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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance

Fascicule n° 8 - Témoignages du 15 octobre 2018


OTTAWA, le lundi 15 octobre 2018

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 18 h 30, pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, président du comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par la vice-présidente, à ma gauche.

La sénatrice Omidvar : Je m’appelle Ratna Omidvar, sénatrice indépendante de l’Ontario.

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, sénateur indépendant de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur R. Black : Rob Black, sénateur de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Merci, chers collègues. Aujourd’hui, le comité poursuit son étude de l’impact des lois et politiques fédérales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et de l’impact du secteur volontaire au Canada. Au cours de la réunion, nous nous concentrerons sur les clients et la diversité au sein des organismes de bienfaisance et à but non lucratif.

Nos témoins sont les suivants : M. Christopher Fredette, professeur agrégé, Odette School of Business, Université de Windsor, et Mme Queenie Choo, directrice générale, de l’organisme S.U.C.C.E.S.S., par vidéoconférence depuis Halifax — c’est toujours un plaisir de parler à des gens de Halifax.

Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître. J’inviterais nos témoins à nous présenter leurs exposés, et je leur rappelle, suivant nos instructions, qu’ils doivent s’efforcer de ne pas dépasser cinq à sept minutes. Après les exposés, nous allons passer aux questions de mes collègues, qui doivent être succinctes, tout comme les réponses.

Madame Choo, allez-y.

Queenie Choo, directrice générale, S.U.C.C.E.S.S. : Merci beaucoup. Mesdames et messieurs les sénateurs, je m’appelle Queenie Choo. Je suis directrice générale de S.U.C.C.E.S.S. J’aimerais commencer par vous remercier de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui.

S.U.C.C.E.S.S. est l’un des organismes de services sociaux et de bienfaisance à but non lucratif le plus important au pays. Il a été créé en 1973. S.U.C.C.E.S.S. possède maintenant 30 centres de services qui offrent du soutien aux nouveaux arrivants de partout dans le monde. S.U.C.C.E.S.S. offre des services complets aux nouveaux arrivants, des soins aux aînés et des services de logement abordable aux Canadiens et aux nouveaux arrivants à toutes les étapes de leur vie au Canada.

Aujourd’hui, je vais me concentrer sur les organismes de bienfaisance qui adoptent les valeurs de la diversité et de l’inclusion, et sur ce que le gouvernement peut faire pour appuyer les organismes comme le nôtre.

J’aimerais tout d’abord vous parler de notre réussite. Au cours des 45 dernières années, nous sommes passés d’un organisme qui offrait des services principalement aux immigrants sinophones, à un organisme qui offre maintenant des services à plus de 61 000 clients par année en provenance de 150 pays. Nos clients parlent une multitude de langues, appartiennent à tous les groupes d’âge et comprennent des Canadiens de première, deuxième et troisième génération, et même au-delà. Ils proviennent de toutes les catégories d’immigrants, des entrepreneurs aux travailleurs qualifiés, des immigrants parrainés aux réfugiés, et chacun possède sa propre histoire et sa propre expérience d’établissement au pays.

Nous avons environ 500 employés. Plus de 80 p. 100 d’entre eux sont des immigrants ou des réfugiés, et ils comprennent les difficultés liées à l’établissement et à l’intégration. Ils parlent eux aussi une multitude de langues et vont du jeune professionnel de moins de 30 ans aux travailleurs expérimentés de 55 ans et plus.

Pour ce qui est de notre conseil d’administration, il témoigne de la diversité. La moitié des membres sont des femmes et plus de 85 p. 100 appartiennent à des minorités visibles. Les membres du conseil d’administration ont aussi vécu diverses expériences d’immigration et d’établissement et sont habitués à travailler avec les communautés diversifiées.

Il ne s’agit donc pas simplement d’une question de nombre. Pour bien répondre aux besoins liés à la diversité de nos communautés, il faut faire plus que prendre acte de la diversité en paroles. Le gouvernement peut adopter des politiques et fournir son soutien pour encourager la diversité et l’inclusion au sein de nos communautés.

Première recommandation : nous sommes d’avis que les organismes de financement du gouvernement devraient demander aux organismes de prendre des engagements et d’adopter des stratégies et des plans d’action pour encourager la diversité, afin que leurs services soient accessibles, inclusifs et bien adaptés aux besoins. En fait, cela ne devrait pas s’appliquer uniquement aux organismes communautaires à but non lucratif qui reçoivent des fonds du gouvernement, mais bien à tous les organismes gouvernementaux qui font affaire avec le gouvernement.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement devrait offrir plus de soutien aux organismes à but non lucratif pour les aider à prendre des engagements et à mettre en place des stratégies à l’égard de la diversité. Je dois dire bien honnêtement qu’ils sont nombreux à ne pas avoir de ressources pour le faire et qu’ils ont besoin de plus de soutien et de financement de la part du gouvernement pour y arriver.

Deuxième recommandation : le gouvernement doit diffuser plus de recherches et de données sur la diversité de la clientèle. À titre d’exemple, le système iEDEC d’IRCC recueille une foule de données sur les tendances en matière d’établissement et de profils démographiques des clients. Même si beaucoup de données sont déjà affichées sur les portails de données ouvertes, nous croyons qu’il est possible de faire davantage pour diffuser les renseignements recueillis par le gouvernement sur les tendances. Comme les organismes à but non lucratif n’ont pas de systèmes de gestion des données puissants que ceux du gouvernement, cela les aiderait à concevoir des programmes et des approches mieux adaptés à la clientèle.

Troisième recommandation : il faut que les travailleurs communautaires de première ligne, qui sont sur le terrain, puissent obtenir de la formation continue pour offrir des services inclusifs à des communautés diversifiées. Malheureusement, peu ou pas de financement est offert aux organismes à but non lucratif à cette fin.

Alors que les groupes communautaires s’efforcent de travailler ensemble pour tirer parti de l’expertise transsectorielle et maximiser l’utilisation des fonds disponibles, la réalité est que cela n’est pas suffisant, bien souvent, pour arriver à de bons résultats. Un atelier d’une journée pour parler de diversité et d’inclusion n’est pas suffisant. Il faut effectuer des investissements considérables et à long terme pour développer véritablement les compétences dans le domaine afin de pouvoir offrir des services inclusifs.

Les organismes doivent également, au-delà de la prestation des services, s’employer consciemment et volontairement à se doter d’une gouvernance et de personnel représentatifs de la diversité. Je me souviens qu’en 2016 DiverseCity onBoard a examiné la situation des minorités visibles au sein des conseils d’administration du Grand Vancouver. L’étude a révélé que les conseils d’administration des organismes de bienfaisance et des fondations ne comptaient que 11,2 p.100 de membres des minorités visibles.

Enfin, j’aimerais souligner que la diversité et l’inclusion ne sont pas des concepts distincts, indépendants, ou une case à cocher dans une liste; il faut plutôt que la diversité et l’inclusion imprègnent toutes nos façons de penser et d’agir, qu’il s’agisse de formation du personnel, de recherche sur les besoins de la communauté, de l’élaboration des programmes, de mobilisation de la communauté ou d’évaluation des résultats des programmes. Il faut faire en sorte de voir le tout à travers le prisme de la diversité et de l’inclusion.

Les organismes de financement du gouvernement doivent aussi être formés et préparés pour évaluer les demandes de financement et les programmes à travers le prisme de la diversité et de l’inclusion. Il se fait déjà du bon travail dont on peut s’inspirer. L’outil de formation et d’analyse comparative entre les sexes plus de Condition féminine Canada est un bon point de départ pour nous aider, tous, à adopter des modes de pensée inclusifs.

En terminant, je me réjouis qu’on attire l’attention sur la diversité et l’inclusion, et je suis honorée d’avoir pu vous communiquer une perspective communautaire. Je vous remercie d’avoir permis à S.U.C.C.E.S.S. de s’exprimer sur le sujet aujourd’hui.

Le président : Madame Choo, merci beaucoup. Après l’exposé de M. Fredette, nous passerons aux questions.

Christopher Fredette, professeur agrégé, Odette School of Business, Université de Windsor, à titre personnel : Bonsoir. Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre engagement à servir notre pays, ainsi que du temps et des efforts que vous consacrez aux travaux du comité spécial.

Comme d’autres l’ont mentionné dans leur témoignage, les secteurs de bienfaisance, à but non lucratif et bénévole au Canada sont des éléments socialement et économiquement importants de notre santé nationale, et je vous remercie de l’attention que vous y apportez.

Je vous remercie également de me donner l’occasion de prendre la parole devant vous aujourd’hui. Je suis très touché que le comité ait pensé à m’inclure dans les témoins.

Pour préparer mon témoignage, j’ai demandé à des organismes et intervenants communautaires importants de la région de Windsor-Essex en Ontario de me faire part de leurs commentaires, et j’espère pouvoir vous en communiquer certains ce soir.

Mes recherches portent principalement sur la diversité, l’inclusion et l’équité au sein de la direction et de la gouvernance des organismes des secteurs de la bienfaisance et à but non lucratif. Je cherche à comprendre en particulier ce que les organismes peuvent faire pour mieux répondre aux besoins, aux valeurs et aux intérêts de leurs communautés en étant à l’écoute des intervenants et des habitants pour aider non seulement les plus vulnérables au sein de notre société, mais chacun d’entre nous, dans les moments où nous sommes les plus vulnérables.

J’insiste ici sur le fait que le secteur est là pour chacun de nous dans les moments où nous sommes les plus vulnérables, que ce soit à la suite d’un feu de forêt, d’une tornade, d’une pénurie d’eau ou de la mort tragique d’un membre de notre famille, ou encore pour offrir repas et compassion à une personne immobilisée, pour témoigner du pouvoir et du potentiel d’une présence féminine forte auprès de la fille d’un père monoparental, ou pour enseigner les valeurs de l’art et de l’humanité au fils d’une mère seule.

Nous nous tournons tous vers ces organismes, que ce soit pour nous aider à élever nos enfants, à protéger la nature, à enrichir notre esprit ou à absorber les secousses des changements économiques, politiques et sociaux. Ces organismes sont à bien des égards la conscience de notre société. Ils nous aident à nous occuper de la myriade de problèmes dont l’industrie et le gouvernement ne sont pas en mesure de s’occuper, et aucun domaine n’est exclusif.

C’est dans ce contexte qu’il nous faut comprendre comment mettre en place des groupes — formés de membres reflétant la démographie sous-jacente de leur communauté — ayant à leur tête des représentants de la diversité, afin, premièrement, de veiller à ce que les activités de direction et de gouvernance, c’est-à-dire le recensement des besoins, l’établissement des priorités, la prise de décision et la répartition des ressources, soient entreprises par des gens qui sont légitimement représentatifs des membres de leur organisme et de leur communauté, et, deuxièmement, de veiller à ce que les intérêts de la communauté et des habitants soient bien compris. Il faut pour ce faire avoir des gens qui ont vécu les mêmes expériences, qui ont éprouvé les mêmes besoins que les clients, et qui sont conscients des obstacles subtils et souvent mal compris qu’il faut lever pour régler les problèmes à la base.

Il est souvent difficile pour les organismes d’arriver à la diversité pour des raisons culturelles et organisationnelles. Il faut établir les caractéristiques et le profil démographique de la région que sert l’organisme pour se fixer des objectifs de représentation. Les conseils d’administration et les organismes doivent ensuite s’engager à atteindre ces objectifs face à d’autres priorités mesurables, comme les vérifications et les rapports financiers, la surveillance et les évaluations par la direction, les collectes de fonds, les examens stratégiques et la croissance, pour ne donner que quelques exemples.

Les organismes qui se lancent pour la première fois dans cette aventure le font souvent sans savoir trop comment procéder. Il n’est pas toujours facile de refléter la diversité d’un quartier, d’une ville, ou d’une région, ne serait-ce que parce que certains aspects peuvent être cachés, assumés ou même tabous, en particulier pendant le processus de recensement et de recrutement.

