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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 20 - Témoignages du 2 février 2017


Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues, et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld. Je suis un sénateur de la Colombie-Britannique et je suis le président du comité.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont présents dans la salle et aux téléspectateurs de partout au pays qui regardent nos travaux à la télévision ou en ligne. Je rappelle à tous ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et sont aussi accessibles en ligne sur le site web nouvellement remanié du Sénat, sen.parl.gc.ca.

Vous pouvez aussi trouver en ligne tous les autres renseignements sur le comité, y compris les anciens rapports, les projets de loi étudiés et les listes des témoins.

Je vais maintenant demander aux sénateurs à la table de se présenter. Je vais commencer en présentant le vice- président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Bonjour.

La sénatrice Galvez : Sénatrice Galvez, du Québec.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Black : Douglas Black, de l'Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l'Ontario.

Le président : Je tiens aussi à présenter notre personnel, en commençant par la greffière Maxime Fortin, à ma gauche, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Chers collègues, je suis heureux de vous informer que l'honorable Catherine McKenna, ministre de l'Environnement et du Changement climatique, nous a invités à un événement non officiel, le mercredi 15 février, au soir, pour discuter de son portefeuille ministériel et des travaux de notre comité. Je vous demande de bien vouloir en prendre note dans votre agenda.

Maxime vous fera parvenir les renseignements détaillés et toute l'information pertinente par courriel. Je vous demande, s'il vous plaît, de bien vouloir lui confirmer votre présence aussi.

En mars 2016, le Sénat a demandé au comité d'entreprendre une étude approfondie des effets, des défis et des coûts associés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 en dessous des niveaux de 2005 d'ici 2030. C'est une entreprise énorme.

Dans le cadre de l'étude, notre comité a adopté une approche secteur par secteur. Nous allons étudier les cinq secteurs de l'économie canadienne qui sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre, c'est- à-dire l'électricité, les transports, le pétrole et le gaz, les industries touchées par les échanges et rejetant des grandes quantités d'émissions et les bâtiments.

Nous nous penchons actuellement sur les secteurs pétrolier et gazier. Nous en sommes aujourd'hui à la 31e réunion de notre étude actuelle. Dans le premier segment de notre réunion, je suis heureux d'accueillir Qi Liu, de l'Institute for Oil Sands Innovation. Nous avons hâte d'écouter votre exposé, et nous vous poserons ensuite des questions auxquelles vous pourrez répondre. Nous accueillons deux groupes de témoins ce matin, alors nous allons vous consacrer notre première heure, monsieur. La parole est à vous.

Qi Liu, directeur scientifique, Institute for Oil Sands Innovation : Bonjour, sénateur Neufeld, et bonjour honorables sénateurs et membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Comme vous venez de l'entendre, je m'appelle Qi Liu. Je suis directeur scientifique à l'Institute for Oil Sands Innovation de l'Université de l'Alberta.

Je vais commencer par vous fournir des renseignements contextuels au sujet de l'Institute for Oil Sands Innovation de l'Université de l'Alberta. L'acronyme de l'Institute for Oil Sands Innovation est IOSI. Il s'agit d'un partenariat université-industrie-gouvernement établi en 2005 grâce à un fonds de dotation de la Compagnie Pétrolière Impériale. La Compagnie Pétrolière Impériale fournit 2 millions de dollars en dotation chaque année. L'entreprise procède ainsi depuis 12 ans, et l'IOSI a donc accumulé jusqu'à présent 24 millions de dollars de fonds de dotation de la Compagnie Pétrolière Impériale et 8 millions de dollars de fonds de dotation du gouvernement albertain.

Les dépenses annuelles en recherche de l'IOSI sont environ de deux à trois millions de dollars, et l'argent vient principalement du fonds de dotation, de la contribution de contrepartie du gouvernement et de l'industrie, comme l'Alliance pour l'innovation dans les sables bitumineux du Canada.

Le mandat de l'IOSI est de mettre au point des technologies révolutionnaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des sables bitumineux ainsi que les répercussions sur l'environnement.

Passons à la page 3 pour jeter un œil sur les émissions de gaz à effet de serre du Canada et les cibles connexes. Comme le sénateur Neufeld l'a déjà expliqué, la courbe orange sur le tableau représente les quantités annuelles d'émissions de GES de 1990 à 2014. Vous constaterez une augmentation graduelle de la tendance, et on se situe actuellement à environ 732 mégatonnes par année. Il y a eu une légère diminution vers 2009, qui correspond au ralentissement de l'économie qui a eu lieu à cette époque.

Vous pouvez aussi voir le petit point orange au milieu du tableau qui représente la cible pour 2020. Le dernier point orange, au bout, à droite, celui qui est le plus bas, c'est la cible de 2030, comme le sénateur Neufeld l'a déjà expliqué. La cible est de 30 p. 100 en dessous du niveau d'émissions de 2005, ce qui équivaut à environ 550 mégatonnes par année.

De façon générale, si vous regardez la courbe et les deux points orange, les niveaux d'émissions semblent s'éloigner de la cible. La bonne nouvelle, c'est que même si on constate une augmentation des émissions de GES au fil des ans, il y a en fait une réduction des émissions de GES en fonction du PIB et par habitant.

Passons à la page 4. On y voit une diminution constante des émissions de gaz à effet de serre par unité de production du PIB au fil des ans, et surtout depuis l'année 2000, où on constate une diminution stable des émissions de gaz à effet de serre par habitant.

Passons à la page 5. Cette page présente une ventilation des niveaux d'émissions en 2014 en fonction des différents secteurs économiques, comme le sénateur Neufeld l'a aussi déjà expliqué. Vous pouvez voir, ici, la production de pétrole et de gaz. Nous nous situons à 192 mégatonnes, ce qui est environ 26 p. 100 des émissions générales pour cette année. La production d'électricité s'élève à 11 p. 100, les bâtiments, qui incluent le chauffage, l'éclairage et les appareils électroménagers, environ 12 p. 100, l'agriculture, 10 p. 100, et les transports, 23 p. 100. Ce sont tous des secteurs de l'économie qui sont essentiels à l'économie et au niveau de vie au Canada.

Évidemment, ce qu'on veut, ici, c'est de maintenir la consommation énergétique dans ces secteurs, sans cependant ces hauts niveaux d'émissions de gaz à effet de serre. La question consiste à savoir si c'est possible. On peut assurément réduire les émissions de gaz à effet de serre si on élimine l'utilisation de l'énergie, mais reste à savoir si c'est vraiment quelque chose que nous voulons faire.

Pour votre information, en 2014, la consommation énergétique totale au Canada était d'environ 10 millions de térajoules. En fait, on peut fournir cette quantité d'énergie en utilisant différentes sources énergétiques, mais, évidemment, celles-ci produisent des niveaux différents d'émissions de gaz à effet de serre.

Passons à la page 6, qui présente une ventilation de l'approvisionnement énergétique primaire total au Canada. J'ai seulement trouvé les chiffres pour 2013. Ce n'est pas 2014, mais je crois que les données sont assez bien corrélées avec la consommation énergétique et les émissions de gaz de 2014.

Si on examine le diagramme à secteurs, on constate que l'énergie provenant des sources renouvelables est inférieure à 20 p. 100, ou exactement 18,9 p. 100, et cette énergie provient majoritairement de la production hydroélectrique. Les sources non renouvelables représentent plus de 80 p. 100 de l'approvisionnement, et si nous nous en tenons à l'énergie provenant des combustibles fossiles, on obtient 72,3 p. 100. C'est environ les trois quarts de l'approvisionnement énergétique total. Les carburants fossiles étaient vraiment la principale source d'approvisionnement.

Passons à la page 7, qui présente les émissions de CO2 par gigawattheure de production d'électricité en tant que fonction des différentes sources énergétiques. La barre la plus haute, ici, c'est celle du charbon. J'ai inclus des colonnes pour le pétrole, le gaz naturel, y compris le gaz de schiste, la biomasse, l'énergie solaire et tout le reste.

On note une tendance à la baisse importante à mesure qu'on se déplace vers la droite. Tout dépend de la source énergétique utilisée. Ce qui serait souhaitable, ici, ce serait d'utiliser la source énergétique à la droite, parce qu'elle entraîne des émissions beaucoup plus basses.

Il faut donc se demander si c'est possible d'utiliser la source énergétique au bout, à droite, du tableau, plutôt que les sources vers la gauche. À la gauche, les types de combustibles fossiles, le pétrole et le gaz, sont actuellement la principale source de notre production énergétique, mais, malheureusement, ces carburants génèrent beaucoup de CO2.

Pour répondre à la question de savoir si on peut fournir toute l'énergie requise à l'aide des sources énergétiques qui se trouvent du côté droit du tableau, j'ai recensé les sources énergétiques des États-Unis. L'information est fournie par l'Energy Information Administration américaine. Cette organisation a publié ses données en 2015. Les données regroupent l'information de tous les générateurs d'électricité qui dépendent en fait des différentes sources d'énergie.

Le tableau à la page 8 est fondé sur la même séquence que les sources d'alimentation ou d'énergie du tableau de la page précédente. Les sources en tête de liste affichent les émissions de GES les plus élevées et, à mesure qu'on descend dans le tableau, les niveaux d'émissions diminuent. À partir d'environ le milieu du tableau, on commence à voir les sources renouvelables : le bois, la biomasse et l'énergie solaire.

Permettez-moi de passer certaines de ces sources en revue une par une. Prenons la biomasse, qui affiche une capacité moyenne de 3 mégawatts par générateur. On parle d'un générateur de très faible capacité. Pour ce qui est de l'énergie solaire, au milieu de la page, elle affiche une capacité moyenne de 8 mégawatts par générateur.

En fait, ces deux sources sont un peu trop faibles pour supporter les activités industrielles. Afin de soutenir des activités industrielles, il faut des générateurs produisant des dizaines de mégawatts. La biomasse et l'énergie solaire ne sont pas suffisantes pour supporter ces activités. De plus, comme nous le savons, l'énergie solaire est intermittente, et on a donc besoin de systèmes de stockage et de conversion énergétiques plus efficients afin d'utiliser l'énergie solaire.

L'énergie éolienne dépend elle aussi du vent et est donc intermittente. Pour utiliser l'énergie éolienne, il faut des dispositifs de stockage et de conversion de l'énergie.

L'hydroélectricité et la géothermie sont en fait bonnes, surtout si on peut compter sur elles. Tout dépend de la disponibilité. Si vous n'avez pas accès à ces types de sources énergétiques, vous êtes laissés pour compte.

Les carburants fossiles, qui se trouvent dans les quelques premières lignes du tableau, fournissent une capacité élevée et un approvisionnement énergétique stable. Actuellement, on ne peut pas les remplacer par les sources d'énergie renouvelable; peut-être à l'avenir, mais pas maintenant. Si on veut vraiment réduire les émissions de GES, on peut les remplacer actuellement par l'énergie nucléaire.

Passons à la page 9, qui présente les réserves d'énergie nucléaire dans le monde. Le Canada arrive en fait au quatrième rang des réserves d'uranium à l'échelle internationale. Non seulement ça, mais l'uranium produit au Canada est en fait assez économique. Il coûte seulement environ 40 $ US pour produire un kilogramme d'uranium. Si on examine le contenu énergétique d'un kilogramme d'uranium purifié — si on le purifie — c'est équivalent à environ 1 400 barils de pétrole.

Les émissions de CO2 découlant de la production énergétique nucléaire sont toutes extrêmement faibles comparativement à celles du gaz naturel. Pour produire un gigawattheure d'énergie grâce au nucléaire, on parle d'émissions de CO2 allant de 2 à 59 tonnes par gigawattheure, mais si on utilise le gaz naturel, on parle alors de 389 à 511 tonnes par gigawattheure. Cette source a un certain potentiel.

Il y a des problèmes liés à l'énergie nucléaire, comme nous le savons tous. C'est le même genre de situation rencontrée lorsqu'il est question des importantes émissions de gaz à effet de serre associées aux carburants fossiles.

Passons à la page 10. La position du Canada dans le monde du point de vue énergétique général est assez bonne. Nous arrivons au troisième rang en ce qui a trait aux réserves de carburant fossile et de pétrole brut dans le monde. Nous sommes quatrièmes en ce qui a trait aux réserves d'uranium, comme je l'ai dit tantôt. Nous sommes aussi au quatrième rang en ce qui a trait à l'hydroélectricité, et au septième, pour ce qui est de l'énergie éolienne.

Même si nous comptons une population relativement petite à l'échelle internationale, nous produisons en fait beaucoup d'énergie. Pour ce qui est de la production, comme vous pouvez le voir, ici, nous nous classons essentiellement parmi les 10 premiers dans le monde. En ce qui a trait aux exportations énergétiques, nous nous classons aussi très bien à l'échelle internationale.

Comme vous pouvez le voir, le Canada possède d'importantes ressources énergétiques, que ce soit les carburants fossiles, l'uranium ou l'hydroélectricité, et le Canada est un leader mondial en matière de production et d'exportation d'énergie.

