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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL SPÉCIAL SUR LE SECTEUR DE LA BIENFAISANCE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 18 mars 2019

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 14 heures, pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur du bénévolat au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Je suis le sénateur Terry Mercer de la Nouvelle-Écosse, président du comité. Je vais d’abord demander à mes collègues de bien vouloir se présenter.

Le sénateur R. Black : Robert Black, Ontario.

La sénatrice Martin : Yonah Martin de la Colombie-Britannique.

Le président : D’autres sénateurs se joindront à nous en cours de route.

Notre comité poursuit aujourd’hui son étude de l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et les autres groupes similaires; et de l’impact du secteur du bénévolat au Canada.

Je vous présente notre premier groupe de témoins pour cet après-midi. Nous accueillons M. Kevin Perkins, directeur général de Radios Rurales Internationales; M. Zaid Al-Rawni, chef de la direction d’Islamic Relief Canada, qui témoigne par vidéoconférence; et M. Mike Power, vice-président, Programmation et exploitation, pour Jeunesse Canada Monde. Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître.

Nous passerons aux questions des membres du comité après vos exposés de cinq à sept minutes chacun.

Kevin Perkins, directeur général, Radios Rurales Internationales : Merci. Bonjour à tous. Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous dans le cadre de cette importante étude.

L’organisme Radios Rurales Internationales a été fondé en 1979 par le Canadien George Atkins, agriculteur et radiodiffuseur grandement apprécié dans le milieu. Dans son rôle de radiodiffuseur, George s’assurait de communiquer aux agriculteurs canadiens tous les renseignements dont ils avaient besoin pour survivre et prospérer. Il leur parlait des pratiques agricoles, des marchés et des conditions météo. Son émission de radio était tout aussi importante pour leur réussite que la pluie et l’accès à de bonnes semences.

Dans les années 1970, à la suite d’un atelier tenu en Zambie avec un groupe de radiodiffuseurs du Commonwealth, George s’est rendu compte qu’il était possible de mettre à profit sa passion et ses compétences en radiodiffusion spécialisée au bénéfice des familles d’agriculteurs de toute la planète. Il a alors commencé à produire et à distribuer à travers le monde des textes destinés à la radiodiffusion qui portaient sur des sujets susceptibles de répondre aux besoins concrets des exploitations familiales se livrant à l’agriculture de subsistance à petite échelle dans les pays en développement. Voilà bientôt 40 ans, soit en mai 1979, le Réseau de radios rurales des pays en développement, depuis devenu Radios Rurales Internationales, faisait parvenir son premier ensemble de textes à 34 radiodiffuseurs de 26 pays.

Nos activités n’ont cessé de prendre de l’expansion depuis, tant et si bien que nous appuyons maintenant un réseau de près de 800 stations de radio dans 40 pays africains. Nous produisons et distribuons sur une base régulière des textes destinés à la radio et des guides pratiques pour les radiodiffuseurs en plus d’offrir d’autres ressources et services afin d’aider les stations de radio rurales à améliorer leurs émissions éducatives. Nous collaborons en outre directement avec une centaine de stations de radio dans 11 pays aux fins de la diffusion de séries d’émissions spécialement conçues pour influer sur le développement de façon durable et mesurable, ce qui permet d’améliorer le sort de dizaines de millions de citoyens des régions rurales d’Afrique. Nous avons également intégré les nouvelles technologies de communication mobile, comme la messagerie texte et l’infonuagique, pour créer ce que nous appelons la Radio 2.0, un outil de communication bilatérale interactif et puissant.

Notre financement nous vient d’une vingtaine de partenaires, y compris les fondations Rockefeller et Gates, Affaires mondiales Canada, bien évidemment, et le Programme alimentaire mondial. Nous bénéficions en outre chaque année des dons de charité de plus de 2 500 Canadiens.

Le secteur de la bienfaisance et du bénévolat joue un rôle important dans les efforts déployés pour réduire la pauvreté, améliorer la santé, renforcer les communautés et atteindre d’autres objectifs cruciaux. En plus d’offrir efficacement différents programmes et services, les organismes de ce secteur puisent à même une longue expérience de collaboration avec des partenaires communautaires de toute la planète pour s’appuyer sur une connaissance approfondie des besoins à combler, des défis à relever et des possibilités à saisir. Le secteur est une importante source d’innovation sociale en ce sens qu’il permet de trouver et de mettre à l’essai des solutions à des problèmes complexes.

J’aimerais traiter de deux éléments liés aux lois, aux politiques et aux pratiques en place qui risquent d’entraver le plein épanouissement de notre secteur. Il y a d’abord les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui dictent la façon dont les organismes de bienfaisance canadiens peuvent collaborer avec des partenaires à l’étranger. Il y a deuxièmement la nécessité d’accroître la valeur de la contribution du secteur à l’aide internationale offerte par le Canada via un recours accru aux programmes réactifs.

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, un organisme de bienfaisance canadien peut dépenser des fonds seulement pour ses propres activités ou en faisant des dons à d’autres organismes de bienfaisance canadiens. Pour collaborer avec une organisation partenaire à l’étranger, comme un organisme communautaire, un groupe de femmes ou une agence nationale d’éducation en matière de santé, un organisme de bienfaisance canadien doit lui octroyer un contrat à titre d’intermédiaire chargé de réaliser les activités expressément approuvées sous la direction et le contrôle de l’organisme canadien. Il ne peut pas par exemple verser des subventions à une organisation locale pour lui fournir de meilleurs moyens d’action.

Cette contrainte peut être problématique pour les organismes de bienfaisance canadiens qui œuvrent dans le secteur du développement international. Nous cherchons en effet d’abord et avant tout à aider nos partenaires locaux dans cet effort de développement à accroître leur efficacité et leur viabilité à long terme. En confinant ces organismes au rôle d’intermédiaires chargés de fournir des services, on risque de miner leur capacité à contribuer concrètement au développement, si bien qu’il peut devenir plus difficile de tendre vers l’autonomie, le grand objectif à long terme.

En outre, cette disposition de la loi est difficilement conciliable avec les exigences que nous impose Affaires mondiales Canada. Suivant la politique du Canada pour les partenariats avec les sociétés civiles, les ONG devraient adhérer aux principes d’une prise de décision inclusive ainsi que d’une participation et d’une prise en charge par les instances locales. Ces principes semblent aller à l’encontre des exigences strictes de la loi quant à la direction et au contrôle.

Les organismes de bienfaisance canadiens doivent bien évidemment conserver la responsabilité fiduciaire à l’égard de l’utilisation des fonds qui leur sont confiés. À mon sens, la loi devrait toutefois être modifiée pour leur accorder une plus grande marge de manœuvre dans le soutien au renforcement des capacités d’organismes étrangers. Au Royaume-Uni, la loi et les lignes directrices applicables aux organismes de bienfaisance offrent une telle flexibilité tout en maintenant des normes rigoureuses en matière de diligence raisonnable, de responsabilité et de reddition de comptes.

Je veux aussi traiter des mesures à prendre pour que les organismes de bienfaisance canadiens puissent mieux contribuer aux efforts d’aide publique au développement déployés à l’échelle planétaire. Auparavant, une portion considérable du budget canadien d’aide internationale était réservée à des mesures réactives, c’est-à-dire celles visant la réalisation des idées et des programmes mis de l’avant par des partenaires de la société civile. Des modèles novateurs de partage des coûts et de financement décentralisé comme le Partenariat Afrique Canada permettaient d’être encore plus efficace à ce niveau.

Les programmes réactifs de ce genre s’appuient sur le principe voulant que notre aide internationale soit bonifiée par l’intégration de solutions mises de l’avant par la société civile canadienne en collaboration avec des partenaires locaux. On reconnaît ainsi que nous sommes davantage que de simples fournisseurs de services et que nos missions, nos services et nos partenariats font partie de ce que le Canada a de mieux à offrir au reste de la planète et devraient être pleinement intégrés à l’aide publique internationale.

Au fil de mes 30 années de travail dans ce secteur, j’ai pu observer une détérioration des perspectives de financement pour des mesures réactives. En fait, il n’en existe à peu près plus. Les organismes de bienfaisance canadiens peuvent toujours soumettre des propositions spontanées, mais il n’y a pas de budget ministériel prévu à cette fin, si bien que le financement demandé est rarement accordé. Un nouveau fonds pour les petites et moyennes ONG offre la possibilité de financer certaines mesures réactives, mais il ne compte que pour 0,6 p. 100 du budget total consacré par le Canada à l’aide internationale.

Les organismes de bienfaisance canadiens ont plutôt désormais l’occasion de contribuer à l’aide publique internationale de façon sporadique et quelque peu imprévisible lorsque Affaires mondiales Canada publie des demandes de propositions exigeant des impacts et des résultats prédéterminés. Les ONG et les firmes d’experts-conseils entrent alors en concurrence en proposant des approches techniques différentes pour l’obtention des résultats souhaités. Très peu de propositions sont retenues et les gagnants sont souvent les mêmes. Le Canada se prive ainsi du principal avantage que pourrait lui procurer au départ un secteur de la bienfaisance fort, à savoir une diversité d’organismes ayant chacun leur mission et leur mandat qui sont capables de proposer des solutions novatrices à un large éventail de problèmes.

Je propose donc le retour à des mesures réactives dans le cadre de l’aide internationale offerte par le Canada. Notre pays peut tirer parti de sa propre expérience en la matière et s’inspirer d’autres modèles comme celui des projets d’innovation pour le développement de l’Agence des États-Unis pour le développement international.

Voilà qui conclut mes observations préliminaires. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. C’est vraiment un honneur pour moi de pouvoir m’adresser à vous sur cette tribune.

M. Zaid Al-Rawni, chef de la direction, Islamic Relief Canada : Merci beaucoup. Je suis heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui pour vous présenter quelques-uns de nos points de vue.

Je vous prie de m’excuser à l’avance si mes propos peuvent vous sembler quelque peu répétitifs, car je vais reprendre à mon compte bon nombre des arguments déjà présentés par Kevin dans son exposé.

Au cours de la dernière décennie, Islamic Relief Canada est devenu le plus important organisme sans but lucratif de confession musulmane au pays. Les sommes obtenues auprès de la communauté musulmane pour financer nos œuvres caritatives au Canada et à l’étranger n’ont cessé de croître pour atteindre 40 millions de dollars en 2018.

Nous sommes présents dans toutes les régions du Canada. Parmi les grands défis que nous devons relever, il faut noter la nécessité de concilier les exigences qui nous sont imposées, d’une part, par l’Agence du revenu du Canada (ARC) et la Loi de l’impôt sur le revenu et, d’autre part, par Affaires mondiales Canada pour ce qui est de notre offre de programmes.

À titre d’exemple dans ce contexte général, une approche de localisation est préconisée dans le cadre des Objectifs de développement durable. Il existe toutes sortes de définitions de la localisation, mais il s’agit d’après nous d’offrir aux intervenants et aux organismes sans but lucratif locaux dans différents pays, comme le Soudan et Haïti, la possibilité de croître, mais aussi de faire des erreurs. Dans l’état actuel des choses, les organismes sans but lucratif du Canada ne peuvent tout simplement pas s’engager dans ce genre d’entreprises de renforcement des capacités locales. Après avoir pris les dispositions nécessaires pour nous assurer que les fonds sont effectivement remis à des personnes responsables qui vont les utiliser à bon escient, il ne nous est pas possible de dire à ces gens-là qu’ils seront toujours mieux placés pour connaître les besoins locaux que nous le sommes à partir de nos bureaux de Burlington (Ontario), de Winnipeg (Manitoba) ou d’Edmonton (Alberta), et qu’ils peuvent se servir de ces fonds pour assurer la croissance de leur organisation et répondre aux besoins de leur communauté.

C’est tout simplement hors de question, car c’est un motif de révocation du statut d’organisme de bienfaisance aux yeux de l’ARC. C’est ce qui risque de vous arriver si vous ne démontrez pas que vous exercez un contrôle suffisant des fonds octroyés ou de vos propres programmes au Canada.

Les coûts très élevés associés à ce processus représentent un autre obstacle à surmonter. Il peut en effet être très coûteux de démontrer que nos mesures de direction et de contrôle sont suffisantes pour satisfaire aux exigences établies. Nous renonçons ainsi à financer des programmes et des projets, moins souvent au Canada, mais surtout à l’étranger, lorsque les sommes en cause ne le justifient pas. Un montant inférieur à un quart de million de dollars n’est pas très élevé quand on pense à ce qui peut être réalisé au Canada, mais devient une somme colossale dans le cas d’un village au Niger ou d’une communauté au Népal. Avec un quart de million de dollars canadiens, on peut vraiment changer à jamais la vie d’un groupe de Népalaises, chefs d’une famille monoparentale. On ne peut toutefois pas s’engager dans des projets de moins grande envergure en raison des coûts très élevés à assumer pour en assurer la direction et le contrôle par une instance canadienne. C’est pour nous un véritable obstacle.

S’il y avait une chose à retenir de mon exposé, ce serait le fossé important entre les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu et les attentes de l’ARC, d’une part, et les besoins des communautés auxquelles nous venons en aide, d’autre part. Cet écart est plus large encore à l’étranger qu’au Canada.

Nous comprenons que les organismes canadiens ont la responsabilité fiduciaire de voir à ce que les fonds ne soient pas détournés au profit de groupes ayant des intentions pernicieuses et d’organisations qui ne mettent pas de l’avant les valeurs enchâssées dans la Charte canadienne des droits, soit par exemple parce qu’elles négligent de venir en aide aux femmes et aux filles ou parce qu’elles font de la discrimination fondée sur la religion ou l’appartenance ethnique ou raciale.

Nous sommes conscients de toutes ces obligations, mais nous continuons de croire que bien des choses pourraient être réalisées si nos organismes étaient en mesure de travailler avec des groupes locaux capables de prendre un tel engagement et de démontrer, dans le cadre d’un processus de filtrage, que les sommes reçues sont toujours utilisées de façon productive et ne servent jamais à causer des préjudices à la communauté locale, aux Canadiens ou aux intérêts canadiens, mais permettent plutôt d’accomplir un travail important pour la communauté locale sans nécessairement que l’on ait à exercer une surveillance aussi poussée que celle qui est exigée.

Si je pouvais résumer mon message en une seule phrase, je dirais qu’il faut combler le fossé entre, d’une part, la nécessité de répondre aux besoins des communautés auxquelles nous venons en aide à l’échelle planétaire en étant prêts à leur faire confiance et à donner suite à leurs initiatives et, d’autre part, les obligations qui nous sont imposées par l’Agence du revenu du Canada en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Je vous remercie beaucoup de votre attention et de l’occasion que vous m’avez donnée de vous faire part de mes observations.

M. Mike Power, vice-président, Programmation et exploitation, Jeunesse Canada Monde : Monsieur le président et honorables membres du comité, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui.

J’aimerais d’abord et avant tout souligner les liens étroits qui unissent Jeunesse Canada Monde et le Sénat. Notre fondateur, Jacques Hébert, a été sénateur de 1983 à 1998. L’ancien sénateur St. Germain a été membre de notre conseil d’administration; la sénatrice Andreychuk en a été la présidente; et la sénatrice LaBoucane-Benson est une ancienne employée.

Voilà maintenant près de 35 ans que je travaille pour Jeunesse Canada Monde. J’ai commencé à titre de bénévole et je suis maintenant vice-président, responsable de la programmation et de l’exploitation. J’ai été témoin d’une évolution considérable de notre organisation et de nos programmes parallèlement aux transformations qui ont marqué notre jeunesse et notre société au cours de cette période.

Notre expertise en matière de mobilisation des jeunes et de développement nous permet maintenant de compter sur une communauté de près de 40 000 anciens participants dans 70 pays du monde. Notre modèle de programmes d’échanges pour les jeunes a été repris par de nombreux pays, y compris le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Suède. Nous offrons des programmes dans des localités de toutes les régions du Canada, de Corner Brook jusqu’à Rankin Inlet, en passant par Haida Gwaii.

Nous estimons d’abord et avant tout qu’en appuyant le travail d’une organisation pour les jeunes et en investissant dans la participation de ceux-ci à des expériences d’apprentissage qui vont les transformer, nous pouvons avoir un impact durable sur la vie de ces jeunes aussi bien que sur la société.