Les organismes qui parviennent à une diversité représentative, un terme qui signifie bien souvent le fait d’avoir un siège à la table, est un important pas en avant, mais diversité veut dire absence d’exclusion, simplement. Cela ne signifie pas nécessairement l’inclusion, non plus que l’atteinte de résultats équitables.

Si la diversité passe par l’établissement d’objectifs et de mesures, l’inclusion passe par la mise en place de processus qui vont permettre aux conseils d’administration et aux organismes d’instaurer une participation significative à la gouvernance pour que le pouvoir décisionnel soit équilibré et bien géré.

Pour favoriser l’inclusivité, il faut d’abord se demander pourquoi nous souhaitons instaurer la diversité. Voulons-nous une gouvernance par la règle d’or, où ceux qui possèdent l’or font les règles? On revient ainsi à une question que s’est posée précédemment le comité : qui sont vraiment les clients?

On pose aussi la question du contrôle. Qui contrôle et comment ce contrôle est-il exercé? La valeur de la diversité est souvent reléguée ici aux apparences et au fait de cocher une case, que d’autres témoins ont qualifié de gestes symboliques et d’aliénation.

Autrement dit, voulons-nous mettre en place un processus de gouvernance juste ou équitable dans le secteur? Certaines données semblent indiquer qu’une direction et une gouvernance diversifiées et inclusives mènent à de meilleurs résultats. Elles donnent lieu à de meilleures stratégies de gestion du risque, élargissent le débat sur les problèmes et les solutions et améliorent la prise de décisions, en particulier lorsqu’il s’agit de situations incertaines, complexes, rares et irrégulières. Toutefois, la diversité pourrait aussi ralentir la prise de décisions, donner lieu à plus de contestations, en particulier lorsqu’il s’agit de choix habituels ou courants.

Les organisations qui veulent devenir inclusives adoptent souvent une stratégie à plusieurs volets quand les changements portent sur la culture, les pratiques et les habitudes, de même que sur la structure et les règles. Il faut souvent opérer des changements de mentalité importants qui prennent du temps à être intégrés. Les personnes concernées ont souvent de la difficulté à s’adapter, car elles peuvent avoir l’impression de se trouver dans un état de transition constant.

Si le secteur parvient à atteindre la diversité et l’inclusion de la bonne façon, il peut aussi améliorer l’équité, mais les gestionnaires, les dirigeants et les directeurs doivent comprendre les buts à atteindre, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’une stratégie basée sur des données probantes qui les renseignera sur les résultats qu’il faut viser, sur ceux qu’il faut mesurer et sur les stimulus nécessaires. Je ne suis pas le premier témoin à mentionner que, dans un secteur qui représente environ 8 p. 100 de l’activité économique, les données sont trop rares. Trop peu de données sont mesurées de façon cohérente, et le manque d’uniformité dans les rapports et entre les organismes fait que ces données sont très difficiles à interpréter.

J’aimerais conclure en disant que j’ai été ému et inspiré par des témoins précédents que le comité a entendus. Certains ont parlé d’un secteur important, mais invisible. J’ajouterai qu’il est impératif, du point de vue opérationnel, de le rendre visible, et qu’il est impératif, du point de vue éthique, de rendre visibles les groupes les plus vulnérables du secteur et notre société.

Merci.

Le président : Merci. Nous passons maintenant aux questions de mes collègues. Je demanderais aux sénateurs d’être succincts, si possible, et aux témoins de faire de même.

La sénatrice Omidvar : Merci, madame Choo et monsieur Fredette, de vos exposés concis et exhaustifs.

Je veux vous poser à tous les deux une question qui comprend deux volets. Je pense que nous comprenons tous ici que ce qu’on mesure se concrétise. Ce que nous n’avons pas, ce sont des données sur lesquelles nous appuyer. Nous n’avons pas de données de référence de base, si bien que nous nageons en plein brouillard.

Cela dit, des organismes de bienfaisance et à but non lucratif nous ont également mentionné que la paperasse et les règlements les étouffent déjà. J’aimerais donc savoir si le secteur serait prêt et capable de nous fournir plus d’information sur leurs employés, leur gouvernance et leur diversité. Si c’est le cas, quelle est la meilleure façon d’obtenir l’information? Faudrait-il poser plus de questions dans le formulaire T3010 ou le T1044, ou avez-vous une autre façon à nous proposer?

Mme Choo : Sénatrice, c’est une excellente question. Je pense que si nous n’en faisons pas une priorité, cela ne se fera jamais. C’est important de se demander quelle est la meilleure façon de procéder pour y arriver. La question n’est pas de savoir comment nous allons réorganiser nos priorités, parce que l’inclusion et la diversité, qu’on le veuille ou non, sont la nouvelle norme. Avec l’avènement des migrations mondiales, tous les pays sont composés de gens de différentes cultures, de différents groupes ethniques, de divers niveaux d’éducation, de divers groupes d’âge et de diverses orientations sexuelles.

Je pense, comme l’a mentionné le témoin précédent, que la diversité et l’inclusion aident les organismes à atteindre de meilleurs résultats. Nous devons veiller à faire un effort concerté pour en faire des priorités. Ce n’est pas une activité en marge, mais bien des priorités auxquelles il faudra consacrer du temps.

M. Fredette : C’est une excellente question en deux volets. Le premier est la théorie de ce que vous voudriez recueillir et le second, la façon de procéder dans les faits.

Ce qui, pour moi, est ressorti des discussions que j’ai tenues avec nos partenaires locaux est la notion que le secteur fonctionne vraiment de façon aléatoire. Les données sont recueillies de manière disparate : j’en fais un peu; quelqu’un d’autre en fait un peu. Le secteur fonctionne souvent de façon aléatoire lorsqu’il est question de financer les priorités et de faire des choix. Cette collaboration et la territorialité semblent aller dans deux directions opposées au sein du secteur.

Lorsqu’il est question de recueillir des données, en particulier concernant la diversité et l’inclusion, et celles des structures de gouvernance — les conseils d’administration, les dirigeants, les directeurs, et cetera —il pourrait être préférable de privilégier un type d’approche mesurée et graduelle. Si je le dis, c’est qu’il y aura certainement des organismes, comme l’autre témoin l’a mentionné dans son témoignage, où seulement 11 p. 100 des membres pourraient se dire membres de minorités visibles ou membres différents ou racialisés de la communauté. Il y aura sûrement des situations dans lesquelles aucun organisme ne voudra signaler au gouvernement l’absence de diversité au sein de son conseil d’administration et de son organisation. Cela lui fera peur.

Ce n’est pas une excuse, mais, parallèlement, il y a des organismes qui sont prêts à le faire et qui ont besoin d’un bon coup de pouce pour avancer, selon moi. Il y a des organismes qui sont prêts financièrement à gérer le fardeau d’une reddition de comptes accrue.

J’ai passé en revue certains des formulaires avant de témoigner, et le formulaire 4006 demande aux organismes de renseigner la durée du mandat de chaque membre du conseil d’administration et de donner leur nom. D’après ce que j’ai pu voir, il ne demande rien concernant la diversité ou toutes autres données démographiques personnelles. Ce pourrait être une manière facile de commencer à utiliser les catégories de recensement comme cases à cocher pour chaque membre.

Idéalement, personne ne fait état de notre diversité à notre place. Nous nous identifions nous-mêmes et nous obtenons les meilleures données. Cependant, à l’échelon du conseil d’administration, où les membres se connaissent ou devraient, du moins, le faire, c’est quelque chose qu’un président de conseil ou un directeur exécutif pourrait raisonnablement entreprendre pour commencer.

La sénatrice Omidvar : Ce formulaire fait-il partie de la déclaration des organismes sans but lucratif ou de bienfaisance ou relève-t-il de la Loi sur les corporations canadiennes?

M. Fredette : Je crois qu’il pourrait relever de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

La sénatrice Omidvar : Il ne s’applique donc qu’aux organismes sans but lucratif agréés par le fédéral, alors il en exclut tout un tas...

M. Fredette : Pour la province.

La sénatrice Omidvar : ... mais nous ne pouvons pas atteindre la perfection. Merci.

Le sénateur R. Black : Merci aux intervenants. Je suis issu d’un milieu rural, alors je veux mieux comprendre ce que vous voyez du point de vue rural. Dans mon esprit, il est plus difficile de viser la diversité et l’inclusion dans ce milieu. J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Quelles sont, selon vous, les pratiques exemplaires de vos activités à l’échelon des organismes communautaires, de bienfaisance et sans but lucratif en milieu rural?

Mme Choo : Sénateur Black, c’est une très bonne question. Nous desservons aussi les régions rurales comme Fort St. John, dans le Nord de la Colombie-Britannique. Je pense que, même si des organismes sans but lucratif comme le nôtre reconnaissent vraiment la valeur de la diversité et de l’inclusion, nous offrons aussi des programmes pour nous assurer que la collectivité connaisse nos valeurs. Je pense qu’il est important de veiller à ce que les membres de la collectivité aient la possibilité de comprendre ce qui se passe au-delà de la collectivité, de comprendre qui sont les personnes qui vivent à l’extérieur de la collectivité, et de comprendre les différentes cultures, la diversité et les pratiques religieuses diverses.

Je pense que c’est une bonne façon de refléter la diversité de notre pays. Il est clair que, dans certaines régions rurales — vous avez tout à fait raison, sénateur Black —, les gens ne savent peut-être pas ce qui se passe dans d’autres régions du pays comme le Grand Vancouver ou le Grand Toronto.

M. Fredette : C’est indéniable que la diversité est localisée, et nous devrions l’envisager ainsi. J’ai grandi dans une région en quelque sorte rurale de l’Ontario. Une des choses qui m’inquiéteraient aujourd’hui est l’exode qui se produit vers les centres urbains. La plupart des personnes avec lesquelles j’ai grandi ne vivent plus dans cette collectivité. Même leurs parents sont partis vers les centres urbains. Cet exode est en partie attribuable au défaut de cadrer dans cet environnement, que ce soit pour vivre dans la communauté LGBT, pour trouver un logement dans un contexte urbain parce qu’on n’en trouve pas en milieu rural ou pour réconcilier une partie des communautés autochtones et non autochtones.

J’avoue que j’ai fréquenté une assez grande école secondaire au centre de l’Ontario et que j’ai vu très peu de personnes de couleur à part mes amis autochtones. Ce n’est que bien plus tard, à l’adolescence, que j’ai commencé à voir des personnes de couleur qui n’étaient pas autochtones. Toutefois, même dans la communauté blanche — j’ai dit brièvement que j’étais moitié anglophone et moitié francophone —, mon côté francophone n’a jamais cadré.

Une réconciliation est ici nécessaire. Il faut aussi reconnaître que c’est une question de culture. Nous avons intérêt à nous pencher sur la nature de la diversité locale plutôt que d’essayer de penser qu’une approche qui pourrait fonctionner au centre-ville de Toronto, de Montréal ou de Vancouver pourrait facilement s’appliquer à Midland ou Belleville, en Ontario, ou à Magog, au Québec. Nous devons commencer à envisager que la diversité se retrouve en groupes localisés et à comprendre le contexte local pour le rendre inclusif. Certains des mécanismes dont on peut se servir pour y arriver peuvent être adaptés, mais il faut commencer par comprendre la diversité à l’échelon local.

Le président : Est-ce que cela ne nous oriente pas aussi vers une définition de la diversité qui doit varier en fonction de la collectivité ou du groupe?

M. Fredette : Bien sûr.

Le président : Dans certaines collectivités, je pourrais faire partie d’une minorité. Je sais que, lorsque je vivais à Toronto et que j’allais travailler le matin en métro, j’étais une minorité dans cette collectivité. Pour moi, c’était assez évident.

M. Fredette : J’estime qu’il est préférable de mesurer la diversité et l’inclusion — et, en fait, l’équité des résultats — à l’échelon local, quel que soit le groupe proximal.