Avant de conclure, je tiens à vous présenter un scénario hypothétique, que vous trouverez à la page 11. Imaginons que nous transformons tous les véhicules actuellement sur la route en véhicules électriques, comme la Tesla. J'essaie de vous donner une idée de ce à quoi cela ressemblerait.

L'année dernière, on a produit environ 180 millions de voitures à l'échelle internationale. Selon le Wall Street Journal, si on produisait un demi-million de voitures électriques, on épuiserait tous les approvisionnements de lithium du monde en un an. Au milieu de l'année dernière, Tesla a annoncé une augmentation de sa capacité de production afin que l'organisation puisse maintenant produire environ 100 000 voitures électriques par année.

Si nous réunissons toutes ces données, on constate que, si on voulait transformer tous les véhicules sur les routes en véhicules électriques, il faudra avoir accès à 360 fois la production actuelle de lithium dans le monde. C'est quasiment impossible. Il faudrait aussi environ 1 800 entreprises comme Tesla afin de posséder la capacité nécessaire pour produire autant de véhicules.

Prenons un peu de recul. Disons que nous pourrions le faire. Quel niveau de réduction des émissions de CO2 pourrait-on obtenir? Nous continuerions d'avoir besoin d'électricité pour les véhicules électriques. Tout dépend de la façon dont on produirait l'électricité. On pourrait réduire les émissions de moitié. Si on utilise encore le gaz naturel pour générer l'électricité, les véhicules électriques n'émettraient que la moitié du CO2 produit par les moteurs conventionnels à combustion interne, sauf si on utilise l'énergie nucléaire pour produire l'électricité, et dans ce cas-là, on pourrait réduire de beaucoup les émissions.

En tout, le secteur des transports est responsable d'environ 23 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Si tous les véhicules au Canada étaient des véhicules électriques, on pourrait réduire ce pourcentage. Si on utilise l'énergie nucléaire pour générer l'électricité, on pourrait réduire les émissions d'environ 23 p. 100. Si on utilise le gaz naturel, on parlerait alors d'une réduction d'environ 10 p. 100. Parlons en nombres absolus : l'argument, c'est qu'on ne pourrait pas atteindre la cible de 30 p. 100 de réduction.

Passons à la page 12. Premièrement, pour maintenir notre niveau de vie actuel et assurer notre place dans les grandes économies de ce monde, nous devrons utiliser les combustibles fossiles pendant encore de nombreuses décennies.

Deuxièmement, il faut investir dans l'ensemble des technologies énergétiques et utiliser chacune d'elles là où elle sera le plus utile pour aller de l'avant tout en réduisant les conséquences sur l'environnement et le climat.

Troisièmement, il ne faut pas tout jouer les moutons de Panurge. Il faut garder un esprit ouvert et faire ce qu'il faut aujourd'hui, demain et pour les prochaines décennies, de façon à façonner la réponse canadienne au moment de relever les défis liés à l'équilibre entre le climat et la prospérité.

Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Liu, de nous avoir présenté votre exposé. Vous avez très habilement réussi à nous convaincre — ou au moins à faire valoir l'idée — que nous n'avons pas le choix, que nous dépendons des carburants fossiles. Je crois que votre conclusion et votre exemple liés à Tesla est une bonne comparaison. C'est la partie facile. Nous avons un problème. Nous savons que nous avons un problème, mais quelle est la solution?

M. Liu : Depuis longtemps, selon moi, si je peux m'exprimer ainsi, nous devons compter sur les carburants fossiles pour mettre au point des sources renouvelables afin que, au bout du compte, nous puissions éliminer les carburants fossiles.

Le sénateur Massicotte : Prenez vos propres exemples. Vous avez parlé des énergies renouvelables; il faut dépendre soit du vent, soit du soleil. Et même là, la moitié de la terre serait couverte d'éoliennes ou de je ne sais quoi d'autre. Il y a des limites physiques à tout cela. Regardez ce que nous avons fait au cours des 15 à 20 dernières années. Un petit pourcentage de l'énergie vient de sources renouvelables. Ce n'est pas suffisant pour la production de base, ce n'est pas fiable, ce qui signifie qu'il faut un dédoublement des sources, ce qui accroît les coûts.

Croyez-vous vraiment que c'est la solution?

M. Liu : Oui. La raison pour laquelle je le crois, comme je l'ai déjà dit, c'est que les énergies solaires et éoliennes sont intermittentes. Si on veut que l'énergie générée par le vent ou le soleil soit intégrée dans le réseau, il faut des appareils de stockage et des convertisseurs pour y arriver. Actuellement, cette technologie est en encore en cours de développement.

On pourrait peut-être en fait réussir à mettre au point des dispositifs de stockage fiables et des dispositifs de conversion, principalement du courant alternatif au courant continu. On pourrait en fait construire ces éoliennes, pas dans les villes, mais ailleurs, comme dans une zone éloignée ou sauvage où le vent est très fort. On pourrait stocker l'énergie dans des dispositifs de stockage. On pourrait convertir l'énergie et l'intégrer dans nos réseaux. C'est possible.

Nous ne pouvons pas le faire maintenant, parce que l'énergie éolienne doit être produite près de là où elle est utilisée. C'est le problème actuellement.

C'est la même chose pour l'énergie solaire. Prenons l'énergie solaire totale qui arrive sur la terre actuellement. C'est la plus grande source énergétique que l'on peut imaginer. C'est encore plus que l'uranium et tous les carburants fossiles dont nous parlons. Le seul problème, c'est qu'il faut la capter, la stocker et l'utiliser. Actuellement, nous nous fions uniquement à des panneaux solaires qui sont situés très près de nous. Ils sont près de nos villes. On ne peut pas s'y fier. Si nous pouvions construire ces dispositifs plus loin, stocker l'énergie puis la transporter là où elle sera utilisée, ce serait là effectivement une possibilité. Il faut réaliser ces genres de recherche et ces types d'activités de développement.

Le sénateur Massicotte : Il y a deux choses. Il faut trouver une façon de transporter cette énergie sur de longues distances, ce qui, évidemment, est très coûteux, et il faut un produit capable de stocker d'immenses quantités d'énergie. Dans les deux cas, la technologie actuelle n'est pas à la hauteur. Est-ce que je me trompe?

M. Liu : Vous ne vous trompez pas, c'est un problème non seulement de stockage, mais aussi de conversion, comme je l'ai dit.

Le sénateur Massicotte : Nous devrions retenir notre souffle et espérer qu'un miracle se produise pour nous sauver.

M. Liu : Vous avez utilisé le bon mot. Nous espérons que c'est le cas, mais il y a des indications qui devraient aller dans la bonne direction.

Le sénateur Lang : Nous pourrions peut-être passer à la question des émissions en tant que telles. Une source majeure d'émissions de GES, du moins jusqu'à présent, ce sont les exploitations des sables bitumineux. Nul n'ignore que ceux qui s'opposent aux oléoducs veulent éliminer progressivement ou freiner l'exploitation des sables bitumineux. À en croire le discours politique, c'est un écran de fumée. Quiconque a regardé ce qui se passe constatera le fait qu'il y a d'autres intérêts en cause qui, peut-être, veulent aussi freiner ces activités.

Vous avez dit que le mandat de l'Institute for Oil Sands Innovation consiste à « développer des technologies révolutionnaires pour réduire les émissions de GES provenant des sables bitumineux et les répercussions sur l'environnement ». Le sénateur Black a indiqué hier ou avant-hier qu'il y a des découvertes imminentes dans le secteur des sables bitumineux et que les émissions de GES seront beaucoup freinées, voire neutralisées, grâce à de nouvelles technologies. Si je ne me trompe pas, c'est ce qui a été dit hier.

Vu vos connaissances, à l'Institute for Oil Sands Innovation, pouvez-vous nous dire où nous en sommes relativement à ces innovations? Pouvons-nous nous attendre à une réduction subséquente des émissions de GES, ce qui améliorera notre position pour compétitionner à l'échelle internationale?

M. Liu : Je serais heureux de le faire. Comme je l'ai indiqué, l'Institute for Oil Sands Innovation a été créé en 2005, soit il y a plus de 10 ans. À ce moment-là, la Compagnie Pétrolière Impériale nous a proposé un mandat : nous n'allons pas travailler sur l'extraction des sables bitumineux à l'aide de l'eau. Nous allons tenter de produire ou de générer une technologie de pointe faisable pour extraire le pétrole des sables sans utiliser d'eau, ce qu'on appelle une extraction en phase non aqueuse.

L'un des problèmes associés aux importantes émissions de gaz à effet de serre des sables bitumineux, c'est qu'il faut utiliser beaucoup d'eau chaude d'entrée de jeu. Grâce à des années d'amélioration, nous utilisons maintenant de l'eau tiède, mais elle reste tout de même à environ 50 degrés Celsius. Imaginez qu'on tire cette eau de la rivière Athabasca. Habituellement, durant l'hiver, l'eau est à environ 4 degrés Celsius, et il faut en augmenter la température à 50. C'est ce qui consomme le plus d'énergie dans le cadre des activités d'extraction des sables bitumineux.

Tous les autres problèmes associés, comme les émissions de GES élevées, découlent évidemment de l'énergie nécessaire. Le problème est lié à l'eau qui est emprisonnée dans les résidus et qu'on ne peut recycler. Ces entreprises consomment beaucoup d'eau, ce qui provoque une importante consommation énergétique. Ces problèmes sont tous interreliés.

Si on a une technologie qui permet de remplacer l'eau, il ne sera plus nécessaire de la chauffer. En d'autres mots, on réduira de façon importante les émissions de gaz à effet de serre. Au cours des 11 ou 12 dernières années, nous avons travaillé sur cette technologie. L'idée n'est pas nouvelle. Elle a été expérimentée il y a environ 30 ans, mais elle n'a jamais été utilisée en raison de deux problèmes. Un des problèmes, c'est que...

Premièrement, il reste au bout du compte du solvant organique dans les résidus, qui coûte plus cher que le bitume. C'est une question économique, mais cela cause aussi des problèmes environnementaux en raison du solvant qu'on laisse dans les résidus. Même s'il n'y a pas d'eau et que les résidus sont peut-être secs, on perd beaucoup de solvant, et cela a causé un problème environnemental.

Deuxièmement, la matière produite contient trop de déchets, comme de l'eau, des solides fins, et le produit ne peut pas être utilisé directement.

Ce sont les deux principaux problèmes que nous avons tenté de régler au cours d'environ les 10 dernières années. Nous y travaillons encore. Nous sommes très près de trouver une solution. Nous venons de recevoir 75 millions du gouvernement fédéral pour ce que nous appelons des recherches sur l'avenir de notre système énergétique. Les carburants fossiles continuent de faire partie d'un tel système énergétique futur, même si, comme je l'ai mentionné tantôt, nous utilisons ces carburants, mais l'objectif est, un jour, de mettre fin à cette pratique. Ce système énergétique futur de 75 millions de dollars misera principalement sur les énergies solaire, éolienne et géothermique ainsi que sur le pétrole lourd, c'est-à-dire les sables bitumineux.

C'est là où nous en sommes actuellement. Je crois vraiment que, une fois que nous aurons mis au point cette méthode d'extraction non aqueuse pour les sables bitumineux, nous pourrons réduire de beaucoup les émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur ce que vous venez de dire. Je ne comprends pas vraiment pourquoi vous consacrez des ressources financières et essayez de faire tout pour tout le monde, vu que votre priorité est les sables bitumineux. La vraie priorité, ce devrait être d'œuvrer au développement et d'en venir à une décision définitive en ce qui a trait à la conclusion scientifique touchant l'élimination des émissions de GES grâce à la technologie qui est appelée à être utilisée.

Plus on attend, plus il y a d'émissions et plus le discours politique persiste. Plus rapidement vous en venez à une conclusion — si vous réussissez — plus rapidement on pourra faire taire ce discours politique.

M. Liu : La raison pour laquelle on continue à miser sur les carburants fossiles, et plus précisément les sables bitumineux de l'Alberta, c'est que nous ne croyons pas que la technologie actuelle fait le travail. Il y a une meilleure façon de le faire tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Nous n'y sommes tout simplement pas encore. C'est la raison pour laquelle le jeu en vaut la chandelle.

J'ai répondu tantôt en disant qu'il semble que nous devions continuer à nous fier aux carburants fossiles. Alors que faut-il faire? Ce n'est pas comme si nous étions désespérés. Nous devons continuer à mettre l'accent sur les carburants fossiles pendant de nombreuses années. C'est la raison pour laquelle nous devons continuer à trouver une meilleure technologie permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Black : Je vous remercie de l'important travail que vous et votre institut faites, monsieur. Je veux poursuivre là où le sénateur Lang s'est arrêté. Comme il l'a mentionné dans son préambule, un groupe de personnes en Alberta m'ont dit la semaine dernière qu'ils croient que nous sommes très près — et j'imagine que, par « nous », c'est probablement de vous qu'elles parlaient — d'éliminer les émissions de GES de l'extraction du pétrole des sables bitumineux. Est-ce exact?

M. Liu : Je ne dirais pas « éliminer », parce qu'il y a toujours un danger. L'élimination signifie qu'il n'y en aurait plus du tout.

Le sénateur Black : C'est ce que ces personnes me disaient, on peut les éliminer complètement.

