Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 51 - Témoignages du 6 novembre 2018


OTTAWA, le mardi 6 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable, se réunit aujourd’hui, à 19 h 3, pour étudier ce projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis sénatrice indépendante, je représente le Québec et je suis aussi présidente de ce comité. Je demanderais aux sénateurs autour de la table de bien vouloir se présenter, en commençant à ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta.

La présidente : J’aimerais également présenter les analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good, ainsi que la greffière du comité, Maxime Fortin.

Chers collègues, ce soir, nous débutons notre étude du projet de loi C-57, loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable.

Pour notre première réunion, nous recevons, d’Environnement et Changement climatique Canada : Catherine McKenna, C.P., députée, ministre; Stephen Lucas, sous-ministre; et Gail Haarsma, directrice par intérim, Division des politiques relatives au développement durable, Direction générale de la politique stratégique. Je vous remercie tous de vous joindre à nous.

Madame la ministre McKenna, je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

[Français]

Catherine McKenna, C.P., députée, ministre de l’Environnement et du Changement climatique : Bonjour à tous. Pour commencer, je tiens à souligner le fait que nous sommes aujourd’hui réunis sur le territoire traditionnel du peuple algonquin et du peuple anishinaabe.

[Traduction]

Je vous remercie tous de m’avoir invitée ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-57, loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable. Il s’agit d’un projet de loi qui découle de la réponse du gouvernement au rapport unanime présenté par le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes. Il a été appuyé à l’unanimité à toutes les étapes de l’examen par la Chambre des communes, ce qui n’arrive pas couramment.

J’ai le plaisir d’être accompagnée par Stephen Lucas, sous-ministre, ainsi que par Gail Haarsma, directrice par intérim de la Division des politiques relatives au développement durable.

[Français]

Je profiterai de l’occasion pour vous donner un aperçu du projet de loi et répondre aux questions que vous pourriez poser.

[Traduction]

La Loi fédérale sur le développement durable, telle que nous la connaissons aujourd’hui, a été présentée comme un projet de loi d’initiative parlementaire par l’honorable John Godfrey. Ce projet de loi est devenu une loi en 2008. Elle fournit le cadre juridique de la Stratégie fédérale de développement durable et oblige 26 ministères et organismes à préparer leur propre stratégie à l’appui de la Stratégie fédérale.

Cette loi a représenté un important pas en avant en ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes. Elle a entraîné la définition d’une stratégie qui réunit en un seul endroit les objectifs, les cibles et les mesures du gouvernement fédéral en matière de développement durable, stratégie qui est appuyée par la production de rapports efficaces fondés sur des indicateurs environnementaux.

[Français]

Toutefois, nous pouvons et devons aller plus loin. Nous avons besoin de stratégies pour orienter les mesures dans l’ensemble du gouvernement et améliorer la qualité de vie des Canadiens. Nous avons besoin d’un solide régime de reddition de comptes pour garantir l’atteinte des résultats. De plus, nous devons continuer de discuter avec les Canadiens, étant donné que nous reconnaissons que chacun a un rôle à jouer dans la réalisation du développement durable.

[Traduction]

Avec le projet de loi C-57, nous franchissons une nouvelle étape vers une approche plus efficace, plus responsable et plus inclusive en matière de développement durable au Canada.

En juin 2016, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable a présenté un rapport adopté à l’unanimité qui s’intitule La durabilité fédérale pour les générations futures. Le comité a entendu 17 témoins qui ont fourni des commentaires, des conseils éclairés et une orientation.

Le rapport indique clairement que, si nous voulons que notre Stratégie fédérale de développement durable soit un succès, nous devons apporter des modifications à la Loi fédérale sur le développement durable.

Le projet de loi C-57 répond aux 13 recommandations formulées dans le rapport du comité permanent. Ces recommandations incluent d’élargir l’objet et le champ d’application de la loi, de promouvoir une approche pangouvernementale, de mobiliser les Canadiens ainsi que d’augmenter le nombre d’organisations fédérales chargées de préparer des stratégies de développement durable.

Le projet de loi C-57 entraînerait la révision de l’objet de la loi, qui mettrait non plus l’accent sur la planification à court terme, mais sur la vision à long terme. Le projet de loi permettrait de nous assurer que notre stratégie respecte nos obligations internationales et nationales en matière de développement durable, y compris le Cadre pancanadien, la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Parallèlement, il donnerait la souplesse nécessaire pour aborder les questions nouvelles et émergentes, comme les déchets de plastique.

En plus du principe fondamental de développement durable et du principe de précaution, qui figurent déjà dans la loi, le projet de loi C-57 ajouterait six nouveaux principes.

Le premier est un principe précisant que le développement durable est un concept en constante évolution et énonçant des façons de l’atteindre et de le faire progresser. Le deuxième est le principe de l’équité intergénérationnelle. Le troisième est le principe de l’ouverture et de la transparence. Le quatrième est le principe de la mise à contribution des Autochtones. Le cinquième est le principe de la collaboration, et le sixième, le principe des résultats et de l’exécution.

Tous ces principes seraient pris en compte lors de l’élaboration des stratégies de développement durable.

[Français]

Le projet de loi répond aussi à la recommandation du comité permanent de faire participer les organismes centraux à la promotion du développement durable au sein du gouvernement. Les modifications prévues dans le projet de loi C-57 officialiseraient le rôle du Conseil du Trésor quant à l’élaboration des politiques et à la publication de directives sur les répercussions des activités gouvernementales sur le développement durable.

[Traduction]

Le projet de loi C-57 permettra d’adopter une approche pangouvernementale en faisant passer de 26 à plus de 90 le nombre d’organismes fédéraux assujettis à la loi. Bon nombre de ces organismes ont une empreinte environnementale importante. En les incluant, nous pouvons promouvoir le développement durable d’une manière qui a une incidence plus grande pour le Canada.

[Français]

La transparence et la reddition de comptes au Parlement ont été des sujets cruciaux de l’examen du comité permanent. Les parlementaires ont toujours joué un rôle essentiel en ce qui a trait à la surveillance de la façon dont le gouvernement respecte ses engagements en matière de développement durable. Le projet de loi C-57, s’il est adopté, établirait des normes plus strictes en matière de transparence et de surveillance. En vertu de ces normes, chaque année les ministères auraient la responsabilité de présenter des rapports au comité des deux Chambres du Parlement qui traitent du développement durable.

[Traduction]

Il exigerait aussi que les cibles de la stratégie fédérale soient mesurables et associées à un échéancier.

Comme nous reconnaissons que le développement durable est un concept en évolution et que nous ne pouvons pas prévoir le futur, nous proposons également que la loi soit examinée tous les cinq ans par un comité parlementaire.

Pour la même raison, le projet de loi n’entraînerait pas l’ajout d’objectifs précis dans la loi. L’honorable John Godfrey a lui-même déclaré que si des objectifs avaient été inclus dans la loi actuelle, nous n’aurions pas eu la marge de manœuvre nécessaire pour aborder la croissance propre et les changements climatiques.

[Français]

Le comité permanent voulait également s’assurer que les stratégies et les mesures tiennent compte du point de vue des Canadiens. Les consultations publiques sont un élément essentiel de l’approche du gouvernement. Dans le cadre des consultations, les Canadiens ont manifesté leur appui à la Stratégie fédérale de développement durable de 2016-2019 et au Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi qu’à d’autres initiatives cruciales. Ils ont apprécié l’accessibilité et la transparence de la stratégie, de même que l’ouverture du gouvernement à l’égard de leurs commentaires.