Le sénateur R. Black : J’ai une question de suivi pour vous : avez-vous observé des pratiques exemplaires qui fonctionnent en région rurale ou qui ont peut-être été empruntées au contexte des grandes collectivités, des villes, et adaptées?

M. Fredette : Les pratiques exemplaires qui fonctionnent en milieu rural ont tendance à porter moins sur le contexte ethnoracial que sur la capacité cognitive et physique. On essaie de trouver des options pour les enfants de votre voisin, ceux de notre voisin, à intégrer en milieu scolaire et dans les jeux et activités communs.

Ce qui est préoccupant, c’est que, jusqu’à récemment, surtout en ce qui concerne la santé mentale, nous avons stigmatisé les gens et nous avons répugné à essayer de déterminer en quoi consistait la diversité. Alors, à moins d’avoir affaire à quelque chose d’observable, nous avons eu tendance à prendre nos distances.

La pratique a fonctionné dans le contexte de groupes dans lesquels nous permettons aux gens d’être perçus comme normaux et semblables. Dans une de mes consultations auprès d’un organisme appelé WETRA, la Windsor-Essex Therapeutic Riding Association — c’est un organisme qui s’adresse en particulier aux enfants en leur offrant de la thérapie équine — on a tenté de réunir des familles normales, côté capacités et développement cognitif, et des familles dont les enfants accusent un retard sur le plan physique ou sur celui du développement pour chercher des points communs — les activités, buts et intérêts qu’ils partagent et la façon dont ils peuvent s’identifier les uns aux autres. Ce n’est pas bien différent de ce qu’on voit dans les groupes multiculturels, où on essaie de réunir des groupes pour trouver des points communs, que ce soit dans des jardins communautaires ou des activités sportives et récréatives, en vue d’essayer de faire en sorte qu’ils voient leurs points communs au lieu des différences qui les séparent.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour vos présentations. La sénatrice Omidvar a déjà posé avec beaucoup d’élégance la question que je me proposais de poser concernant les données et le manque de données.

Ce qui me frappe dans les notes que nous avons reçues pour nous préparer à cette réunion est que des enquêtes précédentes, qui remontaient jusqu’à 2006 et 2009, se sont penchées sur la diversité et les secteurs bénévole et sans but lucratif. Elles ont permis de dégager des chiffres semblables à ceux que vous avez présentés, madame Choo, soit qu’environ 10 p. 100 des employeurs et des employés sont issus des communautés de minorités visibles et très peu d’entre eux sont des personnes de l’extérieur du Canada.

Premièrement, madame Choo, je pense que c’est très révélateur que le nom de l’organisme soit S.U.C.C.E.S.S., car,dans votre présentation, vous avez montré un niveau de réussite assez important au chapitre de la diversité; vous avez dit que plus de 80 p. 100 des membres de votre personnel, 500 d’entre eux, ont eux-mêmes immigré et trouvé refuge au Canada. Ils parlent plus de 55 langues et comptent des jeunes professionnels.

Vous parlez d’une question de taille qui s’est échelonnée sur une longue période, pour laquelle votre organisme semble avoir eu un certain succès. Pourriez-vous nous dire si vous avez des pratiques exemplaires dont vous pourriez nous faire part?

Mme Choo : Madame la sénatrice, c’est une très bonne question. Évidemment, la diversité et l’inclusion, comme je l’ai mentionné, ne figurent pas sur une liste de vérification que vous cochez. C’est un cheminement.

Nous avons commencé notre cheminement il y a un certain nombre d’années et nous poursuivons notre route. Nous vous savons gré de sensibiliser les gens à la question et de vous pencher sur ce dossier. La nature de notre organisme est d’offrir des services aux immigrants, si bien que nous sommes des services sociaux. Nous estimons que cette façon d’envisager la diversité et l’inclusion doit être élargie.

Nous ne sommes vraiment pas arrivés au but, mais nous avançons en raison de la nature de l’entreprise. De plus, la structure de gouvernance nous appuie à l’échelon de la direction. Cela montre qu’on accorde de l’importance à la question. Je pense que c’est important, dans le contexte d’une pratique exemplaire, nommément, que les dirigeants donnent le ton à ce système de valeurs auquel adhèrent notre organisme et notre pays. Je pense que le gouvernement doit l’appuyer comme une façon de faire un pas de plus vers un leadership plus inclusif et des pratiques exemplaires en matière de diversité, qu’il soit question de recrutement, de formation, de formation du personnel ou de la compréhension de la culture et des pratiques religieuses des gens.

J’ai envoyé un courriel pour expliquer en quoi consiste le ramadan. Lorsque nous servons nos clients, nous devons le comprendre et en être conscients pour organiser notre travail et mieux servir nos clients tant du point de vue des employés que des pratiques organisationnelles. C’est une des choses que nous faisons.

Nous n’avons pas fait que cela. Je pense qu’il est important d’avancer comme organisme sans but lucratif tout en bénéficiant d’un soutien gouvernemental en ce qui concerne toutes ces choses importantes dont nous estimons qu’elles nous rapprochent de la diversité et de l’inclusion.

La sénatrice Seidman : Les organismes de bienfaisance n’ont cessé de nous répéter le même refrain, celui selon lequel ils sont à capacité maximale. Ils n’ont pas le personnel ou les ressources nécessaires pour faire ce qu’ils doivent faire. Pour ce qui concerne le besoin de données et d’engagements, de stratégies et de plans en matière de diversité, comment envisagez-vous les choses pour nombre de ces organismes sans but lucratif qui arrivent à peine à offrir les services qu’ils doivent offrir sans sombrer?

Je donnerais peut-être la possibilité à M. Fredette de répondre avant de revenir vers vous, madame Choo. Merci.

M. Fredette : Je pense que c’est un argument légitime, nommément, que certains organismes n’arriveront pas à le faire et ne seront pas en mesure de le faire rapidement ou facilement, mais d’autres si. Commençons par ceux qui peuvent y arriver. Ciblons les centres névralgiques de l’écosystème, les organismes de financement, les organismes comme Centraide qui versent de l’argent à d’autres et qui appuient d’autres programmes. Commençons par ceux qui en sont capables. Faisons en sorte qu’ils l’ajoutent à leur programme, que leurs conseils d’administration fixent des exigences sur la façon d’assurer la diversité. Veillons à ce que cela devienne leur responsabilité, du moins celle de gérer d’abord leur propre diversité et de suivre ensuite les voies financées pour faire en sorte qu’il soit obligatoire de financer une partie de ce contenu et l’introduction graduelle de cette notion pour ceux qui sont à l’échelon communautaire — c’est-à-dire, ceux qui sont moins en mesure d’assumer le fardeau supplémentaire et ceux qui fonctionnent, honnêtement, à pleine capacité ou qui n’en mènent pas large, si vous préférez.

La sénatrice Seidman : Ces organismes devraient-ils disposer de stratégies et de plans sur papier qu’ils devraient présenter pour pouvoir obtenir leur financement?

M. Fredette : Je suggère qu’on commence simplement par prendre la mesure. Je commencerais par les structures du conseil d’administration et de la direction. Quelle que soit la composition actuelle de votre conseil d’administration, faites-en simplement rapport. Dans notre organisme, plus le centre névralgique est important dans l’écosystème, plus nous nous efforcerons d’accroître notre diversité pour refléter celle de notre collectivité. Nous allons commencer par mesurer la vôtre et vous aider à le faire. Une fois que nous pourrons évaluer ce à quoi vous devriez aspirer et quelle devrait être la composition de votre conseil, nous vous aiderons à y arriver.

Une partie du travail n’est vraiment pas très difficile. Elle demande du temps, mais elle n’est pas très difficile. L’ennui, c’est que les gens ont peur qu’on lie le financement à la diversité, ce qui motive la territorialité. Commençons par ce qu’il y a de plus facile et demandons aux organismes plus grands et institutionnalisés de faire rapport de leur diversité; qu’ils en fassent simplement rapport — qu’ils ne la jugent pas et ne l’évaluent pas, qu’ils se contentent d’en faire rapport. Recueillons ces données. Nous pourrons ensuite viser des objectifs plus généraux et procéder à la mise en œuvre, c’est-à-dire, des systèmes échelonnés.

Un des corollaires pourrait être le club des 30 p. 100, dont je suis certain que nombre de vous avez entendu parler dans le monde des affaires, qui vise à avoir 30 p. 100 de femmes au sein des conseils d’administration. Ce club n’a pas simplement dit : « D’accord, si vous avez 30 p. 100 de femmes, vous êtes acceptés, mais si vous ne les avez pas, vous êtes exclus. » Ils ont plutôt dit : « Voici l’objectif que nous visons, soit 30 p. 100. Travaillons à l’atteindre. » Il y a un certain nombre d’années, le Canada a fait état de 16 p. 100 et de 17 p. 100 de femmes au sein des conseils d’administration, et d’autres nations ont emboîté le pas. C’est devenu valorisé d’atteindre cette cible de 30 p. 100 et de la maintenir dans le secteur des affaires.

La première étape consiste à prendre la mesure. Avec quoi travaillons-nous à l’heure actuelle? Comment votre organisme reflète-t-il la collectivité qu’il prétend servir? Peut-être qu’il le fait parfaitement. Peut-être que vous vivez dans une collectivité entièrement homogène. C’est possible. Environ 84 p. 100 des Canadiens s’identifient comme étant des Blancs. Cependant, à Toronto, Montréal et Vancouver, la représentation des minorités visibles frôle les 50 p. 100. Peut-être que vous vivez dans une collectivité homogène. C’est excellent. Signalez-le.

Le président : Mme Choo peut-elle nous donner une réponse brève?

Mme Choo : Merci, madame la sénatrice. C’est une excellente question. Je veux seulement ajouter à ce que l’intervenant précédent a dit concernant le fait que si nous commençons par la direction et les personnes qui exercent des rôles à ce niveau, cela ne coûtera pas très cher. Cependant, l’important, c’est la façon dont un organisme ou un organisme sans but lucratif adopte des valeurs à partir de la direction.

Ensuite, j’aimerais dire que l’approche graduelle aidera les gens à comprendre, à s’informer et à pouvoir faire les choses petit à petit.

J’aimerais aussi ajouter un élément dont il faut tenir compte, selon moi, soit le processus d’approvisionnement, qu’il se fasse par l’intermédiaire du gouvernement ou pour du financement. Un des points à examiner à cet égard est le mérite d’être un organisme diversifié et inclusif. Est-ce qu’un organisme sans but lucratif et de bienfaisance qui va dans ce sens et y adhère sera mieux coté dans le processus d’approvisionnement? Au lieu d’être punitif — d’être observé et surveillé — ce sera une façon plus positive d’inciter les organismes qui choisissent cette option.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, madame Choo et monsieur Fredette.

J’ai quelques questions à vous poser, dont la suivante : où se situe la ligne de démarcation entre le bénévolat et les services offerts par les différents gouvernements que sont le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les gouvernements municipaux et les conseils de bande autochtones?

Dans ma tête, le bénévolat est une activité non rémunérée. Il y a quelques semaines, la représentante des bénévoles de la Ville de Montréal a témoigné devant notre comité et elle n’était pas rémunérée. Les vrais bénévoles ne sont pas rémunérés. Je comprends bien le contexte d’aujourd’hui, à savoir qu’il est très difficile de trouver des bénévoles, mais il faut conserver le sens propre du bénévolat et non pas rechercher l’efficacité grâce à une rémunération. C’est cette ligne qu’il faut bien établir avant d’ajouter des paramètres ou même de modifier des lois. C’était là ma première question.

Nous savons que les Canadiens sont généreux de nature. On l’a constaté dans le contexte des incendies en Colombie-Britannique, dans l’Ouest canadien et lors des dernières tempêtes au Québec. On a constaté à quel point les Canadiens sont généreux. Ils ont le cœur sur la main, c’est le cas de le dire, mais ils ne sont pas dupes non plus, loin de là. Lorsqu’ils donnent des sommes d’argent, ils veulent que 100 p. 100 de leurs contributions se rendent au bon endroit.

