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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 4 - Témoignages du 9 mars 2016


OTTAWA, le mercredi 9 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 29, pour étudier les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada et pour étudier une ébauche de budget.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: D'entrée de jeu, je tiens à m'excuser pour le début tardif de la réunion. Je crois qu'on vous a expliqué ce qui est arrivé, mais nous vous sommes très reconnaissants de votre patience.

Bonjour. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux invités et aux membres du grand public qui suivent les délibérations d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le mois dernier, le Sénat a autorisé le comité à examiner, dans le but d'en faire rapport, les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale et d'évaluer les rôles que peuvent jouer le gouvernement du Canada et le Parlement pour éliminer ces retards. Il s'agit de notre septième réunion dans le cadre de cette étude.

Nous accueillons aujourd'hui Kate Matthews, présidente, et Laurie Gonet, vice-présidente, Association des procureurs de la Couronne de l'Ontario, Rick Woodburn, président, Association canadienne des juristes de l'État et Ian Greene, professeur en science politique de l'Université York. Bienvenue à vous tous. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence et de votre contribution au débat. Vos exposés seront suivis par une période de questions. Monsieur Greene, la parole est à vous.

Ian Greene, professeur, science politique, Université York, à titre personnel: Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à participer aujourd'hui. C'est un grand honneur de vous communiquer certaines de mes idées, et je suis particulièrement honoré d'être de retour après 10 ans. En effet, je suis venu vous parler d'éthique il y a 10 ans, et vous avez quand même décidé de me réinviter.

Je tiens à vous dire que je m'intéresse au problème des délais — surtout dans les tribunaux ontariens — depuis environ 40 ans. Ma thèse de doctorat à l'Université de Toronto portait sur les causes des retards dans les tribunaux de l'Ontario. Dans le cadre de ce projet, j'avais choisi un échantillon aléatoire de 40 juges à tous les échelons du système judiciaire et je les avais tous rencontrés en entrevue. J'ai aussi rencontré des avocats plaidants, des avocats de la Couronne et des administrateurs de tribunal, qui travaillaient dans les mêmes palais de justice que les juges sélectionnés. Je leur ai tous posé des questions similaires au sujet des causes des retards inutiles.

La chose la plus importante que j'ai constatée, c'est que tous ces intervenants se renvoyaient le blâme. Les juges blâmaient les avocats pour leur manque de préparation ou parce qu'ils acceptaient trop de dossiers ou faisaient traîner les choses lorsque cela était dans l'intérêt de leurs clients. Les avocats blâmaient les autres bureaux d'avocats qui faisaient ces mêmes choses, qu'eux, bien sûr, ne faisaient pas et n'oseraient jamais faire. Ils blâmaient les juges qui ne connaissaient pas bien les enjeux administratifs. Les procureurs de la Couronne blâmaient les juges et les avocats de la défense, et les administrateurs de tribunal blâmaient tous les autres. Personne n'assumait la responsabilité d'essayer d'éliminer certains de ces problèmes, sauf dans certaines petites collectivités de l'Ontario. Dans des endroits, des comités de la magistrature et du barreau et d'autres associations informelles permettaient à tous ces groupes de se réunir avec d'autres intervenants — comme les services de police — pour se dire: «Tous ces retards ne sont pas nécessaires. Que pouvons-nous faire pour régler ces problèmes?» Ces genres de groupes étaient efficaces.

En 1997, le juge Thomas Zuber a examiné ma recherche alors qu'il devait formuler des recommandations sur la restructuration des tribunaux de l'Ontario. Il a recommandé la création, dans toutes les régions de l'Ontario, de comités consultatifs d'administration des tribunaux qui réunissent tous les intervenants afin que ceux-ci puissent dialoguer sur la façon de rendre les tribunaux plus efficaces plutôt que de jeter le blâme sur les autres. La recommandation a été acceptée, et cette mesure a été prise. D'après ce que j'en sais, ces comités consultatifs sont parfois efficaces et parfois non, selon la personnalité des participants, et plus précisément, le leadership des présidents.

Au fil des ans, j'ai constaté que non seulement les retards sont inefficaces et coûteux, mais ils sont aussi préjudiciables pour des personnes bien réelles. J'ai donné un exemple dans ma présentation — je ne vais pas y revenir — au sujet d'une adolescente autochtone qui a subi de graves préjudices parce qu'elle a été arrêtée pour une infraction administrative du genre de celle dont a parlé le juge LeSage: il y a eu six retards totalement inutiles, et cette femme souffre encore, des années plus tard, de cette expérience traumatisante. Ce genre de situation se produit des centaines de fois par jour devant les tribunaux canadiens, et il n'y a pas de conséquence. Ainsi, l'étude que vous menez est essentielle. Je suis tellement heureux que vous examiniez la question des retards, parce qu'on peut y faire quelque chose.