M. Liu : Comme vous l'avez dit plus tôt, sénateur Black, nous sommes peut-être l'un des groupes qui participent à cette discussion générale avec vous, mais je ne veux pas parler d'une élimination complète des émissions. Même on utilise un procédé non aqueux, comme je l'ai dit tantôt, on peut en venir à consommer très peu d'énergie pour réchauffer l'eau. Au bout du compte, il faut tout de même recouvrer le solvant. Pour recouvrer un solvant qui est habituellement très volatile et qui peut facilement s'évaporer, il faudra encore accroître la température, dans une certaine mesure, mais pas vraiment autant.

Le sénateur Black : Que diriez-vous au comité, monsieur? Si vos travaux sont couronnés de succès et que les travaux réalisés par d'autres intervenants du domaine des sables bitumineux le sont aussi, quel pourcentage d'émissions pourrait-on réduire et, selon vous, sur quelle période?

M. Liu : J'ai fait ce calcul, mais je ne me souviens plus du chiffre actuellement. Le calcul est le suivant : essentiellement, j'ai présumé que nous pouvions éliminer l'utilisation de l'eau, alors nous n'avons pas à réchauffer l'eau. Nous connaissons tous la capacité calorifique de l'eau et à quel point nous l'utilisons. Pour ce qui est de l'eau douce, il faut entre de quatre à cinq barils d'eau par baril de pétrole produit. On peut facilement calculer combien d'énergie il faut pour augmenter la température de cette eau de 4 degrés à environ 50 degrés et quelles seront les émissions de GES qui en résulteront. Nous pourrions en éliminer une grande quantité. Je ne me rappelle pas le nombre exact actuellement, mais j'ai déjà fait le calcul.

Le sénateur Black : On parle de 20? De 80? De quel ordre de grandeur parlez-vous?

M. Liu : Vous voulez dire 20 ou 80 p. 100?

Le sénateur Black : Oui, la réduction en pourcentage.

M. Liu : Ce serait plus près de 80 p. 100

Le sénateur Black : Oh, mon Dieu. Selon vous, à quel point êtes-vous prêt d'atteindre cet objectif?

M. Liu : Actuellement, les deux problèmes sont le recouvrement du solvant et les solides fins dans le produit final bitume/solvant. La question du recouvrement du solvant n'est plus vraiment problématique. Nous devons encore travailler sur l'assainissement du produit final.

En fait, nous sommes assez près de la cible que nous avions établie. Nous utiliserions le solvant pour extraire le bitume. Nous n'aurions pas à procéder à une valorisation. Nous pourrions simplement nettoyer le produit et l'envoyer directement à une raffinerie. On parle d'économies énergétiques importantes en ce qui a trait à la réduction des émissions de GES associée à la valorisation aussi parce que, pour ce faire, comme vous le savez, il faut chauffer le produit à 550 degrés Celsius. Nous éliminons cette étape-là aussi.

La sénatrice Seidman : Vu vos conclusions, j'aimerais poursuivre, si vous me le permettez, dans la même veine. Vous dites que nous allons continuer d'utiliser des carburants fossiles pour les décennies à venir. C'est intéressant que, dans votre exposé, vous n'ayez pas mentionné — et je vous ai peut-être vraiment mal compris — le captage et le stockage du carbone.

Cette semaine, nous avons entendu ce que des représentants de Global CCS Institute ont dit, et ils ont dit dans leur dernier rapport à la fin de novembre que le captage du carbone était à la croisée des chemins, que c'était essentiel, mais pas inévitable, et que les problèmes découlaient de l'absence de soutien stratégique gouvernemental adéquat dans de nombreux pays. Ils ont aussi parlé d'un certain nombre de défis économiques.

Puisque nous avons les sables bitumineux, et vu tout ce que vous avez dit, quel est exactement votre point de vue quant à l'approche à utiliser en matière de captage et de stockage du carbone et pourquoi cette question semble-t-elle problématique?

M. Liu : C'est un excellent point, sénatrice Seidman. C'est quelque chose que je n'ai pas mentionné. Nous avons dit tantôt qu'il fallait utiliser les carburants fossiles pendant encore des années et que cette utilisation produira des gaz à effet de serre. Vous avez soulevé un très bon point. On peut encore le faire, mais, d'ici là, on peut essayer de capter les émissions afin qu'elles ne se retrouvent pas dans l'atmosphère.

Je n'œuvre pas dans le domaine du captage et du stockage du carbone, mais je sais qu'il y a à cet égard un effort concerté. Et même pour ce qui est des 75 millions de dollars dont j'ai parlé, nous réalisons un important programme à cet égard. Nous pouvons continuer à utiliser des carburants fossiles pendant des décennies, comme je l'ai dit, mais, entre-temps, cela ne signifie pas qu'on se croise tout simplement les bras et qu'on laisse partir le CO2 dans l'atmosphère. Il faut essayer de le capter et de le stocker. C'est un excellent point, qui va dans le même sens que la question du recours aux carburants fossiles.

La sénatrice Seidman : Mais vous n'effectuez pas de travaux dans le domaine.

M. Liu : Je n'en fais pas moi-même personnellement, mais il y a un groupe de personnes qui s'en occupent à l'Université de l'Alberta. Même grâce aux derniers fonds fédéraux, cette grande initiative, nous avons un important groupe qui se penche sur la question du captage, du stockage, de l'utilisation et la conversion du carbone.

La sénatrice Seidman : Des travaux sont en cours. Cette perception erronée nous a été soulignée dans un exposé qui nous a été présenté au sujet du captage et du stockage du carbone. C'est une technologie non éprouvée, et il n'y a pas encore beaucoup d'occasions d'utiliser cette technologie. Savez-vous quelque chose à ce sujet?

M. Liu : Non. Comme je l'ai dit tantôt, je ne travaille pas dans le domaine du captage et du stockage du carbone. Je sais qu'il y a diverses opinions et divers commentaires. C'est la raison pour laquelle c'est davantage un domaine de R- D.

La sénatrice Griffin : Puisque nous faisons partie du gouvernement fédéral, j'ai des questions au sujet du rôle du gouvernement fédéral. Que pouvons-nous faire pour aider l'industrie à se diriger vers une économie à faibles émissions de carbone?

À la lumière de votre expérience et de vos recherches, devons-nous jouer un rôle de réglementation? Serait-ce utile que nous nous penchions sur cette question? Y a-t-il des instruments économiques ou une combinaison de toutes ces choses? Il est évident que nous avons accès à ces outils. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour aider l'industrie à se diriger vers une économie à faibles émissions de carbone? Selon vous, quelles sont les deux principales choses que nous devons faire?

M. Liu : Mon opinion personnelle, en fait, c'est que, actuellement, le gouvernement fait la bonne chose à deux égards : il y a ce que vous avez déjà mentionné, les mesures réglementaires, et l'autre chose, c'est de soutenir et de financer des recherches pour permettre la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Je crois que ce sont les deux choses que le gouvernement fait et fait bien.

J'ai indiqué dans ma conclusion finale que nous devons garder l'esprit ouvert. Nous ne devrions pas céder à la tendance à la mode et jouer les moutons de Panurge. Si, au bout du compte, ce sera préjudiciable pour nous de différentes façons, eh bien, dans ce cas, nous devrions y réfléchir à deux fois. Même dans le cadre de l'audience actuelle, le gouvernement fait la bonne chose. Vous entendez des opinions différentes sur les bonnes façons d'aller de l'avant. Espérons que cela sera favorable au processus réglementaire.

D'un autre côté, comme je l'ai indiqué, le gouvernement soutient les activités de recherche et de développement associées à une économie à faibles émissions de carbone. C'est quelque chose qu'il fait constamment. J'ai mentionné souvent l'important financement fédéral versé à l'Université de l'Alberta, parce que nous l'avons vraiment apprécié. C'est quelque chose qui aide assurément beaucoup.

Le sénateur Meredith : Je félicite votre institut pour le travail que vous faites afin de réduire les émissions de GES. À la page 4 de votre exposé, il est écrit : « On remarque aussi une diminution des émissions de GES par habitant depuis 2000 ». Il est aussi écrit : « Malgré la hausse globale des émissions de GES, on constate une diminution constante des émissions de GES en fonction du PIB ».

Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ces deux énoncés? Est-ce en raison des technologies utilisées? De quelle façon pouvons-nous nous assurer de poursuivre sur cette lancée?

M. Liu : Ce n'est évidemment pas un tableau que j'ai préparé moi-même. Comme vous pouvez le voir, c'est en fait tiré d'un rapport des Nations Unies. Si vous vous reportez à la page 3, il y a en fait une diminution des émissions de GES après 2006 ou 2007. J'ai déjà expliqué que cette diminution a été causée par le ralentissement économique à l'époque. C'est la raison pour laquelle les niveaux de production étaient inférieurs ou plus bas. C'est ce qui provoque la réduction des niveaux d'émissions. C'est en fait l'unique raison qui explique cette réduction, mais, j'imagine que la réduction générale qu'on voit ici découle d'une efficience énergétique accrue et de l'utilisation de moins d'énergie de façon générale dans le cadre de nombreux processus. C'est ce que je comprends du rapport présenté aux Nations Unies.

J'ai autre chose à dire au sujet de la diminution en 2009. Si on réduit les émissions de gaz à effet de serre alors qu'on dépend des sources d'approvisionnement d'énergie actuelles, cela sera défavorable pour l'économie. Essentiellement, c'est ce que le graphique nous apprend.

Le sénateur Meredith : J'ai une question complémentaire aux questions que la sénatrice Griffin vous a posées. Vous avez mentionné dans votre conclusion qu'il ne faut pas jouer les moutons de Panurge, qu'il faut garder un esprit ouvert et qu'il faut faire les bonnes choses dès aujourd'hui.

Elle vous a posé une question au sujet des deux choses que font les gouvernements. Pouvez-vous nous expliquer de façon plus détaillée quelles sont les autres choses que l'industrie pourrait faire et ce que nous devrions faire, en tant que pays, en ce qui a trait à ces cibles? La sénatrice Seidman a aussi mentionné le fait que nous avons entendu dire cette semaine que nous n'y sommes pas encore. Les recherches se poursuivent.

Ma crainte, c'est que nous continuons à établir des cibles que nous devons atteindre. Le sénateur Black est aussi préoccupé par cette situation. Cependant, nous constatons que les technologies sont mises au point et qu'il est quasiment impossible pour nous d'atteindre ces cibles. Quelle est la responsabilité du gouvernement afin de vraiment sensibiliser le public en ce qui a trait aux annonces à l'échelle internationale et tout ce que cela sous-entend? Devrions- nous nous assurer que nous faisons vraiment ce qu'il faut et dire qu'il faudra un certain temps pour y arriver sans prendre des engagements trop ambitieux et ne pas les respecter? Pouvez-vous nous fournir une explication en ce qui concerne les politiques qu'il faut vraiment mettre en place vu les données statistiques accessibles?

M. Liu : C'est un très bon point. D'une certaine façon, vous l'avez déjà très bien dit. Lorsque nous établissons une cible, il faut être réaliste. Cela fait partie du fait de garder un esprit ouvert et de ne pas jouer les moutons de Panurge. Nous ne pouvons pas tout faire d'un coup simplement parce que quelqu'un d'autre a dit qu'il faut couper les émissions de je ne sais quel pourcentage et que nous voulons faire la même chose.

Il faut réaliser des analyses détaillées comme celles que nous faisons actuellement. Il faut réfléchir à la possibilité d'atteindre l'objectif établi, parce que l'un des problèmes, c'est que nous pourrions établir une cible que nous ne pourrions pas atteindre. Puis, on établit une autre cible et on ne l'atteint pas non plus. On répète ce processus deux ou trois fois et, au bout du compte, ces cibles ne veulent plus rien dire.

Il faut être réaliste. En fait, c'est ce qui rend la cible plus significative et atteignable. En fait, c'est plus sensé d'agir ainsi. Tout le monde a alors une cible concrète qu'il tente d'atteindre.

Je regarde l'avenir, et je crois fermement que, au bout du compte, nous arrêterons d'utiliser les carburants fossiles. Nous allons peut-être utiliser des sources d'énergie renouvelable, comme la géothermie, le vent, le soleil, le bois et toute cette biomasse, mais pas exactement de la même manière que nous le faisons actuellement. Nous avons besoin de meilleurs dispositifs de conversion d'énergie, de meilleurs dispositifs de stockage d'énergie et des réseaux plus intelligents pour transporter l'électricité. Nous avons besoin d'une meilleure efficience énergétique. Nous devrions utiliser moins d'énergie que nous n'en utilisons actuellement.

Malheureusement, certaines des activités de cette industrie sont énergivores. Les villes sont énergivores, alors il faut pouvoir se fier à une capacité plus élevée qui est au moins suffisante pour répondre aux besoins. Sinon, on n'y arrivera pas.

La sénatrice Galvez : Je suis d'accord avec la plupart des choses que vous avez dites, et vous avez les chiffres pour le prouver. C'est vrai qu'il y a une période de transition. Nous allons devoir continuer à utiliser des carburants fossiles. Vous dites que nous utilisons de l'énergie propre parce que nous devons chauffer l'eau pour extraire le pétrole. Vous avez dit que nous allons devoir utiliser d'autres types d'énergie : l'énergie solaire, éolienne, hydrothermique et géothermique. Vous avez dit aussi que vous n'œuvrez pas dans le domaine du captage du carbone.