Cependant, il y a actuellement un problème avec le bénévolat; lorsque les gens donnent un montant de 100 $, comment peuvent-ils avoir la certitude que cette somme en entier servira au bien-être de quelqu’un et non pas seulement 43 $ de cette somme de 100 $? C’est là une autre préoccupation des Canadiens.

J’ai aussi une question qui s’adresse à M. Fredette en ce qui a trait à la parité au sein des conseils d’administration. Où allez-vous chercher cela? On recherche les meilleures personnes; on ne s’arrête pas au genre de la personne. Lorsque j’entends les mots « parité hommes-femmes » et ainsi de suite, je débarque. On recherche les meilleures personnes pour rendre service à la population.

Je vous laisse répondre.

[Traduction]

Mme Choo : Premièrement, je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. La question de savoir comment on peut distinguer le bénévolat des programmes financés par des gouvernements est une bonne question.

Le bénévolat est animé par des aspirations et des passions. Je fais du bénévolat, et je ne m’attends pas à être rémunérée. Les pompiers souhaitent consacrer une partie de leur temps, de leurs efforts et de leurs moyens de subsistance à la lutte contre les incendies de forêt de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Ils ne désirent pas être rémunérés pour leurs contributions. Pourtant, ils sont motivés par leur humanité, leurs aspirations et leurs passions.

Nous avons accès à plus de 2 000 bénévoles qui ne souhaitent pas être rémunérés. Le fait qu’ils continuent de faire du bénévolat en dit long sur la pratique du bénévolat dans notre pays. Comme vous l’avez mentionné, les Canadiens sont très généreux. Ils tiennent à donner de leur temps, de leurs efforts et de leurs ressources.

Comment allons-nous nous assurer que les contributions de ressources ou les dons sont consacrés à la bonne cause? Il est important de maintenir cette transparence. Je pense que des études ont été menées afin d’examiner les frais généraux de chaque organisme de bienfaisance sans but lucratif qui collecte des fonds et de déterminer quel pourcentage de cet argent est consacré aux coûts véritables des programmes, par opposition aux coûts administratifs. Il y a certains pourcentages que nous pouvons étudier à des fins de comparaison. Toutefois, il est important de veiller à ce que la transparence existe.

En tant que donatrice d’argent, de temps et de ressources, il m’importe que ces dons servent la cause pour laquelle ils ont été recueillis.

En ce qui concerne l’égalité des sexes, je suis tout à fait en faveur du mérite et des capacités. Ce n’est pas en raison de mon sexe ou de mon appartenance à une minorité visible que j’occupe le poste de directrice générale. Ce n’est pas ce que je cherchais à faire. Je souhaitais vraiment prouver ma valeur en tant que femme et en tant que membre d’une minorité visible. Certes, je suis tout à fait d’accord avec vous à cet égard.

Cependant, il importe également de faire abstraction de cela afin de réfléchir à la façon dont nous pouvons appuyer cette population diversifiée et continuer de tenir compte des capacités et des talents qu’elle apporte à notre pays. Voilà également une dimension qu’il importe de prendre en considération.

M. Fredette : Vous posez trois questions très intéressantes. Pour être franc, je pense qu’elles sont aussi très controversées. Je vais tenter de mon mieux d’y répondre sans me mêler à ces débats.

Où se trouve la ligne de démarcation entre les gouvernements et le secteur sans but lucratif? Est-elle fine et brillante? À mon sens, le secteur sans but lucratif assume, dans de nombreux cas, un rôle de sous-traitant auprès des gouvernements. Alors que les gouvernements ont battu en retraite à certains égards, le secteur est intervenu à certains égards. Cette ligne de démarcation n’est pas nécessairement d’une couleur vive et brillante. Elle est en fait floue et nébuleuse, ce qui ne m’étonne guère.

J’irai jusqu’à dire que, dans toutes ses variations, ce secteur fait fonction de tampon en cas de changements économiques, sociaux et politiques. Il absorbe les crises que les gouvernements sont mal préparés à gérer et qui découlent souvent de décisions économiques. Le secteur se sert de ses maigres moyens pour le faire du mieux qu’il peut.

Cet enjeu est lié en partie à votre question sur les frais généraux. Le secteur sans but lucratif subit un stress particulier lié à sa capacité de financer ses activités à venir. Contrairement à une entreprise ou un gouvernement, il n’a aucune capacité, voire une très faible capacité, d’accroître sa dette ou de trouver des capitaux pour financer sa capitalisation pendant ses périodes de croissance et ses tentatives de développement. Donc, la question des frais administratifs et de savoir quel est le pourcentage approprié… Est-ce que chaque dollar donné à un organisme de bienfaisance devrait être consacré à ses activités, ou est-ce qu’une partie de cet argent devrait être conservé pour permettre à l’organisation de se développer en vue d’assurer ses activités futures?

Comme l’a déclaré un philanthrope américain relativement célèbre : « Si j’obtiens 50 000 $ en dons, je pourrai avoir une incidence de 50 000 $ si j’utilise la totalité des fonds qui ont été recueillis et qu’il n’y a aucuns frais généraux. Cependant, si je peux employer 20 000 des 50 000 $ afin d’accroître mes dons jusqu’à ce qu’ils totalisent 300 000 $, je serai en mesure d’avoir une incidence de 280 000 $. Quel scénario préférez-vous? »

Il s’agit là d’une question épineuse que le secteur doit régler. Si les gouvernements ou la société nous fournissaient des directives quant à la façon dont nous devons cerner cette question et quant au nombre magique que nous devons viser, cela aiderait peut-être le secteur à croître et à prospérer. Je le répète, en un sens, les organismes de bienfaisance n’ont aucun moyen de financer leur avenir, si ce n’est qu’en omettant de répartir certains de leurs bénéfices. Elles exercent donc leurs activités dans le dénuement cycle après cycle, en demandant des subventions et en sollicitant des dons, parce qu’elles sont incapables de se procurer des capitaux.

Votre dernière question concerne le mérite. Quelles sont les qualités d’un bon membre du conseil d’administration? Comment reconnaît-on le meilleur candidat pour un poste? Au-delà d’un certain seuil, c’est une notion tout à fait subjective. Si notre organisation a besoin d’un trésorier, nous chercherons peut-être à embaucher un comptable. Si notre conseil d’administration a besoin de conseils juridiques, nous chercherons peut-être à embaucher un avocat. Mais cet avocat doit-il nécessairement être membre d’un parti politique ou d’un autre, être membre d’une race ou d’une ethnie quelconque, être un homme ou une femme? Non, nous recherchons un seuil d’expérience ou de compétence de base. Au-delà de cela, nous nous aventurons sur un terrain subjectif.

C’est lorsque les choses deviennent subjectives que des problèmes liés à la gouvernance surviennent parce que, trop souvent, nous faisons appel à des avocats que nous connaissons au lieu de mener des recherches qui ne tiennent pas compte des cliques et de nos réseaux d’amis. Les processus de planification de la relève ou de recherche de candidats sont des domaines dans lesquels on peut aborder les questions de diversité et d’inclusion d’une façon très neutre, en s’éloignant simplement des réseaux personnels de contacts et en s’engageant dans une voie différente, une voie qui ressemble davantage à ce que vous vous attendriez à faire si vous embauchiez des employés. Il existe une norme de compétence et de qualification au-delà de laquelle l’évaluation devient subjective.

Le sénateur Duffy : Je remercie nos deux témoins des exposés très intéressants et informatifs qu’ils nous ont donnés.

Dans plusieurs de nos petites collectivités rurales, la diversité raciale est limitée. Cependant, on y retrouve une certaine diversité religieuse. Dans de nombreuses collectivités, petites et grandes, les églises offrent un genre de lieu de rencontre et un grand nombre des services que requièrent les nouveaux arrivants au Canada. En fait, certaines des églises conçues pour se porter à la rencontre des nouveaux arrivants sont plus dynamiques et actives que les églises soi-disant traditionnelles.

Lorsque les organismes de bienfaisance ou les organismes sans but lucratif envisagent la diversité, tiennent-elles également compte de la diversité religieuse? Comment cerne-t-on cet aspect?

Mme Choo : Merci. Voilà une excellente question, sénateur Duffy, qui porte sur la diversité religieuse et la façon dont nous composons avec elle.

Certes, pour la première fois à S.U.C.C.E.S.S., au cours de nos 45 années d’histoire à titre d’organisation sans but lucratif, nous avons discuté des différentes convictions religieuses de notre personnel. Bon nombre de gens ne savent pas ce qu’est le ramadan. Nous voulons donc les renseigner pour nous assurer qu’ils comprennent les besoins spirituels qui accompagnent les différences raciales.

Je pense qu’il est important de tenir compte de cet aspect. En ce qui concerne les pratiques religieuses, bon nombre de gens croient que, si vous ne suivez pas les grands courants, vous êtes un paria. Ce n’est pas une valeur en laquelle nous croyons sur le plan de la diversité et de l’inclusion. Je crois que le respect de la religion de quelqu’un est l’un des moyens de soutenir son identité et ses croyances. J’estime que, lorsque l’on envisage quelqu’un d’une façon vraiment globale, au lieu de se limiter à ses différences physiques ou linguistiques, on doit tenir compte de ses croyances religieuses ou du soutien spirituel dont il a besoin. Envisagés globalement, les besoins religieux et spirituels d’une personne sont tout aussi importants, et nous devons le comprendre pour être en mesure de promouvoir la diversité et l’inclusion dans notre conversation actuelle.

M. Fredette : Tous les sujets épineux sont abordés aujourd’hui.

Le sénateur Duffy : Comment cerneriez-vous cette dimension dans les données que vous recherchez? L’une de vos questions porterait-elle sur ce sujet?

M. Fredette : Ce n’est pas le genre de questions qui figureraient dans un document du Recensement du Canada. Ce n’est pas une subdivision que j’aurais songé à prendre en considération, si ce n’est que pour catégoriser l’organisation en fonction de sa raison d’être. Une communauté sociale délimitée par une église, une synagogue, un temple ou une mosquée demeure une communauté sociale. Si ses membres se fixent un objectif social, dont le thème central coïncide avec leurs croyances religieuses, mais présente un avantage social, c’est une excellente chose. Je ne suis pas sûr que qui que ce soit devrait se préoccuper de cela.

Je pense qu’un examen de nos voisins du Sud nous porterait à croire qu’il arrive que les institutions religieuses soient utilisées plus souvent pour nous diviser que pour nous unir. Dans la mesure où nous voyons des institutions confessionnelles œuvrer à des fins d’inclusion, en s’occupant des personnes âgées, en particulier dans les régions rurales ou éloignées où les enfants sont partis et les familles sont divisées ou fragmentées, cela ne me pose aucun problème. Il arrive que les institutions religieuses offrent non seulement des soins spirituels, mais aussi de la nourriture, des repas, du réconfort et de la compassion, et ce sont toutes des valeurs auxquelles nous devrions être attachés.

Toutefois, il y a un seuil critique où nous commençons à voir les institutions religieuses servir de prétexte à des divisions qui ne sont pas particulièrement observables.

Le sénateur Duffy : Je comprends cela. Là où je veux en venir, c’est que, si nous cherchons à cerner la diversité au-delà de la communauté paroissiale, nous constaterons qu’il y a de vastes régions rurales canadiennes qui comptent très peu de minorités visibles, voire aucune, mais qui abritent des gens de différentes religions qui ont tendance, même de nos jours, à vivre séparément plutôt qu’à se tenir les coudes. Alors, comment pouvons-nous jeter un pont entre ces gens? Comment pouvons-nous rendre la société ou nos communautés plus cohésives, alors que des divisions religieuses sévissent depuis des centaines d’années? Madame Choo, pouvons-nous, à l’avenir, intégrer cet objectif dans notre secteur sans but lucratif, d’une manière ou d’une autre?

Mme Choo : Sénateur Duffy, vous posez là une excellente question. Je vous remercie de l’avoir précisée davantage.