J'aimerais vous dire quelques mots sur le projet Justice juste-à-temps en Ontario, auquel je me suis beaucoup intéressé. Ce projet a commencé en 2008, et son objectif était de réduire de 30 p. 100 en moyenne le nombre de comparutions au tribunal entre le début et la conclusion d'une affaire criminelle ainsi que le temps moyen entre son début et sa conclusion. L'objectif devait être atteint en quatre ans. Le projet visait la Cour de justice de l'Ontario, pas la Cour supérieure.

En 1992, le nombre moyen de comparutions entre le début et la conclusion d'un procès était de trois à quatre. En 2007, on était rendu à 9,2: il fallait faire quelque chose. En quatre ans, le projet a permis de réduire les retards de 6 à 8 p. 100. On est donc très loin de la cible de 30 p. 100. Selon moi, l'échec est dû en partie au fait qu'il s'agissait d'une approche descendante. Beaucoup de bonnes idées ont été formulées par des intervenants des services juridiques — et elles sont encore appliquées aujourd'hui —, mais il n'y avait pas un engagement suffisant de l'appareil judiciaire, des avocats de la Couronne ni des avocats plaidants. Bon nombre des avocats plaidants à qui j'ai parlé n'ont jamais entendu parler du projet. Il faut les mobiliser. Tous ces groupes doivent participer si nous voulons réussir à réduire les retards.

Une autre variable très importante dont les responsables du projet n'ont pas tenu compte, c'est la culture juridique locale. Une étude connue a été réalisée aux États-Unis il y a environ 30 ans. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont comparé les tribunaux étatiques et fédéraux qui appliquaient de bonnes pratiques administratives, et ceux qui en appliquaient de très mauvaises. Les chercheurs ont découvert qu'il n'y avait pas beaucoup de différence: certains tribunaux qui appliquaient de très bonnes pratiques administratives étaient lents, et vice-versa. En outre, la situation avait tendance à être la même dans chaque ville, tant du côté des tribunaux étatiques que des tribunaux fédéraux.

L'explication fournie, c'est que les gens dans certaines villes s'habituaient à un certain niveau de retard. Les choses avaient toujours fonctionné ainsi, et les gens sont très réfractaires au changement: ils préfèrent se blâmer les uns les autres plutôt que de travailler ensemble pour s'attaquer au problème. En outre, ils ne croient pas que c'est possible. Si vous voulez aborder la question des retards, vous devez réfléchir à la culture juridique locale, et il faut mettre au point une stratégie de gestion du changement qui mobilise tous ces groupes et les convaincre que, c'est possible de réduire les retards et que, si on ne les réduit pas, cela crée beaucoup de préjudices inutiles pour les gens. En réduisant les retards, on pourrait économiser de l'argent, et cet argent pourrait servir, par exemple, à fournir plus de ressources aux procureurs de la Couronne qui sont débordés partout au pays.

Le programme Justice juste-à-temps s'est poursuivi depuis 2012 — il était censé prendre fin à ce moment-là —, et les intervenants ont réussi à réduire un peu plus les retards depuis. Plutôt que d'établir une cible générale comme celle des 30 p. 100, les intervenants ont plutôt défini des points de référence pour différents cas de figure. Ils respectent ces points de référence environ les deux tiers du temps et ils essaient de respecter aussi ces points de référence aux niveaux supérieurs, mais les résultats semblent avoir plafonné. Il semble quasi impossible de réduire davantage les délais. Je me dis que, peut-être, grâce à certaines des suggestions que votre comité formulera, on pourra améliorer encore plus la situation en Ontario et dans les autres provinces.

J'ai un certain nombre d'autres suggestions à formuler. Je ne veux pas m'éterniser, alors je vais les présenter dans un style télégraphique.

Le président: Je vais devoir vous demander d'être très bref parce que vous avez déjà dépassé le temps qui vous était alloué.

M.Greene: Améliorer le système de nomination à la magistrature fédérale; unifier les cours de la famille à l'échelle du Canada; accroître la responsabilisation des tribunaux, peut-être grâce à la création de bureaux de l'ombudsman à l'échelle du pays; et améliorer les qualifications des juges de la paix dans certaines provinces, comme l'Ontario. La Nouvelle-Écosse a fait du très bon travail à cet égard.

