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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance

Fascicule n° 13 - Témoignages du 1er avril 2019


OTTAWA, le lundi 1er avril 2019

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 11 h 1, pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse. Je suis président du comité. Pour commencer, je vais demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Duffy : Michael Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

Le président : Merci. D’autres collègues se joindront à nous au cours de la matinée.

Le comité poursuit aujourd’hui son étude visant à examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Pour ce qui est de notre premier groupe de témoins, nous accueillons M. Peter Clutterbuck, consultant principal en planification communautaire du Social Planning Network of Ontario. Nous accueillons aussi, par téléconférence, de Toronto, M. John Shields, professeur au Département des politiques et de l’administration publique de l’Université Ryerson, et Alex Mazer, associé fondateur de CommonWealth Retirement.

Merci d’avoir accepté notre invitation de comparaître et de présenter des exposés. Je tiens à rappeler à nos témoins que, conformément à nos directives, les exposés ne doivent pas durer plus de cinq à sept minutes. Après les exposés, nous passerons à une période de questions et de réponses durant laquelle chaque sénateur aura cinq minutes pour poser des questions. On fera autant de tours que possible, alors je vous demande à tous d’être le plus bref possible lorsque vous posez vos questions et que vous répondez aux questions. Nous allons commencer dans l’ordre de présentation des témoins.

Peter Clutterbuck, consultant principal en planification communautaire, Social Planning Network of Ontario : Bonjour honorables sénateurs. Je suis ici au nom du Social Planning Network of Ontario. Le réseau est composé de 18 conseils locaux de planification sociale et de conseils de développement communautaire réalisant des recherches sociales et des activités de promotion du développement communautaire à l’échelle de la province. Pour ma part, j’œuvre dans le secteur sans but lucratif... En fait, nous préférons maintenant parler du secteur du bienfait d’intérêt public, comme Cathy Taylor vous l’a probablement dit l’automne dernier.

J’œuvre donc dans le secteur depuis les années 1970. Je travaille pour le Social Planning Network of Ontario et je m’intéresse à l’emploi dans le secteur depuis plus de 20 ans, parce que beaucoup de changements en matière de financement durant les années 1990 ont réduit le financement de base ainsi que l’accès à un financement sûr et stable, ce qui a une incidence sur les effectifs. J’ai réalisé d’importants sondages et d’importantes analyses sur les ressources humaines dans la région de Halton. Je suis un membre actif du groupe de travail sur le développement de la main-d’œuvre de l’Ontario Nonprofit Network, le groupe de travail qui a réalisé la recherche ayant mené au programme sur le travail décent que Cathy Taylor vous a aussi résumé.

Plus récemment, j’ai effectué des recherches sur les compétences des futurs dirigeants et dirigeantes. À ce sujet, j’ai certains documents que je pourrai remettre au comité plus tard.

Étant donné les très nombreuses réunions que vous avez tenues depuis le printemps et après avoir entendu autant de témoins, vous en savez probablement plus qu’assez au sujet des problèmes liés à l’emploi. J’ai cru bon de mettre l’accent sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire dans les quatre domaines cernés aujourd’hui : la précarité du travail, les niveaux de rémunération, la sécurité du revenu de retraite et le recrutement, et le maintien en poste du personnel.

J’espère ainsi mettre à profit certaines de mes propres expériences professionnelles à cet égard et l’évolution de ma propre carrière dans le secteur depuis les années 1970.

L’un des enjeux les plus importants pour le secteur, c’est de réussir à mettre au point une solide stratégie de développement de la main-d’œuvre, ce qui exige l’accès à de bonnes données. Nous sommes heureux de voir que le compte satellite de Statistique Canada est de retour ce mois-ci après une pause de 10 ans. Il permet de souligner la contribution du secteur à l’économie et de mettre en lumière les disparités d’emploi majeures qui font en sorte que, alors que le revenu canadien moyen s’élève à 60 000 $, la rémunération moyenne dans le secteur communautaire de base — les petites et moyennes organisations du secteur — s’élève à 42 500 $. Nous espérons que le fait que Statistique Canada recommence à s’intéresser à cette question permettra de cerner, à l'échelle macroéconomique, ce qu’on pourrait faire pour réunir la main-d’œuvre.

Cette information peut être utilisée à l’échelon local par les conseils de planification sociale et les commissions de développement de la main-d’œuvre, qui pourront examiner la situation dans leurs collectivités de plus près, comme nous l’avons fait à Halton, en 2007, de façon à permettre une solide planification du développement des ressources aux échelons local et régional.

Pour ce qui est du renforcement de la base de données d’information sur le marché du travail dans le secteur du bienfait d’intérêt public, nous tenons à recommander la réalisation des comptes satellites aux deux ans et leur mise à jour en consultation avec le groupe de travail sur les données d’Imagine Canada et des organisations communautaires comme le Social Planning Network of Ontario. Selon nous, Statistique Canada pourrait générer des données plus précises sur la main-d’œuvre s’il était possible de distinguer le secteur du bienfait d’intérêt public des classifications des professions et des industries et s’il pouvait nous aider quant à la composition du point de vue du sexe et de l’ethnie et de la race et en ce qui concerne les multiples formes de précarité actuelles.

J’espère aussi que le Comité consultatif sur le secteur des organismes de bienfaisance, le CCSB, associé à votre comité pourrait inclure des représentants des petits et moyens groupes communautaires. Souvent, les grandes institutions et les grands intervenants du secteur sont représentés dans le cadre de ces discussions, mais les petites et moyennes organisations avec lesquelles les conseils de planification sociale travaillent beaucoup sont souvent oubliées.

Le deuxième enjeu concerne le recrutement et le maintien en poste de la prochaine génération de dirigeantes et dirigeants du secteur du bienfait d’intérêt public. Comme les comptes satellites vous l’ont appris, environ 80 p. 100 du PIB au sein du secteur du bienfait d’intérêt public représentent ses ressources humaines. Le secteur fait face à une compétition féroce tandis que les enfants du baby-boom et nos propres travailleurs vieillissent. La compétition est féroce pour attirer de jeunes gens dans le secteur. Les jeunes eux-mêmes, dans le cadre des sondages que nous avons réalisés — y compris celui que j’ai fait en 2006-2007 et celui qui a été réalisé il y a quelques années par le Mowat Centre au nom de l'Ontario Nonprofit Network — révèlent que les jeunes sont attirés par le secteur. Il y a quelque chose au sujet de la nature du travail que nous faisons qui les intéresse, la capacité de participer à l'échelle communautaire et la possibilité de voir les résultats tangibles de leur travail. Le problème, c’est que les coûts élevés des études postsecondaires font en sorte qu’il est plus difficile pour les jeunes de faire ce choix s’ils veulent se délester du fardeau de leur dette étudiante.

Je vais vous parler ici de mon expérience. J’ai été le premier membre de ma famille de la classe ouvrière à fréquenter l’université à la fin des années 1960. Nous ramassions de l’argent en travaillant l’été, et la famille aidait, mais pas beaucoup, étant donné sa grande taille. Nous bénéficions d’une aide gouvernementale cruciale par l’intermédiaire des programmes de prêt étudiant. J’ai terminé mes études en 1972 avec une dette de 2 500 $, soit plus de 15 000 $ en dollars d’aujourd’hui.

De nos jours, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants souligne que les étudiants terminent leurs études avec des dettes de 30 000 $ et plus selon la province, ce qui fait en sorte qu’il est plus difficile pour eux d’opter pour un domaine qui les intéresse peut-être.

Une des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire pour aider, c’est un programme de radiation de la dette étudiante pour ceux qui travaillent dans le secteur pendant un certain nombre d’années. Le programme de radiation de la dette étudiante offert aux médecins de famille et au personnel infirmier pourrait servir de modèle. Lorsque des médecins et du personnel infirmier acceptent d’aller travailler dans des collectivités éloignées pendant un certain nombre d’années, ils peuvent obtenir jusqu’à 8 000 $ par année pour un total de 40 000 $ pour leur travail dans de telles collectivités. On pourrait peut-être essayer d’appliquer le même genre de modèle ici.

Il y a un programme de ce genre aux États-Unis, le programme Public Service Loan Forgiveness. Il y a certaines faiblesses quant aux attentes imposées initialement aux étudiants. Selon moi, c’est un domaine où le gouvernement fédéral pourrait vraiment aider. Dans mon cas, la possibilité que j’ai eue de travailler dans le secteur m’a mené à une carrière dans le secteur, ce que je n’avais pas prévu à l’origine.

Le troisième domaine concerne le rôle de soutien du gouvernement fédéral en matière de formation et de perfectionnement en leadership. Les provinces fournissent la majeure partie des 40 p. 100 de financement au secteur — souvent sous la forme de services directs —, mais le gouvernement fédéral fournit souvent un important soutien lié à la formation, à l’acquisition de compétences et au capital humain dans le secteur social et dans d’autres domaines du secteur du bienfait d’intérêt public. Il le fait souvent en misant sur des choses comme l’assurance-emploi. Encore une fois, si je reprends mon expérience, en 1971, j’ai obtenu mon diplôme et j’ai pris une année de congé avant mon retour. J’étais censé devenir enseignant. Je voulais enseigner au secondaire, mais j’ai participé à ce qu’on appelait alors le projet 500 du gouvernement de l’Ontario, dans le cadre duquel 500 diplômés universitaires étaient affectés dans des organisations communautaires à l’échelle de la province pendant un an. C’était pour nous une façon d’acquérir une année d’expérience professionnelle. Le programme était réalisé selon le principe du partage des coûts entre la province et le régime d’assurance-chômage, comme on l’appelait à l’époque. Non seulement les responsables nous ont affectés dans ces collectivités, mais ils nous ont aussi réunis plusieurs fois durant l’année au parc Geneva pour réfléchir à nos expériences. Il ne s’agissait pas de travailler de façon isolée au sein d’une organisation. Nous avons pu communiquer ce que nous avions appris aux autres, apprendre des gens d’expérience dans le secteur public et le secteur sans but lucratif, et, au bout du compte, mes aspirations professionnelles ont changé de sorte que j’œuvre dans ce secteur depuis maintenant 40 ans.

Le gouvernement fédéral a maintenant l’occasion de financer des organisations intermédiaires comme des conseils de planification sociale au sein de la société civile pour élaborer et fournir des programmes de leadership et d’apprentissage qui sont plus que des programmes de placement. Ces programmes visent aussi à aider les jeunes à comprendre ce à quoi ils participent. De cette façon, je crois que nous pourrions aider à bâtir des carrières pour ces personnes.

Mon dernier commentaire concerne le problème de la sécurité du revenu à la retraite, ce dont M. Mazer va aussi parler en détail. En ce qui concerne les régimes de pension, souvent, les petits et moyens intervenants du secteur du bienfait communautaire n’ont pas l’occasion d’y participer. Lorsque j’ai réalisé ma recherche dans la région de Halton en 2007, j’ai parlé à une travailleuse sociale du secteur sans but lucratif, qui m’a dit que son travail consistait à soutenir d’autres femmes désavantagées. À bien y penser, elle trouvait cependant ironique de pouvoir très bien s’imaginer elle-même faire la queue pour obtenir ce même service lorsqu’elle aurait 65 ans, parce qu’elle n’avait pas d’occasion appropriée d’assurer son revenu de retraite.

Nous soutenons fortement le programme sur le travail décent de l’Ontario Nonprofit Network, qui a permis de mettre sur pied un régime à prestations déterminées pour le secteur en collaboration avec OPTrust. Cathy Taylor vous a résumé tout ça il y a quelques mois. Nous savons tous qu’il faut miser à la fois sur le Régime de pensions du Canada et la SV — ainsi que le SRG, pour ceux qui en ont besoin —, des économies privées et des pensions en milieu de travail pour bénéficier d’une retraite plus sûre et convenable. Selon nous, un régime à prestations déterminées est la meilleure façon d’y arriver. Le gouvernement fédéral pourrait soutenir une telle chose, surtout pour les petits intervenants du secteur. Il faut des cotisations des employés et des employeurs. Souvent, les petits intervenants du secteur n’ont pas la possibilité de le faire. On pourrait bien imposer une cotisation de 6 p. 100 aux employeurs et aux employés, mais ce serait difficile pour les petits intervenants du secteur. C’est peut-être quelque chose dont le gouvernement fédéral pourrait tenir compte dans le cadre de ses programmes de subventions et de contributions relativement au programme sur le travail décent. Lorsqu’il finance ces programmes, il pourrait prévoir certains coûts supplémentaires, de façon à ce que les petites et moyennes organisations aient l’occasion d’offrir certaines prestations de retraite, de façon à ce que les personnes talentueuses restent dans le secteur. Voilà ce que j’avais à dire aujourd’hui. Je serai heureux de vous en dire davantage plus tard.

Le président : Merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants. Vous avez déjà suscité quelques questions. Il faudra attendre d’entendre les autres témoins.

John Shields, professeur, Département des politiques et de l’administration publique, Université Ryerson, à titre personnel : Merci de m’avoir invité à comparaître devant le comité aujourd’hui. Je vais m’appuyer en partie sur certains des renseignements que j’ai obtenus lorsque j’étais membre du conseil consultatif sur les partenariats de l’Ontario Nonprofit Network et dans le cadre de son examen du renouvellement du capital humain au sein du secteur. J’ai été un des principaux intervenants du projet de recherche qui s’est penché sur la question de la précarité d’emploi dans la région du Grand Toronto et de Hamilton; c’était dans le cadre d’un partenariat avec Centraide, et nous avons publié un certain nombre de rapports influents, y compris le rapport intitulé The Precarity Penalty.

Dans un premier temps, je tiens à dire que je suis le président du conseil d’administration d’une importante organisation sans but lucratif du Grand Toronto appelée Access Employment. Mes propos aujourd’hui découlent de toutes ces expériences différentes.

On m’a demandé de parler de l’emploi dans le secteur sans but lucratif au Canada. C’est une dimension importante du secteur. Si nous utilisons le paramètre de l’emploi pour mesurer la taille du secteur sans but lucratif au Canada, le pays arrive au deuxième rang à l’échelle internationale; il est dépassé seulement par les Pays-Bas. Dans l’ensemble, le secteur emploie environ 2 millions de personnes et mobilise quelque 18 millions de bénévoles. Le secteur des services sans but lucratif est très exigeant du point de vue des ressources humaines. En effet, le capital humain est considéré comme sa plus grande force. Par conséquent, l’état et le bien-être des travailleurs du secteur sans but lucratif sont cruciaux à la participation positive continue de ce secteur à l’économie et à la société. Dans son ensemble, le secteur représente environ 8,5 p. 100 du PIB. Pour sa part, le secteur sans but lucratif de base y contribue à hauteur d’environ de 2,5 à 3 p. 100. Le travail au sein du secteur est très sexospécifique. En effet, environ de 70 à 80 p. 100 du travail est fait par des femmes. Le travail de compassion est souvent associé à du travail flexible, comme le travail à temps partiel. La nature très sexospécifique du travail, malheureusement, renforce aussi le caractère sous-estimé des emplois dans le secteur sans but lucratif.

Comme l’a révélé une enquête détaillée sur le secteur sans but lucratif de l’Ontario réalisée par le gouvernement de l’Ontario en 2012-2013, parmi ceux qui assurent la prestation de services humains et sociaux du secteur sans but lucratif — c’est-à-dire la composante du secteur sans but lucratif sur laquelle le gouvernement a tendance à s’appuyer pour assurer la diversification des modes de prestation de service —, moins de la moitié d’entre eux étaient considérés comme des employés à temps plein; il y en avait en fait seulement 48 p. 100. Sinon, 30 p. 100 étaient des employés à temps partiel, et 21 p. 100, des employés à court terme. Puisque tous les travailleurs sont engagés selon un modèle de financement compétitif, un modèle qui mise sur des programmes et des contrats de courte durée, même les soi-disant travailleurs à temps plein du secteur ne bénéficient pas d’une sécurité d’emploi et dépendent tous de l’obtention du prochain contrat, confirmation qu’ils obtiennent souvent très tard dans le cadre du processus de financement. Par conséquent, il y a beaucoup d’imprévisibilité liée au fait que les gens ne savent pas si les fonds seront là pour soutenir les emplois dans le secteur, ce qui empêche toute planification à plus long terme et crée inévitablement du stress lié à l’emploi.

Dans un tel modèle, même les soi-disant employés à temps plein sont, essentiellement, des employés temporaires en permanence. Cette précarité se fait ressentir de diverses façons. Pour cette composante du secteur sans but lucratif... N’oubliez pas que de 80 à 90 p. 100 du financement vient des contrats avec le gouvernement. Par conséquent, la précarité d’emploi est liée au manque de prévisibilité et de sécurité d’emploi. Cette situation a souvent des répercussions négatives sur le bien-être matériel et psychologique des personnes qui occupent de tels emplois précaires. La précarité a tendance à favoriser des conditions de vulnérabilité, d’instabilité et de marginalité et de nature temporaire. Le secteur est en proie à une grande insécurité ressentie par les travailleurs de première ligne, le personnel de soutien et les gestionnaires, aussi, qui dépendent tous beaucoup du financement obtenu dans le cadre de contrats de courte durée pour réaliser leurs programmes.

La dépendance envers un tel mode de financement inscrit la précarité dans l’ADN même des travailleurs du secteur sans but lucratif et dans les structures organisationnelles. En fait, le profil d’emploi du secteur sans but lucratif le place vraiment à l’avant-garde de ce que l’on appelle l’abandon des normes d’emploi standard — et je veux parler ici des emplois permanents à temps plein assortis d’un salaire et d’avantages sociaux convenables — au profit de formes d’emplois plus flexibles, conditionnelles et mal rémunérées qu’on constate dans le nouveau marché du travail.

Ce problème a été empiré par la stagnation des salaires découlant d’années d’austérité gouvernementale à la suite de la crise économique de 2009 et des budgets de contrats qui, dans le meilleur des cas, ont été gelés. Tout ce qui précède a contribué à une intensification du travail sans augmentation de la rémunération dans un contexte de besoins sociétaux accrus en matière de services, ce qui contribue de façon importante à la démoralisation des employés, à l’épuisement professionnel ainsi qu’au stress, à la maladie et aux blessures en milieu de travail.

Comme Peter l’a souligné, la rémunération moyenne pour un emploi équivalent à temps plein en 2017 dans le secteur sans but lucratif de base s’élevait à 42 500 $, tandis que la moyenne pour l’ensemble de l’économie était de 59 800 $, soit une différence de 17 300 $ dans le secteur. De plus, comparativement aux employés des autres secteurs, les employés du secteur sans but lucratif de base affichent aussi de moins bons résultats en ce qui a trait à la sécurité d’emploi, aux avantages sociaux et aux autres avantages, comme les pensions. Certains des défis liés à l’emploi incluent de graves problèmes de recrutement et de maintien en poste découlant des salaires non concurrentiels, de l’absence de sécurité d’emploi et de la mobilité professionnelle déficiente dans le secteur en raison des structures organisationnelles relativement horizontales de ces organisations. Ce sont des organisations qui ont très peu de ressources.

Les dirigeantes et les dirigeants du secteur vieillissent rapidement, et on s’attend à ce qu’un grand nombre de directeurs généraux et d’autres gestionnaires principaux quittent le secteur au cours des prochaines années, et ce, sans remplaçants évidents, ce qui accentue le problème de la pénurie de dirigeantes et de dirigeants et la perte de la mémoire institutionnelle qui pointent à l’horizon. Le secteur, comme on l’a souligné, est très féminin. C’est un défi, comme Peter l’a également souligné, au moment de recruter de jeunes gens. À l’extérieur du domaine des services d’établissement, les organisations affichent aussi des lacunes en matière de diversité ethnique et raciale. On se retrouve donc avec la question de savoir de quelle façon le secteur engagera la prochaine génération de travailleurs et fera face au profil démographique changeant de la population active canadienne.

Il y a d’importants défis en ce qui a trait au moral, à l’épuisement professionnel, aux heures supplémentaires non rémunérées et aux problèmes de santé découlant du stress. En partie, pour dissiper de telles préoccupations et rendre le secteur plus attirant, l’Ontario Nonprofit Network, l’ONN a lancé sa campagne sur le travail décent dans le secteur pour améliorer les niveaux de rémunération, les avantages sociaux et les conditions de travail. C’est aussi quelque chose que Peter a mentionné.

Ce n’est pas rien que le secteur soit à la fois reconnu pour sa résilience et, d’un autre côté — et c’est là quelque chose de troublant —, sa précarité. Le secteur est résilient parce que les organisations sans but lucratif ont réussi à très bien s’adapter à l’adversité et aux conditions difficiles afin de tout de même réaliser leur mission. La capacité des organisations de faire plus avec moins est connue et elle est rendue possible par le dévouement de la main-d’œuvre à l’égard des principes de compassion et de don. Cependant, la précarité mine l’efficacité et la pérennité de nombreuses organisations.

Du point de vue pragmatique, que peuvent faire les bailleurs de fonds du gouvernement pour régler cette situation? Je vous suggère trois choses : premièrement, ils peuvent mettre en place de plus longs contrats fondés sur le rendement. En fait, c’est déjà ce qu’on constate au sein du gouvernement fédéral du côté d’IRCC, qui, dans son dernier cycle de financement, a produit des propositions quinquennales, offrant des contrats de cinq ans sur lesquels les organisations pouvaient soumissionner.

Deuxièmement, les bailleurs de fonds peuvent réduire les règles trop rigides concernant la façon dont les fonds doivent être dépensés dans le cadre de la prestation des programmes. On pourrait ainsi réduire les coûts généraux et les trop nombreuses heures que le personnel consacre à des tâches administratives tout en renforçant la souplesse nécessaire pour améliorer les services. En d’autres mots, même sans accroître le financement, des fonds mieux investis et des exigences plus souples pourraient beaucoup aider le secteur.

Troisièmement, en ce qui a trait à l’établissement des coûts des contrats, les bailleurs de fonds devraient inclure un financement qui prévoit un salaire convenable pour les travailleurs du secteur. Tout ça contribuerait grandement à accroître la sécurité et la prévisibilité de l’emploi, tout en améliorant les conditions d’emploi au sein du secteur sans but lucratif de base. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants. Nous allons maintenant passer à M. Alex Mazer, associé fondateur de CommonWealth Retirement.

Alex Mazer, associé fondateur, CommonWealth Retirement : Merci de m’avoir invité aujourd’hui. Je m’appelle Alex Mazer. Je suis un des partenaires fondateurs de CommonWealth, une entreprise axée sur une mission visant à accroître l’accès à la sécurité de la retraite.

Depuis près de deux ans, notre entreprise a eu le privilège de soutenir une coalition nationale de dirigeantes et de dirigeants du secteur de la bienfaisance en pleine expansion dont l’objectif est de s’attaquer au problème de l’insécurité à la retraite des intervenants du secteur sans but lucratif au Canada. Cet effort axé sur la collaboration est connu sous le nom de l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun. L’objectif principal de l’initiative est de créer un régime de retraite collectif national pour le secteur sans but lucratif qui serait transférable d’un emploi à l’autre, accessible à grande échelle et régi par le secteur.

Jusqu’à présent, les partenaires de l’initiative incluent cinq fondations majeures, 73 employeurs sans but lucratif, la plus importante coopérative de crédit du Canada anglais, un conseil des champions composé de 20 dirigeantes et dirigeants du secteur et certains des principaux experts canadiens en matière de régime de pension.

L’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun est supervisée par un comité directeur présidé par Alan Broadbent, de la fondation Maytree, et notre entreprise joue le rôle de partenaire technique et opérationnel.

Au nom de l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun, je suis heureux de vous dire que nous avons appris dans le cadre de ces travaux. Au bout du compte, c’est en travaillant ensemble — et, ici, le gouvernement a un rôle central à jouer — que nous aurons l’occasion d’éliminer l’écart en matière de sécurité de la retraite au sein du secteur, d’améliorer la sécurité financière des travailleurs du secteur et, ultimement, de renforcer la capacité du secteur de servir les Canadiens.

Environ 850 000 employés du secteur sans but lucratif partout au Canada — ce qui représente environ la moitié de la main-d’œuvre du secteur — n’ont pas accès à un régime de retraite en milieu de travail. Les travailleurs non couverts du secteur partagent un certain nombre de caractéristiques. Environ 60 p. 100 d’entre eux travaillent dans des organisations comptant moins de 100 employés, bon nombre affichent des revenus faibles ou modérés, une part importante et grandissante d’entre eux ne travaillent pas à temps plein, et il s’agit en grande majorité de femmes.

Les Canadiens bénéficient d’un solide régime de retraite public composé de la SV, du SRG et du RPC. Cependant, pour maintenir leur niveau de vie après leur retraite, la plupart des Canadiens ont besoin de plus que ces programmes publics. Malheureusement, la part de Canadiens bénéficiant d’un régime de retraite au travail diminue, surtout dans les secteurs privé et sans but lucratif.

Une récente étude réalisée par un statisticien et membre du Conseil des champions de l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun, Richard Shillington, illustre l’impact de l’absence d’accès à un régime de pension en milieu de travail. Son étude a révélé que les actifs de retraite totaux moyens des familles canadiennes pour les membres qui sont âgés de 55 à 64 ans et qui ne bénéficient pas d’un régime de pension en milieu de travail se limitaient à seulement 3 000 $.

Les données probantes révèlent que les régimes de retraite collectifs ont tendance à être beaucoup plus efficients que les approches individuelles. Une étude récente que nous avons réalisée en collaboration avec Healthcare of Ontario Pension Plan et le National Institute on Aging a révélé qu’une approche collective en matière de sécurité de la retraite pourrait être jusqu’à quatre fois plus efficiente sur le plan des coûts, transformant les économies d’aujourd’hui en revenu de retraite de demain, comparativement à l’approche individuelle, ce qui représente une différence durant une vie entière de près de 1 million de dollars pour un travailleur typique.

