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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 19 - Témoignages du 13 décembre 2016


OTTAWA, le mardi 13 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 50, pour poursuivre son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Paul J. Massicotte (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Paul Massicotte, de la province de Québec. Je suis vice-président du comité. Ce soir, je remplace le président, qui est absent pour quelques jours.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du public qui sont ici, dans la salle, ainsi qu'à ceux qui nous regardent à la télévision. Je rappelle que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'on peut aussi les visionner en webdiffusion à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez plus d'information sur l'horaire des réunions sur notre site web, sous la rubrique des « Comités du Sénat ».

J'invite maintenant les sénateurs autour de la table à se présenter, en commençant par ma collègue à ma droite.

[Traduction]

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Lang : Dan Lang, Yukon.

Le sénateur Mocker : Percy Mockler, Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le vice-président : J'aimerais aussi vous présenter notre personnel, en commençant par notre greffière, Maxime Fortin, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Nous en sommes aujourd'hui à notre 28e réunion dans le cadre de notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, une transition nécessaire pour atteindre les objectifs annoncés par le gouvernement du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

J'ai le plaisir d'accueillir notre témoin de la Canada West Foundation, M. Trevor McLeod, directeur du Centre de politique sur les ressources naturelles. Je vous remercie d'avoir accepté de témoigner devant nous aujourd'hui. Je vous invite tout d'abord à faire votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

Trevor McLeod, directeur du Centre de politique sur les ressources naturelles, Canada West Foundation : Bonsoir et merci beaucoup, monsieur le vice-président.

[Traduction]

Je vous transmets les salutations des gens de la Canada West Foundation. Nous avons une nouvelle PDG, Martha Hall Findlay, que vous êtes plusieurs à connaître. Sous sa direction, nous poursuivons notre travail en nous disant toujours que ce qui est bon pour l'Ouest est aussi bon pour l'ensemble du pays. Nous sentons par ailleurs désormais la nécessité d'élargir notre auditoire, si bien que vous devriez nous voir plus souvent à Ottawa.

Je dirige le Centre de politique sur les ressources naturelles qui s'emploie à assurer le développement responsable des ressources naturelles de notre pays. Votre étude correspond donc exactement à notre domaine d'expertise.

Le message que je veux vous livrer est plutôt simple. Le cadre pancanadien rendu public à la fin de la semaine dernière nous trace un parcours raisonnable vers nos cibles de réduction des gaz à effet de serre. Bien que les défis liés à la capacité concurrentielle soient pris en compte, j'estime que l'on n'en fait pas suffisamment à ce chapitre, notamment pour ce qui est des coûts et de la difficulté à trouver les emplacements qui conviennent pour les projets d'infrastructure énergétique.

Nous sommes donc sur la bonne voie pour la réduction de nos émissions de carbone. En général, le débat prend forme autour du premier graphique présenté dans le document que nous vous avons remis. Si vous ne l'avez pas sous les yeux, je vous dirais simplement que c'est le même graphique qui apparaît dans le cadre pancanadien pour indiquer jusqu'où le Canada doit aller afin d'atteindre ses objectifs de Paris. Les chiffres sont bien connus : 30 p. 100 en deçà des niveaux de 2005 d'ici 2030, soit une diminution de quelque 200 mégatonnes. Ce n'est pas une mince affaire.

On avait tendance à discuter ensuite de la répartition des émissions par secteur économique, laquelle est illustrée au graphique suivant. Vous pouvez voir tout de suite dans ce graphique que l'industrie pétrolière et gazière a été isolée des secteurs énergivores tributaires du commerce. En analysant ce graphique, on se demandait généralement, notamment compte tenu de la taille de l'industrie pétrolière et gazière et du secteur des transports, comment il pouvait être possible de réduire les émissions dans ces deux secteurs, indépendamment de tous les autres.

Je crois que le cadre pancanadien annoncé la semaine dernière introduit un changement subtil qu'il ne faut pas passer sous silence. Comme vous pouvez le voir à la diapo suivante, le pétrole et le gaz sont désormais intégrés au secteur de l'industrie. C'est sous cette rubrique générale que l'on retrouve maintenant tous les secteurs énergivores tributaires du commerce. Je pense qu'il est important de le souligner.

On peut ainsi voir les émissions de l'ensemble de l'industrie, et non seulement du secteur pétrolier et gazier. On parle dans le document à la fois de la production d'énergie et de son utilisation, lesquelles sont conjointement à l'origine de plus de 80 p. 100 des émissions au Canada. Avec ce virage, on cesse de mettre l'accent uniquement sur l'industrie pétrolière et gazière pour reconnaître tacitement que toutes les formes d'émissions de gaz à effet de serre ne sont pas égales, un constat primordial du point de vue de la capacité concurrentielle. Ainsi, les réductions effectuées dans certains secteurs — comme ceux des transports, de l'électricité et du logement que vous venez d'étudier — sont absolues.

Par exemple, si nous remplaçons l'électricité produite à partir du charbon par l'hydroélectricité, le gaz naturel, l'énergie éolienne ou le nucléaire, ce sont autant d'émissions qui disparaissent. Il en va de même si on remplace une voiture traditionnelle par un véhicule électrique, en présumant que c'est une énergie plus propre. Dans toutes ces situations, une réduction des émissions canadiennes entraîne également une réduction des émissions à l'échelle planétaire. C'est donc très important.