La majeure partie des affaires criminelles ne donnent pas lieu à un procès. Elles se règlent avant, grâce à la négociation d'un plaidoyer. Il faut donc s'assurer que ce processus est efficient et juste.

Du côté civil, le Forum canadien sur la justice civile possède un merveilleux éventail de réformes novatrices au sein du système de justice. Il n'y a rien de tel du côté criminel. Il en coûterait 100000$ pour mettre en place la même chose, et cela ferait une énorme différence et aiderait à financer des projets comme le programme Justice juste-à-temps partout au pays.

Selon moi, dans les affaires criminelles et liées à la drogue, il n'est pas nécessaire de prévoir deux ensembles de procureurs. C'est une source de retards inutiles. J'aimerais bien savoir ce que les avocats de la Couronne ont à dire à ce sujet.

N'oubliez pas que l'administration des tribunaux est très complexe. Le Conseil canadien de la magistrature a défini certaines lignes directrices en matière de bonnes pratiques administratives à l'échelle du pays. Selon moi, vous devriez y jeter un coup d'œil et soutenir le travail que fait le CCM.

Le président: Monsieur Woodburn, la parole est à vous.

Rick Woodburn, président, Association canadienne des juristes de l'État: Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité. J'ai une présentation d'environ une heure — que j'ai dû préparer dans un court délai —, mais je vais la résumer beaucoup.

Pour commencer, je suis le président de l'Association canadienne des juristes de l'État. L'Association représente environ 7 500 avocats de la Couronne au pays; ses membres sont des avocats dans toutes les provinces et des procureurs fédéraux, le SPPC, le Service des poursuites pénales du Canada. Notre travail consiste en partie à examiner des situations qui intéressent les avocats de la Couronne ou que ceux-ci trouvent problématiques, comme la charge de travail. Dans ce cas-ci, bien sûr, nous parlons des retards, c'est un sujet très important pour les avocats de la Couronne, et ce, non seulement pour les procureurs de la Couronne fédéraux, mais aussi pour les procureurs de la Couronne provinciaux à l'échelle du pays.

Je vais tout de suite vous parler de ce que nous croyons généralement être les problèmes liés aux retards. Comme je l'ai dit, j'ai préparé un exposé plus long et plus poli, mais je crois que ce que vous voulez vraiment, c'est que je vous fournisse les faits saillants et que j'aille directement au vif du sujet.

D'après ce que j'ai lu du moins, il a été question, dans une certaine mesure, des documents communiqués et des documents communiqués tardivement, ce qui cause des retards. D'après ce que je sais de la situation à l'échelle du pays, de façon générale, la communication des documents se fait au moyen d'au moins deux trousses, qui sont données directement par la police, quasiment dès le départ. Pour la plupart des chefs d'accusation dont nous nous occupons — surtout en ce qui a trait à l'administration de la justice, aux vols et à toutes les infractions mineures qui semblent prendre beaucoup de temps aux tribunaux —, si on se fie aux chiffres, les documents sont communiqués assez rapidement. Dans notre administration, les documents sont très souvent prêts avant la première comparution de l'accusé. D'après ce que j'ai entendu dire, c'est habituellement lorsque l'accusé se présente devant le tribunal — peut- être la deuxième fois, lorsqu'il s'apprête à présenter un plaidoyer ou à faire un choix — que les documents communiqués sont prêts. Ce peut être au bout de un mois, deux mois ou, parfois, trois. La question des documents communiqués n'est peut-être pas un aussi gros enjeu que semblent le laisser entendre certains des autres intervenants.

Dans les dossiers plus étoffés, effectivement, la communication des documents est problématique: c'est sûr, puisque ce sont des dossiers plus imposants. Ce dont nous parlons... Par exemple, je me suis occupé d'un cas de meurtre. Au début, il y avait un dossier. Des années plus tard, nous en étions rendus à une boîte. Il y en a maintenant 10. La quantité de documents communiqués dans ces dossiers plus imposants augmente rapidement.

Il y a beaucoup de différences à cet égard. Je vais laisser MmeMatthews vous parler des méga-procès et des genres de demandes de communication de documents que nous soumet la défense.

Cela dit, dans la plupart des dossiers dont nous nous occupons, la question des documents communiqués est réglée assez rapidement. Très souvent, les gros dossiers vont prendre plus de temps de toute façon. Ils dureront une année ou deux en raison de leur niveau de complexité. Il n'y a rien qu'on puisse y changer. Dans les gros dossiers, il faut parfois beaucoup de temps pour communiquer les documents à la défense, mais c'est compréhensible. De façon générale, une bonne partie des documents sont transmis.