Nous exportons des matières brutes. Nous ne nous occupons pas du raffinage. J'ai participé à une conférence où des gens ont dit que nous allions être gagnants d'un point de vue économique si nous raffinions notre production plus près des sites d'extraction. Cela permettrait d'éviter certaines des répercussions environnementales des coûts, parce que le produit sera moins dilué et qu'il faut le diluer pour le transporter. Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet?

M. Liu : C'est un excellent point. Lorsqu'on exporte de la matière brute, ou même un produit à demi fini, il y a moins de gain d'un point de vue économique. C'est toujours le cas.

Actuellement, nous ne raffinons pas tout notre pétrole brut. Disons-le ainsi. Ce n'est pas comme si nous n'avions pas de raffineries au Canada, mais nous ne raffinons pas tout. Nous exportons certains produits intermédiaires. C'est en fait l'une des choses que nous tentons d'améliorer.

Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque nous travaillons sur le processus d'extraction non aqueux, l'idée n'est pas seulement de remplacer l'eau par du solvant afin de réduire les émissions de GES : il s'agit aussi de réussir à nettoyer le produit afin que nous puissions l'envoyer directement aux raffineries, sans passer par des étapes intermédiaires comme le nettoyage, puis la valorisation. De cette façon, possiblement, cela pourrait mener à la mise sur pied d'opérations de raffinage directement sur place.

Des installations de raffinage exigent d'importants investissements, disons-le comme cela. Lorsque l'entreprise veut construire une raffinerie quelque part, elle doit faire bien attention. Ce n'est pas facile à mettre sur pied. C'est un processus à très grande échelle, et ce n'est pas quelque chose que je peux commenter facilement. Même si je vous en parlais, je ne crois pas que je pourrais vous convaincre, parce que je ne suis pas vraiment dans une position qui me permette de prendre une décision au sujet de la construction d'une raffinerie en Alberta ou quelque chose du genre.

Le sénateur Wetston : J'ai une question précise à poser. Croyez-vous que la cible de 2030 est atteignable? Si vous avez déjà répondu à cette question, je vais passer à une autre question.

M. Liu : Il nous reste 12 ou 13 ans. Si nous commençons à développer la production d'énergie nucléaire immédiatement, c'est possible.

Le sénateur Wetston : Est-ce que, selon vous, l'énergie nucléaire est la seule façon d'y arriver?

M. Liu : Vu le niveau de développement technologique actuel, si nous voulons y arriver tout en maintenant notre niveau de vie et notre économie actuels, ou encore le faire croître et même le développer, d'après moi, ce serait la chose à faire.

Le sénateur Wetston : Vous mettez beaucoup l'accent sur les choses en amont. J'aimerais vous poser une question sur la situation en aval pour un instant et au sujet des utilisateurs d'électricité ou d'énergie. Du côté de la demande, il se passe beaucoup de choses en ce qui a trait aux nouvelles technologies et aux sources de production, que ce soit au niveau des microréseaux ou au niveau de la microproduction. Par exemple, les systèmes de conservation de l'énergie et de gestion de l'énergie présentent maintenant un grand intérêt pour les entreprises de services publics. Selon vous, en quoi le côté de la demande peut-il influer sur vos points de vue en ce qui a trait à la réduction des émissions de GES?

M. Liu : De façon générale, dans le secteur de l'énergie, le côté de la production et le côté de la consommation doivent travailler de pair. Une bonne partie des enjeux font intervenir les deux côtés, mais la raison pour laquelle je le dis, c'est parce que certains secteurs utilisateurs peuvent en fait utiliser davantage ou presque uniquement des sources d'énergie renouvelable, tandis que d'autres, du moins actuellement, ne peuvent pas le faire.

Par exemple, prenons le chauffage, l'éclairage et les appareils électroménagers dans les bâtiments résidentiels et commerciaux. Dans ces cas-là, on peut presque exclusivement utiliser des sources renouvelables comme le vent et le soleil. Lorsqu'on parle d'opérations industrielles, comme l'assemblage d'automobiles, on ne peut pas se fier uniquement à des sources renouvelables à l'heure actuelle.

Je ne dis pas qu'on ne peut pas se fier aux ressources renouvelables. Je précise que je parle de la situation actuelle. Si on met au point de meilleures technologies plus tard, on pourrait y arriver, mais, actuellement, une bonne partie de ces opérations industrielles sont énergivores. Elles ont en fait besoin de grands générateurs de mégawattheures parce que, sinon, elles ne peuvent pas faire avancer les choses. Elles ne peuvent pas le faire.

Dans les secteurs utilisateurs, sénateur Wetston, il y a beaucoup de développement. Certains des secteurs utilisateurs peuvent utiliser presque uniquement des sources d'énergie renouvelable, mais d'autres ne peuvent pas le faire actuellement.

Le sénateur Patterson : Merci de votre excellent aperçu. D'autres ont déjà posé la plupart des questions, mais j'aimerais vous demander de nous en dire plus, s'il vous plaît, sur le processus non aqueux que vous semblez juger très prometteur et à un stade très avancé. Comment ce processus fonctionne-t-il réellement?

M. Liu : J'ai déjà expliqué que l'extraction non aqueuse est prometteuse, essentiellement parce qu'on peut le faire sans avoir à chauffer l'eau. On peut le faire à la température de la pièce. La raison pour laquelle les producteurs doivent utiliser une température d'eau élevée, c'est pour réduire la viscosité du bitume, un pétrole brut très lourd qui colle à tout. La méthode non aqueuse utilise un solvant qui, essentiellement, dilue le bitume afin que sa viscosité puisse être réduite sans qu'on doive en accroître la température.

Déjà là, on économise beaucoup d'énergie, parce que sans eau, on se retrouve au final avec des résidus secs. On ne se retrouve pas avec un bassin de 170 kilomètres carrés rempli de résidus qui poireautent et attirent l'attention de tout le monde. On se retrouverait essentiellement avec des résidus secs qu'on peut mettre en tas, qu'on peut mettre à un endroit et commencer à recycler immédiatement. C'est, en fait, le deuxième avantage.

Le troisième avantage, je l'ai déjà expliqué. Nous voulons nettoyer ce produit bitume-solvant, en retirer tous les solides fins, l'eau et tout le reste, afin de pouvoir envoyer la production directement à une raffinerie en éliminant l'étape intermédiaire de la valorisation.

Le sénateur Patterson : Et d'où vient le solvant?

M. Liu : Évidemment, au départ, il faut acheter le solvant, mais ce peut être un produit de raffinerie tiré du bitume lui-même. Nous n'allons pas toujours utiliser du nouveau solvant, parce que le solvant doit être recyclé, tout comme l'eau que nous utilisons actuellement. On ne peut pas toujours mettre du solvant frais. Une fois qu'on a le produit contenant du bitume et du solvant, on peut retirer le solvant, le recycler et le réintégrer dans le circuit d'extraction.

Le sénateur Patterson : C'est un solvant hydrocarburé?

M. Liu : C'est un solvant hydrocarburé, du moins ceux que nous mettons à l'essai actuellement. Nous avons essayé des solvants de nature d'origine plus biologique, mais ils ne fonctionnaient pas aussi bien.

Le président : Nous arrivons bientôt à la fin, et nous avons un autre témoin, alors je vais vous demander de chacun poser une question rapide durant la deuxième série. J'aimerais aussi que les réponses soient courtes, s'il vous plaît.

Le sénateur Lang : J'aimerais donner suite à la question du sénateur Wetston en ce qui a trait à l'atteinte de la cible établie dans l'Accord de Paris. Vous avez dit qu'on peut seulement atteindre cette cible si on développe le secteur nucléaire. À ma connaissance, on ne développe actuellement pas le secteur nucléaire en ce moment, et vous pouvez donc peut-être formuler des commentaires sur notre capacité d'atteindre les cibles établies dans l'Accord de Paris sans de tels nouveaux progrès dans le domaine nucléaire.

M. Liu : Premièrement, la possibilité d'atteindre la cible en utilisant l'énergie nucléaire est mon opinion personnelle. Je dois le dire, parce que cela ne représente pas l'opinion de l'Institute for Oil Sands Innovation ni celle de l'Université de l'Alberta. C'est mon opinion toute personnelle.

Comme vous l'avez souligné, sénateur Lang, s'il n'y a pas de nouveaux progrès dans le domaine de l'énergie nucléaire, je ne vois vraiment pas de quelle façon nous pourrions atteindre la cible sans nous tirer dans le pied.

Le sénateur Black : À qui appartiennent les brevets liés aux travaux que vous faites? Si vous réussissez, est-ce que quelqu'un fera une fortune?

M. Liu : La propriété intellectuelle que généreraient les résultats appartiendrait à l'Université de l'Alberta, conformément à l'accord initial entre la Compagnie Pétrolière Impériale et l'Université de l'Alberta. La Compagnie Pétrolière Impériale a l'ensemble des droits d'usage sur toute la PI générée là. Les brevets sont surtout déposés par la Compagnie Pétrolière Impériale.

Le sénateur Meredith : En ce qui a trait à la responsabilité du gouvernement et de votre institut au chapitre de la collaboration, vous avez parlé des cibles et du fait qu'on ne pourra pas les atteindre sans progrès dans le secteur nucléaire. Nous en avons déjà parlé. Est-ce que vous vous affairez vraiment à trouver une solution?

M. Liu : Je crois l'avoir mentionné tantôt. Non seulement nous allons un jour atteindre cette cible — nous allons peut-être même aller plus loin —, mais pas d'ici 2030. C'est mon opinion.

Le président : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre exposé, monsieur Liu. J'aimerais formuler un seul commentaire relativement à ce que vous avez dit, soit que la réponse se trouve dans le domaine nucléaire.

Je vais effectuer des recherches, mais nous avons bénéficié du témoignage de personnes qui travaillent en fait dans le domaine de l'énergie nucléaire. Il faudrait probablement un minimum de 10 ans ne serait-ce que pour définir un emplacement, et on ne parle même pas encore là de le construire et de construite toutes les autres installations connexes. Il faut transporter l'électricité. À mon avis, 2030 arrivera un peu plus rapidement que ça. C'est mon opinion personnelle à la lumière des témoignages que nous avons entendus des intervenants de l'industrie.

Bienvenue à la deuxième portion de la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Pour ce deuxième segment, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Steve MacDonald, chef de la direction de Emissions Reduction Alberta.

Monsieur, la parole est à vous. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.

Steve MacDonald, chef de la direction, Emissions Reduction Alberta : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis vraiment honoré d'être ici aujourd'hui. J'ai cru bon de commencer en vous fournissant rapidement quelques renseignements au sujet de Emissions Reduction Alberta.

Notre nouvelle image de marque a été lancée en octobre dernier. Nous étions précédemment connus sous le nom de Climate Change and Emissions Management Corporation. Notre organisation a été créée en 2009 dans le cadre de la stratégie générale de l'Alberta sur les changements climatiques. Notre nouveau nom, ERA pour faire court, reflète clairement notre mandat, soit de cerner et de promouvoir les technologies novatrices permettant à l'Alberta de réussir sa transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Dans le cadre de nos travaux, nous suscitons des investissements et accroissons les possibilités économiques, soutenons les efforts pour accroître l'accès au marché aux produits et services albertains et tentons d'obtenir de meilleurs résultats sur le plan de l'environnement.

ERA reçoit des subventions du gouvernement albertain, ce qui nous permet de réaliser notre mandat. Notre financement vient du Fonds pour la gestion des émissions et du changement climatique, un fonds auquel les grands émetteurs finaux peuvent choisir de contribuer en tant qu'option pour se conformer à leurs cibles de réduction des émissions au titre de la réglementation albertaine précise visant les émetteurs de gaz. C'est un modèle novateur, en vertu duquel les fonds recueillis auprès des grands émetteurs sont utilisés pour promouvoir des technologies qui favoriseront la transition à une économie à faibles émissions de carbone.

Depuis 2009, ERA a fourni plus de 310 millions de dollars en financement à plus de 100 projets. Notre portefeuille reflète les priorités du plan de leadership de l'Alberta en matière de climat et inclut des projets visant à décarboniser l'approvisionnement électrique de l'Alberta, à tirer profit de nos ressources biologiques pour transformer notre système énergétique et à s'attaquer aux émissions de GES découlant des carburants fossiles et des processus industriels.

Nous investissons dans des projets affichant différents niveaux de maturité technologique, mais, historiquement, nous avons mis l'accent sur des projets de démonstration et de déploiement.

On estime que les projets permettront de réduire les émissions de GES de plus de 7 mégatonnes d'ici 2020.

Nous misons sur un système de financement de contrepartie. Pour chaque dollar que nous investissons dans des projets, six autres dollars doivent être investis par l'industrie, les innovateurs et les partenaires de projet.