Fondé sur d’importantes consultations réalisées au sein du secteur, le Régime de retraite axé sur le bien commun pourrait être un régime de retraite collectif national transférable s’appuyant sur les principes des meilleurs régimes de pension du monde tout en misant sur une conception souple qui reflète les besoins uniques des travailleurs du secteur sans but lucratif.

Un tel régime posséderait les caractéristiques suivantes : il serait établi en tant qu’entité sans but lucratif au sein de laquelle les profits générés reviendraient aux membres du régime, un conseil d’administration ayant l’obligation juridique de faire passer les intérêts des membres du régime en premier tout en supervisant le régime. Il serait créé sous la forme d’un CELI de groupe, un REER de groupe, la composante du CELI étant tout particulièrement importante pour ceux qui gagnent un revenu faible ou moyen, parce qu’il les protège contre la disposition de récupération de leurs prestations du SRG.

Le régime serait offert aux employés du secteur ainsi qu’aux travailleurs autonomes et aux membres de leur famille. Les cotisations seraient souples, et les cotisations des employeurs, facultatives. Le régime miserait sur une approche groupée à faible coût en matière de gestion d’investissement supervisée par un comité d’experts en investissements. Le régime fournirait des options post-retraite permettant de transformer les économies en revenu de retraite stable.

Depuis le lancement officiel de l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun au printemps dernier, nous avons fait de grands progrès. Nous avons réalisé un sondage national auprès des employeurs et des travailleurs du secteur et constaté que 94 p. 100 des travailleurs et 92 p. 100 des employeurs étaient intéressés à se joindre à l’initiative. Jusqu’à présent, 73 employeurs sans but lucratif des 12 provinces et territoires ont adopté l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun et se sont engagés publiquement à offrir le régime si jamais il devient accessible.

Nous avons tenu neuf tables rondes avec des employeurs et d’autres intervenants dans différents endroits, de St. John’s à Vancouver. L’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun a déjà été reconnue à l’échelle internationale. L’initiative a été finaliste dans le cadre de la remise des prix Future Work de la Royal Society of Arts britannique, en plus d’être présentée comme une innovation prometteuse par des organisations respectées comme le régime de retraite NEST britannique, l’Aspen Institute et le Forum des politiques publiques.

L’initiative a besoin d’un financement suffisant pour couvrir les coûts de mise en œuvre et les coûts associés à la mise à l’échelle du régime, y compris une solide campagne de sensibilisation et de mobilisation. La coalition qui soutient l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun continue de mobiliser des bailleurs de fonds potentiels à la recherche de fonds de démarrage.

Nous croyons que l’initiative est un élément essentiel qui manque à l’infrastructure sociale du secteur. D’autres secteurs d’intérêt public ont leur propre régime de pension : les municipalités, les travailleurs de la santé, les enseignants et les fonctionnaires fédéraux. Les travailleurs du secteur sans but lucratif devraient aussi en avoir un.

La bonne nouvelle, c’est que les dirigeantes et dirigeants du secteur se sont déjà réunis pour concevoir et mettre sur pied une vaste coalition de soutien national pour l’institution que pourrait devenir le Régime de retraite axé sur le bien commun. Cependant, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour renforcer la sécurité des retraités du secteur. D’après ce que nous savons, aucune administration à l’échelle internationale n’a fait de réel progrès en matière de couverture des régimes de retraite pour les personnes à revenu modique ou moyen sans que le gouvernement joue un rôle important.

Nous recommandons au gouvernement de faire trois choses principales. Premièrement, il doit devenir un partenaire officiel du Régime de retraite axé sur le bien commun en fournissant des fonds de démarrage. Deuxièmement, il doit examiner ses arrangements en matière de financement et les cadres visant les entités sans but lucratif pour s’assurer qu’elles ne découragent pas et que, idéalement, elles encouragent le versement de prestations de retraite par les employeurs du secteur sans but lucratif. Troisièmement, il faut travailler en collaboration avec la coalition de l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun pour sensibiliser les employeurs et les travailleurs du secteur au sujet des piliers publics du système de retraite du Canada, y compris le RPC, la SV et le SRG.

L’insécurité au moment de la retraite dans le secteur sans but lucratif est un problème socioéconomique plutôt complexe que le marché privé ne peut pas régler seul, mais c’est un problème qu’on peut régler si les trois secteurs travaillent en collaboration.

Au nom du projet de l’initiative du Régime de retraite axé sur le bien commun, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à cette question. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, messieurs, de vos exposés.

Je vais revenir à M. Clutterbuck un instant. Vous avez parlé de la concurrence pour les jeunes. Selon moi, c’est bien pour les jeunes de savoir que des gens veulent d’eux et veulent qu’ils participent.

Pour ce qui est du programme de radiation de la dette étudiante, c’est la première fois que j’entends une telle suggestion. C’est intrigant. Avez-vous une idée de la somme qu’une telle mesure pourrait coûter au gouvernement?

M. Clutterbuck : Non. Je ne sais pas précisément combien une telle initiative pourrait coûter au gouvernement. Pour ce qui est des médecins et du personnel infirmier, l’avantage du Programme canadien des prêts aux étudiants s’élève à 8 000 $ par année et peut atteindre 40 000 $ lorsque les gens vont travailler dans des collectivités éloignées. Il s’agit d’un investissement majeur du gouvernement, qui voulait ainsi s’assurer d’offrir des services de santé dans des collectivités éloignées et permettre un accès aux médecins et au personnel infirmier.

Je suis sûr que les personnes qui sont venues témoigner ici depuis le printemps dernier ont souligné la valeur et les bénéfices sociaux que tirent les collectivités du secteur sans but lucratif. Il faudrait mettre cette contribution en valeur de façon à ce que le gouvernement veuille investir. Par conséquent, une initiative similaire au programme pour le secteur médical serait utile dans le secteur sans but lucratif. On pourrait, disons, payer une portion des paiements annuels des prêts des travailleurs qui décident de travailler dans le secteur.

N’oubliez pas qu’ils acceptent des emplois moins bien rémunérés. Nous devons les attirer. J’ai réalisé un sondage en 2007 auprès de 30 000 diplômés d’universités et de collèges du Canada. Au total, 10 p. 100 d’entre eux, soit 3 000 étudiants, voulaient travailler dans le secteur, ce qui place le secteur en milieu de peloton des 20 industries qui faisaient partie des choix de réponse.

Si les gens acceptent d’être moins rémunérés en raison de la capacité limitée du secteur de les payer, nous devrions les soutenir d’autres façons, comme la radiation de prêts.

Le président : Une chose que vous n’avez pas dite, cependant... Vous avez parlé des salaires plus bas. Je dirais qu’il y a peut-être une combinaison de coûts inférieurs pour les organismes de bienfaisance plutôt que des salaires plus bas pour les employés. Il y avait un programme au début des années 1990 dans le cadre duquel on pouvait présenter une demande — j’ai oublié le nom du ministère à l’époque —, et des gens au chômage allaient travailler pour un organisme de bienfaisance. L’organisme en question payait une partie du salaire, et le gouvernement payait lui aussi afin d’offrir un salaire plus convenable.

L’organisme de bienfaisance profitait de la présence de ces gens. Au sein de l’organisme de bienfaisance pour lequel je travaillais à l’époque, nous avons embauché cinq personnes, et elles nous ont aidé à faire en sorte que les choses roulent comme sur des roulettes, parce que nous étions plus nombreux. Nous n’aurions pas pu le faire sans l’aide du gouvernement.

M. Clutterbuck : Bien sûr. Ce genre de soutien au moyen de subventions peut aider, mais si on veut vraiment reconnaître la valeur du travail dans le secteur, il faut établir un salaire minimal convenable, et même un salaire vital pour que les gens restent dans le secteur. Si vous reconnaissez vraiment la valeur du travail, il faut payer au moins le minimum attendu — nous proposons 15 $ l’heure —, et il y a d’autres façons pour le gouvernement de soutenir et d’assister les organisations du secteur sans but lucratif — j’ai mentionné certaines possibilités — afin que ce soit possible.

Le président : Je vais bientôt passer à mes collègues, mais je veux formuler un commentaire : des cinq personnes que nous avons employées, trois sont restées dans le secteur.

M. Clutterbuck : C’est bien.

Le gouvernement fédéral a réalisé le Programme Perspectives-Jeunesse pendant les années 1960 et 1970, ainsi que le programme d’initiatives locales...

Le sénateur R. Black : Vous étiez là?

M. Clutterbuck : J’ai participé à ce qu’on avait appelé le projet 500, mais de nombreuses personnes comme moi ont eu un cheminement de carrière différent, mais se sont retrouvées au bout du compte dans le secteur en raison des occasions générées par le soutien fédéral et provincial. John a peut-être lui aussi quelque chose à dire à ce sujet.

M. Shields : Différents types de soutien du gouvernement peuvent être utiles. Il s’agit aussi de fournir aux jeunes et aux autres un point de vue sur le secteur, une façon pour eux de vraiment voir la valeur du travail qu’on y fait. Une fois que les gens œuvrent dans le secteur, ils souscrivent vraiment à la mission des organisations. Ils deviennent très passionnés au sujet du travail que l’on fait. C’est ce qu’on constate quand on pense aux trois personnes sur cinq qui sont restées dans le secteur comme vous l’avez dit.

Je crois que ces genres de programmes peuvent être utiles, même si une bonne partie du secteur est maintenant très professionnelle. Par conséquent, c’est aussi une question de maintenir en poste des employés plus professionnels et le besoin d’améliorer les conditions dans le secteur pour attirer ces genres de personnes qui ne nous arrivent pas par l’intermédiaire de ces autres types de programmes.

La sénatrice Omidvar : Merci à vous tous d’être là. J’ai un peu l’impression d’être de retour dans des salles de conférence de Toronto, parce que je connais plusieurs d’entre vous. Je tenais à le dire.

Je veux vous parler un peu de ma vie, c’est quelque chose dont je me suis souvenue en raison des commentaires du sénateur Mercer. Je pense bien avoir moi aussi commencé dans le secteur de la même façon, grâce à une telle subvention fédérale. J’ai uniquement travaillé pour des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance tout au long de ma carrière avant de devenir sénatrice.

Le président : Nous sommes aussi une organisation sans but lucratif.

La sénatrice Omidvar : Nous en sommes une aussi, vous avez raison.

Par conséquent, je comprends de façon assez viscérale l’appel et le facteur d’attirance du secteur, mais je connais aussi la pénalité qu’on paie en choisissant d’y travailler. Je comprends vraiment toutes ces choses.

La question que je vous pose à tous est la suivante : des témoins précédents nous ont longuement parlé du besoin de mettre au point une stratégie sur le capital humain pour investir dans le leadership, attirer des talents, renouveler les talents et faire en sorte que le secteur soit vraiment représentatif des gens qui vivent au pays.

Ce qui est complexe dans tout ça tient à la question suivante : qui doit être responsable? Quelle composante de la machinerie gouvernementale devrait s’occuper d’élaborer une stratégie sur le capital humain, puisqu’il est ici question des organismes de bienfaisance et des organisations sans but lucratif dans les domaines du sport, de la santé et de tellement d’autres domaines diversifiés?

Pouvez-vous réfléchir à une proposition de stratégie sur le capital humain pour le secteur qui inclurait, par exemple, les propositions de M. Mazer en ce qui a trait au régime de pensions? Quel est l’endroit approprié et qui devrait être responsable de diriger l’initiative et de s’assurer que ne serait-ce que la moitié de ces aspirations deviennent réalité, et peut-être même qu’elles le deviennent toutes?

M. Mazer : Je peux vous parler d’un aspect de la question, soit les prestations. L’initiative sur laquelle nous travaillons a évolué vraiment naturellement grâce au travail des dirigeantes et dirigeants du secteur. Cela s’est très bien passé. Le gouvernement peut jouer un rôle de soutien, c’est sûr, mais ce n’est pas lui qui a lancé le bal.

Tout ça découle du travail de beaucoup d’intervenants du secteur, de sorte que, lorsque nous en sommes rendus à vous en parler, nous avons déjà passé deux ou trois ans à y réfléchir attentivement avec, d’un côté, des experts des régimes de pensions et de la retraite et, de l’autre, des intervenants du secteur qui formulent des commentaires sur l’approche à privilégier. C’est un modèle d’élaboration de la stratégie.

Il manque probablement une pièce importante au casse-tête si l’on veut offrir des prestations qui ne se limitent pas uniquement à la sécurité de la retraite. Il y a probablement d’autres types de prestations transférables qu’il faudrait aussi inclure dans une telle infrastructure.

Cependant, un modèle, c’est quelque chose qu’on bâtit plutôt de bas en haut, si je peux m’exprimer ainsi; quelque chose qui est élaboré par le secteur en collaboration avec les bons experts pourrait fonctionner. Le gouvernement finira peut-être par définir le cadre en ce qui concerne les genres de choses nécessaires au sein de l’infrastructure en question, mais il est évident qu’une bonne partie du leadership viendra du secteur et de partout au pays.

M. Clutterbuck : Nous tous, au sein du secteur, travaillons nécessairement en collaboration à l'échelle des comités. Nous devons le faire pour faire avancer les choses. Il s’agit de cerner les partenaires potentiels qui pourraient travailler en collaboration avec les gouvernements pour mettre en place certaines de ces idées plus novatrices. Il y a maintenant plus d’organisations provinciales comme le ONN un peu partout au pays. Ces organisations font preuve d’initiative, elles réalisent des recherches et elles formulent des propositions comme le régime de pensions avec OPTrust.

Je pense à la possibilité de rétablir le Conseil de perfectionnement des ressources humaines, qui a été éliminé il y a 10 ans environ. On pourrait lui donner un rôle et un mandat plus précis de travailler en collaboration avec certaines de ces organisations provinciales afin de définir le rôle fédéral. Ce que le milieu a à offrir par l’intermédiaire de ses réseaux provinciaux, ce sont des liens avec les gens et la possibilité de prendre des décisions conjointes sur ce qui fonctionnera le mieux lorsqu’il est question d’une stratégie sur le capital humain.

Il y a eu certaines initiatives ratées en ce qui a trait à la stratégie de développement de la main-d’œuvre au cours des 15 dernières années, et on ne peut plus se permettre de simplement en discuter et de rédiger des documents. Il faut vraiment aller de l’avant et passer à l’action.

M. Shields : C’est quelque chose qui a été mentionné par d’autres témoins, et je veux aussi dire que, dans une bonne partie du secteur, le capital humain dépend des genres de modèles de financement utilisés.

Le gouvernement doit s’attaquer à la question des modèles de financement, ce qui pourrait vraiment améliorer les conditions de travail de façon à ce qu’une stratégie puisse vraiment être mise en œuvre par le secteur.

La sénatrice Omidvar : Monsieur Clutterbuck, vous avez parlé du leadership du secteur et des organisations intermédiaires, et je me rends compte à quel point tout ça est important, les organisations comme l’Ontario Nonprofit Network, qui a généré beaucoup d’idées, et d’autres intervenants aussi, les conseils de planification sociale et ainsi de suite.

D’après mon expérience, ces organisations intermédiaires — et j’en ai présidé quelques-unes —, composent elles-mêmes avec un financement qui est très précaire... En effet, elles sont financées par les cotisations d’organisations dont le financement est lui aussi précaire. C’est une position peu enviable, quoi qu’on fasse.

Je me demande ceci : pourriez-vous formuler à notre intention certaines propositions sur l’importance des organisations intermédiaires? Ne devrait-il pas y avoir un bassin de financement distinct venant du gouvernement fédéral et éventuellement des gouvernements provinciaux qui permettait de fournir des fonds distincts aux organisations sectorielles afin qu’elles élaborent des solutions, comme ce dont M. Mazer a parlé ou comme les plateformes de changement?

M. Clutterbuck : Assurément, le Social Planning Network devrait soutenir une telle chose. Je peux travailler à temps plein ou à temps partiel pour le Social Planning Network seulement lorsque nous obtenons du financement de projet. On obtient un financement de un an pour quelque chose comme l’inclusion sociale, et je peux alors me consacrer à mon travail auprès des conseils de la province dans le but de faire avancer les choses, mais, autrement, nous n’avons aucun financement administratif ni financement de base.

Nous jouons un rôle crucial en aidant les collectivités à comprendre ce qui se passe et à connaître leurs besoins, et nous devrions bénéficier d’une certaine stabilité en ce qui a trait à notre capacité de recherche et de développement communautaire afin de pouvoir aider les collectivités à penser de façon stratégique à leur développement, plutôt que de tout faire sur une base annuelle et de contrôler ce qu’elles font. Même il y a 20 ans, lorsque M. Broadbent a réalisé sa première étude dans le secteur, il soulignait déjà l’importance des organisations intermédiaires. Elles ne sont pas autant reconnues parce qu’elles ne fournissent pas directement des services aux gens dans la collectivité. C’est important d’avoir aussi l’infrastructure nécessaire pour soutenir ces groupes.

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup. Merci à nos témoins. Pour ce qui est de la précarité d’emploi et du caractère précaire du travail dans le secteur, je viens d’une région rurale de l’Ontario. Y a-t-il une différence en ce qui a trait au caractère précaire des emplois disponibles et à la précarité d’emploi entre les régions rurales et les zones urbaines? S’il y en a, pourquoi? Quelles options pourrions-nous envisager dans nos recommandations prospectives qui permettraient de réunir ces deux choses?

M. Shields : Merci de la question. Je crois qu’il y a des similitudes en ce qui a trait à la précarité, et tout est lié à l’insécurité. Je crois que les régions rurales tout particulièrement sont touchées durement par cette situation. Elles ont tendance à être moins servies quant au nombre d’organisations sans but lucratif présentes. Souvent, de telles organisations œuvrent, évidemment, dans de petites collectivités, alors ce peut être plus difficile de trouver des bénévoles.

Je crois que la stabilité financière des organisations sans but lucratif en région rurale est peut-être encore plus précaire que dans le cas des organisations citadines, qui misent sur de meilleurs réseaux.

Je crois aussi que les organismes sans but lucratif fournissent beaucoup de services actuellement dans notre société. Le gouvernement mise beaucoup sur ces organisations en tant que mécanismes de prestation de rechange.

Préserver le secteur sans but lucratif dans les régions rurales et renforcer l’infrastructure sans but lucratif dans ces régions est vraiment crucial. Il faudrait probablement porter une attention spéciale et octroyer des fonds précis pour assurer un soutien à cet égard.

M. Mazer : Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qui vient d’être dit. Nous n’avons pas remarqué une différence importante entre les milieux urbains et ruraux au chapitre du niveau d’intérêt ou du problème de l’insécurité à la retraite. Par exemple, nous avons constaté un grand intérêt dans des endroits comme Toronto et Vancouver, et aussi beaucoup d’intérêt ailleurs, comme à Terre-Neuve-et-Labrador et à l’Île-du-Prince-Édouard. Je crois qu’il y a probablement des raisons à cela, comme les coûts de logement plus élevés, évidemment, auxquels sont confrontés les gens qui vivent en zone urbaine. C’est un facteur qui a une grande incidence. Il peut y avoir un accès déficient à des services financiers et à d’autres genres de services en milieu rural, ce qui fait en sorte qu’il est plus difficile pour certaines personnes d’obtenir des avantages de grande qualité. Nous avons constaté que c’étaient des choses dont les gens parlaient assez souvent partout au pays, en zone urbaine et en milieu rural.

M. Clutterbuck : Dans le cadre de l’étude sur le leadership, nous avons parlé à beaucoup de personnes de Chatham-Kent. Par exemple, j’ai parlé à des gens du district de Parry Sound et de collectivités là-bas. Selon moi, l’un des enjeux bien réels lorsqu’on parle de soutenir le secteur sans but lucratif, c’est aussi la crainte des gens de perdre leurs jeunes. Si vous voulez une nouvelle génération de dirigeantes et de dirigeants pour soutenir les collectivités où les populations plus âgées ont besoin de plus de types de soutien liés à la santé et de mesures de soutien social et culturel, il est possible de réunir une stratégie pour solidifier le secteur sans but lucratif et une autre pour que les jeunes restent là-bas ou y retournent. Si nous pouvons payer des médecins pour travailler dans des collectivités éloignées, pourquoi ne pouvons-nous pas aider les gens à rester dans leur collectivité en leur permettant de faire un travail enrichissant et utile?

Le sénateur R. Black : C’est plus un commentaire qu’une question, mais votre projet 500, ou l’idée de payer les médecins, ça me semble vraiment logique du point de vue des régions rurales. Merci d’en avoir parlé.

Le sénateur Duffy : Merci à vous tous d’être là.

J’ai un certain nombre de questions, mais, pour commencer, monsieur Mazer, vous avez mentionné ma province natale, l’Île-du-Prince-Édouard. Lorsque nous avons accueilli des témoins l’automne dernier, j’avais soulevé l’enjeu de l’élargissement d’un programme de retraite à l’échelle du pays.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation des petites provinces, comme l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, dans ce dossier? En ce qui concerne ces régimes de retraite, les gouvernements provinciaux donnent-ils signe de vie, eux qui reçoivent tellement d’avantages indirects de l’excellent travail que font les groupes sans but lucratif dans leur province et dans leur collectivité. Les gouvernements sont-ils prêts à donner de l’argent pour permettre aux employeurs de cotiser à votre programme de retraite?

M. Mazer : Merci, monsieur le sénateur. L’Île-du-Prince-Édouard est aussi ma province natale, alors je suis heureux de vous en parler.

L’une des différences en ce qui concerne le régime que nous proposons et sur lequel nous travaillons avec des dirigeantes et dirigeants du secteur, c’est qu’il s’agirait d’un régime national. À notre connaissance, il n’y a aucun autre régime de retraite national tout à fait comme celui-ci qui est offert à des gens de toutes les provinces en plus d’être accessible à la fois aux employés et aux travailleurs autonomes. Nous essayons de réfléchir à l’orientation du secteur, à la nature du travail, afin de pouvoir ensuite adapter le régime en conséquence.

C’est l’une des choses qui ont été assez attrayantes pour les gens que nous rencontrons dans des endroits comme Charlottetown ou St. John’s, où il y a peut-être plus de mobilité entre les provinces. Les gens pourraient apporter leur régime avec eux dans une autre province s’ils partent travailler pour un autre employeur ailleurs. C’est l’une des caractéristiques.

L’autre chose qui intéresse les gens, c’est la souplesse et les cotisations. Beaucoup d’employeurs du secteur sans but lucratif nous ont dit que leurs budgets fluctuent beaucoup. C’est difficile pour eux de s’engager à verser des cotisations de façon permanente à un régime de pension, surtout un régime de pension typique, où les taux de cotisation ont tendance à être élevés. Nous avons essayé de concevoir le nôtre de façon à ce qu’il offre un peu de marge de manœuvre. Si le financement est là, l’employeur peut cotiser à même hauteur que les employés, ce qui est excellent, évidemment, mais s’il ne peut pas, il peut tout de même participer au régime et permettre à ses employés de participer.

Pour ce qui est de l’intérêt des gouvernements provinciaux, certains ont affiché un intérêt. Ce n’est pas une question que nous avons beaucoup approfondie, parce que nous mettons l’accent sur l’engagement des employeurs, du gouvernement fédéral et du milieu des fondations, mais je crois qu’il s’agirait de partenaires naturels à mobiliser en raison des arrangements de financement que vous avez mentionnés. Nous formulons la même recommandation que nous avons formulée aujourd’hui, soit que les gouvernements provinciaux doivent examiner leur cadre de financement pour s’assurer de ne pas décourager l’offre de prestations de retraite.

Le président : Les habitants de l’île sont partout.

Le sénateur Duffy : Nous prenons le contrôle.

Monsieur Clutterbuck, comme le président, je crois que vous avez tous piqué notre curiosité en parlant de la radiation des prêts d’études pour les jeunes qui retournent travailler dans certaines régions éloignées ou dans des villes où des agences sociales ont besoin de main-d’œuvre.

Vous avez dit qu’il y a un programme du genre aux États-Unis, mais qu’il y avait certains problèmes ou certaines imperfections. Selon ce que vous savez de la situation aux États-Unis, dans quelle mesure serait-il difficile de faire quelque chose de similaire au Canada?

M. Clutterbuck : Je crois que nous avons nos propres modèles sur lesquels nous pouvons nous appuyer, mais nous pourrions probablement tirer certaines leçons de ce programme. La principale faiblesse de ce programme, c’est qu’il faut travailler pendant 10 ans dans le domaine et cotiser pendant 10 ans avant d’être admissible, ce qui est contre-productif si l’on veut encourager des gens à entrer dans le domaine. C’est la raison pour laquelle je préfère le modèle canadien pour les médecins et le personnel infirmier.

Cependant, pour ce qui est de la mise en œuvre du programme, il y a probablement d’autres leçons que nous pourrions tirer, des choses qui seraient utiles au moment de réaliser ici un programme similaire dans le secteur du bienfait d’intérêt public.

La sénatrice Martin : Je m’excuse de mon retard. J’ai raté la majeure partie de vos exposés. Merci à tous les témoins.

Ma première question est destinée à M. John Shields et concerne ses deux recommandations, les contrats à long terme et les exigences plus souples en matière d’utilisation du financement.

Ce que l’étude m’a fourni, c’est une meilleure compréhension de la grande importance du secteur et du fait qu’il faut traiter cette troisième industrie comme une industrie importante, comme on le fait pour les autres industries au Canada. Les gens font un travail merveilleux avec très peu de ressources. Je tiens à féliciter tous les intervenants du travail qu’ils font dans ce domaine.

Pour ce qui est d’accroître la marge de manœuvre liée à la façon dont les fonds sont dépensés, comme d’autres, j’ai entendu des commentaires au sujet de la mauvaise gestion, de la « corruption » dans certaines des grandes organisations de bienfaisance, peu importe la raison... Ce peut être tout simplement des craintes que l’argent ne se rende pas vraiment aux gens qui en ont besoin et que les besoins ne soient pas vraiment comblés. Ce sont certains des commentaires que j’ai entendus au fil des ans.