Cependant, les Canadiens ont mentionné qu’ils s’attendaient à ce que le gouvernement fasse davantage de progrès, notamment qu’il fasse preuve d’une plus grande ouverture afin de garantir une stratégie qui tienne compte de tous les Canadiens.

[Traduction]

Nous continuerons de faire participer les Canadiens pour faire du Canada un chef de file en matière de développement durable. Les consultations publiques continueront de façonner les futures stratégies fédérales de développement durable et le projet de loi exigerait que les organisations fédérales tiennent compte des commentaires des Canadiens dans l’élaboration de leurs propres stratégies.

Afin de promouvoir davantage la consultation inclusive, le projet de loi renforcerait le Conseil consultatif sur le développement durable, que je préside et qui est actuellement composé de représentants de chaque province et territoire, des peuples autochtones, des entreprises, des organismes environnementaux non gouvernementaux et des syndicats. Le projet de loi C-57 ferait passer la représentation des peuples autochtones au sein du conseil de trois à six membres. Le conseil cherchera à refléter la diversité de la société canadienne.

[Français]

La Stratégie fédérale de développement durable actuelle est la plus solide à ce jour, et le projet de loi C-57 permet de renforcer les futures stratégies grâce à une approche participative plus inclusive qui vise à mobiliser et à faire participer l’ensemble des Canadiens.

En marge des consultations sur la Stratégie fédérale de développement durable, nous sommes déterminés à poursuivre le dialogue avec nos partenaires, les intervenants et tous les Canadiens. Nous continuerons de les informer au sujet de ce que fait notre gouvernement et nous les encouragerons à nous faire part des mesures qu’ils prennent en vue de faire progresser le développement durable.

Ce projet de loi tirerait profit de ce que nous avons déjà accompli et ouvrirait la voie à de futures stratégies plus transparentes et plus responsables. Il appuierait l’engagement de notre gouvernement à promouvoir un environnement propre et une économie forte. Les gens sont au cœur du développement durable, dont l’objectif sera toujours d’améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens.

[Traduction]

Je suis impatiente de suivre les travaux du comité dans le cadre de l’examen de cet important projet de loi. Je suis ouverte à toutes les recommandations que pourrait formuler le comité et c’est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.

J’aimerais également souligner le travail de la sénatrice Griffin, marraine du projet de loi C-57. Je suis vraiment reconnaissante de votre appui.

La présidente : Douze sénateurs aimeraient poser des questions. Je suggère d’accorder à chacun trois minutes pour une première série de questions, puis nous réévaluerons pour la deuxième série. Est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Madame la ministre, dans le projet de loi, il est question d’obtenir des résultats mesurables avec des échéanciers fixes. On sait que certaines organisations, comme l’ONU et le vérificateur général du Canada, ont indiqué que le Canada était en retard quant à son échéancier initial. Elles estiment même que le Canada est loin d’être adéquat et qu’il n’a pas fait sa part.

Pourriez-vous rassurer les Canadiens et les Canadiennes en leur disant que, même si nous accusons un retard, nous allons nous rattraper? Pouvez-vous les rassurer en leur faisant part de la façon dont le Canada pourra se rattraper?

Mme McKenna : Lorsque vous parlez de retard, c’est du point de vue des changements climatiques?

Le sénateur Massicotte : C’est du point de vue des émissions de CO2.

Mme McKenna : Des émissions de CO2 liées aux changements climatiques?

Le sénateur Massicotte : Oui, effectivement.

Mme McKenna : D’accord. Je vous remercie de votre question, sénateur. Nous croyons qu’il est important d’avoir des cibles et des plans pour les atteindre. Il faut aussi pouvoir constater les progrès.

Lorsque notre gouvernement est arrivé, rien n’avait été fait en matière de changements climatiques depuis 10 ans. Nous avons pris une année pour négocier avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones. Par la suite, nous avons établi des cibles et un plan pour les atteindre.

Nous voyons déjà un certain progrès, car nos émissions de gaz à effet de serre diminuent, alors que nous connaissons une période de croissance économique. Nous avons beaucoup de travail à accomplir, puisque la cible de 2030 prévoit l’élimination du charbon. D’ici là, nous ne verrons pas tous les résultats, mais nous pouvons affirmer que notre plan est robuste.

En plus de fixer un prix sur le carbone, nous faisons des investissements historiques dans les technologies propres, les infrastructures vertes, l’énergie renouvelable et les transports en commun.

Je peux vous assurer que nous travaillons chaque jour pour voir les progrès accomplis et les mesurer. Selon moi, il ne suffit pas d’établir une cible. Il faut aussi pouvoir atteindre cette cible. De ce fait, il est évident que nous devons tous en faire davantage pour y arriver.

Selon les modalités de l’Accord de Paris, tous les cinq ans nous devrons redoubler d’ambition. Nous en sommes au début du processus et nous croyons que chaque pays devra en faire davantage.

Le sénateur Massicotte : Vous avez négocié un plan pancanadien avec les provinces, auquel tout le monde participe. Quelques provinces montrent cependant des signes d’hésitation, mais vous leur imposez cette stratégie fédérale, et je l’appuie.

Par ailleurs, vous semblez croire que tout va s’arranger et que nous répondrons à nos attentes et à nos obligations en vertu de l’Accord de Paris. Est-ce bien le cas?

Mme McKenna : Oui. Nous avons un plan qui nous permettra d’atteindre nos objectifs. Il y a un rapport des Nations Unies qui indique que nous avons beaucoup de travail à faire si nous voulons demeurer sous la barre des 2 oC.

C’est la raison pour laquelle nous faisons autre chose à l’étranger. Par exemple, avec le Royaume-Uni, nous cherchons à éliminer le charbon, chose que tous les pays doivent faire. Beaucoup de pays se joignent à nous pour éliminer le charbon.

Honnêtement, je vous dis qu’au Canada cela représente beaucoup de travail, compte tenu des provinces conservatrices qui refusent de fixer un prix sur la pollution. Toutefois, chaque année nous réévaluons nos cibles et nous nous assurons de réaliser les progrès que nous devons réaliser.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La présidente : Je cède maintenant la parole au critique du projet de loi, le sénateur Patterson.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : En effet, j’ai le privilège d’être le porte-parole pour le projet de loi, même si, comme vous l’avez dit, madame la ministre, celui-ci a joui de l’appui de tous les partis à la Chambre des communes.

Comme je l’ai dit dans mon discours au sujet du projet de loi au Sénat, celui-ci est également approuvé par l’ancien gouvernement Harper, qui avait appuyé le projet de loi de M. Godfrey.

Il est logique d’assujettir à ce projet de loi toutes les activités des ministères et des organismes du gouvernement fédéral ainsi que de toutes les sociétés d’État. Comme vous l’avez dit dans votre déclaration, madame la ministre, cette stratégie permet de réunir en un seul endroit les objectifs, les cibles et les mesures du gouvernement fédéral en matière de développement durable, stratégie qui est appuyée par la production de rapports fondés sur des indicateurs environnementaux.

Qu’arrive-t-il si les ministères ne font pas leur travail? Qu’arrive-t-il s’ils ne produisent pas de rapport? Qu’arrive-t-il si leur rapport est inadéquat?

Nous avons entendu la commissaire à l’environnement et au développement durable. Elle a parlé des réussites des ministères fédéraux pour ce qui est de respecter leurs obligations à d’autres égards. Elle nous a récemment exprimé ses préoccupations comme quoi ce ne sont pas tous les ministères qui adhèrent à ces importantes initiatives.

Qu’arrivera-t-il? Comment nous assurer qu’il y aura des conséquences si aucun rapport n’est produit ou si les objectifs ne sont pas atteints?