De plus, à la lumière d'une étude réalisée en 2015 par le Conference Board du Canada, l'impact économique total d'ERA et des investissements connexes de 2011 à 2016 s'élèvera à plus de 2,4 milliards de dollars, environ 15 000 années-personnes d'emploi à temps plein ayant été générées durant la même période.

Notre intérêt consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à éliminer les obstacles et à communiquer les connaissances acquises afin d'accélérer la mise au point des technologies dont nous avons besoin.

En tant qu'organisation indépendante, nous sommes aussi bien placés pour composer avec l'une des réalités difficiles de l'innovation : l'échec, un résultat que les gouvernements sont habituellement moins disposés à accepter, mais notre processus de diligence raisonnable transparent et rigoureux est conçu afin de réduire au minimum ce risque.

J'ai trois principaux messages à vous transmettre aujourd'hui. Premièrement, répondre à la demande énergétique croissante du monde tout en réduisant les émissions de GES exige des technologies transformatrices. Des améliorations incrémentielles nous permettant de mieux faire la même chose sont essentielles, mais, à elles seules, elles ne nous mèneront pas à bon port.

Deuxièmement, nous devons combler l'écart entre le gouvernement, l'industrie et les innovateurs, en harmonisant nos efforts en fonction de résultats communs ciblés.

Troisièmement, le Canada a un grand potentiel d'être un leader pour accélérer la mise en place des technologies transformatrices. Afin de réussir, nous devons mettre au point des solutions complètes pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés.

En passant à l'action dans ces trois domaines, nous pourrons aller de l'avant de façon durable, abordable, efficiente, équitable et réalisable.

L'une des questions sur lesquelles se penche le comité, c'est celle de savoir quelle est la façon la plus viable permettant aux différents secteurs de contribuer à une économie à faibles émissions de carbone et d'atteindre les cibles du Canada en matière de réduction des émissions. Des collègues pour qui j'ai beaucoup d'estime, y compris la présidente-directrice générale de TDDC, Leah Lawrence, le vice-président d'Alberta Innovates, John Zhou, et Eddy Isaacs, de l'Alberta, ont déjà témoigné ici sur le besoin de miser sur les technologies transformatrices. Leah, John et Eddy possèdent tous une immense expertise. Je suis du même avis qu'eux. Le processus de transition vers une économie à faibles émissions de carbone passe par les technologies transformatrices.

Des technologies commerciales accessibles aujourd'hui peuvent contribuer à réduire les émissions de GES à court terme. Il y a des technologies éprouvées qui ont besoin d'un soutien financier pour être commercialisées. Ce sont de bonnes nouvelles, mais, à elles seules, ces technologies ne permettront pas d'atteindre les cibles très ambitieuses de réductions de GES requises pour respecter l'engagement établi dans l'Accord de Paris. L'atteinte de ces types de réductions exige des solutions qui changeront la donne. Cela exige des investissements très risqués, mais qui peuvent être très fructueux.

Comme vous l'avez entendu de la part de beaucoup d'autres intervenants, il n'y a pas de solution miracle. Il n'y a pas une seule technologie qui permettra à l'Alberta, au Canada et au monde, en fait, d'atteindre les cibles en matière de lutte aux changements climatiques. Nous avons besoin de multiples solutions dans de multiples secteurs, et nous avons besoin que de multiples intervenants travaillent en collaboration afin de réussir.

Nous devons travailler de façon plus efficace pour assurer une harmonisation souple et facile entre toutes les organisations dans l'écosystème de l'innovation. Nous devons créer une chaîne de solutions technologiques de niveau mondial.

Ce ne sera pas facile. Nous avons besoin de résultats stratégiques clairs et ciblés afin que tous nos efforts soient harmonisés. Nous devons convenir de mesures de la réussite et recueillir les données nécessaires afin de pouvoir contrôler nos progrès en ce qui a trait à l'atteinte de nos objectifs et afin de corriger le tir, si de nouvelles réalités se présentent.

Les innovateurs d'aujourd'hui sont confrontés à de nombreux et importants obstacles au moment de mettre à niveau leurs technologies afin qu'elles puissent être adoptées par l'industrie. Le rythme, la portée et les coûts de l'innovation varient beaucoup d'un secteur à l'autre.

Par exemple, les défis de l'Alberta en matière d'émissions et d'énergie exigent un niveau de financement qui éclipse les autres types d'occasions associées aux technologies propres. Il est important de consacrer des fonds publics à des projets de démonstration qui aident à éliminer les risques associés aux investissements du secteur privé. Le financement d'ERA a aidé à promouvoir des technologies prometteuses en Alberta. Certaines de ces technologies en sont maintenant rendues à une étape de développement où beaucoup de capitaux sont encore requis avant que les institutions financières privées décident d'investir.

Nous n'avons tout simplement pas accès au niveau de capitaux patients nécessaires pour commercialiser certaines de ces technologies prometteuses. Nous avons besoin de marchés financiers plus généraux et plus étoffés afin de réduire les coûts du financement des innovations visant à réduire les émissions de carbone. Cela inclut une diversité d'outils et de soutiens complémentaires en matière d'investissements; il y a de tout, depuis les prêts jusqu'aux placements en actions, en passant par des incitatifs fiscaux.

Même si l'argent fait partie de la solution, nous savons aussi que le fait de créer des fragments de solutions ne nous permettra pas de connaître le succès. Nous avons besoin de solutions complètes. Des solutions complètes incluent non seulement les technologies et le financement, mais aussi un ensemble d'outils qui incluent des politiques, des règlements, des programmes et l'innovation opérationnelle requise pour déployer avec succès de nouvelles technologies.

Ce point de vue sera renforcé par un sondage qui sera bientôt publié et qui a été réalisé auprès d'entreprises dans le secteur des technologies propres en Alberta. On a constaté que les obstacles les plus importants à la croissance étaient l'accès aux capitaux, le financement de projets pilotes commerciaux et l'absence de moteurs réglementaires.

Ces entreprises ont cerné un certain nombre de besoins futurs, y compris un soutien pour réduire les risques liés aux technologies, de l'aide pour s'y retrouver dans le système d'innovation, du soutien associé aux compétences de gestion, comme les ventes et la commercialisation, et l'approvisionnement public pour soutenir les premiers déploiements.

Les investisseurs cherchent de plus grands marchés et une certitude en matière de réglementation avant d'investir. Sans cette certitude, il est plus difficile d'obtenir les investissements privés requis pour accroître les solutions prometteuses qui ont été mises au point grâce à un financement public.

Nous devons réfléchir dans une optique mondiale et mettre en place toutes les conditions nécessaires à la réussite pour que ce soit clair pour les investisseurs et les inventeurs — et tous les intervenants entre les deux — que l'Alberta et le Canada sont des endroits où on peut transformer des idées en produits, et les produits en entreprises.

Je veux être clair : nos efforts peuvent aider à réduire les coûts et les émissions de carbone. Nous devons améliorer notre compétitivité, tant du côté du prix que du côté des émissions.

Nous devons accélérer l'adoption des technologies qui permettront d'accroître la résilience et l'efficience de notre infrastructure actuelle tout en augmentant nos occasions économiques grâce à de nouvelles façons audacieuses d'assurer la prestation de programmes et de services. Nous sommes en train de donner l'impulsion nécessaire.

Tandis que nous fêtons le 150e anniversaire de la Confédération, je suis convaincu que nous réussirons à l'avenir, comme nous l'avons fait dans le passé, en travaillant en collaboration.

Les gouvernements, l'industrie et les innovateurs doivent unir leurs efforts et miser sur leurs intérêts communs. En travaillant en collaboration, nous pourrons accélérer le développement des technologies dont nous avons besoin pour donner les bons résultats sur les plans économique, environnemental et social.

Cela dit, je vous remercie de l'occasion qui m'a été accordée de prendre la parole, et je suis prêt à écouter vos commentaires et à répondre à vos questions.

Le sénateur Massicotte : Évidemment, nous avons tous besoin de beaucoup de choses différentes. D'après ce que j'ai compris, votre principal message, c'est que vous avez besoin de beaucoup d'argent. Vous avez aussi dit avoir besoin d'un environnement réglementaire qui encourage l'innovation. C'est très dur, même avec beaucoup d'argent de dire aux entreprises d'innover. C'est une combinaison de plusieurs choses.

Je crois beaucoup au marché, mais le marché doit être stimulant. Il faut qu'il motive les gens à passer à l'action, parce qu'il y a beaucoup de compétiteurs. Nous pourrions écrire des livres à ce sujet.

L'un des principaux facteurs, ce sont les signaux de prix ou, essentiellement, le prix du carbone. Le plan actuel, c'est que, d'ici deux ou trois ans, nous en serons à 50 $ la tonne. Shell Canada a dit la semaine dernière qu'il faudrait atteindre 200 $ la tonne si l'on veut vraiment se rendre là où nous voulons aller en ce qui a trait à nos plans associés à l'Accord de Paris.

Quels sont vos commentaires à ce sujet? Est-ce adéquat? Devrait-on établir un prix à 200 $ la tonne? Observerait-on alors des résultats? Êtes-vous d'accord avec les représentants de Shell?

M. MacDonald : Il ne faut pas oublier que nous avons besoin d'un ensemble de mesures. Ce n'est pas seulement les signaux de prix. Nous avons besoin d'une impulsion réglementaire, mais nous avons besoin aussi de la traction du marché que vous avez décrite. Selon moi, il faut créer les conditions de façon à ce qu'on règle les problèmes que l'industrie a besoin qu'on règle. Il faut réagir au marché et donner les bons signaux réglementaires, et la question du prix est l'un de ces signaux.

C'est non pas uniquement le prix, mais aussi ce qu'on fera avec l'argent et la façon dont on investira. L'un des avantages du modèle de l'Alberta, c'est qu'il transmet le message suivant aux grands émetteurs finaux : « Si vous payez tel ou tel prix, vous obtiendrez un rendement de vos investissements, et la taxe sera utilisée pour stimuler les genres de technologies dont vous avez besoin pour régler vos problèmes ».

Il y a beaucoup de recherches sur le bon prix. Ces recherches font beaucoup d'hypothèses sur le taux d'adoption des technologies. Il y avait certaines hypothèses précoces sur le prix nécessaire pour favoriser l'adoption de l'énergie solaire. C'est quelque chose dont on ne parle plus, vu les innovations dans ce secteur. Je fais toujours attention lorsqu'on me demande quel est le bon prix, mais oui, je crois qu'il doit y avoir un signal de prix et une impulsion réglementaire pour promouvoir un certain comportement au sein des marchés.

Le sénateur Lang : J'aimerais parler de l'Accord de Paris. Vous avez formulé la déclaration suivante : « à elles seules, ces technologies ne permettront pas d'atteindre les cibles très ambitieuses de réductions de GES requises pour respecter l'engagement établi dans l'Accord de Paris ».

Il a été dit que, si on mettait la clé dans la porte du secteur énergétique du pétrole et du gaz, aujourd'hui même, on n'arriverait tout de même pas à atteindre les cibles établies dans l'Accord de Paris, tant elles sont ambitieuses.

À la lumière de votre évaluation de l'Accord de Paris et des réalités dans votre secteur, le Canada et le monde, j'ai une question à vous poser : échouerons-nous à respecter les modalités et conditions convenues dans l'Accord de Paris, peu importe ce que nous faisons?

M. MacDonald : En ce qui concerne le domaine des technologies, je suis un optimiste. Il y a de l'espoir. Voici comment je répondrais à votre question : ces cibles visaient un retour en arrière. Nous voulons nous rendre à tel endroit, alors que faut-il faire pour y arriver? On ne se demandait pas de façon réaliste ce qu'il fallait faire compte tenu de la situation actuelle.

Si vous me demandez si je crois que nous pouvons atteindre les cibles établies pour 2030 dans 13 ans, je suis très préoccupé par notre capacité à y arriver. Nous sommes à une demi-génération de 2030, et à la lumière de nos occasions et de nos projections au sujet de la croissance économique, il est selon moi très peu probable que ces cibles soient atteignables.

Le sont-elles à plus long terme? Y aura-t-il une technologie révolutionnaire qui changera la donne? J'œuvre dans un métier marqué par l'espoir et l'optimisme.

Le sénateur Lang : J'aimerais maintenant parler d'une autre réalité à laquelle nous sommes confrontés. Le président des États-Unis a indiqué qu'il n'a pas l'intention de respecter les engagements de l'Accord de Paris. Évidemment, l'industrie américaine aurait dû assumer certains coûts si le pays avait décidé de tenter d'atteindre les cibles établies dans l'Accord de Paris.

Quel sera l'impact d'une telle situation sur notre capacité de compétitionner dans le secteur du pétrole et du gaz, vu que notre plus important voisin a de toute évidence décidé qu'il n'allait pas aller dans cette même direction? Avez-vous réalisé l'évaluation des conséquences auxquelles il faut s'attendre?

M. MacDonald : Comme tous les gens qui sont ici, je crois que nous tentons tous encore de digérer quelles seront les répercussions et ce que feront réellement les États-Unis.

Il y a deux résultats que nous tentons d'obtenir. Nous voulons réduire les émissions de carbone, mais nous voulons aussi réduire les coûts, comme je l'ai dit dans ma déclaration. Nous devons être compétitifs du point de vue des coûts. Une bonne partie des technologies que nous finançons, et qui concernent les solvants et l'élimination de la vapeur et de la chaleur visent à réduire les coûts.