Il en va tout autrement des réductions d'émissions dans l'industrie pétrolière et gazière ou dans les secteurs énergivores tributaires du commerce de manière générale. Les marchés du pétrole et du gaz sont de plus en plus planétaires et interreliés. Selon la plupart des projections disponibles, la demande de pétrole brut et de gaz naturel va augmenter considérablement au cours des 25 prochaines années.

M. King Hubbert avait prédit que la production de pétrole brut allait atteindre un sommet d'environ 13 milliards de barils par année aux environs de 1965 ou 1970, mais nous en produisons maintenant quelque 35 milliards de barils par année. De toute évidence, nous n'avons pas encore atteint le sommet en matière de production pétrolière et gazière, et très peu d'analyses sérieuses indiquent que cela se produira dans un avenir prévisible.

Comme les réserves pétrolières et gazières sont abondantes et que la demande en la matière devrait demeurer forte à l'échelle mondiale, on va continuer de produire et de consommer du pétrole et du gaz à peu près au même rythme même si le Canada décide de ne pas exploiter ses propres ressources pétrolières et gazières. Qui plus est, si le Canada perd sa capacité concurrentielle au point de faire fuir les investisseurs, notre économie en souffrira sans même qu'il y ait réduction véritable des émissions de gaz à effet de serre. C'est le phénomène des fuites de carbone, comme on l'appelle généralement.

Compte tenu de ce phénomène, la comparaison pertinente doit se faire entre les émissions de l'industrie pétrolière au Canada et celles de nos concurrents. Dans le cas du gaz naturel liquéfié, il ne faut pas se demander à combien de mégatonnes se chiffrent annuellement les émissions de gaz à effet de serre, mais plutôt si c'est une source énergétique plus propre que les solutions de rechange. La même question se pose pour les sables bitumineux.

Il est important de souligner que cette réalité est prise en compte dans le cadre pancanadien. Dans ce contexte de concurrence sur le marché du carbone, on y reconnaît que l'on devrait s'attacher à réduire l'intensité des émissions provenant des produits pétroliers et gaziers du Canada. C'est donc un bon point pour notre capacité concurrentielle, mais je pense qu'il faut en faire davantage.

Les économistes ont gain de cause dans le débat sur le prix du carbone au Canada, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose compte tenu de la pertinence de leurs arguments. La tarification du carbone est en effet la façon la plus efficiente de réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada.

Je crois que nous avons su tirer des enseignements du virage vert, ce qui nous a incités à laisser les recettes aux provinces de telle sorte qu'elles puissent mettre au point des systèmes qui fonctionnent bien en tenant compte des considérations économiques et politiques qui les distinguent. Nous pouvons ainsi avoir un système de plafonnement et d'échange en Ontario et au Québec, ce qui permet de garantir une réduction des émissions à faible coût; et imposer par ailleurs une taxe sur le carbone en Alberta et en Colombie-Britannique pour que ces provinces puissent contribuer à la croissance de leurs industries énergivores. Il faut ensuite regarder de très près la façon dont on compte recycler les recettes, le cas échéant. Quoi qu'il en soit, j'estime que la portion du plan qui vise la tarification du carbone est bien structurée.

Voici le problème que pose la taxe sur le carbone à mon avis. Il y a de plus en plus d'incertitude pour les investisseurs au Canada. Il est devenu difficile d'établir l'emplacement des grands projets d'infrastructure dans ce pays, qu'il s'agisse de sables bitumineux, de pipelines, de gaz naturel liquéfié, d'énergie éolienne ou d'hydroélectricité. Nous venons tout juste de publier un rapport intitulé A Matter of Trust. Nous nous sommes intéressés de près à des projets réalisés dans six collectivités canadiennes : le pipeline Northern Gateway pour Kitimat et la Première Nation Haisla; un parc éolien au Québec; un site de fracturation au Nouveau-Brunswick; deux centrales au gaz, l'une approuvée et l'autre pas, en Ontario; une centrale hydroélectrique dans le Nord du Manitoba; et un réseau de transmission électrique en Alberta. Je pourrai y revenir plus en détail, mais il est bien clair qu'il va être de plus en plus difficile de choisir l'emplacement des infrastructures énergétiques de toutes sortes, et nous devons en être bien conscients.

Le processus réglementaire devient donc de plus en plus long, lourd et coûteux. Cette tendance ne va pas changer de sitôt si l'on considère les exigences croissantes pour ce qui est de la consultation des Premières Nations, des mesures d'accommodement qui leur sont offertes et de leur participation à titre de partenaires financiers; des retombées économiques pour les collectivités; et de la mobilisation des instances locales et de leur contribution à la prise de décisions.

Il est formidable que nous nous attaquions ainsi aux changements climatiques. Je crois que c'est important et que nous devons le faire, mais certains des problèmes sous-jacents mis au jour par les militants n'ont toujours pas été réglés, et la tâche s'annonce particulièrement ardue.

Même lorsqu'un projet est approuvé, rien ne garantit qu'il sera effectivement mené à terme. Il suffit de penser à Northern Gateway. Il n'est pas non plus impossible que les protestations, les actions directes et les poursuites entreprises fassent subir le même sort au projet du pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan.