Dans certaines situations, je vois de nombreux groupes religieux intervenir. Cela se produit quand une catastrophe naturelle survient, comme une tornade, un tsunami ou un incendie de forêt. Ils pratiquent des religions différentes, mais ils conjuguent leurs efforts pour aider les victimes de ces catastrophes naturelles.

Je ne soutiens pas que nous devrions attendre qu’une catastrophe naturelle nous donne l’occasion de faire front commun et de promouvoir cette intégration. Ce que je veux dire, c’est que, à mon avis, même si les gens adhèrent à des systèmes de croyances religieuses différents, ce sont tous des êtres humains. Je pense qu’il faut envisager la façon dont nous pouvons servir les intérêts communs des gens, du point de vue des sciences humaines. Le but commun de ces groupes religieux est de faire le bien, de servir les personnes vulnérables. Je crois qu’aucun groupe religieux ne contestera le fait que c’est ce qu’il s’efforce vraiment de faire. Je pense que, compte tenu de ces points communs, nous pourrions contribuer à rapprocher les gens et les aider à reconnaître que, malgré leurs différences religieuses, ils ont des points en commun, comme leur foi en l’humanité et leur désir de faire de bonnes œuvres, qui leur permettront, à l’avenir, d’agir comme une communauté.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais m’en tenir aux compétences en matière de gouvernance. Je crois que vous avez tous dit d’eux que l’expérience vécue constituait une compétence, mais il y en a d’autres. Les gouvernants doivent comprendre les risques et la valeur de leur réputation, ils doivent être en mesure de s’acquitter de leurs responsabilités fiduciaires, et cetera. À votre connaissance, où les membres du secteur sans but lucratif et du secteur caritatif suivent-ils leur formation afin de bâtir la prochaine génération de chefs de file en matière de gouvernance, qu’ils fassent partie d’une minorité ou non? Je veux ratisser large, alors je vous pose la question à tous les deux.

M. Fredette : Bien que ce ne soit pas exactement mon domaine, je suis heureux de signaler qu’il existe une variété d’instituts de politique publique et d’instituts sans but lucratif qui se développent et prospèrent au Canada, au sein des universités. Le système américain compte aussi un nombre incroyable d’instituts de politique publique et d’instituts sans but lucratif très prestigieux, et ses instituts tiennent à jour une liste croissante des organismes qui fonctionnent.

Une partie de ce travail est également accomplie au sein des collectivités. Centraide offre un certain nombre de programmes de formation dans ce domaine.

De plus, les écoles de commerce des universités enseignent une foule de principes de gestion du risque et de préparation non seulement dans le cadre de programmes de grades en gestion générale, mais aussi dans le cadre de programmes de grades en comptabilité et en finances, ce qui est très utile.

Je crois que c’est Mme Winter qui, au cours d’une séance antérieure, a parlé de certaines des ressources en ligne qui sont accessibles dans le cadre de programmes qui étaient offerts anciennement par la Fondation Maytree et qui le sont maintenant par DiverseCity onBoard et d’autres organisations qui font la promotion du perfectionnement de cette manière. Il y a des voies et des cheminements qui permettent d’acquérir ces compétences.

Personnellement, j’observe sur le terrain un virage sain vers le secteur. Cependant, il y a moins de gens qui se tournent vers le secteur sans but lucratif que vers les groupes d’intérêt public et les entreprises sociales. Il conviendrait donc de commencer à songer à la façon dont nous pourrions nous entendre pour délimiter ces entités.

L’un des appels que j’ai reçus de la part du directeur général de Centraide dans la région de Windsor-Essex concernait en réalité la nécessité de disposer d’un ensemble de lignes directrices cohérentes et normalisées concernant la nature exacte des changements qui entraînent la perte du statut d’organisme de bienfaisance, lorsqu’ils s’impliquent dans des entreprises sociales. Où se situe la fine ligne de démarcation jaune? Les membres de leur conseil d’administration ont remarqué un certain nombre d’occasions de combler l’écart entre les programmes et d’améliorer leur efficacité sur le terrain, mais ils ne sont pas prêts à prendre le risque de s’aventurer dans ce secteur. Mes propres étudiants de premier cycle et de cycles supérieurs partagent leur sentiment. Ils se passionnent pour les entreprises sociales, la possibilité d’avoir une incidence ou un effet bénéfique et les solutions évolutives. Ils ont tendance à lever les yeux au ciel lorsque nous parlons du secteur sans but lucratif.

Mme Choo : Il y a du travail à faire à cet égard, et le processus de formation sur la gouvernance et d’apprentissage de la gouvernance n’est jamais terminé. Toutefois, il est tout aussi important de prévoir un mentorat pratique en plus de l’apprentissage en classe. Des organismes comme DiverseCity onBoard et Vantage Point, en Colombie-Britannique, qui offrent un éventail de services visant à appuyer le leadership et la gouvernance du secteur sans but lucratif, font un excellent travail.

Le président : Au nom du comité, j’aimerais vous remercier tous les deux d’avoir comparu devant nous ce soir. Vous avez engendré un grand nombre de questions et de réflexions, et nous vous sommes reconnaissants de votre participation.

Nous accueillons maintenant nos prochains témoins, notamment Mme Laura Ryser, directrice de recherche du Programme d’études sur les petites villes et les localités rurales de l’Université de Northern British-Columbia qui, soit dit en passant, est un endroit magnifique. Nous recevons également M. Bruce Miller, stratège principal, Philanthropie, inclusion sociale et réconciliation, Creaddo Group, et Mme Wendy Cukier, fondatrice et directrice, Institut de la diversité, Université Ryerson. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à comparaître.

Je vous invite à faire vos exposés. Je vous rappelle que nous aimerions que la durée de chaque exposé soit de cinq à sept minutes. Ensuite, nous passerons aux séries de questions. Je demanderais à nos intervenants et nos témoins d’être brefs, afin que nous puissions poser le plus grand nombre de questions possible. Notre dernier groupe d’experts a engendré un grand nombre de réflexions et d’excellentes questions.

Nous allons commencer par Mme Ryser.

Laura Ryser, directrice de recherche, Programme d’études sur les petites villes et les localités rurales, Université de Northern British Columbia, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur Mercer. Je remercie également tous les membres du comité. Je suis ravie de pouvoir discuter avec vous de l’impact qu’ont les politiques fédérales et provinciales sur les organismes à but non lucratif. Je parlerai surtout des organismes en milieu rural.

Je veux d’abord parler du contexte rural dans lequel les organismes à but non lucratif évoluent, car la situation d’aujourd’hui est sans précédent. Bien entendu, après avoir attiré de jeunes travailleurs et leur famille dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, les collectivités sont en bonne partie vieillissantes. Bon nombre de ces petites collectivités ont également des infrastructures vieillissantes qui ont été mises en place avant ou immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, et l’inconvénient, c’est que non seulement ces infrastructures sont vieillissantes, mais elles n’ont jamais été conçues pour les besoins et l’utilisation que nous prévoyons de nos jours.

En outre, le stress environnemental augmente. En Colombie-Britannique, les deux dernières saisons de feux de forêt ont été particulièrement dévastatrices et ont nécessité une augmentation de l’aide de bénévoles et d’organismes à but non lucratif. Les régions rurales ont vécu des décennies de restructuration et de consolidation industrielles qui ont mené à la perte de bénévoles, de membres de conseil d’administration et de fonds pour les organismes à but non lucratif, alors même que ces organismes couvrent de plus grandes zones géographiques.

Je veux souligner que le Canada rural est très diversifié. Bien sûr, compte tenu de nouveaux investissements importants — comme celui de 4,8 milliards de dollars de Rio Tinto dans le projet de modernisation à Kitimat, qui est maintenant terminé, et celui de 40 milliards de dollars dans le projet LNG Canada qui a été annoncé récemment —, la main-d’œuvre des différents secteurs — construction, pétrole et gaz, secteur minier, camionnage, et cetera — est plus mobile que jamais. Cela a d’importantes répercussions et fait en sorte que les organismes à but non lucratif sont maintenant sollicités considérablement pour répondre aux besoins des travailleurs mobiles, de leur conjoint ou conjointe, de leurs enfants, de leurs parents et d’autres résidants vulnérables tant dans les collectivités sources que dans les collectivités d’accueil. La mobilité de la main-d’œuvre et les quarts prolongés réduisent le bassin de bénévoles des organismes à but non lucratif en milieu rural.

Dans ce contexte, les choses ont été également difficiles sur le plan de la planification stratégique et de la production de rapports. Les organismes à but non lucratif doivent s’adapter en fonction de différentes choses : modifications apportées aux orientations politiques, examens des services, réduction du financement, programmes de financement à court terme, changements de programme et autres formes de restructuration des services.

Pour la suite des choses, nous voulons vraiment trouver des moyens d’accroître la viabilité et la résilience des organismes à but non lucratif pour qu’ils puissent soutenir les petites collectivités. Je vais parler surtout de certaines des choses qui peuvent mériter votre attention et qui favoriseraient le renforcement de la viabilité et de la résilience de ces organismes.

La première préoccupation concerne le soutien du sommet vers la base. Les décideurs ne sont pas toujours conscients des distances que les clients et les organismes à but non lucratif doivent parcourir dans les régions rurales et de leurs répercussions sur les budgets, les processus de recrutement et de maintien de l’effectif, le soutien à la communication, la collaboration et, bien entendu, la sécurité dans les déplacements en hiver, surtout dans les montagnes. Il faut que les ressources nécessaires soient approuvées dans des contrats.

Contrairement aux collectivités à industrie unique, les villes qui ont différents secteurs de ressources peuvent ne pas vivre des cycles d’expansion et de ralentissement à proprement parler. Elles vivront plutôt des vagues régionales si différents secteurs connaissent une expansion ou un ralentissement à divers moments. Nous constatons que les organismes à but non lucratif répondent aux besoins liés à une expansion tout en répondant à ceux liés à un ralentissement dans différents secteurs des ressources. C’est ce qui fait en sorte que les politiques et les contrats doivent offrir plus de souplesse pour que les organismes à but non lucratif puissent réagir rapidement aux changements sociaux et économiques rapides.

Dans le cadre des politiques fédérales et provinciales, les gouvernements s’attendent de plus en plus à ce que les organismes à but non lucratif adoptent des modèles de services intégrés ou partagés, ce qui mine la capacité de nos organismes à but non lucratif en milieu rural. Nous devons tenter de nous doter d’une meilleure orientation pour les modèles de services partagés et d’infrastructure afin que les cadres supérieurs du gouvernement soient mieux en mesure de fournir des conseils, des programmes de financement et des processus de production de rapports qui conviennent pour ces initiatives.

Il faut normaliser et simplifier les processus de présentation de rapports provinciaux et fédéraux compte tenu des différents processus de présentation de rapports, critères, échéanciers et bases de données qui sont utilisés. Pour régler les problèmes d’infrastructure, il nous faut des programmes qui appuient les investissements dans les initiatives d’infrastructures sociales partagées. Dans ces programmes, les organismes à but non lucratif auraient besoin du temps voulu pour établir ces liens et investir dans la planification qui s’impose pour ces activités complexes.

Nous avons constaté également que des immeubles appartenant aux gouvernements provinciaux, comme les écoles, ne sont pas admissibles à des subventions fédérales visant à améliorer l’accessibilité. Par conséquent, ils ne peuvent pas répondre aux besoins d’organismes à but non lucratif qui pourraient être installés au même endroit. Ce qu’il nous faut, c’est qu’un changement de cap en quelque sorte soit effectué dans les politiques stratégiques pour que nos petites collectivités puissent tirer le maximum de ces biens.