À mes yeux, les changements impératifs auxquels nous aspirons ne sont pas une réduction du carbone. La nécessité de réduire les coûts ne va pas changer. Je pense que la technologie et l'investissement dans ces technologies de pointe sont une question qui concerne tout autant l'amélioration de la résilience des actifs existants que l'élaboration de nouvelles technologies qui nous permettront d'extraire la ressource en questions à moindre coût. Voilà où nous sommes en concurrence avec les États-Unis. C'est tout autant lié aux coûts qu'au carbone.

Le sénateur Lang : Je voudrais revenir là-dessus. Si on impose une taxe sur le carbone, cela signifie que nos coûts seront plus élevés comparativement aux États-Unis, où il n'y a pas de taxe sur le carbone. Comment pourrons-nous être concurrentiels, si nous continuons d'augmenter les coûts dans une colonne du budget?

M. MacDonald : Encore une fois, on en revient à demander quels sont les incitatifs pour stimuler le comportement dont nous avons besoin.

J'ai une plus grande préoccupation. Le prix du carbone par baril est relativement peu élevé, mais, lorsqu'on entend parler, dans le Sud, de réduire le fardeau réglementaire en réduisant l'impôt des entreprises de 75 p. 100, questions qui me causent une plus grande anxiété que le fait de déterminer si une taxe sur le carbone va être le point de bascule pour notre industrie. Cela fait partie de l'équation, tout à fait, mais nous devons créer les conditions nécessaires et stimuler les comportements qui réduisent nos coûts et nous rendent plus concurrentiels.

Je ne pense pas que nous puissions perdre de vue les réalités avec lesquelles nous vivons en Alberta depuis un petit moment au sujet de l'acceptabilité sociale. Ces réalités ne vont pas disparaître parce que les États-Unis s'en éloignent. Notre produit a une réputation en Alberta et au Canada, et nous devons changer le message en faisant la preuve que nous comprenons et que nous prenons des mesures. Il vous incombe à vous, les décideurs, de trouver la meilleure façon de le faire.

Toutefois, je ne pense pas que nous puissions perdre de vue la façon dont notre réputation en ce qui concerne l'environnement est solidement ancrée dans les sables bitumineux et penser que cela ne va pas disparaître en raison de quelque chose que les États-Unis choisissent de faire. Nos marchés n'ont pas réagi de cette manière dans le passé, et nous devons en être très conscients. Si nous arrêtons de prendre des mesures, nous mettrons nos produits à risque.

Le sénateur Meredith : Je vous remercie, monsieur MacDonald, de l'exposé complet que vous avez présenté. Vous avez abordé beaucoup des aspects, et certaines questions sont soulevées.

À la page 10 de votre mémoire, vous déclarez ce qui suit :

Les investisseurs cherchent de plus grands marchés et une certitude en matière de réglementation avant d'investir. Sans cette certitude, il est plus difficile d'obtenir les investissements privés requis...

Le sénateur Massicotte a soulevé la question des idées qui sont prêtes pour la mise en œuvre, mais qui ont besoin d'un tel appui financier.

Pourriez-vous me donner plus de détails sur la façon dont nous pourrions y arriver? Du point de vue des recommandations adressées au gouvernement, se pourrait-il qu'il s'agisse de ce dont nous avons besoin sur le plan réglementaire? Comment avez-vous présenté cela au gouvernement? A-t-il été réceptif? Quelles sont les difficultés? Comment pouvons-nous aider à faire progresser ces idées?

M. MacDonald : Dans mon discours, j'ai répété ce que j'avais entendu les intervenants de l'industrie dire au sujet de la certitude. Je ne suis pas certain que ce soit réaliste. Ce devrait probablement être davantage une question de prévisibilité. Nous connaissons généralement la direction dans laquelle nous nous dirigeons, mais, dans l'environnement réglementaire, la certitude, c'est probablement en demander en peu beaucoup.

Je pense qu'il s'agit tout simplement de cela. Pouvons-nous déterminer clairement quelles sont nos cibles et nos attentes? Selon moi, cela n'a pas été fait. Si vous demandez aux intervenants de l'industrie où se dirigent les gouvernements à l'échelon provincial ou national, ce n'est pas vraiment clair. Nous commençons à parler d'un prix du carbone et de normes de rendement, mais il serait utile d'obtenir des précisions au sujet des résultats et de l'orientation que nous tentons de prendre. Ensuite, le monde évoluera comme il le devrait à de nombreux égards.

Nous devons créer un meilleur environnement qui permet la prise de risques et l'expérimentation. Devrions-nous appliquer le même environnement réglementaire à un projet de prototype que nous appliquerions à un projet majeur de nouvelles raffineries ou à un projet d'extraction? Probablement pas; nous devons créer ces cases réglementaires où nous rangerons certaines des règles relatives à des normes plus élevées applicables à une opération à grande échelle afin de permettre aux essais d'avoir lieu. Cela ne se produit habituellement pas, et c'est ce que j'ai entendu dire de la part de l'industrie.

Quelles sont les possibilités sur les marchés financiers pour la création de grands bassins de capitaux patients? Je ne sais pas tout à fait clairement à quoi ressemblent ces bassins, mais il s'agit d'un autre message que j'ai entendu.

Ensuite, il y a l'harmonisation. Il sera important que les choses soient claires dans l'ensemble des administrations du pays, aussi, afin qu'elles sachent quelles sont les règles à mesure qu'elles transportent des produits de l'autre côté des frontières et qu'elles font des choses de ce genre.

Le sénateur Meredith : J'ai une autre question concernant la page 11 — et je paraphrase —, où vous affirmez que l'Alberta et le Canada sont les meilleurs endroits pour transformer des idées en produits et des produits en entreprises. Cela me plaît; je pense que vous devriez faire breveter l'expression.

Le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique se trouvait dans notre Chambre il y a deux ou trois jours. Je suis tout à fait en faveur de la formulation d'idées. Nous parlons des investissements nécessaires à des produits novateurs. Ensuite, nous discutons de la propriété intellectuelle en ce qui a trait aux entreprises qui collaborent relativement à des idées et qui progressent. On a l'impression que les gens ont une mentalité de cloisonnement parce que personne ne veut perdre sa technologie et qu'ils ont peur que les entreprises étrangères ne prennent ces technologies.

Quelle collaboration a lieu au sein de l'industrie pour que l'on puisse s'assurer que nous réussissons à faire financer ces idées et que cela est fait d'une manière collaborative?

M. MacDonald : La COSIA en est un bon exemple, en Alberta, où les sociétés de sables bitumineux ont accepté de travailler en partenariat sur des solutions communes et de communiquer cette information. Selon notre modèle d'affaires, les deniers publics s'assortissent d'un bien public. Il s'agit de la communication de l'information et de l'apprentissage. La PI ne nous appartient pas, mais nous insistons pour qu'un rapport soit produit et que les apprentissages tirés des projets pilotes soient communiqués à d'autres afin que nous puissions accélérer l'acquisition des connaissances.

Vous avez tout à fait raison de dire que nous devons créer des incitatifs pour que les gens fassent progresser leurs idées jusqu'à la commercialisation. La collaboration que vous avez décrite est absolument essentielle ainsi que la collaboration au moment de passer le flambeau, comme je le disais.

Un témoin précédent a évoqué les 150 millions de dollars que le gouvernement fédéral a fournis à l'Université de l'Alberta. Notre organisation doit travailler en étroite collaboration avec cette institution afin que —, à mesure que ces professeurs et scientifiques élaborent de nouveaux produits, nous soyons prêts à passer à la prochaine étape et disposer des capitaux afin de mettre en œuvre le projet pilote. Je devrais être en train de discuter avec les intervenants de l'industrie afin de m'assurer qu'ils disent : « Vous êtes en train de régler un problème. Si vous vous rendez jusqu'à ce stade, nous sommes prêts à consacrer l'une de nos installations à votre projet et à le mettre à l'essai à un niveau fonctionnel. » Nous avons besoin que le milieu de l'investissement, là-bas, dise : « Si vous réussissez à franchir toutes ces étapes, nous aurons 100 millions de dollars à vous offrir pour que vous puissiez construire votre première usine pilote. » Voilà le genre de collaboration et de coopération dont nous avons besoin, selon moi.

Le sénateur Black : Monsieur, vous faites de l'excellent travail. Vous nous avez expliqué ce qui doit être fait. Nous comprenons cela. Je veux me concentrer sur ce qui est en train d'être fait.

J'ai deux ou trois questions à poser. Vous parlez de technologies transformatrices. Où en sommes-nous? Quelles sont ces technologies? Quand pouvons-nous attendre la transformation?

M. MacDonald : La majeure partie de ce dont nous avons discuté dans le cadre des conversations précédentes au sujet des technologies relatives aux solvants a été éprouvée. Le défi tient maintenant à la fiabilité et à la mise à l'échelle. Les technologies sont très prometteuses. Il ne faudrait encore que quelques années, pas des décennies. Elles sont également très axées sur des nouvelles explorations plutôt que sur la rénovation des installations existantes.

Certaines de ces technologies présentent des possibilités sur le plan de la mise à niveau partielle. La cogénération — l'élément du monde qui est lié à l'efficacité énergétique — présente d'excellentes possibilités. Il y a des obstacles réglementaires et économiques, mais il existe des possibilités de réduire de façon importante la chaleur résiduelle, de la réappliquer et de réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre.

Concernant le captage et l'utilisation du carbone, comme le COSIA et le XPrize qui ont eu une occasion à saisir relativement au captage et à l'utilisation du carbone, nous avons eu un grand défi à relever. Nous avons passé la première étape et financé 25 technologies prometteuses. Nous sommes sur le point d'annoncer certains des gagnants de notre deuxième étape. Il est possible de commercialiser certaines technologies prometteuses liées au captage de produits du ciment et d'utiliser diverses technologies solaires.

En Alberta, ce sont les technologies d'extraction qui présentent le plus grand potentiel, mais je suis réticent — tout comme le témoin précédent — à formuler des hypothèses quant au moment où l'adoption devrait avoir lieu. Il y a la validation de principe. Les technologies fonctionnaient à petite échelle, mais seront-elles fiables et pourraient-elles être suffisamment mises à l'échelle pour vraiment changer fondamentalement la nature de l'entreprise?

Le volet renouvelable est extrêmement prometteur. Encore une fois, il s'agit tout autant d'atténuer les risques liés à l'économie que de trouver du financement, de faire évoluer la technologie et de réduire les coûts. Voilà certains aspects.

La sénatrice Seidman : Je voudrais donner suite aux questions du sénateur Black au sujet de votre commentaire très tranché selon lequel il nous faut des technologies transformatrices. Vous avez également affirmé que votre nouvelle entreprise est bien placée pour faire face à l'échec, qui fait partie des réalités difficiles de l'innovation. Il ne fait aucun doute que nous n'arrêtons pas d'entendre dire qu'il est énormément difficile, au pays, de stimuler l'innovation pour faire progresser une idée jusqu'à la commercialisation.

Vous êtes principalement un groupe d'entreprises, et des émetteurs versent de l'argent dans votre fonds, mais travaillez-vous en partenariat avec d'autres en dehors de l'industrie? En quoi vous estimez-vous bien placés pour faire face à ce problème d'échec?

M. MacDonald : Je vais répondre à la question des partenariats. Absolument, la seule façon de réussir, c'est de travailler en partenariat. L'un des plus solides que nous avons établis, c'est avec TDDC. Nous avons lancé un appel conjoint afin de tenter de simplifier un processus axé sur les petites et moyennes entreprises relativement aux technologies novatrices. Il s'agissait d'un appel de 40 millions de dollars. Nous avons partagé les coûts. Nous avons utilisé un seul formulaire et un seul processus. Nous avons beaucoup simplifié la tâche aux candidats. Nous avons appris les uns des autres afin de tirer le meilleur de leurs processus et le meilleur de nos processus. Je pense que nous sommes maintenant plus forts et que cela a facilité la tâche aux innovateurs.

Nous avons établi un partenariat avec les Centres d'excellence de l'Ontario. Nous travaillons en partenariat avec des gens de la Colombie-Britannique. Sans ces partenariats, on effectue du travail en double et on frustre les innovateurs, et le processus ne sera pas aussi efficient et efficace que possible. Voilà un élément fondamental de notre entreprise.

Quelle était la deuxième partie de votre question?

La sénatrice Seidman : Vous affirmez être bien placés pour faire face à l'une des réalités difficiles de l'innovation, c'est-à-dire l'échec.

M. MacDonald : Voilà pourquoi j'ai oublié.

La sénatrice Seidman : L'échec ne fait pas partie de votre vocabulaire.

M. MacDonald : Je m'excuse. Voici ce que nous faisons bien : nous échouons rapidement, nous tentons d'échouer à bas prix et nous échouons vers l'avant. Autrement dit, nous tirons des leçons de ces échecs et accélérons l'innovation pour l'avenir.