Un autre problème récent lié aux documents communiqués concerne le fait que ces documents sont censés contenir des renseignements pertinents aux accusations afin que l'accusé bénéficie d'une défense pleine et entière. On constate de plus en plus que les avocats de la défense demandent tout. Je vais vous donner un exemple. Je m'occupe d'un dossier d'homicide qui remonte à 2009 et qui fait intervenir environ 50 agents de police. La défense a demandé tous les courriels envoyés entre ces agents de police liés à l'affaire. Il a fallu mettre au point un programme spécial seulement pour obtenir tous ces courriels. Je ne sais pas dans quelle mesure toute cette information est pertinente, mais c'est le genre de demandes de communication de documents que vous recevons.

Le processus pourrait être encadré un peu de façon à réduire les retards, parce que, souvent, nous contestons des demandes de communication lorsque nous ne savons pas vraiment pourquoi l'information est demandée; la défense n'a pas à nous le dire.

Nous essuyons aussi certaines critiques en tant qu'avocats de la Couronne. C'est long. C'est difficile parfois de fournir certains renseignements. Nous devons caviarder les documents pour nous assurer de respecter les droits à la vie privée. Le processus est bien sûr un peu plus long. Cependant, selon nous, ce n'est pas lui qui ralentit le système.

Je vous dirai donc ceci: j'ai parlé des fermetures de laboratoires au pays. C'est important, parce que, l'année dernière, la GRC a décidé de fermer la moitié des laboratoires du Canada. Qu'est-ce que cela signifie? Lorsque nous envoyons une analyse d'ADN — du sang à analyser dans le cadre d'un dossier d'homicide —, l'échantillon est envoyé au laboratoire, et on nous dit que les résultats seront disponibles dans 40 jours. Et ce n'est qu'une date préliminaire. Quarante jours plus tard, les résultats ne sont pas prêts. Pourquoi? Parce qu'il ne reste plus que la moitié des laboratoires et la moitié du personnel pour les exploiter. Ces fermetures de laboratoire créent un problème important relativement aux documents communiqués. Cette situation est problématique.

Le laboratoire a décidé de rationaliser ce qu'il veut. Par conséquent, lorsqu'il reçoit une demande d'un service de police — disons, une vingtaine d'analyses —, il décide d'en faire seulement sept. Lorsqu'il renvoie les résultats, il dira: «Nous n'avons rien obtenu.» Il faut donc présenter une nouvelle demande, ce qui prend plus de temps: 40 jours, après 40 jours, après 40 jours.

Nous devons donc attendre les résultats des laboratoires avant même de pouvoir déterminer si l'information sera utile au procès. C'est le genre de choses qui nous ralentissent. Les fermetures de laboratoires sont un vrai problème. Si je ne m'abuse, les fermetures ont permis d'économiser 3,2 millions de dollars. Cela n'en valait pas la peine, à mon humble avis.

Je vais passer à la question des enquêtes préliminaires, dont il a déjà été un peu question. Nous ne pouvons pas demander l'élimination des enquêtes préliminaires. Vous obtiendriez des réponses contradictoires si vous demandiez à différents avocats de la Couronne — peut-être même à ceux qui sont ici aujourd'hui — s'il faut les abolir. Cependant, vous devez tenir compte de la raison pour laquelle les enquêtes préliminaires ont été créées initialement: on les a créées parce que, dans les dossiers lourds, la défense ne bénéficie pas de la communication des documents. Ces enquêtes ont été créées avant l'Établissement de tout droit à la communication de la preuve. La défense a maintenant un droit constitutionnel touchant la communication de la preuve et la communication complète du dossier complet de la Couronne.

On peut donc réfléchir à la question des enquêtes préliminaires et se demander à quoi elles servent. La défense a déjà tous les documents communiqués. Cela signifie que, en tant que telles, les enquêtes préliminaires sont uniquement utilisées pour évaluer nos chances. Eh bien, c'est ce à quoi servent les procès. Prenons tous les gros dossiers: ils durent au moins deux ans, et c'est une approximation très conservatrice. C'est rapide. Une des deux années est consacrée uniquement à l'enquête préliminaire.