Nous savons pourquoi nous devons demander plus de transparence et de reddition de comptes. Je suis d’accord avec ces recommandations, et il y en a certaines que d’autres témoins ont aussi formulées.

Je voudrais demander à M. Shields de quelle façon nous pourrons nous assurer d’une reddition de comptes et d’une transparence absolues lorsque nous appliquerons cette deuxième recommandation sur l’assouplissement des règles trop rigides. Je crois qu’il y a une attente, mais il y a aussi un besoin. Je voudrais vraiment que vous nous parliez un peu plus de cette recommandation et de la façon dont on peut s’assurer que, peu importe ce qu’on recommandera au gouvernement au pouvoir, qu’on puisse y arriver, tout en donnant l’assurance aux bailleurs de fonds et aux donateurs canadiens que les organisations resteront responsables de leurs actes?

M. Shields : Je dirais que, bien sûr, la reddition de comptes est cruciale. Je crois que le secteur le sait. Il met beaucoup l’accent là-dessus. Le secteur a toujours pris cette question très au sérieux.

Ce qu’on a constaté au fil des ans, c’est qu’on mettait tellement l’accent sur les menus détails et la mise en place de contrôles qu’on a créé une structure trop rigide. Si on repense à certaines des recommandations du Groupe d’experts indépendant sur les programmes de subventions et contributions, les experts avaient dit il y a déjà beaucoup d’années qu’il s’agissait d’une approche trop rigide qui, en fait, exigeait des fonds qui, sinon, auraient pu être consacrés à la prestation du programme.

Par conséquent, les choses ont changé, et on met maintenant davantage l’accent sur des contrats fondés sur le rendement plutôt que sur une comptabilisation détaillée interminable, et les organisations sans but lucratif ont donc une plus grande marge de manœuvre quant à la façon dont les fonds sont utilisés. Parfois, il faut réaffecter des fonds entre différents postes budgétaires afin d’offrir des services de façon plus efficace, tout en mettant davantage l’accent sur les extrants et les résultats. Selon moi, on permet ainsi d’accroître l’efficacité du financement sans miner la responsabilisation liée aux fonds octroyés par le gouvernement.

Cela ne coûte rien au gouvernement de prendre de telles mesures. C’est tout simplement une façon d’améliorer la qualité des fonds utilisés par les organisations sans but lucratif. En procédant de cette façon, on offre une plus grande prévisibilité en matière de planification au sein de ces organisations, des contrats à plus long terme, des fonds plus souples, et ce serait une façon d’atténuer, dans une certaine mesure, une partie de la précarité qui mine le secteur.

La sénatrice Martin : Merci, monsieur.

Je veux maintenant passer à M. Mazer. L’une des choses qui me préoccupent le plus, ce sont les petites organisations. Ce que vous proposez grâce au régime collectif national de retraite transférable pour le secteur et toutes les organisations qui ont approuvé le régime, tout ça semble prometteur, mais je sais que lancer quelque chose du genre est un projet de très grande envergure. Pouvez-vous préciser si, oui ou non, ce régime serait accessible aux petites organisations et moins concurrentiel? Parce que nous savons que ces programmes sont importants, même si le gouvernement met lui-même en place divers programmes, nous constatons que les petites organisations et les communautés culturelles ont de la difficulté à combler l’écart et ne bénéficient pas toujours du même genre d’accès.

Pouvez-vous nous dire si vos consultations et vos activités de planification tiennent compte d’une telle situation et pouvez-vous nous dire ce que vous avez remarqué en ce qui a trait à l’accès à de tels programmes par des petits groupes?

M. Mazer : C’est une excellente question. Le programme que nous envisageons est vraiment conçu principalement pour les petits et moyens employeurs. Nous savons que les grands employeurs — on n’a qu’à penser aux hôpitaux ou aux collèges — ont tendance à déjà avoir des régimes de pensions. Par conséquent, la majeure partie de notre engagement au sein du secteur s’est fait auprès d’organisations comptant 100 employés ou moins. Les 73 employeurs qui ont adhéré vont des organisations comptant deux ou trois employés qui n’avaient jamais cru pouvoir un jour avoir accès à un régime de retraite à des organisations qui comptent environ 100 employés et proposent un REER de groupe auquel elles cotisent à parts égales avec leurs employés. Puisqu’elles ne sont pas de grands employeurs, elles finissent par payer plus de frais que ne le ferait, par exemple, un grand employeur, parce que les prix ont tendance à être fondés sur la taille de l’organisation.

L’autre chose que je tiens à souligner, c’est que beaucoup d’organisations intéressées comptent de nombreux employés à temps partiel ou travailleurs indépendants, des gens qui, traditionnellement, n’ont pas du tout accès à un régime de retraite. Je crois que c’est un des aspects intéressants aussi. Pour ce qui est du genre d’organisations, il y a des refuges pour femmes, des YWCA, Centraide, des organisations artistiques et des petites organisations-cadres. Il y a donc de tout, mais l’accent est mis principalement sur les organisations comptant 100 employés ou moins. Cela ne signifie pas que ce ne serait pas avantageux pour de grandes organisations, surtout à mesure que le régime grossira, mais, dans un premier temps, je m’attends à ce que la plupart des demandes viennent des petites organisations qui n’ont pas accès à l’heure actuelle à des prestations de haute qualité.

M. Clutterbuck : Il devrait y avoir toute une gamme de possibilités pour les gens afin qu’ils puissent faire des choix en matière de retraite. En ce qui a trait à l'Ontario Nonprofit Network et à OPTrust, l’idée consiste vraiment à s’assurer que les petites et moyennes organisations et leurs employés ont accès à quelque chose qui offre une réelle sécurité aux retraités, des prestations déterminées sur lesquelles ils pourront compter mois après mois. Franchement, les gens au bas de l’échelle cotisent moins au RPC, ce qui signifie que leurs prestations seront elles aussi moins élevées. Il faut soit renforcer le RPC, soit donner aux gens un montant d’argent déterminé pour tout le temps qu’il leur restera après leur retraite. Nous estimons que c’est une sécurité du revenu supérieure.

Le président : Messieurs, je vous remercie de votre participation ce matin. La séance a été fort intéressante. Vous avez apporté beaucoup à notre étude.

Nous allons poursuivre notre étude visant à examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et les autres groupes similaires, et à examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui notre témoin, M. Brian Emmett, économiste en chef d’Imagine Canada. Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Je vous invite maintenant à présenter votre exposé, vous rappelant que vous avez de cinq à sept minutes. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.

Brian Emmett, économiste en chef, Imagine Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Mon exposé s’appelle « penser à l’envers ». Je veux vous parler de quelque chose qui, selon moi, est un obstacle qu’on rencontrera dans le cadre des discussions sur la réforme de la réglementation touchant les organismes de bienfaisance. Pour commencer, je veux présenter la situation générale à laquelle les organismes de bienfaisance sont confrontés, et c’est le fait que, selon moi, il faut s’attendre à une croissance économique plus lente à l’avenir. Nous avons vu des estimations dans le budget concernant un changement démographique d’environ 1,6 p. 100 par année, une population vieillissante et un changement de culture. Les changements démographiques menacent la base de donateurs. Le financement du gouvernement deviendra de plus en plus difficile à obtenir, selon moi, parce que la croissance sera moins rapide. Les occasions de revenu gagné sont limitées et, encore une fois, elles le seront d’autant plus en raison de l’augmentation plus lente du PIB.

Par ailleurs, les demandes formulées aux organismes de bienfaisance ne vont pas diminuer. Elles continueront d’augmenter parallèlement aux changements sociaux et démographiques, alors on voit se dessiner deux tendances opposées : une pression accrue sur les organismes de bienfaisance et plus de contraintes en matière de financement. Nous avons estimé qu’il y aura un déficit social d’environ 26 milliards de dollars — s’il faut le chiffrer — en 2026. C’est une donnée qu’on ne verra nulle part sur les bilans. C’est cependant quelque chose qu’on constatera dans les organismes de bienfaisance qui sont surexploités, dont les capacités sont dépassées et dont le personnel est surmené, vu les longues listes d’attente pour des services et des besoins qui ne sont pas comblés.

Dans ce contexte, étant donné ces nouvelles contraintes et l’augmentation de la demande, il faudra que les organismes de bienfaisance puissent tirer parti de toutes les occasions de financement qui s’offrent à elles. Du financement gouvernemental, de la philanthropie et du revenu gagné, seul le troisième offre une perspective de croissance à long terme, et c’est une solution de rechange limitée.

Selon moi, ce qu’on constatera à mesure que les organismes de bienfaisance tentent d’accroître leur revenu gagné et que, de l’autre, le secteur privé tente de pénétrer davantage dans les marchés sociaux, c’est un nouveau genre de marché : ce qu’on peut appeler une écologie de marchés dans laquelle tant les entreprises à but lucratif que les organismes de bienfaisance coexisteront et se livreront concurrence sur tous les plans. Selon moi, ce qu’on constatera, c’est quelque chose qu’on voit déjà, régulièrement, c’est-à-dire que les entités à but lucratif se plaindront du fait que le traitement fiscal des organismes de bienfaisance déséquilibre déjà le marché à leurs dépens. Selon moi, cette perception est un obstacle important au progrès dans le cadre de la réforme.

Je veux souligner deux ou trois points. Premièrement, le soutien fiscal est loin d’être l’apanage du secteur de la bienfaisance. Nous bénéficions bien sûr des revenus de bienfaisance non imposables et des reçus aux fins de l’impôt donnés aux donateurs, mais les avantages fiscaux sont des façons assez courantes d’atteindre des objectifs de politique publique, et ils existent dans différents domaines, des REER au soutien pour la recherche et le développement en passant par l’innovation, le traitement des dépenses des activités de recherche scientifique et de développement expérimental et le soutien pour les organismes de bienfaisance afin qu’elles réalisent leur mission.

Si je ne m’abuse, l’OCDE a estimé que, si on additionnait toutes les dépenses fiscales au Canada, on arriverait pour le gouvernement fédéral à un total d’environ 140 milliards de dollars par année. Lorsqu’on regarde la part des organismes de bienfaisance dans tout ça, je crois que c’est environ 3 milliards de dollars. C’est assez similaire à ce qu’on constate dans le secteur privé. Si on regarde les 10 principaux programmes de subventions aux entreprises, des programmes que le gouvernement réalise pour des motifs de politique publique légitimes, comme la création d’emplois, la croissance et l’innovation, eh bien, selon la liste des 10 principaux programmes de subventions aux entreprises dressée par l’Université de Calgary, on en arrive à un total d’environ 11 milliards de dollars.

Ce que j’essaie de souligner, c’est que, lorsqu’on met le soutien dont bénéficie le secteur de bienfaisance en contexte, il n’est pas disproportionné à la lumière des objectifs de politique publique visés.

Le deuxième point que je veux soulever, c’est que, au moment d’évaluer si les règles du jeu sont équitables, c’est très souvent une question de point de vue, mais les données sont rares, particulièrement les données canadiennes. Vous remarquerez à cet égard que j’ai seulement utilisé des données américaines dans mes travaux. Cependant, je crois que, même si l’approche américaine n’est pas identique à l’approche canadienne, les résultats sont valides dans la situation canadienne, et les données probantes des États-Unis révèlent que les questions fiscales sont beaucoup moins importantes qu’on peut le penser généralement pour ce qui est de la pénétration des marchés et de l’équilibre concurrentiel entre les organismes de bienfaisance et les organisations à but lucratif.

L’analyse au fil du temps révèle que les organisations sans but lucratif perdent toujours du terrain au profit des entreprises à but lucratif lorsque les deux se livrent concurrence. Nous avons ici certaines données de Lester Salamon, de l’Université Johns Hopkins, qui offre un programme vraiment pointu sur les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance. Il y a été montré que, de 1997 à 2012, les activités des organismes de bienfaisance dans le domaine des soins à domicile avaient diminué de 33 p. 100. Les soins communautaires pour les aînés avaient quant à eux diminué de 23 p. 100, et les services familiaux aux particuliers, de 30 p. 100. Vous pouvez continuer ainsi et constater que, dans ces marchés, les fournisseurs du secteur privé gagnent du terrain sur les organismes de bienfaisance.

D’autres tableaux de données que j’ai trouvés et qui sont très intéressants proviennent de Peter Frumkin, de Harvard, dont les travaux sont très utiles. Il y a un certain nombre d’établissements dans le secteur sans but lucratif aux États-Unis. Les chiffres sont un peu datés. De 1977 à 1997, les organisations sans but lucratif ont affiché une augmentation de 125 p. 100, comparativement à 202 p. 100 pour les organisations à but lucratif. Le nombre d’employés au sein des organismes sans but lucratif a augmenté de 134 p. 100, comparativement à 273 p. 100 du côté des organisations à but lucratif. Pour ce qui est des reçus, on note une augmentation de 704 p. 100 du côté des organismes sans but lucratif et de 827 p. 100 du côté des organismes à but lucratif. Par conséquent, si les organismes à but lucratif font l’objet de tant de discrimination, si les règles du jeu ne sont pas équitables, ce n’est assurément pas vraiment à l’avantage des organismes de bienfaisance.

Selon moi, l’une des raisons qui expliquent cette situation, c’est que les organismes à but lucratif ont l’avantage dans les marchés changeants; c’est ce que nous avons constaté sur le terrain. Les organismes à but lucratif assurent une meilleure gestion du risque. Ils ont une plus grande tolérance au risque et une plus grande capacité d’investir et d’innover. C’est un marché dans lequel les organismes de bienfaisance et les organisations à but lucratif se spécialisent dans des choses différentes. Les organismes à but lucratif ont tendance à mettre l’accent sur le volume, l’efficience, la rentabilité par rapport au coût et ce genre de choses tandis que les organismes de bienfaisance se spécialisent dans la compassion, des liens avec la collectivité, l’inclusion et ainsi de suite.

Les gouvernements mettent de plus en plus l’accent sur le rapport coût-efficacité, c’est ce que mon expérience personnelle m’a appris. Beaucoup de gouvernements ciblent aussi des entreprises à but lucratif et excluent des organismes de bienfaisance lorsqu’ils mettent au point des programmes pour soutenir l’innovation, le développement régional et tout le reste. Ils ne considèrent pas nécessairement les organismes de bienfaisance comme une force pouvant produire de la valeur, de la croissance et de l’emploi.

L’autre chose qu’on voit beaucoup au sein du gouvernement, c’est que ce dernier arrête de passer par des organismes de bienfaisance pour composer avec les groupes marginalisés et opte pour une assistance directe. Le crédit d’impôt pour enfants est un bon exemple. Il fournit directement un pouvoir de dépenser plutôt que de travailler par l’intermédiaire d’un fournisseur de soins aux enfants. Une autre chose que j’ai remarquée récemment, c’est l’annonce du gouvernement au sujet du logement, où un montant substantiel a été dépensé sur des subventions aux loyers, de sorte que les gens pouvaient participer dans le marché privé plutôt que de soutenir les logements sociaux.

En résumé, ce que j’essaie de dire, c’est que, dans un environnement qui change, l’idée que le cadre fiscal donne aux organismes de bienfaisance un avantage concurrentiel n’est pas soutenue par les données probantes. Dans certains domaines, divers organismes de bienfaisance sont vraiment désavantagés. Selon moi, le réel débat stratégique ne devrait pas être celui de savoir si les règles du jeu sont biaisées et si les organismes de bienfaisance sont subventionnés de façon injuste. Il faut plutôt se demander quel ensemble de mesures incitatives sur le plan fiscal, applicables à des choses comme le revenu actuel, l’investissement social, la conception des programmes et la collecte de données est nécessaire pour préserver une écologie mixte bénéfique. Ce que je dis, c’est que, selon moi, nous bénéficions vraiment des marchés où les organismes à but lucratif et les organismes de bienfaisance sont tous les deux présents. À mesure que nous verrons les organismes de bienfaisance perdre du terrain dans ces marchés, je crois que les Canadiens vont perdre quelque chose de spécial : la capacité de ces organisations communautaires qui ont des missions sociales de rejoindre les groupes marginalisés. Selon moi, au bout du compte, le gouvernement devrait prendre des mesures pour préserver une écologie organisationnelle mixte dans laquelle les fournisseurs tant à but lucratif qu’à but non lucratif jouent un rôle important.

Le président : Merci, monsieur Emmett. C’était très instructif. Au début de vos commentaires, vous avez parlé des domaines où il pourrait y avoir une certaine croissance. Vous avez dit que la philanthropie n’était pas de la partie et que vous ne voyiez pas à cet égard de possibilités de croissance. C’est quelque chose qui a piqué ma curiosité, parce que le principal problème de la philanthropie, c’est qu’on ne demande pas aux gens. Si on ne demande pas aux gens, ils ne vont pas donner. Il est important d’organiser la façon dont on demande aux Canadiens de participer. Ne voyez-vous pas une occasion de croissance de ce côté-là?

M. Emmett : Selon moi, dans une certaine mesure, la démographie joue contre le secteur. Un rapport intitulé 30 ans de don au Canada a été réalisé par Imagine Canada de pair avec la Fondation Rideau Hall. Vous devriez vraiment y jeter un coup d’œil. On y constate la fragilité des dons philanthropiques des particuliers. Le niveau général de dons maintient le rythme — il diminue peut-être un peu en tant que pourcentage du PIB —, mais le niveau est maintenu parce qu’un plus petit nombre de donateurs donnent plus. Ces donateurs ont tendance à être des enfants du babyboom, des personnes plus âgées. À un moment donné, ces donateurs ne seront plus là, et les cohortes suivantes de donateurs ne semblent pas intéressées à donner comme les générations précédentes le faisaient.

Il y a une très bonne analyse de cette situation. Une des raisons de mon pessimisme au sujet de la situation de la philanthropie découle du fait que, parallèlement au vieillissement de la population et à la sortie de scène de groupes qui donnaient beaucoup, on ne sait pas exactement de quelle façon les cohortes subséquentes reprendront le flambeau. Je suis donc craintif au sujet de l’avenir de la philanthropie.

Le président : Je soutiens que nous devons assurer l’évolution de la façon dont nous demandons aux gens de donner, de la façon dont nous mobilisons les Canadiens afin qu’ils donnent et de la façon dont nous pouvons rendre l’expérience plus gratifiante. Si nous pouvons le faire, nous pouvons non seulement maintenir le niveau de don, mais le faire croître.

M. Emmett : Quand je pense à la philanthropie, au soutien gouvernemental et au revenu gagné, une des choses que j’affirme, c’est que les organismes de bienfaisance vont être tellement coincés qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire fi de quoi que ce soit en ce qui a trait à la philanthropie et aux possibilités d’innovation. Je sais que c’est une grande préoccupation pour mes collègues, qui travaillent très fort là-dessus. Selon moi, on ne peut faire fi d’aucune source de financement, et vous avez raison de souligner l’importance de l’innovation dans ce domaine.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de comparaître devant nous pour la deuxième fois. Je suis frappée par ce que vous avez dit, soit que seul le revenu gagné offre des perspectives de croissance à long terme pour les organismes de bienfaisance. Dans cette optique, nous devrions prendre votre exposé très au sérieux. Si nous devions modifier la loi, cela permettrait aux Clubs Garçons et Filles du pays de tirer des revenus de leurs tournées tant que ces revenus sont destinés à des fins de bienfaisance. Il me semble que c’est une question de bon sens. Pouvez-vous nous expliquer — à part la comparaison avec les États-Unis — ce que l’Australie et le Royaume-Uni ont fait? Y a-t-il quoi que ce soit que nous pouvons apprendre de leur cheminement tandis que nous envisageons de formuler nos recommandations?

M. Emmett : Je ne sais pas grand-chose au sujet du Royaume-Uni, mais j’ai beaucoup examiné les documents australiens. Leur fonction publique est de premier ordre, et le travail qu’ils font auprès des organismes de bienfaisance est remarquable. Ils prennent vraiment le secteur au sérieux. Il y a une nouvelle loi là-bas. Je ne suis pas avocat, alors je ne peux pas me prononcer avec autorité, mais, en ce qui a trait au revenu gagné, une affaire s’est retrouvée devant les tribunaux, et je pense que le jugement a permis de vraiment augmenter le revenu gagné en Australie et d’éliminer certaines contraintes.

En général, il vaut la peine de jeter un coup d’œil à la loi australienne et aux travaux d’analyse sur le secteur pour avoir une bonne idée de la façon dont on pourrait procéder.

La sénatrice Omidvar : Pouvez-vous nous parler de notre histoire, au Canada? Il y a eu des contestations judiciaires. Je me souviens que le YMCA a été poursuivi par une chaîne de conditionnement physique. Pouvez-vous informer le comité au sujet des décisions juridiques qui ont été prises et des précédents en vertu desquels nous fonctionnons actuellement?

M. Emmett : Malheureusement, je ne crois pas, parce que je ne connais pas le domaine juridique. Une chose que je pourrais dire, c’est que l’une des références dans mon mémoire complet concerne une étude qui a été réalisée par l’Université de la Pennsylvanie sur les YMCA qui font concurrence aux salles de conditionnement privées aux États-Unis. Les salles de conditionnement physique aux États-Unis se sont montrées très agressives en affirmant que les organismes de bienfaisance bénéficient de règles du jeu inéquitables. Ce que l’étude a révélé, c’est que, lorsqu’un YMCA se retire d’un secteur, les gymnases privés ne prennent pas le relais parce que le YMCA sert des gens différents. Des gens dont on ne peut pas tirer profit. En un sens, le YMCA qui est là bénéficie des subventions américaines au secteur de la bienfaisance, mais son départ n’incite aucune expansion du secteur privé. C’est un bon exemple de ce que je veux dire lorsque je parle d’« écologie du marché » : le fait qu’une collectivité s’en tire mieux lorsque les deux types de fournisseurs se portent bien et s’occupent de leurs clientèles respectives.

Le président : Si vous me permettez de mettre mon vieux chapeau de vice-président du développement financier au YMCA du Grand Toronto il y a de nombreuses années, la raison pour laquelle il y a une différence entre un YMCA et un club de conditionnement physique privé, c’est que le YMCA offre ses services à ceux qui en ont besoin et, si on devait mettre un prix sur cela, on constaterait que l’organisation donne des millions de dollars de services aux gens de la collectivité servie. C’est la raison pour laquelle le YMCA est différent et pour laquelle il survit. C’est pour la même raison que j’ai été heureux de travailler pour cette organisation à l’époque.

La sénatrice Omidvar : Si nous recommandions dans notre rapport que l’ARC et le ministère des Finances du Canada apportent un changement aux règles régissant la destination des fonds et la question du revenu gagné, savez-vous combien tout cela coûterait au gouvernement? Y aurait-il un coût associé à tout cela?

M. Emmett : Je ne sais pas. Cela me semble être un calcul assez compliqué. Il faudrait probablement un modèle économétrique. Ce qu’il faudrait, si les gens se penchent sur la question du revenu gagné, ce serait de demander à l’Agence du revenu du Canada, au ministère des Finances du Canada et au secteur de la bienfaisance de se réunir afin de régler ce problème assez complexe. C’est complexe du point de vue juridique ainsi que du point de vue économique dont vous venez de parler... Combien de revenus seraient perdus, de quelle façon cela aurait-il une incidence sur l’équilibre concurrentiel, alors la prochaine étape relativement à ce type de recommandation serait de dire qu’il faut se réunir et examiner ce qui se passe ici et quels changements bénéfiques nous pourrions apporter.

Le président : Le sénateur Duffy a proposé plusieurs fois la création d’une entité gouvernementale responsable de réglementer les organismes de bienfaisance et vers laquelle le public et les organismes de bienfaisance pourraient se tourner pour obtenir de l’information. Le sénateur Duffy a parlé de la possibilité de nommer un ministre responsable. Au minimum, il devrait y avoir un secrétariat responsable de réunir toutes ces choses, parce que, à l’heure actuelle, c’est disséminé un peu partout.

La raison pour laquelle les gens ne peuvent pas comprendre, c’est parce que c’est un peu comme essayer de ramasser du jello avec les mains : impossible de tout ramasser.

M. Emmett : Au cours de ma carrière au sein de la fonction publique, j’ai été sous-ministre adjoint des Forêts. Par conséquent, 1 000 personnes travaillaient pour moi et effectuaient des recherches, des genres d’intendants du secteur forestier. Il y a le ministère de l’Agriculture qui s’occupe de l’agriculture, le ministère des Pêches, et il y a aussi le Programme d’innovation énergétique, qui compte des directions responsables de l’aérospatiale et des télécommunications.

Il n’y a rien sur le secteur de la bienfaisance, même s’il représente 8,5 p. 100 du PIB. C’est un secteur majeur lorsqu’on y pense. Je suis d’accord pour dire que ce serait très utile d’avoir un endroit au gouvernement, un intendant, quelqu’un qui a le secteur à cœur. Comme j’ai de l’expérience de l’élaboration des programmes, du cheminement devant le Cabinet et de leur adoption, je sais qu’ils font l’objet de débats et de discussions interministérielles. Durant ce débat interministériel, je voudrais que quelqu’un soit là pour dire : « Et qu’est-ce que tout cela signifie pour les organismes de bienfaisance? Quelles seront les répercussions? »

La sénatrice Omidvar : Il n’y a pas encore de ministre — si le sénateur Duffy obtient ce qu’il veut, nous en aurons un —, mais nous avons un comité consultatif au sein de l’ARC, et votre directeur général, Bruce MacDonald, est, si j’ai bien compris, le coprésident de ce groupe. Recommanderiez-vous que ce comité soit chargé d’examiner de toute urgence l’élaboration des propositions et l’analyse concernant le revenu gagné pour les organismes de bienfaisance?

M. Emmett : Oui, je le recommanderais.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Le président : Maintenant que je vous ai coupé l’herbe sous le pied, sénateur Duffy, la parole est à vous.

Le sénateur Duffy : Je suis ravi que vous ayez retenu mes idées. J’espère que cela laisse présager quelque chose de positif dans notre rapport.