La façon la plus simple d’expliquer notre théorie de la transformation consiste peut-être à dire que nous nous employons à renforcer les capacités en passant par la tête, les mains et le cœur. La tête représente les connaissances, les mains représentent les compétences tangibles, et le cœur représente les valeurs et les attitudes.

Notre approche consiste à mobiliser de jeunes volontaires pour les inciter à explorer leurs capacités à assumer, individuellement ou collectivement, un rôle de leader ou de modèle au sein de leur communauté. Il n’est pas rare que la participation bénévole aux programmes de Jeunesse Canada Monde ne soit que le début d’un engagement à long terme en faveur du développement international et du travail bénévole. Pour bien des jeunes, c’est un tremplin essentiel pour accéder à une carrière. Nous sommes une organisation pancanadienne qui souhaite mettre en valeur une vision inclusive de notre pays en offrant nos programmes dans un souci de respect de la diversité via notamment l’intégration des Autochtones, des femmes et des filles.

Tous conviendront que le bénévolat est une pratique fort louable, mais j’ai pour ma part de la difficulté à le voir uniquement comme une aide apportée à autrui ou une contribution à une œuvre quelconque. À la lumière de ma propre expérience et de mes conversations avec des bénévoles de différents pays du monde, je dirais que le bénévolat est une affaire d’avantages et de gratifications. Les bénévoles tirent souvent de l’expérience des avantages tout aussi grands, voire supérieurs, à ceux qu’ils procurent à d’autres. En outre, les avantages ainsi obtenus peuvent varier grandement selon la partie concernée.

Il faut considérer les avantages pour les bénéficiaires directs du temps consacré ou des services offerts par le bénévole, ceux que le bénévole en retire lui-même, en plus de ceux qui en découlent pour la communauté du bénéficiaire et celle du bénévole dans une perspective à long terme. Comme les jeunes voient les choses différemment, leur travail bénévole contribue à stimuler l’innovation. En misant davantage sur le bénévolat des jeunes, on consolide les liens existants au niveau local tout en favorisant l’engagement communautaire en plus de contribuer à contrer l’exode des jeunes vers les grands centres, non seulement au Canada, mais aussi à l’échelle internationale.

Lorsque de jeunes bénévoles canadiens sont ainsi déployés dans différents pays du monde, il faut également prendre en compte les avantages pour la société canadienne et toutes les retombées positives pour le Canada du point de vue politique, social et économique. Chaque fois qu’un nouveau bénévole se rend à l’étranger, on peut se demander quels seront les avantages pour lui-même, pour sa communauté et pour son pays.

Voilà plusieurs décennies déjà que j’entends des témoignages d’un grand nombre de bénévoles de Jeunesse Canada Monde. Il y a un thème commun qui ressort de cet exercice. Ils sont en effet nombreux à dire que leur expérience de bénévolat à l’étranger a changé leur vie pour le mieux. La plupart ont tendance à sous-estimer leur propre contribution, comme c’est le cas pour la majorité des bénévoles, mais la presque totalité d’entre eux n’hésitent pas à parler des avantages que leur a procurés personnellement le bénévolat.

J’ai également réfléchi au rôle que notre gouvernement fédéral pourrait ou devrait jouer pour appuyer le bénévolat. En bref, nous devrions peut-être nous interroger dans une moindre mesure sur ce que chaque gouvernement est capable d’accomplir individuellement pour nous demander plutôt ce que devraient faire collectivement les citoyens, les collectivités et tous les ordres de gouvernement. Il serait très utile de recueillir des données et de procéder à une analyse statistique des avantages du bénévolat, avec ventilation en fonction de l’âge et du sexe. Les organismes sans but lucratif de toutes tailles pourraient gagner beaucoup en efficience et en efficacité s’ils avaient accès à des mécanismes pour la mise en commun de leurs innovations et de leurs meilleures pratiques.

J’hésite par contre à préconiser une indemnisation financière des bénévoles du fait que ceux-ci, comme je le mentionnais tout à l’heure retirent de nombreuses gratifications de leur contribution. Je suis toutefois favorable à la mise en place de différentes formes de stages et de mesures incitatives semblables pouvant contribuer à éliminer les obstacles au bénévolat. Selon la situation de la personne en cause, ces obstacles peuvent vraiment être de taille et comprendre des éléments comme les coûts liés à la perte de possibilités économiques, les contraintes scolaires et la rigidité institutionnelle. Comme je sais à quel point le bénévolat peut être gratifiant, je trouve triste que notre taux de mobilité des étudiants soit inférieur à 3 p. 100.

J’estime nécessaire d’y aller d’un effort collectif pour créer au Canada un environnement encore plus propice au bénévolat. De nombreux intervenants de toutes les régions du pays verraient d’un bon œil une initiative à long terme visant à améliorer la coordination entre les agences désireuses de favoriser le bénévolat au pays comme à l’étranger.

En conclusion, dans un contexte où les organismes sans but lucratif ou de bienfaisance continuent de se livrer concurrence pour avoir accès aux ressources, au financement et aux possibilités de croissance dont ils ont besoin, je me considère personnellement extrêmement chanceux. Ma première expérience de bénévolat a changé ma vie. Il y a un aspect de mon travail à Jeunesse Canada Monde qui va toujours me garder jeune. Chaque fois qu’un jeune présente une demande pour participer à un de nos programmes, je sais qu’il s’apprête à vivre une expérience qui va transformer son existence, comme ce fut mon cas il y a 35 ans. J’aimerais que tous les jeunes puissent bénéficier d’une telle possibilité. Merci.

Le président : Merci, monsieur Power.

La sénatrice Omidvar : Merci à tous les trois pour le travail que vous accomplissez et le temps que vous nous consacrez aujourd’hui. Toutes ces informations nous sont extrêmement utiles.

Ma première question porte sur la direction et le contrôle et s’adresse à MM. Perkins et Al-Rawni. Vous avez tous les deux parlé des difficultés découlant des lignes directrices de l’ARC en la matière lorsque vous travaillez à l’étranger avec des entités qui ne sont pas des organismes de bienfaisance canadiens. C’est une entrave bien concrète qui vous empêche de rejoindre les gens à la base pour bénéficier de leur sagesse, et je suis entièrement d’accord avec vous à ce sujet.

Des témoins de notre avant-dernier groupe nous ont aussi fait une mise en garde. Plus les Canadiens se montrent généreux et intéressés à faire des dons à l’étranger, plus nous devons prendre les précautions nécessaires pour nous assurer que les fonds en question ne sont pas utilisés à mauvais escient ou détournés. Il faut donc trouver un juste équilibre entre les deux.

Auriez-vous des recommandations à nous faire quant à la façon de parvenir à ce juste équilibre en assouplissant les exigences quant à la direction et au contrôle sans renoncer à la reddition de comptes et à la transparence quant à l’utilisation des fonds provenant des dons de charité?

M. Perkins : Je pense que c’est une question très importante, car il existe manifestement des responsabilités fiduciaires et des exigences en matière de reddition de comptes. Il faut en outre effectuer les vérifications d’usage pour s’assurer que les partenaires avec lesquels on collabore sont de bonne foi et ont les mêmes objectifs cartitatifs que soi.

Je me suis penché sur le modèle britannique dans le cadre duquel le gouvernement fournit des directives aux organismes de bienfaisance sur la manière dont ils peuvent appuyer l’octroi de subventions qui servent aux fins de renforcement des capacités ou qui sont plus souples à l’égard des organisations locales. C’est peut-être ce qui est difficile quand on obtient ce qu’on demande, car le processus est très rigoureux sur le plan des exigences au Royaume-Uni. Le gouvernement énumère toutes les étapes à suivre au chapitre des vérifications, de la gestion du risque, de la reddition de comptes et d’autres éléments. Il accorde une marge de manœuvre respectable quant à la manière de s’exécuter, mais il est très clair que ces démarches doivent être effectuées et que les attentes sont très élevées.

Je pense donc que c’est un modèle que le Canada pourrait examiner afin de trouver une solution sur le plan des exigences en matière de directives et de contrôle.

M. Al-Rawni : Selon moi, il faudrait considérer avec beaucoup de suspicion quiconque réclame une transparence, une reddition de comptes et une ouverture moindres à l’égard des donateurs et des Canadiens en ce qui concerne l’utilisation de leur argent. Personne ne demande que le processus soit moins rigoureux. La différence entre ce que nous demandons et le processus actuel relatif à l’orientation et au contrôle tel qu’il est compris et appliqué actuellement, c’est que les décisions doivent être prises au Canada pour respecter la Loi sur l’impôt sur le revenu. Les décisions relatives à l’utilisation, au lieu d’utilisation et aux bénéficiaires des fonds doivent être prises au Canada. Il faut ensuite vérifier l’utilisation qu’on fait des fonds sur place.

Je vous donnerai un bref exemple. Si on établit une relation solide avec une organisation représentant des réfugiées syriennes qui agissent à titre de chef de famille et qui doivent prendre soin de leur famille, et que l’on dit que l’on offrira un programme de renforcement de la capacité à 20 femmes agissant à titre de chefs en laissant les intéressées décider du genre de formation dont elles jugent avoir besoin, ce serait compliqué à l’heure actuelle en vertu des règles, d’après ce que nous en comprenons. Mais peut-être les comprenons-nous mal.

L’organisation doit nous envoyer une panoplie de documents afin de nous indiquer ce qu’elle compte faire et comment elle a l’intention de procéder. Nous devons ensuite vérifier le tout et voir ce qui est approprié ou non. Nous devons demander à un expert des réfugiées agissant à titre de chefs et de la formation de ces personnes d’examiner le processus et de voir ce qui est proposé afin d’indiquer à notre organisation si c’est approprié ou non. Nous devons ensuite prendre une décision, répondre à l’organisation, lui faire parvenir les fonds sous forme tronquée et nous entendre préalablement sur les jalons.

Nous pourrions procéder autrement en convenant que ces femmes ont besoin de soutien et en nous entendant sur des jalons clés qui nous permettront de nous assurer que les fonds sont dépensés judicieusement. Bien entendu, l’organisation doit prouver que les fonds ont été utilisés aux fins prévues. Jamais je ne proposerais d’omettre cette étape, car il est parfaitement approprié de savoir comment, par qui et quand l’argent est dépensé. En omettant de le faire, une organisation gouvernementale manquerait à son devoir. Il faut absolument démontrer la manière dont les fonds sont dépensés.

On permettrait au comité de femmes de déterminer lui-même la manière optimale de dépenser les fonds et l’endroit où ils devraient être dépensés. Pour notre part, nous vérifierions que les fonds sont dépensés là où elles ont indiqué qu’ils le seraient. J’espère que cette réponse vous est utile.

La sénatrice Omidvar : Elle l’est. Je voulais avoir un exemple concret et contextuel. Je tente encore de comprendre si ce ne sont que des mots. Il faudra toujours procéder à une vérification. Ce que vous proposez, c’est d’éliminer un grand nombre d’intermédiaires, si je puis les appeler ainsi. Merci de cette réponse.

Je suis certaine que nous y reviendrons, monsieur Al-Rawni.

Monsieur Power, j’ai une observation et une question. Je crois beaucoup, moi aussi, au pouvoir du bénévolat. J’ai commencé dans la vie en m’adonnant au bénévolat, et je suis aujourd’hui sénatrice. Voilà qui en dit long sur le pouvoir du bénévolat.

Notre comité a entendu une proposition, qui vient de je ne sais où, selon laquelle un pays vaste et diversifié comme le Canada pourrait utiliser le programme de service jeunesse, dans le cadre duquel les jeunes offriraient des services communautaires quelconques à l’extérieur de leur localité pendant environ six mois. Ce serait une sorte d’initiative typiquement canadienne, à défaut d’un meilleur terme. Je pense que d’autres pays ont un programme de service militaire ou de service jeunesse. Votre organisation a-t-elle envisagé cette possibilité?

M. Power : Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre question?

La sénatrice Omidvar : Votre organisation a-t-elle réfléchi aux avantages et aux inconvénients potentiels d’un programme de service jeunesse obligatoire au Canada? Après l’école, avant l’université, tous les jeunes vont quelque part pour faire quelque chose au pays ou à l’étranger.

M. Power : Je vous remercie de cette question. Un grand nombre de partenaires étrangers avec lesquels nous collaborons ont un service national, par exemple. Nous en avons étudié les avantages et les inconvénients, et je dirais que c’est une arme à double tranchant dans un cas comme celui-là. Tout ce qui est obligatoire remet en question la motivation principale qui incite les gens à participer.

La pureté à laquelle j’ai fait référence au sujet des occasions ou des avantages dont la personne bénéficie découle souvent en partie du fait que cette dernière agit de son propre chef. Voilà pourquoi je dis qu’en contrepartie, on peut se demander si la personne a l’occasion de se porter volontaire. Je pense que vous constaterez que la réponse diffère selon le lieu de résidence, l’âge et le sexe de la personne. Je dirais que dans l’ensemble, si l’objectif consiste à abattre les obstacles à la participation, alors un programme comme celui-ci serait effectivement très important.

Je me demanderais aussi à qui s’adressent les occasions et qui est laissé derrière. Mais s’il s’agit d’un programme qui permet réellement d’éliminer les obstacles à la participation, alors c’est la voie à suivre.

Le sénateur R. Black : Les données de Statistique Canada montrent que les organismes de bienfaisance œuvrant dans le domaine du développement international attirent un faible pourcentage des bénévoles et des donateurs canadiens. Par contre, elles montrent également que le soutien financier destiné à ces organismes a augmenté au fil du temps, alors qu’il décroît dans d’autres secteurs. C’est ce que révèlent les données de Statistique Canada. À quoi attribuez-vous le taux de participation relativement faible chez les organisations œuvrant à l’étranger?

M. Power : Une bonne partie du soutien offert est destiné à des bénéficiaires locaux, dans le cas présent. Ce que nous voulons mettre en lumière, c’est le fait que ce sont les bénévoles et les jeunes canadiens qui se heurtent à des obstacles au chapitre de la participation. S’il y avait moyen d’offrir plus d’occasions, nous ne disons pas que les fonds seraient dépensés autrement. Ce qu’il faut, c’est combler les besoins des jeunes canadiens en même temps. À mon avis, il est possible de faire les deux.

M. Al-Rawni : Je pense que les chiffres relatifs aux fonds indiquent que 95 p. 100 des dons de bienfaisance au Canada sont dépensés au pays; ce sont donc 5 p. 100 qui le sont à l’étranger. Il peut y avoir des augmentations ou des diminutions d’un côté comme de l’autre, mais la plus grande partie des dons de bienfaisance restent au Canada.

Tout ce qui pourrait expliquer une tendance à dépenser plus à l’étranger, c’est l’augmentation substantielle des grandes catastrophes à fort impact. Je parle ici des inondations au Pakistan, des tsunamis, des séismes à Haïti et la guerre en Syrie, autant de tragédies à fort impact et à grand retentissement qui ont frappé l’imagination de la population canadienne et qui ont peut-être contribué à l’augmentation des dons de bienfaisance.

Selon notre expérience, de façon générale, quand les principaux acteurs du secteur, comme Vision mondiale, Plan International et Oxfam Canada, se réunissent pour faire l’état des lieux, ils diraient que chaque année semble plus difficile que la précédente.

Oui, je ne serais pas étonné que la tendance générale soit à la hausse, mais je ne pense pas que cela ait influencé le pourcentage des dons destinés au pays et à l’étranger, d’après ce que je comprends.

Le sénateur R. Black : Merci.

M. Perkins : Un déclin pourrait s’expliquer en partie par le fait qu’il y a beaucoup moins de travail effectué par les ONG canadiennes sur le plan de ce qui s’appelle purement l’éducation en matière de développement, activité dans le cadre de laquelle les ONG s’adressent aux communautés pour leur expliquer le travail qui s’effectue et les besoins qui se font sentir. Ces activités ont déjà été une composante admissible dans le cadre de nombreux programmes de développement financés par l’ACDI à une époque. Dix pour cent des fonds pouvaient être utilisés pour le travail d’éducation au Canada; cela a vraiment contribué à l’augmentation du nombre de gens informés et mobilisés. La disparition de ce financement pourrait être expliquée en partie par le déclin.

