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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


HALIFAX, le mercredi 24 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 7 h 59, pour l’étude du projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis sénatrice du Québec, et je préside le Comité.

Je demanderais aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du territoire du Traité no 10, au Manitoba.

La présidente : Aujourd’hui, nous reprenons l’étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

Notre premier groupe de témoins est formé de Nathan Blades, directeur du Clean Ocean Action Committee; de Rey Ritcey, chef de la direction de la Maritimes Energy Association; et d’Alisdair McLean, directeur général de l’Offshore Energy Research Association of Nova Scotia.

Chacun a cinq minutes pour sa déclaration préliminaire, qui sera suivie de questions et réponses.

Nathan Blades, directeur, Clean Ocean Action Committee : Je suis le directeur général de Sable Fish Packers 1988 Limited, de l’île du cap de Sable, une entreprise de produits de la mer créée par mon grand-père, Basil Blades, dans les années 1940. J’ai déjà été président de la Nova Scotia Fish Packers Association, aujourd’hui connue sous le nom de Nova Scotia Seafood Association.

À l’heure actuelle, le Clean Ocean Action Committee représente environ 9 000 intervenants de l’industrie des produits de la mer en Nouvelle-Écosse. Il faut une réglementation environnementale rigoureuse et des processus d’évaluation transparents et robustes pour protéger l’environnement et les intervenants touchés contre les risques éventuels des projets industriels.

Le projet de loi C-69 est un pas vers le rétablissement du processus d’évaluation environnementale au Canada. Mais nous ne pouvons pas l’appuyer dans sa forme actuelle. Plus précisément, nous ne pouvons pas être d’accord pour donner aux offices des hydrocarbures extracôtiers ou à leurs membres un plus grand pouvoir de participer aux évaluations d’impact des projets de forage extracôtier.

Je vous donne un peu de contexte. L’industrie des produits de la mer, dans laquelle je travaille, génère 25 000 emplois directs dans l’économie de la Nouvelle-Écosse. Nos exportations valent, au bas mot, environ 2 milliards de dollars. Toutes les collectivités côtières de la Nouvelle-Écosse sont tributaires de l’industrie des produits de la mer à un titre ou à un autre.

Les activités pétrolières et gazières extracôtières menacent sérieusement mon industrie, qu’une catastrophe pétrolière ou gazière pourrait facilement anéantir.

Le Clean Ocean Action Committee et moi-même avons passé plus de trois ans à demander à l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, ainsi qu’aux gouvernements fédéral et provincial, de resserrer la réglementation sur le pétrole et le gaz extracôtiers, pour notre protection. Nous avons demandé des choses qui nous paraissaient raisonnables, comme l’interdiction d’exploration pétrolière et gazière dans les zones de pêche d’importance et les aires de croissance sensibles en zone extracôtière.

Nous avons demandé un obturateur annulaire du bloc d’obturation de puits pour la côte Est, de préférence en Nouvelle-Écosse, qui serait prêt à déployer dans les 24 heures d’une éruption. Nous avons réclamé l’engagement de ne pas utiliser de dispersants toxiques en cas de déversements de pétrole en zone extracôtière. Nous avons demandé l’imposition d’obligations d’améliorer les méthodes et la technologie d’intervention en cas de déversement. Nous avons demandé l’imposition de l’obligation de nettoyer le pétrole déversé dans l’océan dans toute la mesure du possible. Enfin, nous avons demandé la création d’un fonds d’assurance pour indemniser l’industrie des produits de la mer en cas de catastrophe pétrolière ou gazière.

L’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers a rejeté toutes ces demandes de resserrement de la protection, au motif que la réglementation existante est assez rigoureuse, que l’industrie pétrolière et gazière est très sécuritaire, et que le risque de catastrophe est infinitésimal.

En 2016, au large de la Nouvelle-Écosse, pour la première fois de l’histoire, le Stena IceMAX a connu une défaillance et a laissé tomber au fond de l’océan, à quelques mètres d’une tête de puits, un bloc de tubes prolongateurs de 115 tonnes et 2 000 mètres de tige de forage.

En 2018, au large de la Nouvelle-Écosse, la plateforme West Aquarius a laissé échapper au fond de l’océan 136 000 litres de fluides de forage synthétique.

En novembre 2018, au large de Terre-Neuve, Husky Energy a déversé 250 000 litres de pétrole en tentant de relancer ses opérations dans des conditions maritimes extrêmes à la suite d’une grosse tempête. La réglementation en vigueur à l’époque n’obligeait pas Husky à obtenir la permission de l’office pour relancer les opérations, et l’enquête a révélé que Husky avait suivi les protocoles.

Il est clair que l’actuel régime de réglementation du pétrole et du gaz extracôtiers n’est pas suffisant pour protéger le milieu marin dans les conditions extrêmes de l’Atlantique Nord. Dans l’industrie des produits de la mer, nous sommes à risque et nos instances en faveur d’une meilleure réglementation ne sont pas entendues.

De plus, les nominations aux offices des hydrocarbures extracôtiers sont des nominations politiques de personnes non élues. Il s’agit surtout de vétérans de longue date du secteur pétrolier et gazier, comme l’ancien chef de la direction de la Maritime Energy Association, aujourd’hui membre du conseil de l’office.

Sans vouloir vous offenser, cette association favorise, encourage et soutient l’exploitation pétrolière et gazière. Ses sociétés membres desservent et soutiennent le secteur de l’énergie dans l’Est du Canada. Ces gens-là sont des champions de l’exploitation pétrolière et gazière, et leurs emplois dépendent de l’exploitation pétrolière et gazière.

Ils ne sont pas capables d’agir sans parti pris pour évaluer les répercussions environnementales des projets pétroliers et gaziers extracôtiers. Ils réglementent les projets qui feront l’objet d’une évaluation d’impact environnemental, ce qui les met en conflit d’intérêts.

Il ne faut pas que le projet de loi C-69 donne aux offices des hydrocarbures extracôtiers et à leurs membres un plus grand pouvoir de participer aux évaluations d’impact des projets dont ils font la promotion dans le secteur du pétrole et du gaz extracôtiers.

Nous demandons de modifier le projet de loi C-69 pour retirer aux offices des hydrocarbures extracôtiers tout rôle, à part de leur rôle consultatif actuel, qu’ils pourraient avoir dans le processus d’évaluation d’impact.

À cette fin, nous demandons de supprimer le paragraphe 46.1(3) et le paragraphe 48.1(3) du projet de loi.

Compte tenu du temps que j’ai pris aujourd’hui, nous sommes d’avis que toutes les activités d’exploration sismique extracôtière devraient être ajoutées à la liste des projets nécessitant une évaluation d’impact en bonne et due forme.

Merci.

Rey Ritcey, chef de la direction, The Maritimes Energy Association : Nous sommes heureux de comparaître au nom de la Maritimes Energy Association, devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui cherche, en particulier, d’autres observations sur le projet de loi C-69. Bienvenue à Halifax.

Nous représentons plus plus de 200 entreprises maritimes qui vendent des biens et des services dans le monde. Depuis plus de 37 ans, nous faisons la promotion de l’industrie de l’énergie de la côte Est du Canada dans un environnement mondial en transformation.

Nous collaborons avec nos membres à promouvoir la région et son économie énergétique en travaillant avec les principaux intervenants, dont les gouvernements et leurs décideurs respectifs.

Grâce à nos partenariats, nous pouvons défendre des politiques qui aident la région et nos membres au moment où le monde s’adapte à une économie à faibles émissions de carbone pour lutter contre les changements climatiques.

Dans un monde énergétique complexe, où l’approvisionnement en hydrocarbures reste essentiel, où les énergies renouvelables jouent un rôle de plus en plus important, et où les technologies propres produisent des gains d’efficience et diminuent les émissions, il est crucial de réussir notre adaptation.

Nos membres représentent la diversité du secteur de l’énergie. Ils représentent des entreprises qui œuvrent dans la production de pétrole et de gaz, l’énergie renouvelable, l’exploitation de réseaux intelligents et le développement d’applications de technologie propre, pour ne nommer que ceux-là. C’est cette diversité qui fait notre force.

Collectivement, nous employons des milliers de personnes et faisons une contribution annuelle de dizaines de millions de dollars au PIB de l’économie régionale.

Notre association participe activement à ce processus depuis le 5 avril 2017, date à laquelle le groupe d’experts mis sur pied pour l’examen des processus canadiens d’évaluation environnementale a publié son rapport final intitulé Bâtir un terrain d’entente : une nouvelle vision pour l’évaluation des impacts au Canada. Le 29 juin 2017, le gouvernement du Canada a publié son document de discussion de suivi sur les examens environnementaux et réglementaires. Le 17 août 2017, la Maritimes Energy Association a présenté ses commentaires écrits sur ce document de discussion.

Depuis lors, le gouvernement a reçu de nombreuses suggestions visant à améliorer l’efficacité de la mesure proposée. Nous poursuivons l’examen de la documentation et notons que les mémoires de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, de l’Association canadienne de pipelines d’énergie et de la Canada West Foundation semblent proposer des changements raisonnables et justifiés.

Compte tenu de ce qui précède, nous continuons d’avoir les sept préoccupations suivantes, dont traite notre présentation du 17 août 2017.

La première est notre compétitivité économique. La compétitivité est essentielle à notre capacité d’attirer des investissements et de continuer de profiter de nos vastes ressources naturelles. Les ressources sont le moteur de notre économie et contribuent à ouvrir l’accès aux services essentiels et à la qualité de vie que nos citoyens attendent de leur pays et de leur gouvernement.

La deuxième est la nécessité de clarifier le processus de consultation des Autochtones. Nous sommes pour la participation des collectivités autochtones et souhaiterions un processus plus clair pour assurer la certitude et la prévisibilité des projets énergétiques. Les décisions relatives au projet et aux investissements reposent sur la clarté du processus, qui est essentiel pour la réduction du risque lié aux projets.

En troisième lieu, l’évaluation d’impact devrait tenir compte des vues de ceux qui sont raisonnablement touchés. Lorsqu’on envisage de remplacer l’évaluation environnementale par une évaluation d’impact plus large, l’étendue de la zone d’impact doit être raisonnable et clairement définie.

Cela demeure un souci important qui donne à quiconque ayant une opinion la possibilité d’influencer le résultat d’un projet, qu’il soit touché ou pas.

Quatrièmement, la réglementation moderne en matière d’énergie devrait définir clairement la portée des impacts. Le processus réglementaire ne devrait pas être considéré comme une plateforme de discussion ou de débat philosophique sur la politique gouvernementale. Les projets devraient être évalués en fonction d’une portée et d’impacts clairs, comme l’environnement et la sécurité. D’autres plateformes ou processus devraient être clairement articulés pour ces discussions stratégiques.

Cinquièmement, les évaluations d’organisme unique devraient tirer parti de l’expertise des organismes de réglementation existants. En principe, notre association appuie la rationalisation du processus d’examen environnemental et croit que l’évaluation d’organisme unique devrait être menée conjointement avec les offices de réglementation des hydrocarbures extracôtiers existants.

Par exemple, en Nouvelle-Écosse, l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers possède les connaissances de l’industrie et des régions pour réglementer efficacement les activités pétrolières et gazières extracôtières. Les résultats seraient plus efficients et plus efficaces.

Sixièmement, il y a l’importance de reconnaître l’accord fédéral-provincial sur les ressources extracôtières et les lois sur les accords. Nous constatons avec plaisir que les lois concernant l’accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les régimes de cogestion et de réglementation en Nouvelle-Écosse reconnaissent le rôle important que jouent les organismes experts de réglementation établis pour le pétrole et le gaz extracôtiers.

Toute affirmation selon laquelle le ministre fédéral ou le Cabinet déterminerait unilatéralement si un projet est dans l’intérêt public mine l’intention des lois sur les accords. Les lois donnent aux provinces l’égalité dans la prise de décisions et la gestion de nos ressources naturelles. C’est un régime établi qu’il faut maintenir, respecter et protéger.

Septièmement, les activités d’exploration pétrolière et gazière extracôtière ne devraient pas être assujetties au processus d’évaluation environnementale. Nous encourageons la détermination des gains d’efficience dans la réglementation et appuyons les évaluations stratégiques régionales qui couvriraient les secteurs géographiques d’intérêt pour l’exploitation des ressources.

Les évaluations régionales robustes déjà en place pour le pétrole et le gaz extracôtiers atténuent la nécessité de doubler les processus réglementaires. La recherche de gains d’efficience contribuera pour beaucoup à notre compétitivité tout en assurant une surveillance réglementaire rigoureuse.

Partant de là, nous croyons que les évaluations régionales sont suffisantes pour tenir compte des activités de forage pétrolier et gazier dans le secteur extracôtier de la Nouvelle-Écosse extracôtière, par exemple, les puits d’exploration et de délimitation du pétrole et du gaz extracôtiers.

Par conséquent, nous proposerions d’envisager des considérations environnementales, sociales et sanitaires dans le cadre de l’approche élargie des évaluations environnementales, ce qui écarterait la nécessité de mener d’autres évaluations environnementales pour le forage exploratoire pétrolier et gazier.

En résumé, la Maritimes Energy Association est encouragée par bon nombre des changements proposés dans le projet de loi. Toutefois, nous recommanderions d’étudier les propositions et les changements proposés avant la mise en œuvre de la loi.

Bien que nous appuyions une plus grande participation du public autochtone, notre priorité est de protéger notre compétitivité à l’échelle mondiale et d’être en mesure d’attirer des investissements constants dans notre secteur de l’énergie.

En terminant, je citerai le chef de la direction de la Banque Royale du Canada, qui a dit à l’assemblée générale annuelle de la banque, le 4 avril à Halifax, que l’investissement dans l’énergie est essentiel pour la prospérité du Canada aujourd’hui et pour les générations à venir. Il devait ajouter que nous devons équilibrer la nécessité de réduire notre empreinte carbone avec la nécessité de produire plus d’énergie pour répondre à la demande dans le monde, et dit que nous mettrons notre niveau de vie en péril si nous n’arrivons pas à atteindre cet équilibre.

Merci.

Alisdair McLean, directeur général, Offshore Energy Research Association of Nova Scotia : Madame la présidente, et mesdames et messieurs les sénateurs, votre journée s’annonce longue, et je vous souhaite bonne chance. Je suis heureux d’occuper ce fauteuil plutôt que le vôtre.

Merci de me donner l’occasion de prendre la parole ici à Halifax. J’aimerais faire quelques observations sur la Loi sur l’évaluation d’impact dans la perspective de l’Offshore Energy Research Association of Nova Scotia.

L’OERA est une société sans but lucratif indépendante qui, depuis 2012, finance et facilite la recherche concertée sur l’environnement énergétique extracôtier.

Notre mission est de diriger la recherche sur les énergies renouvelables et les géosciences qui permet un développement durable des ressources énergétiques de la Nouvelle-Écosse grâce à des partenariats stratégiques avec le monde universitaire, le gouvernement et l’industrie.

Nos membres sont l’Université Acadia, l’Université du Cap-Breton, l’Université Dalhousie, l’Université St. Francis Xavier, l’Université Saint Mary’s, le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse et le ministère de l’Énergie et des Mines de la Nouvelle-Écosse.

L’OERA et les associations qui l’ont précédée ont mis 26 millions de dollars dans la recherche géoscientifique pour mieux comprendre le secteur extracôtier de la Nouvelle-Écosse, 8 millions de dollars dans la recherche sur les énergies marines renouvelables axée sur l’industrie et l’énergie marémotrice dans la baie de Fundy, et 2 millions de dollars dans la recherche sur les sons marins.

L’OERA accueille favorablement une plus grande participation du public aux évaluations d’impact. C’est nécessaire pour la réussite des projets, car les préoccupations légitimes doivent être exprimées et prises en compte.

L’OERA se réjouit également de l’intégration des connaissances autochtones dans la prise de décisions. La nature est complexe et les bonnes décisions tirent profit des données scientifiques de nombreuses sources.

À l’OERA, où nous finançons la science et la recherche, nous sommes heureux de voir que le préambule et l’article 6 sur l’objet de la loi font mention de l’information scientifique et des meilleures informations scientifiques et données disponibles.

Il est également bon de voir que l’article 41 énonce un critère prévoyant que le membre d’une commission doit être impartial et non en conflit d’intérêts et avoir les connaissances et l’expérience voulues à l’égard des effets prévisibles du projet.

En outre, l’article 156 précise l’obligation de l’agence d’établir des organismes de recherche et de consultation en matière d’évaluation d’impact.

Cependant, le projet de loi ne définit pas l’information scientifique. À l’ère d’Internet, où il est possible de présenter n’importe quoi comme des faits et des données de la science, il serait utile d’attribuer une mesure de qualité à l’information étudiée dans une évaluation.

L’article 105 attribue l’information scientifique uniquement au promoteur ou à l’autorité fédérale, ce qui est un moyen de filtrer l’information, mais il est restrictif. Les associations de recherche comme l’OERA peuvent faire un apport scientifique valide aux évaluations d’impact.

Les évaluations de projet doivent être fondées sur des données probantes et réalisées par des personnes possédant des connaissances pertinentes et appliquant des méthodologies normalisées.

Dans le cas de l’évaluation d’impact des projets énergétiques extracôtiers en Nouvelle-Écosse, l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers possède les connaissances et l’expérience nécessaires pour effectuer ce travail.

Qu’une évaluation d’impact soit effectuée par l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, par l’agence ou par une commission, le résultat devrait être des recommandations claires au sujet des projets et des décisions d’aller de l’avant et de ne pas aller de l’avant avec des mesures d’atténuation, selon qu’il y a lieu. Les décisions difficiles devraient être prises par les personnes qui évaluent les projets.

La compréhension des avantages possibles d’un projet devrait faire partie de la portée de l’évaluation d’impact. Quels sont les avantages du projet et à qui reviendront-ils? Ce sont des éléments importants à évaluer.

À l’heure actuelle, les avantages sont implicites dans la définition de la durabilité, ainsi que dans le « bien public ». La loi doit être claire sur l’évaluation des avantages des projets ainsi que des effets environnementaux.

Les changements proposés à cette fin consisteraient à ajouter à l’article 22 un élément pour les avantages du projet et à préciser qui en serait le bénéficiaire, ainsi qu’à modifier l’objet, à l’article 6, de manière à remplacer « effets environnementaux négatifs importants » par « effets environnementaux négatifs disproportionnés ».

Les investissements dans les projets énergétiques sont évalués par les promoteurs à l’échelle mondiale, et la certitude réglementaire est un critère important. Par conséquent, les échéanciers pour les évaluations d’impact doivent être concurrentiels à l’échelle mondiale. Il n’est pas correct de parler de délais d’évaluation arbitraires, ce qui donne à entendre qu’une bonne évaluation d’impact ne peut être réalisée dans les temps.

De même, il ne devrait pas y avoir beaucoup de possibilités que le processus d’évaluation soit suspendu ou prolongé par le ministre, ou les ministres en cas de compétence conjointe, ou par le gouverneur en conseil.

Le projet de loi, dans sa forme actuelle, crée un risque d’ingérence politique et une incertitude qui pourraient envoyer les investissements dans des pays concurrents. L’ingérence politique diminue aussi la confiance dans la prise de décisions fondées sur des données probantes.

La phase de planification est un bon investissement de temps et de ressources si elle prévient l’incertitude plus tard en cours de processus en raison de contestations judiciaires ou d’interventions politiques.

Pour que cela soit vrai, l’avis du début d’évaluation d’impact doit être précis, et donner des détails sur la façon dont sera réalisée l’évaluation d’impact pour que le résultat résiste aux contestations judiciaires. En particulier, les détails sur la consultation des Autochtones, la participation du public, la description du projet, les méthodes d’évaluation et la portée des éléments à évaluer doivent être clairs.

En résumé, l’OERA appuie une évaluation d’impact fondée sur des données probantes et réalisée par des personnes qualifiées appliquant une méthodologie éprouvée. Nous croyons qu’un tel système débouchera sur des projets durables qui protégeront l’environnement et contribueront au bien-être économique et social des Canadiens.

La présidente : Merci beaucoup.

J’ai quelques observations à faire avant de passer aux questions. Je rappelle aux sénateurs et aux témoins que nous étudions le projet de loi C-69, et seulement celui-là. Vous voudrez bien vous en tenir, dans vos questions et vos réponses, à ce seul projet de loi, à l’exclusion des autres.

Deuxièmement, nous avons la visite de nombreux sénateurs et nous aimerions leur donner la possibilité de poser des questions. Chacun disposera de trois minutes. Alors, coupez court dans vos préambules.

Le sénateur MacDonald : Je souhaite la bienvenue à tout le monde en Nouvelle-Écosse. Nous avons une belle journée.

Il y a beaucoup de monde autour de la table; je vais donc m’en tenir à une seule question. Peut-être pourrions-nous donner le ton avec cette question.

Les têtes grises de la Nouvelle-Écosse se rappelleront que, dans les années 1970, le premier ministre Regan a fait la une du Chronicle Herald en tenant un petit sac de pétrole, sous la grosse manchette « Du pétrole ». Nous n’avons jamais vraiment eu d’industrie pétrolière ici, mais nous avons eu une industrie du gaz naturel assez importante ou prometteuse.

J’aimerais demander à M. Ritcey et à M. McLean, en particulier, de nous faire part de leurs évaluations de la gestion du secteur du gaz extracôtier dans la province et de l’absence apparente de développement d’un secteur du gaz naturel terrestre, alors que la province a du gaz naturel à ne pas savoir qu’en faire, en insistant particulièrement sur la gestion de ce portefeuille par le gouvernement.

M. Ritcey : Votre question va droit au cœur du problème. Pour ceux qui ne le savent pas, les deux seuls projets gaziers extracôtiers au Canada se trouvaient en Nouvelle-Écosse : le projet de l’île de Sable et Deep Panuke.