Monsieur Emmett, vous avez abordé un certain nombre de points dont nous avons déjà entendu parler à maintes reprises, y compris la génération du baby-boom. J’aime bien l’image de « sortir de scène ». C’était une façon vraiment diplomatique de dire les choses. Vous vous préoccupez de l’avenir de la philanthropie. D’après ce que je comprends, les démographes nous disent que nous sommes au cœur du plus important transfert intergénérationnel de richesses de l’histoire du monde, c’est-à-dire des quatre pays — le Canada, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande — qui ont vécu le phénomène du baby-boom. Au fur et à mesure que les personnes âgées meurent, les enfants du baby-boom reçoivent tout leur argent, et la question qui se pose alors, vu tout cet argent, c’est la façon dont nous l’acheminerons à la génération suivante. De quelle façon pouvons-nous intéresser ces jeunes autant que les enfants du baby-boom l’ont été? C’est l’une des raisons pour lesquelles je parle d’un ministre ou d’un ministre d’État, peu importe.

Cependant, l’autre côté de la médaille est le suivant : de quelle façon crée-t-on la culture qu’il faut? Seriez-vous favorable à quelque chose dans les écoles? Nous avons parlé tout à l’heure du fait que le gouvernement offre des incitatifs aux gens pour qu’ils aillent travailler dans le secteur de la bienfaisance.

De quelle façon pouvons-nous nous attaquer à la composante de la sensibilisation du problème relativement à cette nouvelle génération? Comme vous dites, tous les chiffres laissent entendre que nous arrivons à un point de basculement. De quelle façon pouvons-nous susciter l’intérêt des jeunes?

M. Emmett : Encore une fois, je ne suis pas un expert en matière de collecte de fonds. La question du transfert intergénérationnel est vraiment intéressante, et elle donne lieu à des points de vue différents au sujet de l’avenir de la philanthropie. Juste avant de venir ici, j’ai lu un article de Forbes qui en parlait et qui s’en servait pour prévoir un âge d’or de la philanthropie.

Toutefois, je ne suis pas sûr de quelle façon tout cela interagit avec la succession des différentes cohortes. D’une certaine façon, la question reste encore sans réponse. J’ai tendance à me concentrer sur l’aspect démographique de la question.

En ce qui concerne la création d’une culture dans les écoles, je pense que mes propres enfants possèdent une culture qui est extrêmement consciente de la composante sociale. Je ne suis pas sûr que cela se traduise par le fait de penser aux organismes de bienfaisance plutôt que de penser à démarrer une entreprise avec une conscience sociale ou quelque chose du genre. Peut-être que, ce qu’on constate, c’est qu’il y a moins de dons faits avec les reçus habituels, des dons déduits de l’impôt, tandis que les jeunes utilisent des choses comme le financement collectif.

Selon moi, ce sont là autant d’enjeux que les organismes de bienfaisance connaissent très bien et auxquels ils réfléchissent beaucoup.

Il y avait une question au sujet des incitatifs, monsieur le sénateur.

Le sénateur Duffy : Oui. J’allais simplement demander ceci : selon vos données, voyons-nous les incitatifs fiscaux — et c’est devenu un genre de mantra — comme étant la solution à tous les maux ou est-ce quelque chose de dépassé pour la nouvelle génération?

M. Emmett : Nous avons déjà écrit un article sur le crédit d’impôt allongé et il y a un point de vue au sein du gouvernement — je le sais pour avoir traité de ce dossier — que le Canada possède déjà l’un des systèmes fiscaux les plus généreux du monde en ce qui a trait aux dons. C’est vrai. On ne peut pas le contester. Je pense que la marge de manœuvre nécessaire pour changer cette situation de façon significative est probablement très mince sur le plan stratégique.

Il y a certains domaines précis pouvant être très pertinents du point de vue du transfert intergénérationnel. L’une des choses qui me sautent aux yeux, c’est la recommandation de Don Johnson selon laquelle les actions des entreprises privées et ainsi de suite devraient être traitées de la même façon que dans le cas des sociétés cotées en bourse. Je sais que le ministère des Finances a de la difficulté à accepter une telle chose, mais comme bon nombre des transferts intergénérationnels concerneront justement ce genre de choses, il serait peut-être utile de se pencher là-dessus.

Pour ce qui est de l’ensemble des incitatifs fiscaux, je ne suis pas sûr de la réceptivité des gens à cet égard et, en fait, je ne suis pas vraiment sûr du résultat qu’on obtiendrait en étant encore plus généreux que les plus généreux.

La sénatrice Omidvar : Monsieur Emmett, puisque vous avez soulevé les recommandations de M. Johnson d’accroître les incitatifs pour les dons de titres privés, entre autres, et que les données probantes donnent à penser qu’une telle chose profiterait aux grands organismes de bienfaisance, aux grandes institutions et aux grands philanthropes, pourriez-vous formuler à notre intention une recommandation connexe qui serait bénéfique pour les petits donateurs et les petits organismes de bienfaisance?

M. Emmett : Pas immédiatement, mais je serais heureux de vous revenir là-dessus avec quelque chose.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je vous en serais reconnaissante.

Le président : La sénatrice Omidvar et moi sommes d’accord sur la plupart des choses. Je crois que c’est une bonne chose que des gens riches donnent de grands montants aux organismes de bienfaisance, peu importe leur taille, grande ou petite.

La sénatrice Omidvar : Je n’ai rien contre les grands organismes et les grands philanthropes. Je veux tout simplement trouver un équilibre pour les petits organismes de bienfaisance et les petites institutions.

La sénatrice Martin : Moi aussi.

Merci, monsieur Emmett. Je consulte votre site tandis que nous parlons du besoin de créer un carrefour ou un endroit d’où nous pourrions fournir les outils et les ressources, et je suis tombée sur votre page de ressources et d’outils sous Connexion subvention. Lorsque j’ai cliqué pour accéder à Connexion subvention... Vous savez ce dont je parle en ce moment?

M. Emmett : À peu près.

La sénatrice Martin : Je suis dirigée vers une application. Je suis curieuse en ce qui concerne le rôle que joue Imagine Canada pour soutenir les organismes de bienfaisance; j’étais curieuse au sujet de l’application, mais ce n’est probablement pas votre domaine d’expertise. Vous êtes économiste en chef. Cependant, j’étais tout de même curieuse : l’application est-elle gratuite? A-t-elle été élaborée par Imagine Canada? C’est la question que je voulais vous poser.

J’ai aussi une question au sujet de l’importance de la collaboration entre les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif. De l’avis de certains témoins, les règles qui empêchent les organismes de bienfaisance de financer des donataires non admissibles peuvent miner la collaboration au sein du secteur. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Quels sont, le cas échéant, les risques liés au fait de permettre aux organismes de bienfaisance de financer des donataires non admissibles, et dans quelle mesure, le cas échéant, de tels risques pourraient-ils être atténués?

En guise d’observation, j’ai écouté votre exposé et je viens de Vancouver. Je viens tout juste de participer à d’extraordinaires galas de financement et je rencontre beaucoup de jeunes très engagés. Je vois beaucoup de développement positif et une longue tradition d’événements couronnés de succès. J’ai de l’espoir pour le secteur, mais je comprends aussi les défis auxquels il est confronté.

Je voudrais revenir à la question de l’importance du travail de collaboration entre les organismes de bienfaisance et les organisations sans but lucratif ainsi qu’aux questions que j’ai posées.

M. Emmett : C’est une question un peu technique et juridique qui dépasse mes compétences. Je ne voudrais pas induire le comité en erreur. Je crois qu’on en revient au commentaire de la sénatrice Omidvar au sujet du comité consultatif qui doit travailler en collaboration avec l’Agence du revenu du Canada. Le mandat devrait inclure un examen du contexte juridique et l’évaluation des risques et des avantages liés au fait de permettre une telle chose.

La sénatrice Martin : Encore une fois, c’est un commentaire, mais j’estime que certaines des pratiques exemplaires devraient tirer parti des connaissances et de l’expérience des organismes de bienfaisance de longue date qui ont connu beaucoup de succès et qui étaient autrefois de plus petite taille. Ces entités pourraient aider d’autres organisations à l’échelle canadienne. Je pense que, si nous pouvions assurer une coordination ou permettre la mise en commun des ressources, ce serait bénéfique pour tout le monde. La sagesse nous entoure. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de ce que vous faites.

Le sénateur Duffy : À l’instar de ma collègue de Vancouver, je suis moi aussi allé sur votre site web. C’est un excellent site, et j’invite nos téléspectateurs à aller consulter le site ImagineCanada.ca. Il en dit long sur tout cela.

Nous avons eu une discussion précédemment et nous voulons toujours nous assurer que nos téléspectateurs y participent. Vous en parlez sur votre site web. Nous avons utilisé l’expression « revenu gagné ». Il est probable que bon nombre des personnes qui regardent notre réunion ne savent pas de quoi nous parlons.

Qu’est-ce que le revenu gagné et quel est le lien avec les organismes de bienfaisance et l’article sur votre site web intitulé « La concurrence entre les organismes caritatifs et les entreprises au Canada : injuste ou indésirable? », lequel se penche sur cette question?

M. Emmett : Bien sûr. Merci, monsieur le sénateur. Le revenu gagné ressemble essentiellement beaucoup à ce que ferait une petite entreprise ou n’importe quelle entreprise; c’est la vente de biens et de services au sein du marché. Ce peut être des choses comme les boutiques de cadeaux dans les musées, c’est un petit exemple, ou encore la vente d’adhésions. Par conséquent, si on réunit la vente de biens et de services et les adhésions, on en arrive à environ 60 p. 100 des revenus des organisations de bienfaisance de base; c’est donc une part importante de leurs revenus.

Le sénateur Duffy : Étant donné la façon dont les règles sont actuellement libellées, il y a des limites imposées par l’Agence du revenu du Canada à ce que les organismes de bienfaisance peuvent faire.

M. Emmett : Oui.

Le sénateur Duffy : Les scouts peuvent vendre des pommes, mais ils ne peuvent pas vendre autre chose.

M. Emmett : Absolument. Il doit y avoir un lien, et il y a certaines limites au nombre d’employés rémunérés en plus d’autres limites du genre.

Le sénateur Duffy : Pour revenir sur ce que vous avez dit précédemment, demandez-vous que ces règles soient assouplies afin de rendre le secteur de la bienfaisance plus dynamique et plus à même de tirer profit des nouvelles idées, des nouvelles notions et des nouveaux services, de façon à ce qu’il soit en mesure d’utiliser certaines de ces connaissances et peut-être aussi cette part de marché pour compléter les fonds recueillis d’autres façons?

M. Emmett : Oui. Je pense que c’est une question qui devrait figurer dans le mandat du comité consultatif sur les politiques.

Dans le budget, le gouvernement a annoncé les fonds pour les finances sociales et l’innovation sociale. Dans le cadre de notre balado, que je vous recommande d’écouter, sur le site web d’Imagine Canada, il y a une entrevue avec une représentante de VERGE Capital, qui est liée au Pillar Nonprofit Network, à London, en Ontario. Elle disait que la cible des investissements de ces nouveaux fonds serait les organismes de bienfaisance ou les organismes sans but lucratif qui tirent des revenus de la vente de biens et de services.

J’en déduis que la vente de biens et de services va devenir beaucoup plus importante pour les organismes de bienfaisance et qu’il y aura un lien beaucoup plus important en ce qui a trait à l’innovation, l’expertise financière et tout le reste, qui accompagnera l’initiative sur la finance sociale, cette idée de tisser des liens entre les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif et de permettre un apport de capitaux patients venant d’investisseurs qui tiennent compte du facteur social.

Le sénateur Duffy : Par le passé, certaines personnes, ici, ont eu comme devise que, si c’est accessible, si c’est quelque chose qu’on peut trouver dans les pages jaunes, le gouvernement ne devrait pas s’en mêler.

À la lumière de vos commentaires sur la recherche liés au YMCA en Pennsylvanie, de quelle façon devrions-nous envisager une telle chose?

M. Emmett : J’imagine que je dirais que le problème, c’est que les personnes pauvres ne consultent pas les pages jaunes parce qu’elles n’ont pas d’argent à dépenser. En fait, le YMCA fait ce travail d’extension auprès de telles personnes et leur offre des services que d’autres personnes ne leur offrent pas. C’est la raison pour laquelle le Canada bénéficie beaucoup de la présence d’un secteur de bienfaisance inclusif et communautaire soucieux de joindre des personnes qui, sinon, ne seraient pas servies.

Le sénateur Duffy : La réduction du nombre de personnes qui vont à l’église... Votre recherche montre-t-elle qu’il s’agit là d’un problème qui crée un vide que d’autres groupes doivent combler?

M. Emmett : Si je me rappelle bien...

Le sénateur Duffy : En d’autres mots, les composants liés au travail de bienfaisance fait par les églises au pays depuis la création du Canada.

M. Emmett : Si je me rappelle bien, le rapport intitulé 30 ans de don au Canada montrait que les organisations religieuses contribuent encore beaucoup sur le plan du financement de bienfaisance, mais qu’il y a eu un léger déclin. Il y a peut-être un peu d’incertitude qui point à l’horizon.

Le président : C’est un sujet différent et il y a d’autres endroits pour en parler.

Le sénateur R. Black : J’ai une question et un commentaire. Ma question est liée à celle du sénateur Duffy. Vers où devrait-on se tourner à l’extérieur du Canada, à l’extérieur de notre administration, pour obtenir de l’information et des connaissances sur la façon dont les organismes de bienfaisance composent avec le revenu gagné? Vous avez parlé de l’Australie. Y a-t-il d’autres endroits que nous devrions connaître?

M. Emmett : Je sais que les gens parlent souvent de l’expérience du Royaume-Uni. Personnellement, j’en sais moins à ce sujet. Les gens ont aussi tendance à parler de la Nouvelle-Zélande. En fait, j’ai récemment laissé entendre que l’une des meilleures choses que les organismes de bienfaisance et le gouvernement pourraient faire est de mettre sur pied une mission d’enquête pour aller dans des endroits comme l’Australie, passer du temps là-bas, interagir avec les gens qui ont fait des choses assez novatrices en ce qui a trait à la législation et la réglementation et voir comment les choses se passent pour eux.

Le sénateur R. Black : Je voudrais vous remercier d’avoir confirmé certaines des choses que nous avons déjà entendues et d’avoir précisé certains aspects dans vos commentaires concernant une écologie organisationnelle mixte. Cela m’a interpellé. Une de nos recommandations devrait peut-être être que ce groupe, ou un sous-ensemble du groupe, fasse partie de cette mission d’enquête.

M. Emmett : Absolument.

Le président : Je dois souligner qu’il est déjà assez difficile d’obtenir du financement pour se rendre ne serait-ce qu’en Saskatchewan.

Le sénateur R. Black : Au cours de la prochaine législature.

Le président : Je sais que le Comité de l’agriculture, dont le sénateur Black et moi sommes membres, a eu de la difficulté à obtenir le financement nécessaire pour se déplacer au Canada. Même si je crois que votre idée est bonne, il faudrait essayer... Vous savez à quel point c’est difficile de faire faire certaines choses au gouvernement.

La sénatrice Omidvar : Monsieur Emmett, je tiens d'abord à vous remercier. Vous nous avez vraiment bien fait remarquer, comme vous l’avez fait pour notre auditoire, que les organismes de bienfaisance ne livrent pas concurrence aux petites entreprises. En fait, les petites entreprises ont beaucoup plus de soutien grâce à divers programmes que n’en reçoivent les organismes de bienfaisance.

Cependant, vous avez aussi souligné quelque chose que nous n’avons pas eu le temps d’examiner : la façon dont les organismes de bienfaisance peuvent obtenir des capitaux. C’est là un autre problème. Pouvez-vous nous parler des limites imposées aux organismes de bienfaisance qui reçoivent des investissements plutôt que des dons afin qu’ils puissent renforcer leurs sources de revenu et de croissance?

M. Emmett : Madame la sénatrice, c’est un excellent point. À ce que je sache — et encore une fois, je ne suis pas avocat — les organismes de bienfaisance n’ont aucune possibilité d’exploiter leurs capitaux. Elles n’ont pas de propriétaire effectif, et les capitaux propres sont une part de propriété. Il s’agit donc là d’une contradiction totale dans les termes.

L’idée de trouver une sorte de solution hybride permettant aux organismes de bienfaisance d’utiliser une partie de leurs capitaux propres ou de capitaux similaires serait vraiment bénéfique pour le secteur. Cependant, je ne suis pas assez habile sur le plan juridique pour dire quelle forme tout cela devrait prendre exactement.

La sénatrice Omidvar : Il ne fait aucun doute que vous êtes habile.

Le président : Je pourrais rappeler encore une fois la sage décision que j’ai prise il y a bien des années de ne pas fréquenter la faculté de droit.

Monsieur Emmett, merci beaucoup de votre participation. Ce que vous avez dit est très important. Vous avez stimulé certaines discussions et peut-être même certains débats entre les membres du comité, ce qui est aussi une bonne chose. Nous vous remercions de votre soutien continu et du soutien d’Imagine Canada dans tout le processus.

Je rappelle que, aujourd’hui, le comité poursuit son étude visant à examiner l’impact fédéral et provincial gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et d’autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Cet après-midi, nous avons le bonheur d’accueillir M. Antonio Manconi, directeur général de la Direction des organismes de bienfaisance de l’Agence du revenu du Canada. Il est accompagné de Mme Sharmila Khare, directrice de la Division de la politique, de la planification et de la législation et de Mme Roxane Brazeau-Leblond, directrice de la Division des entreprises et du revenu d’emploi de la Direction des décisions en impôt. Bienvenue à vous trois.

Monsieur Manconi, je crois savoir que vous allez présenter un exposé. Mes collègues vous poseront ensuite des questions.

Antonio Manconi, directeur général, Direction des organismes de bienfaisance, Agence du revenu du Canada : Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui.

Même si le rôle du ministère des Finances consiste à élaborer et à rédiger les règles qui soutiennent le programme de politique fiscale du gouvernement, il revient a l’ARC d’administrer ces règles. Aujourd’hui, nous discuterons des questions soulevées lors des différents témoignages que vous avez entendus au cours de la présente étude, depuis notre dernière comparution le 23 avril 2018. Cependant, avant de le faire, je voudrais vous fournir quelques mises à jour importantes qui touchent les organismes de bienfaisance ainsi que leur réglementation.

Premièrement, en janvier dernier, l’ARC a publié le document d’orientation CG-027 intitulé « Activités relatives au dialogue sur les politiques publiques et à leur élaboration par les organismes de bienfaisance aux fins de consultation publique ». Cette publication donne suite à l’adoption, par le Parlement, de nouvelles règles pour encadrer les activités politiques des organismes de bienfaisance. L’agence explique de quelle façon elle prévoit appliquer les nouvelles règles qui permettent maintenant à un organisme de bienfaisance de participer sans restriction à de telles activités afin de réaliser ses fins de bienfaisance déclarées.

L’ARC accepte les commentaires au sujet du document d’orientation jusqu’au 23 avril 2019. Tous les commentaires reçus seront examinés et étayeront la version définitive des lignes directrices.

Deuxièmement, je sais qu’il y a eu beaucoup de discussions au sein du comité sur l’affaire Canada sans pauvreté c. le Procureur général du Canada, qui était devant les tribunaux. Comme vous le savez, le gouvernement a décidé le 31 janvier 2019 de se désister de son appel de la décision dans cette affaire, car les dispositions législatives en cause dans le litige ne sont plus applicables depuis que le projet de loi C-86 a reçu la sanction royale.

Troisièmement, le 7 mars 2019, la ministre du Revenu national a répondu au rapport du Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance. Elle annonçait de nouvelles initiatives, dont un nouveau financement au cours de la période s’échelonnant de 2018-2019 à 2023-2024, pour améliorer les activités de sensibilisation et d’éducation dans le secteur de la bienfaisance, et l’amélioration de la formation interne à l’intention des employés de l’agence pour que ceux-ci appliquent les politiques de façon uniforme.

De plus, comme vous le savez, le gouvernement met sur pied un Comité consultatif permanent sur le secteur des organismes de bienfaisance. Celui-ci formulera des recommandations à l’intention de la ministre du Revenu national et du commissaire de l’agence sur les enjeux importants et émergents auxquels les organismes de bienfaisance et les donataires reconnus doivent faire face de façon continue.

Jusqu’à présent, Hilary Pearson, présidente-directrice générale de Fondations philanthropiques Canada, et Bruce MacDonald, président-directeur général de Imagine Canada, ont été nommés coprésidents du comité. Ils se joindront au coprésident de l’ARC, Geoff Trueman, sous-commissaire de la Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, et à 12 autres membres dont on confirmera l’identité sous peu.

Enfin, pour terminer sur une note très positive, je suis heureux de vous informer que, pour alléger le fardeau administratif des organismes de bienfaisance, l’agence a décidé de moderniser ses systèmes de technologie informatique afin de leur offrir de nouveaux services numériques. Dès juin 2019, la Direction des organismes de bienfaisance rendra plusieurs services numériques accessibles dans le cadre de cette initiative, y compris une nouvelle application en ligne pour l’inscription, ainsi que la production en ligne de la déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés T3010.

Nous attendons avec impatience notre conversation aujourd’hui. Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Omidvar : Merci, monsieur Manconi et les autres invités, d’être venus pour la deuxième fois, si ma mémoire est bonne. Nous avons énormément cheminé depuis la première fois que nous vous avons vus. Nous avons beaucoup de questions à vous poser, et je vais donc me lancer tout de suite.

Monsieur Manconi, je crois savoir que le ministère des Finances et l’ARC ont lancé des consultations sur l’ébauche des lignes directrices concernant le dialogue sur les politiques publiques, et vous êtes maintenant en ligne. Cela se poursuit.

En ce moment, pourriez-vous nous dire si la réponse est dynamique, si elle vient de toutes les régions du pays et de l’ensemble des secteurs, si vous observez certaines tendances et si vous pouvez nous communiquer ces tendances?

M. Manconi : Selon ce que j’ai vu à ce jour, nous recevons une diversité de commentaires de partout au pays. J’ai parlé aux représentants de divers secteurs, et il y a beaucoup de commentaires positifs, particulièrement puisque les lignes directrices précisent la politique existante aujourd’hui.

Nous voyons quelques bons résultats. Bien sûr, il y aura toujours ceux qui en veulent un peu plus, et on doit s’y attendre. Tous ces commentaires seront examinés lorsque nous préparerons notre version définitive du document.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je suis impatiente de voir le produit final lorsqu’il sera prêt. Vous avez également parlé du groupe consultatif de l’ARC et de ses membres. Pour ma part, je me réjouis vraiment que cela ait été mis en place.

Ma question — et cela concerne peut-être Mme Khare également — porte sur le travail du groupe consultatif; ça ne concernera pas seulement les relations du secteur avec l’ARC. Étant donné la nature du travail du secteur, cela va également viser tout un ensemble d’autres ministères du gouvernement. Le secteur s’occupe de sport, de santé, d’éducation, de technologie, et cetera. Comment le groupe consultatif pourra-t-il établir des liens avec les intervenants très nécessaires d’autres parties du gouvernement?

M. Manconi : Une fois que le programme est établi, nous envisageons d’établir des liens avec d’autres ministères. Nous pourrons les inviter à se joindre aux conversations à titre d’invités ou pour écouter. Si ce n’est pas possible, il y aurait des suivis de ces conversations une fois qu’elles auraient eu lieu.

Sharmila Khare, directrice, Division de la politique, planification et législation, Direction des organismes de bienfaisance, Agence du revenu du Canada : J’ajouterais que les programmes seront élaborés en collaboration par les coprésidents. En ce moment, il y en a trois : deux du secteur et un du gouvernement. Les intervenants contribueront beaucoup aux discussions du groupe. Le comité est toujours en évolution. Nous ne connaissons pas la composition finale. Nous ignorons les enjeux qu’ils souhaiteront aborder.

La sénatrice Omidvar : Je comprends que c’est légèrement hypothétique, mais les témoins ont sans cesse soulevé la préoccupation selon laquelle le travail du secteur, bien qu’il soit surveillé et administré par l’ARC, touche en fait la vie des Canadiens en passant par tous les rouages du gouvernement ailleurs dans le gouvernement. Je crois comprendre que ces ministères ne sont pas membres du groupe consultatif. Il y a un particulier. Je crois que M. Manconi a dit qu’il est le responsable des politiques publiques; j’oublie son titre exact. Ce n’est qu’une personne parmi tant d’autres. Comment rattacherez-vous le travail du secteur aux autres rouages du gouvernement? C’est la grande préoccupation que nous avons entendue.

M. Manconi : Pour ce qui est de l’aspect administratif du comité, nous avons un secrétariat complet qui est responsable de la gestion des points à l’ordre du jour. Comme je l’ai dit plus tôt, s’il y a des points de contact avec d’autres ministères, nous nous assurerons que ceux-ci sont reliés. Les responsables pourraient être invités à une audience du comité le jour particulier où l’on aborde un point de l’ordre du jour, ou nous pourrions faire un suivi.

Mme Khare : Je sais que tout cela est très hypothétique en ce moment, car les décisions finales n’ont pas été prises. Un cadre de référence énoncera de façon plus particulière le mandat du Comité consultatif sur le secteur des organismes de bienfaisance. On songe à mettre sur pied des groupes de travail dont les membres ne se limitent pas à ceux qui siègent officiellement au Comité consultatif sur le secteur des organismes de bienfaisance. Je vais juste donner un exemple : s’ils voulaient étudier une entreprise sociale, il serait assez bizarre que seuls l’ARC, le ministère des Finances et des membres du comité fassent partie de ces discussions. Il serait possible d’élargir le dialogue.

La sénatrice Omidvar : Merci. Cela me rassure. J’espère certainement voir cela se concrétiser. Je vais m’éloigner des questions hypothétiques et poser des questions concernant le passé. Je voudrais parler de la décision du ministère des Finances, mise en œuvre par l’ARC, de réduire le contingent des versements des organismes de bienfaisance, pour le faire passer de 4,5 p. 100 à 3,5 p. 100. Cette décision a été prise dans le contexte d’un ralentissement économique. Le raisonnement lié à la politique publique tenait à la réserve des actifs des organismes de bienfaisance.