Encore une fois, je ne peux pas demander l'élimination des enquêtes préliminaires, mais je me suis dit que, lorsque nous parlons de renvois à procès, c'est habituellement la pierre d'achoppement. Si on élimine les renvois à procès de l'équation, il reste... La Couronne n'a plus à se faire du souci quant à savoir s'il y a un renvoi, parce qu'on passe à autre chose. Si la défense veut réellement imposer aux témoins une enquête préalable, elle peut certainement les appeler à comparaître pour le faire. Elle peut procéder directement à une enquête afin d'apprendre ce qu'elle a besoin de savoir. Elle peut découvrir ce qu'elle veut, et c'est justement ce à quoi sert l'enquête préliminaire.

Par conséquent, si nous éliminons le processus de renvoi — c'est-à-dire le processus en vertu duquel la Couronne doit prouver, à la lumière du critère Shephard, qu'il faut instruire un procès, et je ne fais que lancer l'idée —, cela pourrait faire en sorte que les gens seront de moins en moins susceptibles de demander une enquête préliminaire. En réalité, la notion d'enquête préalable est déjà bien abordée dans le dossier que la défense possède et qui lui a été remis par la Couronne.

Il est aussi important de savoir au sujet des enquêtes préliminaires qu'elles sont devenues des mini-procès. On ne procède plus seulement à l'interrogatoire principal d'un ou deux témoins. C'est un mini-procès. Croyez-le ou non, mais j'ai participé à des enquêtes préliminaires qui ont duré plus longtemps que le procès. Pourquoi?

Il y a aussi la question de la remise en cause. Par exemple, faut-il vraiment déterminer le caractère volontaire d'une déclaration durant une enquête préliminaire, puis le refaire durant le procès? Ce n'est pas une façon de rationaliser les choses. Ce n'est pas logique du tout. On ne parle pas d'enquête préalable, si vous voulez.

C'est le genre de choses auxquelles nous pensons lorsque nous réfléchissons à la question des enquêtes préliminaires.

Le paragraphe 540(7) est la disposition qui permet de présenter du ouï-dire. Pourquoi introduire du ouï-dire? Ne racontons-nous pas à la défense une histoire qu'elle connaît déjà? Lorsque je lis la déclaration de quelqu'un, la défense en a déjà une copie et elle peut la lire en même temps. C'est quasiment une répétition, surtout dans les situations où le renvoi va de soi. Si la défense veut savoir ce que la personne a à dire au-delà de sa déclaration, elle peut très certainement l'assigner à comparaître.

Comme je l'ai dit, des gens plus intelligents que moi le diront mieux, c'est une idée qui, sans abolir quoi que ce soit, permet à la défense de tout de même obtenir ce qu'elle veut.

Je suis désolé, je passe rapidement en revue mon exposé.

Il y a aussi la question des délais institutionnels. Lorsqu'on se demande la principale cause de retard... J'ai beaucoup entendu parler des conférences préparatoires au procès, des documents communiqués et des droits de choisir. Tout ça a lieu avant même la détermination de la date du procès.

Cependant, si on regarde bien ces retards, ils sont de nature institutionnelle. À partir du moment où l'on fixe la date d'un procès jusqu'au procès en tant que tel, il peut s'écouler de six à neuf mois. Il est là le plus long retard. On attend, et rien ne se passe. Entre les deux dates, on se renvoie bien sûr certaines motions; comme je l'ai dit, elles sont intégrées dans le processus. Cependant, ce n'est pas du temps perdu. Ce délai vient du fait qu'il n'y a pas suffisamment de tribunaux, de juges, d'avocats de la Couronne, de conseillers juridiques — surtout les avocats de l'aide juridique — et pas assez de personnel responsable de l'administration des tribunaux. Et il n'y a pas suffisamment de place pour la tenue de ces procès.

Serait-il possible de réduire le nombre de procès? Même si nous éliminons les enquêtes préliminaires ou prenons une décision relativement aux infractions mixtes — nous décidons que tout sera mixte, et donc tout se passe devant un tribunal provincial —, maintenant, plutôt qu'avoir 20 procès devant la Cour suprême, il y a 20 procès devant le tribunal provincial. Cela ne change rien d'une façon ou de l'autre.

Mais le délai institutionnel reste, et c'est le plus gros morceau. La raison pour laquelle il persiste, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de place pour tenir tous les procès. L'horaire des tribunaux est déjà rempli de procès en cours.

Je voulais parler des infractions mixtes. Je ne sais pas combien de temps il me reste.

Le président: Je dois vous demander de conclure. Vous en êtes presque à 11 minutes maintenant.

M.Woodburn: C'est donc le temps d'accélérer les choses.