Vous savez peut-être, ou ne savez peut-être pas, que ces projets en sont aujourd’hui à la phase finale de leur mise hors service. Ils sont essentiellement en fin de vie utile.

La raison pour laquelle ils en sont en fin de vie utile, par contre, était en grande partie attribuable aux changements technologiques liés à la fracturation hydraulique dans les bassins de Marcellus et Utica, plus près du Nord-Est et plus près des marchés. C’est ce qui a changé toute la donne.

Alors que notre gaz extracôtier a atteint la fin de sa vie utile, la législation de notre province et celle du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard ont imposé un moratoire sur l’utilisation de la fracturation hydraulique ou une interdiction pure et simple.

À l’heure actuelle, depuis que le gaz des installations extracôtières a été coupé en décembre dernier, tout le gaz naturel qui arrive dans la province est importé des États-Unis. Il s’agit surtout de gaz de fracturation hydraulique des bassins de Marcellus et Utica. Cela signifie que le gaz naturel et l’énergie coûtent désormais beaucoup plus cher dans la province que partout ailleurs. On estime que le prix est passé de 100 à 500 millions de dollars par année. C’est un problème de taille pour plusieurs utilisateurs du combustible sur le marché. Cela compromet notre compétitivité à l’échelle mondiale.

Je garde espoir que la question reviendra sur le tapis à un moment donné. Selon la presse d’aujourd’hui, certains comtés de la province songent à aller de l’avant avec une production locale de pétrole et de gaz, en utilisant la technologie de la fracturation hydraulique.

M. McLean : J’ajouterai seulement que de nombreux Néo-Écossais connaissent un rapport indépendant au sujet de la fracturation hydraulique, qui s’appelle The Wheeler Report. On y trouve plusieurs recommandations à étudier avant la prise de quelque mesure industrielle que ce soit.

Dans une perspective scientifique, il serait logique d’examiner les retombées environnementales et les avantages de toute technologie énergétique en Nouvelle-Écosse, de manière à prendre des décisions stratégiques reposant sur des données probantes et sur des données scientifiques solides.

La sénatrice Simons : J’avais une question à adresser d’abord à M. Ritcey, puis peut-être à M. McLean.

Hier après-midi, à Terre-Neuve, nous avons entendu un témoin qui est un militant environnementaliste. Il nous a dit que, selon l’Accord atlantique, s’il survient un accident pendant le forage d’un puits d’exploration, on n’est pas tenu de signaler le déversement afin de protéger la confidentialité des travaux d’exploration. À ce moment-là, tous les intervenants de l’industrie extracôtière avaient déjà quitté l’immeuble.

Je profite de l’occasion pour vous demander de nous expliquer si tel est bien le cas et, dans l’affirmative, pourquoi il en est ainsi.

M. Ritcey : Je ne peux pas répondre à votre question. Je ne crois pas que ce soit exact, mais je ne suis pas la bonne personne à qui demander. Cela n’a pas de sens, d’après ce que j’ai vu dans les secteurs extracôtiers de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve lorsqu’il y a eu des incidents pendant la phase d’exploration. Je peux prendre l’exemple de la Nouvelle-Écosse.

M. Blades vient de parler d’un incident survenu à bord du navire Stena IceMax lorsqu’un dispositif est tombé au fond de l’océan. Il en a immédiatement été fait rapport et des mesures ont été prises.

Je ne suis pas spécialiste de cet aspect des organismes de réglementation, que ce soit l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador ou l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, mais d’après ce que j’ai pu observer, en tout cas depuis les 20 ans que je suis rentré chez moi, cela ne concorde pas.

Vous feriez mieux de poser la question à un membre de l’office même ou à un des représentants du gouvernement qui, je crois, font partie de l’un des autres groupes.

La sénatrice Simons : J’ai une brève question de suivi pour M. Blades. Il est intéressant que nous ayons entendu aujourd’hui et hier des arguments selon lesquels les offices des hydrocarbures extracôtiers devraient avoir beaucoup plus d’influence dans le processus, qu’ils ne devraient pas être limités à un seul représentant et qu’ils devraient pouvoir avoir la présidence.

Le projet de loi C-69, vous le savez, limite le rôle des offices des hydrocarbures extracôtiers, de sorte qu’ils ne peuvent pas être majoritaires dans une commission et ne peuvent se partager une commission. Et pourtant, les témoins d’aujourd’hui souhaiteraient un résultat différent.

Est-il possible que nous ayons justement le bon équilibre dans le projet de loi C-69, où l’on fait appel aux connaissances des offices des hydrocarbures extracôtiers, mais que nous ne les laissions pas dominer le groupe ni prendre la présidence?

M. Blades : Non. Je maintiens ma position, et probablement plus fermement, après avoir écouté les 10 dernières minutes. Nous ne croyons pas que les offices des hydrocarbures extracôtiers devraient avoir plus de pouvoir que ne leur en donne leur rôle consultatif actuel pour exercer une influence sur l’évaluation de l’impact environnemental.

À mon avis, ils sont incapables d’agir sans parti pris et ils sont en conflit. Ils sont l’organisme de réglementation.

Le sénateur Woo : Ma question porte sur le forage exploratoire et son traitement dans la Loi sur l’évaluation d’impact.

M. Ritcey nous a dit que l’évaluation régionale pourrait être la façon de gérer une série d’initiatives de forage exploratoire plutôt que de traiter les projets un par un.

Vous semblez dire que le processus actuel n’est pas suffisamment complet. Vous avez parlé d’inclure les impacts sur la santé et la société, et ainsi de suite. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur ce qui manque dans le processus actuel pour qu’une évaluation régionale soit le bon outil pour traiter du forage exploratoire.

M. Blades pourrait peut-être nous dire aussi pourquoi, selon lui — et je pense que c’est sa position —, chaque projet de forage exploratoire devrait faire l’objet d’une évaluation d’impact distincte et indépendante parce qu’il est unique et qu’il comporte des risques particuliers.

M. Ritcey : Je pourrais peut-être situer le contexte avant de vous répondre. Le forage extracôtier se fait au large des côtes de la Nouvelle-Écosse depuis la fin des années 1950 ou le début des années 1960. Sauf erreur, dans le Canada atlantique, le nombre total de puits forés jusqu’ici dépasse les 250, si l’on remonte loin en arrière.

Tout cela n’a pas eu d’impact important sur l’environnement. Il faut bien le comprendre.

Jusqu’à maintenant, nous avons eu une belle histoire, essentiellement grâce à une bonne surveillance réglementaire, en Nouvelle-Écosse comme à Terre-Neuve.

Le processus en place aujourd’hui a continué d’être amélioré et modifié au fil du temps, en grande partie en raison des progrès technologiques qui remontent aux débuts de l’industrie elle-même. Les résultats parlent d’eux-mêmes.

Je pourrais peut-être ajouter une chose : si l’on regarde ce qui se fait ailleurs dans le monde, on voit que tous ces pays ont jusqu’ici pu coexister avec leur industrie de la pêche. Que l’on soit au Royaume-Uni, en Norvège ou sur la côte du golfe du Mexique aux États-Unis, les industries ont su coexister, malgré les différences entre plusieurs de leurs régimes de réglementation.

En Nouvelle-Écosse, comme à Terre-Neuve, nous avons eu un processus d’évaluation régionale qui a essentiellement bien fonctionné. Il continue d’être modifié en fonction des améliorations apportées dans la perspective scientifique, la perspective technologique, ou la perspective des pratiques exemplaires.

Les Canadiens seraient certainement d’avis que notre régime de réglementation est plus fort que celui d’autres pays et représente une meilleure pratique que celle de divers autres pays.

Jusqu’à maintenant, la seule façon dont je peux répondre à votre question, c’est de dire que le processus actuel a bien fonctionné et que les résultats sont éloquents. La discussion se poursuit, selon la nécessité, en fonction des normes changeantes des autres pays.

Le sénateur Woo : Vous avez fait allusion au fait que certains éléments ne sont pas actuellement compris dans le processus et qu’il faudrait les inclure dans les futures évaluations régionales.

M. Ritcey : L’agence centrale, l’Agence d’évaluation d’impact, cherchait à examiner d’autres aspects en plus de ce qui se passait dans les évaluations régionales.

Il serait possible de modifier les évaluations régionales pour couvrir les autres éléments. Ce n’est pas différent de ce qu’on a déjà vu dans l’histoire de l’exploitation pétrolière et gazière dans le Canada atlantique.

M. Blades : Je répondrais sans doute que l’industrie des fruits de mer contribue grandement à l’économie de la Nouvelle-Écosse, d’où les collectivités côtières tirent toutes leur subsistance.

Nous avons essayé de coexister. À mon avis, nous ne sommes pas en mesure de coexister parce que les intérêts de l’industrie des produits de la mer ne sont pas représentés au niveau de la réglementation du processus. Nous sommes l’industrie qui opère depuis plus de 300 ans dans les océans qui bordent le Canada atlantique. Nous sommes la collectivité touchée. Nous sommes les intervenants qui risquent d’être touchés.

Nous n’avons pas notre place à la table où se prennent les décisions à propos du régime de réglementation de cette nouvelle industrie qui veut s’installer sur notre territoire. J’emploie un langage brutal.

Il est intéressant que nous parlions des progrès technologiques en matière de forage et d’exploration. Cela amène les sociétés pétrolières à explorer plus loin de la côte en faisant des forages extrêmement profonds dans des eaux extrêmement profondes. Dans notre région de l’Atlantique Nord, les conditions sont extrêmes. Je suis convaincu que notre régime réglementaire n’est pas assez solide pour nous mettre à l’abri d’une catastrophe éventuelle.

Vous vous rappellerez la catastrophe de l’Ocean Ranger d’il y a quelques décennies. L’Ocean Ranger était la plateforme pétrolière la plus avancée et la plus récente de l’époque. On la disait insubmersible, mais cela ne l’a pas empêchée de couler.

En 2010-2011, la catastrophe de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, la plus technologiquement avancée de la planète, n’était pas possible. Pourtant, elle est survenue.

L’inattendu arrive. Des erreurs sont commises. Les conditions sont extrêmes. Nous ne sommes pas suffisamment protégés contre une éventuelle explosion. Que pourrait-il se passer dans ces conditions plus extrêmes et à ces profondeurs plus extrêmes?

La présidente : J’aimerais profiter de quelques commentaires pour poser une question au professeur McLean. Pour mesurer l’impact sur l’environnement, il faut une référence. Je salue le travail de concertation de toutes ces universités. C’est fantastique.

Hier, nous avons vu qu’il y a un manque de données, un manque d’information et que les effets des changements climatiques, de l’acidification et de la disparition des organismes benthiques et ainsi de suite sont cumulatifs.

Avez-vous un point de référence, du moins pour votre région, afin de comparer l’impact de ces puits ou de ces plateformes sur l’environnement? Étant donné que le conflit d’intérêts a été soulevé, pourriez-vous nous dire d’où viennent les capitaux qui servent à financer votre recherche?

M. McLean : Madame la présidente, c’est la première fois de ma vie qu’on m’appelle professeur. Je ne mérite pas le titre.

Pour répondre à votre question, par contre, le financement de l’OERA provient principalement du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Nous avons aussi reçu du financement du gouvernement fédéral par l’entremise de l’APECA et de Ressources naturelles Canada.

Si vous voulez savoir si nous prenons de l’argent de l’industrie pour mener notre recherche, je dirais que nous essayons de maximiser les avantages des fonds publics que nous recevons en collaborant avec l’industrie pour dégager des ressources pour faire notre travail.

Dans le milieu marin, il pourrait s’agir de faire de la recherche et d’encourager un participant de l’industrie à fournir un navire avec équipage, à ses frais peut-être, pour limiter le coût de la recherche.

Comme tous nos collègues universitaires, nous essayons toujours d’optimiser nos fonds.

Votre question sur les données de base est excellente. La réponse est que cela dépend de l’endroit où l’on regarde. Il est certain que, dans la perspective de l’énergie marémotrice de la baie de Fundy, de nombreuses études ont été menées. Je pense qu’environ 90 études ont été réalisées près des dispositifs d’énergie marémotrice que nous avons mis à l’eau. Le ministère des Pêches et des Océans vous dirait pourtant qu’il n’y a pas suffisamment de données de base pour comprendre parfaitement ce qui se passerait s’il y avait de multiples dispositifs dans l’eau.

Je connais moins bien la qualité de nos données de base pour l’extracôtier, mais votre question est certainement juste. Nous devons veiller à disposer de données de base pour éclairer nos décisions lorsque nous examinons les effets cumulatifs.

La présidente : La parole est au sénateur Carignan.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à tous les membres du groupe. À l’alinéa 63e), on mesure l’intérêt public et on indique ceci :

e) la mesure dans laquelle les effets du projet portent atteinte ou contribuent à la capacité du gouvernement du Canada de respecter ses obligations en matière environnementale et ses engagements à l’égard des changements climatiques.

C’est le même type de formulation qui est utilisée dans les critères dont il faut tenir compte en ce qui a trait aux impacts qui sont énoncés à l’article 22.

Étant donné que les impacts des changements climatiques sont d’ordre mondial, ne devrait-on pas en tenir compte aussi ailleurs dans le monde et pas seulement au Canada? La raison est simple : il pourrait y avoir un projet au Canada qui aurait pour effet d’augmenter les émissions de GES ou nuire à l’atteinte des cibles canadiennes, mais qui contribuerait à diminuer l’utilisation du charbon dans d’autres pays et ainsi réduire les émissions de GES à l’échelle mondiale. Croyez-vous que cet élément devrait faire partie de la mesure?

[Traduction]

M. Ritcey : Monsieur le sénateur, c’est une très bonne question. À titre d’exemple, vous pouvez examiner certaines des activités d’exploitation du gaz naturel liquéfié sur la côte Ouest, et les deux autres sur la côte Est du Canada. Il y a un surplus de gaz naturel disponible au Canada, pour différentes raisons. Le principal problème, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de capacité pipelinière pour l’acheminer au sud de la frontière.

Il y a une excellente occasion d’acheminer nos ressources vers de nouveaux marchés d’Asie et d’Europe, où la demande de gaz naturel est en progression. Le gaz naturel est un combustible plus propre dans un grand nombre des marchés vers lesquels il est acheminé. Il remplacerait principalement le charbon dans un certain nombre de ces marchés.

Il produit moins d’émissions que ce qui se consomme actuellement sur ces marchés internationaux. Dans la perspective des changements climatiques et la perspective mondiale, il se pourrait qu’une augmentation locale des émissions permette une réduction des émissions dans le monde.

Selon moi, cela serait logique. On rationalise le développement de ces types de projets parce que, globalement, ils sont dans l’intérêt de la société mondiale.

En bref, c’est à prendre en considération. Je sais que cela pose divers problèmes. Plus tôt, il y a eu une question au sujet des données. Les données posent problème, pas seulement chez nous, mais dans le monde entier.

La question est la suivante : lorsque tout le monde examine quelque chose, le fait-on avec les mêmes données de base? Cela reste un problème.

En bref, il faudrait prendre cela en considération parce que c’est logique, dans la double perspective environnementale et économique.

M. Blades : Chose curieuse, les médias rapportaient hier que les estimations des émissions du carbone des champs de pétrole de l’Alberta sont aujourd’hui beaucoup plus élevées qu’auparavant.

Encore une fois, notre industrie dépend des eaux froides et propres de l’Atlantique Nord pour ses matières premières, soit les fruits de mer que nous transformons et exportons de par le monde.

Les fruits de mer de la Nouvelle-Écosse et du Canada en général jouissent d’une excellente réputation dans le monde. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il serait extrêmement décevant qu’une catastrophe vienne anéantir une ressource renouvelable qui nourrit le monde.

Quel est le lien avec les émissions de carbone? Si l’on enlève une source alimentaire mondiale, si l’on prive toute une société de ses moyens de subsistance, à quoi cela sert-il?

M. McLean : La réponse courte est oui, il faut en tenir compte.

Si l’objectif d’un projet de gaz naturel au Canada était de fermer des centrales au charbon en Chine, par exemple, il faudrait évidemment en reconnaître le bien-fondé. Le problème, comme l’a dit M. Ritcey, sera la méthodologie.

S’il doit y avoir une centrale au gaz naturel liquéfié ou une installation de transport, y aura-t-il des contrats à long terme pour garantir que l’utilisation de ce gaz sera conforme aux projections?

Nous devrions tenir compte des avantages que promet le gaz naturel à l’échelle mondiale.

Le sénateur Woo : Essentiellement, vous dites que vous voulez tenir compte des effets d’aval de la production pétrolière et gazière. Ce raisonnement est logique. Il y a des problèmes de méthodologie, mais en fait, vous dites que nous voulons tenir compte des effets d’aval, ce qui ouvre la boîte de Pandore.

Le sénateur Neufeld : Monsieur Ritcey, je suppose que la Maritimes Energy Association a travaillé avec l’ACPP et la CEPA sur les amendements présentés par ces deux organisations. Vous faites signe que non.

Avez-vous lu les amendements qu’ils ont proposés et êtes-vous d’accord avec eux?

M. Ritcey : Lorsque le projet de loi a été présenté pour la première fois, j’en ai étudié les deux premières tranches en profondeur. J’ai également travaillé avec d’autres personnes à l’interne pour préparer un exposé de principe que nous avons déposé en août 2017.

Par la suite, nous étions au courant des moutures d’un certain nombre de groupes d’intérêt, dont l’ACPP, la CEPA et la Canada West Foundation. Nous n’avons pas participé à ces processus. Nous nous sommes tenus au courant essentiellement en allant voir sur le site web ce qui avait été soumis en lien avec le projet de loi C-69.

J’ai passé beaucoup de temps à lire les documents qu’ils ont produits. Dans l’ensemble, les suggestions qu’ils faisaient semblaient raisonnables et sensées.

En gros, c’est l’analyse dont je me suis chargé en grande partie. Ensuite, nous avons repris ce qui avait été proposé à l’origine et comparé les deux versions, d’où les observations que j’ai fournies.

Le sénateur Neufeld : Monsieur McLean, je crois vous avoir entendu dire, en ce qui concerne la voix au chapitre et la capacité pour formuler des observations sur un projet, que le projet de loi sous sa forme actuelle était bien et s’offrait au monde.

Attachez-vous de l’importance aux personnes de l’industrie de la pêche qui pourraient être les plus touchées? Devraient-elles avoir le même statut qu’une personne de l’Europe ou d’ailleurs? Les États-Unis financent énormément d’activisme au Canada.

Tout le monde devrait-il jouir du même statut? Dans l’état actuel des choses, les personnes les plus touchées devraient-elles être celles avec qui établir des contacts, en plus des experts, au lieu de se contenter de dire : « Allez, tout le monde, venez et vous pouvez avoir vos opinions? »

Si, en fait, vous croyez toujours cela, pourriez-vous me dire comment un office s’y prendrait?

M. McLean : Je ne voulais pas laisser entendre que quelqu’un, pour reprendre votre exemple, venant de l’Europe pourrait recevoir le même statut que quelqu’un de Shag Harbour, face à un projet en zone extracôtière.

Je suis d’accord avec vous. Je pense que ceux qui sont les plus susceptibles d’être touchés par un projet devraient être ceux qui sont écoutés le plus attentivement.

Le sénateur Patterson : Ma question s’adresse à M. Blades, du Clean Ocean Action Committee.

J’ai été vraiment choqué par votre manque de confiance envers l’Office des hydrocarbures extracôtiers de la Nouvelle-Écosse, parce que je pense que vous seriez d’accord en principe pour que les représentants de la population de la Nouvelle-Écosse participent à la réglementation des activités dans leurs eaux.

Vous avez dit que l’office n’était pas capable d’agir de façon impartiale en raison de sa composition et du fait que l’industrie des produits de la mer n’était pas représentée au chapitre de la réglementation.

Vous insinuez que les affectations devraient être meilleures et plus diversifiées. Dans ce cas, le régime de réglementation ne pourrait-il pas fonctionner tout à fait bien si des Néo-Écossais en faisaient partie?

M. Blades : Examinons la composition actuelle de l’Office des hydrocarbures extracôtiers de la Nouvelle-Écosse.

Le président est Keith MacLeod, qui a passé sa vie à travailler dans l’industrie pétrolière et gazière. Roger Percy, du domaine de l’environnement, a été nommé pour la province. Il a beaucoup travaillé dans le secteur pétrolier et gazier. Harold Giddens est un membre substitut de l’office provincial qui a travaillé toute sa vie dans le secteur pétrolier et gazier. Corrina Bryson représente le fédéral.

Le sénateur Patterson : Ce que je comprends, c’est que vous dénoncez le parti pris et prétendez qu’il n’y a pas d’équilibre au sein de l’office.

M. Blades : Il n’y en a pas.

Le sénateur Patterson : Vous avez aussi dit qu’il n’y avait pas de représentant de l’industrie des fruits de mer.

M. Blades : Il n’y en a pas.

Le sénateur Patterson : S’il y avait un meilleur équilibre, ne voudriez-vous pas que des Néo-Écossais participent à la réglementation de ce qui se passe dans les eaux adjacentes aux lieux où ils subiront des impacts?

M. Blades : Bien sûr, c’est ce que je voudrais. Je regrette que ce ne soit pas là.

Le sénateur Patterson : J’ai une deuxième question. John Davis, un membre de votre organisation, a raconté publiquement que les projets pétroliers en zone extracôtière étaient une entreprise risquée. En parlant d’un des puits de BP, il a dit être soulagé qu’on n’y ait pas trouvé une quantité suffisante de pétrole pour le commercialiser.

Votre organisation est-elle affiliée ou membre de la Offshore Alliance qui a demandé un moratoire visant l’exploration pétrolière et gazière en Nouvelle-Écosse? Votre objectif ultime, en tant que membre de la Offshore Alliance, est-il de mettre fin à l’exploration pétrolière et gazière dans les eaux au large de la Nouvelle-Écosse?