C’était en 2008-2009. Depuis ce temps, les choses ont changé. L’économie va beaucoup mieux. Pourtant, le contingent des versements demeure à 3,5 p. 100. Monsieur Manconi, qui prend la décision de réduire, d’augmenter ou de calibrer le contingent des versements?

M. Manconi : Cela fait partie de la Loi de l’impôt sur le revenu. C’est une fonction législative qui en fait maintenant partie. Pour changer cela, il nous faudrait nous en remettre à nos collègues du ministère des Finances.

La sénatrice Omidvar : Ce serait la fonction du ministre des Finances?

M. Manconi : Exact. Nous nous contentons d’administrer ce rôle.

Le président : Il semble que vous ayez affaire à un enjeu énorme. Même si vous êtes l’ARC, vous devez tout de même vous tourner vers le ministère des Finances pour que certaines choses soient faites. N’est-ce pas une tâche fastidieuse? Cela ne ralentit-il pas le processus?

M. Manconi : Nous ne sommes que les administrateurs. C’est le processus qui est en place aujourd’hui.

Le président : Je vais probablement vous mettre dans une position délicate en vous demandant de formuler un commentaire, mais je formulerai moi-même un commentaire. Il semble, de l’extérieur, que c’est fastidieux de devoir se tourner vers un autre ministère lorsque vous travaillez pour l’Agence du revenu du Canada. Cela va peut-être anticiper sur certaines des recommandations que nous pourrions formuler; peut-être que les choses devraient être faites dans le cadre d’une seule rubrique, peu importe laquelle. Nous n’allons pas découvrir cela en ce moment.

La sénatrice Omidvar : Savez-vous si le contingent des versements dans d’autres administrations semblable est aussi une question de législation? Est-ce du ressort des ministères en Australie ou au Royaume-Uni?

Mme Khare : Je ne connais pas bien les exigences semblables dans l’ensemble des administrations. Je crois qu’il y a quelque chose qui y ressemble aux États-Unis. Nous devons nous rappeler que le contingent des versements est vraiment juste le montant minimal que les organismes de bienfaisance doivent consacrer à des activités de bienfaisance. Fondamentalement, les organismes de bienfaisance sont censés consacrer leurs ressources afin de faire avancer les fins caritatives au moyen des activités de bienfaisance. Et ce n’est vraiment qu’une mesure provisoire.

La sénatrice Omidvar : On a constaté une diminution des dons au fil des ans. Je suis sûre que vous avez tous vu le rapport. Pouvons-nous établir un lien entre A et B en ce qui concerne la diminution des dons? Je crois comprendre que vous dites que 3,5 p. 100 est le plancher, pas le plafond. Je connais beaucoup d’organismes de bienfaisance qui en font beaucoup plus, mais j’en connais aussi un grand nombre qui disent : « Ouf, maintenant, nous n’avons pas besoin d’atteindre 4,5 p. 100; nous pouvons nous en tenir à 3,5 p. 100. » Pouvez-vous établir une distinction entre la diminution des dons et le contingent des versements?

Mme Khare : Ce n’est pas un travail que j’ai fait.

Le président : Pour moi, j’ai l’impression que plus nous abaissons le contingent des versements, plus nous nous exposons au risque qu’une personne ne présente pas le secteur de bienfaisance de la manière dont il a été conçu. Le but du jeu est de débourser des fonds par rapport à l’intention de bienfaisance. Si l’on abaisse ce plancher des versements à 3,5 p. 100, cela veut dire qu’il y a énormément d’argent qui est dépensé ailleurs ou qui n’est pas déboursé du tout.

Je sais que votre travail consiste non pas à le débourser, mais bien à le réglementer. Je dirais que le seuil de 3,5 p. 100 est très faible. Comme j’ai travaillé dans le secteur de la bienfaisance durant toute ma carrière, je serais très déçu si nous nous retrouvions dans une position où je ne déboursais que 3,5 p. 100.

Il y a toutefois des exceptions à la règle; certains organismes de bienfaisance pourraient ne pas atteindre le contingent. Par exemple, un organisme de bienfaisance qui planifie une campagne de financement pour construire un nouvel établissement d’un certain type ou pour aider à satisfaire à ses fins de bienfaisance pourrait, de temps en temps, étant donné les contraintes de temps, retenir une très grande somme d’argent. Il pourrait ne pas la débourser jusqu’à ce qu’il soit prêt à achever le projet d’immobilisations. Existe-t-il des dispositions à cet égard si un organisme de bienfaisance n’atteint pas le seuil de 3,5 p. 100?

M. Manconi : Dans ce cas, l’organisme de bienfaisance peut nous appeler et faire valoir son cas afin de demander une exception. Cela serait documenté. Un plan d’action serait créé. Il définirait son projet et expliquerait pourquoi il a besoin d’une exemption pour cette année particulière ou pour deux ans.

Puis, nous établirions un arrangement où, une fois que le plan de projet serait concrétisé, il respecterait son contingent des versements.

Le sénateur R. Black : Nous avons entendu un témoignage selon lequel le nombre d’organismes qui reçoivent le statut d’organisme de bienfaisance a connu une baisse depuis le début du siècle jusqu’à aujourd’hui. Nous avons aussi entendu dire que d’autres organismes qui ont déjà omis de produire leurs T3010 et qui veulent s’inscrire de nouveau ont du mal à le faire. L’ARC a-t-elle une politique tacite visant à limiter le nombre d’organismes de bienfaisance au Canada? Pourquoi l’approbation des taux de nouvelles inscriptions a-t-elle diminué?

M. Manconi : Non, nous n’avons pas de politique. Il n’y a pas de plafond ni de points de repère que nous voulons atteindre. En même temps que la diminution du nombre d’inscriptions, nous avons aussi constaté une diminution du nombre de demandes, donc les deux vont de pair. Proportionnellement, nous enregistrons toujours environ de 50 à 60 p. 100 des demandes que nous recevons par année. C’est une constante au fil des ans.

Le sénateur R. Black : D’accord. Merci. Il a beaucoup été question du revenu gagné chez les organismes auxquels nous nous sommes adressés et dont nous avons entendu parler. Comment l’ARC évalue-t-elle et vérifie-t-elle ces projets générateurs de revenus gagnés pour s’assurer que les profits sont renvoyés à l’organisme?

Mme Khare : La question concerne-t-elle les organismes de bienfaisance? Les organismes de bienfaisance sont autorisés à participer à des activités commerciales complémentaires. Pour qu’une activité soit complémentaire, elle doit être accomplie entièrement par des bénévoles. Ce matin, il y avait un exemple de scouts qui vendaient des pommes. Il s’agit d’une activité réalisée par des bénévoles. Nous la considérerions comme une activité complémentaire. Ou si vous participez à une activité commerciale qui est subordonnée et liée aux fins de l’organisme de bienfaisance. Lorsqu’on parle d’activités subordonnées, cela veut essentiellement dire qu’elles ne consomment pas entièrement votre temps, et une activité liée, très simplement, n’est pas quelque chose d’aléatoire. Si vous étiez un hôpital, une activité commerciale complémentaire serait liée à la cafétéria ou au stationnement, qui vous sont tous deux nécessaires si vous voulez accomplir votre fin de bienfaisance liée à la promotion de la santé.

Le sénateur R. Black : Un casino caritatif?

Mme Khare : Nous devons toujours examiner l’ensemble des faits d’une situation particulière, mais cela semble très peu probable.

Le sénateur R. Black : Est-ce que vous évaluez ces choses ou me prenez au mot si je suis l’organisme qui vous envoie les renseignements? Ou bien allez-vous vérifier ou frapper à des portes si vous avez un doute? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme Khare : Le système concernant les organismes de bienfaisance s’apparente beaucoup à celui d’autres contribuables. C’est un système d’autoévaluation. Les organismes de bienfaisance produisent une déclaration de renseignements annuelle. Puis, nous avons une gamme d’activités. Au Canada, nous comptons plus de 85 000 organismes de bienfaisance enregistrés, mais ce n’est pas chaque organisme qui fera l’objet d’une vérification au cours d’un exercice donné. Il pourrait y avoir des lettres de rappel. Si nous remarquons que des organismes de bienfaisance produisent constamment des déclarations de renseignements tardivement, nous pourrions mettre en place un projet éducatif ciblé pour aider à rappeler aux organismes de bienfaisance leurs obligations redditionnelles. Ces types d’interventions se révèlent aussi très efficaces. Nous avons un nouveau programme qui fonctionne depuis environ un an et demi. C’est un programme éducatif, le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance. Il ressemble beaucoup à un programme de liaison qui existe pour les petites entreprises, où des vérificateurs vont visiter des organismes de bienfaisance qui sont enregistrés depuis quelques années, révisent leurs livres et leurs dossiers, fournissent quelques renseignements et leur laissent quelques recommandations. Le principe, c’est que vous voulez obtenir la conformité dès le début.

Le sénateur R. Black : Merci.

Le président : S’il y a un certain nombre de gens qui omettent systématiquement de s’enregistrer de nouveau à temps, avez-vous analysé la situation pour voir s’il y a un dénominateur commun? Y a-t-il quelque chose dans le processus d’enregistrement qui est ralenti dans un secteur particulier des organismes de bienfaisance? Est-ce que tous les organismes du groupe X s’enregistrent tardivement ou que tous les organismes du groupe Y s’enregistrent à temps? Analysez-vous la situation pour voir si vous leur demandez quelque chose qui les ralentit? Nous savons que ce ne sont pas tous les organismes de bienfaisance qui ont la même capacité de répondre à votre demande, étant donné leur taille et leur effectif. Peut-être que certains d’entre eux n’ont pas du tout de personnel, certains ont un employé, et cetera.

Mme Khare : La campagne la plus récente qui a été menée relativement à la production à temps concernait les organisations à caractère éducatif. Je crois que la connaissance de cette obligation annuelle était faible, et nous avons affaire à un secteur où le roulement des bénévoles, particulièrement ceux qui siègent à des comités, est assez régulier. Très souvent, vous avez un bénévole qui a rempli le formulaire, qui le fait pour quelques années puis qui s’en va. Il s’agissait vraiment davantage de comprendre les obligations chaque année. Je ne suis pas au courant d’autres recherches qui auraient été effectuées.

La sénatrice Martin : Je souhaite poursuivre sur la façon dont vous rationalisez et simplifiez le processus. Dans la réponse du gouvernement au rapport du Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance, vous savez que la ministre du Revenu national a souligné que l’ARC a lancé le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance ainsi qu’un examen et une mise à jour du site web.

Ma première question porte sur l’examen et la mise à jour du site web : pourriez-vous expliquer comment cela a entraîné de meilleurs renseignements et des systèmes plus rationalisés? Vous avez mentionné que vous avez de nouveaux services numériques, mais je sais que le passage au numérique n’est pas toujours la solution la plus efficace. Parfois, cela peut se révéler très complexe. Pourriez-vous nous dire quelle en a été l’efficacité et comment ses services ont pu être rationalisés?

M. Manconi : Je pourrais peut-être commencer avec les services numériques que nous avons l’intention de lancer. Nous avons fait ce travail en consultation avec le secteur. En octobre, nous avons rencontré les représentants du secteur de partout au pays. Nous leur avons présenté des démonstrations pratiques et avons obtenu quelques commentaires positifs. Nous avons conçu l’application en ligne et la déclaration de renseignements de façon très conviviale. À mesure que vous parcourez chaque champ, des indicateurs d’aide vous fourniront des renseignements ou s’adapteront au format adéquat. C’est très intuitif pour ce qui est d’aider l’utilisateur à passer à travers le processus. Pour ce qui est de l’aspect de la demande, elle aide aussi à s’assurer que les demandes sont complètes lorsqu’elles nous parviennent. Cela va accélérer le processus d’enregistrement, plutôt que de renvoyer toujours des demandes de renseignements supplémentaires. Lorsque les utilisateurs appuient sur le bouton envoyer, le formulaire sera complet, et cela les aide beaucoup. Pour ce qui est de l’aspect de la production, comme je l’ai dit, cela aide à faire les calculs, et va permettre d’éviter quelques erreurs de saisie de données ou de calculs. C’est très intuitif, et il y a beaucoup de menus d’aide tout au long du processus.

La sénatrice Martin : Cela semble très bien. Qu’en est-il des utilisateurs qui ont certains besoins culturels, que ce soit une langue ou des aspects très propres à leur organisme? On pourrait parler de collectivités autochtones ou de communautés ethnoculturelles?

M. Manconi : Notre numéro 1-800 est indiqué. Elles peuvent appeler, et nous pouvons les guider tout au long du processus. Nous avons donc ce contact humain également.

La sénatrice Martin : Est-ce que de l’aide est offerte dans des langues autres que les deux langues officielles?

M. Manconi : Oui. Dans le cadre des gouvernements dans leur ensemble, nous avons désigné des gens qui parlent des langues différentes. Je me suis inscrit pour fournir de l’aide à quiconque veut parler italien, car je suis Italien. Il y a des gens qui peuvent fournir des services dans des langues différentes.

La sénatrice Martin : Je crois que c’est assez important. Concernant le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance, le nouveau programme différera-t-il des efforts de sensibilisation précédents qui ont supposé des visites en personne auprès des organismes de bienfaisance enregistrés? Ferez-vous d’autres activités de sensibilisation?

M. Manconi : Le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance a été lancé il y a environ un an et demi, puis en novembre dernier à l’échelle nationale. C’est notre visite en personne. Nous voulons nous assurer que tout le monde le comprend bien dès le début. Nous avons d’abord mis l’accent sur les organismes nouvellement enregistrés. Après 6 à 12 mois d’activité, nous les rencontrons pour nous assurer qu’ils comprennent leurs obligations ainsi que les règles.

C’est un exercice de communication de renseignements. Nous jetons un coup d’œil rapide à leurs livres et à leurs dossiers pour nous assurer qu’ils sont sur la bonne voie et nous leur fournissons quelques conseils afin qu’ils demeurent conformes.

C’est très positif. Nous en avons évalué environ 540 au fil des ans. Encore une fois, nous avons reçu beaucoup de commentaires positifs de la part du secteur. Les organismes ont rédigé beaucoup de commentaires positifs à notre intention.

La sénatrice Martin : C’est beaucoup pour une année, mais je sais qu’il y a probablement autant, voire plus, de nouveaux organismes de bienfaisance. En ce qui concerne votre personnel et les limites du nombre de gens qui peuvent faire ce travail, allez-vous prendre de l’expansion? Pouvez-vous en faire davantage? Pourriez-vous en parler un peu?

M. Manconi : Nous voulons lancer le programme la première année pour voir comment il se déroule, puis nous examinerons nos ressources et la façon dont nous pouvons les réaligner.

Comme nous avons fait 540 visites, nous avons en fait réduit le nombre de vérifications. En fait, si vous faites plus de visites à l’interne, cela permet de multiplier les avantages, et, nous l’espérons, cela permettra de réduire le nombre de vérifications. Et alors, le nombre de vérifications que nous ferons sera axé davantage sur les vérifications à risque élevé.

La sénatrice Martin : Il s’agit de visites en personne, mais avez-vous d’autres méthodes de sensibilisation?

M. Manconi : Dans le cadre de l’annonce récente, nous ferons également ce que nous appelons les « tournées de présentation ». Nous en ferons partout au pays afin de fournir des séances d’information à des régions différentes du pays. Nous commencerons cela au cours du printemps ou de l’été. Nous avons reçu du financement pour cette initiative dans le cadre des annonces récentes.

Cela dit, nous tenterons d’élargir nos méthodes de sensibilisation afin de rejoindre le plus grand nombre de gens possible.

Mme Khare : Nous allons également compléter les séances d’information des organismes de bienfaisance en personne par des conférences vidéo, car nous ne pouvons pas nécessairement rejoindre tout le monde partout au pays.

Vous aviez aussi posé une question au sujet des mises à jour de notre site web. Nous planifions quelques mises à jour des pages web liées au processus de vérification, afin de démystifier ce qui se passe si vous êtes sélectionné en vue d’une vérification de votre organisme de bienfaisance. On prévoit mettre à jour l’information sur le processus d’appels touchant les organismes de bienfaisance. Nous cherchons également à mettre à jour nos pages web sur les renseignements qui pourraient revêtir un intérêt pour les groupes autochtones.

Ce travail n’est pas terminé, il est en cours. Cela faisait partie de la réponse du gouvernement également.

La sénatrice Martin : Merci.

Le président : Dans votre exposé, vous avez parlé du Comité consultatif permanent sur le secteur des organismes de bienfaisance et de la nomination de Hilary Pearson et de Bruce MacDonald en tant que coprésidents, ainsi que de Geoff Trueman du côté du gouvernement. On confirmera sous peu l’identité de 12 autres membres. Qu’entendez-vous par « sous peu »?

M. Manconi : En ce moment, nous attendons une réponse des responsables du cabinet de la ministre et de notre commissaire, puisque ce seront eux qui se chargeront des nominations.

Le président : Savez-vous comment ces noms sont choisis?

M. Manconi : Non. On veut s’assurer que l’on peut couvrir l’ensemble des organismes du secteur de bienfaisance, et c’est pourquoi ils prennent probablement leur temps.

Le président : Consultent-ils des gens actifs dans le secteur, le savez-vous? Si tout se passe au cabinet de la ministre, vous l’ignorez peut-être.

M. Manconi : Non, je ne le sais pas.

Le président : Vous avez également dit que, en juin 2019, la Direction des organismes de bienfaisance rendra plusieurs services numériques accessibles dans le cadre de l’initiative, y compris la demande d’enregistrement en ligne, ainsi que la production en ligne de la Déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés T3010.

Quels autres services seront rationalisés et accessibles?

M. Manconi : Ils seront en mesure de rechercher eux-mêmes de l’aide et d’apporter des modifications à leur compte en ligne, en plus de changer leur adresse, ou bien les administrateurs, s’il y a lieu. Ils pourront aussi soumettre leurs documents par voie électronique afin d’éviter le papier et d’accélérer le processus. Nous aurons des boîtes de réception et pourrons leur répondre également par voie électronique.

La sénatrice Omidvar : Je voudrais vous poser une question au sujet de ce que le ministère a fait relativement aux décisions stratégiques et aux directives du gouvernement. Je souhaite mieux comprendre le travail qui a été entrepris pour annoncer le crédit pour premier don de bienfaisance. Nous savons qu’il a été annulé, et je peux imaginer qu’on l’a fait parce qu’il n’était pas une réussite.

Je voudrais approfondir la question davantage et vous demander quelles activités votre ministère a entreprises pour annoncer cette mesure aux donateurs? Combien d’argent avez-vous dépensé? Combien de gens ont été affectés à cette tâche? La décision d’annuler le programme était-elle attribuable au nombre d’adhésions ou à un manque d’efforts? Je tente de comprendre ici, car je crois vraiment que c’était une excellente proposition pour fournir des règles du jeu équitables aux petits donateurs, au moment où nous essayons de rehausser les mesures incitatives pour les dons philanthropiques.

Mme Khare : Je vais tenter une réponse. Essentiellement, chaque fois qu’on propose de nouvelles mesures fiscales, de nouveaux crédits d’impôt, l’ARC essaie de participer à des activités promotionnelles.

Pour ce qui est du super crédit pour premier don de bienfaisance, on a publié un communiqué en 2013. Une page web pointait vers la page web sur la production du T1, qui s’adresse aux particuliers, et nos pages web sur les organismes de bienfaisance et les dons pointaient aussi vers ce domaine.

Il y avait sur notre site web quelque chose qui s’appelait « calculateur du crédit d’impôt pour don de bienfaisance ». Vous pouviez inscrire le montant du don que vous souhaitiez faire et de l’aide que vous receviez. On l’a mis à jour pour tenir compte du super crédit pour premier don de bienfaisance.

Une vidéo était également en ligne pendant quelques années. On avait quelque chose qui s’appelait les diapositives circulaires. Lorsque vous alliez sur la page d’accueil de l’ARC, vous pouviez voir une diapositive sur le super crédit pour premier don de bienfaisance. Il y avait également une campagne radio intitulée « Unleashing Your Inner Superhero with the First-Time Donor’s Super Credit ».

Ce sont certaines des choses qu’a faites l’Agence du revenu du Canada. À ma connaissance, des organisations et des organismes de bienfaisance menaient également quelques activités promotionnelles. Je sais qu’Imagine Canada avait sur son site web un excellent article sur le super crédit pour premier don de bienfaisance, et je sais que quelques universités faisaient également la promotion d’incitatifs fiscaux.

Par rapport à votre question sur la somme d’argent que nous avons dépensée pour la publicité et la promotion du crédit, je n’ai pas ce renseignement à ma disposition. Je ne sais pas si je pourrais mettre la main dessus, car nous avons beaucoup d’incitatifs fiscaux et de mesures fiscales à promouvoir en tant qu’agence.

Pour ce qui est de la décision d’annuler le super crédit pour premier don de bienfaisance, cette mesure a été présentée comme incitatif fiscal temporaire. Son élimination progressive était prévue. Je crois que vous pourriez vraiment parler au ministère des Finances pour savoir pourquoi nous ne l’avons pas poursuivi, afin de voir quel type d’évaluation il a fait.

La sénatrice Omidvar : Je le ferai. Il me semble que, même s’il y avait quelques campagnes radiophoniques intéressantes, elles étaient surtout réactives, et non pas proactives. Je ne me rappelle pas avoir vu à la télévision quoi que ce soit concernant le fait de découvrir votre super-héros et de faire un premier don de 50 $. Je ne me rappelle pas avoir vu cela. Cela aurait été une bonne chose, mais je vais vérifier auprès du ministère des Finances.

Madame Khare, je voulais vous poser une question au sujet d’une recommandation que nous avons reçue de la part d’un certain nombre de personnes, selon laquelle les appels concernant la révocation, la non-délivrance ou la non-approbation du statut d’organisme de bienfaisance devraient être déplacés du lieu actuel, c’est-à-dire le système traditionnel, vers la Cour de l’impôt. Cette proposition semble très sensée pour ceux d’entre nous qui ne sont pas à votre place ni à celle de vos employés.

Pourriez-vous nous dire quels pourraient être les désavantages de cette mesure? Nous avons seulement entendu dire pourquoi cela serait sensé. Je voudrais entendre votre argumentation : pourquoi estimez-vous que cela ne devrait pas bouger?

Mme Khare : Ce sont des décisions qui sont prises par le ministère des Finances, et non pas par l’Agence du revenu du Canada. Au final, nous réglementons les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je crois qu’il importe de se rappeler que, avant d’envoyer quelque chose à la Cour d’appel fédérale, l’Agence du revenu du Canada suit un processus d’appels interne qui ne suppose pas du tout la participation des tribunaux. Une partie distincte de l’agence examine le travail qui a été effectué à la Direction des organismes de bienfaisance. L’entité a la possibilité d’amorcer un dialogue avec la Direction des appels afin de fournir des renseignements supplémentaires. Elle assume un peu la fonction de contestation ou bien de vérification interne pour faire en sorte que nous appliquions correctement la loi.

La sénatrice Omidvar : Combien de fois la décision est-elle renversée?

Mme Khare : Cela dépend du type d’appel. J’ai avec moi les données que je pourrais vous fournir.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Mme Khare : Pour ce qui est des enregistrements, je crois qu’il y en a eu 277, et c’était environ le tiers.

La sénatrice Omidvar : Procède-t-on donc ensuite au rétablissement du statut d’organisme de bienfaisance du tiers des organismes?

Mme Khare : Oui, mais je préfère trouver les données exactes et vous les fournir. Ils jouent un rôle réel. Ce n’est pas une approbation automatique des décisions que nous avons prises à la direction. Nous avons tiré des leçons de tout cela. Nous utilisons l’information du processus d’appels pour examiner nos documents d’orientation stratégique afin de voir s’il y a des échappatoires et des choses qui pourraient être précisées. Nous examinons notre processus d’enregistrement ainsi que notre processus de vérification comme résultat de ces apprentissages.

Le sénateur R. Black : En ce qui concerne vos services numériques et la croissance de votre offre, sont-ils liés aux organismes provinciaux respectifs? J’ai dressé l’oreille lorsque vous avez parlé du changement d’administrateurs, car, en Ontario, vous devez également mettre la province au courant. Ces deux systèmes pourraient-ils communiquer entre eux, de sorte que vous n’ayez à remplir la demande qu’une fois, ou bien le faisons-nous déjà?

M. Manconi : Nous n’en sommes pas encore là. C’est notre premier lancement de quelque chose de cette nature. C’est assez gros et assez coûteux. À partir de là, nous recherchons les possibilités d’élargir le système pour pouvoir faire de telles choses. Notre défi continu consistera à essayer de réduire le fardeau pour le secteur.

Le sénateur R. Black : C’est donc déjà prévu comme quelque chose...

M. Manconi : C’est quelque chose que je vais tout de suite retenir.

Le sénateur R. Black : Merci.

Le sénateur Francis : Avez-vous du personnel désigné qui travaille auprès de groupes autochtones, précisément, et qui ont une bonne compréhension de la culture et des besoins, par exemple si l’on demande un numéro d’organisme de bienfaisance?

M. Manconi : Étant donné que le secteur est très vaste, nous n’avons pas de gens précis pour chaque type. Toutefois, nous avons investi beaucoup dans l’apprentissage au sujet du secteur et des groupes autochtones au cours des 12 derniers mois. Nous avons passé beaucoup de temps à rencontrer des gens, des représentants et des collectivités autochtones. Nous fournissons des services. Nous savons que des personnes veulent travailler dans le secteur caritatif. Nous prêtons attention à ces besoins.