Les investisseurs surveillent la situation de près et voient l'administration Trump promettre de réduire considérablement l'impôt des sociétés aux États-Unis tout en allégeant le fardeau réglementaire. Nous pouvons établir le parallèle avec le Canada. Notre analyse technique nous indique qu'il se pourrait fort bien que la taxe sur le carbone n'ait pas d'impact véritable, surtout compte tenu des moyens à notre disposition pour en recycler les recettes. Dans certains cas, le recours aux arguments techniques signifie toutefois que la bataille est déjà perdue. La situation est complexe et il est difficile pour les gens de bien saisir le point de vue des économistes.

Le débat public va se situer à un autre niveau, et nous devrons nous assurer de bien prendre en compte certaines réactions négatives qui gagnent en intensité. Ces réactions sont de plus en plus senties en Saskatchewan et en Alberta, et peut-être que c'est la même chose ailleurs au pays. Nous devons y porter une plus grande attention.

Je pense que nous avons établi un cadre efficace, surtout pour ce qui est du prix du carbone. J'ai davantage de doutes en ce qui a trait à certaines mesures complémentaires. Nous n'accordons pas suffisamment d'importance aux préoccupations liées à la capacité concurrentielle et aux coûts, des aspects que nous devons absolument garder à l'esprit dans nos efforts pour remplacer nos systèmes énergétiques en place par des solutions plus vertes.

Je vous remercie.

Le vice-président : Merci beaucoup. Nous passons aux questions des sénateurs.

Le sénateur Lang : Je vous remercie pour ces observations, mais je note que vous semblez dire une chose et son contraire. Vous nous indiquez, d'une part, qu'une taxe sur le carbone est peut-être la bonne solution, mais vous nous dites, d'autre part, que nous avons négligé de prendre en compte les répercussions internationales du point de vue de la capacité commerciale et de la performance économique globale du Canada, du fait que les investisseurs y pensent désormais à deux fois en se demandant s'il vaut la peine de placer leur argent chez nous.

Pour votre gouverne, j'ai discuté hier avec des gens qui s'y connaissent très bien en investissements dans mon coin de pays, le Yukon, et c'est exactement ce qu'ils m'ont dit. On se demande de plus en plus si des investisseurs étrangers sont prêts à injecter des capitaux au Canada.

J'arrive difficilement à comprendre comment votre organisation peut, d'une part, se dire d'accord avec la taxe sur le carbone mais, d'autre part, s'interroger au sujet des investissements étrangers et des répercussions économiques. Ne serait-il pas plus raisonnable de considérer d'entrée de jeu les incidences économiques pour prendre une décision, contrairement à ce qu'ont fait les premiers ministres en prenant d'abord une décision pour voir ensuite comment les choses vont tourner.

M. McLeod : Je vois bien ce que vous voulez dire. J'essaie simplement de faire valoir qu'il est possible de bien s'en tirer du point de vue des répercussions économiques, tout dépendant bien sûr de ce qui se fait au sein de chaque administration en matière de recyclage des recettes. Il y a des moyens d'y parvenir, mais il faut bien les choisir.

La taxe sur le carbone n'est pas le seul élément à considérer. Il y a tout le cadre réglementaire et le climat d'investissement dans son ensemble. Quand les investisseurs regardent la situation au Canada et voient à quel point la construction des infrastructures énergétiques peut être retardée par le fardeau réglementaire et la structure fiscale, ils ont tout lieu de s'inquiéter. Dans le cas particulier de la taxe sur le carbone, ces inquiétudes peuvent être atténuées.

Même si nous aimerions croire que tous les gens d'affaires et les investisseurs sont des acteurs économiques rationnels qui procèdent à une analyse approfondie des données pour bien savoir de quoi il en retourne, je vous dirais qu'il y a aussi une question de perception qui entre en jeu. C'est tout particulièrement le cas lorsqu'on met en opposition ce qui se passe ici et ce qui se passe aux États-Unis. On peut alors avoir l'impression que le climat d'investissement est bon d'un côté et mauvais de l'autre. La situation est d'autant plus complexe qu'elle peut varier d'une province ou d'un territoire à l'autre. D'un point de vue strictement technique, nous pouvons proposer des solutions qui vont être efficaces dans une perspective économique, mais nous devons aussi considérer les perceptions.

Le sénateur Lang : J'aimerais connaître le point de vue de votre organisation à la lumière de votre analyse des différents modèles possibles. Il s'agit de choisir entre une taxe sur le carbone, la solution qui vient d'être adoptée sous une forme ou une autre à la grandeur du pays, et l'approche sectorielle préconisée par le gouvernement précédent, où l'on procédait dans chaque cas à une évaluation pour déterminer dans quelle mesure on pouvait moderniser les équipements et les installations afin de tout au moins tendre vers une réduction des émissions. J'aimerais donc savoir quelle est votre préférence entre cette approche sectorielle qui permet à chaque industrie de proposer des solutions de rechange pour l'atteinte des objectifs visés, et une formule de taxe sur le carbone ou de plafonnement et d'échange. Nous pourrons d'ailleurs parler tout à l'heure du système de plafonnement et d'échange.