Le code concerne principalement des infractions mixtes. À l'humble avis de la Couronne, bien sûr, je ne sais pas si on veut vraiment opter pour des infractions mixtes dans le cas d'infractions comme alarmer Sa Majesté, le terrorisme et le meurtre.

Les infractions administratives sont importantes parce que les gens disent qu'il y en a trop. Tout notre régime de mise en liberté sous caution est fondé sur l'administration de la justice. Par conséquent, si nous donnons à quelqu'un la liberté sous caution — la plupart du temps —, elle respectera les conditions imposées. Si nous ne la punissons pas et que nous ne la surveillons pas, mais que nous les libérons sous caution, qu'est-ce qui arrivera? La personne se retrouve libre comme l'air. Je ne crois pas que le grand public l'appréciera beaucoup.

Pour terminer — et c'est anecdotique —, je vais vous donner quelques statistiques. Dans mon coin de pays, à Halifax, en 2006-2007, nous n'intentions pas de poursuites pour meurtre. Ce n'est pas qu'il n'y avait pas de meurtre, mais il n'y a eu aucun procès pour meurtre cette année-là. Nous étions 35 procureurs, et nous étions occupés.

En 2013-2014, nous avons traité 21 dossiers d'homicide. Il y a eu 21 tentatives de meurtre en 2006-2007, et il y en a maintenant 40. Et ce ne sont là que deux infractions, qui comptent certes parmi les plus graves.

Laissez-moi vous dire que — du moins de ce que j'ai entendu dire de façon anecdotique—, c'est le type d'infractions qui prennent le plus de temps, et il y en a de plus en plus.

Cela dit, nous comptons sur le même nombre de procureurs et nous n'avons pas beaucoup plus d'argent. Et il y a aussi le même nombre de juges et de salles d'audience.

Je serai prêt à répondre à vos questions lorsque le temps viendra. Merci beaucoup.

Kate Matthews, présidente, Association des procureurs de la Couronne de l'Ontario: Merci beaucoup. Permettez-moi de vous parler rapidement de ma collègue, MmeGonet, et de moi-même. Je suis procureure adjointe de la Couronne depuis mon admission au barreau, et j'ai exercé exclusivement dans le bureau de la Couronne du Centre-ville de Toronto, un secteur très occupé. MmeGonet exerce le métier d'avocate depuis aussi longtemps que moi dans le bureau de la Couronne d'Etobicoke.

L'association que nous représentons existe depuis 70 ans. Nous représentons les intérêts professionnels et liés à l'éducation et à l'emploi d'environ 900 avocats de la Couronne de première ligne, procureurs adjoints de la Couronne et procureurs en appel, qui travaillent pour le ministère du Procureur général de l'Ontario.

En tant qu'avocats de la Couronne plaidants, nous sommes confrontés à la réalité des retards chaque jour dans le cadre de nos procès. Selon nous, il s'agit d'un problème très grave et frustrant. Nous avons vu directement les effets néfastes de poursuites qui durent trop longtemps: on perd des témoins, le passage du temps influe sur la mémoire et, par conséquent, la fiabilité de la preuve est amoindrie. Lorsque les avocats de la défense présentent une demande au titre de la Charte en raison des délais et que celle-ci est accueillie, ces dossiers sont rejetés sans même avoir été évalués en fonction de leurs mérites. Lorsque cela se produit, justice n'est pas rendue; ni pour l'accusé, ni pour les victimes ni non plus pour les autres intervenants.

Je vais vous parler de ce que nous considérons comme étant les causes des retards dans le cadre des procès, puis je vais vous proposer quelques solutions possibles.

On nous dit constamment de nos jours que les statistiques liées aux accusations en matière criminelle diminuent; alors si les accusations criminelles diminuent, pourquoi a-t-on des problèmes de retard? La réalité, c'est que la nature des enquêtes criminelles et des poursuites de nos jours est beaucoup plus complexe qu'avant. En fait, même depuis que nous exerçons notre métier — soit depuis environ 17 ans —, la situation s'est complexifiée. Ce n'est même pas comparable.

Il y a eu bien sûr une augmentation générale du nombre de documents communiqués, mais même la nature de la preuve a changé de façon draconienne. En effet, nous avons constaté une augmentation de 75 p. 100 du nombre de vidéos utilisées aux fins d'enquête préparée par le Service de police de Toronto pour les cinq dernières années. Tous ces éléments font maintenant partie des poursuites. Il faut du temps pour les visionner, se préparer et les présenter à la cour.