Pour ce qui est de la part de l’aide au développement qui est versée par l’entremise des ONG, je pense qu’il y a beaucoup plus d’argent parce que les ONG reçoivent des contrats à titre de partenaires de prestation de services qui offrent les programmes au nom d’autres organismes. Les ONG canadiennes gèrent donc plus d’argent, mais ne reçoivent pas plus d’argent pour leurs travaux. C’est plutôt le rôle des ONG qui a évolué; elles se chargent davantage de mettre en œuvre les programmes d’autres organisations et ne reçoivent pas autant de soutien pour leurs propres travaux.

Le sénateur Duffy : Je me devais de donner suite à la question du sénateur Black au sujet du montant de l’aide canadienne qui est dépensé à l’étranger; je pense que M. Al-Rawni a indiqué qu’il est de 5 p. 100. Est-ce que la montée des médias sociaux et, en particulier, le phénomène des fausses nouvelles font en sorte qu’il est plus difficile pour ceux et celles qui tentent de venir en aide aux moins fortunés de ce monde d’établir leur crédibilité, de transmettre leur message ou de susciter une réaction favorable chez les gens? L’information fuse de toute part, et une bonne partie de ces renseignements sont complètement faux. Avez-vous été confrontés à cette situation? Est-ce un problème?

M. Al-Rawni : Oui. À notre avis, un grand nombre de personnes qui effectueraient normalement un don disent ne pas être certaines que l’argent va où il le faut. Elles ont lu quelque part que seulement 10 p. 100 de l’argent se rend jusqu’aux personnes qui en ont besoin, ou que l’organisation agit de manière malavisée ou aide les mauvaises personnes.

Chaque fois que j’ai rencontré une personne ayant une telle attitude et que j’ai pris le temps de lui expliquer notre position et de lui fournir des données concrètes, j’ai toujours obtenu un chèque. Les gens me disent que maintenant que j’ai fait la lumière sur la situation, ils nous libelleront un chèque de quelques milliers de dollars pour nos travaux au Malawi ou nos efforts d’éducation des filles en Afghanistan ou ailleurs.

C’est certainement un problème contre lequel nous devons lutter. C’est une réalité quotidienne de notre organisation. Les 40 millions de dollars que nous avons réunis viennent tous de citoyens canadiens. Il n’y a pas de financement de la part du gouvernement ou d’Islamic Relief. L’argent vient de particuliers qui effectuent des dons de bienfaisance. C’est quelque chose que nous savons que nous devons faire. Dans le cadre de notre travail de marketing et de relations publiques, nous accordons beaucoup de temps à cet égard, luttant contre les messages haineux et les gens qui propagent des messages négatifs sur notre organisation ou le secteur en général. Oui, nous sommes confrontés au problème.

Le sénateur Duffy : Le gouvernement devrait-il intervenir à cet égard? Le problème soulève toute la question de la liberté d’expression et d’Internet.

M. Al-Rawni : Oui, je pense que cela soulève une question d’envergure, mais je ne sais pas si j’ai une recommandation facile à présenter aux décideurs.

Le sénateur Duffy : Une partie du problème aurait-elle un lien avec ce que nous avons entendu précédemment sur la limite des fonds utilisés pour faire de l’éducation au Canada afin d’informer les gens du bon travail accompli à l’étranger? L’ignorance me semble être un terreau fertile pour le discours haineux; ce serait donc une bonne chose que les organismes de bienfaisance puissent de nouveau raconter leurs histoires aux Canadiens. Ce serait bénéfique pour tout le monde, les bénéficiaires et l’atmosphère sociale dans notre pays.

M. Al-Rawni : Je pense que c’est une excellente suggestion, et je suis d’accord avec vous. Je dirais qu’il fait partie du programme de bienfaisance de raconter son histoire. Les organismes de bienfaisances disposent là d’un puissant outil pour accomplir leur travail ou faire connaître le bon travail qu’elles font toutes.

Le sénateur Duffy : Mon cheval de bataille, au sein du comité, a consisté à faire nommer un ministre qui serait responsable de la promotion de la cause des œuvres de bienfaisance, une proposition qui a fait l’objet de bien des débats. Il me semble qu’il y aurait moyen d’agir en nommant quelqu’un dont le mandat consisterait à aller de communauté en communauté, à temps plein, afin de parler aux Canadiens du secteur bénévole, du besoin en bénévoles, du déclin et du vieillissement de la population, et de toutes les statistiques que vous connaissez bien, pour que tous ces faits deviennent réels pour les gens au lieu de n’être que des principes abstraits auxquels ils ne pensent que lorsqu’ils voient une catastrophe à la télévision.

M. Power : Je dirais qu’il ne s’agit pas tant de fausses nouvelles que d’une compréhension peut-être inégale de la manière dont on évalue l’efficacité de l’aide. Pour la plupart des organisations, nous voudrions parler de ce qui rend les démarches viables. Quelle incidence les programmes d’une organisation pourraient-ils avoir dans une communauté étrangère?

L’expérience m’a montré qu’on peut atteindre ses objectifs de bien des manières. Toutes les organisations présentes ici aujourd’hui feraient partie de la solution. C’est un amalgame de facteurs, si l’on peut dire, mais sans le soutien de la population canadienne, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs à un certain point. C’est pour moi évident.

Dans le cadre de mon travail avec les jeunes, j’ai observé une incidence considérable dans les communautés en raison des relations entre pairs qui ont fleuri dans le cadre de ces initiatives. Je ne dirais pas que c’est une solution en soi, par contre. Cela fait partie de la solution. Il faut travailler avec un groupe d’âge qui a l’occasion de s’investir dans la communauté pendant de nombreuses années après la fin du projet. Ce qui fait parfois défaut, c’est un moyen objectif d’analyse ou d’évaluation de ces programmes.

Nous avons parlé plus tôt du travail intéressant réalisé pour accroître la transparence, par exemple, mais nombreux sont ceux qui adhèrent encore aux croyances traditionnelles concernant la manière dont l’aide est offerte, et je pense que cela peut être dommageable également.

La sénatrice Omidvar : Je vais revenir à la question des directives et du contrôle avec MM. Perkins et Al-Rawni. Je crois comprendre que l’ARC, dans ses lignes directrices, indique qu’on peut bénéficier d’une certaine souplesse sur le plan des directives et du contrôle, selon la taille du projet; la souplesse serait plus grande dans le cadre des petits projets et plus restreinte quand des millions de dollars entrent en jeu. Comment avez-vous vécu cette souplesse dans le cadre de votre travail? Est-ce une avenue que le comité devrait examiner davantage afin de définir les paramètres de cette souplesse sur le plan des directives et du contrôle?

M. Al-Rawni : Nous pêchons par excès de prudence, compte tenu de notre nom et des régions où nous travaillons en Irak, dans le Nord de la Syrie, en Somalie, au Yémen et en Afghanistan, des régions vraiment dangereuses. Nous ne tendons pas à penser que nous bénéficions de la moindre souplesse.

Selon certaines directives, la souplesse pourrait être de mise dans certaines circonstances, mais nos équipes responsables des questions juridiques et de la conformité nous conseillent toujours fortement de faire preuve d’énormément de prudence en raison des régions où nous travaillons et de notre nom. Nous savons que la situation est déjà difficile dans les régions où nous choisissons de travailler, selon la manière dont nous décidons d’intervenir dans les communautés que nous choisissons d’aider. Nous ne voulons pas faire nous-mêmes de distinction entre une région moins dangereuse et une autre qui l’est davantage. Nous suivons les conseils de nos avocats à la lettre.

M. Perkins : J’ai remarqué une légère modification des termes et une plus grande souplesse pour les petits montants. Je siège bénévolement au conseil d’un autre organisme de bienfaisance qui offre de très petites subventions à de petits groupes basés surtout en Ouganda. Dans ce cas-là, nous signons des ententes avec eux, ententes qui suivent les recommandations de l’Agence du revenu du Canada relativement aux activités exercées à l’aide d’un intermédiaire. Nous pouvons tirer avantage de la souplesse légèrement plus grande pour les petits projets.

À mon avis, au lieu de mettre l’accent sur la direction et le contrôle des décisions relatives aux dépenses quotidiennes ou des activités menées par les intermédiaires, nous devrions nous concentrer sur la diligence raisonnable, la surveillance et l’assurance. Pour ce faire, il faudrait veiller, entre autres, à ce qu’il y ait un système de surveillance qui permettrait de s’assurer que le partenaire respecte ses engagements et utilise l’argent de la façon prévue. Aussi, en plus d’accorder davantage d’importance à la diligence raisonnable, il faudrait donner aux partenaires une plus grande souplesse et les laisser prendre plus de décisions par rapport aux priorités de la collectivité concernée.

La sénatrice Omidvar : Je vais présumer que vos trois organisations reçoivent du financement de la part du gouvernement. Est-ce vrai? En fait, j’ai le rapport annuel de Radios Rurales Internationales devant moi. Nos délibérations ont porté en grande partie sur les subventions et les contributions versées par le gouvernement fédéral aux organisations basées au Canada, qu’elles soient locales, nationales ou même internationales.

Selon le gouvernement fédéral, certaines améliorations ont été apportées grâce à l’Initiative sur le secteur bénévole et communautaire. Des subventions de trois ans sont offertes, et de l’information est affichée sur un site web. Avez-vous ressenti ces changements? Dans l’affirmative, sont-ils positifs?

M. Power : Oui, depuis les dernières années, notre secteur participe à plusieurs groupes de travail et il collabore directement avec Affaires mondiales Canada, par exemple, pour mettre en place de nouvelles mesures visant à améliorer l’efficacité de l’administration des subventions. Pour moi, le dialogue accru est une preuve tangible qu’Affaires mondiales nous écoute. Il peut y avoir des discussions, par exemple, au sujet des politiques sur les salaires et de détails comme les feuilles de temps. Par exemple, quelle justification sera utilisée pour soutenir les dépenses relatives aux projets?

M. Perkins : Il y a plus de transparence en ce qui a trait à la façon de répondre à un appel de propositions. Des mesures ont été prises pour diviser le processus en étapes : on rédige d’abord une note conceptuelle, et c’est seulement si cette note est acceptée qu’on doit déployer les efforts considérables nécessaires pour préparer une proposition complète, ce qui prend beaucoup de temps. Ces changements sont le fruit des discussions qui ont été menées et ils sont positifs.

Mes 30 années d’expérience me permettent d’affirmer que le programme adapté qui existait autrefois avait énormément de valeur. J’appelais cela un fonds adapté. Il s’agissait d’une petite portion du budget total, mais les ONG pouvaient proposer leurs propres idées et obtenir du financement à plus long terme, ce qui permettait à leurs projets d’avoir des répercussions à long terme. Le cadre et les objectifs généraux étaient clairs, mais il y avait une plus grande souplesse par rapport aux résultats à atteindre dans les collectivités. Selon moi, nous avons perdu quelque chose quand le programme adapté a été remplacé par l’approche actuelle, qui est centrée presque entièrement sur les appels de propositions concurrentiels lancés par le gouvernement.

M. Al-Rawni : Nous avons remarqué la différence. Affaires mondiales Canada a accru sa coopération. Le ministère verse encore la plus grande partie de ses subventions à des organismes bilatéraux et multilatéraux. Je ne connais pas le pourcentage ou les proportions, mais je sais que la majorité des fonds octroyés par Affaires mondiales Canada sert à soutenir les engagements du Canada envers les Nations Unies, divers organes de l’ONU, ainsi que des organisations multilatérales et bilatérales.

Les organisations de ce genre reçoivent encore la plus grande partie des fonds, mais en ce qui concerne sa coopération avec la société civile, Affaires mondiales Canada a certainement apporté des changements positifs, et nous en sommes témoins.

Le sénateur R. Black : Nous devons le souligner dans notre rapport.

Dans les témoignages et les mémoires que nous avons reçus, plusieurs témoins ont dit qu’il fallait de meilleures données et des données plus nombreuses et plus à jour afin de mieux soutenir divers aspects du secteur bénévole et des organismes de bienfaisance. Comment des données supplémentaires aideraient-elles vos organisations à accomplir leur travail? Si plus de données étaient recueillies, quelles statistiques seraient les plus utiles?

M. Power : Pour répondre à la première partie de votre question concernant la collecte des données les plus utiles, les organisations parlent souvent des efforts répétés. De nombreuses organisations consacrent du temps et des efforts aux mêmes types d’outils et de politiques de développement. On pourrait résoudre ce problème en améliorant la collecte de données et en transmettant les données à l’ensemble du secteur. Voilà un élément de la réponse. Je vais laisser mes collègues répondre à leur tour.

M. Perkins : Les données peuvent certainement nous aider à prendre de meilleures décisions sur les secteurs à cibler, et elles peuvent nous apprendre quelles approches sont les plus efficaces et les plus rentables. Or, une de mes préoccupations, c’est qu’un grand nombre d’organisations diverses recueillent énormément de données. J’ai visité plusieurs villages en Afrique où nous menions une enquête initiale, nous recueillions des données de surveillance ou nous nous informions sur la situation dans la collectivité, et c’était la troisième ou la quatrième fois qu’une équipe d’évaluation se rendait dans le village pour poser les mêmes questions.

Nous devrions être un peu plus respectueux envers les personnes qui prennent le temps de nous fournir des données. Nous devrions également améliorer la façon dont nous leur transmettons ce que nous apprenons. Radios Rurales Internationales a pris un engagement ferme en ce sens. Nous avons recueilli des données au sujet des auditeurs des programmes de Radios Rurales. Nous invitons les auditeurs à nous faire part de leurs opinions et de leurs expériences. Ils peuvent utiliser leur téléphone pour nous transmettre leurs plans ou leurs commentaires. Nous recueillons des données auprès de quelque 70 000 à 80 000 personnes vivant en région rurale, et ce, presque gratuitement, à l’aide de leurs téléphones.

Nous ne faisons pas que prendre l’information qu’ils nous fournissent; nous leur transmettons toujours les propos de leurs voisins durant une émission de radio. C’est là un autre aspect important des données : à qui appartiennent-elles et à qui profitent-elles?

M. Al-Rawni : Nous reconnaissons tous le pouvoir des données. Pour notre part, nous aimerions avoir un accès accru et amélioré aux données. Il y a tellement d’organisations qui travaillent dans de nombreuses régions du monde, et pourtant, il n’existe pas de portail de partage des données. Il faut donc que le travail soit fait et refait, ce qui est un gaspillage de ressources. Si nous planifiions travailler en Ouganda et je savais déjà que mon collègue était là et qu’il avait recueilli des données récemment montrant combien de villages et de personnes se trouvent à proximité de Kampala et quelle est la situation, ce serait extrêmement utile pour nous de connaître ces données avant de nous rendre sur le terrain.

Je ne sais pas à quel point c’est faisable. J’aimerais que les choses se passent ainsi. Je sais que les données existent. Si notre organisation rendait ses données publiques — sans communiquer de renseignements personnels, bien sûr — et si tous faisaient de même, l’effet combiné serait énorme. À mon avis, notre secteur accuse énormément de retard. Nous sommes censés être un milieu sans but lucratif; les données ne devraient pas être une possession, et personne ne devrait dire : « C’est moi qui ai fait le travail, donc les données m’appartiennent et personne ne peut les avoir. » Il faudrait adopter une approche de type Wikipédia aux données.

Franchement, c’est la première fois que j’ai une discussion au sujet des données à l’extérieur de notre organisation, ce qui est plutôt mauvais signe par rapport à où nous en sommes dans ces discussions.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question pour M. Alréen-Rawni. J’aimerais en savoir plus sur vos donateurs. Je sais que votre communauté vit des tensions à cause de l’incident très malheureux qui s’est produit à Christchurch. En fait, je ne devrais pas dire « malheureux », car c’est tout simplement horrible. La majorité de vos donateurs sont-ils de confession musulmane, ou une partie de vos donateurs sont-ils simplement des personnes préoccupées par ce qui se passe? Avez-vous des données à ce sujet?

M. Al-Rawni : Nous avons des données détaillées qui montrent qui sont nos donateurs et où ils se trouvent. Nous savons exactement combien de personnes sont actives, combien sont dans notre base de données, où elles sont, ce qu’elles font et où elles vivent. Nous avons beaucoup d’information. Nous recevons des dons de partout au Canada, de la part de membres de différentes communautés qui ne sont pas précisément musulmanes. De nombreux donateurs dans différentes régions soutiennent financièrement des causes parce qu’ils ont vu quelque chose en ligne et qu’ils souhaitent offrir leur appui.