Il n’existe pas de carrefour permettant aux organismes à but non lucratif en milieu rural d’en apprendre sur ces différents modèles et processus qui sont utilisés pour élaborer des initiatives de services partagés et d’infrastructure, qu’il s’agisse de l’occupation commune, des coopératives de services, des guichets uniques ou d’autres mécanismes qui existent. Par conséquent, on ne connaît pas très bien les ententes de propriété et d’utilisation, les caractéristiques de conception, les risques et les responsabilités et l’ensemble de protocoles qui sont nécessaires pour orienter l’élaboration, le fonctionnement et le maintien de ces initiatives.

Le président : Merci beaucoup. Nous vous poserons des questions, et je sais que certains d’entre nous en ont déjà.

Monsieur Miller?

Bruce Miller, stratège principal, Philanthropie, inclusion sociale et réconciliation, Creaddo Group, à titre personnel : Merci, monsieur le président.

Le projet de recherche dont on m’a invité à venir parler, qui s’intitule Aboriginal Philanthropy in Canada: A Foundation for Understanding, tient son origine d’un concept qui est apparu dans les discussions de juin 2008. Ce qui était émouvant à l’époque, c’est que notre conférence a eu lieu pendant que Stephen Harper présentait des excuses au sujet des pensionnats indiens. Donc, étant donné que les nouvelles possibilités et façons de penser liées à la philanthropie axée sur les Autochtones sont encore peu connues, nous avons estimé qu’il était temps d’examiner certaines de ces questions plus en profondeur. Ainsi, le Cercle sur la philanthropie et les peuples autochtones au Canada s’est associé à Centraide Winnipeg et à certains groupes pour produire un document de recherche sur la philanthropie autochtone au Canada.

À l’époque, notre objectif était de produire un document de discussion basé sur la recherche qui donnerait un aperçu des données, des histoires, des façons de voir les choses, des modèles de subvention et des nouvelles possibilités et façons de penser liées à la philanthropie axée sur les Autochtones. Le projet visait entre autres à produire ce document, à faire ressortir et à analyser un ensemble de modèles et de processus de subvention appropriés — en particulier, ceux qui ont donné de bons résultats —, à attirer l’attention sur de possibles champs d’intervention où la philanthropie pourrait fort probablement aider à améliorer le développement et le bien-être des Autochtones et à examiner des possibilités de développer les capacités philanthropiques au sein des communautés autochtones. Il y avait des éléments de la recherche concernant certaines choses : conception de la recherche, revue de la littérature, revue de documents existants, entrevues avec des informateurs principaux, enquête auprès de certains organismes philanthropiques du pays, étude de cas approfondie et analyse intégrée.

Entre autres faits, je mentionnerais que la population autochtone est plus jeune que la population non autochtone, ce qui illustre un enjeu important auquel les peuples autochtones font face. La population est jeune et elle augmente, et ce, dans la pauvreté. De plus, nous croyons que, selon les données, il y a une différence considérable dans la réussite scolaire chez les Premières Nations, et l’augmentation du financement de l’éducation des Premières Nations est plafonnée à 2 p. 100 depuis 1996, alors que les paiements de transfert aux provinces augmentent de 6 p. 100 par année.

Ce que nous avons dit ici, c’est qu’on semble appliquer une règle de deux poids, deux mesures quant aux ressources mises en œuvre permises malgré, premièrement, les nombreuses promesses qu’a faites le gouvernement fédéral de réduire l’écart quant au niveau de scolarité; deuxièmement, le fait que la population des Premières Nations augmente deux fois plus vite que la population générale au pays; et troisièmement, le fait que d’ici 2020, plus de 50 p. 100 de la population des Premières Nations aura moins de 25 ans.

L’une des choses que nous avons mentionnées dans le cadre de la recherche, c’est que nous avions ces valeurs communes. Un peu plus tôt, j’ai entendu quelqu’un parler de valeurs, comme le partage, l’empathie, le don et l’action concrète. Pourtant, il y avait un fossé entre la philanthropie concernant les peuples autochtones et la philanthropie concernant la population générale.

Au moment de la recherche, j’appelais cela un fossé, mais maintenant, nous en savons plus sur notre histoire commune et sur l’orientation que prend la réconciliation. À l’époque, nous parlions d’un avantage lié à une relation améliorée qui supposait que le secteur philanthropique en apprenne sur les questions fondamentales auxquelles sont confrontées les communautés et les organisations autochtones et comprenne mieux ce qui changera les choses fondamentalement et durablement; que les dirigeants autochtones apprennent à mieux s’exprimer et remettent en question des modèles de philanthropie qui ne les ont pas bien servis jusqu’à maintenant; et que les dirigeants des deux côtés évoluent dans l’établissement de bonnes relations.

Nous estimions en quelque sorte qu’un élément de méfiance avait toujours existé et qu’il fallait que cette relation soit fondée sur la confiance et la compréhension, et que pour bâtir cette compréhension, il était nécessaire d’acquérir des connaissances. L’apprentissage doit se faire des deux côtés.

Pour conclure, je mentionnerais que j’ai formulé la magnifique ironie dans le sujet général du document, soit que la philanthropie a à voir avec les valeurs de partage, d’empathie, de don et d’action concrète. En tant que premiers philanthropes de ces terres, toutes les cultures autochtones ont intégré une riche histoire de ces valeurs. Il y a pourtant un grand fossé entre la philanthropie moderne et les peuples autochtones.

Certaines fondations commencent à prendre ces mesures pour tisser des liens plus solides avec les premiers peuples, soit par un engagement à l’égard d’une relation à long terme avec une communauté en particulier ou par des investissements, comme l’organisme Coast Opportunity Funds, que nous avons mentionné dans la recherche. Par contre, de plus en plus, les peuples autochtones commencent à établir leurs propres fondations, et on voit naître une classe moyenne d’Autochtones.

Il y a également de nombreuses leçons à tirer du rapport. Tout d’abord, il nous faut examiner ce qui fonctionne bien et nous en inspirer. Nous devons établir des relations fructueuses en personne. Nous devons également bâtir la confiance, élément essentiel aux deux parties. Pour les communautés des Premières Nations, il est important que la fondation ait un message cohérent et prenne un engagement envers des projets menés par la communauté et des investissements dans ces secteurs. Pour les fondations, il est important de faire confiance aux dirigeants locaux, car elles financent souvent tant des gens que des projets. Nous devons donc examiner cela aussi.

L’autre chose que je veux mentionner, c’est que, lorsque le rapport de la Commission de vérité et réconciliation a été publié, les communautés philanthropiques du Canada ont répondu avec une déclaration d’action. En gros, nous devons apprendre, écouter, comprendre et reconnaître ce passé colonial que nous avons en commun. Il nous faut honorer les gens qui sont allés dans les pensionnats et trouver cette voie à suivre comme la Commission de vérité et réconciliation l’a recommandé dans ses appels à l’action.

Nous devons aussi et surtout nous pencher sur la voie à suivre et trouver de nouvelles façons de penser. Nous devons utiliser nos ressources pour tirer parti des relations afin d’améliorer le Canada. Nous savons que lorsque les fondations examinent leur passé, elles voient qu’elles ont joué un rôle dans l’histoire. Nous devons surmonter notre histoire commune et travailler ensemble à l’amélioration du Canada. Je suis convaincu que la philanthropie peut contribuer à la réconciliation. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Miller. Votre exposé était très éclairant. Il suscitera aussi plusieurs questions.

Wendy Cukier, fondatrice et directrice, Institut de la diversité, Université Ryerson, à titre personnel : Merci beaucoup de m’avoir invitée à me joindre à vous. Je m’intéresse au travail de votre comité à deux égards : d’abord, par rapport à mon travail actuel relatif à l’innovation sociale et aux nouveaux modèles visant l’atteinte des objectifs sociaux; et ensuite, bien sûr, du point de vue de la diversité et du lien entre les deux.

De nombreuses recherches montrent les façons dont la diversité peut stimuler l’innovation. Or, nous devons également trouver comment exploiter nos connaissances en matière de processus d’innovation pour favoriser la diversité et l’inclusion dans le milieu, car c’est la seule façon d’atteindre nos objectifs sociaux, qu’il soit question de santé, de paix, de droits de la personne, de réduction de la pauvreté ou autres. À mes yeux, ces choses sont étroitement liées.

J’ai écouté les témoins précédents et je ne veux pas répéter ce qu’ils ont dit. Je travaille dans une école de commerce, donc, franchement, je n’ai pas d’attachement romantique au secteur sans but lucratif. Toutefois, je suis d’avis que, malgré les difficultés qu’il éprouve, le secteur a moyen d’améliorer son fonctionnement, de réduire la fragmentation, d’améliorer la gouvernance et la reddition de comptes, ainsi que d’accroître l’efficacité de son utilisation des données probantes. Un des défis, qu’il soit question de l’intégration des immigrants ou encore du traitement des personnes handicapées ou certainement des Autochtones, c’est que l’ensemble n’est pas plus grand que la somme des parties.

D’après moi, un des problèmes majeurs du secteur est l’importante fragmentation et, franchement, la concurrence, qui nous empêchent d’en faire autant que nous le pourrions. Je pense qu’il s’agit d’une tout autre discussion, mais il y a beaucoup d’éléments à examiner de ce côté.

Comme l’a souligné le groupe précédent, non seulement la demande augmente, mais aussi les ressources diminuent, en partie parce qu’au cœur de la plupart des organismes du secteur bénévole se trouvent des gens de mon âge ou plus âgés. On le constate quand on voit l’écriture en pattes de mouches sur les chèques de dons.

Un des principaux défis que nous devons relever, c’est de trouver de nouvelles façons de renforcer les capacités du secteur afin d’attirer et de faire participer les jeunes. Comme les témoins précédents l’ont dit, nombreux sont les jeunes qui souhaitent ardemment contribuer à l’atteinte des objectifs sociaux — de fait, ils choisissent leurs employeurs en fonction de la responsabilité sociale des entreprises, par exemple —, et pourtant, ils ne s’impliquent pas aussi activement que nous le souhaiterions dans les organismes traditionnels du secteur bénévole.

À mon avis, il y a de réelles contradictions dans le secteur quant aux façons de le renforcer. Toutefois, je vais consacrer le temps qu’il me reste aux questions liées précisément à la diversité et à l’inclusion.

Vous avez déjà entendu certaines données. On s’interroge sur la façon de définir la diversité et l’inclusion. Récemment, j’ai joué un rôle très actif dans le dossier du projet de loi C-25. Je commence toujours par les groupes visés par l’équité en matière d’emploi. Même si ces catégories ne sont pas parfaites, je pense qu’il faut se pencher d’abord sur les groupes traditionnellement défavorisés ou exclus : les femmes, les minorités raciales, les peuples autochtones et les personnes handicapées. Bien sûr, on peut ensuite établir des liens, par exemple, avec les collectivités rurales ou la situation socioéconomique, qui est manifestement un facteur. Toutefois, je pense qu’il faut au moins considérer les groupes visés par l’équité en matière d’emploi lorsqu’il est question de diversité.

Nos recherches ont révélé des tendances inquiétantes. Nous avons constaté des progrès considérables quant à l’obtention par des femmes de postes de leadership dans le secteur, que ce soit au sein de grands organismes caritatifs, d’hôpitaux, d’établissements postsecondaires, d’agences, de conseils, de commissions ou autres. C’est formidable, mais on ne voit pas de progrès pareils chez les autres groupes.

En effet, dans le cadre d’une étude sur la ville de Toronto, nous avons effectué une analyse approfondie des plus grands organismes. À Toronto, pour chaque femme blanche, il y a une femme appartenant à une minorité visible; le rapport est maintenant de 50/50. Or, dans le secteur bénévole, 10 fois plus de femmes blanches que de femmes appartenant à une minorité visible occupent des postes de direction. Cette donnée révèle un problème, et c’est encore pire pour les femmes autochtones ou les femmes handicapées.