Nous avons aussi constaté une augmentation majeure des données électroniques. L'analyse des disques durs — qui prend beaucoup de temps —, l'utilisation des dossiers de téléphonie cellulaire et les preuves liées à la criminalistique. Ces éléments de preuve sont très appréciés des avocats de la Couronne qui plaident, puisqu'il s'agit souvent d'une preuve très objective et fiable, mais cela augmente inévitablement la durée des poursuites.

De plus, ces nouveautés offrent souvent beaucoup plus d'occasions à la défense de remettre en question l'admissibilité de ces types d'éléments de preuve grâce à des motions préalables au procès. Je ne dis pas que c'est bien ou mal, mais c'est une conséquence inévitable de la situation.

Nous avons remarqué une augmentation de ce qu'on pourrait appeler des méga-procès. Il y a une unité des gangs et des armes à feu à Toronto, et les procès découlant du travail de cette unité sont d'une complexité époustouflante. Il y a aussi les poursuites contre des organisations criminelles, puis les poursuites liées à des fraudes majeures et des demandes de déclarations de délinquants dangereux. Nous avons noté une augmentation majeure du nombre de demandes de déclarations de délinquants dangereux présentées. Ces demandes prennent beaucoup de temps.

Il y a aussi une augmentation du nombre de crimes liés aux technologies: les cybercrimes, la pornographie juvénile et l'exploitation sur Internet.

On remarque aussi une augmentation des poursuites impliquant des personnes qui ont des problèmes mentaux. Nous comptons sur une diversité de programmes, et ils fonctionnent bien. Ces tribunaux spécialisés... nous ne voulons pas les abandonner. Cependant, pour beaucoup de personnes, la déjudiciarisation n'est pas une voie appropriée parce que les accusations sont tout simplement trop graves. Ces procès incluent habituellement des ordonnances d'évaluation, des ordonnances de traitement, des audiences sur l'aptitude à subir un procès et des audiences liées à la non-responsabilité criminelle. Tout ça prend beaucoup de temps.

La nouvelle loi a un impact sur les délais avant le procès. Par exemple, la détention provisoire et les calculs connexes et l'augmentation des peines minimales obligatoires. Nous ne prenons pas position sur le bien-fondé de ce genre de lois, mais nous en constatons l'impact dans les tribunaux, parce que moins de personnes vont plaider coupables s'ils ne voient aucun avantage à procéder ainsi. Il y a donc plus d'affaires — surtout les plus graves — qui auraient pu être réglés, mais qui se retrouveront devant un juge.

Il y a des audiences préliminaires inutiles et indûment longues. L'assemblée législative a tenté de régler le problème grâce à des modifications apportées aux règles liées aux enquêtes préliminaires, et au paragraphe 540(7) en particulier, qui permet, essentiellement, de présenter des éléments de preuve plutôt que d'appeler des témoins. Dans notre administration, selon moi, cette disposition n'est pas utilisée comme elle devait l'être. Nous essayons, mais, de façon générale, la défense ne fait pas de concessions, et il faut en débattre. Encore une fois, les litiges — relativement à la motion seulement — accroissent le temps qu'il faut pour régler ces dossiers.

Le sous-financement de l'aide juridique est aussi un grave problème; il augmente le nombre de personnes qui se représentent elles-mêmes, ce qui, inévitablement, prolonge les procès. Dans le cadre d'un procès ou de procédures avec une personne qui se représente elle-même, il n'est pas possible de concéder certaines choses qu'un avocat plaidant concéderait, et on ne peut pas demander à la personne de le faire. On ne peut pas restreindre l'étendue des procédures comme on pourrait le faire sinon. Nous devons vraiment nous assurer que la personne comprend tout ce qui se passe dans le cadre du procès et nous assurer que ses droits sont respectés.

Malgré toutes ces causes de retard, il n'y a pas eu d'augmentation connexe du nombre de salles d'audience et du personnel et des employés nécessaires. Je répète ce que mon collègue, M.Woodburn, a dit à ce sujet. Il n'y en a tout simplement pas eu.

Passons aux solutions. Le comité a reçu une gamme de témoins qui ont demandé des modifications législatives afin de rendre les procédures criminelles plus efficaces. Je sais que certains vous ont parlé de modifier ou d'abolir les règles liées aux enquêtes préliminaires. Je sais que vous avez parlé d'accroître le nombre d'infractions mixtes et de décriminaliser certaines infractions en faveur de certains régimes réglementaires. Si vous demandez à 100 avocats de la Couronne leur avis à ce sujet, ils auront probablement des opinions différentes quant à la bonne façon de procéder.