M. Blades : Voilà une question intéressante. Être membre de la Offshore Alliance est une nécessité. Nous avons toujours été d’avis que l’industrie pétrolière et gazière devrait pouvoir coexister dans les eaux extracôtières avec l’industrie des fruits de mer.

Si nous réclamons un moratoire, c’est uniquement parce que nous ne sommes pas dans le tableau sur le plan réglementaire. Nous n’avons aucune confiance dans le régime de réglementation. Nous ne faisons pas confiance à l’organisme de réglementation pour défendre nos intérêts.

Nous avons demandé une enquête publique complète sur les risques potentiels de l’exploitation commerciale du pétrole et du gaz au large des côtes. Je crois que nous avons demandé qu’il y ait un moratoire visant toute nouvelle exploitation, jusqu’à ce qu’une enquête publique soit menée.

Le sénateur Patterson : Puisque vous alléguez un parti pris au sein de l’office, il y a des allégations sans fondement que nous pourrions demander aux offices de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse de réfuter. Je suis désolé qu’ils ne soient pas ici.

Pourriez-vous nous faire part de vos sources de financement? Je sais que vous êtes affiliés au Sierra Club et au Conseil des Canadiens. Quelles sont vos sources de financement?

Sauf votre respect, je dois vous poser la question, car vous alléguez un parti pris de l’industrie dans le régime de réglementation. Votre organisation est-elle financée par des intérêts défavorables au pétrole et au gaz?

M. Blades : Votre question porte-t-elle sur le Clean Ocean Action Committee?

Le sénateur Patterson : Oui, ou ses affiliés.

M. Blades : Le Clean Ocean Action Committee a des moyens très limités qui sont assurés principalement par des dons d’acteurs de l’industrie des produits de la mer.

John Davis ne travaille pas pour nous. Nous espérons pouvoir réunir suffisamment d’argent pour l’aider à éponger les frais de déplacement encourus pour consacrer du temps à cette tâche. Non, nous ne recevons pas d’argent du Sierra Club ni rien du genre.

Comme je l’ai dit, nous bénéficions surtout de dons. Si nous recevons un don de mon entreprise, Sable Fish Packers, ou d’une organisation de pêcheurs comme celle de la baie de Fundy, c’est tout.

La présidente : Je tiens à dire aux membres du comité que les deux offices ont été invités et qu’ils ont décliné notre invitation. Nous les avons invités à déposer des déclarations écrites, et nous les attendons toujours.

La sénatrice McCallum : J’aimerais que l’on commente les déclarations qui ont été faites au sujet des retombées et du niveau de vie.

On a dit que les retombées seraient utilisées pour le bien public et pour améliorer le bien-être social et économique des Canadiens, ce qui mettrait en péril notre niveau de vie, et qu’il fallait dorénavant favoriser la prospérité.

J’ai examiné ce qui s’est passé dans le secteur non maritime partout au Canada. J’ai vérifié les mines, l’hydroélectricité, les champs de pétrole et la foresterie. On a laissé un pays dévasté et sinistré aux habitants de ces régions. Quand je regarde le secteur, je ne vois pas grand-chose de bon.

En fait, je suis très inquiet pour le Canada, parce que les dommages s’élèvent à des milliards de dollars. Je ne sais pas où le Canada va trouver l’argent pour tout nettoyer. Nous continuons d’encourager la filière industrielle et pourtant ni données ni fondement scientifique ne semblent le justifier. On porte très peu attention à la vie animale tant sur terre qu’en mer.

Pourriez-vous tous commenter l’issue d’une recherche d’équilibre sur mer, sur terre et dans l’environnement en cette ère de réchauffement climatique? Nous sommes voués à la destruction. Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les réserves limitées de nourriture qui sont en baisse.

M. Blades : Vous avez soulevé de très bons points, surtout en termes d’approvisionnement alimentaire. En fait, j’en ai parlé il y a quelques minutes.

L’industrie canadienne des produits de la mer, y compris en Nouvelle-Écosse, fournit au monde entier des aliments qui viennent de la mer. Cela nous ramène à une question précédente d’un autre sénateur à laquelle on a répondu.

Lorsque vous essayez de comprendre s’il vaut la peine de lancer et de mener un projet au Canada qui est susceptible d’avoir des effets néfastes sur l’environnement parce que le produit pourrait être vendu à un pays étranger et permettre à ce dernier de réduire ses émissions de carbone ou de remplacer une source de carburant sale, cela me dépasse.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous parlons de plate-forme marine où l’on creuse à des profondeurs encore jamais atteintes et dans des conditions plus dures que jamais. À mon avis, le risque de catastrophe est beaucoup plus grand.

Un sinistre dans le secteur pétrolier, c’est énorme. Une fois que le chat est sorti du sac, vous ne pouvez pas l’y remettre. Que se passe-t-il ensuite, si vous polluez ou si vous anéantissez l’industrie des produits de la mer? Qu’arrive-t-il si vous détruisez tous ces organismes marins dont nous dépendons?

On ne parle pas seulement de morue, d’aiglefin, de flétan ou de homard. Nous parlons du phytoplancton, la nourriture pour des espèces marines dont nous dépendons pour la pêche commerciale. Nous parlons aussi des baleines, qui n’ont pas de valeur marchande pour nous, mais qui sont des espèces marines.

Je m’inquiète beaucoup de la toxicité des hydrocarbures, surtout une fois dispersés à l’aide de produits chimiques, et des risques pour les espèces marines. Je ne parle pas seulement des espèces qui ont une valeur marchande, mais aussi du plancton et des micro-organismes dont dépend toute la vie marine.

J’ai déjà indiqué que le régime de réglementation de l’industrie côtière n’est pas suffisant. J’ai déjà fait valoir que nous n’avons même pas voix au chapitre lorsqu’il s’agit de réglementer une industrie en émergence au pays.

Les répercussions possibles sont énormes. Pourquoi ne voudrait-on pas un train de mesures réglementaires plus rigoureux? Pourquoi ne voudrait-on pas faire de notre mieux pour protéger les intérêts des gens ici?

Nous ne sommes pas jetables. Je suppose que c’est à cela que cela se résume, en fin de compte. Je hais l’idée qu’une seule catastrophe puisse faire disparaître tous les moyens de subsistance et le niveau de vie de milliers de familles et de travailleurs de l’industrie des produits de la mer dans toutes les collectivités des côtes de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve, de l’Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick.

À mon avis, c’est incommensurable. Pourrait-on trouver un équilibre? Je ne sais pas. Nous n’en sommes certainement pas là à l’heure actuelle.

M. Ritcey : Notre pays s’est développé grâce à l’exploitation des ressources. Il continue de s’appuyer sur l’exploitation des ressources. La pêche, la foresterie, les mines, le pétrole, le gaz, et cetera, tout cela constitue le principal moteur de notre économie qui a toujours été basée sur l’exploitation des ressources naturelles. Si on se tourne vers l’avenir, ce sera pareil.

La plupart des gens sont prêts à admettre ce qui est différent. Nous avons voulu essayer de faire les choses de manière responsable et dorénavant durable. Pour y arriver, il faut adopter des lois et des règlements efficaces.

Sans vouloir offenser M. Blades, comme je l’ai dit plus tôt, au cours des 50 ou 60 dernières années, au Canada atlantique, l’industrie pétrolière et gazière et l’industrie des pêches du monde entier ont su coexister. Nous avons été capables d’admettre qu’il y a des risques dans toutes les activités que nous menons, qu’elles soient basées sur les ressources ou non.

La question est de savoir comment établir un juste dosage de lois et de règlements efficaces qui nous permettra de continuer d’exploiter nos ressources actuelles pour faire croître notre économie de façon responsable et durable.

Le sénateur Massicotte : J’ai entendu les commentaires de M. Blades et de M. Ritcey, mais ma question s’adresse à vous, monsieur McLean.

M. Ritcey a dit très clairement que la prospection entraîne manifestement un risque. Nous sommes au courant des retombées économiques. Nous connaissons également les gaz à effet de serre.

M. Blades a parlé du naufrage de la plateforme Ocean Ranger, il y a plus de 15 ans. Comme je ne m’en souviens plus très bien, pourriez-vous me résumer les conséquences de cette catastrophe? Autrement dit, quelles en sont les conséquences bien des années plus tard?

Décrivez-moi encore une fois, juste pour qu’on comprenne bien, ce qui pourrait arriver si les choses tournaient mal et dans quelle mesure les conséquences continuent de peser sur notre quotidien?

M. McLean : Je ne peux pas commenter les enseignements particuliers tirés de l’Ocean Ranger. On remonte à plus de 15 ans. C’était peut-être dans les années 1980. Je crois que c’était en 1982 ou 1984. Malheureusement, j’étais probablement encore à l’école secondaire ou à l’université à l’époque et je n’y ai peut-être pas prêté attention.

Votre question sur l’évaluation des risques est importante. La clé, c’est cette méthodologie. Pour qu’une évaluation d’impact soit valable et digne de confiance, il faut non seulement que les preuves soient là et que les évaluateurs soient compétents, mais aussi que ces derniers utilisent des méthodes qui sont largement reconnues comme étant fiables.

Des pays ont un bon éventail de méthodes auxquelles nous pourrions recourir. Lorsqu’il y a un incident, la méthodologie est toujours l’objet d’une évaluation pour voir ce qui aurait pu se produire. Ensuite, les méthodologies sont modifiées afin de mieux analyser les risques.

Je ne réponds pas directement à votre question sur l’impact de l’Ocean Ranger, mais il faut tenir compte de la méthodologie pour nous assurer de bonnes évaluations d’impact.

La présidente : Je vous remercie pour vos témoignages. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie pour vos questions.

Le deuxième groupe de témoins comprend Mme Gretchen Fitzgerald, directrice des programmes nationaux, et M. Mark Butler, directeur des politiques, Centre d’action écologique.

Chaque témoin dispose d’environ cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passons aux questions.

Mark Butler, directeur de politiques, Centre d’action écologique : Vers 7 h 30 ce matin, le soleil s’est montré pendant un moment et je me suis dit que c’était la preuve que le Sénat était en ville. Puis il a disparu. J’espère que cette tournée pancanadienne jettera plus de lumière sur le projet de loi C-69 et permettra d’améliorer et de renforcer la loi pour tous les Canadiens.

Le Centre d’action écologique est basé en Nouvelle-Écosse. Nous existons depuis 1971. Notre travail s’étend à l’échelle nationale et nous avons parfois des mandats à l’international. Par exemple, nous travaillons beaucoup dans le domaine des pêches, à l’international. Nous comptons plus de 5 000 membres inscrits, la plupart étant en Nouvelle-Écosse.

Lisa Mitchell devait témoigner aujourd’hui. Elle est la directrice exécutive de l’East Coast Environmental Law Association. Malheureusement, elle a contracté une pneumonie; elle a donc sagement choisi de ne pas se présenter. C’est dommage, parce qu’elle aurait fourni un solide appui juridique au groupe de témoins actuel.

Mes antécédents sont plutôt du côté de la participation aux évaluations environnementales et de la sensibilisation à une meilleure intégration de la recherche dans les évaluations environnementales.

Si madame la présidente me le permet, je vais faire quelques brèves observations. J’aimerais ensuite lire un passage du mémoire conjoint dont les membres du comité ont peut-être reçu une copie papier. Je vais certainement m’en tenir à moins de 10 minutes.

Je veux soulever quatre points. Bien qu’on aimerait que ce soit différent, il faut admettre que l’évaluation d’impact reste une chose méconnue par la plupart des Canadiens jusqu’à ce que la réalité les rattrape. Je vais expliquer la chose. L’évaluation d’impact permet d’éviter de futurs problèmes. Tous les projets peuvent tirer profit d’une EI. Je vais ensuite dire quelques mots sur le rôle de la science dans l’évaluation d’impact.

Pour revenir à mon premier point, soit le côté obscur de l’évaluation d’impact jusqu’à ce qu’elle soit très réelle. La plupart des Canadiens ne savent pas qu’il y a une évaluation d’impact. Toutefois, le processus devient très réel lorsqu’un grand projet industriel est proposé à la collectivité.

Peu importe vos opinions politiques, au minimum, vous pourriez avoir des questions concernant l’impact sur la qualité de l’air, l’eau potable, la valeur des propriétés et les moyens de subsistance, si le tourisme ou la pêche vous font vivre.

Qui les citoyens appellent-ils lorsqu’ils font face à l’annonce d’un projet? Souvent, ils appellent des groupes comme le nôtre. Trop souvent, j’entends la question suivante : « Le gouvernement ne peut pas faire cela, n’est-ce pas? »

Je vous demande de garder à l’esprit le bien-être de tous les Canadiens dans vos délibérations sur ce projet de loi. Ce projet de loi aura une incidence réelle sur les Canadiens de partout au pays au cours des prochaines années.

Mon deuxième point, c’est que l’évaluation d’impact permet d’éviter de futurs problèmes. Vous vivez en Nouvelle-Écosse. Il y a un certain nombre de sites de résidus toxiques en Nouvelle-Écosse, des legs de projets industriels passés. Pensons à Boat Harbour, aux étangs de goudron de Sydney et aux bassins de résidus miniers. Souvent, ces sites sont adjacents à des collectivités qui sont le moins en mesure de dire non. Vous avez peut-être entendu parler de racisme environnemental.

Je ne veux pas que notre génération laisse en héritage des sites de résidus toxiques ou encore des terres stériles ou des eaux boueuses que la prochaine génération devra nettoyer. Une bonne évaluation environnementale peut éviter les problèmes futurs.

Rapidement, tous les projets peuvent tirer profit des évaluations environnementales. Que ce soit une mine de charbon, un forage en mer ou des projets d’énergies renouvelables, tous devraient faire l’objet du même examen attentif. Si les projets manquent de rigueur, il faut les évaluer, les recommander ou les rejeter.

Je veux dire un dernier mot sur la science. Ce sujet me tient à cœur. Le Centre d’action écologique a participé à de nombreuses évaluations au fil des ans. Sur la base de cette expérience, nous avons présenté un mémoire au groupe d’experts constitué par le gouvernement pour faire une tournée pancanadienne il y a quelques années. Nous avons insisté sur la piètre qualité des données scientifiques dans presque tous les énoncés des incidences environnementales et sur la façon de changer cela.

Notre principale recommandation appelait à s’assurer que la recherche et le savoir des Autochtones et des collectivités constituaient le fondement du processus, que l’information venait de sources indépendantes et que le rapport d’évaluation d’impact était examiné par des pairs et crédible.

Même si le groupe d’experts a bien réussi à recueillir les commentaires des Canadiens, y compris les recommandations sur le rôle de la science, le gouvernement a choisi de ne pas adopter bon nombre de ses recommandations. On peut présumer que c’était en raison des pressions exercées par l’industrie, et cela est regrettable.

J’ai relu le chapitre sur la science hier soir. C’est excellent. Il est regrettable que ceux qui ont rédigé le projet de loi n’en aient pas tenu compte davantage.

J’aimerais maintenant parler du mémoire de la ECELAW et du EAC et me concentrer principalement sur le rôle des offices des hydrocarbures. Lisa Mitchell a félicité le gouvernement d’avoir tenu compte du climat. Je sais qu’il s’agit d’un enjeu controversé. Cependant, soit on respecte la science sur le climat, soit on ne la respecte pas. Nous sommes heureux que le projet de loi tienne compte des changements climatiques. Nous appuyons également la possibilité pour tous les Canadiens d’avoir leur mot à dire quant aux projets industriels.

À titre d’organismes d’intérêt public basés sur la côte Est, le Centre d’action écologique et la East Coast Environmental Law ont suivi de près la mise en valeur des projets pétroliers et gaziers extracôtiers au Canada atlantique. Comme vous le savez, les offices des hydrocarbures sont les organismes de réglementation responsables de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières et de la gestion des activités pétrolières au large des côtes de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.

À l’heure actuelle, en vertu de la LCEE 2012, les offices des hydrocarbures ne mènent pas d’évaluation environnementale des activités concrètes désignées. À cet égard, ils sont traités différemment des deux autres organismes de réglementation de l’énergie. L’Office national de l’énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire sont des autorités responsables en vertu de la LCEE 2012. Ils peuvent effectuer des évaluations environnementales sur des projets désignés tout en appliquant leurs propres processus de réglementation.

En vertu du projet de loi C-69, le ministre sera tenu de renvoyer une évaluation d’impact à une commission d’examen pour tout projet désigné réglementé par les offices des hydrocarbures.

Le ministre nomme le comité d’examen, y compris un président et au moins quatre autres membres. Au moins deux des personnes nommées par le ministre doivent provenir d’une liste qui comprend des membres des offices des hydrocarbures et le président de l’office doit recommander leur candidature.

Les personnes nommées à partir de la liste ne doivent pas constituer la majorité des membres du comité. Le président de la commission d’examen peut être membre d’un office des hydrocarbures.

Essentiellement, cela signifie qu’une commission d’examen composée d’au moins cinq personnes effectuera toutes les évaluations d’impact fédérales pour les projets désignés dans la zone extracôtière de l’Atlantique. Au moins deux de ces personnes proviendront des offices des hydrocarbures ou y seront associées.

Bien que les membres des offices des hydrocarbures ne puissent constituer la majorité des membres de la commission d’examen, il n’est pas interdit à un membre d’un office d’agir à titre de président de la commission.

En vertu du projet de loi C-69, l’influence des offices des hydrocarbures sur les études d’impact sera considérablement accrue. Dans l’ensemble, le processus d’évaluation des offices des hydrocarbures est le même que celui de la Commission de sûreté nucléaire et de l’Office canadien de réglementation de l’énergie, avec une différence clé.

Les activités désignées qui sont réglementées par la Commission de sûreté nucléaire et l’Office national de l’énergie seront évaluées par une commission d’examen, mais le président de la commission d’examen ne peut être un commissaire ou un membre de l’Office national de l’énergie.

Le projet de loi C-69 réduira considérablement l’influence de l’Office national de l’énergie et de la Commission de sûreté nucléaire sur les études d’impact.

Les organismes de réglementation ont un rôle important à jouer dans le processus d’études d’impact. Nous appuyons la collaboration en matière de consultation avec l’organisme de réglementation, comme le prescrit l’article 21 du projet de loi. Toutefois, le processus d’évaluation devrait être mené de façon indépendante.

Comme nous l’avons dit au comité de la Chambre des communes, nous continuons de croire que le choix des membres des comités d’examen devrait se faire au cas par cas, en mettant l’accent sur le fait que les personnes choisies possèdent l’expertise pertinente, les connaissances locales, et qu’elles n’aient aucun conflit d’intérêts.

Le fait de limiter le rôle des organismes de réglementation dans le processus d’évaluation à celui d’offrir des conseils et de l’expertise, plutôt qu’à la pleine participation à titre de membres de la commission, aide à protéger l’indépendance du processus d’évaluation. Il faut souligner que la promesse du gouvernement était de rétablir la crédibilité du processus d’étude d’impact.

En conclusion, cette fois-ci, nous recommandons expressément des amendements aux articles 46 et 48 pour au moins harmoniser les exigences relatives à la composition des commissions d’évaluation des projets réglementés par les offices extracôtiers avec celles des projets réglementés par l’Office national de l’énergie et la Commission de sûreté nucléaire.

On nous a dit et nous avons admis, dans une certaine mesure, qu’il doit y avoir une cohérence entre les trois organismes de réglementation du cycle de vie. Puis, quelqu’un y a inscrit quelque chose qui permettait aux offices des hydrocarbures de présider des commissions, ce que les deux autres organismes de réglementation du cycle de vie ne peuvent pas faire. Cela est contraire à la cohérence promise. Merci beaucoup.

Gretchen Fitzgerald, directrice du programme national, Fondation du Sierra Club du Canada : Je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple micmac.

Je veux surtout vous demander aujourd’hui de veiller à ce que les offices des hydrocarbures extracôtiers aient moins, et non plus, de pouvoirs en vertu de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact.

La Fondation du Sierra Club du Canada est un organisme communautaire national qui a pour mission de donner aux gens les moyens de devenir des chefs de file dans la protection, la restauration et la jouissance d’un environnement sain et sécuritaire.

Le Sierra Club participe à l’élaboration et à la modification des lois sur l’évaluation environnementale depuis leur création au Canada. Nous avons participé à de nombreuses évaluations environnementales au fil des ans, y compris le nettoyage des étangs bitumineux de Sydney, le mégaprojet hydroélectrique de Muskrat Falls, la carrière de Digby et divers projets pétroliers et gaziers extracôtiers au large de la côte Est.

En raison de cette expérience, nous savons que les offices extracôtiers n’ont pas le mandat ni l’expertise qui leur permettraient d’évaluer avec précision et sans parti pris les projets pétroliers et gaziers extracôtiers.

Le Comité sénatorial de l’énergie devrait tenir des audiences aujourd’hui sur l’élimination progressive de l’exploitation des combustibles fossiles et la transition équitable pour les personnes touchées par ce changement.

L’exploitation pétrolière et gazière extracôtière se fait habituellement sur une période de plusieurs décennies, mais le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat nous a tous dit que nous n’avons pas des décennies, comme vous le savez très bien. Nous avons un délai de 11 à 12 ans pour prévenir une crise climatique et limiter une hausse des températures mondiales de plus de 1,5 degré Celsius.

Selon le rapport du GIEC publié l’automne dernier, la dernière case à cocher est la volonté politique d’atteindre ces niveaux de sécurité. À titre de sénateurs, vous devez souscrire à cette volonté.

Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador prévoit accroître l’exploitation pétrolière et gazière au large de ses côtes, ce qui pourrait avoir des effets dévastateurs sur le climat et nos océans. Les calculs effectués par l’organisme de mon collègue, le Centre d’action écologique, indiquent que si Terre-Neuve-et-Labrador exploite des réserves pétrolières et gazières, comme le propose son document sur la voie à suivre en matière de pétrole et de gaz d’ici 2030, cette seule province sera responsable de près de 10 p. 100 du budget mondial autorisé d’émissions de GES pour empêcher que la température de notre planète ne grimpe de plus de 1,5 degré Celsius.

À notre avis, le fait que le projet de loi C-69 nous forcera à tenir compte de l’impact des projets proposés sur nos obligations d’atteindre les objectifs climatiques constitue une force et non une faiblesse. La phase de planification préliminaire que propose le projet de loi C-69 est également un pas dans la bonne direction, car elle permettra aux membres des communautés autochtones de participer plus tôt au processus et de se pencher sur les projets qui les touchent.

La Fondation du Sierra Club du Canada a des préoccupations relatives au projet de loi C-69, car il ne garantit pas suffisamment la prise de décisions fondées sur des données scientifiques qui exigerait un examen indépendant des rapports d’évaluation, ou une prise de décisions sur les projets proposés qui serait libre de toute ingérence politique.

Le projet de loi C-69 ne s’engage pas à faire respecter les droits des peuples autochtones en obtenant leur consentement libre, informé et préalable. Il ne propose pas de mécanisme de consentement collaboratif, un concept proposé par le groupe d’experts sur le projet de loi C-69.

La raison pour laquelle nous avons entrepris la rédaction d’une nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact est pour redonner de la crédibilité aux évaluations environnementales. Nous sommes très préoccupés par le fait que le projet de loi propose de donner plus de pouvoirs aux offices extracôtiers.

Les offices des hydrocarbures extracôtiers ont le double mandat de promouvoir l’exploitation pétrolière et gazière et de protéger l’environnement et la sécurité des travailleurs.

Les membres des offices proviennent souvent du secteur des combustibles fossiles et ils n’ont pas d’expertise dans la protection de l’environnement, de l’écologie et des espèces en voie de disparition ou dans la prise en compte des préoccupations d’autres industries marines comme la pêche et le tourisme.

Parmi les récents exemples de mauvaises décisions prises par les offices des hydrocarbures extracôtiers, soulignons l’absence de règles interdisant l’installation d’une foreuse sur le fond marin, alors qu’il y avait des vagues de neuf mètres au large de Terre-Neuve en novembre dernier. Cela a entraîné un déversement estimé à 250 000 litres de pétrole dans nos océans, dont pas une seule goutte n’a été récupérée. Nous ne savons pas combien d’oiseaux marins ont été tués par ce déversement.

Un autre mauvais exemple est l’autorisation du dynamitage sismique en 2010 lorsque des baleines bleues migraient dans le golfe du Saint-Laurent. Cette espèce est sérieusement en voie de disparition. De plus en plus de preuves confirment que les explosions sismiques peuvent être dévastatrices pour les mammifères marins et d’autres espèces marines.

Récemment, l’Office des hydrocarbures extracôtiers de la Nouvelle-Écosse a lancé un appel d’offres pour l’exploration pétrolière qui comprend la réserve de parc national de l’Île-de-Sable. Cela permettrait le forage à moins d’un mille marin de cette précieuse île.

Permettre l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers dans le golfe du Saint-Laurent est peut-être le meilleur exemple de l’incapacité des offices des hydrocarbures extracôtiers à gérer les répercussions de l’exploitation pétrolière et gazière.

Les côtes de cinq des dix provinces du Canada bordent le golfe du Saint-Laurent. Les Micmacs, les Malécites, les Innus et les Inuits pêchent et voyagent dans le golfe depuis des milliers d’années.

L’Office des hydrocarbures extracôtiers de Terre-Neuve est chargé de lancer des appels d’offres et de permettre l’exploitation pétrolière et gazière dans sa partie du golfe, même s’il s’agit d’un seul écosystème commun.

Un déversement dans le golfe pourrait avoir des répercussions sur la côte de cinq provinces et menacer les industries de la pêche et du tourisme qui représentent plusieurs milliards de dollars. Le bruit causé par le dynamitage sismique, la pollution chronique et un déversement majeur de pétrole dans le golfe pourraient entraîner la disparition de baleines dont la survie est sérieusement menacée et d’autres espèces en péril dans le golfe.

Nous sommes particulièrement préoccupés par la baleine noire de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition. Il y a eu d’importants décès dans le golfe il y a deux ans.

Un récent document scientifique indique que le golfe du Saint-Laurent sera sérieusement touché par les changements climatiques, étant donné qu’il s’agit d’un endroit unique où les eaux arctiques et les eaux chaudes du golfe se mélangent. Il le sera peut-être plus que tout autre écosystème marin de la planète.

Les scientifiques nous préviennent que le réchauffement des eaux du golfe pourrait créer des niveaux d’hypoxie ou de faible teneur en oxygène qui ne lui permettront pas de maintenir la vie dans certains secteurs.

Malgré ces multiples menaces et les demandes de moratoire de la part de nombreuses organisations et des chefs des communautés autochtones du golfe, l’Office des hydrocarbures extracôtiers a permis la poursuite de l’exploration pétrolière et gazière.

Les offices des hydrocarbures extracôtiers ne devraient pas avoir plus de pouvoirs en vertu de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact. Ils ne devraient certainement pas pouvoir nommer deux membres à une commission d’examen ou même présider une commission d’évaluation. Nous recommandons qu’ils jouent un rôle consultatif dans les évaluations, mais qu’ils ne siègent pas aux commissions d’examen.

L’influence de l’industrie pétrolière sur la rédaction du projet de loi C-69, qui a déjà été affaiblie, fait en sorte qu’il est difficile de voir comment le gouvernement va s’acquitter de son mandat de rétablir la crédibilité des évaluations.

À titre de praticiens, nous savons que cette influence sera exercée lorsque des études d’impact seront entreprises pour des projets précis. Ce serait aller trop loin de donner plus de pouvoirs aux offices extracôtiers en vertu du projet de loi C-69.

En conclusion, notre principale recommandation au comité aujourd’hui est de limiter le rôle des offices extracôtiers dans l’examen des projets pétroliers et gaziers extracôtiers. Merci beaucoup.

Le sénateur Mercer : Ma question est en fait assez simple. Elle aurait dû également être adressée au groupe de témoins précédent. Nous avons bien fait certaines choses, même si nous n’avons pas mis en place de règlements rigoureux.

Les baleines qui arrivaient régulièrement dans la baie de Fundy avaient constamment de la difficulté à naviguer. L’industrie a trouvé une solution pour déplacer la route de navigation entre la baie de Fundy et Saint John, au Nouveau-Brunswick, plus à l’est et plus près de la Nouvelle-Écosse. Savez-vous quoi? C’est là où il n’y a pas de baleines. Depuis ce déplacement, les résultats ont été très bons et il y a eu moins d’incidents impliquant les navires et les baleines dans la baie de Fundy.

Dans tous nos comités, nous avons tendance à entendre les mauvaises nouvelles. J’aimerais que les gens nous parlent des bonnes nouvelles, et c’est une bonne nouvelle.

Mme Fitzgerald : Oui. Nous sommes très heureux de constater que sept nouvelles baleines noires sont nées au cours des mois d’hiver. Ils reviennent, mais ils reviennent par une voie dangereuse. Vous entendrez plus tard aujourd’hui des exposés sur l’impact des séismes sur les mammifères marins.

Le bruit de ce dynamitage est si fort qu’il peut être entendu à mi-chemin de l’Europe. Si nous dynamitons au large de Terre-Neuve, comme nous avons l’intention de le faire ce printemps, et si nous dynamitons au cours des 10 prochaines années, comme on propose de le faire au large de la Nouvelle-Écosse, ces baleines tout le long de la côte entendront ce bruit et le ressentiront comme un stress constant. Les explosions se produisent toutes à des intervalles de 10 à 14 secondes.

C’est comme avoir un feu stroboscopique dans le visage pendant des jours, des semaines, voire des mois. C’est la comparaison parce que les baleines utilisent le son pendant que nous utilisons la vue pour trouver leurs compagnons, leurs bébés et leur nourriture. Les impacts sismiques sont considérables.

Je suis heureuse de voir que l’industrie du transport maritime prend des mesures. La réaction rapide du milieu de la pêche à la mort des baleines dans le golfe est merveilleuse.

Nous devons comprendre la portée de ce que nous faisons quant au bruit océanique, à l’exploitation pétrolière et gazière en mer et à leurs répercussions sur la biodiversité mondiale et sur l’ensemble du littoral.

Il est intéressant de noter qu’aux États-Unis, on a pris des mesures pour limiter cette exploitation, contrairement au Canada.

La sénatrice Simons : Ma question s’adresse à M. Butler ce matin. D’autres témoins nous ont dit que nous devons renforcer le libellé du projet de loi en ce qui concerne la science, l’intégrité et l’analyse scientifiques. Mais personne, je crois, ne nous a donné beaucoup de détails sur des amendements précis.

Vous avez fait référence à un rapport que certains de vos organismes partenaires ont rédigé quant au renforcement du libellé relatif à la science. Et je me demande si vous en avez le texte, si vous pourriez le partager avec le greffier, si vous pourriez nous le lire? Comment pourrions-nous vous donner l’assurance que la crédibilité scientifique est dûment prise en compte dans le processus?

M. Butler : Je vous remercie de votre question. Ma principale frustration à l’égard de l’AI ou de l’EE au fil des ans a été la qualité des documents autour desquels tout le processus est centré; la quantité est au rendez-vous, mais pas la qualité. On y trouve des pages et des pages de descriptions, peu d’analyses et, je dirais, peu de solides données scientifiques évaluées par les pairs.

Il est donc crucial de trouver un moyen de renforcer la crédibilité scientifique du document qui devrait orienter ce projet.

Dans notre mémoire au groupe d’experts nommé par le gouvernement et qui a sillonné le pays, nous avons présenté quelques propositions préliminaires. Je suis heureux de vous faire part de notre mémoire. Je pense qu’à l’époque, nous étions encore en train d’examiner la façon d’améliorer le processus, mais lorsque j’ai relu les recommandations du groupe d’experts sur la science, j’ai trouvé qu’elles étaient très bonnes.

Or, si vous cherchez des conseils sur la façon de renforcer la loi en ce qui concerne la science et de veiller à ce que la science et le savoir traditionnel en soient des éléments clés, qu’il s’agisse du savoir autochtone ou du savoir communautaire, alors le rapport du groupe d’experts, qui est une distillation de 1 000 présentations, est le bon endroit où les trouver, à mon avis.

La présidente : Sénateur Carignan.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur la composition de la liste recommandée par le conseil. J’essaie de comprendre votre crainte en ce qui a trait à la partialité. En regardant votre liste, je constate que le mot « pétrole » y apparaît. Je sais que le mandat et la composition de cet office découlent d’une entente conclue entre le Canada et la Nouvelle-Écosse, que les membres sont nommés par les deux gouvernements et qu’ils ont un mandat en matière d’analyse environnementale. Il y a donc une expertise qui s’est développée au sein de cet organisme. Les gens seront nommés par cet office ou, en tout cas, figureront sur une liste.

Il y a tout de même les dispositions de l’article 2 qui indiquent que les gens nommés ne doivent pas être en conflit d’intérêts et doivent maintenir une apparence de partialité. Je suis un peu mal à l’aise avec cette question. J’essaie de trouver l’équilibre entre le fait d’aller chercher l’expertise d’un individu ou d’un groupe sans nécessairement donner une apparence de partialité. J’ai de la difficulté avec le fait que l’office recommande une liste de membres qui seront choisis par le ministre. Les membres choisis ne doivent pas être en conflit d’intérêts. Donc, cela peut créer une crainte de partialité institutionnelle, selon la perspective du public. Que proposez-vous? En fin de compte, le ministre devra choisir quelqu’un. Est-il préférable de procéder de la façon dont l’a illustrée le Globe and Mail ce matin, où le premier ministre fait un choix après avoir envisagé les contributions ou les appuis potentiels?

[Traduction]

Mme Fitzgerald : J’ai quelques réponses. J’estime simplement qu’il est dangereux de faire une analogie entre les titulaires de droits autochtones et l’industrie des combustibles fossiles.

[Français]

Le sénateur Carignan : Toutefois, c’est dans la loi. L’instance qui décidera, selon la loi, pourrait être les groupes autochtones, qui sont considérés comme une instance. Ils pourraient faire une évaluation d’impact et mesurer l’impact sur les droits ancestraux. C’est indiqué dans la loi…

La présidente : Sénateur Carignan, laissons le témoin répondre à la question.

Le sénateur Carignan : Il est dangereux de faire une analogie, mais c’est ce qui est indiqué dans la loi. Je la prends comme elle est, ce n’est pas moi qui l’ai rédigée.

[Traduction]

Mme Fitzgerald : Quant aux peuples autochtones, je pense que le Canada est en train de reconnaître la réconciliation et la vérité historique selon laquelle ils détiennent des droits. J’espère que l’industrie des combustibles fossiles jouera un rôle différent sur ce territoire.

C’est pourquoi je crois que c’est approprié. En fait, bien que recommandé par le groupe d’experts, cela ne fait même pas partie du projet de loi.

Il faut faire très attention lorsqu’on compare les détenteurs de droits autochtones et l’industrie des combustibles fossiles. La situation juridique est très différente. J’espère que l’ensemble du Sénat le reconnaîtra dans le sillage du processus de réconciliation.

Vous avez posé une question au sujet de l’équité. Je pense que le cœur de la question est de savoir quelles listes le ministre devrait utiliser pour choisir des membres impartiaux.

Avant de répondre à cette question, vous avez parlé d’équité. Je ne connais pas les détails, mais il semblerait que le gouvernement fédéral ait nommé une nouvelle commission ou qu’il ait nommé les membres à sa guise, d’après ce que vous avez dit.

Nous sommes du même avis quant aux offices extracôtiers et leur rôle. Ils choisiront les membres, qu’ils le sachent ou non. Il ne s’agit pas des personnes. Il s’agit de faire partie d’un processus, d’un système et d’un apprentissage. Ceux qui travaillent dans une industrie sont le plus à l’aise avec leurs propres connaissances et expertises. Cela s’applique à tout le monde. C’est ce qu’on appelle l’emprise réglementaire.

Nous l’avons vu avec l’évaluation du projet Énergie Est. Elle a éclaté au visage du gouvernement parce que l’emprise réglementaire était devenue trop flagrante. Aux yeux des Canadiens, elle n’a pas respecté les critères.

Nous ne voudrions pas que cela se reproduise dans les commissions d’examen des ressources pétrolières et gazières extracôtières. Il s’agissait d’un échec de la réglementation, peu importe que vous souhaitiez ou non que le pipeline aille de l’avant.

L’une des meilleures commissions dont j’ai eu connaissance a choisi des experts indépendants affiliés aux universités. Ils avaient une expertise en planification, en environnement océanique et en géologie. Il s’agissait de la commission d’examen de la carrière Digby. Les membres choisis représentaient des établissements d’enseignement indépendants. Cela dit, comme vous l’avez mentionné, il pourrait y avoir des postes de commissaire pour les titulaires de droits autochtones également si ces collectivités les acceptent.

Ce serait la norme idéale. Cela permettrait d’atteindre le niveau de crédibilité que le gouvernement dit souhaiter en l’occurrence.

La présidente : Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Butler : Nous reconnaissons l’expertise de l’organisme de réglementation, mais il y a des façons d’intégrer son expertise au processus sans nommer ses membres à la commission d’examen. Nous avons d’autres organismes de réglementation comme Transports Canada, le MPO et Environnement Canada. Ce sont des organismes de réglementation qui ne font pas partie de la commission d’examen.

J’aimerais en dire davantage à ce sujet, mais je vais m’arrêter ici.

Le sénateur Woo : Permettez-moi d’aller au cœur de votre recommandation visant à réduire le pouvoir des offices extracôtiers au sein des commissions d’examen.

Hier, l’une des sociétés pétrolières nous a présenté une recommandation plutôt curieuse, selon laquelle les projets extracôtiers ne devraient pas faire l’objet d’une commission d’examen obligatoire, mais devraient être autorisés à passer par l’Agence d’évaluation d’impact elle-même. J’aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée. C’est une recommandation curieuse parce qu’elle semble aller à l’encontre de leurs intérêts.

Quant à votre argument au sujet de la cohérence, qui est juste, on pourrait dire que le fait d’avoir deux des cinq membres de l’Office des hydrocarbures extracôtiers au sein de la commission d’examen est en fait conforme à ce que le reste du projet de loi tente de faire avec la CCSN et le nouvel ONE. La question de la présidence est distincte. L’Office national de l’énergie milite en faveur de la possibilité qu’un représentant du nouvel Office préside cette commission d’examen. Ce serait également cohérent.

Dans la mesure où nous avons déjà la possibilité que les membres de la CCSN et de l’ONE soient en position minoritaire au sein des commissions d’examen de leurs projets, pourquoi n’aurions-nous pas une minorité de membres de l’OCNHE et de l’OCTLHE dans ces commissions d’examen?

M. Butler : Nos collègues du reste du pays sont plus à l’aise avec la situation. Cela ne nous facilite pas la tâche, compte tenu de notre expérience avec les offices des hydrocarbures. Il s’agit en fait d’une augmentation de leur influence sur le processus.

Je dirais qu’il est incohérent de permettre à un membre de l’Office des hydrocarbures de présider une commission. J’encourage le comité à adopter un amendement pour que ce ne soit pas permis. Si votre argument porte sur la cohérence, vous devez l’utiliser tout le temps et ne pas être incohérent lorsque vous invoquez l’argument de la cohérence.

Lisa Mitchell m’a parlé de l’autre scénario. Il pourrait y avoir deux représentants de l’Office des hydrocarbures au sein d’une commission d’examen et un troisième représentant de l’industrie, peut-être avec une expérience dans l’industrie pétrolière et gazière. Il en résulterait une majorité de membres au sein du groupe.

Si l’objectif ici est de rendre l’évaluation environnementale crédible et d’essayer d’obtenir une plus grande approbation sociale, peu importe qui sont ces personnes, cela ne sera pas bénéfique.

Le sénateur Massicotte : Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que c’est le plus grand défi de notre génération. Les conséquences sont extrêmement graves, et je suis un peu découragé par le peu de progrès que nous avons réalisés jusqu’à maintenant.

Quoi qu’il en soit, permettez-moi de vous parler d’un enjeu. Évidemment, les marchés sont tributaires de l’offre et de la demande. J’aimerais avoir votre réaction, mais à mon avis, cela ne change rien à la quantité de CO2 dans l’air si nous importons notre pétrole et notre gaz, comme le fait dans une large mesure le Québec, ou si nous le produisons localement. Par conséquent, que nous construisions ou non un autre pipeline ne changera pas notre situation quant aux émissions mondiales de CO2.

Nous devrions faire plus, mais pas sur le plan de l’offre. Autrement dit, tout le monde parle d’approvisionnement, mais je dis que cela n’a pas d’importance. Ce qui est pertinent, c’est qu’il faut réduire la consommation, ce qui veut dire que le gouvernement devrait faire beaucoup plus pour nous décourager ou nous encourager à trouver de l’innovation pour produire beaucoup moins de CO2.

Êtes-vous d’accord avec cela?

M. Butler : Je pense que tout l’enjeu est là. Je dirais que oui.

Le sénateur Massicotte : Que se passe-t-il si on construit ou qu’on ne construit pas? Pensez-vous qu’il y aura une pénurie de pétrole et de gaz dans le monde? Autrement dit, sur le plan de l’offre, si vous êtes convaincu que le monde ne va pas manquer de pétrole et de gaz, cela ne change rien si nous augmentons l’offre de pétrole et de gaz provenant des sables bitumineux, par exemple. Par conséquent, cette question n’est pas pertinente.

Ce qui est pertinent, c’est qu’il faut réduire notre production de CO2.

M. Butler : Mon collègue voudrait peut-être intervenir. Je pense que c’est à la fois une question d’offre et de consommation. Nous devons nous y attaquer à tous les niveaux.

J’apprécie votre reconnaissance de la science. Nous devrions reconnaître la situation critique dans laquelle nous nous trouvons et faire tout ce que nous pouvons pour y remédier.

Si vous vivez en Nouvelle-Écosse, vous êtes au courant des inondations côtières. Il y a deux jours, j’étais dans un atelier de transformation du poisson et le type me disait que, dans les chaluts à merlu argenté, on trouve maintenant des poissons qu’on n’avait jamais vus auparavant, comme le saint-pierre et d’autres espèces des eaux du sud. Nous en voyons vraiment les effets.

Le sénateur Massicotte : Permettez-moi d’être précis. Supposons que Trans Mountain soit construit ou non. Si nous le construisons, certains consommateurs canadiens consommeront peut-être ce pétrole et ce gaz. S’ils ne le consomment pas, je suppose, avec l’approvisionnement mondial, nous allons simplement l’importer comme nous le faisons en grande partie actuellement au Québec.

M. Butler : C’est l’argument selon lequel ce que nous faisons ici ne change rien parce que l’on construit plus de centrales au charbon en Chine. On ne réglera jamais le problème si on adopte cette attitude. Quelqu’un doit diriger.

Mme Fitzgerald : Dans un dossier mondial aussi important que le changement climatique, si vous pensez aux autres enjeux mondiaux où le Canada est actif sur la scène internationale, il serait inhabituel que les Canadiens lèvent les bras et disent : « Nous ne pouvons pas jouer un rôle ».

Le sénateur Massicotte : Ce n’est toutefois pas ce que je recommande.

Mme Fitzgerald : Ce que nous faisons est important. En changeant l’offre, nous aidons nos collectivités à relever le défi qui les attend et, espérons-le, nous aidons les travailleurs qui seront touchés par des plans de transition équitables.