M. McLeod : Au sein de la fondation, nous estimons qu'il est plus logique de laisser jouer les forces du marché et qu'une taxe sur le carbone est la façon la plus efficiente de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Je pense que le gouvernement fédéral a très bien agi en laissant aux provinces les recettes de cette taxe, ce qui leur offre une certaine marge de manœuvre, dans les limites des paramètres établis, pour tenir compte des enjeux économiques et politiques qui leur sont particuliers.

Lorsque vient le temps de recycler les recettes, il y a un choix important à faire. Si vous optez pour une taxe sur le carbone n'ayant aucune incidence sur les revenus, vous marquez votre intention de passer rapidement à une économie à faibles émissions. Cela peut toutefois être difficile à avaler pour ceux qui investissent à long terme depuis un bon moment déjà, par exemple dans le secteur pétrolier et gazier en Alberta. C'est difficile pour ces gens-là qui ne vont pas récupérer tous leurs investissements si les recettes sont entièrement utilisées pour réduire l'impôt des sociétés ou celui des particuliers, ou une combinaison des deux.

Le gouvernement albertain a choisi d'essayer de faciliter les choses le plus possible à l'industrie pétrolière et gazière et aux autres secteurs énergivores tributaires du commerce. Il y a donc un choix à faire. Vous pouvez aussi conserver une partie des recettes pour les utiliser dans le cadre de différents programmes que vous jugez souhaitables. Nous préconisons une formule qui combinerait une absence d'incidence sur les revenus assortie de réductions d'impôt et des mesures visant à atténuer les répercussions pour les secteurs énergivores tributaires du commerce. Ceux qui se situent à l'extrémité inférieure du spectre des revenus pourraient également en bénéficier.

Le sénateur MacDonald : J'aimerais revenir au sujet abordé par le sénateur Lang. Notre économie est étroitement liée à celle des États-Unis. C'est d'ailleurs sans doute l'économie canadienne qui, dans tout le monde occidental, est celle qui a les liens les plus étroits avec l'économie américaine. Il n'y a pas de comparaison possible. Pas moins de 90 p. 100 de notre population vit à moins de 100 milles de la frontière américaine, et c'est sans doute le cas également de 90 p. 100 de notre productivité et de nos émissions de carbone.

Quel que soit le plan à court et à moyen terme établi par le présent gouvernement du Canada, il a été conçu en croyant que nous aurions affaire à une administration démocrate aux États-Unis. Non seulement l'administration américaine n'est-elle pas démocrate, mais elle va selon moi se distinguer par son approche musclée pour se débarrasser des retards dus à la réglementation. Je pense également qu'elle va tout mettre en œuvre pour ne pas en faire plus qu'il ne faut pour réduire ses émissions de carbone. Voilà autant d'éléments qui ont un impact sur l'économie canadienne, sans compter que l'on a indiqué très clairement que l'on allait réduire de 35 à 15 p. 100 l'impôt des sociétés aux États-Unis. Tout cela n'annonce rien de bon pour notre économie.

Ne croyez-vous pas que le gouvernement devrait prendre le temps de bien réfléchir pour se montrer réaliste dans ses plans pour la réduction des émissions de carbone en reconnaissant qu'il devrait y avoir pleine intégration à ce chapitre entre nos deux économies?

M. McLeod : Je conviens tout à fait avec vous que la situation n'est plus du tout la même aux États-Unis et que les hypothèses à la base de ce plan ont été formulées en pensant que nous aurions à composer avec une administration démocrate. Il est vrai également que l'administration Trump semble décidée à réduire l'impôt des sociétés et leur fardeau réglementaire dans une très large mesure. C'est donc effectivement une réalité qu'il faut s'assurer de bien prendre en considération.

Personnellement, je serais toutefois porté à m'intéresser davantage aux mesures complémentaires qu'à la taxe sur le carbone elle-même, car j'estime possible d'instaurer une telle taxe en utilisant les recettes qu'elle générera pour éviter les répercussions néfastes sur notre capacité concurrentielle. Il y a des choix difficiles à faire, et il y aura certes des gagnants et des perdants. Je suis toutefois essentiellement d'accord avec ce que vous avancez; je n'aurais pas pu mieux dire.

Le sénateur MacDonald : Il faut se demander si le nouveau régime de réduction du carbone va vraiment apporter quelque chose compte tenu des coûts importants qu'il va entraîner. L'économie américaine a 10 fois la taille de la nôtre, et leurs émissions sont 10 fois plus importantes. Nous partageons la même frontière, le même espace aérien et les mêmes cours d'eau, dans bien des cas. Je trouve simplement que le moment est très mal choisi pour que le gouvernement emprunte une telle avenue.

Nous venons juste d'apprendre que le Mexique a surpassé le Canada pour ce qui est de la valeur des échanges commerciaux avec les États-Unis. C'est une grande première. Il me semble que tous les indicateurs économiques nous sont défavorables et que nous devrions bien réfléchir à la façon dont nous allons nous y prendre.