La majorité de nos donateurs sont musulmans ou sont issus de la communauté musulmane. La plupart ont entre 28 et 45 ans. Cinquante-et-un pour cent de nos donateurs sont des femmes, et 49 p. 100 sont des hommes. Sur le plan géographique, ils habitent les banlieues des grandes villes du Canada, mais évidemment, nous recevons aussi du soutien des régions rurales. Nous avons une carte Google sur laquelle est indiqué l’emplacement de chacun de nos donateurs. Si nous voyons quelqu’un dans une région éloignée du Nord, nous nous demandons de qui il s’agit. La majorité des donateurs se trouvent dans les banlieues des grands centres urbains.

Le président : Chers collègues, j’aimerais remercier nos témoins, MM. Perkins, Al-Rawni et Power, d’avoir participé à la séance d’aujourd’hui. J’espère que leurs témoignages importants seront reflétés dans notre rapport. Merci d’avoir été des nôtres aujourd’hui.

Nous avons maintenant le plaisir d’accueillir M. Sidney Ribaux, cofondateur et directeur général d’Équiterre, qui se joint à nous de Montréal par vidéoconférence; M. Matthew Chater, président national et chef de la direction de Grands Frères Grandes Sœus du Canada; ainsi que Mme Suzanne Parisé, directrice générale du Centre d’action bénévole Léonie-Bélanger.

Merci à toutes et à tous d’être des nôtres aujourd’hui. Nous allons commencer par M. Ribaux. Une fois que les trois témoins auront présenté leur exposé, nous passerons à la période de questions des sénateurs.

Sidney Ribaux, cofondateur et directeur général, Équiterre : Merci de m’avoir invité à témoigner devant vous.

[Français]

Je m’appelle Sidney Ribaux. Je suis cofondateur et directeur général d’Équiterre depuis 20 ans. Équiterre est un organisme à but non lucratif (OSBL) qui a un statut de bienfaisance et dont la mission est axée sur la promotion de solutions environnementales. Nous avons 23 000 membres, des citoyens qui nous financent. Le reste de notre financement provient de différentes sources, comme beaucoup d’autres organismes, dont la vente de services des commandites, des dons des entreprises, des dons de fondations familiales et des subventions gouvernementales. Nous avons des bureaux à Québec, Ottawa et Montréal. Au cours des dernières années, nous avons pu influencer la direction de plusieurs grandes politiques publiques, tant à l’échelon fédéral que provincial.

Je vais vous parler brièvement de notre point de vue sur la nécessité de réformer les lois qui encadrent les OSBL, particulièrement en ce qui a trait à la Loi de l’impôt sur le revenu et aux restrictions qu’elle impose aux organismes qui ont un statut de bienfaisance.

Selon Statistique Canada, le secteur à but non lucratif représente 8,5 p. 100 du PIB, soit 2,4 millions d’emplois et presque 170 milliards de dollars d’activités économiques. Dans ce contexte, il est surprenant de constater à quel point ce secteur est négligé par les politiques publiques et encadré par des lois qui datent parfois littéralement du XVIe siècle. À titre comparatif, les secteurs combinés de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz — c’est la catégorie de Statistique Canada — génèrent une activité économique moyenne de 128 milliards de dollars. Il s’agit de la moyenne en 2011-2015, soit 40 milliards de dollars de moins que le secteur à but non lucratif.

Je ne crois pas que nous avons un chiffre précis quant au nombre d’organismes à but non lucratif au pays. Peut-être que vous le découvrirez dans vos travaux, mais nous croyons qu’il y en a environ 160 000, dont la moitié, soit 86 000, auraient le statut de bienfaisance. C’est donc un secteur énorme dont il faut se préoccuper, et je félicite votre comité d’examiner cette question en profondeur.

Encore en 2019, le statut de bienfaisance est accordé en vertu d’une décision de 1892 de la Chambre des lords, en Angleterre, qui a déterminé, il y a 140 ans, qu’il y avait quatre fins de bienfaisance : la pauvreté, l’éducation, la religion et une catégorie« autre ». En 2015, parmi les 86 000 organismes de bienfaisance, 33 000 étaient des organismes religieux. Il y avait aussi 19 000 organismes qui avaient pour objectif de soulager la pauvreté et autant dans la catégorie « autre », dans laquelle se trouve Équiterre. Donc, environ un quart des OSBL au pays font partie de la catégorie « autre ». Cette loi est donc complètement désuète et doit être revue de fond en comble.

Quel est le lien entre une église et un organisme environnemental comme le nôtre? Bien qu’il y ait un lien historique entre la religion et l’éducation, quel lien existe-t-il, en 2019, entre les missions respectives d’un groupe religieux et d’une université moderne? Il me semble évident que, si on voulait accorder un crédit d’impôt en 2019 à des groupes religieux, des universités et des groupes environnementaux, on ne les soumettrait ni aux mêmes avantages ni aux mêmes règles. Imaginez si on soumettait les secteurs pharmaceutiques d’extraction minière et de la restauration aux mêmes règles fiscales. Pensez-vous qu’on réussirait à optimiser ou à développer ces secteurs?

L’enquête de Statistique Canada de 2017 sur le secteur de la bienfaisance montre que les organismes à but non lucratif communautaires tirent seulement 18 p. 100 de leurs revenus de dons d’individus. Je vous mentionne ceci parce que cela signifie que la majorité des organismes qui ont un statut de bienfaisance sont soumis à des règles et à des restrictions, même si ce crédit d’impôt ne leur fait bénéficier que d’une petite partie de leurs revenus.

Pourquoi Équiterre s’intéresse-t-elle à cette question? En 2012, le gouvernement fédéral a adopté un budget de plusieurs millions de dollars pour mener des audits politiques auprès de certaines organisations. Un peu moins de 60 groupes ont fait l’objet d’un audit sous l’égide de ce programme, dont la plupart sont de grands groupes environnementaux canadiens, mais aussi des groupes de défense des droits de la personne et de coopération internationale. Ce programme visait à harceler des groupes qui ne partageaient pas le point de vue du gouvernement en place. Équiterre a fait partie de ces audits politiques. Nous avons reçu des vérificateurs de Revenu Canada en janvier 2013. Au cours des quatre années qui ont suivi, nous avons échangé quelques courriels et appels téléphoniques avec les vérificateurs de Revenu Canada. Nous avons vécu avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. À tout moment, selon les règles actuelles et encore en vigueur, l’Agence du revenu du Canada avait le pouvoir de révoquer notre statut de bienfaisance. La conclusion de l’audit a été beaucoup moins problématique pour nous qu’elle ne l’a été pour d’autres. Nous avons reçu, en fin de compte, une lettre qui nous recommandait de modifier certaines de nos pratiques. Ce processus nous a amenés à nous intéresser à la loi et aux changements à apporter.

À la suite de pressions que nous avons exercées avec d’autres organismes partout au pays, le gouvernement a modifié la Loi de l’impôt sur le revenu pour lever les restrictions imposées aux organismes de bienfaisance en ce qui a trait à leur intervention dans les politiques publiques. Nous avons applaudi cette modification. Cette règle était injustifiée et, à notre avis, inconstitutionnelle. Cette modification encouragera dorénavant les OSBL à prendre part à des débats politiques, que ce soit à l’échelon municipal, provincial ou fédéral. Cependant, le changement de cette règle n’est pas suffisant pour empêcher que des organismes fassent l’objet de harcèlement. Il reste plusieurs choses à régler pour assurer la tenue de débats sains et la participation des organismes communautaires. Je vous en dresse la liste. Nous pourrons y revenir à la période des questions.

Il y a encore dans la loi une règle qui empêche un OSBL d’être directement ou indirectement partisan. La notion « indirectement partisan » pose problème et laisse place à beaucoup d’interprétation de la part du gouvernement ou des fonctionnaires. Le processus d’appel d’une décision de l’Agence du revenu du Canada se fait directement à la Cour d’appel fédérale pour des raisons juridiques et très restrictives. Plusieurs pensent que cela devrait se faire devant la Cour fédérale, ce qui laisserait beaucoup plus de place à l’évolution du droit de common law dans ce secteur. Il y a une notion de restrictions et de bénéfices privés dans la loi qui est, à notre avis, problématique. Il faut aborder les restrictions à l’égard du contrôle des sommes transférées à un tiers, un contrôle connu sous l’expression anglaise « direction and control ».

Enfin, il faut revoir les objectifs des organismes de bienfaisance. Ces objectifs découlent d’une décision qui date de 140 ans. Par exemple, Oxfam avait pour mission de mettre fin à la pauvreté. Or, on leur a dit que ce n’était pas un objectif de bienfaisance et qu’ils ne pouvaient avoir pour seul objectif de soulager la pauvreté. En 2019, il faut repenser cette loi et faire comme d’autres juridictions du Commonwealth, soit revoir les objectifs liés à la bienfaisance. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci, monsieur Ribaux.

[Traduction]

W. Matthew Chater, président national et chef de la direction, Grands Frères Grandes Sœurs du Canada : Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de m’avoir invité à me joindre à vous ici aujourd’hui. Je m’appelle Matthew Chater. Je suis président et chef de la direction de Grands Frères Grandes Sœurs du Canada.

Grands Frères Grandes Sœurs est une fédération dirigée par les jeunes et centrée sur eux qui regroupe 108 organismes de bienfaisance locaux et qui vient en aide à près de 42 000 jeunes chaque année, dans plus de 1 100 collectivités partout au Canada. Nous renforçons les collectivités en mobilisant 21 000 Canadiens qui offrent bénévolement et généreusement plus de deux millions d’heures de leur temps pour participer à des programmes de mentorat intentionnel de haute qualité.

Dans le cadre de l’étude de votre comité au sujet de l’incidence des politiques publiques sur les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif, ainsi que de l’incidence du secteur bénévole, nous sommes heureux de pouvoir attirer votre attention sur les effets du travail accompli par nos bénévoles et de pouvoir souligner l’urgence d’investir dans les organismes de bienfaisance qui offrent des services de mentorat aux jeunes. Grands Frères Grandes Sœurs n’est qu’un des programmes appartenant au mouvement canadien de mentorat. Cela dit, je suis ici aujourd’hui à titre de représentant de Grands Frères Grandes Sœurs, ainsi que de défenseur du mentorat des jeunes en général.

Le gouvernement du Canada peut jouer un rôle essentiel dans le renforcement des collectivités et l’essor économique favorisés par le mentorat des jeunes, en tenant d’abord compte du fait que le mentorat modifie la trajectoire de vie des jeunes et a une incidence extraordinaire sur la société.

Chaque jeune mérite d’avoir le droit d’atteindre son plein potentiel. Or, de nombreux jeunes se heurtent à des obstacles systémiques et éprouvent des difficultés comme la pauvreté, les problèmes de santé mentale, ainsi que la violence dans la famille ou la communauté. Les enfants exposés continuellement à de telles difficultés sont soumis à un stress toxique et sont plus à risque d’en subir les conséquences négatives pendant toute leur vie, conséquences qui ont des effets sur leur santé physique et émotionnelle, leur réussite scolaire et économique, ainsi que leur bien-être général.

Selon Sécurité publique Canada, cette voie peut coûter 1,4 million de dollars. Cette somme comprend uniquement les coûts directs ou tangibles de la criminalité, y compris ceux liés au système de justice pénale, aux soins de santé et aux services sociaux. Les coûts indirects ou intangibles relatifs à la diminution de la qualité de vie et à la détresse psychologique ne sont pas inclus.

Quelle est la bonne nouvelle dans tout cela? La bonne nouvelle, c’est que selon la neuroscience, une relation affectueuse avec un adulte attentif, stable et constant est essentielle pour amortir l’incidence du stress toxique causé par les expériences négatives vécues pendant l’enfance.

Le Boston Consulting Group a entrepris une étude en plusieurs étapes qui comparait les résultats atteints par les enfants ayant participé à un programme individuel à ceux des enfants n’ayant pas participé à un tel programme. À long terme, l’étude a montré un rendement social de 23 $ pour chaque dollar investi sur le plan des résultats socioéconomiques et de santé chez les jeunes vivant dans les situations les plus précaires. Les chercheurs ont montré les résultats principaux suivants : il est deux fois plus probable que les participants ne décrochent pas, et 63 p. 100 d’entre eux poursuivent des études postsecondaires; les participants sont 17 p. 100 plus nombreux à être employés, et leur rémunération est plus élevée de 13 p. 100; de plus, 47 p. 100 d’entre eux occupent des postes de direction.

Les recherches montrent clairement que les relations de mentorat fournissent les bases nécessaires à l’acquisition des compétences de vie essentielles qui ont une incidence positive sur les résultats socioéconomiques des jeunes. Ces relations permettent aussi d’améliorer la sécurité et le bien-être dans les collectivités des quatre coins du pays. En moyenne, au Canada, l’atteinte de ces résultats ne coûte que 1 764 $ par année.

En résumé, le coût de fournir à un enfant un mentor individuel venant de la collectivité est de 1 764 $ par année. Ne pas établir une relation avec cet enfant à un âge précoce pourrait coûter 1,4 million de dollars ou plus encore. Le mentorat est donc une mesure de prévention extrêmement importante. Il s’agit d’un service essentiel.

Deuxièmement, le mentorat auprès des jeunes est un catalyseur pour bâtir une nouvelle génération de donateurs et de bénévoles. Le comité a déjà entendu les témoignages d’experts qui insistent sur le fait que nous devons faire participer la prochaine génération de donateurs pour surmonter les défis du secteur liés au vieillissement des populations de donateurs et à la baisse des taux de bénévoles. Selon Statistique Canada, les taux de donateurs et de bénévoles diminuent lentement mais continuellement depuis plusieurs années.

Financièrement, cela exerce des pressions accrues sur les organismes de bienfaisance pour faire plus avec moins, un modèle non viable qui donnera lieu à des services de qualité inférieure, à la fermeture d’organismes de bienfaisance qui offrent des services sociaux essentiels et à une augmentation des exigences à l’égard des gouvernements pour fournir des fonds au secteur caritatif.

La baisse des taux de bénévoles a déjà fait réagir le gouvernement fédéral, qui a mis sur pied Service jeunesse Canada.

Là encore, les recherches révèlent que le mentorat auprès des jeunes est un véhicule de changement dans le cadre de ces efforts en vue de bâtir un Canada meilleur. Nos recherches montrent que les jeunes qui sont encadrés deviennent des citoyens plus engagés; 13 p. 100 des anciens participants à Grands Frères Grandes Soeurs sont plus susceptibles de faire des dons à des organismes de bienfaisance et, lorsqu’ils le font, ils donnent 20 p. 100 de plus.

En favorisant la viabilité dans les secteurs de la bienfaisance et du bénévolat, le gouvernement appuiera une nouvelle génération de donateurs et de bénévoles. Des investissements directs dans le mentorat auprès des jeunes créeront un effet d’entraînement qui sera bénéfique aux Canadiens pendant des décennies.

Troisièmement, nous aimerions aussi souligner que les organismes de bienfaisance offrent des possibilités de leadership cruciales pour les jeunes. Selon une enquête réalisée par Abacus Data en 2018, les Canadiens croient que nous devrions préparer les jeunes au leadership communautaire en augmentant les occasions pour eux d’acquérir des compétences pour qu’ils soient aptes à travailler et en créant des expériences où ils peuvent interagir avec des gens de différents groupes d’âge et de différents horizons. Soixante-deux pour cent des Canadiens croient qu’il est important que les jeunes interagissent avec leurs pairs par l’entremise de divers organismes pour les aider à acquérir des aptitudes sociales positives et des compétences en leadership.

À Grands Frères Grandes Sœurs, nous mettons en œuvre une stratégie nationale de mobilisation des jeunes pour nous assurer que les opinions des jeunes sont entendues au sein de la fédération des organismes de bienfaisance. Les divers membres à notre Conseil consultatif national de la jeunesse conseillent activement le personnel sur l’avenir du mentorat et ont fait récemment part de leurs préoccupations concernant l’emploi chez les jeunes et la santé mentale des jeunes aux dirigeants politiques et gouvernementaux à Ottawa. Ces possibilités de leadership jeunesse sont essentielles pour assurer l’avenir de notre secteur.