Je pense que nous envoyons également un signal fort quant au monde que nous désirons. Nous faisons partie d’un mouvement mondial qui évolue en ce sens.

Je ne crois pas que chercher des coupables soit la solution à un problème. Je suis très fier de certaines des choses que le Canada a faites à l’échelle internationale pour offrir de l’aide lors de crises mondiales. C’est un domaine où ce que nous faisons est important.

Le sénateur McInnis : Je me joins au sénateur Mercer et au sénateur MacDonald pour souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs en Nouvelle-Écosse. Il est agréable de voir les nuages se dissiper. Je suis heureux de vous voir, Mark Butler. Je vous ai déjà parlé au téléphone de certaines questions, et j’apprécie vraiment ce que font vos deux organisations.

Ici, en Nouvelle-Écosse, et bien sûr à Terre-Neuve, nous avons de vastes ressources pétrolières et gazières. J’ai les chiffres dans mon bureau à Ottawa, mais il y a d’énormes quantités de ressources qui vont finir par être exploitées.

Je pouvais presque prévoir ce que vous alliez dire ce matin. Je sais qui vous êtes et ce que vous représentez, et j’apprécie ce que vous faites. En même temps, je pense que vous conviendrez tous que nous avons des ressources naturelles et que nous avons besoin d’une économie. Aujourd’hui, nous devrions tous reconnaître que nous avons besoin d’un environnement protégé.

Je ne veux pas généraliser, mais je veux surtout entendre vos deux organismes. Quel est le moyen raisonnable pour atteindre cet objectif? Nous devons produire et faire ce que nous pouvons avec les ressources naturelles dont nous disposons, notamment dans le secteur de l’énergie. Où en sommes-nous par rapport à ce que nous pouvons faire?

Mme Fitzgerald : Je suppose que la solution serait d’atteindre et de dépasser nos objectifs climatiques actuels. Malheureusement, nous ne pouvons pas dire que c’est ce que fait le Canada. Je pense qu’il faudrait envisager cela. Les évaluations ne cessent de démontrer que les émissions du secteur pétrolier et gazier nuisent grandement à l’atteinte de ces objectifs.

Nous sommes ici pour parler du projet de loi C-69. À mon avis, l’intégration d’une bonne évaluation des impacts climatiques dans ce que nous faisons serait un pas dans cette direction.

Vous avez dit qu’il existe une énorme quantité de ressources. Il existe aussi d’énormes quantités de ressources renouvelables sur le plan de l’efficacité énergétique. J’ai assisté hier à une présentation qui portait manifestement sur la fracturation en Nouvelle-Écosse. La partie la plus excitante de ce que j’ai entendu concernait l’énergie solaire. Il y a des tas d’autres choses que nous devrions faire en matière d’économie.

Les évaluations climatiques ont démontré à maintes reprises que l’économie sera dévastée par les changements climatiques. Nous devons combiner ces deux objectifs. Ce projet de loi est un pas dans cette direction s’il demeure solide.

M. Butler : Ce sujet me passionne beaucoup. Je me soucie beaucoup de la prospérité de la Nouvelle-Écosse. Je vois que notre travail ne consiste pas seulement à étreindre les arbres, mais aussi à serrer les gens dans nos bras. Nous devons nous préoccuper des deux.

Si la Nouvelle-Écosse ne peut pas s’affranchir des combustibles fossiles, je me demande quelle autre compétence pourra le faire. Nous avons ici des ressources abondantes. Il ne s’agit pas seulement de combustibles fossiles, mais aussi de l’énergie marémotrice, de l’énergie éolienne, de la biomasse à petite échelle et même de l’hydroélectricité.

Nous pouvons agir ici. Je pense que c’est la voie à suivre et que c’est là que se trouve la prospérité.

Il y avait une proposition de projet extracôtier de 1 milliard de dollars. Il s’agissait non de pétrole ou de gaz, mais d’un projet éolien de la Beothuk Energy. En fin de compte, il n’a pas démarré. Je ne suis pas certain des raisons. J’aimerais bien savoir pourquoi. Il s’agissait d’un projet de 1 milliard de dollars qui ne portait pas sur le pétrole ou le gaz. C’était un projet éolien en mer. Un fonds de pension européen désirait exploiter l’énergie éolienne extracôtière.

Voilà le genre de possibilités que nous devrions envisager. Ces projets devraient également faire l’objet d’une évaluation environnementale rigoureuse afin de protéger l’environnement et les industries qui dépendent actuellement de l’océan, comme la pêche.

Le sénateur Patterson : Tout d’abord, permettez-moi de dire que je suis ravi d’être en Nouvelle-Écosse. J’ai été avocat pour le Centre d’action écologique en 1972 dans le cadre du projet du chemin Quinpool. J’espère avoir une certaine crédibilité auprès de vous.

J’ai une très brève question pour Mme Fitzgerald. Le dynamitage sismique toutes les 10 à 14 secondes pendant des jours, des semaines et des mois. De quoi s’agit-il? De jours, de semaines ou de mois? Quels autres témoignages allons-nous obtenir aujourd’hui?

Mme Fitzgerald : Je pense que vous allez entendre le témoignage de M. Hal Whitehead, professeur à l’Université Dalhousie qui est un expert en mammifères marins.

Cela dépend du projet. C’est peut-être un projet à très court terme, mais les projets ont tendance à durer des semaines ou des mois. Cela dépend.

Si vous regardez les cartes sismiques prévues pour Terre-Neuve-et-Labrador et pour la Nouvelle-Écosse en particulier, il y a un plan de neuf ans qui prévoit le dynamitage d’une grande partie du Plateau néo-écossais. Il s’agit de vastes régions géographiques au fil du temps.

Le sénateur Patterson : Vous avez tous les deux préconisé, à ma grande surprise, une réduction du rôle des offices extracôtiers. Je crois comprendre que le processus de nomination des membres du conseil suscite certaines préoccupations.

Je crois que les Néo-Écossais devraient se pencher sur l’impact de l’exploitation et de la protection de l’environnement dans leurs eaux.

En ce qui concerne le rôle d’un organisme de réglementation du cycle de vie au sein d’une commission, la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, de la région où j’habite, nous a parlé de l’équilibre entre les rôles d’évaluateur d’impact, de concédant de licences et d’organisme de réglementation du cycle de vie.

La CNER a dit que la conception de notre système diminuait la certitude des choses au cours de l’évaluation environnementale. Lorsqu’on est sur le terrain et que des projets sont en cours, l’approche de précaution adoptée donne de nouveaux renseignements qui permettent une adaptation, au besoin, quant à l’approbation, au fur et à mesure que le projet avance.

Nous avons de nombreux cas où cela est devenu nécessaire lorsque quelque chose, qui semblait être une bonne idée en théorie, ne fonctionne pas comme prévu au moment de délivrer le permis. Nous passons à un autre moyen de continuer à permettre au projet d’aller de l’avant et de protéger l’environnement.

J’aimerais vous poser une question à tous les deux. Ne serait-il pas important que les organismes de réglementation du cycle de vie connaissent bien le projet et utilisent leurs connaissances du projet, les promesses faites à l’étape de l’évaluation et leurs connaissances spécialisées pour gérer les problèmes possibles au fur et à mesure qu’ils surviennent pendant la durée d’un projet? Voilà la logique.

Avec tout le respect que je vous dois, les professeurs d’université ne sauront pas si les promesses faites dans le cadre de l’évaluation d’impact ont vraiment été réalisées pendant la durée du projet.

Mme Fitzgerald : Je dirais que l’apprentissage séquentiel de l’expérience ne se fait pas actuellement en ce qui concerne l’évaluation environnementale. Dans le secteur extracôtier en particulier, nous n’apprenons pas des erreurs du passé.

Il serait approprié d’inscrire une exigence. Par exemple, si nous avons appris des projets antérieurs qu’il y a contamination par le méthylmercure en aval de mégacentrales hydroélectriques, que savons-nous quant aux évaluations futures? Si nous savons qu’il pourrait y avoir un déversement majeur lorsqu’on tente de raccorder des tuyaux à un puits en présence de vagues de neuf mètres, nous devrions peut-être avoir des règlements à ce sujet.

Honnêtement, ce n’est pas ce qui se passe avec les offices des hydrocarbures extracôtiers. Il est certain que nous avons un code de pratique à l’heure actuelle quant au dynamitage sismique, mais nous n’avons même pas de règlement à cet égard.

Je n’observe pas l’application des leçons que la science ou l’expérience nous enseignent. Des experts internationaux ont évalué les effets du déversement de BP dans le golfe du Mexique. Ils ont examiné ce qui se passe ici, au Canada, et ils ont dit que l’évaluation des risques était 10 à 100 fois inférieure à ce qu’elle devrait être, d’après ce qu’ils ont pu constater en examinant nos évaluations.

C’est insuffisant. Si cet apprentissage séquentiel doit avoir lieu, il serait préférable de le confier au ministère des Pêches et des Océans, à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et à l’Agence d’évaluation d’impact, quel que soit le nouveau nom qu’on lui donne, et non aux offices pour ce qui est de la protection de l’environnement.

Comme nous avons essayé de le faire comprendre, les offices ont une expertise quant à l’industrie. Ils ont beaucoup moins d’expertise en ce qui concerne l’atteinte de nos objectifs climatiques et de nos obligations relatives à la protection de l’environnement, des espèces en voie de disparition et des peuples autochtones.

La présidente : Pourriez-vous nous faire parvenir le rapport de BP sur la comparaison avec le golfe?

Mme Fitzgerald : Oui.

La présidente : Merci beaucoup.

Pour notre troisième groupe de témoins, nous accueillons Hal Whitehead, professeure titulaire, Université Dalhousie, à titre personnel; et de l’Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, Andrea Paul, chef, Pictou Landing, et John G. Paul, directeur général.

Monsieur Whitehead, vous avez la parole.

Hal Whitehead, professeur titulaire, Université Dalhousie, à titre personnel : Je suis professeur au département de biologie de l’Université Dalhousie et membre du COSEWIC, le Comité sur le statut des espèces sauvages menacées du Canada, dont je suis coprésident pour les mammifères marins. Je suis préoccupé par la réglementation des projets énergétiques extracôtiers au large de l’est du Canada.

Depuis 45 ans, je navigue au large de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador pour étudier les baleines. Pendant la plus grande partie de cette période, j’ai utilisé un voilier de 40 pieds dans les eaux du large plus profondes, car je m’intéresse notamment aux baleines qui plongent à grande profondeur. Nous sortons trois semaines à la fois. Pendant ces trois semaines, nous sommes immergés dans le monde extracôtier, à environ 100 à 250 milles de nos côtes.

C’est un monde merveilleux. Non seulement les baleines et les dauphins sont dans les eaux qui nous entourent, mais les oiseaux marins volent au-dessus de nous. Si nous pouvions observer le fond marin, on y verrait des coraux d’eau profonde et toutes sortes de formes de vie inhabituelles. Ces eaux ont été et sont toujours au centre des pêches vitales.

Les baleines que nous étudions sont des animaux intensément acoustiques. Le son est la façon dont elles perçoivent leur monde et communiquent entre elles. Il en va de même pour les autres animaux marins. Les eaux que nous naviguons et les eaux qu’elles utilisent sont de plus en plus bruyantes.

Ce bruit a plusieurs sources, mais la pire, ce sont les relevés sismiques pour le pétrole et le gaz. Lorsque nous naviguons à l’est de Terre-Neuve et que nous écoutons les baleines à l’aide d’hydrophones et de microphones sous-marins, la plupart du temps, nous entendons les détonations qui viennent de ces bateaux.

Il s’agit d’un bruit de fond prédominant dans nos enregistrements qui proviennent de ces eaux, ainsi que des enregistreurs situés à divers endroits au large de la côte Est et à des milliers de kilomètres de la dorsale médio-atlantique. Ces sons sont extrêmement forts et dangereux pour la vie marine, y compris celle des baleines que j’étudie. Ils parcourent de grandes distances.

Au cours de la dernière année, des dizaines d’articles scientifiques ont été publiés sur les effets des bruits sous-marins sur la vie marine. Les nouvelles sont généralement mauvaises. Nous constatons que les animaux sont affectés de diverses façons importantes, allant de la perturbation de l’alimentation à la mort, à cause de ces bruits, parfois à des niveaux beaucoup plus bas et à des distances beaucoup plus grandes de la source que nous le soupçonnions.

Les relevés sismiques, qui sont la principale source de bruits sous-marins, prennent rapidement de l’expansion, surtout au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Leur nombre s’est multiplié par six depuis 2015, comparativement à 2000 et 2014, et le gouvernement de Terre-Neuve prévoit d’autres augmentations.

Cette vie océanique extraordinaire dans les eaux au large de nos côtes est de plus en plus menacée. Cette menace n’est pas gérée de façon ne serait-ce qu’un peu rationnelle par les offices des hydrocarbures extracôtiers.

Les profils sismiques se répètent. J’ai fourni une carte qui montre ceux au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Les mêmes tracés font l’objet de relevés à plusieurs reprises, même si la géologie ne change pas. Les mêmes informations sont obtenues à chaque fois, ce qui contribue à détruire davantage la vie dans les océans.

Ces pratiques doivent être réglementées très soigneusement, d’une manière qui semble se situer complètement en dehors du mandat actuel des offices des hydrocarbures extracôtiers. Nous avons besoin d’une réglementation rigoureuse et réfléchie, adaptée aux différentes zones, et qui évolue à mesure que nous en apprenons davantage sur les effets du bruit.

J’ai navigué dans les zones de Sackville Spur et de Flemish Pass à l’extrême est de Terre-Neuve. J’ai été entouré de baleines et d’oiseaux marins. J’ai vu des pêcheurs faire des prises importantes dans ces eaux. J’ai entendu des navires-boutefeu et j’en ai vu. Ils ordonnent à tous les bateaux qu’ils rencontrent de s’écarter de leur chemin et ils continuent leurs dommages.

Merci beaucoup.

John G. Paul, directeur exécutif, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique : Bienvenue à Kjipuktuk ou Halifax. Le temps est magnifique aujourd’hui.

La chef Andrea Paul et moi-même sommes heureux d’avoir l’occasion de prendre la parole devant le comité chargé d’étudier le projet de loi C-69, à titre de représentants de la région de l’Atlantique et du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique, un organisme fédéral sans but lucratif non constitué en personne morale qui a été créé en 1995. Il s’agit d’un secrétariat de recherche et de défense stratégiques pour 31 collectivités des Premières Nations, les Micmacs, les Malécites, les Pescomodys et les Innus du Canada atlantique. Le congrès est dirigé par un conseil d’administration composé de chefs élus.

À titre de coprésidents représentant le congrès, nous tenons à souligner l’importance d’une mobilisation précoce et continue des peuples autochtones pendant l’élaboration et la mise en œuvre des lois, des règlements et des politiques qui peuvent avoir une incidence sur les droits et les titres ancestraux.

Le Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique appuie généralement le projet de loi C-69, qui prévoit la prise en compte obligatoire des connaissances autochtones, l’élargissement de la portée des évaluations et l’établissement d’un comité consultatif autochtone. Le congrès adhère également à la notion selon laquelle les promoteurs devront expliquer comment ils intègrent les connaissances autochtones dans leurs projets.

Nous aimerions souligner l’importance continue des connaissances autochtones, l’engagement du Canada envers la réconciliation et le fait que la Couronne considère les peuples autochtones comme des partenaires égaux. Ces engagements sont importants pour de nombreuses raisons et peuvent s’appliquer au projet de loi C-69.

Les Premières Nations connaissent souvent mieux que quiconque les terres sur lesquelles elles vivent. C’est pour cette raison que nous sommes particulièrement bien placés pour fournir de l’information qui aidera à prévoir les répercussions environnementales. Le projet de loi C-69 joue donc un rôle utile dans le cadre de cette vision fédérale de la réconciliation, ainsi que pour changer la culture et les points de vue des promoteurs et du gouvernement à l’égard des peuples autochtones.

Le Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique se réjouit également que le projet de loi C-69 exige une évaluation des répercussions sur les droits dans ce processus de décision, offre la possibilité aux gouvernements des Premières Nations de diriger eux-mêmes les évaluations d’impact et fasse directement référence à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA.

Le principe clé de la DNUDPA est que les États doivent obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones avant de mettre en œuvre des lois et des mesures administratives susceptibles de les toucher.

Grâce à ce projet de loi, le Canada a l’occasion de contribuer à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de fournir les conditions politiques nécessaires pour que le Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique puisse apporter des changements efficaces et durables aux lois, à la gouvernance et à l’infrastructure institutionnelle du Canada atlantique.

Cela devrait favoriser une relation de nation à nation entre les peuples autochtones et le Canada. Il ne peut plus y avoir un seul point de vue censé représenter les opinions de tous les peuples autochtones du Canada. Par conséquent, le Canada devrait adopter une approche qui est représentative des processus et de la gouvernance autochtones existants. Il s’agit d’une occasion d’aller de l’avant dans un esprit et dans une intention de réconciliation, en vue d’élaborer conjointement des lois, des règlements et des politiques en matière d’environnement au Canada.

Nous devons favoriser une relation de nation à nation entre nos peuples autochtones et le Canada, en vue de susciter des changements efficaces et durables. Merci.

Andrea Paul, chef, Pictou Landing, Secrétariat du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique : Bonjour. Je tiens à remercier le comité sénatorial permanent de nous avoir permis, à John G. Paul et à moi-même, de soumettre un mémoire sur le projet de loi C-69, étant donné que le chef Sabattis n’a pas pu se présenter.

En tant que représentants du Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique, nous appuyons les amendements proposés par nos collègues de l’Assemblée des Premières Nations au sujet du projet de loi C-69, concernant le passage du respect des droits des peuples autochtones dans l’objet de la Loi sur l’évaluation d’impact à la protection égale des connaissances et de la culture autochtones, en tant que piliers à part entière de la durabilité, ainsi qu’à un registre complet en vertu de la Loi sur les eaux navigables canadiennes.

Nous recommandons fortement l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends dans le projet de loi C-69. Cela donnerait l’occasion aux groupes autochtones et aux promoteurs de travailler avec le gouvernement pour trouver une solution qui profite aux deux parties et qui assure la protection des droits et des titres ancestraux contre les effets négatifs importants d’un projet.

De plus, cela fournirait la possibilité de tenir les promoteurs responsables des répercussions possibles de leur projet sur les droits et les titres ancestraux. Cela aiderait également à atténuer et à éviter les répercussions pour l’avenir.

La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie contient une disposition semblable qui devrait être incluse dans la Loi sur l’évaluation d’impact. Cela donnerait aux groupes autochtones des recours et la possibilité de régler les problèmes hors cour.

Nous ne sommes pas d’accord pour que le Canada-Nova Scotia Offshore Petroleum Board et le Canada-Newfoundland Labrador Offshore Petroleum Board prennent en charge les évaluations environnementales dans le cadre des activités de forage exploratoire.

Il faut noter que ces offices favorisent l’exploration et l’exploitation pétrolières et gazières au large des côtes. Le processus d’évaluation environnementale devrait être un processus distinct. De plus, il faut souligner que ces offices n’ont pas la même capacité que l’Agence canadienne d’évaluation environnementale au chapitre de la consultation et de la prise en compte des demandes des Premières Nations.

L’ACEE a une plus grande capacité de consulter les groupes des Premières Nations et de tenir compte de leurs demandes et mettra en place des mécanismes pour intégrer les connaissances autochtones. Ces organismes régionaux sont indépendants de la Couronne et ne peuvent donc pas assurer la protection des droits et des titres ancestraux ou garantir des mesures d’atténuation.

Enfin, la collectivité des Premières Nations de Pictou Landing a recommandé une évaluation environnementale fédérale pour l’usine de traitement des effluents de Northern Pulp. Jusqu’à maintenant, la ministre n’a pas pris de décision à ce sujet. Une telle évaluation est encore possible dans le cadre du processus provincial d’évaluation environnementale.

Un groupe de discussion a été établi et on a donné un an à Northern Pulp. Nous souhaitons toujours que l’ACEE intervienne et désigne le projet pour une évaluation environnementale fédérale. Nous préconisons donc fortement la tenue d’évaluations d’impact lorsqu’un projet est susceptible d’avoir des effets négatifs sur les droits et les titres ancestraux.

La sénatrice Griffin : Merci de votre exposé et bienvenue dans les Maritimes, comme nous le disons à tout le monde. Vous vivez déjà ici, alors vous êtes chez vous, tout comme bon nombre d’entre nous autour de la table.

Ma question porte principalement sur un projet que vous venez de mentionner, celui de Northern Pulp, qui pourrait aussi avoir des répercussions sur l’Île-du-Prince-Édouard. Comme l’a dit un groupe de témoins précédent, la pêche est très importante dans cette région du pays.

Si ce nouveau projet de loi devait couvrir les évaluations d’impact environnemental à l’échelle fédérale, auriez-vous davantage confiance aux résultats du projet que maintenant, alors qu’il est assujetti à la loi actuelle du gouvernement fédéral?

Cela améliorerait-il la crédibilité du projet pour vous?

Mme Paul : Je crois que oui. Cela améliorerait certainement aussi les relations. Nous avons un problème de confiance qui remonte à loin dans notre collectivité, qui se résume à dire que nous n’avons pas confiance du tout. Je crois qu’il est très important de donner aux gens l’occasion de se réunir et de faire valoir l’aspect des connaissances autochtones.

Nous avons eu une discussion avec l’ACEE. Je sais à quoi riment beaucoup de conversations que nous avons, dans lesquelles on nous répète souvent : « Nous ne nous intéressons qu’aux données scientifiques. » Lorsque j’entends cela, je comprends que ce que mes gens ont à dire n’est pas important, que leurs connaissances, leur double perspective et leur façon d’aborder la science ne sont pas crédibles, valides ou importantes.