M. McLeod : Je crois que c'est le cas tout particulièrement des mesures complémentaires prévues dans la stratégie annoncée la semaine dernière. On va dépenser beaucoup d'argent et mettre en place un grand nombre de règlements qui vont entraîner des coûts supplémentaires pour les Canadiens. Je pense qu'il est important que nous essayions de voir comment nous pouvons garantir que les projets pourront aller de l'avant sans qu'il faille une éternité pour franchir toutes les étapes, comme les évaluations environnementales et l'approbation de l'Office national de l'énergie. Il ne fait aucun doute que ces enjeux doivent être bien évalués.

Pour ce qui est de la taxe sur le carbone, il y a des décisions difficiles à prendre quant à l'utilisation que l'on fera des recettes. Je pense qu'il sera possible de bien se tirer d'affaire pour autant que l'administration à l'origine d'une telle taxe n'utilise pas les revenus qu'elle génère pour augmenter la taille de son gouvernement et dépenser à tort et à travers, mais qu'elle réinjecte plutôt ces sommes afin d'en atténuer les répercussions pour les entreprises et les particuliers.

Par ailleurs, si nous avons besoin d'expliquer ainsi les choses de façon aussi détaillée, voire d'en faire encore davantage, les investisseurs risquent fort de faire la sourde oreille, un problème que j'estime encore plus important. C'est ce que j'essayais de faire valoir tout à l'heure. Même si nous parvenons à bien expliquer nos justifications, il deviendra vraiment difficile, d'un point de vue politique et dans une perspective de marketing, de présenter le Canada comme un pays où il fait bon investir.

Le vice-président : J'ai oublié de vous signaler que la sénatrice Seidman s'est jointe à nous depuis un bon moment déjà. Je lui laisse la parole.

La sénatrice Seidman : Merci. Je suis désolée de mon léger retard. Nous avons eu des votes et il se passe différentes choses au Sénat.

Vous avez mentionné votre plus récente étude dont le rapport s'intitule A Matter of Trust. Le sous-titre indique qu'il est question du rôle des collectivités dans la prise de décisions en matière énergétique. Vous avez notamment essayé de déterminer dans quelle mesure les collectivités locales ont confiance dans les actions entreprises par les autorités publiques pour la mise en place d'une nouvelle infrastructure énergétique. C'est assurément l'une des questions les plus importantes auxquelles nous devons répondre. Pouvez-vous nous parler un peu de vos conclusions?

M. McLeod : Nous avons examiné la situation dans six collectivités. Nous ne savions pas trop ce que l'exercice allait donner, mais nous avons découvert différentes choses. Nous avons d'abord constaté que ce n'est pas nécessairement la question des changements climatiques qui préoccupe les collectivités. Ce sont plutôt les enjeux locaux. On s'intéresse à la protection du poisson ou des cours d'eau, ou encore à l'évaluation des besoins pour savoir si un réseau électrique est nécessaire. Les gens du milieu veulent pouvoir participer et avoir leur mot à dire dans le processus décisionnel. Nous avons aussi pu relever différents problèmes que l'on n'a jamais réussi à régler au bénéfice des Autochtones.

C'est extrêmement difficile d'obtenir le soutien de la population locale pour les projets d'infrastructure énergétique de toutes sortes — et notre étude visait vraiment tous les secteurs : éolien, gaz naturel, pipelines, électricité. Je pense que les gens ne voient plus du tout les choses du même œil. Ils ne sont plus disposés à laisser simplement leurs représentants élus prendre les décisions, un peu comme nous l'avons toujours fait. Ils veulent avoir un rôle à jouer. Cela complique considérablement les choses, surtout dans le cas d'une infrastructure linéaire que l'on souhaite mettre en place, comme une ligne électrique ou un pipeline.

Il y a de nombreux enseignements à tirer. Il faut d'abord savoir que le comment est tout aussi important que le quoi, qu'il s'agisse d'une éolienne ou d'un oléoduc. Comment mobiliser les gens? Il faut le faire en toute bonne foi. Si vous vous contentez d'un processus bidon pour prendre en bout de ligne la décision que vous entendiez prendre de toute manière, vous allez vous heurter à un mur. Nous avons donc pu faire différentes constatations. J'espère que cela peut vous être utile.

La sénatrice Seidman : Vous indiquez notamment dans votre résumé que vous avez pu conclure que l'information est importante, mais que le niveau d'éducation énergétique n'est pas vraiment problématique. Si je tiens à vous en parler, c'est que notre comité s'est intéressé sur une période de trois ans à cet aspect, et que bon nombre des témoins ont alors insisté sur son importance. Que voulez-vous dire exactement à ce sujet dans votre rapport?

M. McLeod : Nous avons découvert dans les six collectivités en question que les gens passaient beaucoup de temps à examiner tous les détails pour bien comprendre les enjeux. Ce n'était donc pas vraiment un problème d'éducation énergétique. Nous estimons que cette compréhension des enjeux est importante, mais nous avons pu constater que les gens du milieu sont très bien informés sur ces questions, et qu'ils multiplient les efforts pour se renseigner auprès de sources multiples. Nous n'avons pas jugé que c'était vraiment problématique, car ce qui compte surtout c'est l'information — qui la détient, qui la présente et comment elle est accessible. Notre sondage a d'ailleurs révélé que les gouvernements sont considérés comme la source d'information la plus crédible.