Nous faisons bien cela d'un certain nombre de manières. Notre processus de sélection dans son ensemble en est une. Nous choisissons avec soin les projets qui présentent le potentiel nécessaire. Toutes les bonnes conditions sont en place pour ces projets, pas seulement la bonne technologie, mais aussi la bonne équipe de direction, les bonnes capacités, le bon bailleur de fonds, la bonne étude de marché et le bon partenaire du marché. Nous nous concentrons beaucoup là- dessus.

Ensuite, nous établissons également des étapes et des jalons. Au lieu de dire : « Voici un tas d'argent; nous vous verrons dans deux ou trois ans, alors donnez-nous de vos nouvelles », nous établissons des étapes claires. À mesure que ces étapes sont franchies, nous faisons des pauses et réfléchissons; nous nous demandons : « Allons-nous vraiment avoir un impact là où nous pensions en avoir un? » Sinon, nous mettons fin au financement, mais nous communiquons tout de même les résultats obtenus jusqu'à ce moment-là, ce qui a mal tourné. L'établissement de ces étapes et jalons, cette clarté à l'égard des attentes et cette surveillance continue du rendement sont tout à fait essentiels, et il s'agit de quelque chose que nous faisons très bien, selon nous.

Puis nous aidons à gérer cet échec en nous assurant que la communication s'effectue. Quelqu'un m'a dit d'arrêter d'utiliser le mot « échec » parce qu'il s'agit en réalité d'apprentissage. En fait, c'est une occasion de mettre une idée à l'essai, d'en apprendre ce qu'on peut et d'aller de l'avant. L'exigence redditionnelle — cette communication des connaissances —, c'est une autre raison pour laquelle, selon moi, nous sommes bien équipés pour tirer profit des réalités du système d'innovation.

Le sénateur Wetston : Le sénateur Meredith vous parlait des questions réglementaires. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails sur les genres d'incitatifs réglementaires qui, à votre avis, pourraient améliorer la possibilité d'atteindre les buts que vous avez fixés pour votre organisation ou pour l'Alberta?

Dans ce contexte, qui fournirait ces incitatifs? S'agirait-il d'un organisme réglementaire? Serait-ce le gouvernement? Les incitatifs seraient-ils liés à l'impôt et à ce genre d'aspect auquel on pourrait penser?

M. MacDonald : C'est une excellente question, sénateur. Cela dépend de la nature de l'industrie et du problème que nous tentons de régler. Je reviens aux commentaires que j'ai formulés plus tôt au sujet de la nécessité d'un genre de cadre réglementaire. D'une certaine manière, il faut rassembler la technologie, les innovateurs et les organismes de réglementation dans une pièce et dire : « Qu'est-ce qui nous empêche de faire ceci? Vous n'avez pas choisi cet emplacement. Avons-nous vraiment besoin de faire cela aux fins d'un projet pilote, ou bien pouvons-nous le limiter et expliquer très clairement qu'il s'agit non pas d'une approbation, mais d'une capacité de mise à l'essai?

Au début de l'industrie des sables bitumineux, en Alberta, la simple capacité de créer une plate-forme d'essai où les règles étaient plus souples a permis à cette technologie de progresser. Au lieu de demander la modification d'un règlement précis, il s'agit davantage de demander quels produits on tente d'élaborer. Dans quel environnement réglementaire fonctionne-t-on? Quels sont les obstacles? Nous devons tenir ces conversations, au lieu de dire : « Présentez votre demande, et nous allons vous parler dans 18 mois et voir où en sont les choses. »

Lorsque vous parlez des incitatifs, nous devons en envisager tout un éventail. Il y a la question de la PI. À qui appartient-elle? Combien de temps durera-t-elle? Dans quelle mesure est-elle transférable? La mesure dans laquelle elle est bien protégée est importante. Du point de vue du système fiscal en soi, encourageons-nous le risque de manière responsable, mais aussi en encourageant l'obtention de résultats? Dans le passé, certains des incitatifs créaient beaucoup d'activités, mais il n'y avait pas vraiment de responsabilité à l'égard des résultats. Je pense qu'il faut établir cet équilibre.

Ensuite, j'ai en tête un vaste éventail d'incitatifs à faire ce qu'il faut. Il est difficile de répondre à la question sans demander sur quelle technologie on se concentre et quels sont les obstacles particuliers auxquels on a été confronté.

Le sénateur Wetston : Cela m'amène à un élément que vous avez mentionné il y a un instant au sujet de l'accès aux capitaux. Pour les entreprises qui souhaitent obtenir de l'argent, évidemment, les nouvelles technologies posent un risque considérable. Le fait de recueillir des capitaux sur le marché des investisseurs providentiels ou sur le marché du capital de risque, au Canada, est souvent critiqué; on estime qu'ils ne sont pas accessibles. Vous avez fait de l'excellent travail dans l'Ouest à l'égard de la Venture Exchange. Elle a traversé une période difficile récemment en raison du prix des marchandises, mais ses antécédents sont excellents. L'Alberta a fait de l'excellent travail pour ce qui est de recueillir des capitaux dans les secteurs de l'exploration et de la production pétrolières et gazières. On a beaucoup d'expérience en collecte de capitaux pour ces types d'entreprises.

Je veux revenir sur là où vous penser qu'il pourrait y avoir des obstacles, aujourd'hui, en Alberta, à la collecte de capitaux, car je pense que vous vous concentrez vraiment sur la technologie. Je pense que c'est problématique, probablement partout au pays. Si vous pouviez fournir au comité un peu de renseignements à ce sujet, je vous en serais reconnaissant.

M. MacDonald : Vous avez raison, sénateur. Il y a un éventail de problèmes. A-t-on assez de bonnes idées? Ces bonnes idées ont-elles un impact suffisant? Ensuite, vous avez raison. Manque-t-on des capitaux ou des ressources nécessaires pour mettre en œuvre l'idée et la faire progresser jusqu'à la commercialisation?

Je ne suis pas toujours convaincu du fait qu'on manque de capitaux. Ce qui manque probablement, c'est d'avoir toutes les autres conditions en place. S'agit-il de la bonne équipe de direction? La technologie va-t-elle vraiment régler le problème que l'industrie veut éliminer? Il doit y avoir davantage de ces incitatifs réglementaires afin d'atténuer les risques d'une certaine manière. Si j'investis mon argent dans telle option, j'obtiens un gain que je peux comparer d'une certaine manière à d'autres possibilités qui existent.

Même si l'on tient compte des deniers publics d'AIMco et des succursales du Trésor de l'Alberta, nous devons reconnaître que le « profil des conditions » pourrait être légèrement différent à court terme pour certaines de ces entreprises. Il faudrait peut-être que le taux de radiation soit légèrement différent.

Des milliards de dollars sont recueillis en Alberta en tout temps pour toutes sortes d'entreprises. Qu'est-ce qui fait que l'espace de l'innovation, l'espace des technologies propres, n'obtient pas le même genre de résultats? Je pense que c'est lié à certains des éléments que je viens tout juste d'évoquer.

La sénatrice Galvez : Si vous deviez choisir entre les diverses technologies que vous êtes en train d'élaborer, quelles seraient les trois premières? Voudriez-vous simplement nous expliquer les étapes que vous venez tout juste de mentionner : les politiques, le projet pilote, la démonstration et la validation? La province ne serait-elle pas responsable de partager le risque dont vous parlez relativement à la collecte des capitaux nécessaires pour élaborer ces technologies?

M. MacDonald : En ce qui concerne les technologies prometteuses, je suis un grand adepte des technologies relatives aux solvants. Compte tenu de la nature des plus grandes sources d'émissions en Alberta, ces technologies présentent un excellent potentiel. Nous menons actuellement un certain nombre de projets pilotes. Ils ont besoin de capitaux supplémentaires.

Une fois qu'on a une validation de principe et que nous les amenons à un volume avec lequel l'industrie se sent à l'aise, c'est là que les marchés doivent entrer en jeu. L'industrie doit faire sa part et être prête à adopter ces technologies en un cycle plus court que dans le passé. J'ai vu des chiffres selon lesquels l'adoption dans le secteur pétrolier et gazier peut prendre 30 ans. Nous devons raccourcir ce cycle de façon importante. Voilà l'une des réalités de l'industrie.

Le ratio risque-récompense doit être revu. En tant que bien public, il y a un potentiel incroyable en ce qui a trait à l'impôt des entreprises, à l'impôt des particuliers et aux redevances, qui devraient refléter le rendement d'un investissement public dans une partie du projet en question. L'autre élément, c'est que l'industrie, en soi, doit intervenir et dire qu'elle est prête à investir les capitaux importants nécessaires à la validation de principe et qui permettront la commercialisation de la technologie.

Le recours au captage du carbone est prometteur. La partie va être longue. S'il s'agit vraiment de transformer l'économie d'une certaine manière, il doit y avoir quelque part une technologie permettant de transformer le carbone pour le faire passer d'un flux de déchets à un produit utile. Il s'agit d'un atout dont nous disposons. Comment pouvons-nous aller au-delà du fait de brûler le bitume afin de le transformer en d'autres produits? Il y a là du potentiel. La partie va être très longue.

Fondamentalement, les conversations portent sur la transition qui mènera à l'abandon des combustibles fossiles — c'est-à-dire le fait de les brûler —, mais il y a tout un nouveau potentiel du point de vue des produits, des services et de la chaîne d'approvisionnement que nous pouvons explorer. Il y a là du potentiel. Cela va prendre beaucoup de temps, de capitaux patients et de financement public. On n'a aucune feuille de bilan. On n'a aucun produit. Il n'y a rien de tangible aux yeux des gens d'affaires.

Cela va exiger la concentration des systèmes postsecondaires, que les scientifiques étudient ces possibilités et que l'industrie intervienne et dise qu'elle va créer l'espace nécessaire pour nous permettre de jouer avec ces produits dans une situation du monde réel.

Le volet renouvelable est un autre domaine où nous devons bouger rapidement. D'une certaine manière, il s'agit d'acheter du carbone, de mon point de vue. La technologie existe. En réalité, nous tentons d'atténuer le risque sur le plan financier, du point de vue du modèle financier et de l'exécution. L'élaboration d'un plus grand nombre de technologies dans le domaine de la microgénération présente un excellent potentiel. Les technologies de stockage et toute la chaîne d'approvisionnement concernant les sources d'énergie renouvelable offrent également des possibilités incroyables.

Je suis d'accord pour dire que les provinces, le gouvernement fédéral et l'industrie ont un rôle à jouer. Tous les intervenants doivent être alignés.

Le dernier élément que je voudrais aborder, c'est que nous devons faire des choix. Le Canada a un peu une culture où on félicite tout le monde. À un certain moment, nous allons devoir engager des paris, faire des choix et exercer de fortes pressions dans des domaines précis, tout comme on m'a demandé de le faire, plutôt que de saupoudrer un peu partout de la poudre de perlimpinpin en espérant qu'un miracle va se produire. C'est très difficile, et le risque est grand.

Le sénateur MacDonald : Si je regarde votre mémoire, je vois des mentions concernant le fait que les subventions du gouvernement de l'Alberta et le placement à terme sont utilisés encore et encore, mais tout investissement suppose un rendement, à mon avis. Quand je vois un investissement, je vois une dépense : beaucoup d'argent qui sort et de l'incertitude quant au rendement.

Je vais vous donner un exemple de ce à quoi je fais allusion. L'Alberta compte 18 centrales au charbon, et 12 d'entre elles seront éliminées progressivement d'ici 2030. Cela signifie que six seront encore pleinement opérationnelles. Quels sont les coûts de ces droits d'actifs délaissés? Le coût d'un droit d'actif délaissé pour six centrales au charbon haut de gamme serait important.

A-t-on déployé le moindre effort dans le but de déterminer quelles technologies peuvent être utilisées pour rendre ces centrales plus propres et plus efficientes? Les centrales au charbon sont beaucoup plus propres et plus efficientes qu'elles ne l'étaient il y a 20 ou 30 ans. A-t-on réfléchi à la possibilité que nous puissions créer des technologies relatives aux solvants? Y a-t-il un moyen pour que ces technologies puissent être appliquées à la production d'énergie au charbon?

M. MacDonald : Cette technologie... pas tellement. Le captage, le stockage et l'utilisation du carbone, c'est tout à fait applicable. Nous envisageons certaines possibilités de travailler avec les gaz effluents d'une centrale en ce qui a trait au captage et à l'utilisation du carbone. Il y a là du potentiel. L'Alberta est un chef de file en matière d'investissements importants dans l'atténuation des risques et la mise à l'épreuve de cette technologie. C'est pertinent.

La cogénération joue un grand rôle. Une conversation a été tenue plus tôt au sujet de la gestion du volet de la demande; il était question de regarder pas seulement la source d'énergie, mais aussi son utilisation. Du point de vue de la gestion du volet de la demande, il y a du potentiel.

Nous avons fait beaucoup de travail dans le domaine de la biologie : la biomasse, la torréfaction et l'utilisation du bois au lieu du charbon. La conversion de ces centrales pour les alimenter par une autre source est une possibilité.