Lorsque j’entends ces commentaires, je les trouve blessants. Ils n’ont rien à voir avec la réconciliation ou l’établissement d’une relation. Je crois que tous ces éléments doivent entrer en jeu parce que nous sommes les premiers peuples.

Nous sommes ici depuis très longtemps. Nous avons beaucoup à offrir. Ce n’est peut-être pas une perspective technique ou scientifique, mais c’est celle de nos peuples autochtones.

Le sénateur C. Deacon : Merci aux témoins. J’ai deux séries de questions distinctes.

Monsieur Whitehead, avez-vous étudié des solutions de rechange aux relevés sismiques traditionnelles? Cela pourrait-il régler les problèmes dont vous avez parlé?

Le partage de données pourrait être nécessaire. Il pourrait y avoir de nouvelles technologies. Je ne sais pas, mais j’aimerais que vous me disiez ce que vous avez étudié à cet égard.

M. Whitehead : Je vois trois principales solutions de rechange. La première a trait à la façon dont nous gérons les zones extracôtières. À l’heure actuelle, tout est à la disposition de l’industrie pétrolière et gazière extracôtière.

Nous devons établir un système de zonage, afin que les zones que nous jugeons les plus importantes sur le plan écologique fassent partie du réseau des aires marines protégées et que d’autres soient réservées à l’industrie de la pêche. C’est la première voie.

Vous avez fait allusion à la deuxième solution, c’est-à-dire le partage de données. À mon avis, il est tout à fait irresponsable de procéder à des relevés sismiques à répétition et d’utiliser essentiellement la même technologie et d’obtenir essentiellement les mêmes données. Chacun d’eux a probablement un impact assez important sur l’environnement.

Il devrait y avoir un système permettant que les relevés ne soient pas répétés. Si une entreprise différente souhaitait obtenir les données concernant une zone en particulier, elle devrait pouvoir le faire en payant les gens qui les ont déjà. C’est la deuxième voie.

Vous avez aussi parlé de la troisième solution, c’est-à-dire les technologies de remplacement. De telles technologies existent. L’une d’elles s’appelle le vibrateur. Ce système sert principalement à la prospection sismique terrestre depuis 50 ans, et il peut être utilisé en mer. C’est un peu plus compliqué. Des ingénieurs sont en train de trouver une façon de le faire. Des essais sont d’ailleurs actuellement en cours.

J’ai parlé hier à l’une des personnes qui ont participé aux essais et les perspectives semblent bonnes. Cela entraîne la production de beaucoup moins d’énergie dans l’océan que les systèmes actuels.

Le vibrateur produit une énergie à basse fréquence qui a tendance à être moins nocive. L’énergie est produite à un niveau inférieur. Il faut procéder à des essais, mais cela semble prometteur.

Le sénateur C. Deacon : Chef Andrea Paul, je pense aux coûts du cycle de vie complet des projets. C’est quelque chose qui intéresse tous les Canadiens. Vous avez une certaine expérience des coûts du cycle de vie complet, qu’ils soient engagés dans le projet ou à l’extérieur du projet.

Quelles données probantes avez-vous examinées qui montrent les avantages potentiels d’un examen initial des coûts du cycle de vie complet? Parfois, lorsque cela n’est pas fait, on ne met pas en place des mesures de protection qui peuvent faire économiser beaucoup d’argent au fil du temps. Avez-vous examiné des projets?

Vous avez étudié très attentivement un projet qui se déroule près de chez vous, mais en avez-vous vu d’autres à l’échelle internationale pour lesquels il existe des preuves que lorsque les coûts du cycle de vie complet sont examinés dès le départ et que différentes mesures sont prises, les retombées économiques sont meilleures?

Je crois que cela est possible dans bien des cas, mais je n’ai pas accès aux travaux qui ont été faits à ce sujet. Êtes-vous au courant de quoi que ce soit à cet égard?

Mme Paul : Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par coûts du cycle de vie.

Le sénateur C. Deacon : On pourrait dire qu’il y a des conséquences imprévues, ou peut-être des conséquences déjà définies, en ce qui concerne les déchets produits par Northern Pulp à Boat Harbour.

Quel aurait été le coût d’une gestion plus efficace dès le départ par rapport à ce qu’il en coûte maintenant pour régler ce problème? En n’ayant pas géré correctement les choses dès le départ, nous nous retrouvons avec un problème plus grave aujourd’hui.

Je me demande si vous avez trouvé des exemples où le travail qui a été fait a été mieux fait.

Mme Paul : Je dirais qu’il est vraiment important d’écouter ce que les gens ont à dire. Revenons en arrière. Si vous remontez à 1965, lorsqu’il y a eu des communications au sujet des possibles déversements de cette usine à Boat Harbour, on savait alors quelles seraient les répercussions.

Aujourd’hui, toutes les répercussions dont les gens de ma collectivité avaient parlé se sont concrétisées. Si un tel processus est mené à nouveau aujourd’hui, nous devons vraiment prêter attention à ce que les gens disent.

Je sais ce que je connais, et ce que je connais, c’est Boat Harbour. J’en connais long sur ce sujet et je sais qu’elles ont été les répercussions.

Pour l’avenir, nous devons vraiment avoir une discussion ouverte, dans laquelle nous ne nous contentons pas d’écouter, mais nous entendons ce qui se dit. L’aspect qui fait le plus défaut, c’est d’entendre ce que les gens ont à dire. Même aujourd’hui, lorsqu’il est question de l’air, j’utilise toujours cet exemple.

Lorsque nous nous plaignons de la qualité de l’air, on nous dit que c’est plus une nuisance qu’autre chose. On n’écoute pas ce qui se dit. On n’entend pas le message qui est derrière tout cela.

Lorsque je parle de l’ensemble des connaissances autochtones, je veux dire qu’il faut comprendre ce qui se dit et entendre ce qui se dit.

Les répercussions sur le cycle de vie ont été énormes et multidimensionnelles. Il y a eu des répercussions sur notre mode de vie traditionnel, nos connaissances traditionnelles et notre façon traditionnelle de transmettre ces connaissances.

La pollution à Boat Harbour s’est fait sentir dans les eaux, sur les terres et dans l’air, mais aussi sur la culture de notre peuple. Cela a eu une incidence sur notre langue. Cela a eu un impact sur nos traditions. Cela a eu des répercussions sur nos médecines traditionnelles. Cela a eu un effet sur notre sécurité, notre sécurité alimentaire notamment.

Les répercussions ont été énormes. Lorsque vous parlez des répercussions sur le cycle de vie, vous devez vraiment réfléchir à ce que les gens disent et à la façon dont vous entendez ce qu’ils disent. Comment peut-on atténuer ces répercussions? Comment faire pour que, au bout du compte, nous puissions créer quelque chose qui sera sécuritaire pour tout le monde?

C’est ce que nous espérons au bout du compte. Pictou Landing a investi beaucoup de temps, d’énergie et d’argent dans tout le processus. Ce n’est pas quelque chose que nous voulions, mais c’est quelque chose qui nous a été imposé. À partir de là, nous continuons d’essayer d’apprendre et de déterminer comment nous pouvons faire mieux pour que cela ne se produise plus à l’avenir. Souvent, lorsqu’un projet comme celui-ci est entrepris dans une collectivité, nous en supportons le fardeau à de nombreux niveaux.

Même pour ce qui est des mesures d’atténuation, le coût financier a été énorme. Nous n’avons pas reçu de financement pour cela. C’est un fardeau supplémentaire pour l’ensemble de la collectivité, et pas seulement pour l’administration.

Le cycle de vie comporte de nombreux aspects. Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question.

Le sénateur Duffy : Monsieur Whitehead, vous avez parlé des aires marines protégées dans l’Atlantique. À l’Île-du-Prince-Édouard, nous sommes très préoccupés par le détroit de Northumberland et le golfe du Saint-Laurent. Il y a déjà des zones protégées dans le golfe. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait élargir ces zones?

J’ai une deuxième question sur la façon de résoudre le conflit fédéral-provincial. Nous sommes en présence d’un autre Love Canal, d’autres étangs de goudron de Sydney, à 12 milles de l’Île-du-Prince-Édouard, à Pictou Landing, et il semble s’agir d’un problème provincial, qui touche apparemment seulement la Nouvelle-Écosse.

Y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui nous permettrait de résoudre cette dualité extrêmement dangereuse entre le fédéral et le provincial?

M. Whitehead : Premièrement, je ne peux pas répondre à la deuxième partie de votre question, car je ne suis pas un expert des relations fédérales-provinciales.

Toutefois, pour ce qui est de la première partie, la désignation de zones de protection marine constitue l’une des meilleures façons de protéger notre environnement marin. Si elles sont bien planifiées, elles peuvent grandement contribuer à sauver les espèces en voie de disparition et à améliorer la durabilité de la pêche dans l’océan.

Il y a quelques semaines à peine, je travaillais en périphérie d’une zone de protection marine des Caraïbes qui existe depuis de nombreuses années. Elle est gérée collectivement par la population locale. J’ai vu les pêcheurs faire de très bonnes prises en bordure de la zone et leur taux de prises a beaucoup augmenté.

Dans la zone de protection marine de la Nouvelle-Écosse, celle que je connais le mieux est celle du Gully, près de l’île de Sable. Les pêcheurs s’installent en bordure pour pêcher. À en croire ce que j’y vois, ils s’en tirent très bien eux aussi. Les zones de protection marine peuvent être bénéfiques pour la vie marine, tout autant qu’elles peuvent l’être pour ceux qui récoltent les fruits de la mer de façon durable. Il faut seulement qu’elles soient bien planifiées.

Le gouvernement actuel consent de véritables efforts afin de créer un réseau de zones de protection marine. Cela avance plus lentement que je ne le souhaiterais. Il est très important qu’il consulte les Premières Nations, les pêcheurs et les autres parties qui dépendent de l’océan pour obtenir leur adhésion. Sans leur adhésion, il n’y arrivera pas.

C’est un processus difficile. Je suis heureux que le gouvernement y travaille. Je lui souhaite le courage de bien faire les choses.

En ce qui concerne la zone de protection marine du Gully, je sais mieux que quiconque comment on l’a créée. Elle a été établie à la suite de nombreuses consultations et au terme d’une démarche courageuse. Je félicite le gouvernement responsable de cette réalisation de 2004. J’espère que le gouvernement actuel l’imitera.

Le sénateur Woo : Monsieur Whitehead, l’un des grands débats qui nous occupent pendant l’examen de ce projet de loi porte sur la mesure dans laquelle nous soumettons les activités extracôtières à des évaluations d’impact indépendantes dans le cadre d’une commission d’examen, et sur la question de savoir si certaines activités peuvent être traitées par regroupements, pour ainsi dire, au moyen d’un processus d’évaluation cumulatif, d’une évaluation stratégique ou d’une évaluation régionale.

Dans d’autres cas, on tire avantage du regroupement de projets en une seule série d’évaluations, mais je me demande si c’est possible, surtout dans le domaine qui vous préoccupe, celui des mammifères marins.

Nous avons entendu différents points de vue de la part de l’industrie. En général, on y est d’avis qu’il devrait être possible de faire une sorte d’évaluation stratégique régionale qui examinerait les effets cumulatifs de l’activité sismique et qui pourrait ensuite servir de donnée de base pour tous les projets, qui pourraient alors aller de l’avant dans certaines conditions établies par cette évaluation.

Qu’en pensez-vous?

M. Whitehead : Vous avez raison. Il y a des avantages sur le plan de l’efficacité à recueillir les renseignements utiles et à les utiliser à plus grande échelle.

Même si les activités de l’industrie pétrolière et gazière sont presque toujours les mêmes et qu’une opération sismique dans les Grands Bancs Sud-Est ressemble beaucoup à une opération sismique dans les Grands Bancs Nord, le problème, selon moi, est que l’écologie de ces deux zones est totalement différente. Non seulement elles sont complètement différentes, mais on ne sait pas comment elles fonctionnent.

Si l’on considère le nombre de levés sismiques qui ont été effectués au large de l’est de Terre-Neuve et le nombre de relevés biologiques qui ont été effectués, surtout dans les eaux au-delà de la limite actuelle de 200 milles, il y en a eu très peu.

Même dans les eaux se trouvant à l’intérieur de la zone des 200 milles, il n’y a eu que deux relevés aériens normalisés pour les mammifères marins. Le premier date d’environ 3 ans et l’autre d’environ 12 ans. Il y manque beaucoup de choses. Ils étaient bons, mais il ne s’agit que de levés effectués à partir d’un petit avion pendant quelques semaines.

Lorsqu’on va au-delà de la limite des 200 milles dans les régions où je travaille parfois, il n’y a plus rien. Nous ne savons pas ce qu’il y a là. Le travail que je fais à partir de mon petit bateau est à la fine pointe de la technologie. Je sors en mer peut-être une fois tous les deux ou trois ans. Par contre, les bateaux de prospection sismique sont presque toujours là.

Si nous voulons procéder à des évaluations environnementales à grande échelle, il nous faut de bonnes données écologiques à grande échelle, ce que nous n’avons pas à l’heure actuelle.

Le sénateur Woo : Recommanderiez-vous qu’on instaure un mécanisme de règlement des différends pour l’Agence d’évaluation d’impact? Il y en a un pour la Régie de l’énergie.

À mon avis, la logique veut que l’organisme de réglementation de l’énergie soit responsable et donc en mesure de régler les différends entre les promoteurs, les détenteurs qui ont des avantages et ainsi de suite.

Je ne comprends pas très bien pourquoi l’Agence canadienne d’évaluation environnementale interviendrait dans le règlement des différends. Elle ne fait pas vraiment partie de la phase de mise en œuvre du projet.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la fonction qu’aurait un mécanisme de règlement des différends pour la LEI?

M. Paul : À notre avis, il est important de comprendre que, peu importe ce qu’il adviendra dans le cadre du processus, il y aura des différends d’une nature ou d’une autre. Nous voulons nous assurer que, comme dans tout processus transparent, un tel mécanisme soit instauré en amont plutôt que de laisser aller les choses et de risquer d’avoir à recourir aux tribunaux et à d’autres moyens.

Il faut qu’un tel mécanisme soit juste et ouvert, de sorte que le point de vue de tous soit pris en compte. Il en résulterait que ce processus ou ce mécanisme de règlement des différends conférerait une crédibilité accrue à l’ensemble du système.

Si l’on a l’intention d’augmenter le niveau de confiance du public à l’égard de nos institutions et de nos mécanismes, un tel ajout coûterait peu et améliorerait le processus dans son essence.

La sénatrice McCallum : Je tenais à saluer votre connaissance du savoir autochtone, qui relève d’une vision intégrative dite « à deux yeux ». Lorsque j’étais professeure à la faculté de médecine dentaire de l’université, nous nous en servions dans le cadre du projet de recherche. C’était notre principale façon d’aborder la recherche. Je voulais que vous sachiez que nous utilisions vos connaissances.

Je voulais aussi parler d’un des facteurs auxquels vous avez fait référence : l’incapacité de vous protéger et de protéger vos terres. C’est comme si l’industrie, qu’elle soit en mer ou qu’elle soit une usine de pâtes et papiers, ne voyait pas les personnes comme des personnes. Elle ne voit que des ressources. C’est ce sur quoi elle se concentre. Elle opère dans une dimension dont l’humain est presque absent.

Il n’y a vraiment aucun recours, car nous vivons avec elle depuis toujours en tant qu’Autochtones. Les municipalités vivent avec elle également et le gouvernement a donné trop de pouvoir à l’industrie au cours des dernières années. Il faut tempérer cela.

Votre remarque selon laquelle on devrait faire une évaluation d’impact distincte pour le pétrole extracôtier a soulevé mon intérêt. Pourriez-vous nous expliquer comment cela fonctionnerait?

Mme Paul : Quelle était votre question?

La sénatrice McCallum : Vous avez dit que, dans le cas du pétrole extracôtier, on devrait faire des évaluations d’impact indépendantes.

Mme Paul : Quand j’y songe, cela a beaucoup à voir avec la confiance. Lorsqu’il s’agit d’évaluation d’impact, nous avons un devoir de protection.

M. Paul : Je pense qu’il est vraiment important de renforcer la crédibilité du processus. L’une des intentions premières était de l’améliorer. À notre avis, traiter les évaluations de façon indépendante permettrait d’améliorer le processus et inspirerait au public une plus grande confiance dans le système.

Selon notre vision du monde, il est primordial de renforcer la confiance et la crédibilité dans le système. C’est pourquoi nous considérons qu’il faudrait faire des évaluations distinctes. On pourrait alors en juger au mérite.

À notre avis, il faut essayer d’améliorer les choses pour tout le monde. Nous sommes ici depuis 10 000 ans et nous y serons encore pendant 10 000 ans. Nous voulons nous assurer que les processus évoqués nous le permettent et permettent de tout protéger, pour vous autant que pour nous. Nous considérons que c’est primordial.

Mme Paul : Je vais ajouter quelque chose parce que j’étais un peu distraite. Je pense aux évaluations d’impact. Je vais utiliser une image qui m’a été transmise par les aînés. Elle explique pourquoi il est si important de conserver l’aspect distinct de ce dossier et de continuer à y travailler.

Les aînés nous ont dit que lorsque la pollution est arrivée et que l’effluent toxique est entré, tout ce qui vivait dans cette eau n’a plus eu aucune chance de survie. Le vivant n’avait aucune façon de se protéger.

Il y a une image qui est restée tellement vivante dans mon esprit que je peux la voir. Lorsqu’ils se sont rendus jusqu’au rivage, probablement dans les deux ou trois jours qui ont suivi l’arrivée de l’effluent, tous les poissons remontaient vers la surface parce qu’ils cherchaient de l’air. Un aîné a dit: « Nous pourrions littéralement les ramasser. » Cette image ne m’a plus jamais quittée.

Je pense aussi à une vidéo où l’on voyait des aérateurs de pompage. On regardait vers le bas et on se disait: « Oh, mon Dieu. » On pouvait voir toute la pollution et toutes les espèces qui se trouvaient dans cette eau. Tout était mort rapidement.

Nous avons tous ces connaissances et nous devons tous faire ce que nous pouvons pour protéger toutes ces espèces. Tout le monde en a le devoir et tout le monde en a la volonté.

Je voulais ajouter cet élément parce que lorsque M. Paul a commencé à parler, ces images me sont venues en tête.

Le sénateur Massicotte : Vous avez parlé plus tôt de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Vous avez parlé précisément des dispositions relatives au consentement préalable donné en connaissance de cause, qui sont évidemment très importantes.

Pourriez-vous m’expliquer comment cela fonctionnerait? Disons que vous avez certains droits sur un certain territoire, un lac, la pêche, la chasse ou autre chose. Si quelqu’un voulait utiliser cette terre, je suppose qu’il devrait venir vous voir parce qu’il aurait besoin de votre consentement.

Est-ce que ma compréhension est exacte quand je dis que, si vous n’arriviez pas à vous entendre, et donc, que vous ne pouviez pas donner votre consentement, alors le projet serait refusé? Est-ce ainsi que vous voyez les choses? Est-ce exact?

Mme Paul : J’aimerais que ce soit exact. C’est ce qu’on dit, mais c’est vraiment difficile à appliquer. Au bout du compte, lorsqu’une industrie entre en jeu, elle aura l’avantage, au sens où on aura probablement peu de considération pour les répercussions et beaucoup plus de considération pour la contribution de son projet à l’économie.

Lorsque nous parlons de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, il se pourrait que nous ne donnions pas notre consentement. Nous pourrions faire valoir qu’il y aurait des répercussions négatives sur nos pêches. Au bout du compte, c’est le gouvernement qui prendra la décision finale quant à savoir si un projet ira de l’avant.

Le consentement préalable en connaissance de cause permet la tenue d’une conversation, déclenche une consultation et nous amène à la table afin que nous puissions faire part de nos préoccupations.

C’est la difficulté dont je parlais, quand on essaie de prendre sa place dans un processus. Au bout du compte, on nous dit que c’est la science qui sera le facteur déterminant.

Quand nous devenons un peu émotifs à propos de quelque chose, personne ne veut entendre cette émotion. Nous devons continuer à parler du savoir autochtone. C’est important pour les membres des Premières Nations parce que nous avons une façon différente de voir les choses.

Nous ne disons pas que nous ne donnons pas notre consentement parce que nous ne voulons pas le faire. Parfois, nous osons parler parce que nous savons quelles pourraient être ces répercussions.

Le sénateur Massicotte : Le gouvernement a adopté le projet de loi C-262. On parle souvent de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Le libellé est très clair: ces dispositions s’appliquent à tout ce qui touche votre territoire et vos droits. Si vous consultez le Webster’s Dictionary, consentement signifie approbation.

La présidente : Sénateur Massicotte, nous discutons du projet de loi C-69. Nous ne discutons pas du projet de loi C-262.

Le sénateur Massicotte : C’est dans le préambule.

La présidente : Je suis désolé, mais nous sommes déjà en retard. Je regrette.

La sénatrice Simons : Monsieur Whitehead, j’ai été très touchée par votre exposé, mais le sénateur Woo a effectivement posé ma question, alors je passerai mon tour.

Le sénateur Patterson : Monsieur Whitehead, j’ai quelques questions qui découlent de votre témoignage.

Tout d’abord, je crois que vous avez dit que les bateaux de prospection sismique sont là presque en permanence. Existe-t-il des données sur l’ampleur des essais sismiques, sur la durée de ces essais et sur le caractère saisonnier de ces travaux?

Deuxièmement, vous avez dit que les essais sismiques pouvaient nuire à l’alimentation et causer la mort. Comment les ondes sonores peuvent-elles tuer un animal?

M. Whitehead : On peut mettre en doute la réglementation des offices des hydrocarbures extracôtiers, mais ils ont le mérite de conserver des données. L’Office Canada—Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers fournissent des données sur les levés sismiques effectués dans leurs eaux.