La sénatrice Martin : Vous avez dit que le 23 avril est la date avant laquelle vous vous attendez à recevoir des commentaires ou à en solliciter. Je suis curieuse de savoir quel suivi fera l’ARC par rapport aux commentaires. Avez-vous un échéancier concernant ce que vous prévoyez faire? De plus, au sujet de la mise à jour que vous faites sur le site web, vous dites que c’est en cours. Avez-vous prévu un échéancier pour vous-mêmes concernant la date de la mise à jour?

M. Manconi : Pour l’orientation, comme vous l’avez dit, la date de fin est le 23 avril. À titre de précision, nous acceptons continuellement des commentaires de la part du secteur tout au long de l’année et nous tenons toujours compte des renseignements et des commentaires. Dans ce cas particulier, nous voulons fixer une date afin de pouvoir fournir une version ferme et définitive du document.

Combien de temps cela prendra-t-il? Cela dépend de la quantité de changements qui sont demandés, le cas échéant. Ceux-ci vont nous guider pour que nous puissions savoir de combien de temps nous avons besoin, car nous voulons nous assurer de présenter le meilleur produit qui soit. Une fois que nous aurons mis la dernière main à cette version, nous la téléverserons sur le site web.

La Direction des organismes de bienfaisance a accès à notre site web directement, donc nous pouvons apporter des changements assez rapidement. Dans le cadre des annonces récentes concernant le comité, nous avons investi des fonds afin de modifier notre site web. Il s’agira de mesures continues au cours des deux prochaines années.

La sénatrice Martin : Les deux prochaines années pour cet échéancier général. Merci.

La sénatrice Omidvar : Je crois que votre ministère a un travail difficile à faire, parce que vous devez interpréter, dans un ministère, les décisions qui sont prises dans la Loi de l’impôt sur le revenu et par le Parlement. Nous avons reçu un témoignage selon lequel les organismes de bienfaisance sont souvent incapables d’établir la distinction entre vos activités et la volonté du Parlement, des législateurs. Ils ont du mal à comprendre et à reconnaître cette distinction.

Pourriez-vous nous dire comment vous vous assurez que vos processus et que vos décisions relatives à la réglementation, à la surveillance et à l’application de la loi sont harmonisés avec la Loi de l’impôt sur le revenu et la volonté du Parlement?

M. Manconi : D’abord, nous avons dès le départ cet aspect éducatif. J’ai mentionné plus tôt le Programme éducatif pour les organismes de bienfaisance dans le cadre duquel nous allons rencontrer les gens. Nous avons aussi beaucoup investi cette année dans nos médias sociaux, en plus d’envoyer beaucoup de gazouillis concernant l’interprétation des politiques. Nous nous occupons aussi de ce que nous appelons des outils graphiques. Essentiellement, c’est une page d’images. Nous essayons d’interpréter les politiques au moyen d’images qui sont faciles à comprendre pour les gens. Nous appelons ces outils des outils éducatifs graphiques.

Ensuite, nous rencontrons des représentants du secteur quelques fois par année. Nous recevons une rétroaction sur le déroulement des choses. Nous cernons les nouveaux problèmes relatifs à la compréhension des politiques, des procédures ou de la loi.

En retour, nous observons toujours nos méthodes de surveillance et de mise à jour de notre orientation et de nos sites web, pour veiller à ce que les règles soient bien comprises.

La sénatrice Omidvar : Vous devrez publier des lignes directrices quant aux changements des activités de défense de l’intérêt public si une activité constitue une activité partisane directe ou indirecte. S’agit-il d’un aspect sur lequel le groupe consultatif de l’ARC mènera quelques consultations et vous fournira des conseils ou est-ce quelque chose que vous...

M. Manconi : En fait, cela s’inscrit dans notre ébauche de lignes directrices en ce moment même. Elle décrit les deux. Pour ce qui est de la rétroaction du secteur quant à la façon dont il aimerait voir les choses, nous avons également des exemples. Nous avons produit un outil éducatif graphique qui indique des choses à faire et des choses à ne pas faire. Nous essayons de rendre nos lignes directrices le plus faciles à lire et à comprendre possible. Bien sûr, il y a toujours la consultation.

Le président : Merci beaucoup. Avant de terminer, je voulais dire que c’est toujours une bonne chose de recevoir des gens de l’ARC devant le comité et bien d’autres nombreux comités sénatoriaux. J’aime toujours m’assurer que nous vous disons en public, lorsque les caméras de télévision tournent, à quel point nous apprécions le travail que vous faites au nom des Canadiens. Ce n’est pas tout le monde qui a l’occasion de le dire au fisc, mais je crois que c’est important de le faire. De plus, je suis ravi de constater à quel point il est rafraîchissant de voir l’ARC s’efforcer de réagir aux préoccupations des Canadiens, que ce soient des parlementaires ou des groupes de Canadiens issus de divers secteurs. C’est une chose très positive. C’est probablement difficile de continuer de l’administrer, mais c’est aussi une chose importante de nouer le dialogue avec les Canadiens. Je salue la qualité des gens qui travaillent pour l’ARC.

Je vous remercie d’être ici. Nous allons maintenant entamer la prochaine partie de notre séance. Nous recevons sept témoins dans le cadre de notre prochain groupe, et je vais donc vous donner un avertissement formel, à savoir que l’heure que nous avons réservée va probablement devenir une heure et demie. Veuillez vous y préparer. Merci beaucoup.

Nous recevons un grand groupe aujourd’hui, et j’ai donc dit à mes collègues que cette séance d'une heure allait maintenant devenir une séance de une heure et demie. J’espère que cela ne dérangera pas trop nos témoins. Pour répondre aux besoins de tous, je me suis dit qu’il serait préférable de le faire dès le début et de prolonger la séance d’une demi-heure. Nous voulons aussi que les déclarations soient succinctes, tout comme les questions et les réponses. Je demande à tous de se préparer à rester succincts.

Aujourd’hui, nous recevons Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, et Blaine Langdon, directeur, Organismes de bienfaisance, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, du ministère des Finances. Nous accueillons Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, ainsi que Darryl Patterson, directeur, Direction de l’entreprise, de la concurrence et de l’insolvabilité, d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. De plus, nous accueillons Michael Lionais, directeur exécutif, Centre d’expertise de l’établissement des coûts, Bureau du contrôleur général du Canada, du Secrétariat du Conseil du Trésor. Voilà qui est toute une carte de visite. Nous allons entendre Lorenzo Ieraci, directeur général, Programme des approvisionnements, de Services publics et Approvisionnement Canada.

Enfin, nous recevons Catherine Scott, directrice générale, Direction des partenariats de développement communautaire et de lutte contre l’itinérance, ainsi que Jocelyne Voisin, directrice générale, Direction de la jeunesse et de l’innovation en matière de compétences, d’Emploi et Développement social Canada.

J’espère que je n’ai pas insulté qui que ce soit avec mon interprétation néo-écossaise de votre nom.

[Français]

Pierre Leblanc, directeur général, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Nous vous remercions de l’invitation à présenter nos remarques devant votre comité et, surtout, pour votre travail très important dans ce domaine.

[Traduction]

M. Leblanc : Blaine et moi sommes venus ici il y a environ un an, et nous sommes ravis d’être de retour. Merci de votre travail très important.

La dernière fois que nous étions ici, nous avons principalement passé en revue les incitatifs fiscaux pour les dons de bienfaisance et le cadre réglementaire général concernant la gouvernance du secteur caritatif. Nous allons vous parler des activités politiques et de ce qui s’est passé depuis notre dernière rencontre. Je crois que vous avez abordé cette question lorsque vous avez parlé à votre collègue de l’ARC, soit les modifications législatives qui permettent maintenant aux organismes de bienfaisance de se livrer à des activités illimitées de dialogue sur la politique publique et le développement, pourvu que ces activités fassent avancer une fin caritative énoncée.

Vous avez aussi entendu parler du Comité consultatif sur le secteur des organismes de bienfaisance. En tant que représentants du ministère des Finances, nous sommes impatients de faire partie de cette initiative importante.

J’ai une nouvelle chose à vous dire au sujet de l’ARC que je n’ai pas encore abordée. Récemment, par rapport au travail que vous avez effectué dans le budget 2019, nous avons vu apparaître une série de mesures visant à soutenir le journalisme au Canada. Le gouvernement a annoncé son intention d’accorder le statut de donataire reconnu aux organisations journalistiques admissibles exerçant des activités à but non lucratif. En vue d’intégrer le tout au cadre réglementaire touchant les organismes de bienfaisance, les donataires reconnus — ce que nous appellerons les organisations journalistiques enregistrées — seront admissibles à recevoir des fonds d’organismes de bienfaisance, y compris des fondations. Ils pourront également profiter d’incitatifs fiscaux pour dons de bienfaisance, ce qui veut dire que les organisations journalistiques enregistrées pourront émettre des reçus de don pour chaque cadeau qu’elles reçoivent. Nous avons annoncé plus de détails dans le budget il y a quelques semaines.

Nous serons très heureux de répondre à toutes vos questions.

Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci.

[Français]

Notre direction générale s’occupe d’analyser et de promouvoir le rôle des politiques-cadres du marché dans l’attente des objectifs du ministère. Cela comprend les analyses de la gouvernance des entreprises, de la concurrence, de la propriété intellectuelle et des lois et politiques sur la protection de la vie privée, entre autres, et leurs rôles respectifs dans le renforcement de l’efficacité du marché, de la confiance des consommateurs et de l’économie de l’innovation.

[Traduction]

Un premier point d’entrée pour mon ministère dans le secteur de bienfaisance découle de la loi grâce à laquelle des entités à but non lucratif peuvent se constituer en société en tant qu’entités juridiques sans capital-actions, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Je signale que la constitution en société en tant qu’organisation à but non lucratif sous le régime de la loi n’est pas suffisant pour qu’une société soit considérée comme un organisme exonéré d’impôt ou un organisme de bienfaisance enregistré aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. Plutôt, la loi énonce simplement les règles de base concernant la formation et la gouvernance des organisations, par opposition aux sociétés par actions, qui sont régies à l’échelon fédéral par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Comme les sociétés par actions, les organisations à but non lucratif peuvent être constituées en société aux échelons fédéral, provincial ou territorial. Le cadre juridique que j’examine ici ne s’applique qu’aux organismes constitués en société à l’échelon fédéral. Nos renseignements les plus récents révèlent qu’environ 30 000 organismes du genre sont constitués en société à l’heure actuelle dans l’ensemble des provinces et des territoires, mais plus de la moitié se trouvent en Ontario seulement. Les données de 2017 de l’Agence du revenu du Canada montrent que moins de la moitié du total — environ 43 p. 100 — étaient également enregistrés comme organismes de bienfaisance.

La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif est entrée en vigueur en 2011 et elle a été conçue pour satisfaire aux besoins de grandes et de petites sociétés tout en garantissant la reddition de comptes et la transparence. Comme loi-cadre, elle aide à renforcer la confiance du public ainsi que la confiance dans le secteur à but non lucratif tout en accordant à ces sociétés une structure de base utile offrant la souplesse nécessaire pour qu’elles dirigent leurs affaires comme bon leur semble. Elle a été adoptée en partie pour aider à atténuer les fardeaux administratifs associés aux organisations à but non lucratif fédérales. Par exemple, la loi rationalise le processus constitutif, permettant la constitution en société de plein droit, contrairement à sa prédécesseure, la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes, où le ministre de l’Industrie de l’époque devait approuver la délivrance de lettres patentes, c’est-à-dire ses documents constitutifs.

La constitution en société peut maintenant se faire par voie électronique et elle est accordée automatiquement, pourvu que les dispositions de la loi soient respectées.

À cet égard, la nouvelle loi a reflété la Loi canadienne sur les sociétés par actions dans le but d’offrir les avantages d’une loi moderne sur les sociétés au secteur à but non lucratif. Cet effort est également manifeste dans les dispositions traitant de l’amélioration de la présentation de renseignements d’ordre financier, des règlements administratifs et de la clarification des droits et des responsabilités des administrateurs, des dirigeants et des membres.

[Français]

Au fil du temps, des lois spéciales du Parlement ont servi à créer des sociétés sans capital-actions. Lorsque la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif a été promulguée, ces sociétés ont eu le choix soit de continuer en vertu de la loi spéciale les ayant constituées, soit de se conformer à la nouvelle loi.

[Traduction]

Malgré le terme, les organisations à but non lucratif peuvent faire des profits et exécuter les mêmes activités commerciales que les sociétés par actions. Le cas échéant, elles peuvent être assujetties à un impôt des sociétés régulier au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu. Plutôt, la principale différence entre les organisations à but non lucratif et les sociétés par actions tient à la façon dont elles sont structurées. D’une part, les sociétés par actions émettent des actions et versent des dividendes à leurs propriétaires, à ceux qui détiennent les actions. D’autre part, les organisations à but non lucratif ont des membres, n’émettent pas d’actions et ne peuvent verser de dividendes.

Les membres d’une organisation à but non lucratif, tels qu’ils sont définis dans ses statuts et ses règlements administratifs, détiennent certains droits et responsabilités en vertu de la loi, y compris ceux d’élire des administrateurs, de révoquer des administrateurs ou de pourvoir des postes d’administrateurs vacants. Les membres peuvent aussi approuver ou modifier les statuts constitutifs ou les règlements administratifs. Le conseil d’administration doit rendre des comptes à ses membres et est responsable de la gestion et de la supervision des activités et des affaires de la société, et généralement, les administrateurs sont élus par les membres, et les membres sont admis par le conseil conformément aux statuts et aux conditions définis dans les règlements administratifs.

La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif oblige les administrateurs à fournir à leurs membres les états financiers de leur société, y compris le rapport de l’expert-comptable, avant chaque assemblée annuelle. La loi oblige également les organisations ayant recours à la sollicitation, c’est-à-dire celles dont les revenus annuels bruts sont supérieurs à 10 000 $, à nommer un expert-comptable.

Une organisation doit tenir, à son siège ou en tout autre lieu au Canada désigné par le conseil d’administration, certains livres que les membres et les créanciers peuvent examiner. La loi contient bien sûr beaucoup plus de détails que ce que j’ai exposé aujourd’hui, mais j’espère que cela a présenté un aperçu utile du paysage législatif fédéral.

Avant de répondre à des questions, je voudrais souligner les nombreux autres moyens, outre ma responsabilité principale, par lesquels mon ministère soutient les objectifs élargis du gouvernement d’un troisième secteur ou d’un secteur caritatif dynamique et prospère. Cela comprend le soutien offert grâce à un certain nombre de nos programmes de subventions et de contributions. De plus, dans le cadre des efforts élargis du gouvernement, le ministère s’est vivement intéressé aux entreprises sociales. Une entreprise sociale est une entreprise exploitée principalement dans le but de réagir à des difficultés sociales, environnementales ou économiques, où les actionnaires ou les membres acceptent généralement qu’une grande partie des profits soient réinvestis afin de soutenir le but social.

Innovation, Sciences et Développement économique Canada a joué un rôle actif pour faire avancer certaines initiatives d’entrepreneuriat social, notamment les suivantes : en travaillant auprès de Statistique Canada et d’Emploi et Développement social Canada pour inclure les entreprises sociales à but non lucratif et de bienfaisance dans l’Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises de 2017 afin de combler les lacunes en matière de données portant sur les caractéristiques des entreprises, du financement et de la croissance; en mobilisant activement le secteur des entreprises coopératives au sujet de la façon d’améliorer l’accès aux programmes et aux services fédéraux; en conscientisant les gens au sujet du modèle des entreprises coopératives et en découvrant la meilleure façon de moderniser les données commerciales sur les coopératives à l’échelon national. En outre, mentionnons des programmes et des services de portefeuille, comme les organismes de développement régional, qui ont mis en place des initiatives pour soutenir les entreprises sociales et le Women’s Entrepreneurship Strategy’s Ecosystem Fund, qui rattache du financement à certains objectifs sociaux.

[Français]

Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci. C’est maintenant au tour de Michael Lionais, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Bienvenue encore une fois.

Michael Lionais, directeur exécutif, Centre d’expertise de l’établissement des coûts, Bureau du contrôleur général du Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci de l’invitation à comparaître devant votre comité.

[Français]

Je suis heureux d’être ici dans le cadre de mes fonctions de directeur exécutif responsable de la politique sur les paiements de transfert au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

[Traduction]

Lors de ma comparution précédente devant le comité en septembre, vous vous rappellerez que j’ai décrit les efforts continus du BCG au SCT pour réformer l’administration des programmes de subventions et de contributions au profit de tous les Canadiens. J’ai également décrit les faits nouveaux depuis 2007 qui sont liés au renouvellement de la politique et des paiements de transfert et j’ai présenté les modalités génériques qui font la promotion de l’innovation et de l’expérimentation dans la prestation des programmes.

[Français]

Aujourd’hui, je souhaite présenter au comité un compte rendu de ce travail en soulignant notre stratégie d’engagement auprès des ministères et la rétroaction que nous avons reçue pour faire avancer la réinitialisation de l’ensemble des politiques.

[Traduction]

Dans le cadre d’une stratégie d’élaboration conjointe, mon équipe a collaboré avec des experts en la matière issus de 22 ministères et de quatre groupes de travail afin de discuter et de débattre des instruments et des concepts liés au renouvellement de la politique et de fournir des commentaires détaillés à ce sujet.

Avant la mise en œuvre pangouvernementale de ces instruments et de ces concepts, des ministères sélectionnés participeront à un projet pilote. Il s’agit d’une approche novatrice et itérative à l’égard de l’élaboration de politiques qui n’a jamais été entreprise à l’échelon fédéral. Le projet pilote supposera la participation du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, travaillant en étroite collaboration avec les premiers ministères ayant adopté l’initiative afin de cerner les lacunes, les difficultés et les incohérences touchant les instruments stratégiques, en fonction d’une application dans le monde réel des programmes de subventions et de contributions.

Le projet pilote permettra au SCT de mettre à l’essai des concepts clés, comme la redéfinition des programmes de subventions et de contributions en fonction des principes de gestion du risque pour améliorer l’expérience des récipiendaires et faire en sorte que les ministères soient dotés de la délégation nécessaire pour exécuter leurs programmes, afin d’atteindre les objectifs et de produire des rapports sur les résultats. Cela permettra également aux ministères de communiquer directement avec les récipiendaires, afin de mieux comprendre les répercussions des changements proposés.

Comme résultat du projet pilote, le SCT recueillera des données probantes auprès des ministères, de leurs récipiendaires et des centres stratégiques du CT et il intégrera la rétroaction dans une politique moderne à des fins de mise en œuvre élargie.

Pour ce qui est de la promotion de l’innovation à l’aide des paiements de transfert, comme vous vous en souviendrez peut-être, le SCT a lancé un projet pilote quinquennal intitulé « modalités génériques », qui consistait en une trousse préapprouvée d’exceptions, de libellés et de dispositions de politiques qui aide les ministères à ajouter à leurs programmes existants des approches en matière d’innovation et de prestation. Lors de notre évaluation du projet pilote après un an, l’adhésion des ministères a été bonne.

[Français]

En 2017-2018, 13 ministères différents ont proposé des modalités génériques pour plus de 30 programmes de paiements de transfert. D’après les propos ministériels, cinq projets de microfinancement, deux projets axés sur les prix et les défis et cinq projets d’atteinte des résultats ont été mis en place. Cent cinquante-deux personnes qui ont été consultées dans les ministères ont indiqué que les modalités génériques constituent une solution pour la mise en œuvre d’approches innovatrices au sein du programme. Bien que les ministères estiment que les modalités génériques sur l’efficacité et l’efficience encouragent l’innovation et l’atteinte de résultats, ils ont signalé certains problèmes liés à leur adoption rapide et ont recommandé que la limite pour les microsubventions soit augmentée de 1 000 $ et que la formation soit offerte pour accroître la capacité ministérielle des options.

[Traduction]

Depuis ma dernière comparution en septembre 2018, j’ai fourni au comité des renseignements supplémentaires concernant les Comptes publics pour l’exercice 2016-2017. Les Comptes publics pour l’exercice 2017-2018 montrent une augmentation d’environ 2 milliards de dollars des subventions et contributions destinées à des organisations et à des institutions à but non lucratif par rapport à l’année précédente. Cela représente environ le tiers du financement des organisations et des institutions à but non lucratif.

Comme je l’ai décrit, le travail que nous effectuons dans le domaine des paiements de transfert évolue rapidement. C’est grâce à une collaboration continue que nous pouvons apporter ces changements importants. Nous continuons de nous engager à mettre en place des éléments fondamentaux afin d’apporter un changement réel pour l’ensemble des collectivités au Canada, y compris le secteur caritatif. Merci.

Le président : Merci. Nous recevons maintenant Lorenzo Ieraci, directeur général, Programme des approvisionnements, Services publics et Approvisionnement Canada.

Lorenzo Ieraci, directeur général, Programme des approvisionnements, Services publics et Approvisionnement Canada : Merci, monsieur le président. Mes notes d’allocution sont dans les deux langues. Serait-il plus facile si je les lisais dans une seule langue?

Le président : Vous choisissez la langue que vous préférez. Les deux langues sont acceptables pour nous.

M. Ieraci : Merci. Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité spécial, et merci de m’avoir invité ici aujourd’hui. Je m’appelle Lorenzo Ieraci et je suis directeur général du Bureau des petites et moyennes entreprises à Services publics et Approvisionnement Canada.

[Français]

Je comprends que le comité examine la façon dont le Canada peut améliorer les lois et les politiques régissant les organismes de bienfaisance, les fondations et les organismes sans but lucratif, afin de les aider à surmonter certains défis. Il s’agit d’un enjeu important, car le secteur de la bienfaisance joue un rôle de premier plan dans l’amélioration de la société canadienne en aidant les personnes vulnérables en leur offrant de meilleures perspectives économiques. Pour améliorer la société canadienne, il faut aussi venir en aide aux personnes qui font partie des groupes sous-représentés.

[Traduction]

À Services publics et Approvisionnement Canada, nous étudions les moyens par lesquels le gouvernement du Canada peut contribuer à cet objectif par l’intermédiaire de l’approvisionnement. Nous nous y prenons de deux façons.

Tout d’abord, mon organisation — le Bureau des petites et moyennes entreprises — s’efforce de communiquer avec les groupes sous-représentés pour les informer au sujet de l’approvisionnement fédéral et les aider à mieux comprendre et utiliser le processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Pour ce faire, nous offrons gratuitement des séminaires et des webinaires, et tenons des réunions en personne pour expliquer aux fournisseurs comment trouver des occasions d’approvisionnement et s’inscrire pour vendre des produits et des services à notre ministère. Nous avons un réseau de bureaux dans tout le pays, de même qu’une ligne sans frais à la disposition des fournisseurs.

Dans le cadre de notre travail, nous collaborons avec de nombreuses associations qui viennent en aide aux groupes sous-représentés. En voici quelques-unes qui figurent parmi nos principaux partenaires : Canadian Women Business Enterprises (WBE), le Canadian Aboriginal and Minority Supplier Council, ou CAMSC, Startup Canada, le Conseil pour l’avancement des agents de développement autochtones, ou CAADA, et Buy Social Canada. Ces partenariats sont importants pour que nous puissions nous assurer que les personnes qui font partie de groupes sous-représentés sont au courant des occasions qui s’offrent à elles de vendre des produits et des services au gouvernement du Canada et qu’elles connaissent les services dont elles peuvent bénéficier pour les aider.

[Français]

Deuxièmement, nous cherchons des moyens de mener nos activités d’approvisionnement de manière à accroître la participation des groupes sous-représentés.

Comme le comité le sait, Services publics et Approvisionnement Canada est la centrale d’achats du gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada achète pour environ 22 milliards de dollars de biens et de services chaque année, dont 16 milliards de dollars environ par l’intermédiaire de notre ministère pour le compte d’une centaine d’organisations.

Le gouvernement a exprimé le vœu de tirer profit de ce pouvoir d’achat pour créer des retombées positives dans la société, et c’est pourquoi notre ministère examine des façons de générer des retombées sociales au moyen de nos activités d’approvisionnement public. Le but ultime que nous visons est de diversifier nos fournisseurs et d’en augmenter le nombre, entre autres, en appuyant les petites et moyennes entreprises, y compris des entreprises dirigées par des femmes et des entreprises autochtones.

De plus, nous mobilisons des entreprises sociales, notamment des organismes sans but lucratif, qui s’efforcent d’atteindre des objectifs sociaux, culturels et environnementaux par la vente de biens et de services.

Nous cherchons des moyens de créer des débouchés pour ces groupes sous-représentés afin qu’ils deviennent des fournisseurs du gouvernement fédéral. Nous avons lancé un certain nombre de projets pilotes qui nous permettent de recueillir des renseignements importants sur la façon d’intégrer des objectifs sociaux aux activités d’approvisionnement.

[Traduction]

Nous avons lancé un certain nombre de projets pilotes qui nous permettent de recueillir des renseignements importants sur la façon d’intégrer des objectifs sociaux aux activités d’approvisionnement. Nous avons actuellement un projet pilote en cours sur les services de traiteurs dans la région de la capitale nationale. Dans le cadre de ce projet, nous avons dressé une liste d’entreprises sociales et de petits fournisseurs diversifiés et sous-représentés qui sont en mesure de fournir des services de traiteur à des organisations fédérales dans la région de la capitale nationale.

Nous avons aussi entrepris un projet semblable dans le Canada atlantique auquel participent maintenant de nombreuses entreprises de services de traiteur préqualifiées appartenant à des femmes. Dans la région de l’Ouest, nous organisons des projets pilotes pour des services de traiteur et des lieux de rencontre qui cibleront les entreprises sociales à titre de fournisseurs.

Nous avons aussi entrepris le renouvellement de nos services d’aide temporaires, une méthode d’approvisionnement qui comprend des objectifs sociaux. Cette méthode vise plus particulièrement à accroître le nombre de fournisseurs issus de la diversité.

Puisque l’approvisionnement social demeure une priorité pour le gouvernement du Canada, notre ministère continuera de communiquer avec des groupes sous-représentés pour les aider à faire des affaires avec le gouvernement du Canada et pour modifier nos activités d’approvisionnement dans le but de diversifier davantage notre bassin de fournisseurs. J’espère avoir l’occasion de discuter de la façon dont le Bureau des petites et moyennes entreprises aide les personnes issues de groupes sous-représentés à participer à l’approvisionnement fédéral. Merci.