La sénatrice Griffin : Merci de votre exposé et de votre présence pour répondre à nos questions.

Vous dites qu'une taxe sur le carbone est la méthode la plus efficiente pour réduire nos émissions. Si vous deviez dresser une liste d'autres mécanismes économiques ou outils stratégiques pouvant faciliter la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone, quelles seraient les deux ou trois premières choses qui y figureraient?

M. McLeod : Je vous citerais en premier lieu un autre de nos rapports qui s'intitulait Power Up : The Hydro Option. Nous y traitions de la mise en place d'un réseau électrique intégré pour l'Ouest canadien, ce qui nécessiterait d'importants investissements initiaux surtout pour les lignes de transmission. Cependant, si on analyse le coût moyen actualisé de l'énergie provenant de toutes les sources renouvelables, on constate qu'il est à son plus bas dans le cas d'un projet hydroélectrique pour l'ensemble de sa durée de vie. C'est excellent du point de vue des émissions. C'est une source fiable d'énergie, un filet de sécurité en quelque sorte, et les coûts sont inférieurs. C'est donc assurément une possibilité à considérer.

J'ai indiqué que la tarification du carbone est le moyen le plus efficient de réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada, et je crois que c'est effectivement le cas, mais je pense tout de même qu'il faut prêter une oreille attentive à un argument soulevé par le premier ministre Wall. Il fait valoir qu'il ne faut pas s'intéresser uniquement aux émissions canadiennes. Je ne vais pas, comme certains le font, me servir des statistiques pour prétendre que nous pourrions très bien ne rien faire, mais il reste quand même que nous sommes responsables d'environ 2 p. 100 des émissions planétaires. Si nous voulons vraiment parvenir à nos fins en réduisant les émissions et en faisant en sorte que les températures mondiales ne risquent pas de s'établir à 2 degrés Celsius au-dessus de leur niveau de l'ère préindustrielle, il m'apparaît logique d'investir dans le développement d'outils technologiques et d'innovations qui pourraient servir ailleurs dans le monde.

Notre plan pour le carbone offre une certaine marge de manœuvre à l'intérieur des paramètres établis pour la tarification, mais je me demande pour quelles raisons nous ne pourrions pas permettre également aux provinces de devenir des laboratoires de la nation en contribuant à la recherche de solutions pour le véritable problème, celui des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle planétaire.

La sénatrice Griffin : Nous avons demandé à des témoins comment les choses allaient se passer avec l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration aux États-Unis, et au moins deux d'entre eux nous ont répondu que certains États américains, dont quelques-uns parmi les plus grands comme la Californie, sont si avancés dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone qu'ils vont refuser de revenir en arrière et plutôt poursuivre leur évolution. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. McLeod : Je crois que les administrations infranationales vont continuer à prendre des mesures pour réduire leurs émissions, tout comme nous le faisions au Canada au moment où le gouvernement fédéral était moins disposé à en faire autant, ou tout au moins pas de la même manière. Je pense qu'ils vont poursuivre leurs efforts.

Je ne me suis pas beaucoup penché sur la situation dans les différents États américains, car le tout a été géré pendant assez longtemps à l'échelle nationale. Je pense que des États comme la Californie vont continuer dans le même sens, bien qu'ils se heurtent à des difficultés avec le système de plafonnement et d'échange, les droits d'émission et les poursuites en la matière. Je dois vous dire que l'on n'a pas trouvé preneur pour tous les droits d'émission offerts lors des deux dernières ventes aux enchères. Les Américains ont donc certains problèmes à régler à l'interne.

Je n'ai jamais vraiment cru à la théorie voulant que les investissements gouvernementaux dans les technologies vertes permettent de créer des secteurs industriels qui seront porteurs pour notre avenir économique. Il demeure très possible que cela se produise compte tenu de la vitesse à laquelle la technologie évolue et de la grande incertitude qui règne quant à savoir ce que l'avenir nous réserve. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que ce soit au gouvernement qu'il incombe d'intervenir à ce niveau.

Je vous répondrais donc que je crois effectivement que certains États américains vont poursuivre leurs efforts à cette fin. Cependant, l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle administration aux États-Unis change complètement la donne sur la scène internationale.

Le sénateur MacDonald : On vous a demandé de vous prononcer sur des solutions et vous avez mentionné l'hydroélectricité dans l'ouest du pays. Est-il question de nouveaux projets hydroélectriques?

M. McLeod : Oui. Je parlais de l'hydroélectricité au Manitoba et de la possibilité que l'électricité produite par le barrage du site C soit transportée jusqu'en Alberta et en Saskatchewan.

Le sénateur MacDonald : À la lumière de votre évaluation, quelle serait la solution la meilleure ou la plus économique? Avez-vous fait la comparaison avec le nucléaire?

M. McLeod : Non. Notre analyse était fondée sur les évaluations faites par l'Institut canadien de recherche énergétique qui s'est intéressé aux projets de plus de 500 mégawatts. Selon l'évaluation de l'institut, la solution la plus abordable consiste à miser sur l'interconnexion existante entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, une option qui est mentionnée dans le cadre pancanadien.