Tout d’abord, la présentation PowerPoint que j’ai envoyée affiche le profil sur dix ans de ces activités au large de Terre-Neuve. On peut aussi examiner les activités saison par saison. Oui, c’est une activité saisonnière. On ne s’y livre pas en plein l’hiver, ou très peu. Les données sont disponibles si vous en avez besoin.

Deuxièmement, comment les sons puissants peuvent-ils causer la mort? Ils peuvent causer la mort directement si l’animal est proche de la source.

Les levés actuels sont effectués à l’aide de fusils à air comprimé qui émettent des sons extrêmement forts. Si vous vous souvenez bien, le son est produit à la surface. Il doit passer à travers la colonne d’eau, qui peut se trouver à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Il doit traverser la surface et pénétrer dans le substratum rocheux. Il doit traverser le substratum rocheux sur des centaines, voire des milliers de mètres. Ensuite, il doit revenir en émettant un écho à partir de différentes formations géologiques. Ce n’est qu’ensuite que ces sons seront captés par des microphones sous-marins et des hydrophones à la surface, qui captent également le bruit des vagues, le bruit des navires et ainsi de suite.

Ces sons doivent être très forts et ils le sont. Si un animal se trouve à proximité, il peut être tué de plusieurs façons.

Le sénateur Patterson : Cela s’est-il déjà produit?

M. Whitehead : Oui, c’est certain. Oui, c’est arrivé. S’il y a du plancton à proximité, il va mourir.

Le sénateur Patterson : Je voulais plutôt parler des baleines.

M. Whitehead : Oui, c’est probable. Les preuves ne sont pas absolument claires. Nous savons que des baleines ont été tuées par d’autres sons très forts, en particulier ceux émis par la Marine.

Les preuves de décès de baleines attribués directement aux levés sismiques sont moins claires, mais elles semblent indiquer une probabilité. Oui, il y a eu un ou deux cas où la prospection sismique est le principal suspect dans la mort d’une baleine.

Le sénateur Patterson : Chef Paul, j’ai une question sur la DNUDPA, qui se trouve dans le préambule du projet de loi. Vous avez bien pris le temps d’expliquer son principe, selon lequel les États doivent vous demander votre consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Je pense que l’autre chef Paul disait que vous vouliez vous assurer que vos préoccupations étaient entendues — pas seulement les données scientifiques, mais également vos connaissances traditionnelles.

Diriez-vous que la DNUDPA se limite à stipuler que les États doivent chercher à obtenir le consentement des Premières Nations? J’imagine que cela ne règle pas la question de savoir si le consentement est donné ou pas. Vous dites que le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause vise plutôt à assurer que le processus soit respectueux envers les Premières Nations. Est-ce exact?

M. Paul : C’est effectivement mon avis. De notre point de vue, nous cherchons à améliorer le Canada. Si le Canada met la barre haute, je pense qu’il se distinguera des autres.

Si le Canada veut être un chef de file dans la défense et le soutien des peuples autochtones, je pense que c’est un élément important. C’est un aspect essentiel, car il fait en sorte de reconnaître qui nous sommes et notre importance pour le Canada et son avenir.

Il faut toujours en tenir compte : tout le monde tient compte de la Constitution, de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et de tout ce qui a contribué à la création du Canada.

Nous voulons participer à tout cela. Le fait d’inclure la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones contribuerait grandement à faire du Canada un pays réconcilié.

La présidente : Le sénateur Carignan et le sénateur McInnis, qui remplace le sénateur Mockler.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à M. Whitehead. On a souvent entendu des groupes environnementaux affirmer qu’on devrait choisir les membres des comités ou des agences qui consultent ou qui produisent des rapports parmi le milieu académique, comme des scientifiques ou des chercheurs universitaires. Cette recommandation a été formulée surtout par des groupes environnementaux.

Or, j’ai devant moi le scientifique le plus important de la région, sinon du Canada en entier. J’ai fait des recherches à votre sujet, et votre travail est assez impressionnant. Quelle est votre opinion à ce sujet? Devrait-on prévoir des scientifiques ou des gens du milieu académique parmi les membres d’une agence d’évaluation environnementale?

[Traduction]

M. Whitehead : Merci, sénateur. Je pense qu’on le devrait. Les scientifiques sont souvent ceux qui connaissent le mieux certaines questions, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Il arrive que les Autochtones en sachent plus que nous.

Souvent, comme nous l’avons vu au COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, les deux sources de connaissances peuvent interagir de façon très positive quand vient le temps de bien comprendre les enjeux réels.

Par exemple, les Autochtones ont souvent des connaissances de longue date que la science moderne n’a pas. D’un autre côté, la science moderne a peut-être une vision plus approfondie des processus chimiques. Nous pouvons mettre tout cela ensemble.

Je ne crois pas qu’il devrait n’y avoir que des universitaires, mais on devrait les consulter. Ils ont beaucoup à dire, mais ils ne sont pas les seuls.

Les gens qui sont sur le terrain, et particulièrement les Autochtones, possèdent de vastes connaissances sur toutes ces choses. Ils peuvent également faire preuve d’un excellent jugement sur ces enjeux.

Le sénateur McInnis : J’avais prévu deux questions, mais je n’en poserai qu’une, celle sur les aires marines protégées.

À titre indicatif, monsieur Whitehead, vous le savez peut-être, mais vous auriez beau avoir toutes les zones de protection marine que vous voulez... Alors que les ententes avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, elles, ont primauté absolue. Autrement dit, même si une zone est désignée aire marine protégée, il y aura toujours de la prospection sismique et du forage.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais c’est la loi. Ces deux accords ont préséance sur la Loi sur les pêches, la Loi sur les océans et sur d’autres lois connexes.

Nous devrions examiner ce qui se passe en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve : lorsqu’une zone de protection marine est créée, on l’approuve et on signe une entente qui garantit qu’il s’agira vraiment d’une zone de protection marine.

Je ne sais pas si vous voulez répondre à cela, mais c’est ce que dit la loi.

M. Whitehead : Je suis un peu au courant, parce que la question a été soulevée lorsque le Gully a été désigné aire marine protégée. Je ne me souviens pas exactement du processus suivi à l’époque, mais une entente a été signée par toutes les parties pour que la zone de protection marine soit respectée malgré la loi, comme vous l’avez dit.

La présidente : Merci à tous.

Nous accueillons maintenant, du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, Derek Mombourquette, député, ministre de l’Énergie et des Mines, Simon D’Entremont, sous-ministre de l’Énergie et des Mines, et Kim Himmelman, directrice, Réglementation et politique stratégique, ministère de l’Énergie et des Mines.

La parole est à vous. Veuillez faire votre déclaration, après quoi nous passerons à la période de questions.

L’honorable Derek Mombourquette, député, ministre de l’Énergie et des Mines, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Avant de commencer mon exposé, je tiens à vous féliciter pour le temps et le dévouement que vous consacrez à ce projet de loi et pour la diligence avec laquelle vous rencontrez les représentants gouvernementaux et les intervenants qui participent à ces discussions. Merci à vous tous d’être ici. Merci d’être venus en Nouvelle-Écosse. C’est également un grand plaisir pour moi de voir ceux d’entre vous qui sont de la Nouvelle-Écosse. Je suis honoré d’être ici aujourd’hui pour vous présenter quelques observations au nom de notre gouvernement.

Tout d’abord, merci au comité de m’avoir invité à venir lui faire part de mes réflexions sur le projet de loi C-69 et souligner les enjeux qui sont importants pour la Nouvelle-Écosse. Les questions que je vais soulever aujourd’hui sont celles que vous avez déjà entendues, soit directement d’autres gouvernements, de l’industrie ou d’organismes non gouvernementaux qui souhaitent améliorer l’approche du Canada en matière d’évaluation environnementale.

Je voudrais souligner l’importance de ce travail. Je suis d’accord avec ce que nos voisins de Terre-Neuve-et-Labrador ont dit au comité, à savoir que le régime de réglementation actuel au titre de la LCEE de 2012 doit être amélioré. Le projet de loi C-69 est une occasion de l’améliorer. Nous ne préconisons pas l’abolition ou la réécriture complète du projet de loi, mais nous sommes d’accord pour dire qu’il a besoin de modifications. Les Néo-Écossais sont fiers de vivre dans un pays qui veille aussi ardemment à protéger ce dont tant d’autres nations nous envient. Notre identité a été façonnée par notre relation à la mer, à la terre et à la faune.

Je veux également souligner l’approche consultative que le gouvernement fédéral a adoptée dans ce projet de loi. Le gouvernement a constaté que la loi actuelle devait être révisée et a amorcé un examen approfondi qui englobe les compétences territoriales.

Les ministères du gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont participé à divers examens de comités d’experts et de comités permanents ainsi qu’à des discussions régulières avec des responsables fédéraux. Ces forums nous ont permis d’en apprendre davantage sur l’impact de ce qui était proposé; ils ont également créé l’occasion de soulever — en personne et par lettre — les questions particulièrement préoccupantes pour les Néo-Écossais.

Les sénateurs savent que le Canada regorge d’une abondance de ressources naturelles riches et variées. Ces ressources jouent un rôle clé dans notre croissance économique. Ces ressources doivent être soigneusement gérées, et leur durabilité doit être maintenue de façon responsable. Ce secteur fournit plus de 1,8 million d’emplois à l’économie canadienne.

De plus, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux reçoivent directement une somme de 22 milliards de dollars chaque année des secteurs des ressources naturelles. En Nouvelle-Écosse, les revenus tirés des ressources naturelles ont soutenu des investissements dans les soins de santé et l’éducation. L’an dernier, ils ont permis à mon gouvernement d’investir 193 millions de dollars pour permettre aux habitants des régions rurales de la Nouvelle-Écosse d’avoir accès à Internet haute vitesse.

Notre exploitation des ressources se déroule dans le contexte d’un marché mondial hautement concurrentiel et spécialisé. Nous misons sur les connaissances et l’esprit d’innovation de notre main-d’œuvre. Nous misons sur l’infrastructure et nous comptons sur la stabilité et la prévisibilité d’un processus de réglementation efficace pour commercialiser ces produits. Honorables sénateurs, voilà pourquoi il est important que la voix de la Nouvelle-Écosse se joigne à celles que vous avez déjà entendues et que le comité dépose les modifications dont ce projet de loi a besoin.

Dans les mémoires présentés au gouvernement fédéral dans le cadre des consultations qui ont mené à ce projet de loi, la Nouvelle-Écosse a souligné l’importance de son secteur pétrolier et gazier extracôtier et du régime de gestion conjointe établi en vertu de l’accord sur les ressources extracôtières. Il est essentiel pour la Nouvelle-Écosse que le projet de loi C-69 s’harmonise avec l’Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et avec le principe de la gestion conjointe.

Comme vous le savez sans doute, dans les années 1980, le Canada et la Nouvelle-Écosse ont convenu de mettre de côté de nombreuses années de désaccord au sujet de la propriété et de la compétence sur la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse. L’objectif était de créer un climat de coopération et de confiance en vue d’élaborer un régime réglementaire efficace et coopératif pour chapeauter les activités pétrolières et gazières extracôtières.

C’était — et c’est toujours — un excellent exemple de gestion conjointe des ressources. Le Canada et la Nouvelle-Écosse ont tous deux une loi habilitante pour l’accord qui est censé avoir préséance dans le contexte des ressources extracôtières. En utilisant les moyens prévus par les lois de mise en œuvre, nous avons créé l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, l’organisme fédéral-provincial de réglementation des activités pétrolières extracôtières en Nouvelle-Écosse. L’office a un bilan de près de 30 ans d’excellence en matière de sécurité extracôtière et de réglementation environnementale. Nous en sommes très fiers. Il possède beaucoup d’expérience et d’expertise en évaluation environnementale et devrait être désigné comme étant l’autorité responsable des évaluations environnementales fédérales en vertu de la LCEE de 2012 dans son état actuel.

Il y a deux points que j’aimerais soulever quant à l’incidence de ce projet de loi sur notre gestion conjointe des ressources extracôtières. Le premier concerne l’importance de faire appel à l’expertise technique de l’office en matière d’évaluation environnementale. Le régime d’évaluation et de réglementation régi par l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers exemplifie l’approche préconisée par le projet de loi proposé. Il s’agit d’une approche « un projet, une évaluation » dirigée et surveillée par une expertise technique et une compréhension de l’incidence environnementale potentielle des activités. Il rend des décisions fondées sur des données probantes, en temps opportun. Nous demeurons convaincus que l’office est le mieux placé pour piloter des évaluations environnementales des activités pétrolières au large de la Nouvelle-Écosse.

Mon deuxième point est que le projet de loi dans sa forme actuelle est incompatible avec le régime de gestion conjointe et les engagements pris par le Canada dans le cadre de l’accord. J’ai entendu beaucoup de discussions à ce comité et ailleurs pour trouver des solutions comme la nomination d’un plus grand nombre de membres au sein de la commission. Toutefois, je tiens à prévenir le comité que cela ne réglerait pas notre problème. Nous croyons que le projet de loi C-69 devrait respecter la position de la Nouvelle-Écosse, de même que les principes de la gestion conjointe et de compétence partagée enchâssés dans l’accord.

J’espère que cette mise en situation vous fournira le contexte pour bien saisir les modifications que nous recommandons. Collectivement, ces recommandations visent à fournir une rétroaction constructive et à renforcer le projet de loi. Nous souhaitons également faire écho aux modifications proposées par d’autres parties intéressées, notamment nos voisins de Terre-Neuve-et-Labrador.

L’article 31 du projet de loi autorise la substitution d’une instance dotée des pouvoirs et des attributions appropriés au processus d’évaluation d’impact. Cependant, le paragraphe 32(b) interdit que se substituent à celui-ci des activités qui relèvent de la Loi de mise en œuvre Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Nous recommandons que les articles 31 et 32 soient modifiés pour exiger que les processus de substitution soient ceux de l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, afin de permettre à l’office de continuer à faire son travail aux termes de la nouvelle loi.

Cela obligerait l’office à continuer de mettre à jour et de moderniser ses processus d’évaluation et à donner au ministre fédéral l’assurance que ces processus continuent de répondre aux exigences du nouveau régime d’évaluation d’impact. Ce serait également une façon de réaffirmer notre respect commun des engagements de collaboration pris par le Canada et la Nouvelle-Écosse dans le cadre de l’accord.

Les échéanciers des évaluations d’impact doivent être concurrentiels à l’échelle mondiale et ne pas dépasser ceux d’administrations internationales comparables, comme la Norvège ou le Royaume-Uni. En ce qui concerne les projets extracôtiers, le renvoi automatique de toutes les activités extracôtières à une commission devrait être supprimé. La gamme complète des outils d’évaluation devrait être disponible pour les projets extracôtiers. Les processus appropriés devraient être déterminés en fonction des particularités du projet.

Nous suggérons que le nouveau libellé des modifications apportées aux articles 18 et 65 établisse un délai maximal prescrit par la loi de 730 jours et élimine la capacité du ministre et du Cabinet de prolonger les échéanciers, sauf à la demande des promoteurs ou dans le cas de changements apportés au projet.

Ce projet de loi prévoit une phase de planification précoce du processus d’évaluation de 180 jours. Nous estimons que cette phase doit servir à réduire l’incertitude relative aux échéanciers, plus tard dans le processus. Si le gouvernement fédéral conserve le pouvoir de mettre en veille, de suspendre ou d’annuler ce qui reste d’un projet en cours, le projet de loi devrait être modifié pour tenir compte des principes de gestion conjointe de l’accord, qui exigent que le ministre fédéral consulte le ministre provincial sur toute question susceptible d’avoir des répercussions importantes sur nos ressources extracôtières.

Comme le nom l’indique, les nouvelles évaluations d’impact se pencheront sur toute une série d’enjeux. Certes, la Nouvelle-Écosse appuie cette approche, mais de nouveaux éléments soulèvent une grande incertitude et le risque existe que ces éléments ne soient pas interprétés de la même façon par les différents bureaux à travers le pays. Pour contourner le problème, nous sommes disposés à appuyer des modifications visant à assurer que la portée du processus d’évaluation et de consultation soit nettement définie dès les premières étapes.

Le paragraphe 18(1) du projet de loi devrait être modifié afin d’exiger qu’un avis du début de l’évaluation d’impact précise clairement la portée de l’évaluation du projet, les facteurs qui seront pris en considération et le processus qui sera suivi en ce qui concerne la consultation et la participation. L’autorité responsable de l’évaluation devrait prendre ces décisions pendant la phase de planification précoce.

Les sous-alinéas 22h)(i) et (s) du projet de loi et leur équivalence en vertu de l’article 183 exigent la prise en compte de l’impact des projets sur la durabilité, les changements climatiques et sur des considérations de politique sociale, comme le sexe, le genre et l’identité. La Nouvelle-Écosse appuie un ensemble complet d’évaluations. Nous proposons que ces articles soient modifiés pour préciser que les évaluations doivent être effectuées en fonction des normes établies et des politiques publiques pertinentes sur ces questions. Ce petit changement permettra aux promoteurs de comprendre ce sur quoi ils sont évalués en vue d’assurer l’uniformité tout au long du processus.

J’aimerais aussi parler de la liste des projets qui doivent figurer dans les règlements. Cette liste n’existe pas. Or, il est indispensable d’avoir une liste de projets bien définie et bien conçue. Nous recommandons que le projet de loi soit modifié pour préciser que la liste des projets fédéraux doit être soigneusement ciblée afin de ne refléter que les projets écosensibles ayant des cycles de vie opérationnels de longue durée. Les activités d’exploration extracôtière, les programmes de forage de délimitation, les levés géologiques et les activités courantes de ce genre, dont les répercussions environnementales sont bien comprises et faciles à atténuer, devraient être exclus de la liste.

L’aquaculture devrait elle aussi être exclue de cette liste, puisqu’elle est régie par un cadre réglementaire rigoureux en Nouvelle-Écosse. Tous les nouveaux projets d’aquaculture doivent faire l’objet d’un examen environnemental et socioéconomique exhaustif auquel participent plusieurs ministères et organismes provinciaux et fédéraux.

La consultation des Premières Nations doit être transparente et donner au public la possibilité de s’exprimer. Nous avons entendu dire que des investissements régionaux ou stratégiques pourraient être utilisés pour réduire la portée ou accélérer les délais d’exécution des évaluations de projets individuels. Cela semble être une approche efficace et réaliste, une approche que nous appuierions. Mais pour que nous puissions nous fier à ces évaluations, le projet de loi devrait être modifié de façon à préciser l’objet et l’utilisation prévue des évaluations, la façon dont elles seront effectuées et en quoi elles contribueront au processus.

En terminant, je vous remercie d’avoir pris le temps de venir chez nous en Nouvelle-Écosse pour entendre de première main nos commentaires sur cet important projet de loi. La Nouvelle-Écosse a une solide feuille de route en matière de gestion responsable des ressources. Elle a montré qu’elle sait concilier responsabilité environnementale et prospérité économique. Nous sommes convaincus que les modifications que nous proposons au projet de loi nous permettront de poursuivre dans la même veine.

Le sénateur MacDonald : Merci à tous les témoins du gouvernement d’être ici. Il y a plein de choses dont nous pourrions parler, monsieur le ministre Mombourquette, mais vous avez parlé des articles 31, 32, 18 et 65 ainsi que de la liste des projets, dont nous avons beaucoup entendu parler partout au pays. Ce n’est rien de nouveau.

Je suis curieux de savoir quel a été l’apport du gouvernement de la Nouvelle-Écosse pendant les premières étapes de la planification de ce projet de loi. Qu’a dit le gouvernement en réponse à vos préoccupations? Lui avez-vous fait part de ces inquiétudes depuis la publication du projet de loi? Quelles réponses, le cas échéant, avez-vous reçues du gouvernement?

M. Mombourquette : Nous avons participé très tôt au processus de planification du projet de loi. C’était un processus très ouvert. En ce qui concerne certains aspects du projet de loi, je sais que mes prédécesseurs se sont investis dès le début. Depuis que je suis ministre, nous avons pu transmettre des commentaires sur ce que nous estimons être des modifications positives au projet de loi.

Comme je l’ai dit, nous comprenons que des changements sont nécessaires. Par contre, nous voulons nous assurer que le solide bilan de la Nouvelle-Écosse en matière de mise en valeur des ressources et de gérance de l’environnement a été entendu haut et fort. Je me sens rassuré du fait que nous avons la possibilité de formuler des commentaires au tout début de l’étude du projet de loi.

Le sénateur MacDonald : Quelle réponse avez-vous reçue du gouvernement fédéral quant aux inquiétudes que vous venez de soulever par rapport à ces articles?

M. Mombourquette : Comme je l’ai dit, nous avons eu notre mot à dire dans ce processus. Et aujourd’hui est une journée très importante, parce qu’elle nous donne l’occasion de nous exprimer. Votre comité a été mandaté pour faire son travail afin d’appuyer le projet de loi et écouter ce que les intervenants d’un peu partout au pays ont à dire. Nous avons apporté notre concours. Comme je l’ai dit, le dialogue entre nos fonctionnaires et le gouvernement fédéral a été très ouvert.

C’est un grand pas en avant. Aujourd’hui, j’ai l’occasion, à titre de responsable de ce ministère, de formuler des commentaires sur ce que nous considérons comme des modifications positives au projet de loi.

La sénatrice Simons : Merci, monsieur le ministre, de votre exposé. J’ai une question qui fait suite à un témoignage que nous avons entendu hier à Terre-Neuve.

Un témoin qui a comparu devant nous cet après-midi a déclaré qu’une entreprise de forage exploratoire qui cause un accident ou un déversement quelconque a le droit de garder cette information secrète afin de protéger la confidentialité des renseignements exclusifs qu’elle détient sur le site qu’elle explore. Il paraît que cela est clairement énoncé dans les accords de l’Atlantique.