Le président : Merci.

Jocelyne Voisin, directrice générale, Direction de la jeunesse et de l’innovation en matière de compétences, Emploi et Développement social Canada : Bonjour, monsieur le président, et honorables membres du comité.

[Français]

Merci beaucoup de nous avoir invités aujourd’hui à assister à la réunion pour vous donner une mise à jour sur nos initiatives.

[Traduction]

En tant que directrice générale de la Direction de la jeunesse et de l’innovation en matière de compétences, je m’occupe de la mise en œuvre de l’initiative Service jeunesse Canada, qui a été présentée au comité en juin 2018. Je suis accompagnée aujourd’hui de Catherine Scott, directrice générale de Partenariats de développement communautaire et de lutte contre l’itinérance, qui sera en mesure de répondre à des questions portant sur le Fonds de l’innovation sociale et de la finance sociale, qui a été présenté au comité en septembre 2018.

Depuis le dernier exposé sur ce deuxième sujet, le gouvernement a étudié les recommandations du Groupe directeur sur la cocréation de la Stratégie d’innovation sociale et de finance sociale. Dans son énoncé économique de l’automne 2018, le gouvernement a répondu à ces recommandations, proposant de verser 755 millions de dollars sur les 10 prochaines années pour établir le Fonds de finance sociale, un élément essentiel de la stratégie canadienne.

De plus, il a également proposé d’investir 50 millions de dollars sur deux ans dans un volet d’investissement et de préparation destiné aux organismes à vocation sociale afin de renforcer leur capacité de participer sur le marché de la finance sociale.

Ensemble, ces mesures permettront de veiller à ce que les organismes communautaires aient accès au financement nécessaire pour créer des emplois et s’attaquer aux problèmes cruciaux au sein de leur collectivité, et de s’assurer que les investisseurs jouissent de nouvelles possibilités d’investissement dans les organismes communautaires qui résolvent les problèmes de première ligne.

Dans son budget de 2019, le gouvernement s’est de nouveau engagé à financer ces programmes et a fourni des renseignements sur le Fonds de finance sociale. Il investira 50 millions de dollars dans un nouveau fonds de croissance destiné aux Autochtones, il consacrera un minimum de 100 millions de dollars à des projets favorisant une plus grande égalité entre les sexes. Ma collègue, Catherine, sera en mesure de vous fournir plus de détails sur ces initiatives.

Depuis votre dernière discussion sur Service jeunesse Canada au sein de ce comité, en juin, nous avons beaucoup appris à partir de la phase de conception, qui a commencé en janvier 2018. Elle a permis de mettre à l’essai un éventail de possibilités différentes pour les jeunes, avec l’aide d’une coalition de 12 organisations de prestation de services, y compris des possibilités à long terme, à court terme ou plus souples, comme à temps partiel, ainsi que des microsubventions où les jeunes peuvent créer leurs propres projets de service.

Nous avons également consulté plus de 800 jeunes dans l’ensemble du pays cet été afin de nous aider à cocréer le programme national. Ils nous ont fourni beaucoup d’idées sur les incitatifs, les motivations et les avantages qu’ils obtiennent des services. Ils sont motivés par la façon dont ils peuvent changer les choses dans leur collectivité, l’établissement de liens avec autrui, le renforcement des compétences et de l’expérience et la reconnaissance de leurs services.

Ils ont souligné qu’ils avaient besoin d’occasions de services souples qui leur permettaient de tenir compte d’autres priorités dans leur vie, qu’ils souhaitaient se voir offrir des services de mentorat, qu’ils recherchaient des mesures de soutien en santé mentale ainsi que des façons pour nous de les aider à réduire les obstacles à la participation, tout particulièrement pour ceux qui font face à un plus grand nombre d’obstacles ou qui sont sous-représentés.

En vertu de ce qui a été appris pendant pendant la phase de conception, dans le budget de 2019, le gouvernement réserve 314,8 millions de dollars sur cinq ans et 83,4 millions de dollars par année par la suite afin de faire de Service jeunesse Canada un programme national phare pour le service jeunesse. Cet investissement permettra de soutenir jusqu’à 15 000 stages de bénévolat annuels d’ici 2023-2024, 1 000 microsubventions qui permettent à des jeunes de créer leurs propres projets, des nouveaux incitatifs et de nouvelles mesures de soutien aux programmes pour aider les jeunes à participer à des services jeunesse et une nouvelle plateforme numérique qui les aide dans le cadre de leur parcours.

Nous travaillons avec nos partenaires nationaux de services dans le but d’élargir la portée du programme et de concevoir d’autres appuis au programme. Ce nouvel investissement aidera les jeunes à acquérir d’importantes connaissances pour le marché du travail, leur fournira des liens significatifs et une façon de redonner à leur collectivité, tout en créant un intérêt durable pour l’engagement communautaire. Je suis impatient de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Je voudrais commencer par notre dernière intervenante — qui a parlé des possibilités offertes aux jeunes de Service jeunesse Canada. Avez-vous des histoires de réussite vécues que vous pourriez nous raconter?

Mme Voisin : Nous entendons certains jeunes dire qu’ils ont vécu des expériences marquantes dans leurs rapports avec d’autres jeunes. Pour nommer certains des exemples de projets que les jeunes créent pour eux-mêmes dans leur collectivité — il y a l’exemple d’un jeune homme dans une collectivité autochtone, qui voulait s’assurer que les autres membres de sa collectivité apprenaient la langue maternelle. Il a donc créé un projet qui les aiderait, lui et d’autres membres de la collectivité, à apprendre la langue. Je crois que c’était la langue crie dans cette collectivité particulière.

Un autre exemple est celui d’une jeune femme qui souhaitait créer un projet dans le cadre duquel elle aiderait des réfugiés syriens de sa collectivité. Elle a invité d’autres jeunes à préparer des trousses afin d’aider des réfugiés syriens. Ce ne sont que quelques exemples. Ce sont les expériences de microsubventions où des jeunes participent à la création de leur propre projet.

Les partenaires de la prestation de services nationaux ont également vécu tout un éventail d’expériences de services différentes. À titre d’exemple, la Fondation canadienne de la faune offre une expérience où des jeunes prennent part à des projets de sujets environnementaux et de conservation de la faune.

La sénatrice Omidvar : Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui — certains d’entre vous pour la deuxième fois. Nous avons entendu tout au long de notre aventure jusqu’à maintenant que le secteur a besoin d’une approche pangouvernementale. Nous avons une manifestation physique de ce à quoi ressemblerait une approche pangouvernementale, mais je me sens interpellée. J’ai un très grand nombre de questions à poser, monsieur le président. Quelle est votre directive? Que nous posions les questions à un ministère à la fois?

Le président : Posez les questions à qui vous voudrez dans le groupe de témoins. Nous avons ajouté une demi-heure, mais veuillez être concise, s’il vous plaît.

La sénatrice Omidvar : Merci. Vous m’interromprez au besoin.

Le président : Je le ferai.

La sénatrice Omidvar : Et je ne m’y opposerai pas, monsieur le président. Ma première question s’adresse aux Finances. Avant votre arrivée, nous avons entendu l’ARC, et il convient de vous poser plutôt à vous un certain nombre de questions que nous avons posées aux représentants de l’ARC.

Je voudrais obtenir votre réaction quant aux recommandations que nous avons reçues de la part du milieu juridique et d’autres membres de la communauté concernant les appels liés à l’enregistrement ou à la révocation; il semble que nous serions mieux servis si ces appels étaient instruits par la Cour de l’impôt plutôt que par une Cour fédérale. Y a-t-il un désavantage que nous ne voyons pas ici?

Blaine Langdon, directeur, Organismes de bienfaisance, Division de l’impôt des particuliers, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Je vais répondre à cette question, et je vais bien choisir mes mots. Mes commentaires sur le sujet dans le passé n’ont pas toujours été bien reçus.

Je veux signaler, tout comme l’ARC l’a fait, le mécanisme d’objection qui a été mis en place. À la suite des recommandations de la Table conjointe sur la réglementation, qui ont découlé de l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire en 2003, on a mis en place un processus d’objection pour les organismes de bienfaisance, en fonction duquel on prend effectivement la décision de refuser l’enregistrement ou l’on propose la révocation ou même les sanctions qui ont été mises en place en 2003 et 2004. Cela permet un examen impartial de cette décision par la Direction des appels de l’ARC. C’est une option sans frais pour les organismes de bienfaisance. Ceux-ci peuvent s’y faire représenter ou non par un avocat. S’ils retiennent les services d’un avocat, ils doivent assumer certains frais.

J’ai travaillé à l’ARC pendant près de 15 ans, et j’étais donc présent pendant la formation sur ce sujet et les décisions subséquentes qui en ont découlé. En tant qu’ancien agent de la conformité, je dirais que nous étions passablement frustrés lorsqu’ils annulaient nos décisions. Dans la mesure où cela concerne le fait qu’ils n’approuvent pas automatiquement ces décisions, je crois bon de mentionner qu’un processus d’examen a été mis en place à la suite des recommandations de la Table conjointe sur la réglementation.

Je sais que le secteur préconise le recours à la cour de l’impôt comme moyen de fournir une solution de rechange à faible coût à la Cour d’appel fédérale. Assurément, des données probantes révèlent qu’il pourrait être moins coûteux de se tourner vers elle. Cela dit, encore une fois, je ne suis pas convaincu que cela améliore nécessairement le processus. Dans la mesure où vous prenez une décision de la Direction des organismes de bienfaisance, que vous lui faites franchir un processus d’objection — qui peut prendre de nombreux mois, voire jusqu’à un an — vous ajoutez un palier juridique à la Cour de l’impôt. Dans la mesure où l’ARC n’est pas d’accord avec une décision ou croit qu’elle comporte des répercussions importantes pour le secteur caritatif, elle interjettera appel de cette décision, puis celle-ci sera portée devant la Cour d’appel fédérale, et au final, peut-être, devant la Cour suprême du Canada.

En fait, tout cela va allonger le processus, du point de vue du processus de demande et de la procédure de conformité pour révoquer l’enregistrement d’une organisation qui pourrait ou non mériter d’être révoqué.

Je voulais juste le souligner, et je m’arrête ici.

La sénatrice Omidvar : C’est utile. J’ai entendu plus tard — et je devrais le dire à tous mes collègues — que le mécanisme d’appels interne — ou est-ce que ce sont des témoins qui en ont parlé? Nous nous embrouillons à la fin de la journée — que le tiers des décisions sont annulées. Cela témoigne de l’indépendance du processus d’appels interne, mais tout de même, les deux tiers doivent se rendre jusqu’en Cour fédérale, et il y a un empêchement sur le plan de l’accès, pour des raisons diverses.

Passons à une question qui concerne le coût des incitatifs proposés. Nous avons entendu les propositions d’autres témoins pour rehausser les mesures d’incitation aux dons de charité, de sorte que les services de sécurité privés et les services immobiliers puissent également faire des dons et recevoir un crédit d’impôt. M. Don Johnson, qui est le principal défenseur de ce changement, a dit évaluer qu’une telle exemption coûterait entre 50 et 64 millions de dollars, tout en augmentant les dons annuels de 200 millions de dollars.

Je me demande si vous avez fait vos propres calculs indépendants sur les répercussions fiscales de ce changement.

M. Leblanc : Merci de poser la question. Je vais peut-être commencer, puis, Blaine, vous pourrez ajouter quelque chose.

Le gouvernement fédéral a décidé en 2016 qu’il n’allait pas aller de l’avant avec la proposition visant à mettre en œuvre ce changement. Il a justifié sa décision par deux raisons. D’abord, je crois que lorsque nous nous sommes réunis la dernière fois, nous avons expliqué à quel point le système de base des incitatifs fiscaux pour les dons d’organismes de bienfaisance est généreux, et ce qui est proposé est beaucoup plus généreux que ce système déjà généreux. Donc, c’est quelque chose que vous devez garder à l’esprit.

Nous avons un gouvernement pour qui les questions de distribution du revenu et d’inégalité entre les revenus sont assez importantes. Ce que nous savons au sujet de la non-imposition des gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse, c’est que l’utilisation de cette dépense fiscale se concentre surtout sur la tranche supérieure de la distribution du revenu. Nous devrions également réfléchir aux bénéficiaires possibles, mais en ce qui concerne l’aide fiscale directe reçue grâce à cette mesure.

Une chose que nous voulons souligner — et vous avez mentionné les allégations au sujet de l’augmentation des dons de bienfaisance — dans notre dernier rapport sur les dépenses fiscales, nous avons publié une étude de la mesure dont je parlais, c’est-à-dire la non-imposition des gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse. Au meilleur de nos connaissances, selon l’expérience que nous avons examinée, cela a probablement eu le même effet, et celui-ci n’était pas très grand. Nous serions heureux de vous fournir cette étude.

Autrement dit, il semble que l’effet ait été positif, mais lorsque vous regardez l’ensemble des dons — parce qu’il n’est pas seulement question de savoir ce que les gens donnent sous forme de titres cotés en bourse — vous voulez poser la question suivante : quels autres dons auraient-ils fait? Ce n’est pas un effet très important.

Le président : Pourriez-vous nous transmettre ce rapport?

M. Leblanc : Nous serions heureux de le faire. Nous le fournirons assurément au greffier.

Si l’on tient compte de toutes ces choses, la décision annoncée par le gouvernement en 2016 tient toujours.

Blaine, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Langdon : La seule chose que je pourrais ajouter, c’est que, comme vous le savez, c’est une proposition qui circule depuis de nombreuses années. Le gouvernement précédent avait déjà proposé de l’inclure. Nous avons commencé notre travail sur cette mesure en 2015. Vous pouvez en fait voir que les propositions législatives provisoires ont été publiées en 2015. Elles se sont révélées un ensemble passablement complexe de propositions législatives, car nous cherchions à empêcher que les dons d’actions de sociétés privées soient rachetés par le donataire individuel. Dans un tel scénario, vous bonifiez en fait l’aide fiscale pour un don qui est, au fond, juste monétaire. Vous donnez les titres, mais les rachetez immédiatement. En réalité, vous fournissez l’aide fiscale pour ce qui constitue un don en espèces à un organisme de bienfaisance.

Donc, les règles étaient complexes, et nous étions convaincus qu’il nous fallait des règles encore plus complexes pour tenir compte de certains des scénarios qui nous préoccupaient. La législation que nous proposions n’était pas excellente. L’une des préoccupations tient au degré de complexité que doit renfermer la législation pour faciliter une telle chose. C’est une chose que j’ajouterais.

L’autre chose que je veux souligner, c’est que nous avons fait notre propre travail interne, et cela remonte à un certain temps. Le directeur parlementaire du budget a également examiné cette proposition en 2012 et il a fait une analyse des coûts connexes. Vous trouverez cela sur le site web en date du 18 mai 2012. C’est quelque chose que l’on peut aussi examiner.

La sénatrice Omidvar : Par souci d’équité, je vais céder ma place à mes collègues. Pour moi, tout est question d’équité entre les gros et les petits organismes de bienfaisance.

Le sénateur R. Black : Je suis emballé en ce qui a trait à Service jeunesse Canada. Je vous remercie de nous avoir présenté votre bilan.

Quelles sont les étapes restantes pour faire avancer les choses? Vous nous avez dit ce que vous avez fait au cours des 18 derniers mois. Quelles sont les étapes restantes? C’est une question.

L’autre question concerne les histoires de réussite. Recueillez-vous ces histoires de réussite et envisagez-vous quelque chose pour les diffuser à grande échelle au fil du temps?

Mme Voisin : Je vais commencer par votre deuxième question, si cela vous va.

Pour ce qui est de diffuser les histoires de réussite, comme vous pouvez l’imaginer, les jeunes n’hésitent pas à afficher leurs expériences et à en parler. Un de nos partenaires de la coalition nationale, TakingITGlobal, agit comme responsable de tous les partenaires nationaux de la prestation de services. Il recueille ces histoires... Nous espérons en fait rehausser notre présence Web pour le Service jeunesse Canada prochainement : vous verrez un plus grand nombre de ces histoires de réussite présentées en alternance, de manière à tenir compte d’aspects différents de partout au pays, des jeunes s’exprimant dans des langues différentes. Il s’agira de vidéos, de témoignages et de ce genre de choses, et les jeunes parleront de leurs expériences. Vous le verrez bientôt.

Pour ce qui est des prochaines étapes, nous venons juste d’obtenir le financement confirmé dans le budget. Nos prochaines étapes consistent à nous entretenir avec nos partenaires nationaux de la prestation de services au sujet de leur capacité d’intensifier leurs activités. Plusieurs d’entre eux nous ont dit que, durant la phase de conception, la demande excédait l’offre. Essentiellement, beaucoup plus de jeunes souhaitaient participer, et déjà, ils ont découvert qu’ils ont dépassé leurs attentes pour ce qui est du nombre de placements durant la phase de conception.

Donc, nous leur parlons de l’intensification possible de ces expériences de service pour les jeunes. Puis, nous approchons d’autres partenaires qui peuvent aider à fournir des expériences de service pour les jeunes et formons de nouveaux partenariats et de nouvelles alliances avec eux également.

Ce sont nos prochaines étapes, en plus de la conception des mesures de soutien des programmes.

Les jeunes nous ont dit cet été ce qu’ils souhaitaient voir en matière de mesures de soutien des programmes. Nous devons donc les concevoir en collaboration avec eux et continuer de travailler également avec eux à la conception des services numériques. Nous nous sommes engagés à faire ce programme pour les jeunes, réalisé par eux, et il s’agit donc vraiment de collaborer avec eux.

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup. Vous ai-je bien entendu dire que vous accepterez ou rechercherez des partenaires supplémentaires ou que vous y songez?

Mme Voisin : Oui. Nous nous entretiendrons avec d’autres partenaires qui ont, à notre avis, la capacité de fournir des expériences de service utiles pour les jeunes.

Le sénateur R. Black : Quels sont les divers rôles que jouent vos partenaires?

Mme Voisin : Les partenaires ont généralement déjà un engagement significatif envers les jeunes et ils sont donc en mesure de fournir une expérience de prestation de services. Nous voulons que l’expérience de service soit utile et immersive, comme nous le disons, et cela comprend un volet d’apprentissage, un volet de réflexion, ainsi que la capacité d’acquérir des compétences et de posséder les bonnes mesures de soutien connexes, de sorte que les jeunes ne se retrouvent pas placés à un certain endroit où ils ne bénéficient pas des mesures de soutien dont ils ont besoin pour vraiment acquérir les compétences et l’expérience qui en découle.

Nous demandons donc que les partenaires aient en place cette infrastructure pour soutenir les jeunes. Ce sont certaines des choses que nous recherchons chez nos partenaires.

Le président : Pourriez-vous nous donner quelques exemples des commanditaires?

Mme Voisin : Nous avons 12 partenaires de la coalition nationale en ce moment. Vouliez-vous que je les nomme tous?

Le président : Pour éviter d’en offenser un, offensons-les tous.

Mme Voisin : Bien sûr. La Fédération canadienne de la faune, Katimavik, les 4-H du Canada, L’apathie c’est plate, les Clubs de garçons et filles du Canada, Chantiers jeunesse, le Prix international du Duc d’Édimbourg, mindyourmind, Ocean Wise, le Mouvement jeunesse des 4R, le YMCA, Échanges Racines canadiennes, et, comme je l’ai dit, TakingITGlobal est l’organisation qui agit comme responsable de la coalition pour rassembler tous les partenaires ensemble et aussi fournir les microsubventions.

Le président : Monsieur Schaan, vous avez passé beaucoup de temps à parler des organismes à but non lucratif. Un des organismes à but non lucratif que les Canadiens utilisent chaque jour — et ils ne le savent pas qu’ils le font, ce sont les aéroports. Les aéroports canadiens sont maintenant des organismes à but non lucratif. Une des retombées du fait d’être un organisme à but non lucratif, c’est que vous devez dépenser votre argent. Ceux d’entre nous qui voyagent beaucoup voient que les aéroports dépensent tout le temps de l’argent, car ils sont constamment en construction.

J’ai l’impression que — ça embête certains d’entre nous —, plutôt que de faire constamment des travaux de construction dans leur aéroport, ils pourraient songer à abaisser les redevances d’atterrissage ou à faciliter l’utilisation de l’aéroport pour les gens.

Je sais que vous surveillez qu’ils dépensent bel et bien leur argent dans ce qui est prévu, mais à un certain moment, vous avez peut-être obtenu le résultat souhaité, et vous n’avez plus besoin de dépenser de l’argent à ce moment-là. Puisque vous êtes un organisme à but non lucratif, vous êtes tout de même obligé de dépenser de l’argent. Il y a un moment où c’est contreproductif de dépenser de l’argent. J’utilise les aéroports comme exemple, mais il pourrait y en avoir d’autres.

Surveillez-vous ces choses? Quel type de rétroaction pouvez-vous donner au fisc pour dire qu’il y a une limite à ce que veut dire « à but non lucratif », ou est-ce que « à but non lucratif » devrait vouloir dire que, lorsque vous obtenez une certaine chose, vous abaissez vos frais de sorte que le public puisse en profiter, ou, dans le cas des aéroports, les utilisateurs des aéroports, y compris les compagnies aériennes et les consommateurs, puissent en profiter, plutôt que de continuer de maintenir un lieu en construction?

M. Schaan : En tant que grand voyageur, je vous comprends et j’entends vos préoccupations. Pour ce qui est de la relation entre la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et l’utilisation réelle des capitaux, en ce qui concerne les lois fédérales, nous avons toute une série de mécanismes constitutifs offerts aux entités, selon le type de statut ou de structure qu’elles souhaitent posséder. Cela comprend la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Puis, il y a une panoplie de lois dont je suis responsable, dont bon nombre sont assez archaïques et n’ont pas été utilisées depuis très longtemps. Cela va de la Loi sur les chambres de commerce jusqu’à la Loi sur les syndicats ouvriers, en passant par une foule d’autres lois constitutives.

Tout ça pour dire que nos lois, dans l’ensemble, ne définissent que les règles concernant la façon dont les organisations sont gouvernées, et non pas la façon dont leur revenu est traité ni la façon dont elles sont imposées. Donc la décision réelle qui consiste à savoir combien de capital une entité peut conserver, ce que doit être son capital renouvelable réel, combien elle a le droit d’utiliser de façon constante, ce sont toutes des décisions prises par mes amis — pas nécessairement ces amis-ci, mais mes amis généraux du ministère des Finances.

Le président : Donc, messieurs, vous avez entendu l’échange en ce qui concerne les organismes à but non lucratif, le besoin de surveillance pour dire que, si l’objectif de l’organisme à but non lucratif est de construire le pont et que le pont est construit, vous ne pouvez pas continuer de le peindre, car vous devez laisser le pont être utilisé. Et la même chose vaut pour les aéroports. J’utilise les aéroports comme exemple, car je m’en sers au moins deux fois par semaine.

La sénatrice Omidvar : J’ai une série de questions. Peut-être que je devrais toutes les poser. Vous m’interromprez à votre guise, et nous verrons. Je voudrais au moins les poser.

Je vais revenir au ministère des Finances. Surveillez-vous la croissance des fonds orientés par le donateur et l’influence de ceux-ci pour ce qui est des versements? Car, selon ce que nous avons compris, un contingent des versements s’applique non pas à des fonds individuels orientés par le donateur, mais plutôt au montant. C’est ma première question.

Ma deuxième question porte sur les recommandations que nous avons sans cesse entendues, à savoir que la relation entre les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif étant importante, il devrait y avoir une plus grande collaboration, mais les règles font actuellement en sorte qu’il n’est pas facile pour les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif de travailler ensemble, car les organismes à but non lucratif ne seront pas des donataires reconnus, et tous les règlements connexes. Si vous pouviez émettre des commentaires à ce sujet, j’apprécierais.

Ma deuxième question s’adresse à EDSC. Je reviendrai plus tard à EDSC.

Pour ce qui est de l’approvisionnement public, je remarque la prépondérance des services de traiteur. Je vais d’abord formuler un commentaire à ce sujet. Les petites entreprises dans les groupes exclus couvrent toute la gamme des secteurs, depuis l’ingénierie jusqu’à la technologie numérique en passant par l’aménagement paysager. Je suis un peu préoccupée par rapport à la prépondérance des services de traiteur.

Ma question concerne précisément le fait que vous dépensez 16 milliards de dollars annuellement, que vous achetez des services au nom des gens du Canada. Savez-vous si ces services — ou quelle quantité de ces services — sont achetés par le secteur caritatif et le secteur à but non lucratif?

Ma prochaine question s’adresse au Secrétariat du Conseil du Trésor, à M. Lionais. Comme vous l’avez décrit, en travaillant sur vos initiatives touchant les subventions et les contributions, avez-vous acquis des connaissances et adopté de nouvelles approches sur la gestion du risque dans le contexte des subventions et des contributions? Voyez-vous un changement? Car nous avons sans cesse entendu dire que, d’une part, la gestion du risque est bonne; elle permet de rendre des comptes. D’autre part, elle limite vraiment la capacité des organismes qui obtiennent les subventions et les contributions.

Par rapport à EDSC, vous m’excuserez, madame Scott, d’être aussi bien enthousiasmée qu’un peu confuse — enthousiasmée en raison de toutes les décisions du gouvernement fédéral pour ce qui est des finances sociales, mais un peu confuse par rapport au fait de savoir qui sera en réalité responsable des mesures. Est-ce que ce sera votre ministère ou bien Innovation, Sciences et Développement économique?

Je crois aussi savoir qu’il y a un conseil consultatif au BCP qui traite également de cela. Vous me pardonnerez donc ma confusion. Peut-être pourriez-vous clarifier tout cela pour moi.

Et j’ai oublié une question.

Le président : Je crois que vous pouvez vous arrêter, sénatrice Omidvar. Je suis sûr que les témoins ont bien compris vos questions. Commençons par le début.