Chose intéressante, l'hydroélectricité du Manitoba est moins chère que celle du site C, mais je pense que c'est surtout attribuable à l'incertitude qui règne sur les marchés de l'électricité en Colombie-Britannique et quant à l'avenir des projets de gaz naturel liquéfié. Dans ce contexte, il sera particulièrement difficile de trouver les fonds pour les investissements initiaux nécessaires, mais aussi de déterminer à quel endroit les nouvelles lignes doivent passer.

Le sénateur Mockler : Je tiens moi aussi, monsieur McLeod, à vous remercier de votre présence parmi nous.

Vous avez quelque peu piqué ma curiosité en indiquant que la Canada West Foundation devait aussi s'adresser aux Canadiens des autres régions du pays. Avez-vous été actifs dans l'est du Canada récemment?

M. McLeod : Ce projet dont je vous parlais a été réalisé en collaboration avec l'Université d'Ottawa. Nous avons étudié la fracturation au Nouveau-Brunswick, les éoliennes au Québec et les centrales au gaz approuvées ou non en Ontario. Nous essayons d'étendre quelque peu nos activités. Je voulais surtout dire que s'il est important que les gens de l'Ouest se parlent entre eux, nous devons aussi dialoguer plus souvent avec les Canadiens des régions centrales. Il faut que notre message soit entendu à plus grande échelle. Je ne parlais donc pas nécessairement de la réalisation de projets ailleurs au pays, mais bien de la nécessité de nous faire entendre à l'extérieur de l'Ouest canadien.

Le sénateur Mockler : Vos propos m'amènent à m'interroger sur ce que je pourrais faire si j'étais investisseur. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car cela peut influer sur la suite de nos travaux.

J'ai organisé récemment une table ronde. Je dois vous dire que lorsque je parle de l'est du Canada, je pense au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, à la Nouvelle-Écosse et aussi à Terre-Neuve. Lors de cette table ronde, quelqu'un m'a indiqué qu'une entreprise qui songe à investir — et je pense au pipeline Énergie Est — peut devoir engager des coûts allant de 750 millions de dollars jusqu'à 1 milliard de dollars simplement pour obtenir le feu vert. Ce sont les chiffres que l'on m'a donnés. Il faut également savoir que pour construire le même pipeline au Mexique, sur la même distance et exactement de la même taille, vous devrez débourser environ 10 millions de dollars pour obtenir un permis vous donnant le feu vert. Dans un tel contexte, comment pouvons-nous soutenir la concurrence?

M. McLeod : C'est une bonne question. Je ne suis pas vraiment au fait des coûts en jeu pour de tels projets, et je ne vais donc pas me prononcer à ce sujet. Vous voulez surtout savoir comment il nous est possible de demeurer concurrentiels alors que nous avons des coûts aussi élevés à engager. Comment pouvons-nous réduire ces coûts?

Je pense qu'il est peut-être encore plus important de considérer que l'obtention d'une telle approbation ne vous garantit pas que vous allez pouvoir réaliser votre projet. Comment pouvons-nous restructurer notre cadre réglementaire de telle sorte qu'une décision politique soit prise dès le départ. Peut-être que je ne devrais pas parler d'une décision politique, car j'ai lu récemment dans un rapport qu'il serait bon que l'on se débarrasse de ces décisions. Je crois que c'était un rapport du Sénat, mais il est possible que je me trompe. Quoi qu'il en soit, il faut qu'une décision soit prise au départ de telle sorte qu'un investisseur n'ait pas à dépenser des milliards de dollars pour obtenir une approbation sans pouvoir aller par la suite de l'avant avec son projet.

Je vois parfaitement où vous voulez en venir. Nous devons trouver le moyen de faire en sorte que ce processus ne tue pas des projets dans l'œuf parce qu'il est trop coûteux et trop complexe, d'autant plus que les choses sont appelées à se compliquer davantage, plutôt qu'à se simplifier.

Le sénateur Lang : Nous tuons déjà des projets dans l'œuf.

Le sénateur Mockler : Je veux parler d'acceptabilité sociale, un concept qui est essentiellement au cœur de ce qui a été annoncé. Sans l'acceptabilité sociale, aucun de ces projets ne pourra être mené à terme. Comment la Canada West Foundation définit-elle l'acceptabilité sociale?

M. McLeod : Comme je n'aime pas vraiment cette expression, j'essaie de ne pas la définir. Je parle plutôt de soutien de la population, ce qui n'est pas nécessairement plus facile à définir. Comment faire tout ce qu'il faut pour que les gens appuient votre projet?

Nous avions auparavant recours pour ce faire au processus électoral qui conférait à nos représentants élus la légitimité démocratique nécessaire pour prendre les décisions qui s'imposaient. Il y a assurément encore possibilité que ce leadership politique s'exerce, notamment lorsqu'il s'agit de s'assurer qu'un projet approuvé va pouvoir se réaliser. Sans cela, nous risquons des entorses à la légalité, un aspect à ne pas négliger si l'on veut assurer un bon climat d'investissement au Canada.

Je ne sais pas s'il est vraiment possible de définir l'acceptabilité sociale; il n'existe pas d'endroit où vous pouvez vous rendre pour recevoir un certificat indiquant que vous l'avez obtenue. Je pense toutefois qu'il faut trouver une solution aux obstacles qui peuvent entraver ce soutien populaire, des enjeux que l'on a fait valoir avec beaucoup d'efficacité, notamment pour ce qui est des préoccupations des Autochtones. Il faut trouver une façon d'y arriver; ce ne sera pas chose facile.