Au moment où ce témoin a comparu, les experts de l’industrie extracôtière avaient terminé leur témoignage et avaient déjà quitté. J’espérais que vous, ou peut-être certains de vos hauts fonctionnaires, pourriez nous dire s’il est vrai que l’Accord atlantique protège la confidentialité des sociétés de forage exploratoire.

M. Mombourquette : De notre côté, tout déversement est immédiatement signalé à notre organisme de réglementation des activités extracôtières, un organisme indépendant de nous, puis il est signalé au public. La réponse est immédiate.

La sénatrice Simons : La question était simple, et la réponse aussi. Alors, j’en ai une autre.

Aucun témoin n’a encore parlé d’aquaculture. Chaque province que nous visitons a des problèmes qui lui sont propres. Vous vous demandez si l’aquaculture sera assujettie à la réglementation fédérale, étant donné la possibilité que le poisson d’élevage perturbe les stocks naturels de poissons. Je suis curieuse de savoir pourquoi vous craignez que l’aquaculture soit soumise à la réglementation prévue dans le projet de loi C-69.

M. Mombourquette : Nous avons l’impression que l’aquaculture sera visée par ce projet de loi, c’est pourquoi nous soulevons la question.

Notre province a des antécédents éloquents en ce qui concerne la coexistence de l’exploitation des ressources et de la pêche. Nous avons, par l’intermédiaire de l’office, un solide bilan d’engagement public pour ce qui est de consulter nos pêcheurs sur l’exploitation des ressources. Cette coexistence s’est avérée un franc succès pour la Nouvelle-Écosse.

Dans le cadre de nos délibérations sur le projet de loi, nous voulions être certains de soulever la question de l’aquaculture, et ce, en raison du solide bilan de notre province et du travail que nous faisons déjà à cet égard.

La sénatrice Simons : En guise de clarification, lorsque vous parlez d’« aquaculture », vous ne parlez pas de pêche, mais bien de pisciculture, n’est-ce pas?

M. Mombourquette : Oui, c’est exact, je parle de pisciculture.

La sénatrice Simons : Je ne comprends pas en quoi cela concerne le projet de loi C-69. Vous pouvez peut-être nous l’expliquer.

Simon D’Entremont, sous-ministre de l’Énergie et des Mines, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Nous avons cherché à déterminer quelles activités seront inscrites sur la liste des projets. Pendant certaines de ces discussions, l’aquaculture a été mentionnée parmi les activités qui pourraient y figurer.

Le fait est qu’en Nouvelle-Écosse, ce secteur est réglementé par des normes et des règlements environnementaux très rigoureux et grâce auxquels nous sommes parfaitement en mesure de très bien gérer la situation. Il n’est donc pas nécessaire d’inclure la pisciculture dans la liste des projets.

Le sénateur C. Deacon : Ce matin, nous avons entendu exprimer beaucoup d’inquiétude au sujet, d’une part, d’un certain manque de perspective et, d’autre part, d’une diversité d’intérêts et de perspectives parfois incompatibles à l’égard des offices des hydrocarbures extracôtiers, plus particulièrement à l’égard de l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

Quelle serait votre recommandation pour faire en sorte que cette préoccupation, qui selon moi est lourde de conséquences, trouve un équilibre dans ce projet de loi avec la proposition d’accroître les pouvoirs des offices? Comment faire pour nous assurer que ces perspectives fort importantes soient prises en compte et gérées de manière à ce que nous puissions comprendre dès le départ toutes les répercussions d’un projet? Je pense qu’il est justifié de soulever ces points et j’aimerais connaître votre recommandation à cet égard.

M. D’Entremont : À notre avis, cet office est très compétent. Il mène de bonnes évaluations des projets extracôtiers. Il respecte aussi notre principe de codétermination ou de cogestion de ces projets.

En lui confiant la responsabilité des substitutions, ou en lui donnant plus de pouvoir à cet égard, nous pourrions aussi le charger des évaluations environnementales de projets extracôtiers. À notre avis, il reflète bien nos ambitions et nos aspirations en matière d’intendance environnementale. Il reflète aussi l’aspect de cogestion qui est à la base même de l’accord.

Le sénateur C. Deacon : Vous parlez ici d’un point de vue fédéral-provincial. Cependant, les ressources que nous extrayons des eaux qui entourent la Nouvelle-Écosse nous viennent sous deux formes distinctes. Nous n’en avons pas extrait d’hydrocarbures, mais nous en avons tiré beaucoup de poissons et de fruits de mer. Nos deux administrations y trouvent un intérêt commun, mais une seule d’entre elles est représentée. Comment régler cela?

Si j’ai bien compris, le projet de loi accroîtra l’autorité de ces offices et leur délèguera plus de pouvoirs qu’ils n’en ont aujourd’hui. Comment établira-t-on un bon équilibre pour tenir compte des intérêts communs d’autres industries extractives?

M. D’Entremont : L’office suit des processus établis de longue date en créant des sous-comités chargés de la consultation des pêcheurs et des Autochtones. Ces comités ont tous les outils nécessaires. Ils ont actuellement pour mandat de tenir compte de tout l’éventail des produits de l’océan, ce qui comprend ceux de notre solide secteur des pêches.

L’excellence de cette gestion se manifeste par le fait que, depuis 20 ans, notre exploitation extracôtière est extraordinairement prospère et que notre secteur des pêches ne s’est jamais si bien développé. Cela démontre que ces industries peuvent coexister. C’est là un principe que nous pensons pouvoir concrétiser.

Le sénateur C. Deacon : Permettez-moi d’examiner cette notion un peu plus en profondeur. C’est tout à fait vrai. Toutefois, si les parties ne se sentent pas écoutées, vous risquez d’avoir des problèmes.

Si tout cela se déroule avec tant de succès, pourquoi les parties protestent-elles à hauts cris qu’on ne les a pas écoutées?

M. Mombourquette : J’ajouterais à ce que vient de dire le sous-ministre que je ne comprends pas très bien de quelles parties vous parlez. Comme il nous l’a dit, grâce à l’Office Canada — Nouvelle-Écosse, ces sous-comités ont accompli un excellent travail.

Nous entretenons de très bonnes relations avec nos pêcheurs, comme vous et les membres du comité le savent. Notre secteur des pêches est très prospère et coexiste bien avec notre industrie de l’exploitation extracôtière. Ce secteur est solide, et nous le soutenons. Il a fait prospérer la province. À mon avis, il est important que vous gardiez cela à l’esprit tout au long de vos délibérations sur ce projet de loi.

La présidente : Si vous me permettez d’ajouter mon grain de sel, la dernière fois que j’étais au Japon, j’y ai mangé du homard et du crabe importés d’ici. Ils coûtaient extrêmement cher.

Vous administrez deux industries très importantes. On nous a présenté des données officielles sur les stocks ou sur la chaîne alimentaire qui favorise la production de ces précieuses espèces. Malheureusement, certaines données n’étaient pas disponibles, et l’on n’avait pas suffisamment consulté les pêcheurs et les Premières Nations. L’autre problème, bien sûr, était celui qu’a signalé ma collègue sur le manque de transparence concernant les déversements d’hydrocarbures.

Les pêcheurs sont-ils protégés par une assurance pour les cas où un déversement de pétrole endommagerait leurs stocks? Existe-t-il un fonds qui rembourserait les pêcheurs, comme celui qui a indemnisé l’industrie de la crevette, anéantie par le déversement survenu dans le golfe du Mexique?

Kim Himmelman, directrice, réglementation et politique stratégique, ministère de l’Énergie et des Mines, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Permettez-moi de répondre à cette question. Il y a plusieurs années, les gouvernements fédéral et provincial ont modifié les lois qui régissent la région extracôtière Canada — Nouvelle-Écosse afin d’instaurer l’un des régimes de responsabilité financière les plus complets au monde.

La responsabilité que l’industrie pétrolière et gazière doit assumer en cas d’accident est illimitée. Son assurance responsabilité d’un milliard de dollars s’applique même aux incidents en zone extracôtière qu’elle ne cause pas. L’industrie d’exploitation extracôtière de la Nouvelle-Écosse applique des mécanismes d’indemnisation des pêcheurs depuis des dizaines d’années. Je ne suis pas au courant de ce qui s’est passé dernièrement, mais il y a encore quelques années, personne n’avait déposé de réclamation contre ces mécanismes.

Notre régime extracôtier comprend des mécanismes très solides. Il a gagné le respect du monde entier, et plusieurs pays cherchent à s’en inspirer. Ces mécanismes se classent dans la catégorie A des organismes de réglementation extracôtiers mondiaux avec l’Australie, la Norvège, le Royaume-Uni et autres. Ces organismes consultent régulièrement nos mécanismes, et nous demeurons continuellement en contact avec eux.

Le sénateur Mercer : Juste avant vous, nous avons entendu des témoins des Premières Nations qui nous ont souvent mentionné la société Northern Pulp à Boat Harbour. Pendant la pause, je rappelais à un collègue que j’ai participé pour la première fois à une campagne électorale provinciale en 1970. Je lui ai raconté que le 13 octobre 1970, le gouvernement avait changé. C’était une journée merveilleuse.

Cette année-là, les gens ne se préoccupaient pas de l’environnement. Cependant, quand nous avons frappé aux portes d’un bout à l’autre de la province pour souligner l’incident de Boat Harbour dans le cadre du développement de la Nouvelle-Écosse, les gens nous ont écoutés. Le problème de Boat Harbour a transformé le gouvernement, cette année-là. Nos candidats ont été élus dans certaines circonscriptions où ils n’auraient pas passé si cet incident n’était pas survenu.

De quelle façon le projet de loi C-69 aiderait-il dans le cas d’une autre situation comme celle de Boat Harbour/Pictou Landing, à l’avenir? Aiderait-il le gouvernement provincial à offrir une meilleure protection, dans de tels cas?

M. Mombourquette : À mon avis, il est important de discuter de l’utilité de ce projet de loi. Nous suggérons aujourd’hui des amendements à y apporter, comme le font d’autres intervenants, afin d’y ajouter de la clarté et de la certitude. Nous désirons y trouver des dispositions sur les échéanciers qui orientent clairement les développements qu’effectuera notre province dans ces zones extracôtières et ailleurs, en fait.

Voilà pourquoi je trouve cette conversation importante. Les amendements que nous proposons renforceront le projet de loi. Ils correspondent à ceux que recommandent nos collègues de Terre-Neuve-et-Labrador et à leurs intentions réelles.

Vous avez raison, monsieur le sénateur, de mentionner l’environnement, parce que cet enjeu est devenu l’une des priorités de tous les Néo-Écossais. J’en entends souvent parler dans mes fonctions de ministre de l’Énergie. Nous nous occupons beaucoup du développement extracôtier. Nous nous préoccupons aussi beaucoup de l’énergie propre. Notre province est en tête du pays en matière de réduction des émissions de gaz à effets de serre. Nous investissons de nombreuses ressources pour développer ce secteur. Cependant, nous développons aussi nos secteurs traditionnels tout en reconnaissant parfaitement les attentes qu’ont les Néo-Écossais sur la bonne intendance environnementale.

Revenons à l’Office Canada — Nouvelle-Écosse. La qualité de son intendance environnementale et de ses relations avec les intervenants de toute la province, comme les membres des Premières Nations, les entreprises privées, les pêcheurs et autres, est reconnue dans le monde entier.

Nous constatons au quotidien combien l’environnement est une grande priorité pour tous. Ces conversations et ce projet de loi pourraient avoir des effets très positifs. À mon avis, il vaudrait la peine d’examiner nos amendements et ceux d’autres intervenants, qui visent à resserrer les échéanciers et à renforcer certaines politiques.

Le sénateur Woo : Je vais me pencher sur la recommandation principale, qui a trait aux substitutions. Vous nous dites en fait qu’en éliminant le renvoi obligatoire de l’évaluation de projets extracôtiers de la Nouvelle-Écosse à une commission d’examen, on causerait deux répercussions.

L’un d’elles serait de favoriser la substitution. C’est évident. Si l’on élimine l’article 31.1, quel qu’en soit le libellé, on permet à l’Agence de diriger l’examen des projets. Voilà ce qui se produira.

Je ne comprends pas bien où vous désirez en venir, mais n’oubliez pas qu’en éliminant l’examen obligatoire et en plaçant les projets extracôtiers dans la même catégorie que d’autres projets, on encourage les substitutions. Cela permettrait aussi à l’Agence de diriger ces examens, ce qui ne me semble pas idéal dans le cas des projets extracôtiers.

Pour quelles raisons jugez-vous que l’approche actuelle, qui confie à l’Office Canada — Nouvelle-Écosse un rôle important au sein des commissions d’examen, qu’elle préside même parfois, ne protège pas suffisamment les intérêts et l’expertise de l’organisme de réglementation, qui doit placer un coupe-feu entre le groupe qui évalue et celui qui applique les règlements?

Il est très raisonnable d’éviter de confier ces deux rôles à un même organisme afin d’éviter les conflits d’intérêts et ce qu’on appelle l’emprise réglementaire. Pourriez-vous répondre aux deux aspects de cette question?

M. D’Entremont : En ce qui concerne les substitutions, nous trouvons que notre organisme de réglementation extracôtière a toujours accompli un excellent travail.

Quant à la question du renvoi à une commission d’examen dans le cadre du système actuel ou proposé, il est déjà arrivé, sous le régime actuel et durant les trois ans pendant lesquels l’office des hydrocarbures extracôtiers s’est chargé d’évaluer des forages exploratoires, que des échéanciers se soient allongés de 12 à 15 mois.

Nous ne sommes pas certains que cette prolongation des échéanciers ait produit un examen plus complet des projets. Nous sommes convaincus que notre agence ou notre organisme de réglementation extracôtier accomplirait le même travail avec le même degré de diligence. Nous avons effectué de nombreux forages d’exploration d’une durée de 30 à 90 jours. Nous comprenons vraiment bien tout cela. Un mécanisme de substitution ou une méthodologie d’évaluation régionale augmenterait notre capacité scientifique et nous aiderait à faire du bon travail avec diligence.

Il est entendu que nous devons en tout temps viser les normes élevées d’intendance environnementale que nos citoyens nous imposent. Nous sommes convaincus d’y parvenir grâce à notre office des hydrocarbures extracôtiers.

Le sénateur Woo : Vous vous exposez ainsi aux examens de l’agence. En éliminant l’examen obligatoire, vous vous exposez à des examens dirigés par l’agence et non par l’Office Canada — Nouvelle-Écosse.

M. D’Entremont : Notre opinion repose sur le fait qu’il nous semble nécessaire de posséder une bonne expertise des évaluations environnementales pour comprendre le milieu océanique ainsi que les méthodes et les répercussions de l’industrie pétrolière et gazière.

Nous craignons qu’en menant ces évaluations, l’agence ne comprenne qu’un des deux éléments de l’équation. Il faudrait normalement posséder ces deux expertises. À l’heure actuelle, au Canada, seuls les offices des hydrocarbures possèdent une expertise environnementale et opérationnelle des zones extracôtières.

Le sénateur Woo : Quant aux rôles de l’organisme d’évaluation et de l’entité de réglementation, pourquoi ne pensez-vous pas qu’il soit nécessaire d’établir une sorte de coupe-feu entre les gens qui évaluent et ceux qui appliquent les règlements?

M. D’Entremont : Dans notre monde, je crois que nous accordons plus d’importance au coupe-feu qui séparerait la prise des décisions sur l’économie ou sur l’environnement. Nous avons structuré notre office des hydrocarbures extracôtiers de façon à le concentrer sur la sécurité de l’environnement et sur la surveillance opérationnelle.

Pour nous, ces éléments posent le plus de risque. Il n’est pas aussi urgent de les séparer par un coupe-feu.

Le sénateur Patterson : Je tiens à remercier le ministre et ses fonctionnaires pour leur confiance dans le modèle de cogestion. Ils nous ont rappelé le combat qu’il a fallu mener pour faire reconnaître le rôle que la Nouvelle-Écosse et les provinces voisines devraient jouer dans la gestion de l’exploitation extracôtière.

Je dois dire que les offices ont eu mauvaise presse pendant nos deux journées d’audience à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Leurs dirigeants ont malheureusement refusé de comparaître devant nous. On ne nous a présenté qu’une facette du problème avec des récits généralement non corroborés. Nous devrons nous fier à ce que vous nous dites, bien qu’il me semble que le comité devrait encourager ces offices à lui soumettre un mémoire. J’espère qu’ils le feront.

Voici ce qu’on nous a dit, et je tiens à souligner que je ne suis qu’un messager. Tout d’abord, on les accuse de partialité. Ce matin, dans cette salle même, un témoin d’Ocean Action nous a dit que les membres du conseil d’administration étaient incapables d’agir de manière impartiale parce qu’ils se laissent tous contrôler par l’industrie.

Voici donc ma première question : serait-il possible de restructurer le conseil pour assurer une plus grande diversité?

Le Sierra Club voudrait y voir des professeurs d’université. Un autre témoin, à St. John’s, a suggéré qu’on y nomme une personne experte en biologie.

M. Mombourquette : Merci d’avoir posé cette question, monsieur le sénateur. Je vais commencer par vous répondre que je fais entièrement confiance à l’Office Canada — Nouvelle-Écosse. Il jouit d’un long bilan d’excellence en matière d’intendance environnementale, autant sur les côtes qu’au large. Son intendance environnementale est exemplaire.

Ses processus sont réputés dans le monde entier. Il applique un processus élaboré pour consulter les industries traditionnelles de la pêche ainsi que nos chefs des Premières Nations et nos autres intervenants sur le développement extracôtier. L’office ne dépend pas de nous. Il s’est fixé des normes très élevées, et je lui fais pleinement confiance.

Pour répondre à l’autre aspect de votre question, j’ai confiance en la composition de son conseil d’administration. Je fais confiance au processus actuel. À mon avis, l’office a fait du bon travail.

Le sénateur Patterson : Les témoins ont aussi affirmé qu’il ne fait pas du bon travail. Je souligne à nouveau que je me contente de vous transmettre le message.

Plusieurs témoins nous ont signalé des incidents. On a perdu des pièces d’équipement au large de la Nouvelle-Écosse. En 2018, le West Aquarius a déversé 136 000 litres de boue de forage. À Terre-Neuve, la société Husky a perdu 250 000 litres de pétrole dans une mer houleuse.

Je ne minimise pas la gravité de ces incidents, mais si ce sont les pires en tant d’années, pouvez-vous affirmer avec certitude qu’un processus rigoureux nous a protégés d’une catastrophe environnementale?

Les témoins ont aussi reparlé du naufrage de la plateforme Ocean Ranger. Cela me rappelle l’Exxon Valdez et la catastrophe du golfe du Mexique. Ces incidents sont plus anciens, mais que pouvez-vous nous dire sur la sûreté et la rigueur de ce régime?

M. Mombourquette : Le processus est très rigoureux. Comme je l’ai dit en répondant à une autre question tout à l’heure, on intervient très rapidement lors d’incidents. L’intervention doit être immédiate. L’Office Canada — Nouvelle-Écosse en est responsable et, à son tour, il doit en rendre compte au public.

J’ai constaté personnellement que les interventions sont très rapides et très efficaces. Je le répète, le monde entier admire la qualité du travail de notre office des hydrocarbures extracôtiers ainsi que les consultations qu’il mène sur le développement extracôtier et le soutien qu’il fournit à notre industrie de la pêche, qui est très importante pour notre économie et pour la subsistance des Néo-Écossais.

J’ai toute confiance en la capacité des offices et à l’efficacité de leurs processus d’intervention en cas d’incident.

M. D’Entremont : Si vous me permettez, je vais poursuivre cette réponse, car cette question est reliée à certaines questions que vous nous avez posées plus tôt ainsi qu’aux observations du sénateur Woo.

Il me semble que la discussion d’aujourd’hui n’indique pas clairement que nous avons conçu l’office des hydrocarbures extracôtiers en séparant totalement les responsables de la surveillance en matière de santé et de sécurité de ses mandats liés à l’économie et à la promotion. Ces responsables ne contribuent aucunement à la promotion de l’exploration extracôtière.

Notre ministère de l’Énergie et des Mines envoie du personnel très diligent pour nous représenter à des événements internationaux et pour parler aux investisseurs étrangers qui s’intéressent à notre exploration extracôtière. Cependant, ils n’y jouent aucun rôle. Ils s’occupent de l’administration des appels d’offres, mais en respectant scrupuleusement les politiques et les promotions du ministère.

À notre avis, pour vraiment bien faire, il ne s’agit pas seulement de séparer les notions d’économie et de réglementation en matière de sécurité. Il faut vraiment établir un coupe-feu. Ces employés sont placés là pour leur expertise, mais nous gardons au ministère les personnes qui s’occupent de l’aspect de notre mandat lié à la promotion économique.

Le sénateur Patterson : J’ai une petite question de suivi. Vous nous dites que le travail de l’office est aussi bon que celui qui se fait ailleurs au monde. Auriez-vous des données à nous remettre à ce sujet?

M. D’Entremont : Au fil des ans, Ressources naturelles Canada a mené des études là-dessus. Cette information est entre les mains du gouvernement du Canada.

Nous nous préparons à mener, au cours de ces prochains mois, une analyse de nos pratiques justement sur ce type de question. Nous comparerons nos régimes de réglementation à la qualité du travail que nos offices effectuent partout dans le monde. Nous avons déjà mené ce genre d’examen par le passé, mais nous allons très bientôt nous y reprendre. Je pourrais demander à Ressources naturelles Canada de vous envoyer les résultats de ces analyses.

La présidente : Veuillez les faire envoyer à la greffière.

Votre dernière question, sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Je n’ai plus de questions.

La présidente : Alors je vous remercie beaucoup d’être venus témoigner. Chers collègues, merci beaucoup pour vos questions. Elles ont considérablement enrichi notre conversation.

(La séance est levée.)

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