Tous ces facteurs m’amènent à mon dernier point. Le Canada doit élaborer une stratégie nationale de mentorat pour harmoniser les efforts de tous les intervenants, y compris les organismes de bienfaisance au service des jeunes, les intervenants du secteur privé, les divers ordres de gouvernement, les communautés et les jeunes.

Grands Frères Grandes Sœurs a entamé ces travaux en partenariat avec des organismes comme l’Alberta Mentoring Partnership et la Coalition ontarienne pour le mentorat. Ensemble, nous représentons plus de 250 organismes et avons commencé à mettre sur pied le Partenariat de mentorat canadien. Cette initiative est un effort visant à créer conjointement un partenariat et à mettre à profit l’infrastructure existante qui rehausse l’incidence du mentorat dans divers secteurs en consacrant des ressources communes pour la recherche, les systèmes d’information, l’éducation publique et la mobilisation des connaissances.

Nous aimerions exhorter le comité à recommander au gouvernement du Canada d’investir 25 millions de dollars par année dans le mentorat auprès des jeunes. Pour mettre les choses en perspective, rappelez-vous les coûts directs de 1,4 million de dollars pour un jeune qui se retrouve dans le système de justice pénale. Nous devons seulement changer le parcours de 18 jeunes chaque année pour que cet investissement soit rentable. De plus, avec 25 millions de dollars et un coût annuel de 1 764 $ pour avoir un mentor dans la communauté, nous pourrions rejoindre plus de 14 000 jeunes chaque année.

Dans un effort pour réduire le chevauchement des services et renforcer un état d’esprit axé sur le mentorat auprès des jeunes, nous croyons que le gouvernement devrait travailler conjointement avec le Partenariat de mentorat canadien en tant que partenaires stratégiques et conseillers dans l’allocation de ces ressources pour réaliser efficacement les mandats stratégiques des ministères. Le mentorat auprès des jeunes doit être perçu comme étant une intervention préventive cruciale et un service essentiel pour assurer la croissance économique future.

Merci encore une fois au comité et à vous, monsieur le président, de m’avoir donné l’occasion d’être ici aujourd’hui.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Chater.

[Français]

Suzanne Parisé, directrice générale, Centre d’action bénévole Léonie-Bélanger : Bonjour. Merci de me recevoir aujourd’hui. Je suis Suzanne Parisé, directrice générale du Centre d’action bénévole Léonie-Bélanger à Mont-Laurier. Je suis également trésorière de la Fédération des centres d’action bénévole du Québec et vice-présidente de la Corporation de développement communautaire des Hautes-Laurentides.

Aujourd’hui, je vais vous parler de deux sujets en particulier : premièrement, les recommandations de la Fédération des centres d’action bénévole sur une politique en réussite éducative par le biais du bénévolat et, deuxièmement, la vérification des antécédents judiciaires chez les bénévoles.

En ce qui a trait à la réussite éducative, la Fédération des centres d’action bénévole recommande au gouvernement l’élaboration d’un plan d’action afin d’initier les jeunes au bénévolat. C’est reconnu, le bénévolat apporte de grands avantages aux jeunes. Sur le plan social, le bénévolat les aide à découvrir de nouveaux intérêts, à faire partie d’un groupe, à renforcer leur estime de soi et leur confiance et à s’intégrer dans une nouvelle communauté. Le bénévolat peut également être un réel tremplin vers une carrière professionnelle. Avec de nouvelles responsabilités, les jeunes se créent un réseau professionnel.

Sur le plan de la santé, le bénévolat chez les jeunes aide à réduire le taux de dépression et à augmenter le sentiment de bien-être et de bonheur. L’estime de soi s’améliorera également. Dans une communauté, le bénévolat rend le monde meilleur. Nous recommandons donc d’établir le bénévolat comme une avenue pertinente dans l’élaboration d’une stratégie en réussite éducative, en vue de favoriser le plein potentiel des personnes qui s’engagent. Le bénévolat est une préparation adéquate pour la transition vers le marché du travail. Grâce au bénévolat à l’école, les jeunes développent des aptitudes pour une future carrière.

J’aimerais spécifier que, à l’heure actuelle, dans certaines écoles, notamment les écoles alternatives, il y a déjà des programmes de bénévolat. Par contre, dans les écoles publiques, cela se fait souvent de façon volontaire. Nous recommandons donc qu’un programme d’initiation au bénévolat soit établi tant au primaire qu’au secondaire.

Il y a 115 centres d’action bénévole sur le territoire du Québec, et nous sommes dans chaque MRC. Nous avons déjà monté des programmes qui pourraient être implantés directement dans les écoles. Je pense à la Cité des jeunes et au Programme des jeunes bénévoles, entre autres. Ce sont des programmes qui pourraient facilement faire partie intégrante d’une nouvelle politique de réussite éducative.

En outre, on a découvert que, chez les immigrants, que ce soit dans les régions plus urbaines ou rurales, tant les jeunes que les personnes plus âgées s’impliquent dans le bénévolat. C’est une belle façon de s’intégrer dans leur nouvelle communauté, soit pour apprendre une nouvelle langue ou pour mieux connaître la culture de leur milieu. Nous vous suggérons d’instaurer des programmes dans les écoles pour aider ces gens qui arrivent de pays étrangers à mieux s’intégrer dans leur communauté.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, on aimerait voir des programmes inclusifs intégrés dans les écoles. À l’heure actuelle, le bénévolat est souvent réservé à une élite dans les écoles alternatives ou les écoles privées. Nous proposons des programmes inclusifs où toutes les classes sociales seraient intégrées dans la politique éducative. Tout le monde devrait s’impliquer dans sa communauté.

Pour conclure sur le sujet de la réussite éducative, l’intégration des partenaires serait une démarche importante en ce qui a trait à cette politique.

On sait que les écoles sont là; oui, on pourrait établir de nouveaux programmes, mais les partenaires, qui sont souvent les organismes communautaires du milieu, devraient également être intégrés, parce qu’eux aussi devront modifier quelque peu leur façon de fonctionner afin d’intégrer les jeunes dans leurs activités ou dans leur implication bénévole. Il s’agit là d’une information importante.

J’aborderai tout de suite le deuxième sujet en ce qui a trait aux vérifications des antécédents judiciaires. Au début des années 2000, les organismes, que ce soit des organismes de bienfaisance ou des organismes qui impliquaient des bénévoles, disposaient d’ententes signées avec la Sûreté du Québec — je suis du Québec — pour faire gratuitement la vérification des antécédents judiciaires.

Depuis ce temps, en 2015, la loi a été modifiée. La Sûreté du Québec, conformément à la loi, ne reconnaît plus les clientèles vulnérables. C’est la définition du mot « vulnérable » dont on doit discuter de nouveau parce que, depuis 2015, de façon graduelle, la Sûreté du Québec n’aide plus les clientèles vulnérables relativement aux coûts pour la vérification des antécédents judiciaires pour l’ensemble des organismes sans but lucratif qui œuvrent auprès de ces gens.

Souvent, il s’agissait de bénévoles qui devaient offrir des services à une population vulnérable. L’objectif de l’entente conclue entre l’organisme et la Sûreté du Québec, qui vérifiait les antécédents judiciaires, était de protéger l’organisme, mais aussi de protéger la clientèle à laquelle l’aide était destinée. Lorsqu’une vérification systématique est effectuée, on se sent plus en sécurité en sachant que le bénévole est une personne qui est en mesure d’aider une personne vulnérable.

Depuis que ce service n’est plus offert gratuitement, les organismes communautaires ou sans but lucratif, qui ne sont pas les plus riches, doivent payer les frais, depuis l’adoption de la nouvelle loi, pour la vérification des antécédents judiciaires. Ces coûts varient de 50 à 80 $ par vérification d’antécédents judiciaires. Cela représente chaque année, pour chacun des organismes, des frais de l’ordre de 2 000 à 5 000 $.

Au fond, les centres d’action bénévole et la fédération recommandent au gouvernement d’offrir à nouveau la gratuité des organismes à but non lucratif et de bienfaisance pour la clientèle vulnérable. Il faudrait retravailler la définition d’une clientèle vulnérable, parce que, actuellement, ce ne sont que les enfants qui sont considérés comme faisant partie d’une clientèle vulnérable, et ce, dans le cadre d’une situation très particulière. En effet, ce n’est pas toujours reconnu. Par exemple, à titre de centre d’action bénévole, nous travaillons avec une clientèle aînée, donc il s’agit souvent de gens en situation de vulnérabilité et qui sont en perte d’autonomie, vivent seul ou souffrent d’un début de démence ou d’Alzheimer. On considère que ces gens se trouvent en situation de vulnérabilité, et il serait facile pour un bénévole mal intentionné de s’intégrer à une équipe de bénévoles pour poser des gestes pas très agréables. C’est une façon de protéger la clientèle, mais aussi de protéger l’organisme, puisque l’organisme a une responsabilité relativement aux services offerts à la population.

Je suis là aussi pour vous suggérer d’apporter un changement à la loi en ce qui a trait à la gratuité de la vérification des antécédents judiciaires pour la clientèle vulnérable que nous desservons.

Le président : Merci beaucoup, madame Parisé.

[Traduction]

Les témoins et l’auditoire devraient savoir que si un sénateur ou un député a une personne qui fait régulièrement du bénévolat à son bureau sur la Colline du Parlement, elle doit se soumettre à une vérification du casier judiciaire au service de police local. C’est une tâche contraignante, mais cruciale. Il est important que nous suivions tous cette règle. J’ai un certain nombre de personnes qui font du bénévolat à mon bureau à l’occasion et elles ont toutes fait l’objet d’une vérification du casier judiciaire.

La sénatrice Omidvar : Merci à vous tous d’être avec nous aujourd’hui.

J’ai une question pour chacun de vous, mais je vais peut-être commencer avec M. Ribaux, d’Équiterre. Nous n’avons pas de mémoire écrit de votre part et je ne parle pas français, alors j’ai écouté attentivement l’interprétation. J’espère vous avoir bien compris.

Je pense que vous avez fait part de vos préoccupations concernant la désuétude de la Loi sur l’enregistrement des organismes de bienfaisance. Je crois aussi que vous avez dit qu’il n’est plus possible que le même ensemble de règles s’applique à quatre dirigeants différents d’organismes de bienfaisance, car leur réalité n’est pas la même, si bien qu’il faut des règles différentes pour différentes personnes.

Vous ai-je bien compris qu’il devrait y avoir différentes règles qui gouvernent les activités caritatives des organisations religieuses, les organismes éducatifs, les organismes de lutte contre la pauvreté et le grand bassin qui couvre les « autres organismes »?

M. Ribaux : Oui, vous m’avez bien compris. Comme je l’ai dit plus tôt dans mon témoignage, les règles qui régissent ce que constitue un organisme de bienfaisance remontent essentiellement à un jugement de 1892, si bien qu’elles ont 140 ans. Ce que nous avons défini comme étant un organisme de bienfaisance il y a de cela 140 ans a évidemment évolué. Dans la majorité des autres pays du Commonwealth, comme avec n’importe quel autre pays dans le monde qui a un système de justice différent, ils ont élaboré des règles beaucoup plus modernes entourant un crédit pour les activités à but non lucratif.

De toute évidence, on ne peut pas accorder le crédit à tout le monde. Par exemple, il y a des entreprises à but non lucratif à qui on ne voudra peut-être pas octroyer le crédit, mais la majorité des autres pays ont élaboré une loi qui se départit de ce jugement vieux de 140 ans et le remplace par une liste simple dans la loi qui précise, « voici les objectifs qui doivent être atteints pour que nous puissions accorder le crédit ». Cette loi doit être modernisée.

Il y a 140 ans, l’Église contrôlait manifestement beaucoup de choses. Elle contrôlait la santé et l’éducation. Elle intervenait dans un grand nombre de secteurs liés à des activités de bienfaisance. La situation a évolué, même si l’Église bénéficie encore grandement de cette loi. Nous devons absolument la moderniser.

La sénatrice Omidvar : Puis-je pousser un peu plus ma question, monsieur Ribaux? Nous avons entendu d’autres témoins, principalement des avocats, qui ont dit de laisser la common law évoluer et de laisser les décisions rendues par les tribunaux nous aider à comprendre l’évolution des définitions dans le secteur des organismes de bienfaisance.

Nous avons entendu les témoignages de professeurs qui s’inscrivaient plus ou moins dans la même veine, mais chaque ONG qui a témoigné a défendu votre point de vue. Nous ne devrions pas attendre que la common law évolue; nous devrions redéfinir ce qu’est un organisme de bienfaisance. L’Australie, par exemple, a 14 définitions — 14 dirigeants, pour ainsi dire.

Faut-il établir un équilibre entre le fait de laisser la common law nous amener ailleurs ou laisser la loi être plus prescriptive et plus vaste pour nous aider à comprendre ce qu’est ou non un organisme de bienfaisance?

M. Ribaux : Dans les deux cas, vous devez moderniser la loi. Si vous adoptiez la loi dans un système de common law en incorporant une liste, cette liste évoluerait avec la common law si vous avez également modifié le processus d’appel des décisions de Revenu Canada. À l’heure actuelle, il n’y a essentiellement aucune décision qui est prise. Étant donné que l’appel est envoyé directement à la Cour d’appel fédérale, il est pratiquement impossible de gagner sa cause. Par conséquent, les avocats recommandent toujours à leurs clients de ne pas interjeter appel, ce qui signifie que la common law n’évolue pas.

Le fait de dire « laisser la common law suivre son cours » au Canada avec la structure que nous avons en place est illogique, car elle n’a pas évolué.

Enfin, l’un des points que j’ai relevés dans le cadre de ce débat au cours des quatre ou cinq dernières années, c’est que tous les avocats, tous ceux qui se penchent sur ce dossier, tiennent compte de la common law. De toute évidence, il y a une mine de renseignements et de nombreux bons exemples dans les pays où l’on applique la common law, mais il y a d’autres systèmes. Nous avons un double système au Canada et nous devrions examiner la France, le reste de l’Europe et d’autres pays dans le monde qui n’appliquent pas le système de common law.

Nous devrions également examiner des exemples dans le reste de notre structure fiscale au Canada. La majorité des avantages fiscaux qui sont accordés, tant aux organismes à but non lucratif qu’aux entreprises, ne sont pas assortis de la série de restrictions imposées aux organismes de bienfaisance. Un exemple simple est celui où des organismes à but non lucratif ont une remise sur la loi foncière. Les organismes à but non lucratif sont exemptés de cette taxe dans presque tout le pays. Il y a une liste d’objectifs qu’il faut respecter. Lorsque vous les respectez, vous bénéficiez d’une exemption importante. Il n’y a aucune restriction pour le reste de vos activités. Il faut sérieusement réfléchir aux raisons pour lesquelles nous imposons des restrictions aux organismes car ils ont un avantage financier.

La sénatrice Omidvar : Il est important d’entendre divers points de vue.

Je vais attendre pour poser mes questions et laisser mes collègues poser leurs questions.

Le sénateur R. Black : Le comité a entendu que les accords financiers avec le gouvernement fédéral et d’autres bailleurs de fonds peuvent contribuer aux difficultés auxquelles sont confrontés les organismes pour recruter et maintenir en poste les employés et leur offrir des conditions de travail décentes.

Avez-vous été confrontés à ces défis associés à la dotation en personnel, aux conditions de travail et aux pratiques en matière d’emploi? Le cas échéant, comment les avez-vous surmontés? Si vous ne vous êtes pas heurtés à ces défis, quelles recommandations nous suggéreriez-vous d’inclure?

[Français]

Mme Parisé : Si je peux commencer, en fait, oui, en tant qu’organisme communautaire, on a connu des difficultés de rétention de personnel, en partie parce qu’on ne peut pas concurrencer le réseau public. Les salaires dans un organisme communautaire par rapport au ministère de la Santé ne sont pas du tout pareils. Donc, en effet, on a vu des gens quitter pour avoir de meilleures conditions salariales.