L’autre point extrêmement important, c’est que souvent, les gens déclarent qu’ils cherchaient une personne appartenant à une minorité visible, une femme ou un Autochtone, mais qu’ils n’en ont pas trouvé. Pourtant, selon les données du secteur bénévole, à Toronto, 20 p. 100 des postes des conseils d’administration de 38 p. 100 des plus grands organismes étaient occupés par des personnes appartenant à une minorité visible — ce n’est pas excellent, mais c’est mieux que rien —, tandis que 20 p. 100 des conseils ne comptaient aucun membre appartenant à une minorité visible. Si certains organismes peuvent atteindre 20 p. 100 et d’autres sont à zéro, le problème n’est pas le manque de candidats. La situation est la même dans le secteur des entreprises. Certains conseils d’administration du secteur privé ont atteint 30 ou 40 p. 100, alors que d’autres sont à zéro. Il y a donc des problèmes à cet égard.

Surtout compte tenu de l’adoption du projet de loi C-25, en vertu duquel le principe « se conformer ou s’expliquer » sera applicable à un nombre considérablement accru d’entreprises du secteur privé, je trouve ironique que le secteur sans but lucratif ne doive pas respecter des normes au moins équivalentes. Je travaille pour une université. Aux termes du projet de loi C-25, une petite ou une moyenne entreprise de 20 employés devra répondre à de plus grandes exigences relatives aux déclarations que l’université pour laquelle je travaille. Je suis aussi présidente du conseil d’administration du Women’s College Hospital. L’entreprise manufacturière de taille moyenne qui fait du ketchup à Leamington devra respecter plus d’exigences relatives aux déclarations et à la planification en matière de diversité que l’hôpital dont je suis la présidente.

Je reconnais qu’il s’agit d’un secteur très divers formé de petits et de grands organismes. Je pense qu’un des témoins précédents a proposé de commencer par le plus facile. On pourrait fixer un seuil, mais à mon avis, il y a un réel décalage lorsque des organismes qui visent des objectifs sociaux ne reflètent pas ces objectifs dans leurs pratiques en matière de ressources humaines.

Pour ce qui concerne les solutions, selon moi, l’orientation stratégique est absolument essentielle. Examinez l’analyse de rentabilisation. Ce ne sont pas seulement des organismes sans but lucratif qui se disputent des fonds; des gens divers ont de l’argent, y compris des jeunes et des moins jeunes. Aussi, le talent est une question cruciale dans ce secteur. En excluant la moitié de la population, on ne peut certainement pas avoir accès au talent. En outre, la clientèle de nombreux organismes est de plus en plus diverse. Si le personnel et la direction ne reflètent pas la clientèle, il y a un décalage énorme. Selon moi, c’est un des problèmes de longue date du secteur : on associe certaines personnes aux donateurs ou aux bienfaiteurs, et d’autres aux clients ou aux bénéficiaires de la philanthropie. À mon avis, cette attitude a renforcé des stéréotypes qu’il faut déconstruire pour réaliser des progrès en matière de diversité et d’inclusion.

Je vais m’arrêter ici. Je serai ravie de répondre à vos questions ou d’approfondir les réflexions.

Le président : Merci beaucoup pour votre exposé, madame Cukier.

La sénatrice Omidvar : J’ai trois questions. Je tenterai d’être brève. Je vais m’adresser d’abord à Mme Cukier parce qu’elle a présenté son exposé en dernier et que c’est encore frais. Nous vous connaissons surtout pour votre défense du contrôle des armes, mais nous sommes ravis de vous recevoir à ce sujet, madame.

Avez-vous bien laissé entendre que le secteur caritatif et sans but lucratif devrait au moins établir des objectifs volontaires et en rendre compte? Pour les téléspectateurs, précisons que les objectifs ne sont pas des quotas, mais qu’ils représentent un point de départ. Cette exigence devrait-elle être incluse dans la loi?

Mme Cukier : Oui. Je précise, pour le compte rendu, que c’est bien ce que je soutiens. Je n’ai pas appuyé l’idée d’élargir la portée du projet de loi C-25 pour inclure les organismes sans but lucratif. Toutefois, je crois qu’il y a beaucoup de choses à faire pour moderniser les dispositions législatives relatives à ce secteur, et les modèles fondés sur le principe « se conformer ou s’expliquer » seraient un très bon choix.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Monsieur Miller, merci pour votre exposé. Le secteur caritatif et sans but lucratif est énorme; il compte quelque 160 000 organismes. À mon avis, ces organismes sont particulièrement bien placés pour favoriser pleinement la réconciliation dans le secteur.

Selon vous, ont-ils entamé le processus, ou s’agit-il seulement de quelques organismes et de quelques philanthropes? Le mouvement prend-il de l’expansion?

M. Miller : Merci. Je suis plein d’espoir, donc je vais répondre en conséquence.

En réponse à la Commission de vérité et de réconciliation, Fondations philanthropiques Canada, les Fondations communautaires du Canada et nombre d’autres signataires — je pense qu’ils sont 90 — ont signé la déclaration d’action de la communauté philanthropique.

Je le répète, selon moi, ces organismes dirigent l’action, chacun à partir de son propre point de vue. Cependant, comme je l’ai déjà dit, nous devons apprendre à écouter les personnes qui ont fréquenté les pensionnats indiens, à les comprendre, à les reconnaître, à les honorer et à écouter leurs témoignages. J’espère que nous arriverons un jour à partager nos ressources, nos réseaux et nos nouvelles façons de penser. Je ne crois pas que nous soyons rendus là, qu’il y ait eu un changement de mentalité ou de paradigme. Toutefois, je suis d’avis que certains organismes ont ce que j’appelle le « courage bienfaisant » d’au moins se regarder dans le miroir et de commencer à examiner leur passé. J’ai rencontré personnellement des représentants de fondations qui ont contribué au financement des pensionnats indiens par l’intermédiaire de leurs donateurs, avec, je le répète, de bonnes intentions. Or, on reconnaît aujourd’hui qu’ils faisaient partie d’un système. Ces organismes ont défini eux-mêmes le rôle qu’ils doivent jouer dans le processus de réconciliation maintenant qu’ils connaissent une partie de cette histoire commune. Aujourd’hui, ces organismes et d’autres doivent trouver des moyens de surmonter ce passé et de commencer le processus, en suivant la voie tracée par la CVR et en répondant à ses appels à l’action. À mon sens, l’objectif réel est de bâtir une relation renouvelée fondée sur la reconnaissance et le respect mutuels.

J’étais à un événement sportif récemment où l’on voulait formuler une proposition de valeur dans le but d’améliorer le système sportif canadien. Une des premières actions des gens présents a été de reconnaître le territoire. La reconnaissance était donc là, mais ils n’ont pas tenu compte de nos valeurs, car nous partageons les mêmes valeurs. Nous sommes les sportifs originaux du territoire — nous avons la crosse et d’autres jeux traditionnels —, mais cela ne faisait pas partie de la proposition de valeur. Je pense qu’ils ont l’idée de la reconnaissance mutuelle, mais pas celle du respect parce qu’ils n’ont pas parlé d’inclure les valeurs autochtones dans la proposition. Ils considèrent les valeurs dans le contexte canadien, mais pas dans le contexte précédent. Pourtant, nous avons influé sur les valeurs canadiennes dans leur ensemble. Si vous lisez Mon pays métis : quelques vérités sur le Canada, de John Ralston Saul, vous verrez que nous avons certainement influencé les valeurs canadiennes. Voilà ma réponse courte.

La sénatrice Omidvar : Merci. C’est une très bonne explication.

Madame Ryser, vous avez parlé des feux de forêt en Colombie-Britannique. Avec un groupe de témoins précédent, nous avons parlé des catastrophes naturelles et anthropiques — par exemple, celles de Lac-Mégantic, de Fort McMurray et de Humboldt. Pour une raison quelconque, elles semblent toutes être arrivées dans des collectivités rurales. Nous encourageons les Canadiens à aider les sinistrés à l’étranger en versant un montant égal à leurs dons. À votre avis, devrions-nous employer la même mesure incitative pour encourager les Canadiens à faire des dons afin de venir en aide aux sinistrés au Canada et à l’étranger? Une telle mesure serait-elle utile?

Mme Ryser : Oui, absolument, car les petites collectivités ne bénéficient plus nécessairement de l’assiette fiscale industrielle qu’elles avaient auparavant, ou l’assiette fiscale industrielle se trouve parfois à l’extérieur de la municipalité. C’est donc beaucoup plus difficile pour les collectivités d’amasser les ressources dont elles ont besoin. Je pense qu’il s’agit d’une excellente idée. Oui.

Le sénateur R. Black : J’ai trois questions liées aux collectivités rurales, une pour chacun de vous. Madame Cukier, vous avez parlé de la diversité au sein des conseils d’administration et vous avez dit que le problème n’était pas le manque de candidats. Dans ce cas, quel est le problème? Est-ce la géographie ou autre chose? Je reviens à l’aspect rural.

Mme Cukier : Certainement. Par rapport à ce que la sénatrice Omidvar a dit, je pense que c’est important de comprendre que les dispositions législatives relatives au principe « se conformer ou s’expliquer » n’imposent pas de quotas. Prenons l’exemple du genre : les femmes représentent 50 p. 100 de la population, que ce soit à Toronto, à Winnipeg ou à Fort McMurray. Or, si l’on prend les Autochtones, les personnes appartenant à une minorité visible ou même les personnes handicapées — car il y a souvent un lien avec l’âge de la population —, les rapports ne sont pas les mêmes. Comme les groupes précédents l’ont dit, il faut adapter les objectifs au contexte local.

Les objectifs et les quotas, ce n’est pas la même chose.

Je pense que c’est le sénateur Duffy qui parlait des organismes religieux. Il y a beaucoup d’organismes caritatifs et sans but lucratif religieux et ethniques. Ce n’est pas raisonnable d’exiger qu’un organisme musulman ou juif soit aussi représentatif de la population que Centraide, par exemple. Je pense qu’il faut être raisonnable.

Toutefois, l’exemple que j’ai donné portait sur les importants organismes de bienfaisance de Toronto; j’ai simplement souligné les différences. Je sais, pour avoir siégé au conseil d’administration de nombreux organismes et présidé certains d’entre eux, que le degré d’intentionnalité a une incidence considérable. Si vous commencez à réfléchir à ces questions de façon plus délibérée... Je rappelle que les derniers témoins ont indiqué que les organisations philanthropiques sans but lucratif sont très souvent le fruit de réseaux informels. Si vous pensez davantage aux ensembles de compétences et à ce qu’il vous faut pour faire un bon travail, vous obtiendrez un résultat très différent que si vous décidiez d’inviter le cousin de Fred, votre partenaire de golf, à siéger au conseil, puisqu’il est plus jeune et que Fred prend sa retraite. Lorsqu’on pense à nos propres réseaux sociaux, nous avons tous tendance à fréquenter des gens qui nous ressemblent, qui ont la même éducation, qui sont issus du même milieu socioéconomique, et cetera. Il n’y a rien de mal à cela. Toutefois, lorsqu’il s’agit de créer des organismes solides et résilients, la preuve est largement établie : la diversité et l’inclusion rendront les organismes meilleurs et permettront de puiser dans de nouvelles ressources et de nouvelles approches, en plus de servir des populations diversifiées. Il faut miser là-dessus.

Le sénateur R. Black : Merci.

Monsieur Miller, nous préparerons un rapport après notre étude. Veuillez nous donner un ou deux exemples de recommandations que vous aimeriez y voir.

M. Miller : Dans les divers rôles que j’ai joués dans les communautés autochtones du pays, j’ai souvent entendu que le Canada s’est bâti sur le dos des peuples autochtones. J’espère que ce n’est pas un commentaire déplacé. Nous devons donc penser en fonction de principes de justice sociale. Nous savons que les inégalités existent et, dans ce cas, nous devons aider ceux dont les besoins sont les plus grands. Or, ce n’est pas nécessairement le cas.