Je pense qu'une partie des problèmes liés au soutien des collectivités locales vient de cette perception que les dirigeants ne font que passer sur place; ils se présentent à l'audience et on ne les revoit plus par la suite. D'après ce que notre recherche a révélé, les gens du milieu ont l'impression que ces dirigeants ne connaissent rien de leur situation. Pouvons-nous restructurer le tout de manière à ce que les instances locales aient leur mot à dire dans la prise de décisions?

Le sénateur Mockler : Sur la scène politique, si le président Trump va de l'avant rapidement avec le pipeline Keystone, quelles seront d'après vous les répercussions sur le projet Énergie Est?

M. McLeod : Avec l'expansion de Trans Mountain qui représente 600 000 barils de plus, le prolongement de la canalisation 3 et le projet Keystone XL, nous aurons sans doute atteint toute la capacité nécessaire pour le transport par pipeline dans un avenir prévisible. L'impact serait donc que le projet Énergie Est deviendrait sans doute inutile.

Le vice-président : Ce n'est pas la réponse qu'il souhaitait entendre, mais poursuivons.

Je pense que vous avez soulevé un point important dans votre exposé en parlant de l'évaluation des émissions de gaz à effet de serre provenant des sables bitumineux en comparaison avec celle d'autres sources. Cette considération est d'autant plus importante du fait qu'il nous faut établir la distinction entre l'offre et la demande. Nous devons stimuler la demande, mais sans exclure l'offre, car la plus grande partie du pétrole est exportée, et le mode de comptabilisation fait en sorte que les émissions nous sont attribuées, alors que les bénéfices se retrouvent ailleurs. Vous essayez de trouver une solution à ce problème, et c'est excellent.

En nous présentant le premier graphique de votre document, vous avez indiqué que nous étions sur la bonne voie pour réduire nos émissions de carbone alors que nous visons un horizon fixé à 2030 et que les émissions projetées s'établissaient à 742 mégatonnes en date du 6 décembre 2016. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour y parvenir d'ici 2030, mais vous dites que nous sommes sur la bonne voie. Pourriez-vous m'aider à mieux comprendre?

M. McLeod : Vers la fin du document présentant le cadre pancanadien, il y a un graphique indiquant la façon dont nous allons parvenir à cet objectif en trois étapes. C'est dans ce sens-là que j'indique que nous sommes sur la bonne voie.

Ce graphique indiquant que les projections d'émissions se situent à 742 mégatonnes et que nous visons à les réduire sous la barre des 550 montre bien que nous avons un long chemin à parcourir. Cela ne fait aucun doute. Il faut savoir que le tout a été élaboré avant les cadres et les différentes mesures prises par ailleurs par le fédéral et les provinces. Je me réjouis d'ailleurs qu'il soit question ici de secteurs comme l'agriculture et les forêts où nous pourrons déterminer ce qui peut être fait et comment nous pouvons obtenir les crédits qui nous reviennent. C'est un long parcours qui nécessite des interventions sur bien des plans. Le tout n'ira pas sans difficultés, d'autant plus que certaines hypothèses peuvent sembler douteuses, mais cela demeure une façon raisonnable de faire les choses.

Le vice-président : Si j'en crois vos réponses aux sénateurs MacDonald et Lang, vous recommandez que les sommes obtenues par le gouvernement grâce à la tarification du carbone, peu importe la formule exacte retenue, soient utilisées en grande partie pour aider les industries qui risquent de perdre leur capacité concurrentielle en raison du fardeau qu'il leur incombe au Canada, par rapport à la situation aux États-Unis, et qu'une certaine partie des fonds soit retournée aux consommateurs en vue de stimuler l'économie. Est-ce bien ce que vous préconisez?

M. McLeod : Il est important de redonner une partie des recettes aux secteurs énergivores tributaires du commerce afin qu'ils ne soient pas trop défavorisés. Nous pouvons par exemple faire le nécessaire en prévoyant une fourchette générale de prix qui serait de 5 p. 100 supérieurs à la moyenne de nos concurrents, ce qui serait raisonnable. Nous devons trouver des moyens de nous assurer que ces industries ne sont pas désavantagées par rapport à la concurrence étrangère.

Le vice-président : Cela concerne le secteur des exportations énergivores. Nous pouvons apporter une aide à ce chapitre, mais qu'en est-il de tous ces produits que nous importons et qui proviennent dans certains cas de fournisseurs ayant des coûts moins élevés à assumer? Proposez-vous que ces produits soient assujettis à des tarifs?

M. McLeod : Je ne propose aucune mesure frontalière. Il est toujours difficile d'imposer des mesures semblables en respectant les règles de l'OIC. Mais comme notre monde est en pleine évolution, je ne dirais pas que c'est chose impossible.

Le vice-président : Monsieur McLeod, merci beaucoup pour votre contribution. Vous représentez une institution tout à fait crédible, très éclairée et qui a droit à tout notre respect. Nous nous réjouissons d'avoir pu bénéficier de votre expertise et de vos recommandations.

M. McLeod : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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