De notre côté, nous avons mis l’accent sur nos conditions de travail. À titre d’exemple, nous avons travaillé sur la conciliation travail-famille. Nous offrons maintenant des horaires variables et une belle autonomie au travail. Nous avons essayé d’éliminer la bureaucratie. Je pense que le personnel en milieu communautaire recherche cela. On a, en fait, amélioré nos conditions en ce qui a trait aux vacances et à des trucs qu’on n’a pas besoin de rémunérer. Certaines échelles salariales ont été retravaillées, mais on a surtout misé sur les conditions de travail. Nous offrons notamment une allocation pour l’exercice physique, donc notre équipe est en meilleure santé et il y a moins d’absentéisme. Nous avons essayé d’améliorer nos conditions de travail pour garder notre personnel. Oui, le manque de personnel est criant à l’heure actuelle, mais on doit être créatif dans notre façon de garder nos employés chez nous.

[Traduction]

Le président : Y a-t-il d’autres réponses?

M. Chater : Je suis d’accord. L’organisme Grands Frères et Grandes Soeurs du Canada n’est pas financé par le gouvernement fédéral. Cependant, nous recevons du financement de divers projets. Je ne peux pas répondre à votre question précisément. Cependant, en tant que secteur et fédération, nous nous heurtons à des défis semblables. Je ne vais pas aborder ces difficultés car notre fédération y est confrontée également.

La difficulté pour notre organisme et les services que nous offrons à la communauté, c’est les problèmes complexes auxquels font face les jeunes d’aujourd’hui, les défis des jeunes et de leur famille, ainsi que les répercussions des traumatismes vicariants parmi le personnel qui travaille dans nos organismes et qui aide ces familles.

Le fait de ne pas avoir d’infrastructures robustes pour offrir les soutiens et les avantages que nous aimerions offrir à nos employés dans l’ensemble de la fédération afin qu’ils puissent accéder à du counseling et à des services pour surmonter ces difficultés est un obstacle additionnel, en plus de ceux que je vous ai déjà énumérés, notamment celui d’attirer et de maintenir en poste des gens dans notre organisme.

[Français]

M. Ribaux : Je n’ai pas de commentaires sur cette question. Bien sûr, nous avons des défis semblables à toutes les autres organisations, mais je me rallie aux commentaires de mes collègues.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Merci à vous tous de vos témoignages et de la sagesse dont vous nous faites profiter.

Madame Parisé, vous dites que vous avez 115 centres dans différentes municipalités au Québec. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les services qu’ils offrent aux groupes de plus petite taille? Par exemple, nous avons beaucoup entendu parler des formalités administratives et des tonnes de formulaires que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent remplir. Par l’entremise de ce réseau, pouvez-vous fournir du soutien administratif à ces groupes de plus petite taille et des conseils sur la façon de remplir les formulaires, notamment? Est-ce que ces 115 centres communiquent tous par voie électronique?

[Français]

Mme Parisé : La fédération compte 115 centres d’action bénévole, donc nous nous cotoyons, en effet. Nous nous voyons trois fois par année en rencontres de groupe ou en colloque. Notre fédération est très solide. Si vous avez du temps pour le rencontrer, notre directeur général, Fimba Tankoano, en serait ravi. Cela pourrait vous donner le pouls de l’action bénévole au Québec.

Si j’ai bien compris votre question, vous voulez savoir si on accompagne les gens dans la paperasserie. Au Québec, il y a peut-être huit ans de cela, le Secrétariat aux aînés a créé un programme qui s’appelait Carrefour d’information pour aînés. Nous, on dessert une clientèle aînée, donc on vise l’objectif d’aider les personnes âgées à remplir des formulaires. Tout ce qui est papier, tout ce qui est programmes gouvernementaux, tant au niveau provincial que fédéral, que ce soit pour les impôts, pour comprendre une communication du gouvernement, pour faire des changements d’adresse, des renouvellements de carte d’assurance-maladie, on les accompagne dans cette démarche. C’est un programme du gouvernement qui a été financé pendant trois ans. Malheureusement, le service n’est plus financé et certains centres d’action bénévole ont dû l’abandonner. Chez nous, il s’agit d’un réel besoin pour la population, donc nous avons décidé de le conserver, mais les servives sont offerts par des bénévoles puisqu’on n’a pas de financement. On s’organise avec les moyens du bord, comme on dit. C’était un programme très utile. Notre souhait serait qu’il renaisse. Donc, oui, on donne de l’aide pour la paperasserie.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Pour revenir sur ce point, monsieur Chater, vous avez parlé de la baisse des taux de bénévoles pour Grands Frères et Grandes Soeurs.

Nous avons entendu des témoins parler d’offrir une forme de reconnaissance aux bénévoles. Nous accordons un crédit fiscal aux pompiers volontaires pour leur uniforme, leur chapeau et l’équipement dont ils ont besoin pour accomplir leur travail. Y a-t-il une possibilité ici? Nous avons entendu les mêmes propos de la part de Mme Parisé, notamment, qui a dit que les organismes dépendent des bénévoles pour offrir des services dont les collectivités ont grandement besoin.

Que pensez-vous de l’idée d’offrir un crédit fiscal ou d’autres incitatifs pour les bénévoles?

M. Chater : Notre organisme Grands Frères et Grandes Soeurs appuierait fortement l’idée.

Notre système est soutenu par du personnel formé professionnellement qui travaille directement avec les bénévoles pour qu’ils puissent intervenir auprès des gens. Sans un bassin de bénévoles, Grands Frères et Grandes Soeurs du Canada ne serait pas en mesure de fournir les services que nous offrons à l’heure actuelle. Le fait d’avoir un outil comme celui que vous recommandez aurait des répercussions pour un organisme comme le nôtre.

Le sénateur Duffy : Monsieur Ribaux, avez-vous des idées sur la façon de retenir les bénévoles?

M. Ribaux : C’est l’une des difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises dans notre organisme. Je peux seulement parler pour Équiterre. Contrairement à mes collègues, je ne fais pas partie d’un réseau d’organismes bénévoles, mais nous avons des centaines de bénévoles à Équiterre. Tout programme qui nous aiderait à former ou à appuyer les bénévoles, ou à offrir un crédit fiscal aux gens qui font du bénévolat, serait utile.

Nous avons souvent des gens qui font du bénévolat et qui paient pour leur transport pour se rendre à nos bureaux tous les jours. Nous nous battons avec l’idée de rembourser une partie de ces coûts. Nous avons des bénévoles qui ont un handicap ou des besoins spéciaux qui travaillent pour nous. Une forme de soutien quelconque pour encourager les gens à faire du bénévolat serait utile.

Ce pourrait être un peu différent au Québec par rapport au reste du Canada, mais sur le plan culturel, il serait utile de mener une forme de campagne d’information ou de déployer des efforts de sensibilisation dans les écoles, comme ma collègue Mme Parisé l’a mentionné, pour amener les gens à vivre l’expérience du bénévolat ou à voir d’un bon œil le bénévolat.

Là encore, le bénévolat en 2019 est très différent de ce qu’il était il y a 50 ans. C’est souvent considéré comme quelque chose que l’on fait quand on n’a rien d’autre à faire. Nous devons y réfléchir et aider les gens à percevoir le bénévolat différemment.

Le sénateur Duffy : M. Chater, j’ai presque oublié la question de la GRC et des vérifications de sécurité. Grands Frères et Grandes Sœurs tient beaucoup à la sécurité de ses clients. Assumez-vous les frais dans le reste du Canada? Les services de police au Québec imposent maintenant des frais. Est-ce la même chose dans le reste du Canada?

M. Chater : Oui. Cela demeure un défi et c’est différent d’une municipalité et d’une province à l’autre. Les défis se posent, que ce soit le prélèvement des empreintes digitales ou la vérification des antécédents judiciaires d’un candidat ou la vérification de la vaste base de données par un secteur vulnérable. Cela continue de poser problème.

Le délai de traitement dans tous ces secteurs différents ou paliers de gouvernement est également très différent. Une vérification du casier judiciaire peut être effectuée en l’espace d’une heure pendant que la personne attend dans une municipalité en Ontario, alors que le délai de traitement peut être de deux mois ailleurs. Pendant que nous cherchons à réduire le délai entre le moment où une personne présente une demande pour faire du bénévolat et son intégration dans le programme, il est possible que la personne ne soit plus en mesure de faire du bénévolat. C’est donc un défi.

Un défi qui se pose dans le secteur — et nous l’avons vu au sein de l’organisme Grands Frères et Grandes Sœurs —, c’est la quantité de services de tiers qui font désormais des vérifications des antécédents. Ils sont très nombreux. Je reçois probablement une demande pour examiner leurs modèles au moins une fois par mois. Je pense qu’il y a un risque associé au fait que ces organismes cherchent désespérément à intégrer leurs bénévoles dans leurs programmes. Cependant, avec les populations vulnérables que mon collègue a mentionnées, dans le secteur du bénévolat, ces vérifications ne peuvent être effectuées que par un groupe, à savoir la GRC.

Le sénateur Duffy : Nous comprenons, et nos auditeurs à la maison comprennent aussi, mais il y a maintenant des entreprises privées qui offrent des vérifications des antécédents?

M. Chater : Il y en a beaucoup.

Le sénateur Duffy : Sont-elles des ramifications de la GRC ou travaillent-elles avec la GRC, ou s’agit-il d’entités distinctes?

M. Chater : Selon moi, c’est le risque qui existe déjà. Leur modèle d’affaires comprend certains services semblables aux vérifications de l’habilitation à travailler auprès de personnes vulnérables. Certaines de ces entreprises emploient des termes comme « contrôle amélioré du dossier » ou « vérification des antécédents améliorée », mais cela ne comprend pas l’examen de toutes les bases de données comme le fait la GRC. Nous appliquons les protocoles pour veiller à ce que toutes les bases de données soient reliées. Le comité pourrait se pencher sur la croissance du secteur et sur le nombre élevé d’entreprises qui pourraient poser des problèmes et des risques pour les jeunes et d’autres populations vulnérables au sein de leurs organisations.

La sénatrice Omidvar : Ma question est pour M. Chater. Je crois fermement à l’importance du mentorat. J’en ai bénéficié, et c’est toujours le cas. J’ai aussi créé des programmes de mentorat nationaux.

Vous voulez offrir du mentorat aux jeunes. Un autre organisme national cherche des mentors pour les entrepreneurs. Il existe des organismes de mentorat pour les nouveaux immigrants, pour leurs professions. Vous êtes-vous regroupés? Visez grand : au lieu de demander 25 millions de dollars, demandez 100 millions pour l’ensemble de ces formidables initiatives de mentorat.

M. Chater : Oui; vous avez tout à fait raison. Les Grands Frères Grandes Soeurs du Canada voient le mentorat offert dans le cadre du partenariat de mentorat canadien comme une intervention précoce auprès des jeunes. Tandis que nous définissons le mandat du partenariat, nous utilisons des liens avec d’autres organismes qui ont des modèles et des infrastructures d’importance que nous pourrons ensuite renforcer afin de créer une culture d’abondance concernant le mentorat.

Je pourrais revenir pour insister auprès du comité, mais nous travaillerons avec le gouvernement fédéral pour trouver des façons de favoriser la collaboration au sein des divers secteurs. La semaine dernière, par exemple, j’ai rencontré le directeur général d’un organisme formidable pour discuter du modèle mis en œuvre par cet organisme, des similitudes avec le modèle préconisé par le partenariat de mentorat canadien et des façons dont nous pouvons travailler ensemble.

Le président : Merci à tous de vos exposés.

Nos prochains témoins comparaissent par vidéoconférence à partir de l’Australie.

De Sydney, représentant l’Australian Charities and Not-for-profits Commission, nous accueillons l’honorable Gary Johns, qui est commissaire. De Brisbane, nous accueillons également M. Myles McGregor-Lowndes, professeur émérite à l’Australian Centre for Philanthropy and Non-profit Studies, de la Queensland University of Technology.

Messieurs, merci d’avoir accepté notre invitation, et merci de vous être levés si tôt pour nous parler. Nous vous en sommes reconnaissants. Ici, à Ottawa, il est 16 h 10 et le temps est très froid, mais ensoleillé. Nous savons qu’il fait probablement plus chaud chez vous.

Nous allons commencer avec M. Johns, suivi de M. McGregor-Lowndes.

L’honorable Gary Johns, commissaire, Australian Charities and Not-for-profits Commission : Merci beaucoup. C’est un plaisir d’être debout à cette heure-ci pour discuter avec les bonnes gens du Sénat. Je sais qu’un bon déjeuner m’attend après la séance.

Je sais que mon collègue, le professeur Myles McGregor-Lowndes est avec nous. Myles a eu la gentillesse de m’envoyer ses notes. Je tâcherai donc d’aborder des aspects différents.

À l’instar du Canada, l’Australie est une fédération; nos enjeux sont donc liés aux chevauchements de la réglementation fédérale et étatique. Nous sommes un organisme fédéral de réglementation créé il y a six ans. Notre mandat est uniquement de tenir le registre fédéral des organismes caritatifs. Il y a actuellement environ 57 000 organismes inscrits.

Notre objectif est évidemment de minimiser la réglementation imposée aux organismes caritatifs, ce que nous parvenons à faire en négociant avec les gouvernements des États. L’objectif est qu’un enregistrement auprès de notre organisme satisfasse aux exigences des États en la matière, si possible. Nous avons réussi dans quatre des six États, mais pas dans les deux autres, malheureusement. Quoi qu’il en soit, nous poursuivons les négociations.

Outre l’enregistrement des organismes caritatifs et les chevauchements de la réglementation fédérale et étatique applicables, il faut garder à l’esprit que ces organismes s’enregistrent afin d’obtenir divers avantages fiscaux, pas directement de nous, mais de l’Australian Taxation Office.

Je pourrais consacrer deux ou trois minutes aux objectifs de cet exercice. Notre but est évidemment de favoriser la confiance du public à l’égard des organismes caritatifs enregistrés et la façon d’y arriver est, à mon avis, la question la plus intéressante. Aux termes de la loi, je suis tenu d’informer le public des activités du secteur caritatif, c’est-à-dire de l’ensemble des organismes caritatifs que j’enregistre.

La qualité des données fait l’objet de discussions depuis plusieurs années. Quelles sont les informations utiles? Qui peut utiliser les informations du registre? Notre registre actuel est un registre ouvert à libre accès. N’importe qui peut le consulter et trouver des renseignements sur un organisme caritatif, notamment des informations de base sur les activités, les fins de bienfaisance, les responsables et certains renseignements d’ordre financier. Il y a plus de renseignements financiers sur les principaux organismes de bienfaisance et moins sur les organismes plus petits, qui représentent la moitié du total. Environ 25 000 organismes caritatifs enregistrés n’ont aucun employé; ils sont très petits.

J’aimerais accroître l’utilité de notre registre. Avec les intervenants du secteur, nous étudions la possibilité de demander aux organismes de me présenter un rapport sur les programmes dont ils assurent la prestation, comme ils le font pour leurs bulletins d’information annuels. Il faut savoir que les personnes qui connaissent le nom d’un organisme caritatif peuvent consulter notre site web et trouver une multitude d’informations à son sujet. C’est un outil très utile. Nous enregistrons sur notre site web des millions de visites et de demandes provenant de toutes parts, dont souvent des organismes caritatifs eux-mêmes.

Le problème se pose lorsque ces organismes me font rapport, lorsque je m’informe sur leurs activités pour la dernière année et qu’on me répond par un mot : « éducation » ou « environnement ». Je veux des renseignements sur les personnes qu’ils aident, les bénéficiaires, et on me fournit alors une longue liste de tous les bénéficiaires possibles, pour n’oublier personne. Lorsque je m’informe du lieu des activités, on a tendance à répondre que cela se fait au siège social. Cela donne : « Sydney, bureau de poste général. »

Ce ne sont pas des informations très utiles et très précises. Cela ne décrit pas les activités de l’organisme caritatif. Nous discutons actuellement avec ces organismes pour savoir s’ils peuvent répondre à ces trois questions simples sur leurs activités afin d’obtenir des données significatives pour eux et pour les donateurs, c’est-à-dire les contribuables, les bénévoles et toute personne qui voudrait utiliser notre plateforme électronique pour trouver les renseignements utiles en fonction de ses intérêts caritatifs.

C’est une discussion importante qui suscite un grand intérêt chez les organismes caritatifs, les philanthropes, les subventionnaires, les chercheurs et d’autres. On aime l’idée qu’un jour, les gens pourront consulter le registre et faire une recherche en fonction de leurs intérêts caritatifs pour cibler des gens précis et savoir où l’aide peut être offerte.