Mme McKenna : C’est une question très importante, car l’objectif de cet exercice est de montrer que nous faisons des progrès et que nous exigeons des comptes des ministères.

Bien franchement, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons modifié la loi. Nous voulions avoir des cibles plus claires et une transparence accrue, parce que certaines des cibles n’étaient pas vraiment mesurables auparavant. Comme vous le savez, nous avons également rehaussé l’exigence et l’avons appliqué à 90 organismes fédéraux.

Toutes les cibles seront mesurées. La production d’un rapport sera exigée chaque année. Les ministères devront comparaître devant le comité, et la commissaire à l’environnement et au développement durable examinera les rapports.

Nous croyons qu’il s’agit d’un cadre beaucoup plus robuste pour assurer une reddition de comptes. En tant que ministre de l’Environnement et du Changement climatique, je tiens à m’assurer que les autres ministères respectent leurs obligations aux termes, notamment, du plan sur les changements climatiques. Qu’il s’agisse de transport au moyen de véhicules électriques, l’approche est réellement pangouvernementale. Je crois que cette approche a l’incidence souhaitée.

Le sénateur Patterson : Le Conseil du Trésor est mentionné dans le projet de loi. Quel rôle joue-t-il dans la coordination des activités des ministères fédéraux? Pourriez-vous expliquer ce qu’il ferait?

Je crois que le projet de loi laisse entendre que, outre les pouvoirs que vous avez en tant que ministre, un rôle pourrait être exercé par le Conseil du Trésor. Quelles mesures le Conseil du Trésor pourrait-il prendre à l’égard des ministères qui font preuve de négligence?

Mme McKenna : En tant qu’organisme central, le Conseil du Trésor est également concerné et joue un rôle très important. J’ai participé aux examens du Conseil du Trésor visant les activités, les projets et les programmes des ministères. Je vais demander au sous-ministre de fournir de plus amples renseignements à ce sujet.

Stephen Lucas, sous-ministre, Environnement et Changement climatique Canada : Le projet de loi reconnaît que le Secrétariat du Conseil du Trésor a un rôle à jouer pour orienter les activités gouvernementales en fonction des objectifs de développement durable. Il joue ce rôle fondamental.

Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique joue un rôle de coordination en fournissant son rapport d’étape et en rendant des comptes sur la Stratégie fédérale de développement durable tous les trois ans. Chaque ministère fournit son propre rapport. Ensuite, lors du cycle d’examen triennal des rapports d’étape annuels, le Parlement se penche sur les progrès réalisés de façon globale ainsi que sur les nouvelles stratégies, et il établit le cadre de responsabilisation et de transparence qui contribue de façon cruciale à hausser les attentes au fil du temps.

Le sénateur Patterson : Avez-vous dit que le Conseil du Trésor fournit un modèle normalisé pour la production de rapports sur les stratégies? Si c’est le cas, doit-on en déduire qu’il n’y a pas de mesures d’application qui permettent d’exiger que les ministères redoublent d’efforts s’ils n’atteignent pas leur objectif?

M. Lucas : Nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil du Trésor. Il encadre la production des rapports d’étape annuels en fournissant les modèles de tableaux supplémentaires pour les rapports ministériels sur le rendement. Nous fournissons le cadre général pour la production des stratégies ministérielles de développement durable. Nous contribuons tous deux à hausser les attentes en évaluant la force de ces stratégies.

Avec la présentation de rapports qui répondent aux dispositions sur la transparence, les activités peuvent être examinées par les parlementaires, par la commissaire à l’environnement et au développement durable et par la population canadienne. Le processus consultatif sur le développement durable et notre site web offrent aux Canadiens la possibilité de faire part de leurs commentaires.

D’ailleurs, nous avons reçu des commentaires qui nous ont amenés à apporter des changements à la stratégie. Nous avons mis notre stratégie à jour à deux reprises depuis le dernier examen, réalisé en 2016. Nous croyons que ce processus, qui favorise la transparence et la reddition de comptes, contribue à renforcer la stratégie et à hausser les attentes à bien des égards.

La sénatrice Cordy : Merci, madame la ministre, d’être des nôtres en ce qui me semble être une journée chargée pour tout le monde.

Je suis heureuse de voir que le projet de loi prévoit un examen tous les cinq ans, car il est important de renouveler l’approche en fonction de l’évolution de la technologie et des connaissances sur l’environnement.

À la lecture de l’article 9, j’ai un peu de mal à comprendre le processus. On dit que l’examen est réalisé par un comité permanent de la Chambre des communes ou du Sénat ou par un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat.

L’examen doit-il être réalisé par un comité de l’une ou l’autre des deux Chambres ou par un comité de chaque Chambre du Parlement?

Mme McKenna : Je crois comprendre que les deux comités peuvent y participer, mais je vais demander des précisions. Je parle des comités du Sénat et de la Chambre des communes.

La sénatrice Cordy : L’examen doit-il être réalisé par un comité de l’une ou l’autre des deux chambres, ou faut-il vraiment qu’il soit mené par un comité de chaque Chambre du Parlement?

Au Sénat, nous savons que, si c’est un seul comité qui doit effectuer l’examen, il y a, à mon avis, de fortes chances qu’il ne soit réalisé que par la Chambre des communes.

M. Lucas : Il est expressément indiqué que l’examen est réalisé par le comité de l’une ou l’autre des deux chambres ou par un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat.

La sénatrice Cordy : Dans ce cas, qui prend la décision?

M. Lucas : Nous allons clarifier cela.

La sénatrice Cordy : Vous avez parlé des principes inscrits dans le projet de loi. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu’on entend par le principe de l’équité intergénérationnelle?

Mme McKenna : Je vais vous donner mon interprétation de l’équité intergénérationnelle. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une définition, mais je vais demander à mon équipe compétente de la chercher.

La sénatrice Cordy : Je n’ai pas besoin d’une définition tirée du projet de loi.

Mme McKenna : L’équité intergénérationnelle est un principe dont on parle souvent lorsqu’il est question, par exemple, des changements climatiques. Nous sommes maintenant sur le point de léguer un fardeau d’une ampleur sans précédent aux générations futures. C’est la conséquence des changements climatiques.

L’équité intergénérationnelle, c’est, en quelque sorte, planifier en fonction des sept prochaines générations, comme le disent les Premières Nations. Nous considérons l’équité dans un sens plus large que le simple fait de léguer des richesses financières. En ce qui concerne l’environnement, il faut avoir une vision bien plus vaste. Nous devons tenir compte des conséquences de nos gestes pour la planète et pour les générations futures.

Il pourrait y avoir une façon plus éloquente de définir ce principe.

La sénatrice Cordy : Je préfère la façon simple.

M. Lucas : C’est un principe qui est au cœur du développement durable et qui découle de la Commission Brundtland.

À titre de précision au sujet de la question précédente, je souligne qu’il incombe aux comités du Sénat et de la Chambre de déterminer, individuellement ou conjointement, comment se déroulera l’examen prévu tous les cinq ans.

Le sénateur Richards : Au cours de la dernière année, les entreprises qui ont délaissé l’Alberta et l’Ouest canadien sont Strath, Total, Shell, ConocoPhillips et Marathon. Dernièrement, un certain nombre d’entreprises canadiennes estiment qu’elles devront également partir.

Avec cette stratégie de développement durable, pourra-t-on jamais faire revenir ces entreprises, ou croyez-vous même que nous avons besoin de ces entreprises dans le contexte économique actuel? A-t-on besoin de les faire revenir, ou peut-on se passer d’elles?