Nous avons travaillé dans ce domaine et continuerons de le faire parce que la génération d'électricité fait partie de la question. La source d'énergie nous importe peu. La question que nous posons est la suivante : comment pouvons-nous améliorer le profil d'émissions et réduire les coûts liés à la source d'énergie, quelle qu'elle soit?

Le sénateur MacDonald : Cela fait plaisir à entendre. Dans la majeure partie des cas, la source d'énergie importe. On a tendance à supposer de façon générale que le charbon est complètement chose du passé. Quand on va fermer les centrales, en Alberta, en 2030, va-t-on les mettre en veilleuse ou bien les conserver comme centrales de secours? En Europe et en Allemagne, on consacre une fortune à l'énergie éolienne et à d'autres sources d'électricité. Maintenant, ces pays se sont remis à brûler du charbon parce qu'ils n'arrivent pas à répondre à la demande et qu'ils commencent à connaître la pauvreté énergétique.

Avons-nous établi des plans de rechange? Disposons-nous de plans de secours à cet égard?

M. MacDonald : Vous avez dérivé vers un domaine dans lequel je ne suis pas vraiment expert, mais, ce à quoi je pourrais réagir, c'est à la question de la fiabilité, de l'abordabilité et des capacités. Elles sont absolument fondamentales, et les technologies doivent y réagir. L'Alberta possède une charge industrielle élevée, alors nous avons besoin d'une fiabilité absolue.

Pour répondre à votre question, durant la transition, il faut s'assurer que les lumières restent allumées. Cela va tout à fait de soi. Cela fait partie de l'évaluation des technologies que nous étudions. Si elles sont solaires et que nous ne disposons pas de la technologie de stockage qui s'y rattache, qui nous permettra, quand le soleil ne brillera pas, d'appuyer sur un interrupteur afin d'utiliser l'électricité provenant d'une autre source, cette technologie ne nous permettra pas de répondre à nos besoins.

Le président : Pouvez-vous me dire d'où provient le financement de votre organisation?

M. MacDonald : En 2009, quand le gouvernement a mis en place les droits qu'il impose essentiellement aux grands émetteurs finaux, l'une des options qui leur permettaient d'être conformes consistait à contribuer au Fonds pour la gestion des émissions et du changement climatique. Le gouvernement touche ces droits. Ils étaient de 15 $ la tonne; ils sont en train de passer à 20 $ la tonne. Ensuite, le gouvernement décide comment les répartir. Dans le passé, il nous a affecté une partie de cet argent. Notre société le reçoit, puis nous prenons une décision relativement à l'investissement.

Le financement provient des grands émetteurs finaux qui font le choix de cotiser à un fonds, puis du gouvernement, qui choisit de nous accorder un pourcentage de ce fonds.

Le président : Le gouvernement — fédéral ou provincial — verse-t-il des subventions, ou bien est-ce que tout l'argent provient des grands émetteurs?

M. MacDonald : Tout l'argent provient des grands émetteurs finaux.

Le président : Quand nous avons amorcé cette étude, il y a plus d'un an, on posait beaucoup de questions et on disait beaucoup de choses au sujet de l'industrie qui ne finançait pas grand-chose, n'est-ce pas? Elle ne prenait aucune mesure pour se pencher sur certains des problèmes qu'elle créait. À mesure que nous progressons, nous entendons dire autre chose, car nous avons entendu ce que d'autres groupes de l'Alberta avaient à dire.

Pourriez-vous nous faire un récapitulatif? Vous n'êtes pas tenu de le faire tout de suite. Vous pouvez étudier la question pour voir combien d'argent est investi par l'industrie et combien est investi par le gouvernement fédéral ou provincial. Nous avons entendu le témoin qui a comparu juste avant vous dire que la Compagnie Pétrolière Impériale avait versé 24 millions de dollars au fonds qui permet à son groupe de travail et à lui-même de travailler. Il serait intéressant de savoir exactement combien d'argent est dépensé pour tenter de régler ces questions. Serait-ce possible, monsieur?

M. MacDonald : Je n'aurais probablement pas accès à ce degré de détail. L'argument que j'ai formulé dans mon exposé, c'était que nous tirons profit de notre argent selon un ratio de six pour un. Nous avons investi un peu plus de 300 millions de dollars, mais c'était dans des projets dont la valeur s'élève à 2,2 milliards de dollars. Voici un exemple. Si les gens disent que c'est seulement l'argent du gouvernement, je sais que, dans notre cas — en Alberta —, c'est inexact. C'est six pour un. De fait, nous n'investissons pas dans un projet si l'industrie ou un autre partenaire n'y participe pas, car il s'agit de notre démonstration de la demande du marché. Si une personne s'adresse à moi et me dit : « J'ai une excellente idée, et je veux que vous la financiez à 100 p. 100 », notre conseil refusera. Ce que nous voulons, c'est un partenariat où le partenaire contribue au moins à la hauteur de 50 p. 100 et, idéalement, bien plus que cela. Ces partenaires peuvent être d'autres ordres de gouvernement, l'industrie, des investisseurs providentiels ou quoi que ce soit.

Si on n'a pas cette demande du marché et qu'on ne la montre pas sous forme d'argent, ces projets présentent un risque très élevé que notre conseil n'a pas envie de courir. Ainsi, si des gens disent que l'industrie n'intervient pas, les données probantes provenant de notre organisation indiquent que c'est totalement inexact. À un ratio de six pour un, les données probantes disent le contraire.

Le président : C'est bon à savoir. Je ne le conteste pas. Je veux que ce soit dit officiellement parce que ces genres de propos ont déjà été tenus. D'après mon expérience, ce n'est pas vrai non plus. Tout ce que vous pouvez faire pour nous fournir ces renseignements serait excellent, ou peut-être que vous pourriez nous orienter vers un endroit où nous pourrions les obtenir. Si vous pouviez faire cela, je vous en serais très reconnaissant.

Le sénateur Meredith : Vous avez répondu à pas mal de questions aujourd'hui. Examinons les menaces internes et externes relatives à votre situation par rapport à votre mandat de réduction des émissions et d'adoption d'une économie à faible taux de carbone en Alberta; pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, du point de vue de ce que vous avez cerné?

Nous en avons parlé en ce qui a trait aux finances et aux politiques réglementaires gouvernementales qui doivent être mises en place, mais je parle des menaces externes qui auraient une incidence sur votre capacité de réaliser et d'exécuter votre mandat. Pourriez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?

M. MacDonald : L'incertitude actuelle quant aux politiques réglementaires est une menace. Le comité a mentionné une partie de l'incertitude qui pèse sur le Sud. On doit savoir dans quelle direction vont nos clients les plus importants et quelles sont leurs attentes.

L'absence d'harmonisation de ces résultats clairs est une menace pour nous parce qu'il y a de l'hésitation. Si les gens ne croient pas qu'il s'agit de la voie de l'avenir ou que nous allons vraiment aller jusqu'au bout, ils vont se tenir à l'écart. Ils ne vont pas prendre le risque d'adopter cette technologie. Ils ne vont pas créer les possibilités de la mettre à l'essai dans leurs installations. À mon avis, cette incertitude est probablement la plus grande menace que nous observons actuellement.

N'oublions pas que la partie va être longue et que nous risquons de tituber et de faire de brusques avancées au fil des cycles politiques ou même à des intervalles plus courts. C'est un énorme problème, car la partie est longue, surtout dans le secteur de l'énergie. Il est question de centaines de millions de dollars et de décennies avant que l'on apporte vraiment le genre de changements fondamentaux que nous voulons obtenir. La possibilité que nous perdions de vue le fait que la partie va être longue constitue une menace importante. Sans la conviction et la clarté quant à la valeur du moment où nous aurons terminé, les choses déraillent.

Vous connaissez mieux que quiconque l'importance de l'opinion publique. Les gens comprennent-ils ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et la valeur que cela aura au bout du compte? Il s'agit là des réalités.

Je sais que je n'arrête pas de revenir sur l'aspect des capitaux, mais l'accès aux capitaux est un problème important. Je l'entends dire de façon répétée. Dans notre programme, nous avons même des droits de subvention délaissés, où nous sommes prêts à intervenir, essentiellement au moyen de dollars à 50 cents. Les gens d'affaires ne peuvent pas recueillir la part correspondante pour l'instant. Il s'agit d'une technologie éprouvée. Ils veulent la mettre à l'échelle, mais ils n'ont pas de bilan; ils n'ont pas de flux de rentrées, et ils ne peuvent pas recueillir ces capitaux. La technologie en question finira par être achetée par une multinationale, retirée du pays et commercialisée ailleurs.

Le sénateur Lang : Je répète la question qu'a posée le président. Il importe que nous découvrions, au meilleur de notre capacité, exactement combien d'argent est mis à la disposition des intervenants dans l'ensemble. Il semble un peu bizarre que nous ayons à le demander. J'aurais cru qu'on pouvait trouver cette information à un seul endroit. Cela dit, ce serait génial si vous pouviez nous aider à cet égard.

Je veux revenir sur votre question concernant les capitaux et sur ce que le sénateur Wetston a mentionné. Nous avons entendu à un certain nombre d'occasions des témoins aborder les technologies dont on fait la promotion, le fait que les capitaux ne sont pas accessibles, un délai d'attente subséquent entre l'élaboration de la technologie et sa mise en œuvre et certaines des usines industrielles majeures qui ont besoin de plusieurs millions de dollars afin de revoir comment elles mènent leurs activités.

Avez-vous envisagé le moindrement la possibilité que les émetteurs qui contribuent à ce fonds en Alberta puissent payer davantage au départ pour établir un fonds de capitalisation? Peut-être qu'il pourrait faire l'objet d'un partage de coûts et d'incitatifs fiscaux de la part du gouvernement afin que cet argent et l'accès aux capitaux soient offerts? Ensuite, les émetteurs pourraient passer à l'action au lieu d'attendre encore 10 ans pour que quelqu'un d'autre le fasse. Est-ce que cela a été envisagé? Je sais que cette solution pourrait coûter plus cher à l'étape initiale, mais le résultat final pourrait être un gain.

M. MacDonald : Je ne suis au courant de la tenue d'aucune conversation au sujet d'accroître la contribution attendue des grands émetteurs finaux afin que l'on puisse créer un autre fonds de capitalisation. Nous avons discuté des autres outils dont on a besoin. Une des préoccupations tient au fait que nous sommes un organisme qui verse des subventions et que, lorsqu'on arrive dans les gros chiffres, les grosses subventions présentent un risque élevé de bien des manières.

Y a-t-il un modèle différent, du point de vue de la participation financière ou des subventions remboursables? Les genres de conversations que nous tenons portent davantage sur la façon de tirer profit des sommes existantes d'une manière différente plutôt que de transformer la totalité de l'argent d'une subvention en un actif — un peu comme un fonds renouvelable —, afin que, si on réussit, on rembourse la subvention au lieu d'utiliser ces profits à long terme. Nous étudions ces genres de possibilités.

Le sénateur Wetston : Je considère que le scénario que vous envisagez comporte deux volets, à part le bon travail que vous faites relativement à ce que vous tentez d'obtenir aujourd'hui et dans l'avenir.

Pour revenir à l'aspect réglementaire, j'ai l'impression qu'il faudra probablement que vos organismes de réglementation dans la province élaborent un certain code qui pourrait permettre une plus grande innovation dans la province. Nous comprenons que les sables bitumineux, en particulier, et bien entendu la production d'énergie ont de l'importance non seulement pour l'Alberta, mais aussi pour le Canada.

Sur le plan de la sécurité, je ne pense pas qu'il en ait été beaucoup question, mais je vais vous laisser y réfléchir. Peut- être que nous pourrions profiter de vos réflexions à ce sujet. Je crois qu'en ce qui a trait à la sécurité, nous en arrivons au stade où nous avons besoin d'une règle en matière d'innovation.

Qu'est-ce que je veux dire par là? On a établi une règle relativement au pétrole et au gaz. Nous disposons de règles relatives à l'activité minière. Elles sont très importantes pour ce qui est de recueillir des capitaux et comportent des volets très importants pour la protection des investisseurs. Il serait peut-être temps que vous envisagiez l'établissement d'une règle en matière d'innovation dans la province. Je vous laisse y réfléchir, et peut-être que vous pourriez nous en donner des nouvelles si vous réussissez à vous orienter dans cette direction. Y avez-vous déjà pensé?

M. MacDonald : je pense que vous avez raison. Il y a des attentes différentes ainsi que des revenus ou des profils de revenu différent. On a probablement besoin d'un produit légèrement différent.

Le président : Merci beaucoup, monsieur, de votre présence et de votre exposé. Je pense que nous avons posé de bonnes questions et obtenu de très bonnes réponses.

Avant que nous ne levions la séance, je veux déclarer que la greffière nous a dit qu'à la fin de l'après-midi, vendredi, elle aura préparé l'ordre du jour pour le voyage à Montréal qui aura lieu la semaine prochaine. Assurez-vous de rester en communication avec votre personnel afin que vous le receviez, car les personnes qui prendront le train à partir d'Ottawa partiront à 6 h 30 le matin.

Celles qui sont déjà à Montréal viendront nous rejoindre d'une autre façon. Je veux simplement que vous soyez tous prêts pour cette séance.

Passez une bonne journée.

(La séance est levée.)

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