Si les organismes caritatifs... Il n’y aurait aucune obligation. Je vais inviter les organismes à remplir un formulaire électronique où ils inscriront leurs programmes caritatifs et répondront aux mêmes questions que je pose chaque année. À mon avis, on obtiendra ainsi une excellente vue d’ensemble de ce que j’appellerai des produits comparables, c’est-à-dire les services offerts sur le marché du secteur caritatif, les activités des organismes caritatifs entrepris au nom de leurs bénéficiaires. Les donateurs pourront ainsi trouver une liste d’organismes caritatifs qui assurent la prestation de programmes correspondant à leurs intérêts. Je pense que cela nous donnera une bien meilleure idée du fonctionnement du secteur. Cela correspond à l’objectif de la loi, qui exige que j’informe le public des activités du secteur.

C’est là-dessus que se termine mon exposé. Nous avons entrepris une démarche visant à donner au public, sous une forme que nous jugeons pertinente et utile, un accès aux renseignements que je suis tenu de colliger conformément à la loi. Merci.

Myles McGregor-Lowndes, professeur émérite, Australian Centre for Philanthropy and Non-profit Studies, Queensland University of Technology, à titre personnel : Merci beaucoup de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui. Pour ma part, j’ai déjà déjeuné.

J’ai été informé que le Sénat portait intérêt à certains sujets. J’ai donc préparé des notes d’information. Je n’ai pas l’intention de les passer en revue, mais je vais simplement mentionner ces aspects rapidement.

Une agence distincte de l’agence fiscale. Je dirais qu’il a été avantageux pour les nouveaux organismes de réglementation, que ce soit en Nouvelle-Zélande, en Australie et à Singapour, d’avoir un organisme distinct de l’agence du revenu ou de l’agence fiscale. Les choses semblent aller assez bien. Je pense qu’il y a des raisons à cela.

Une définition élargie des organismes caritatifs. L’Australie a adopté une loi sur les organismes de bienfaisance comprenant une définition, mais si la loi clarifie certains aspects ambigus, elle permet tout de même une évolution de la définition, en vertu de la common law et par l’intermédiaire des tribunaux. C’est nouveau, et cela ne semble pas avoir encore entraîné beaucoup de litiges en Australie. La définition élargie semble avoir rassuré les organismes caritatifs et leurs conseillers en la matière.

L’Australie a mis en place un test de l’affectation des profits. Cela signifie que les organismes caritatifs peuvent avoir des revenus d’autres sources et conserver ces profits, pourvu qu’ils servent uniquement à des fins de bienfaisance. Cette situation ne plaît pas beaucoup aux divers trésors à l’échelle mondiale, mais cela ne semble pas avoir eu beaucoup de conséquences négatives en Australie. Évidemment, la possibilité de mener des activités génératrices de revenus pour appuyer les objectifs et les fins caritatives accroît considérablement l’autonomie des organismes caritatifs.

Récemment, la Haute cour a rendu des décisions concernant les politiques relativement sans restriction en matière de défense d’intérêts politiques et a infirmé le précédent britannique de la loi sur les organismes de bienfaisance interdisant les activités politiques. Ces activités sont maintenant codifiées dans la loi. C’est probablement une définition plus étroite que l’interprétation de la Haute cour en common law, et cela a suscité une certaine controverse.

Je dirais simplement que nous ne devrions pas toucher à la loi sur les organismes de bienfaisance. Toute ingérence ou intervention indue des organismes caritatifs dans le processus politique devrait être sanctionnée en vertu de lois distinctes applicables à tous — particuliers, sociétés et partis politiques — afin d’assurer, essentiellement, l’uniformité des règles du jeu dans la sphère politique.

J’aimerais seulement attirer l’attention du Sénat sur deux autres enjeux dont j’ai traité dans un livre que j’ai corédigé et qui portait sur les organes de réglementation des organismes de bienfaisance. Il s’agit d’un recueil des réflexions des responsables d’organismes de réglementation au cours des 25 dernières années. Si vous voulez trouver des solutions moins coûteuses et plus rapides pour réduire le fardeau administratif des organismes de bienfaisance, je vous recommande de consulter le site web de l’ACNC et du National Standard Chart of Accounts, où l’on aborde ce problème. Les ministères et autres bailleurs de fonds des organismes sans but lucratif exigent une reddition de comptes précise de l’utilisation des subventions. Cela inclut certaines définitions, comme « frais de port et frais divers » et « salaires ».

On constate de plus en plus que les définitions de « frais de port et frais divers » et de « traitements et salaires » varient beaucoup selon les organismes subventionnaires et les ministères. Dans un seul État, nous avons recensé 25 définitions différentes de « frais de port et frais divers ». Cela oblige les organismes sans but lucratif qui reçoivent plusieurs subventions à convertir aux critères des organismes subventionnaires les montants comptabilisés en fonction de leurs propres définitions. C’est souvent une tâche qui exige beaucoup de temps, lorsqu’on veut faire les choses correctement.

Une décision uniforme acceptée par tous a ses avantages. Il faut donc une définition commune de « traitements et salaires » et de « frais de port et frais divers », car cela permet d’importantes économies en frais d’administration, en plus d’améliorer les données et la comparabilité des données.

Notre dernier constat dans cet exercice de réflexion était l’insatisfaction générale à l’égard du fonctionnement du mécanisme d’appel des décisions des organismes de réglementation du secteur de la bienfaisance. Ces processus sont généralement coûteux, ce qui empêche les poursuites. Ce n’est peut-être pas mauvais dans certaines circonstances, mais dans certains cas, les lois sur les organismes de bienfaisance évoluent seulement en fonction de l’interprétation qu’en font les cours supérieures dans leurs décisions, ce qui permet de maintenir la définition à jour. En l’absence de cas, la définition tend à se figer. En Australie, la définition d’« organisme caritatif » n’a fait l’objet d’aucune décision de la Haute cour ou d’une cour supérieure en 33 ans, ce qui a eu des effets néfastes.

Je vous invite donc à examiner vos mécanismes d’appel et à vous assurer que les gens y ont accès — je parle des coûts — et que cela ne se limite pas aux documents que les organismes de bienfaisance fournissent initialement à l’organisme de réglementation. Il faut que ce soit plus large. La quantité limitée de renseignements fournis pour l’examen de la cour semble être un problème courant au sein de l’administration.

C’est là-dessus que je termine mon exposé.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Omidvar : Commissaire, professeur, merci beaucoup d’être parmi nous à cette heure si matinale. Nous vous en sommes reconnaissants. Nous aimerions bien avoir la même météo que vous.

Ma première question est pour le commissaire Johns. Votre système est semblable au nôtre, mais assez différent. Pourriez-vous me parler de votre système d’autorisation d’émissions de reçus pour dons de bienfaisance, qui ne relèvent pas directement des organismes de bienfaisance, mais d’un autre organisme? Pourriez-vous en expliquer la raison d’être, s’il vous plaît?

M. Johns : Lorsque vous parlez de reçus pour dons de bienfaisance, je suppose que vous parlez d’un avantage fiscal qui...

La sénatrice Omidvar : Un reçu aux fins de l’impôt, oui. Ils ne sont pas émis par vos organismes de bienfaisance, mais par un autre organisme.

M. Johns : Les avantages fiscaux relèvent de l’Australian Taxation Office, et je pense que ce sera toujours le cas. Quoi qu’il en soit, la discussion que nous avons eue en Australie il y a six ans portait sur la nécessité que l’enregistrement — l’attribution du statut d’organisme caritatif — relève d’un organisme distinct, d’une commission, c’est-à-dire celle que je dirige. Donc, depuis six ans, nous exerçons le pouvoir discrétionnaire qui nous est accordé par la loi d’inscrire certains organismes à titre d’organisme de bienfaisance. L’étape suivante est une demande auprès de l’Australian Taxation Office pour l’obtention des divers avantages fiscaux.

Cela dit, nous travaillons en étroite collaboration avec l’autorité fiscale pour nous assurer que notre processus d’enregistrement satisfait aux exigences. Cet organisme peut très bien décider d’accorder des avantages fiscaux minimaux. Toutefois, on parle de l’échelon fédéral, et cela ne s’applique pas nécessairement aux États, qui peuvent aussi accorder ou non des avantages fiscaux. Ils ont tendance à se fier à notre registre des organismes enregistrés, mais essentiellement, ce sont les États qui déterminent les avantages et les organismes qui y ont droit.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je comprends un peu mieux maintenant.

Monsieur le commissaire, pouvez-vous nous parler de la loi australienne, qui entraînerait certains défis pour les organismes de bienfaisance? Un article du journal The Australian disait ceci :

Selon le commissaire des organismes de bienfaisance, Gary Johns, le nouveau projet de loi du gouvernement Turnbull visant à sévir contre les dons étrangers placera un fardeau réglementaire supplémentaire sur les organismes de bienfaisance, ce qui pourrait les empêcher de défendre les enjeux associés à leur mandat.

Qu’est-ce que cela veut dire?

M. Johns : Oui. Nous avons dépassé cette étape. Nous avons une loi qui régit les dons étrangers. Je n’en suis pas responsable, mais les intervenants du secteur caritatif ont fait valoir que la loi entraînerait un fardeau supplémentaire pour les organismes de bienfaisance qui devraient tenir compte des dons étrangers, qui peuvent être très petits.

De façon générale, notre secteur a été exempté, de sorte que cet article du journal The Australian est maintenant désuet. Notre secteur n’est pas affecté par la loi sur les dons étrangers.

La sénatrice Omidvar : Les organismes n’ont pas à s’inscrire en tant que militants politiques?

M. Johns : Non, sauf dans de rares circonstances lorsqu’il est question de très grandes organisations ou d’activités politiques très importantes, mais autrement, non.

Myles, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. McGregor-Lowndes : Lorsqu’on a annoncé le projet de loi, il était très vaste et visait les organismes de bienfaisance — surtout les organismes environnementaux — qui reçoivent des subventions de sources internationales et qui les utilisent à des fins politiques en Australie.

À la suite de longues discussions très animées, le gouvernement a finalement adopté un système beaucoup plus restreint qui permettait de limiter les conséquences imprévues des dispositions visant la transparence des dons aux partis politiques en Australie.

Bien que les organismes de bienfaisance ne soient pas tous satisfaits de la loi, il semble que la majorité d’entre eux ne seront pas encombrés par celle-ci. La commission électorale a publié une fiche documentaire sur son site web destinée aux organismes de bienfaisance et la plupart d’entre eux semblent satisfaits pour le moment.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Monsieur McGregor-Lowndes, je m’intéresse beaucoup à ce plan comptable. Nous avons entendu de nombreux témoignages des chefs de file du secteur au sujet de la paperasserie et de la nécessité de déclarer les mêmes faits à maintes reprises. C’est un fardeau qui empêche les organismes de bienfaisance de faire leur travail.

Combien vous a-t-il fallu de temps, à vous et au gouvernement, pour préparer un accord sur le plan comptable? Qui a participé à son élaboration? Comment a-t-il été approuvé? Pouvez-vous nous parler de ce processus?

M. McGregor-Lowndes : Je vais commencer par une observation : lorsque les chercheurs se sont assis avec certains intervenants, ils ont constaté qu’il y avait de nombreux postes de commis aux services des finances des organismes de bienfaisance et que ces employés ne faisaient qu’adapter leurs données financières et leur plan comptable selon les exigences des bailleurs de fonds. Plus vous avez de bailleurs de fonds qui ont des définitions variées des « frais postaux et secondaires » ou des « salaires », plus vous aurez besoin d’employés pour y voir clair.

Nous avons réalisé une étude avec l’aide de notre gouvernement d’état, le Queensland Treasury, auprès de tous les ministères du gouvernement et nous leur avons demandé de nous fournir leurs formulaires d’acquittement des organismes de bienfaisance aux fins des subventions. Nous avons rassemblé tous les termes sur une grande feuille de calcul et avons désigné 25 définitions différentes des « frais postaux et secondaires » et je crois qu’il y avait 117 façons différentes de calculer les « traitements et salaires » dans les divers ministères.

Nous avons convenu avec le gouvernement et les organismes représentatifs du secteur caritatif de créer un dictionnaire des données afin d’avoir une seule définition des expressions comme « frais postaux et secondaires » et « traitements et salaires ». Nous avons tenu compte des principes et normes comptables, et des exigences des gouvernements et des bailleurs de fonds en vue d’accorder les subventions.

Dans bon nombre des cas, les responsables des formulaires des diverses unités avaient créé ces définitions sans trop réfléchir à leur signification. Lorsque les gouvernements s’imposent une discipline et s’entendent sur des termes financiers particuliers, les organismes sans but lucratif peuvent — s’ils le souhaitent seulement — concevoir leur propre plan comptable pour tenir compte de ces renseignements. On peut donc utiliser les mêmes renseignements à maintes reprises.

Ce ne sont pas les frais de financement ni les autres frais administratifs, mais bien l’acquittement des subventions qui semble être la plus importante dépense de bureau des organismes à but non lucratif de l’Australie. Ces frais peuvent être réduits de façon considérable si les gouvernements s’imposent une discipline et se fondent sur un seul ensemble de données lorsqu’ils demandent des renseignements financiers à ces organismes.

C’est ce qui s’est produit graduellement dans chaque État et territoire de l’Australie et aujourd’hui, le gouvernement du Commonwealth et l’ACNC sont responsables du plan comptable, mais doivent bien sûr respecter les normes et exigences financières de nos gouvernements.

Au fil des années, nous avons constaté que les gouvernements ne se centraient plus uniquement sur les extrants — c’est-à-dire l’octroi de fonds —, mais aussi sur d’autres facteurs associés aux subventions, notamment sur leur incidence sociale. Ainsi, le financement tend à être moins coûteux et moins important qu’avant — bien qu’il soit toujours important — et les ministères du gouvernement tiennent compte de l’incidence et des conséquences du financement.

Le processus a duré environ six ans. Le gouvernement et le secteur ont dû convenir d’un plan comptable avec les professionnels en comptabilité, et d’un dictionnaire des données présentant les définitions clés.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La sénatrice Martin : Nous vous remercions pour vos témoignages. Vous avez dit qu’il avait fallu six ans pour normaliser les définitions et réaliser ce processus. C’est un travail important, qui représente un bon modèle pour nous.

Monsieur le commissaire, j’avais une question au sujet de l’allégement des règlements imposés aux organismes de bienfaisance. L’un des objectifs de votre commission était de réduire les formalités administratives. C’est ce que nous avons entendu de nombreux témoins et ce que nous avons lu dans les mémoires qui nous ont été présentés.

Pourriez-vous nous expliquer en détail les mesures que vous avez prises pour réduire les formalités administratives? Quelles ont été les conséquences du processus? Vous dites que le processus est toujours en cours dans deux États; qu’en est-il des territoires? J’aimerais vous entendre nous parler de ce processus.

M. Johns : Le processus vise le Commonwealth et les États.

Nos négociations avec les États sont constantes, mais dans le cas de quatre États et territoires — ou du Territoire de la Capitale australienne en particulier —, ils ont convenu que nous recueillions les renseignements en leur nom et que nous les lui transmettions, si l’on veut. Nous répondons à leurs besoins et aux nôtres en même temps, ce qui réduit le fardeau des organismes de charité en matière de double déclaration.

Toutefois, six ans plus tard, deux États n’ont pas encore été en mesure d’intégrer le processus. Comme l’a fait valoir Myles, les discussions et les négociations se font entre les États et les divers intervenants.

Par exemple, certains organismes de bienfaisance de notre secteur sont hautement réglementés : le secteur scolaire, le secteur universitaire et les hôpitaux. Ils reçoivent d’énormes subventions du gouvernement. Les besoins du ministère de l’Éducation, du ministère de la Santé ou du ministère des Soins aux personnes âgées ne seront pas du tout les mêmes que ceux de simples organismes de réglementation comme le nôtre qui font affaire non seulement avec des organismes de bienfaisance hautement réglementés, mais aussi avec des organismes de bienfaisance de petite et de moyenne taille, qui ne sont pas réglementés. Les complications sont parfois associées à de bonnes raisons, même si nous souhaiterions les éliminer.