Mme McKenna : Je dis toujours que l’économie et l’environnement vont de pair. Il est évident qu’il nous faut de bonnes entreprises, car elles créent de bons emplois au pays.

Par ailleurs, je n’hésite pas à dire que nous devons acheminer nos ressources vers les marchés, mais de façon durable.

Les entreprises prennent des décisions en fonction d’une foule de facteurs. Pour le gouvernement, il est primordial de se doter d’un bon cadre de réglementation et de démontrer qu’il est possible de lutter contre les changements climatiques tout en favorisant la compétitivité des entreprises.

La compétitivité écologique est extrêmement importante. Au chapitre des investissements, nous savons que Shell vient d’annoncer le plus grand investissement de l’histoire du pays dans le secteur du gaz naturel liquéfié. Je vois cela comme une occasion à saisir.

Je suis revenue de ma visite en Chine samedi soir. La Chine veut connaître les solutions écologiques canadiennes. Je fais la promotion des entreprises canadiennes partout où je vais. Le secteur du gaz naturel liquéfié est énormément prometteur. La Chine fait partie des investisseurs intéressés, car elle cherche à remplacer le charbon, une source d’énergie qui nuit à la qualité de vie de la population, à la santé et à la lutte contre les changements climatiques.

Nous avons des solutions. Je crois qu’on peut faire les deux à la fois. C’est l’approche que le gouvernement préconise depuis toujours. Je ne crois pas que l’un va sans l’autre. En fait, on nuit à la compétitivité si, par exemple, on ne tient pas compte des effets des grands projets et des changements climatiques sur l’environnement. Il faut avoir une approche sensée, et c’est certainement le principe que nous défendons.

Je prends très au sérieux l’importance d’avoir des entreprises dynamiques au Canada, y compris dans le secteur des ressources.

Le sénateur Woo : J’aimerais revenir sur la question au sujet de l’équité intergénérationnelle. Comme le sous-ministre, je conviens tout à fait que c’est un principe on ne peut plus fondamental du développement durable. D’ailleurs, il est vraiment surprenant qu’il n’ait pas été inclus dans la première version du projet de loi, car tout est une question d’équité intergénérationnelle.

L’équité intergénérationnelle n’est pas qu’une idée vague. Elle implique de prendre des mesures très concrètes pour évaluer les coûts actuels par rapport aux coûts futurs.

J’espère que ma question ne sera pas trop technique. Elle l’est peut-être pour le ministère. Pour dire les choses très directement, j’aimerais parler du taux d’actualisation public. Le taux d’actualisation public est l’outil qui permet de déterminer si les coûts futurs pour la société sont aussi importants que les coûts actuels. Nous mesurons l’importance de ces coûts au moyen d’un taux d’intérêt.

Si on veut adopter une approche pangouvernementale en matière de développement durable, une solution très simple consiste à établir un taux d’actualisation public uniforme pour les grands projets et à évaluer les coûts des changements climatiques ou de toute autre forme de pollution pour notre société. En utilisant un taux d’actualisation uniforme, on peut se faire une idée de l’importance des coûts futurs par rapport aux coûts présents.

Je ne m’attends pas à une réponse détaillée pour le moment, mais j’aimerais savoir si le ministère s’emploie à déterminer comment établir ce que certains appellent un taux de préférence sociale pour le temps, afin que l’ensemble des ministères puissent évaluer de manière cohérente les projets, la pollution et les dommages à l’environnement.

Mme McKenna : Je vais tenter une réponse, puis je céderai la parole au sous-ministre. Dès que vous avez parlé de cet aspect, j’ai songé au coût social du charbon et à la façon d’attribuer un coût et une valeur à l’utilisation de cette ressource.

C’est vraiment important. Nous avons trouvé la définition de l’équité intergénérationnelle. C’est un principe important qui consiste à répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins.

C’est également une approche dont nous tenons compte lorsque nous évaluons les grands projets. D’ailleurs, un projet de loi sur les évaluations d’impact est à l’étude au Sénat.

Il est intéressant de se pencher sur la façon d’établir une valeur uniforme à tous les égards. C’est certainement un aspect auquel nous réfléchissons beaucoup. L’ONU a pu établir ce que coûterait l’inaction à l’égard des changements climatiques. Je ne me rappelle pas à quelle année remonte cette estimation, mais, selon l’ONU, les changements climatiques nous coûteront 50 billions de dollars si nous n’agissons pas.

On y pense rarement, mais c’est extrêmement important. J’y pense constamment, car, lorsqu’on a des enfants, on songe à ce qu’on va leur léguer. On se demande si on pourra leur donner les mêmes possibilités et s’ils seront capables de subvenir à leurs propres besoins.

M. Lucas : Pour répondre directement à la question, j’allais dire qu’il est évident que l’analyse la plus rigoureuse se produit dans le cadre de nos processus de réglementation et d’analyse coûts-avantages. Des facteurs comme le coût social ou les effets sur la santé qui sont associés aux mesures concernant la qualité de l’air sont pris en compte dans l’analyse coûts-avantages d’une politique. C’est une méthodologie établie que nous continuons de peaufiner en collaboration avec les autres ministères. C’est une façon d’orienter les activités futures et de connaître les coûts et les avantages associés aux politiques.

Le sénateur Woo : Je pourrais peut-être être plus précis. Même si on peut estimer les coûts futurs pour l’environnement à x billions de dollars, on peut facilement réduire ces coûts au moyen d’un taux d’intérêt très élevé. On peut dire que ces coûts ne sont pas si importants, parce que le présent est plus important que le futur.

Beaucoup de pays réussissent à s’en sortir en utilisant un taux d’actualisation très élevé. Beaucoup d’analystes se permettent de faire fi de la pollution et des inquiétudes liées aux changements climatiques en tenant pour acquis que le présent compte beaucoup plus que l’avenir. Pour justifier leur analyse, ils utilisent un chiffre.

Tout repose sur les chiffres d’une certaine façon. Si le gouvernement du Canada pouvait plancher sur la question de l’opinion des Canadiens quant à la valeur du présent comparativement à celle du futur, je crois que nous serions plus à même d’en arriver à un consensus quant à l’équilibre souhaité entre le présent et l’avenir.

Présentement, tout ce débat demeure abstrait. Les 30 billions de dollars dont vous parlez peuvent facilement être supprimés si on applique un taux d’actualisation élevé.

Mme McKenna : C’est intéressant, car il y a un mouvement à l’échelle internationale pour faire beaucoup mieux à ce sujet. On n’a qu’à penser à ce que fait Mark Carney ou à la divulgation des renseignements relatifs à l’environnement et à son importance, puisqu’il y a maintenant une évaluation du risque.

Ce n’est peut-être pas exactement la même chose que ce dont vous parliez, mais c’est un concept similaire. Il n’est plus possible de continuer dans une direction sans tenir compte du risque immense que représente un portefeuille à forte empreinte carbonique.

Le sénateur Neufeld : Merci, madame la ministre, de votre présence. C’est très intéressant d’entendre vos explications.

J’ai quelques questions. Vous dites que vous voulez une approche plus efficace, plus responsable et plus inclusive en matière de développement durable et vous dites aussi qu’il faut des mesures plus contraignantes quant à la reddition de comptes pour nous assurer d’obtenir des résultats.

Je ne suis pas d’accord. Dites-moi comment vous ferez pour que 90 ministères et organismes rendent des comptes. Donnez-nous plus de détails quant au fonctionnement de la partie sur l’obligation de rendre des comptes.