M. Langdon : Je crois que vous avez posé deux questions, la première sur les fonds orientés par le donateur, et la deuxième, sur notre surveillance de ces organisations, en particulier en ce qui concerne le contingent des versements.

Avant tout, je tiens à dire que, oui, le ministère des Finances est au courant de la situation. Cependant, je crois que nous devrions déployer un peu plus d’efforts, à l’interne, de ce côté du secteur de la bienfaisance, mais c’est mon opinion personnelle. Je n’ai pas vérifié auprès du gouvernement. Je ne veux pas semer la panique en laissant croire qu’il s’agit d’un projet inachevé.

Une chose que je voudrais souligner — au cas où mes collègues de l’ARC sont à l’écoute —, c’est qu’il faudrait accroître la transparence relativement aux fonds orientés par le donateur. Pour l’instant, il y a peu d’informations sur les fonds orientés par le donateur. Par exemple, combien de comptes sont liés à une organisation donnée qui est un fonds unique orienté par le donateur? Aussi, lorsqu’il y a un organisme de bienfaisance enregistré qui administre un fonds orienté par le donateur, mais qui n’est qu’un élément de l’ensemble, c’est pratiquement impossible d’isoler cela des autres activités afin d’examiner ce qui se passe dans ce genre d’organisation. Donc, je crois que ce serait utile, et nous devrions y consacrer plus d’efforts.

Une chose qui me réconforte quelque peu — et je crois que ce monsieur a déjà témoigné devant votre comité à ce sujet — c’est que des études ont déjà été menées sur le sujet et semblent indiquer, à tout le moins, que les organisations qui administrent des fonds orientés par le donateur respectent, dans l’ensemble, le contingent des versements ou le dépassent. Malgré tout, vous avez raison, il est difficile de surveiller ce qui se fait à l'échelle locale et d’examiner ce qui se passe dans chaque compte.

Votre deuxième question était plus complexe. C’était à propos des règles encadrant la collaboration entre les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif. Familièrement, on parle du critère de ses propres activités, c’est-à-dire qu’un organisme de bienfaisance doit, essentiellement, consacrer toutes ses ressources à ses propres activités de bienfaisance.

En résumé, cette règle a été établie il y a longtemps, pendant les années 1950, afin de veiller à ce que les organismes de bienfaisance utilisent bien leurs ressources à des fins de bienfaisance. La Loi de l’impôt sur le revenu exige que ces organismes exécutent leurs propres activités ou donnent de l’argent, le cas échéant, à des donataires reconnus, c’est-à-dire un organisme œuvrant pour le bien de la société. Il faut également que le gouvernement ait déterminé que cet organisme mérite une aide fiscale.

Il y a tout un ensemble de règles administratives qui encadrent tout cela. Elles servent fondamentalement à accroître la capacité des organismes de bienfaisance qui travaillent en collaboration avec des organismes à but non lucratif d’accorder une subvention, par exemple, et de régir et d’orienter suffisamment l’organisme à but non lucratif afin que l’on puisse estimer que cette dernière mène une activité au nom de l’organisme de bienfaisance. Je crois qu’on vous a suffisamment parlé de cela au fil de votre étude, alors je ne peux pas entrer dans le détail.

Je dirais cependant que ces règles pourraient être améliorées. Je reconnais qu’elles sont effectivement restrictives, et je crois sincèrement qu’il faut trouver un juste équilibre dans ces règles entre le besoin de veiller à ce que les ressources donnant droit à une aide fiscale soient utilisées pour des activités de bienfaisance et le besoin de lutter contre la fraude et le bon vieux gaspillage dans le secteur de la bienfaisance. Il faut aussi que les règles fassent en sorte que les organismes de bienfaisance puissent exécuter des activités d’innovation sociale, en collaboration avec des organismes à but non lucratif. Donc, je suis tout à fait d’accord sur le fait que les règles pourraient être améliorées.

Je crois que le nouveau Comité consultatif sur le secteur des organismes de bienfaisance est l’endroit idéal pour aborder cette question et élaborer un cadre amélioré. Encore une fois, je veux souligner qu’il s’agit de mes opinions personnelles, et elles ne reflètent pas nécessairement ce que pensent les autres fonctionnaires du ministère des Finances.

Le président : À qui est-ce le tour de répondre aux questions de la sénatrice Omidvar?

M. Ieraci : Je crois que c’était mon tour.

Merci de votre question. Des 16 milliards de dollars d’approvisionnement dont notre ministère est responsable — autant pour notre propre ministère que pour les autres ministères et organismes du gouvernement fédéral —, environ 41 p. 100 sont utilisés pour les biens, 40 p. 100, pour les services et 19 p. 100, pour la construction. Vous avez demandé si nous savions quel pourcentage va aux organismes de bienfaisance ou à but non lucratif, et la réponse est non, nous ne le savons pas. L’objectif de nos projets pilotes est en partie de nous aider à déterminer comment nous pouvons obtenir de l’information sur les entreprises qui décrochent des contrats gouvernementaux, pour récolter des données à propos de leur statut et du type d’organisation dont il s’agit, par exemple si ce sont des entreprises appartenant à des femmes ou à des minorités visibles.

L’une des raisons pour laquelle nous faisons cela est que nous sommes conscients du fait que nous devons améliorer la granularité — c’est-à-dire la saisie des données et les indicateurs — à l’égard des entreprises qui obtiennent des contrats d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Nous travaillons présentement sur une solution d’approvisionnement électronique à cette fin; nous voulons faire passer notre processus d’approvisionnement à l’ère numérique. Nous sommes donc en train d’examiner tous les renseignements que les entreprises devront nous fournir pour s’inscrire auprès du gouvernement du Canada et ainsi pouvoir obtenir des contrats gouvernementaux. Nous sommes en train de déterminer les indicateurs que nous utiliserons pour recueillir les données, mais nous devons trouver une façon de recueillir un maximum de données des entreprises sans pour autant imposer un fardeau indu aux fournisseurs relativement aux renseignements qu’ils devront nous fournir, parce que nous sommes conscients que la grande majorité des entreprises avec qui nous faisons affaire sont des PME.

La sénatrice Omidvar : Sans oublier que ces entreprises peuvent aussi agir à titre de mandataires pour des organismes de bienfaisance ou à but non lucratif de taille petite et moyenne. C’est là où je voulais en venir, parce que selon ce que nous avons entendu précédemment, il y a de moins en moins de dons, et on prévoit une diminution encore plus marquée. Nous avons aussi entendu que l’un des indicateurs les plus robustes en ce qui a trait aux organismes de bienfaisance et à but non lucratif concerne l’expansion des sources de revenu gagné qui serait possible si la réglementation imposée par le ministère des Finances venait à changer. Je voulais que vous en soyez conscients.

M. Lionais : Je crois que c’est mon tour.

Vous avez posé une question sur le fardeau qui incombe aux récipiendaires de rendre des comptes au gouvernement. Cela fait plusieurs années que nous étudions la question, et nous en sommes venus à la conclusion que les exigences relatives à la reddition de comptes des récipiendaires dépendent des besoins des ministères en matière d’intendance. Donc, il s’agit de la façon dont le décaissement des fonds publics est surveillé et de la valeur que les récipiendaires offrent au Canada et à ses habitants, au bout du compte, grâce à cet argent.

Nous avons examiné tout cela, et nous nous sommes dit : « D’accord, mais pourquoi est-ce que les choses sont faites de cette façon? » Il y a une évaluation du risque qui est faite, mais elle n’est pas utilisée de façon uniforme au sein du ministère. Le résultat est qu’on demande une reddition de comptes inégale aux récipiendaires en fonction des divers programmes exécutés par notre ministère et par les autres ministères.

Nous nous sommes dit : « D’accord, essayons d’aborder le problème de différents points de vue. » Nous avons songé à introduire ou à adopter un cadre de gestion dans lequel l’administrateur des comptes — c’est-à-dire le sous-ministre — fixe le cadre ou les règles du ministère quant à la gestion du risque associé aux récipiendaires et aux pratiques qui sont acceptables au sein du ministère. L’objectif est que tout soit uniforme. Cela devrait nous permettre d’instaurer une uniformité dans l’ensemble des ministères et de tirer parti de ce fonctionnement uniforme.

Nous avons poursuivi notre réflexion et sommes arrivés à un concept hybride de subventions et de contributions. Je parle non pas des pouvoirs, mais de la reddition de comptes. Un de nos dirigeants principaux des finances a inventé le terme anglais « grantribution ». En examinant le continuum des instruments de financement — en réfléchissant aux notions de subventions et de contributions, nous nous sommes demandé de quelle façon les exigences de reddition de comptes correspondaient aux différents instruments.

Nous avons donc décidé de créer ou de proposer un continuum d’outils de financement ayant deux types de subventions et deux types de contributions. Nous voulons essayer d’adapter les attentes en fonction de l’expérience des usagers et des comptes que les récipiendaires doivent rendre. Donc, tout à gauche, il n’y a absolument aucun compte à rendre, et au bout de l’échelle des contributions, il y a toutes sortes de comptes à rendre sur les étapes et les calendriers et l’argent dépensé. Par exemple, disons qu’une organisation a reçu des fonds pour un projet de système léger sur rails; dans ce cas, cette organisation aurait énormément de comptes à rendre sur l’utilisation des ressources. À l’inverse, s’il s’agit d’un microfinancement, il n’y aurait aucun compte à rendre. Si vous êtes admissibles et que vous avez un compte bancaire, nous pouvons y déposer de l’argent, et vous pouvez faire ce que vous avez à faire. Habituellement, ces organisations offrent de nous envoyer une photo de ce qu’elles ont fait avec l’argent ou une petite description sur les médias sociaux, et c’est essentiellement ce que nous allons vérifier. Ce que nous voulons faire, c’est adapter les exigences redditionnelles aux récipiendaires; il faut que les comptes à rendre sur le plan financier soient acceptables en fonction du fardeau redditionnel. Cela doit également correspondre à ce que nous voulons savoir en matière de rendement.

Catherine Scott, directrice générale, Partenariats de développement communautaire et de lutte contre l’itinérance, Emploi et Développement social Canada : Vous voulez savoir qui devra rendre des comptes à propos des activités.

On a annoncé, dans l’énoncé économique de l’automne, puis dans le budget, la mise sur pied d’un fonds de finance sociale et d’un volet connexe de préparation et d’investissement, lesquels seront tous deux mis en œuvre par Emploi et Développement social Canada. Il y a quelques semaines, on a fourni un peu plus de détails dans le budget à propos de la conception de ce fonds de finance sociale. Il était indiqué qu’un modèle de financement d’un fonds à l’autre sera utilisé, et que le gouvernement lancera, vers la fin de 2019, probablement, un processus de sélection transparent afin de nommer un ou plusieurs gestionnaires. Ces gestionnaires devront ensuite trouver des intermédiaires canadiens dans le domaine de la finance sociale dans lesquels investir. Bien sûr, ils sont également tenus d’aller chercher des fonds également.

En ce qui a trait au volet de préparation et d’investissement, il s’agit d’un programme de subventions et de contributions de 24 mois. Je crois que ce programme a été élaboré à la lumière des leçons tirées d’autres administrations qui ont essayé d’élaborer des modèles de financement. Une leçon est qu’un investissement initial est nécessaire afin qu’il y ait une réserve de projets prêts à être lancés.

Donc, le volet de préparation et d’investissement vise surtout à préparer le terrain et à soutenir les organisations qui veulent être prêtes à recevoir des investissements et à travailler dans un continuum. Donc, il peut s’agir d’organisations qui ont besoin de financement pour des activités d’innovation de base, pour examiner leur gestion organisationnelle, pour évaluer leurs exigences de financement et leurs sources de revenus ou pour préparer un nouveau plan d’affaires. Donc, le financement à court terme servira fondamentalement à préparer le terrain et également à accroître la capacité des intermédiaires dans le domaine de la finance sociale avant le lancement de ce fonds de finance sociale. Aussi, les deux initiatives seront dirigées par Emploi et Développement social Canada.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Martin : Je vais poser ma question à M. Leblanc. Vous avez mentionné le projet de loi C-86, et les nouvelles règles. Maintenant, les organismes de bienfaisance peuvent consacrer l’ensemble de leurs activités aux débats sur les politiques publiques et leur élaboration, pourvu que cela promeuve leur objectif de bienfaisance. Je sais que cela a soulevé des préoccupations pendant les dernières élections, et maintenant, c’est une année électorale. Nous sommes passés de 10 p. 100 à 100 p. 100, et je ne peux m’empêcher de me demander quelle incidence cela aura sur leurs activités. Je me demande aussi quel effet cela aura sur les préoccupations qui ont été soulevées précédemment, maintenant qu’on a ouvert la boîte de Pandore. Ce n’est probablement pas votre responsabilité de parler de la surveillance et de tout le reste, mais je voulais savoir si vous aviez tenu des discussions ou si vous aviez pris part à des discussions intergouvernementales avec ceux qui seront chargés de surveiller l’application de toutes les modifications entraînées par le projet de loi C-86?

M. Leblanc : Merci de la question. Comme précédemment, je vais commencer, et Blaine pourra me corriger ou ajouter des détails au besoin. En résumé, ce que nous disions à propos du contenu du projet de loi C-86, c’est que les organismes de bienfaisance pourront désormais mener sans restriction des activités non partisanes touchant les politiques publiques et leur élaboration. Je crois qu’il est important de préciser, cependant, que les restrictions qui existent déjà relativement aux activités partisanes directes et indirectes n’ont pas été levées. Il n’y a pas eu de changement de ce côté-là.

Je crois que nos collègues de l’ARC qui ont témoigné avant nous vous ont parlé du document d’orientation qu’ils ont publié à des fins de rétroaction. Lorsque nous sommes allés témoigner devant la Chambre des communes et le Comité des finances du Sénat, les membres nous ont demandé des précisions, surtout à propos des activités partisanes indirectes. Le document fournit donc des détails à ce sujet. Les restrictions sont toujours un élément important du cadre, selon moi.

Il y a une autre chose que je veux dire : vous avez mentionné les activités interministérielles et le fait que la responsabilité incomberait à d’autres au sein du gouvernement. Le fait est que les restrictions visant les activités qui ont un lien avec les élections s’appliqueront autant aux organismes de bienfaisance qu’à n’importe quelle autre organisation. Elles sont surtout là pour les autres. Néanmoins, les limites et les restrictions continueront de s’appliquer. Pour ce qui est de la Loi de l’impôt sur le revenu, nous avons seulement fait une modification spécifique.

La sénatrice Martin : Je sais qu’il y a d’autres témoins à qui je pourrais poser cette question, mais le fait est qu’il y avait déjà des problèmes avant. Je comprends que les limites, les restrictions, n’ont pas été modifiées, mais il y avait déjà des problèmes avec ces restrictions. J’ai toujours certaines de ces préoccupations, et d’autres personnes sont venues m’en parler. J’imagine cependant que ce sera pour une autre étude. Pour l’instant, je veux vous remercier de ces précisions.

Mon autre question s’adresse aux représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Votre ministère est censé travailler avec des Canadiens dans tous les secteurs de l’économie et dans tout le pays. C’est vraiment beaucoup de terrain à couvrir. L’un de vos objectifs consiste à renforcer les résultats du Canada en matière d’innovation. Je suis curieuse : je voudrais savoir ce que vous faites précisément pour les organismes de bienfaisance et à but non lucratif afin qu’ils puissent avoir accès aux services et aux programmes que vous offrez. Vous avez survolé le sujet dans votre déclaration préliminaire, mais cela nous serait utile si vous nous donniez plus de détails.

M. Schaan : D’entrée de jeu, comme je l’ai dit dans ma déclaration, je tiens à dire que je ne suis pas responsable de ces activités du ministère. Je m’occupe principalement des lois d’application générales touchant l’ensemble du secteur financier. Je m’occupe des lois d’encadrement du marché, et mes collègues dans les autres directions du ministère s’occupent des services et des programmes et de tout ce qui touche à l’innovation. Cela dit, je peux vous dire, en leur nom, qu’il existe un certain nombre de volets de programme. Au début du Plan pour l’innovation et les compétences, il y a trois budgets, il y a eu une initiative de consolidation, de rationalisation et de simplification des programmes dont l’objectif était de mettre en place des plateformes centrales conviviales pour les récipiendaires des divers programmes d’innovation en entreprise offerts par notre ministère.

Je tiens à mettre en relief que tous les organismes de développement régional font partie du portefeuille du ministère. Ces organismes ont des volets de programme — leur représentant serait mieux placé que moi pour vous en parler — qui montrent à quel point ils s’impliquent dans les diverses collectivités du Canada; elles versent des subventions à des organismes de bienfaisance et aux bénéficiaires de programme dans leur domaine de compétence.

La sénatrice Martin : Puisque les organismes de bienfaisance et à but non lucratif doivent compétitionner avec toutes les autres organisations, et compte tenu du fait qu’ils ont des ressources et un effectif très limité, j’ose espérer que les fonctionnaires de première ligne qui travaillent sur le terrain dans les régions prennent en considération les obstacles que les organismes de bienfaisance et à but non lucratif doivent surmonter. Je ne demande pas de traitement de faveur, mais ce serait très utile de simplement garder cela à l’esprit d’une façon ou d’une autre.

M. Schaan : Absolument. Il y a deux choses que je voudrais ajouter : cela ne fait pas vraiment partie de mon domaine, mais, premièrement, nous avons évidemment des programmes exclusifs pour les organismes de bienfaisance et à but non lucratif. Deuxièmement, nous partageons souvent nos bureaux régionaux avec d’autres organismes gouvernementaux. De cette façon, il est beaucoup plus facile d’offrir une approche pangouvernementale — c’est-à-dire de veiller à offrir des services tout en tissant des liens avec la collectivité, les entreprises et d’autres partenaires communautaires —, parce que nous sommes tous au même endroit.

La sénatrice Martin : Merci. Ma dernière question s’adresse à Mme Jocelyne Voisin. C’est très enthousiasmant d’entendre parler de tout ce que les jeunes font d’un bout à l’autre du pays. Vous avez énuméré vos partenaires, mais je ne sais pas si vous avez dit comment ils avaient été choisis. Je sais qu’il faut qu’ils possèdent déjà un certain niveau d’expertise et des infrastructures, mais il y a tout de même un très grand nombre d’organisations. Je me rappelle que vous avez aussi dit que vous êtes ouverte à l’idée de travailler avec d’autres partenaires également. Pouvez-vous nous expliquer rapidement votre processus de sélection?

Mme Voisin : À la phase de la conception, nous voulions des organisations qui pouvaient procéder sans attendre. Comme je l’ai dit plus tôt, l’un de nos critères était que l’organisation ait de l’expérience dans la prestation de services de placement pour les jeunes. Un autre critère était la capacité d’accroître leurs activités rapidement. À la phase de la conception, nous voulions des organisations qui allaient nous être utiles, qui allaient pouvoir mettre en œuvre un modèle d’analyse des impacts collectifs, ce qui suppose de travailler en collaboration. Pour le reste, il y avait des composantes touchant à la reconnaissance des compétences, l’offre de placement dans deux provinces ou plus, l’exposition à l’autre langue officielle, la diversité et le besoin d’avoir une très grande connaissance des jeunes. Les jeunes nous ont également donné une idée des thèmes qui les intéressaient. Par exemple, il y a mindyourmind, un organisme voué à la santé mentale. Nous voulions lancer des projets dans des domaines qui intéressaient les jeunes, c’est-à-dire l’environnement, la réconciliation et la santé mentale. Nous voulions nous assurer d’avoir des organismes œuvrant dans ces domaines.

Voilà pour la phase de la conception. Nous travaillons présentement à l’élaboration de critères afin de choisir nos partenaires pour une phase d’expansion.

La sénatrice Martin : Avez-vous dit que les organismes doivent être bilingues, ou est-ce que seulement une langue officielle suffit?

Mme Voisin : Les organismes doivent pouvoir offrir leurs services dans les deux langues officielles. L’organisme peut soit le faire par elle-même, soit obtenir du soutien afin d’y arriver.

La sénatrice Martin : Merci.

La sénatrice Omidvar : J’ai deux questions que je vais poser en même temps. La première s’adresse à M. Schaan. Je voudrais que vous formuliez des commentaires sur les recommandations que des témoins nous ont proposées. C’est à propos des organismes à but non lucratif. Nous avons beaucoup parlé des organismes à but non lucratif, et nous savons qu’ils ont aussi droit, dans une certaine mesure, à des avantages fiscaux, mais ils n’ont pas autant de comptes à rendre que les organismes de bienfaisance. Quelqu’un a laissé entendre que les organismes à but non lucratif sont tous différents, que certains sont voués à l’intérêt public, et d’autres à des intérêts privés. Prenez les aéroports, par exemple. Je les rangerais du côté de l’intérêt public, tandis que l’association de concessionnaires automobiles qui vend des Subaru à Ajax est probablement un organisme à but non lucratif voué à des intérêts privés. Vous avez dit que 30 000 organismes à but non lucratif font partie de votre domaine de compétence. Avez-vous une idée du nombre qui sont voués à l’intérêt public et à l’intérêt privé?

M. Schaan : La meilleure façon d’arriver à une réponse approximative serait de vérifier quels organismes à but non lucratif sont également des organismes de bienfaisance enregistrés, mais ce ne serait pas un chiffre exact. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, un peu plus de 40 p. 100 des 30 000 organismes sont des organismes de bienfaisance enregistrés, et les autres sont des organismes de type divers. Parmi nos diverses lois d’application générale, il y a des lois habilitantes dont le but est d’encadrer les efforts pour accéder au marché de la finance sociale. La Loi canadienne sur les sociétés par actions vise environ 400 000 organisations, tandis que du côté des organismes à but non lucratif, on parle de 30 000 organisations. Notre capacité de surveiller tous ces organismes et de savoir exactement de qui il s’agit est limitée et dépend de la portée et de l’ampleur de leurs activités.

La sénatrice Omidvar : Pourriez-vous modifier vos questionnaires ou vos activités de collecte de données afin de demander si ces organismes sont voués à l’intérêt public ou à l’intérêt privé? Ou est-ce que ce concept n’existe tout simplement pas au Canada présentement?

M. Schaan : Actuellement, cela n’existe pas en vertu de la loi. Quand la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif est entrée en vigueur en 2011, le but était de s’éloigner de la partie II de la Loi canadienne sur les sociétés par actions qui était lourde sur le plan administratif. À la place, les organismes n’avaient qu’à remettre leurs lettres patentes et leurs documents de constitution au ministre, lequel allait ensuite approuver la raison sociale et donner son autorisation. Donc, comme dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions, l’objectif visé était que l’obstacle soit non pas la constitution en personne morale, mais plutôt d’autres éléments, comme l’obtention d’avantages fiscaux. Par exemple, les activités d’une organisation donnée peuvent être assujetties à une réglementation précise. Dépendamment de vos activités particulières dans le marché, il y aura peut-être des exigences spécifiques pour le secteur concerné. Présentement, les seules mesures que nous avons adoptées concernent la mesure dans laquelle l’administrateur de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif est habilité à visiter les bureaux des entreprises afin d’examiner leurs règlements administratifs, entre autres choses.

La sénatrice Omidvar : Je crois que je vais poser ma prochaine question à Mme Scott. Corrigez-moi s’il vaudrait mieux la poser à votre collègue. D’après ce que nous avons entendu, il semble y avoir un consensus selon lequel le capital humain, malgré son ampleur, commence à s’éroder dans le secteur de la bienfaisance et à but non lucratif. C’est pourquoi les gens réclament une stratégie robuste en matière de capital humain. J’imagine que c’est ainsi que EDSC comprend les choses. Serait-il possible de tirer des leçons des stratégies en matière de capital humain dans d’autres secteurs? Y en a-t-il une dans le domaine des STIM? Y en a-t-il une dans le domaine de la technologie, du numérique ou de l’intelligence artificielle? Je lance des idées en l’air, mais je voudrais simplement trouver quelque chose que nous pourrions prendre en exemple.

Mme Scott : Ce n’est pas vraiment ma spécialité, alors je ne pourrai pas vous donner une réponse détaillée. Notre direction générale des compétences et de l’emploi a mis sur pied quelques initiatives visant à examiner les besoins dans des secteurs précis. Donc, il y a clairement des possibilités à saisir. Vous pourriez aussi poser la question à mes collègues d’ISDE qui ont mené des initiatives similaires visant des secteurs spécifiques. Malheureusement, je ne peux pas vous fournir d’exemple précis ou d’initiative qui s’inscrirait dans cet ordre d’idées.

La sénatrice Omidvar : Pouvez-vous nous donner un exemple de secteurs qui intéressent le gouvernement relativement au développement du capital humain?

Mme Scott : Dans le domaine des STIM, dans l’ensemble des initiatives touchant les métiers spécialisés et les formations d’apprenti, il y a eu d’importants investissements au cours des dernières années afin d’encourager les gens à s’inscrire et à terminer une formation d’apprenti. On a également cherché à savoir dans quel secteur du marché il y a une pénurie de main-d’œuvre. Voilà un exemple.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Le président : Mesdames et messieurs, merci beaucoup d’être venus ici aujourd’hui. Cela n’a pas été facile de réunir autant de personnes brillantes en un seul groupe de témoins. Nous avons tous dû faire preuve d’une grande discipline pendant vos témoignages et la période de questions, et je crois que nous avons bien réussi. Il est 16 h 20, ce qui n’est pas si mal. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter.

Je tiens à vous remercier de vos commentaires et je vous encourage, à mesure que vous surveillez les activités au cours des prochaines semaines qu’il nous reste d’audience, de nous faire parvenir par l’intermédiaire du greffier tout renseignement que vous remarquez ou que vous auriez oublié de nous dire ou dont vous voulez nous faire part. Nous ne manquerons pas de les prendre en considération. Merci beaucoup. Nous vous remercions de votre bon travail au nom de tous les Canadiens. Merci.

(La séance est levée.)

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