Nous ne pouvons pas dire au ministère de l’Éducation du Commonwealth qu’il doit exiger moins de renseignements des systèmes scolaires ou des universités alors qu’ils gèrent des milliards de dollars provenant des contribuables. Il ne faut pas oublier, malgré notre désir de simplicité et de normes nationales, les réels besoins des organismes de financement.

Nous poursuivons notre périple et nos discussions. Nous avons parlé à l’Australian Accounting Standards Board d’une norme nationale en matière de production de rapports et de comptabilité, mais c’est un long processus. Nous ne pouvons pas attendre. Mon organisation doit procéder à l’inscription et aux activités de conformité. Je dois penser aux renseignements comparatifs que je peux présenter à la population. Dans l’intervalle, tous les autres organismes de réglementation poursuivront la discussion sur leurs besoins en matière de données.

La sénatrice Martin : Vous avez aussi parlé d’un registre; d’associer les bailleurs de fonds publics aux organismes de bienfaisance. Cela me semble être une façon très moderne de procéder. Je me demande une chose : si tous les organismes de bienfaisance participent à ce processus, est-ce qu’il y a une énorme base de données en ligne? Pourriez-vous nous dire comment le processus fonctionne?

M. Johns : À l’heure actuelle, les 56 000 organismes de bienfaisance sont tous enregistrés par l’entremise de mon registre en Australie. Pour nous, il s’agit du nombre total d’organismes de bienfaisance d’intérêt pour les bailleurs de fonds qui veulent s’assurer de faire affaire avec un organisme reconnu par le gouvernement.

Sur notre site web, si vous connaissez le nom d’un organisme de bienfaisance, vous pouvez voir ses références, son rapport annuel ou son énoncé d’information annuel, ses personnes-ressources, sa composition et ainsi de suite. C’est très important. C’est une mesure de la crédibilité de l’organisme.

Toutefois, plusieurs organismes de bienfaisance peuvent répondre aux besoins des bailleurs de fonds. Leur travail pourrait vous intéresser, mais il est impossible de faire une recherche selon ces critères sur notre registre. Nous sommes au XXIe siècle depuis maintenant 19 ans; tout est numérique et nous pourrions utiliser cette plateforme — payée par les contribuables — à meilleur escient.

À l’heure actuelle, chaque organisme de bienfaisance doit remplir un énoncé d’information annuel, et notamment répondre à trois questions au sujet de ses activités, pour que la commission et la population connaissent son objectif chaque année. En d’autres termes, il faut que ces renseignements se trouvent au registre. Mais les renseignements que les organismes nous transmettent sont trop pointus; il n’y a pas assez d’information et je ne sais pas vraiment ce qu’ils font.

Je ne parle pas en tant que responsable d’un organisme de réglementation ici, mais bien en tant que bailleur de fonds potentiel ou philanthrope, qui peut se dire : « Je ne sais pas ce que vous faites. J’aimerais en savoir plus sur des organisations comparables qui offrent des programmes comparables. »

Lorsque je rencontre les organismes de bienfaisance, je leur demande de répondre à ces questions sur le plan des programmes... Lorsque je visite ces organismes — je le fais souvent et j’adore cela —, je m’assois avec les intervenants et je leur demande : « Comment allez-vous? Que faites-vous? » Ils me parlent toujours des programmes en place pour tel ou tel groupe, de ceux qui sont offerts ailleurs, par exemple. Si nous pouvions utiliser le langage commun des programmes et présenter des rapports en fonction de ces programmes et de leur objectif, des gens qu’ils aident et de l’endroit où ils sont offerts, alors nous aurions un beau menu que pourraient consulter les bailleurs de fonds sur notre site web; ils pourraient ainsi consulter les programmes qui correspondent à leurs intérêts.

Pour ce faire, il faudrait classifier les fins de bienfaisance des organismes à partir d’un dictionnaire et de termes souvent utilisés à titre descriptif, et aussi classifier les noms et les lieux.

Heureusement, plusieurs organisations le font... dont une en particulier en Australie, Our Community, qui fait le jumelage entre les bailleurs de fonds et les organismes de bienfaisance depuis cinq ans maintenant à l’aide d’un dictionnaire commun et de la classification des fins de bienfaisance, et elle ne vise que 6 000 organismes. Nous voulons appliquer le jumelage aux 57 000 organismes de bienfaisance. Ils en sont très heureux. Ils aiment beaucoup l’idée d’établir un lien entre les gens qui veulent donner et ceux qui veulent recevoir, et c’est tout ce que nous faisons. Au bout du compte, certains organismes de bienfaisance répondent peut-être aux intérêts des bailleurs de fonds, qui doivent ensuite faire leurs propres recherches. Nous croyons que cet outil serait très utile et très simple à utiliser.

La sénatrice Martin : Merci.

Le sénateur Duffy : Monsieur le commissaire Johns, je m’appelle Mike Duffy; je ne suis pas parent avec le Mike Duffy de la chaîne 7 en Australie, mais c’est un ami.

Votre idée d’élargir l’accès à cette base de données me semble très utile pour les organismes de bienfaisance. Vous les aideriez à atteindre plus de bailleurs de fonds potentiels.

Les questions que j’ai posées au cours de notre étude visaient le déclin du nombre de bailleurs de fonds, qui sont de plus en plus âgés, et la diminution générale des dons faits aux organismes de bienfaisance.

En plus de vos tâches en matière de réglementation, jouez-vous un rôle en matière de promotion? Est-ce que vous voyagez au pays pour parler des avantages du secteur caritatif et des raisons pour lesquelles les gens devraient l’encourager?

M. Johns : La réponse simple est non. Nous avons un rôle en matière de réglementation, ce que comprennent les intervenants du secteur caritatif. Je représente l’organisme de réglementation. Si quelque chose ne va pas, je dois étudier les livres et rétablir la situation.

Cela étant dit, nous avons évidemment beaucoup d’empathie pour le secteur caritatif. Chaque semaine, nous enregistrons 40 nouveaux organismes. Nous voyons leur enthousiasme. Nous voyons le désir des gens de mettre en place de tels organismes.

Toutefois, les organismes qui sont déjà inscrits au registre nous demandent pourquoi nous acceptons de nouveaux organismes alors qu’il y a en déjà 57 000. Je n’ai pas de règle pour cela. Je crois qu’aucun gouvernement ne mettra en place une règle qui pourrait exclure des gens qui souhaitent mettre sur pied un organisme de bienfaisance et qui ont les connaissances et l’intérêt nécessaires pour le faire.

Bien sûr, nous voulons comme tout le monde que ces organismes fassent du bon travail. Les gens sont peut-être moins nombreux à faire des dons, mais je crois que la situation changera au fil du temps. Je vois des organismes de bienfaisance qui travaillent très fort pour communiquer avec les bailleurs de fonds afin d’obtenir leur appui. Je ne vois pas de problème avec cela.

Nous avons 57 000 organismes enthousiastes qui sont en contact permanent avec les bailleurs de fonds actuels et potentiels. C’est leur travail, si l’on veut. Je peux les aider d’une certaine façon, mais les membres de mon personnel sont très occupés avec les processus d’inscription et de conformité. Nous avons le temps de publier des énoncés et des documents sur notre site Web, mais il y a des centaines de conférences dans ce secteur chaque année en Australie. C’est un secteur très actif, qui réussit très bien à cet égard.

Le sénateur Duffy : Y a-t-il un ministre responsable des organismes de bienfaisance en Australie? Vous êtes commissaire, mais y a-t-il un ministre champion du secteur caritatif au gouvernement?

M. Johns : Oui, il y a le trésorier adjoint. Il est ministre au sein du gouvernement, et, si on peut dire, il s’est fait le champion du secteur, alors, il en parle. Il y a aussi beaucoup d’autres ministres, comme le trésorier lui-même ou le ministre de la sécurité sociale, qui en parlent de temps à autre. On pourrait en parler davantage; cela ne fait aucun doute.

Je le répète, je ne crois pas que le gouvernement doit prendre toute la place. Je pense que les gouvernements peuvent établir des règles, qui devraient être minimales, et laisser le secteur faire le bon travail qu’il accomplit. C’est un secteur qui existe depuis longtemps. Il était là avant le gouvernement. Les 57 000 organismes, les centaines de milliers de responsables et les millions de personnes qui appuient le secteur devraient pouvoir continuer leur travail. C’est ce qui est le plus important.

Je crois en fait que les gouvernements peuvent en faire trop, car plus ils parlent, plus les gens s’adresseront à eux pour obtenir de l’aide et non aux organismes de bienfaisance. Le secteur de la bienfaisance est distinct et il traite directement avec la société civile, et c’est un aspect très rare, unique et important qu’il faut conserver.

Le sénateur Duffy : Je vous remercie, monsieur.

La sénatrice Omidvar : Ma première question s’adresse au commissaire et l’autre s’adressera au professeur.

Il est clair que l’Australie devance le Canada à bien des égards. Il nous reste beaucoup de choses à apprendre. Vous avez actualisé la définition de « bienfaisance », alors que nous avons toujours l’ancienne définition élisabéthaine de ce terme et nous nous appuyons sur la common law pour comprendre son évolution.

Vous avez établi, je crois, 14 définitions. Peut-être que vous pourriez nous expliquer le lien entre la définition des objectifs caritatifs dans la common law et la définition dans la loi et nous dire si vous pensez que les définitions risquent de changer lorsqu’on change de gouvernement.

M. Johns : Il y a un risque, si on peut dire, qui peut exister en tout temps. Tout gouvernement est libre de légiférer et de modifier la loi sur les organismes de bienfaisance. Myles McGregor-Lowndes s’est penché là-dessus.

Les définitions dans la common law ont très peu changé sur une période de 30 ans. Les tribunaux ne sont pas souvent saisis de ce genre de choses. Néanmoins, c’est une décision d’une haute cour en 2010 qui a incité un gouvernement à définir pour la première fois tous les objectifs caritatifs et tout ce qui y est similaire. Cette décision d’une haute cour a permis d’établir clairement que les organismes de bienfaisance pouvaient se livrer à des activités de défense des intérêts tant qu’ils le faisaient pour poursuivre des objectifs caritatifs.

C’est établi dans la loi. Je ne crois pas qu’il y a eu des problèmes. Je n’ai pas observé de débat au sein des deux principaux partis à propos de la modification de la définition dans la loi, mais j’espère qu’on ne pourra jamais empêcher un gouvernement d’adopter un point de vue différent à propos d’un objectif caritatif en particulier.

Je crois que nous avons un régime très libéral et que les définitions sont assez larges. Nous enregistrons tous les jours des organismes de bienfaisance et nous discutons toujours de la place que peut occuper un organisme. On commence à le voir lorsqu’on peut tirer au clair son objectif.

Je pense que le système fait preuve d’ouverture et qu’il a une attitude positive envers les organismes de bienfaisance. Nous avons confiance qu’ils feront leur travail. Je ne pense pas qu’il y a des problèmes du côté du gouvernement, mais, comme toujours, il est possible que des tribunaux soient saisis de certaines affaires et qu’ils apportent des éclaircissements.

La sénatrice Omidvar : Professeur, il ne me reste que quelques minutes, alors j’aimerais vous poser une question qui est très importante aux yeux du comité. C’est au sujet des progrès réalisés par l’Australie à propos des activités commerciales non complémentaires. Peut-être que vous pourriez nous parler de l’affaire Word Investments et nous dire si, grâce à la nouvelle réglementation, les entreprises à vocation sociale dans le secteur de la bienfaisance sont florissantes. Est-ce que cela fonctionne? Est-ce que les organismes de bienfaisance recueillent davantage de fonds pour effectuer leurs bonnes œuvres?

M. McGregor-Lowndes : Oui. Je crois que cette affaire a marqué un tournant dans l’histoire du secteur de la bienfaisance en Australie. On a appelé cela l’affaire Word Investments. Essentiellement, des hommes d’affaires qui soutenaient l’organisme Wycliffe Bible Translators, ont créé, comme bien d’autres hommes d’affaires, des entreprises prospères. Il y avait une entreprise de services funéraires, une entreprise de conseillers financiers et d’autres petites entreprises, et les profits de ces entreprises étaient tous versés à l’organisme de bienfaisance.

Les tribunaux qui ont entendu les appels, dont notre plus haut tribunal, ont affirmé que, lorsqu’on examine l’affaire dans son ensemble, l’élément important est le fait que les profits étaient destinés à l’organisme de bienfaisance. Si l’argent sert à contribuer à l’objectif caritatif, alors, il n’y a pas de problème; c’est autorisé et encouragé.

C’est une décision très importante. Quelles en sont les conséquences? On se serait attendu à ce que tous les organismes de bienfaisance mènent des activités commerciales non complémentaires pour éviter l’impôt sur le revenu et des taxes. Il ne semble pas que cela a été le cas. Les organismes de bienfaisance n’ont pas modifié radicalement leurs activités. Les organismes qui hésitaient un peu à mener des activités commerciales non complémentaires ont eu la confiance nécessaire pour se lancer dans ces activités, mais les organismes de bienfaisance sont habituellement assez prudents dans ces cas-là. Elles mènent ce genre d’activités seulement lorsqu’elles peuvent réaliser des profits qu’elles peuvent utiliser à des fins caritatives.

Est-ce que cela a favorisé une concurrence déloyale? Quelques commissions d’enquête gouvernementales se sont penchées sur la théorie économique et les preuves à cet égard. Elles ont essentiellement constaté que, sur le plan de l’impôt sur le revenu et des forces générales du marché, il n’y a pas de concurrence déloyale en raison d’une réduction des prix parce que les organismes de bienfaisance n’ont pas à payer de taxes.

Elles ont toutefois constaté des distorsions en ce qui concerne les taxes sur les intrants, comme la TPS et d’autres taxes, et elles ont affirmé qu’il devrait peut-être y avoir des restrictions en ce qui concerne ces activités commerciales menées par des organismes de bienfaisance.

Notre gouvernement n’a pas été en mesure de trouver un compromis pour limiter ou restreindre les revenus des organismes provenant des activités commerciales non complémentaires, alors il serait très difficile de revenir en arrière.

Il y a eu une incidence positive sur les entreprises à vocation sociale et d’autres entreprises. Elles éprouvent cependant encore de la difficulté à structurer leurs activités, si elles souhaitent les structurer en tant qu’organismes de bienfaisance. Il y a encore des obstacles lorsque des organismes de bienfaisance souhaitent créer une entité à but lucratif pour financer leurs objectifs caritatifs.

En Australie, contrairement au Royaume-Uni, nous n’avons pas créé une entité juridique précisément pour les entreprises à vocation sociale. Certains font valoir que c’est nécessaire pour donner de la crédibilité aux entreprises qui mènent des activités pour des organismes qui ont un objectif caritatif et faciliter leur travail.

Selon moi, et je crois que c’est le point de vue de la majorité des avocats, il est possible de structurer quoi que ce soit en respectant les paramètres juridiques et les structures existantes.

En créant une entité juridique précisément pour les entreprises à vocation sociale, on se trouve à leur donner une identité.

Toutefois, en créant une autre catégorie d’organismes qui font de bonnes actions, on se trouve probablement à miner les organismes de bienfaisance, mais, comme je l’ai dit, la décision rendue dans l’affaire Word Investments a eu des répercussions profondes sur les organismes de bienfaisance, qui sont devenus résilients et autosuffisants. D’après ce que j’ai pu observer, la décision ne semble pas avoir entraîné une concurrence déloyale, mis à part en ce qui concerne les taxes sur les intrants. Lorsque, à l’occasion, des entreprises prétendent qu’il y a une concurrence déloyale, on ne constate pas que cela a d’importantes répercussions négatives sur les parties concernées.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie. C’est excellent.

Le président : Je tiens à vous remercier tous les deux, monsieur Johns et monsieur McGregor-Lowndes. Vous nous avez fourni beaucoup d’informations au sujet de la situation en Australie dans le cadre de notre étude. Nous tenons à vous en remercier et à vous remercier de vous être levés tôt ce matin. Il est 17 heures ici, mais ne pensez pas que nous rentrons à la maison, car le Sénat commence à siéger à 18 heures et Dieu seul sait quand la séance se terminera. On ne se repose pas au pays du Grand Nord blanc. Je vous remercie beaucoup.

(La séance est levée.)

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