Si un ministère n’atteint pas les cibles, qu’arrive-t-il? Y aura-t-il une forme quelconque de pénalité? Habituellement, si on n’atteint pas un objectif qui nous a été donné, il y a une conséquence. Peut-être pourriez-vous donner quelques exemples du fonctionnement de ce processus.

Mme McKenna : D’abord et avant tout, il est très important qu’il y ait une cible mesurable. Un des problèmes qui existaient auparavant est que les cibles qui étaient fixées étaient vagues, alors il était même impossible de savoir si la cible avait été atteinte ou non. On pouvait affirmer avoir atteint une cible, alors que ce n’était peut-être pas le cas.

Le sénateur Neufeld : Les gouvernements ont fait cela? C’est bien ce que vous affirmez?

Mme McKenna : C’est maintenant une obligation. Une des modifications que nous avons apportées est qu’il sera maintenant obligatoire d’avoir des cibles mesurables. Il est obligatoire de faire rapport de sa progression et d’indiquer si les cibles ont été atteintes.

Il faut ensuite rendre des comptes de façon transparente par l’entremise des processus du Sénat et de la Chambre des communes. Il y a aussi la commissaire qui produit des rapports, des analyses et des vérifications très rigoureux de chacun des rapports présentés.

Lorsque la commissaire fait une vérification et qu’elle conclut que nous n’avons pas respecté les normes élevées qu’elle a fixées, nous prenons certainement cela très au sérieux. Je dirais qu’il y a assurément des répercussions, en ce sens qu’il faut alors expliquer pourquoi les cibles n’ont pas été atteintes et qu’il faut ensuite faire mieux.

Ce processus est plutôt uniforme. C’est l’approche qui a été choisie et je crois que la transparence obtenue par l’entremise du Parlement en est une composante très importante.

Le sénateur Neufeld : Nous sommes encore très loin d’atteindre les cibles fixées par le gouvernement actuel pour 2030, d’après ce que je peux comprendre, d’après les rapports que j’ai vus et d’autres choses du genre.

Ce que vous dites, c’est que ce qui constitue la responsabilisation, la conséquence et l’incitation pour le gouvernement à faire mieux, c’est la transparence obtenue en informant le public que le gouvernement n’atteint pas ses cibles. C’est bien cela?

Mme McKenna : Soyons clairs, il s’agit d’une cible pour 2030 et nous nous sommes engagés à atteindre cette cible. Je dois admettre qu’il ne sera pas facile d’atteindre cette cible, car, pendant 10 ans, le gouvernement précédent n’a rien fait.

Nous avons un plan. Ce plan est en place depuis décembre 2016. Nous travaillons à le mettre en œuvre. Certaines des mesures qu’il contient pourront avoir un effet très rapidement, mais il y a d’autres mesures comme l’élimination progressive du recours au charbon d’ici 2030 ou encore, pour prendre un exemple près de nous, l’investissement dans la deuxième phase du train léger à Ottawa. Ce projet mènera à la plus importante réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’histoire de la ville, mais il est toujours en construction.

Notre engagement est indéfectible. Même dans ce contexte, nous faisons rapport de nos émissions, de la façon dont nous effectuons le suivi et de toutes les mesures d’une façon très transparente et robuste. Nous espérons que les autres partis qui affirment qu’ils auront un plan de lutte contre les changements climatiques feront la même chose.

Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que le nombre de ministères et organismes passera de 26 à 90.

Cela comprend-il l’ensemble du gouvernement? Restera-t-il d’autres organismes ou groupes qui devront être ajoutés?

M. Lucas : En gros, la Loi sur la gestion des finances publiques sert pour les trois annexes. On y trouve les principaux ministères comme le ministère de l’Environnement et du Changement climatique, ainsi que des organismes comme la GRC et le Conseil national de recherches, et on arrive à un total de 90 ministères et organismes.

Les sociétés d’État ne sont pas incluses pour le moment, mais le projet de loi permettrait qu’elles le soient par un décret du gouverneur en conseil.

Pour nous, passer de 26 à 90 représente une étape importante. Cela permet de passer d’une approche axée sur l’environnement à une approche axée sur le développement durable en incluant les ministères chargés des politiques sociales.

Le sénateur Neufeld : Les sociétés d’État ne sont donc pas incluses.

M. Lucas : Les sociétés d’État comme Postes Canada ne sont pas incluses pour l’instant.

La présidente : Comme nous abordons la question, puis-je vous demander si le budget de la commissaire à l’environnement augmentera, puisque sa charge de travail augmentera en raison du passage de 26 ministères et organismes à 90? Elle viendra témoigner, alors je lui poserai également la question.

Mme McKenna : On verra ce qu’elle en pense. Ce n’est pas l’intention.

La sénatrice Seidman : Je voudrais poser une question au sujet du Conseil consultatif sur le développement durable. Voici ce que dit le projet de loi :

Le Conseil consultatif sur le développement durable conseille le ministre sur toute question touchant le développement durable que ce dernier lui soumet.

J’aimerais que vous m’aidiez à comprendre ce que cela signifie. D’après vous, quel type de questions pourraient être soumises? Commençons par cela.

Mme McKenna : Il y a de nombreux groupes qui agissent en tant que conseillers auprès de moi dans mon rôle de ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Ce pourrait être des questions liées aux rapports de progrès, ou j’imagine que ce pourrait aussi être des questions qui ne sont pas uniquement liées au projet de loi à l’étude.

On pourrait également avoir recours à l’expertise du conseil en matière de développement durable, le concept que préconise le gouvernement, quant à la façon d’approcher une vaste gamme de questions.

M. Lucas : Je voudrais ajouter quelque chose à la réponse de la ministre. Les secteurs clés communiqueraient avec des consultants pour qu’ils donnent leur opinion quant au rapport de progrès triennal que nous allons produire, en plus de la stratégie provisoire. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit pour la stratégie 2016-2019, qui a grandement profité de l’apport du comité consultatif et de celui des Canadiens en général.

La sénatrice Seidman : C’est la ministre qui devra soumettre au conseil toutes les questions relatives au développement durable. Je veux seulement comprendre, parce que c’est très large.

Comment la ministre déterminera-t-elle les questions qu’elle veut soumettre?

Mme McKenna : Comme le disait mon sous-ministre, évidemment, ce serait avant tout des questions liées au projet de loi, aux mesures prévues dans le cadre des rapports de progrès et de la stratégie.

Souvent, obtenir l’avis de groupes aux expertises variées est utile et cela pourrait concerner une vaste gamme de questions comme la façon d’approcher les espèces en péril ou d’autres éléments de mon portefeuille.

La sénatrice Seidman : Les avis obtenus seraient-ils rendus publics?

Mme McKenna : C’est une bonne question.

Gail Haarsma, directrice par intérim, Division des politiques relatives au développement durable, Direction générale de la politique stratégique, Environnement et Changement climatique Canada : Dans le passé, nous avons rendu publics les renseignements qui nous avaient été communiqués lors des consultations publiques. Dans la stratégie de 2016-2019, il y a un résumé de ce que le Conseil consultatif du développement durable a produit. Oui, les avis seraient rendus publics.

La sénatrice Seidman : Vous dites qu’il y aura maintenant six représentants des peuples autochtones au sein du conseil consultatif. Comment seront-ils choisis?

M. Lucas : Cela se fera en consultation avec les organismes autochtones nationaux. Nous allons chercher des représentants des Premières Nations, des Inuits et des nations métisses qui possèdent une expertise dans les domaines liés au développement durable concernant un ou plusieurs des piliers.