Nous savons aussi que le secteur philanthropique investit très peu dans les communautés autochtones. Lorsqu’on pense à notre histoire — que nous surmonterons, j’espère —, de meilleurs investissements pourraient être réalisés pour accroître les capacités, individuellement ou à l’échelle des organisations. Il y aurait là quelque chose de très particulier, car lorsqu’on pense aux valeurs communes que sont le partage, l’empathie, le don et l’action concrète, la philanthropie peut jouer un rôle considérable et significatif pour corriger les torts historiques par une action positive.

Nous devons réfléchir sérieusement à des notions et recommandations axées sur l’amélioration des investissements, les nouvelles façons de penser et les modèles connexes. Il faut aussi en comprendre la raison d’être, en se fondant sur des principes de justice sociale.

Lorsque les gens auront une réelle compréhension de notre histoire commune, ils prendront alors conscience que c’est la chose à faire.

Le sénateur R. Black : Merci.

Madame Ryser, je reviens à mes origines rurales. Dans votre exposé, et dans d’autres témoignages, nous avons beaucoup entendu parler des mesures à prendre dans ce secteur. Quels sont les bons coups du secteur en milieu rural actuellement?

Mme Ryser : En effet, il y a de bons coups; quel exemple pourrais-je donner? Il y a beaucoup d’innovation. Les gens reconnaissent leurs limites et trouvent des façons d’en faire plus avec les ressources dont ils disposent.

En même temps, ils peinent toujours à composer avec l’élargissement de leur mandat. Ils sont évidemment préoccupés par leur capacité d’offrir plus de services qui, sans eux, ne seraient pas offerts. Ce que je veux dire, c’est que certains organismes jouent un rôle de plus en plus important dans la gestion et le développement du parc de logements. Dans certains cas, des organismes sans but lucratif ont remplacé l’administration municipale pour l’exploitation du transport en commun, notamment dans les municipalités de Smithers, Clearwater et Penticton. Ce sont là de nouveaux rôles qui dépassent le rôle traditionnel des organismes sans but lucratif.

BC Transit leur offre un appui adéquat par l’intermédiaire d’ateliers. Il en va de même avec BC Housing qui offre notamment des ateliers pour aider le secteur sans but lucratif à accroître ses capacités. On constate également qu’on discute davantage des façons d’améliorer le contexte pour aider les organismes sans but lucratif qui souhaitent participer à des initiatives de services partagés.

Dans le cadre de la table ronde sur l’innovation et la viabilité dans le secteur des services sociaux communautaires qui s’est tenue en Colombie-Britannique, la simplification des processus et l’uniformisation des protocoles de rapports, notamment, ont fait l’objet de discussions. En même temps, certaines organisations ont toujours 30 contrats — mensuels ou trimestriels — avec 10 agences différentes. Il restera certainement du travail à faire à cet égard à l’avenir.

Le sénateur Duffy : Je remercie les témoins.

Madame Cukier, vous avez beaucoup à nous apprendre. J’aimerais vous donner l’occasion de nous aider à comprendre ou de nous en dire davantage sur certains points que vous avez déjà soulevés. Il y a d’abord le problème de la diminution du nombre de donateurs et du vieillissement des donateurs. Il y a de nombreuses années, vous avez probablement été la personne qui a eu le plus de succès au pays pour favoriser un changement social positif dans le dossier des armes à feu. Je vous en félicite. Vous savez comment amener les gens à accorder de l’importance à des choses qui visent à rendre notre pays meilleur.

Comment le comité peut-il s’attaquer au manque d’intérêt des jeunes, principalement, puisque les personnes plus âgées continuent de faire des dons, même si nous sommes plus près de la fin? Que pouvons-nous faire pour que les jeunes comprennent qu’ils peuvent avoir un rôle à jouer dans ce domaine? Les données démographiques sont très claires. Nous aurons, plus que jamais, besoin des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance alors que nous nous rapprochons du moment où l’on nous amènera dans une résidence pour personnes âgées.

Mme Cukier : Je suis aussi du nombre.

Le sénateur Duffy : D’après votre vaste expérience — et je suis sérieux —, comment pouvons-nous motiver ce groupe?

Mme Cukier : Merci beaucoup de la question. Les jeunes sont extraordinairement motivés. Ils ont une passion pour l’environnement et un engagement profond à l’égard de la diversité, et cetera. Toutefois, ils ne voient pas les liens entre leurs passions et bon nombre des activités des organismes conventionnels. Voilà le défi que nous devons relever.

Je vais vous donner un exemple, puis présenter une solution qui pourrait être novatrice. Je n’en suis pas certaine, mais je pense que cela pourrait être transformateur.

La sénatrice Omidvar et moi avons été très actives dans le dossier des réfugiés syriens. Elle a fondé Lifeline Syria, un organisme consacré à l’augmentation du nombre de parrainages privés de réfugiés syriens. L’Université Ryerson a décidé d’appuyer son initiative en créant le défi Lifeline Syria. Notre objectif était de parrainer 10 familles, de recueillir 250 000 $ et de mobiliser les étudiants. J’avais une très bonne idée de l’ampleur de la tâche, puisque j’avais parrainé une famille vietnamienne. Je me suis dit qu’on faciliterait beaucoup la vie de ces gens s’ils étaient accompagnés par des étudiants pour trouver un appartement, ouvrir un compte bancaire, et cetera. Nous avons mobilisé tous les clubs étudiants. En fin de compte, nous avons amassé 5 millions de dollars, mobilisé plus de 1 000 bénévoles et parrainé plus de 400 réfugiés syriens, et ce, simplement en faisant appel aux jeunes des universités de Toronto. Nous aurions pu continuer indéfiniment.

Mon point est le suivant : pourquoi ces jeunes se sont-ils mobilisés? Nous ne leur avons pas demandé de faire 10 heures de bénévolat par jour pour un organisme sans but lucratif. Nous leur avons parlé d’occasions de renforcement des compétences. Par exemple, les infirmières peuvent aider pour les soins de santé, tandis que les étudiants en administration des affaires peuvent aider pour les services financiers.

Donc, nous n’avons pas utilisé le discours bien-pensant qu’on entend souvent. Nous avons eu recours à la technologie, aux médias sociaux. Nous laissons les jeunes participer à la recherche de solutions.

Une de mes étudiantes était chargée de mobiliser les étudiants. Elle n’y est pas parvenue en leur demandant de se joindre à un organisme ou de donner 10 $. Elle leur a plutôt demandé ce qu’ils pouvaient faire, et comment. L’idée était de leur donner l’occasion d’être des entrepreneurs sociaux. Voilà pourquoi je pense que l’innovation, sans vouloir être trop vindicative à ce sujet... Je pense que nous avons là une incroyable occasion de tirer parti du brio et de la créativité des jeunes pour atteindre des objectifs dans le domaine social, et pas seulement pour créer la prochaine application. La volonté est là, mais nous n’appuyons pas autant l’innovation sociale que l’innovation technologique.

Nous consacrons beaucoup de ressources aux supergrappes, au corridor Toronto-Waterloo, à Sidewalk Labs, à toutes sortes de projets d’innovation technologique. C’est extrêmement important — j’ai été professeure en technologies de l’information —, mais nous ne consacrons pas autant d’énergie à l’innovation sociale et à la résolution de ces importants enjeux. Il y a une mesure transformatrice que vous pourriez prendre. Le gouvernement fédéral a déjà pris un engagement important en matière d’apprentissage intégré au travail pour les jeunes. On offre des stages subventionnés et des stages coop, mais dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. D’une façon ou d’une autre, ces jeunes obtiendront un emploi. À mon avis, le potentiel énorme réside dans la création de programmes d’apprentissage intégré au travail axés sur des objectifs sociaux, en collaboration avec le secteur sans but lucratif, en vue de favoriser les partenariats avec le secteur privé et la responsabilité sociale des entreprises. Cela pourrait transformer le secteur. Vous pourriez ainsi créer la nouvelle génération de philanthropes et donner en même temps aux jeunes une expérience de travail précieuse qui pourrait les aider à connaître plus de succès.

Le sénateur Duffy : Conviendrait-il de nommer un ministre responsable des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance?

Mme Cukier : Je ne suis pas convaincue que ce serait si avantageux que cela. Je pense que quelqu’un devrait jouer un rôle de champion, mais à mon avis, si on parvient à amener les actions sociales au centre du discours public, par l’intermédiaire des programmes de recherche, de développement économique et d’innovation existants, ce sera beaucoup plus avantageux que la création d’un silo distinct. Les véritables occasions transformatrices sont liées à ce type d’intégration. Reste à savoir si j’ai raison là-dessus.

Le sénateur Duffy : Qu’en est-il de l’ARC de qui relèvent désormais la plupart des règlements? Est-ce une erreur?

Mme Cukier : Je pense que le cadre réglementaire est un aspect distinct. L’ARC a un travail à faire, mais elle n’est pas axée sur la croissance, l’expansion et la mobilisation. La croissance relève d’ISDE, EDSC s’occupe du talent, tandis que l’ARC est chargée de l’aspect fiscal, des sociétés, des divisions, et cetera. Il faut établir un équilibre semblable. Actuellement, la perception est que le gouvernement fédéral se concentre davantage sur le contrôle du secteur, mais pas assez sur sa croissance et sur le renforcement de ses capacités.

Le président : Plus tôt, vous avez soulevé une question que je ne voulais pas laisser passer sous silence. En général, les Canadiens continuent de sous-estimer les jeunes. Lorsqu’on fait appel à eux pour résoudre des problèmes, ils trouvent des solutions qui n’auraient jamais traversé l’esprit de vieux comme moi. Il est extraordinaire de voir ce qui se produit lorsqu’on mobilise les jeunes pour résoudre des problèmes d’une grande complexité. Ils ne sont pas seulement capables de réparer mon ordinateur lorsqu’il tombe en panne; ils peuvent aussi régler bon nombre de problèmes mondiaux. Je pense que nous devons continuer de mobiliser les jeunes, leur donner du pouvoir. Donnez-leur la possibilité de changer le monde, et ils le feront.

Mme Cukier : Je suis d’accord.

Le président : Merci.

La sénatrice Omidvar : Je suis absolument ravie de tous ces extraordinaires témoignages. Madame Cukier, je me demande s’il convient de maintenir le mandat actuel de l’ARC relatif au contrôle et à la surveillance des dons de bienfaisance, des reçus de dons, et cetera. L’organisme a aussi un autre rôle, et vous avez parlé de renforcement des capacités. Est-ce une fonction intersectorielle qui touche divers ministères plutôt qu’un seul ministère? Quelles leçons pouvons-nous tirer d’autres mécanismes gouvernementaux pour ces enjeux intersectoriels?

Mme Cukier : C’est intéressant. Cela devrait-il relever du ministère des Finances ou du Conseil privé, par exemple? Pensez aux objectifs de ce secteur, comme la santé, la réduction de la pauvreté, la prévention de la criminalité, les droits de la personne. Comment peut-on en traiter en vase clos?

Si vous pouviez trouver une façon d’en saisir l’ensemble du gouvernement... Je ne connais pas assez bien l’appareil gouvernemental. Il me semble qu’il serait possible de chercher une façon d’ajouter une dimension d’innovation sociale dans tous les programmes, comme l’a fait le gouvernement actuel lorsqu’il a décidé de prendre en compte l’égalité des sexes dans tous les programmes. Je pense qu’on parviendrait à débloquer beaucoup plus de ressources si on demandait à tous les ministères ce qu’ils font pour accroître la capacité et favoriser les partenariats avec le secteur sans but lucratif. À mon avis, une action pangouvernementale en ce sens, sous la direction d’un organisme chargé d’un rôle central de coordination avec un mandat fortement axé sur l’innovation, serait un élément important. Je pense que la création d’un autre ministère ou d’un silo reviendrait à créer un ghetto. On pourrait certes le financer, mais il n’aurait pas la capacité d’opérer les transformations nécessaires pour progresser.

Le président : Chers collègues, chers témoins, je vous remercie. Ce fut une soirée extraordinaire. Je tiens à vous remercier tous les trois de vos exposés et de votre temps. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion.

Chers collègues, nous passons à huis clos pour quelques minutes.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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