sénateur Duffy : Étant donné qu’OPTrust fonctionne très bien en Ontario, les gens à la maison veulent désespérément savoir ce qu’il en est pour les employés de ce secteur dans le reste du pays. Autrefois, le gouvernement de l’Ontario a souvent été un chef de file et a offert à d’autres provinces l’aide de sa bureaucratie et de son expertise plus développées, et cetera. Comment pouvons-nous faire en sorte que ce régime à prestations déterminées offert par OPTrust aux gens qui travaillent dans le secteur à but non lucratif de l’Ontario soit également offert au reste du pays? C’est un très bon régime, mais il est aussi très rare. Il faut obtenir des informations sur la façon d’y arriver.

Mme Taylor : C’est une excellente question. Je dois recevoir plusieurs appels, cette semaine et la semaine prochaine, de gens d’un bout à l’autre du pays qui souhaitent en apprendre davantage sur cette question. Les régimes de pension sont réglementés par les provinces, et on peut donc réaliser des économies d’échelle à l’échelon provincial. Nous avons documenté tout ce que nous avons fait et comment nous l’avons fait, et nous espérons certainement que cela peut être reproduit dans d’autres provinces. Nous sommes prêts à appuyer cette transition dans d’autres provinces.

Le sénateur Duffy : La loi empêche-t-elle OPTrust de l’offrir à l’ensemble du pays?

Mme Taylor : Son mandat vise seulement la prestation de services en Ontario.

Le sénateur Duffy : Et s’il y avait un syndicat? Si vos travailleurs étaient syndiqués, le syndicat ne pourrait-il pas offrir un régime de retraite?

Mme Taylor : Avant que nous lancions ce régime de retraite, environ 10 p. 100 des organismes avaient déjà un régime de retraite et un grand nombre de ces organismes étaient syndiqués, mais le taux de syndicalisation dans l’ensemble du secteur est seulement de 12 à 13 p. 100. C’est un taux de syndicalisation très bas en partie parce qu’il s’agit d’un secteur qui contient plusieurs petits employeurs. Les syndicats sont très efficaces pour mettre sur pied des régimes de retraite, mais la syndicalisation à l’échelle du secteur n’est probablement pas la solution dont nous avons besoin pour mettre sur pied des régimes de retraite dans l’ensemble du secteur.

Le sénateur Duffy : Il n’y a donc pas de groupe-cadre désigné pour s’occuper de ce dossier à l’échelon national.

Mme Taylor : D’après ce que je comprends, les régimes de retraite sont régis par certains règlements provinciaux. Dans l’une de nos recommandations, nous avons souligné que le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle en veillant à ce que ces régimes soient transférables d’une province à l’autre, car les règlements ne sont pas tous les mêmes d’un bout à l’autre du pays. De toute façon, nous reviendrons certainement là-dessus pour réexaminer la question.

Le président : Sénateur Duffy, on pourrait peut-être confier à l’un des ministres le mandat d’examiner cette question.

La sénatrice Omidvar : Pourquoi n’y a-t-il pas de réseau canadien d’organismes à but non lucratif?

Mme Taylor : C’est une excellente question. Imagine Canada appuie les organismes de bienfaisance et donne une voix aux œuvres de bienfaisance canadiennes et aux organismes à but non lucratif. Nous travaillons étroitement avec cet organisme au niveau national.

Le président : Madame Taylor et madame Nyman, vous avez livré d’excellents exposés, et nous avons eu une excellente discussion. De très bonnes idées ont été proposées aujourd’hui. Vous reconnaîtrez peut-être quelques-unes de ces idées lorsque nous rédigerons notre rapport.

La sénatrice Omidvar : C’est un bon titre.

Le président : Oui, en effet.

J’aimerais vous remercier de vos contributions. Si vous vous rendez compte que nous avons manqué quelque chose, n’hésitez pas à communiquer avec le greffier pour nous faire parvenir ces renseignements. Lorsque vous nous quitterez ce soir, si vous vous souvenez de quelque chose que vous auriez aimé nous avoir communiqué, encore une fois, vous pourrez le faire par l’entremise du greffier. Il fait très bien son travail et il nous transmettra ces renseignements.

(La séance est levée.)

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