La sénatrice Simons : C’est ma première présence à une réunion du comité et, déjà, j’ai appris qu’il fallait que je me dépêche à poser mes questions, parce que deux des questions que j’avais ont déjà été posées. Alors je vais poser des questions complémentaires au sujet du conseil consultatif.

Vous allez accroître la représentativité des Autochtones. Combien le conseil compte-t-il de membres présentement? Le nombre total de membres du conseil va-t-il augmenter ou est-ce que les trois nouveaux représentants des Autochtones vont remplacer trois des membres actuels?

Mme Haarsma : Présentement, le Conseil consultatif du développement durable compte 25 membres, en plus de la ministre, ce qui fait 26. Les trois représentants s’ajouteront au nombre, donc 28 membres, plus la ministre, soit 29.

Il y a des représentants de toutes les provinces et de tous les territoires, trois représentants de l’industrie, trois représentants des syndicats, trois représentants des organismes environnementaux, trois représentants des peuples autochtones présentement, et auxquels s’en ajouteront trois autres.

La sénatrice Simons : Les responsabilités dont le conseil devra s’acquitter seront beaucoup plus importantes. Auparavant, le mandat demandait seulement d’examiner le projet de loi. Maintenant, le conseil devra donner son avis à la ministre sur demande.

Le mandat des membres sera-t-il d’une durée déterminée? Les membres siégeront-ils au conseil pendant trois ans ou cinq ans? Peuvent-ils rester en poste aussi longtemps que le souhaite la ministre? Il est question de couvrir certaines dépenses des membres. Recevront-ils aussi des honoraires?

Mme McKenna : Je peux répondre à une de ces questions avec certitude. Les dépenses couvertes sont les dépenses raisonnables, une mesure assez courante. La durée des mandats est de quatre ans.

M. Lucas : J’ajouterais que leur travail est surtout axé sur le projet de loi et sur la création de stratégies de développement durable.

Des mesures particulières sont-elles prises? Est-ce que des progrès sont réalisés? Y a-t-il des éléments des avis donnés dontle gouvernement pourrait éventuellement tenir compte dans le cadre d’une stratégie globale de développement durable ou de stratégies de ministères en particulier?

Mme McKenna : Si cela vous intéresse, j’ai découvert que les comités consultatifs multilatéraux sont extraordinairement utiles. Ils regroupent des gens qui ne participeraient peut-être pas aux discussions autrement, alors on rassemble l’industrie, les peuples autochtones, les provinces et les environnementalistes.

Parfois, il est préférable que les opinions contraires s’expriment ailleurs que dans une réunion, mais, lorsque des gens se retrouvent à une même table, ils trouvent des intérêts communs assez rapidement. Il y aura toujours des divergences d’opinions, mais on obtient ainsi de meilleurs résultats.

La sénatrice Simons : Heureuse de l’entendre. Les 30 années que j’ai passées dans le monde du journalisme m’ont rendue cynique au sujet des conseils consultatifs de tout acabit.

Il me semble, madame la ministre, que vous décrivez un processus différent de celui que décrit votre sous-ministre. M. Lucas affirme que le conseil consultatif travaillera surtout sur des questions qui sont rattachées au projet de loi, alors que vous affirmez qu’il pourra rendre des avis sur différentes questions liées à votre ministère.

J’aimerais que vous clarifiiez cette question.

Mme McKenna : Son travail portera assurément sur les questions liées au projet de loi, aux rapports et à la reddition de comptes. Est-ce que le conseil pourrait travailler sur des questions plus larges? J’imagine que cela pourrait arriver, mais je ne crois pas que ce soit l’objectif.

La sénatrice Griffin : J’aurais un commentaire à formuler, suivi d’une brève question.

Mon commentaire se rapporte à la question de la sénatrice Cordy quant au comité ou à la Chambre qui serait concerné, voire les deux Chambres. J’ai compris, mais je voudrais mentionner que la Loi sur la statistique prévoit qu’une chose du genre peut être traitée par un comité de l’une des deux Chambres. Or, cela n’est pas arrivé, ce qui est problématique. Je suis donc bien contente que vous en soyez consciente afin que cela ne se reproduise pas.

Ma question concerne le moment choisi pour adopter cette modification, ainsi que la loi modifiée. Si elles ne sont pas adoptées assez rapidement, j’imagine que vous aurez commencé à concevoir la prochaine stratégie triennale au moyen de l’ancienne loi. Est-ce exact?

Mme McKenna : C’est exact. Nous devons commencer à agir. Cependant, nous sommes sûrs de pouvoir adopter le projet de loi. Nous élargissons notre réflexion dans notre étude des différents enjeux. C’est une très bonne approche. Une approche mieux alignée sur les objectifs du développement durable et fondée sur ce dernier est une meilleure approche. C’est aussi une approche qui m’aide dans la gestion de mon portefeuille. Je représente un ministère, mais il faut vraiment que l’ensemble des ministres fassent ce qu’il faut en matière de changements climatiques et d’autres enjeux environnementaux.

La présidente : Vous avez mentionné que l’une des raisons qui ont mené à la présentation du projet de loi C-57 était de s’assurer que nous respections nos engagements internationaux et nationaux et vous avez cité différentes conventions. Cependant, les objectifs de l’ONU pour 2030 n’en font pas partie. Pouvez-vous expliquer pourquoi ces objectifs en particulier ne font pas partie du projet de loi?

Mme McKenna : Je vais m’informer au sujet de la raison exacte pour laquelle ils n’en font pas partie. La commissaire à l’environnement et au développement durable a eu la bonne idée de suggérer qu’on aligne ces objectifs sur les objectifs du développement durable. C’est un peu compliqué, parce que la loi avait été rédigée avant l’arrivée des objectifs de développement durable. Les objectifs de développement durable concernent ce que fait le Canada dans l’ensemble au sujet de différentes cibles. Certaines sont un peu trop éloignées du cadre que nous avons ici. Les mesures prises par les provinces et par d’autres entités sont incluses, mais nous avons pris en compte 13 des objectifs de développement durable les plus pertinents.

M. Lucas : L’objet énoncé tient maintenant compte de ces obligations internationales et nationales tout en reconnaissant qu’elles peuvent évoluer avec le temps. Comme elles sont circonscrites dans le temps, plutôt que de les énumérer, le projet de loi y fait référence. Assurément, ces obligations sont prises en compte dans les différentes stratégies triennales et dans les engagements qui sont pris, qu’il s’agisse de la Convention sur la diversité biologique liée aux objectifs de développement durable de l’ONU ou d’autres conventions qui pourraient être adoptées au cours des années à venir.

Le sénateur MacDonald : L’article 12 de la loi exige du gouvernement fédéral qu’il prévoie des clauses visant l’atteinte des cibles applicables de la stratégie fédérale de développement durable et des stratégies ministérielles de développement durable pour tous les contrats fondés sur le rendement, mais le projet de loi C-57 abroge cet article. Pourquoi l’abroger?

M. Lucas : La réponse est plutôt technique. Cela concerne les contrats d’approvisionnement fondés sur le rendement. Comme il y a une référence au Conseil du Trésor et à ses orientations concernant les opérations du gouvernement, notamment l’approvisionnement, on a considéré que, plutôt que d’avoir cette mention spécifique aux contrats fondés sur le rendement, la référence aux orientations du Conseil du Trésor serait reflétée dans les orientations auxquelles le gouvernement doit se plier, qu’il s’agisse des contrats fondés sur le rendement, d’autres mesures visant à rendre le gouvernement plus écologique ou d’autres éléments du projet de loi.

Le sénateur MacDonald : Est-ce que cela signifie que les contrats fondés sur le rendement ne devront plus comprendre de clauses visant l’atteinte des cibles applicables?

M. Lucas : Ce sont les règles. Cela continuera d’être exigé, mais au moyen des orientations et des directives liées à l’approvisionnement de gouvernement à gouvernement, aux achats ou à d’autres questions établies par le Conseil du Trésor. Ce sera toujours le cas, mais le cadre sera élargi.

Le sénateur MacDonald : Il y a longtemps, j’ai travaillé pour Travaux publics et Approvisionnements et Services, un ministère qui n’existe plus. Les contrats et l’approvisionnement étaient notre lot quotidien.

Le sénateur Neufeld a parlé de l’augmentation du nombre d’organismes fédéraux qui devront contribuer à la stratégie — il y en aura 90 au lieu de 26 — et il a souligné qu’il y aurait des exemptions. Il en a mentionné quelques-unes.

Pourquoi y aura-t-il des exemptions? Qu’est-ce qui justifie que tel ou tel organisme soit exempté?

M. Lucas : On passera de 26 ministères et organismes qui ont des liens avec l’environnement et qui préparent déjà des stratégies de développement durable à 90 ministères et organismes, soit un élargissement considérable visant à inclure tous les organismes inscrits à l’annexe qui sont financés par crédits parlementaires, notamment le Conseil national de recherches, le ministère de la Défense et la GRC.

En raison de l’ampleur de cet élargissement, il a été décidé d’étendre les éléments pris en compte afin d’inclure des considérations sociales, économiques et environnementales, le développement durable et la capacité d’agir dans l’avenir.

Le sénateur MacDonald : Qu’est-ce qui justifierait une exemption?

Mme McKenna : Techniquement, ils n’ont pas été exemptés. Ils n’ont simplement pas été inclus; ce n’est pas la même chose. Comme on passait de 26 à 90, la marche était haute. On a donc ciblé les organismes les plus pertinents.

Cela dit, votre question est pertinente. Devrait-on inclure encore plus d’organismes? Je crois que oui. La Commission de la capitale nationale, par exemple, a déjà affirmé qu’elle souhaitait être incluse. Nous examinons présentement la possibilité de l’inclure au moyen de la réglementation. C’est l’objectif. Il s’agit d’une approche importante qui devrait être appliquée à l’ensemble du gouvernement.

[Français]

Le sénateur Mockler : J’aimerais vous remercier, madame la ministre, de votre présence parmi nous ce soir, et je remercie également les fonctionnaires présents. J’aimerais formuler quelques commentaires.

[Traduction]

La question que je me pose est la suivante : pourquoi le Canada tient-il tellement à n’utiliser qu’un seul outil? Fort probablement, le réchauffement climatique aura des incidences pour la génération plus jeune et celles qui suivront. Je sais que mes enfants en parlent. Je ne parlerai pas des conservateurs, mais j’aimerais parler du Protocole de Montréal.

Ce n’est pas la première fois que le Canada doit réagir face à une menace environnementale planétaire aux conséquences potentiellement désastreuses. Le Canada a brillamment joué un rôle tant scientifique que géopolitique dans la réponse à l’amincissement de la couche d’ozone stratosphérique.

Le Protocole de Montréal a été négocié en 1987 et la couche d’ozone s’est stabilisée. Sur cette question, le Canada a d’abord créé un groupe technologique pour déterminer s’il existait une solution pour cesser l’utilisation des CFC à l’origine du problème. Le Canada n’a pas imposé de taxe sur les désodorisants. Il s’est servi de la réglementation et de mesures incitatives et cela a fonctionné.

Premièrement, est-ce que le gouvernement du Canada a mené ou commandé une étude pour savoir s’il existe des moyens techniques qui lui permettraient de respecter l’engagement qu’il a pris à Paris?

Deuxièmement, s’il l’a fait, quels sont ces moyens et lesquels a-t-il choisis? Les Canadiens ont le droit de savoir.

Troisièmement, s’il ne l’a pas fait, compte-t-il chercher à savoir si l’engagement qu’il a pris est techniquement réalisable pour monsieur et madame Tout-le-Monde?

Mme McKenna : C’est un excellent point. Le Protocole de Montréal est l’exemple d’une mesure prise par un premier ministre conservateur pour régler un des plus importants problèmes dont on entendait parler lorsque j’étais jeune : le trou dans la couche d’ozone. Je croyais que nous allions tous mourir du cancer.

Ces efforts ont été couronnés de succès. D’ailleurs, j’étais en compagnie de l’ancien premier ministre Mulroney à Montréal pas plus tard que l’année dernière pour souligner le 30e anniversaire du Protocole de Montréal. Il s’agit de l’entente internationale qui a été la plus fructueuse.

Il faut regarder différents outils pour différentes mesures. Je crois qu’on peut en tirer des leçons très utiles. Nous avons également discuté de la façon dont il a réglé le problème des pluies acides. Une des solutions qu’il avait adoptées était la tarification de la pollution.

En ce qui concerne la technologie et la meilleure façon de l’orienter, la bonne nouvelle au sujet des entreprises, c’est que, comme je l’ai appris, lorsque leurs coûts augmentent, elles se mettent à chercher des façons de les réduire. C’est pour cette raison que l’on considère que la tarification de la pollution est la façon la plus efficace de réduire les émissions, car elle favorise l’avènement des innovations nécessaires.

C’est une formule éprouvée. Il y a de nombreux exemples. Prenons la Colombie-Britannique, où il y a une tarification de la pollution. Lorsque la tarification augmente, les émissions diminuent. C’est la province qui a connu la plus forte croissance économique et le secteur des technologies propres y était en plein essor. On peut aussi penser au lauréat du prix Nobel en économie qui en a également fait la démonstration.

La technologie fait assurément partie de la solution. Nous faisons des investissements historiques dans les entreprises du secteur des technologies propres, mais l’imposition de la tarification de la pollution amènera certainement les solutions que nous voulons. J’ai pu le constater en discutant avec les quelque 30 entreprises membres de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone, qui appuie l’établissement de la tarification de la pollution. Cela comprend toutes les grandes banques, les entreprises du secteur des ressources, ainsi que des entreprises de biens de consommation.

Il faut saisir l’occasion. Je crois que tous doivent mettre la main à la pâte, mais la tarification de la pollution est essentielle à l’atteinte de nos cibles. Il est également important de tirer profit de l’occasion de 30 billions de dollars dans le secteur de la croissance propre et dans les solutions que la Chine recherche.

La présidente : Merci beaucoup de votre présence, madame la ministre.

Mme McKenna : J’apprécie vraiment l’intérêt que vous portez tous à cette question. Je crois que c’est extrêmement utile. Nous devons travailler à mettre en place des lois robustes. Merci.

La présidente : Nous avons un deuxième groupe de témoins. Nous souhaitons la bienvenue à M. Stephen Lucas et Mmes Gail Haarsma et Hilary Geller d’Environnement et Changement climatique Canada, qui resteront avec nous. Nous accueillons également M. Nick Xenos, directeur exécutif du Centre pour un gouvernement vert au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Si j’ai bien compris, vous n’avez pas de commentaires ou de déclaration à faire; vous êtes plutôt ici pour répondre à des questions.

Le sénateur Mockler : J’imagine que nous visons le même objectif, soit de trouver la meilleure solution pour les Canadiens. Si ce n’est pas le cas, je vous demanderais d’expliquer pourquoi je me trompe.

Avez-vous pris connaissance d’une étude de faisabilité? On parle trop souvent de la taxe sur le carbone comme solution et on affirme que le projet de loi C-57 vise à établir une approche. Il y a quelques minutes, la ministre a parlé de la Colombie-Britannique. Cependant, si on jette un coup d’œil à la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, on constate qu’elle a été mise en œuvre en 2008, le jour de la fête du Canada. Les statistiques sur la consommation d’essence sont disponibles pour les neuf dernières années. Vous pouvez regarder le graphique, mais je vais vous donner les chiffres.

Selon Statistique Canada, d’après la taxe perçue en 2017, les Britanno-Colombiens ont consommé 4,94 milliards de litres d’essence. En 2008, la consommation s’est chiffrée à 4,47 milliards de litres, ce qui représente une augmentation de 10,5 p. 100.

Ces chiffres indiquent que nous devons revoir notre orientation si nous voulons mettre en œuvre la formule que vous nous demandez d’examiner. Comment pouvons-nous expliquer cela, si on prend la taxe en compte? Une étude de faisabilité technique a-t-elle été réalisée pour prouver que cela peut fonctionner?

M. Lucas : Ma réponse fournira peut-être un peu plus d’information.

L’actuelle Stratégie fédérale de développement durable — et ses mises à jour — prévoit un plan global de lutte contre les changements climatiques, établi par les premiers ministres du Canada. Comme la ministre l’a mentionné, ce plan compte plus de 50 mesures distinctes dont la tarification de la pollution et des mesures complémentaires portant notamment sur les codes et les normes du bâtiment, les normes d’efficacité des véhicules, le stockage du carbone par les forêts et les terres agricoles et l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Ces mesures reposent sur un travail technique réalisé en 2016 par des experts, des fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, des représentants d’entreprises et d’autres intervenants qui ont étudié des centaines de pages de documents. Le rapport de ce groupe de travail proposait une vaste gamme de mesures. En fait, quatre rapports distincts proposent les mêmes mesures.

De plus, dans une perspective plus large en termes de possibilités technologiques, le gouvernement a publié en 2016 une série de scénarios tournés vers l’avenir qui envisagent diverses solutions technologiques, pour le milieu du siècle, et une combinaison de technologies pour accroître la réduction des émissions dans le contexte d’une économie en croissance, pour la période allant de 2030 à 2050.

Ces mesures figurent comme solutions pour atteindre les cibles et les objectifs prévus dans la Stratégie fédérale de développement durable.

En Colombie-Britannique, diverses études ont été publiées sur la réduction des émissions réalisées grâce à la politique retenue par la province, dans le contexte d’une population et d’une économie en croissance. Il est possible de consulter ces études.

Le sénateur Richards : Ce débat n’est pas nouveau. Pourquoi la taxe sur le carbone plutôt qu’un système de plafonnement et d’échange?

La formule du plafonnement et de l’échange offre apparemment de bonnes possibilités de limiter les émissions de gaz à effet de serre et de calculer la quantité d’énergie que les entreprises consomment. Je me demande pourquoi on opte pour la taxe sur le carbone plutôt que pour un système de plafonnement et d’échange.

La présidente : Je rappelle aux sénateurs que nous discutons du projet de loi C-57. Cet enjeu n’est pas lié au projet de loi. Quoi qu’il en soit, souhaitez-vous répondre?

M. Lucas : J’allais faire remarquer que dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, le gouvernement adopte une approche qui reconnaît les systèmes de plafonnement et d’échange élaborés par le Québec et maintenant la Nouvelle-Écosse, de même que d’autres régimes de tarification comme ceux de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Je m’arrête là-dessus.

Le sénateur Patterson : J’ai une question à poser au sous-ministre. La ministre nous a dit que les émissions de gaz à effet de serre étaient en baisse. C’est ce qu’elle a affirmé dans ses remarques liminaires.

Nous examinons actuellement ce qu’il en coûtera pour amorcer le virage vert. Vous avez mentionné certains rapports, mais parmi ceux-ci s’en trouve-t-il qui fournissent des détails sur les émissions de gaz à effet de serre au Canada? Le cas échéant, le comité pourrait-il avoir ou consulter ces rapports?

M. Lucas : Oui, certainement. Nous nous ferons un plaisir de porter ces rapports à votre attention. Le Canada publie chaque année plusieurs rapports par l’entremise du ministère d’Environnement et Changement climatique. Dans un de ces rapports, plus précisément celui sur les tendances en matière d’émissions, le ministère examine des données historiques et la modélisation des mesures climatiques incluses dans des mesures législatives ou réglementaires, et fait des prévisions jusqu’en 2030.

En réalité, ces rapports font des prévisions en matière d’émissions. Ils comptent de 700 à 800 pages, sont très détaillés et reposent sur des observations, des analyses et des modèles économiques et environnementaux. Le processus prévoit également la présentation d’un rapport biennal à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Les autres années, le ministère assure une entière transparence en publiant ses prévisions en matière d’émissions.

Par surcroît, le ministère publie également un rapport d’inventaire national fondé sur les observations et les donnéesque les entreprises ont enregistrées sur leurs émissions. Ce rapport fournit au ministère un point de référence historique pour la mise à jour des modèles à venir.

Environnement et Changement climatique Canada publie chaque année plusieurs rapports. Nous serions ravis de les présenter au comité.

Le sénateur Patterson : Si on se fie à la tendance, est-il vrai que les émissions de gaz à effet de serre sont en baisse?

M. Lucas : Au Canada, au cours des dernières années, nous avons effectivement constaté que les émissions ont d’abord augmenté avant de se stabiliser et de commencer à baisser. Selon les prévisions jusqu’en 2030 et le rapport sur les tendances en matière d’émission publié en décembre 2017, la plus importante baisse d’émissions aura lieu en 2030 et sera une conséquence directe des mesures élaborées avec les provinces et les territoires.

Le sénateur Neufeld : Les graphiques que j’ai vus sont légèrement différents. Ils ont été présentés au comité. Si les émissions ont effectivement baissé comme vous le dites, dans quelle proportion l’ont-ils fait? De combien de tonnes en tout?

Dites-moi simplement de combien de tonnes, sans prendre en compte les prévisions pour l’avenir. Je veux connaître la situation actuelle. C’est ce que le sénateur Patterson a demandé. Nous souhaitons connaître la situation actuelle, pas celle de 2030, à la suite de la fermeture de toutes les centrales au charbon et des autres mesures.

À combien de tonnes se chiffre la baisse? Est-ce que 2015 est la dernière année pour laquelle vous possédez des données?

M. Lucas : Oui. Mon équipe a montré que les émissions ont baissé d’environ 4 p. 100 entre 2005 et 2016.

Le sénateur Neufeld : Ce calcul repose sur les chiffres à compter de 2005.

M. Lucas : C’est l’année de départ. Comme je l’ai dit, comme suite aux mesures qui ont été inscrites dans des mesures législatives ou réglementaires ou qui ont été annoncées, on prévoit une baisse considérable d’ici 2030. C’est ce qui est indiqué dans les rapports que le ministère a publiés.

Le sénateur Neufeld : C’est ce qui doit arriver si les choses se déroulent comme prévu en théorie. Ce n’est pas la réalité actuelle.

Il est intéressant de voir que le calcul porte sur la période allant de 2005 à aujourd’hui. La ministre a affirmé que les conservateurs n’ont rien fait. De toute évidence, quelque chose doit s’être passé entre 2005 et 2015. Je serais curieux de savoir quelle est la baisse pour la période de 2015 à aujourd’hui.

Je tenais à ce que cette observation soit consignée au compte rendu.

[Français]

La présidente : Nous avons épuisé le temps dont nous disposions pour la période des questions. Cela a été fort intéressant, et nous vous remercions de votre présence.

(La séance est levée.)

Haut de page