Il y a davantage un consensus en ce qui a trait à l'utilisation des enquêtes préliminaires. À tout le moins, vu son intention, le paragraphe 540(7) n'a pas porté ses fruits.

Vous pourriez, par exemple, envisager de modifier la loi pour en faire des procédures a priori administratives. S'il est question d'un renvoi devant le tribunal, on pourrait présenter le matériel, déposer les documents, les déclarations et les vidéos puis simplement débattre de la question du renvoi.

J'ai dit, «a priori» plutôt que «obligatoirement», parce que je sais que certains de mes collègues estiment bénéficier du fait d'entendre certains témoins avant de finaliser les choses en vue du procès.

De façon générale, d'après nous, cependant, le fait qu'il n'y ait pas suffisamment d'infractions mixtes, qu'il y ait trop d'enquêtes préliminaires ou qu'il y a trop d'infractions qui pourraient être traitées d'autres façons n'est pas la principale cause des retards. La réalité, c'est que nous faisons toutes ces choses. Nous le faisons déjà, actuellement, depuis un certain temps en Ontario. Nous choisissons des procédures sommaires dès que nous le pouvons et lorsque cela est approprié. Nous n'avons pas décriminalisé certaines infractions, mais nous avons utilisé des tribunaux et des programmes de déjudiciarisation de nombreuses façons. Nous tentons déjà de gérer plus rapidement et plus efficacement tout ce que nous faisons, dès que c'est possible.

Nous augmentons nos taux de règlement avant le procès et tentons d'utiliser davantage les règles sur les enquêtes préliminaires. Et malgré tout, il y a encore un problème, et nous avons encore de la difficulté à engager nos poursuites comme il faut, avec toute la rigueur que le public souhaite.

Chaque fois qu'un avocat de la Couronne prend une décision — dois-je déjudiciariser un dossier? Est-ce que j'offre un règlement? Est-ce que je réduis un vol qualifié en voies de fait simples ou en vol simple? —, nous devons toujours nous poser la question primordiale de savoir si c'est dans l'intérêt public. Lorsqu'on en arrive au point où on se dit à nous-mêmes: «Je dois agir ainsi, sinon nous ne pourrons jamais nous rendre à nos procès et il y aura une augmentation du nombre de demandes au titre de l'alinéa 11b)», nous ne nous posons plus la bonne question.

Selon nous, il faut faire attention lorsqu'on tente de trouver une approche pragmatique. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, et il y a de très bonnes façons et de très bonnes raisons d'être pragmatique, mais il ne faut pas faire basculer la balance: il ne faut pas, par souci de pragmatisme, traiter les dossiers si rapidement au sein du système que nous n'accordons plus d'importance aux principes censés encadrer nos pratiques.

Si c'est le cas, nous, les avocats de la Couronne, ne remplirons plus nos obligations à l'égard du public ni celles liées à la bonne administration de la justice. Au bout du compte, selon moi, il est approprié pour le comité d'examiner tous les changements législatifs qui permettent de réduire les retards. Toute amélioration sera la bienvenue, et il y a des façons — que, selon moi, des personnes ont déjà ont cernées — d'y arriver. Essentiellement, c'est une question importante de ressources. Le système n'en a probablement pas assez, et nous ne pourrons pas vraiment régler les problèmes de retards tant que ce ne sera pas le cas.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions et commencer par la vice-présidente du comité, la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer: J'ai beaucoup de questions, mais je vais essayer d'en poser le plus possible durant la première série.

Monsieur Greene, vous avez parlé d'accroître la responsabilisation des tribunaux, mais vous n'avez pas approfondi votre pensée. Je sais que vous n'avez pas eu le temps. Puis-je vous demander de quelle façon vous assureriez la responsabilisation des tribunaux? De quelle façon procéderiez-vous?

M.Greene: Je réfléchis à cette question depuis que j'ai reçu l'invitation à comparaître devant le comité. Une des choses qui m'est venue à l'esprit, c'est qu'on pourrait peut-être élargir les compétences des ombudsmans dans les provinces qui en possèdent pour y inclure l'administration des tribunaux; on pourrait mettre en place des murs pare-feu pour protéger l'indépendance judiciaire. Je suis un ancien fonctionnaire de l'Alberta. J'aimais vraiment le bureau de l'ombudsman; j'aimais le fait que les représentants venaient voir si nous faisions du bon travail et essayaient de cerner des occasions d'amélioration de nos processus. J'aime aussi les structures de vérification interne, parce qu'elles nous permettent d'apprendre des choses. Lorsqu'on reçoit des conseils objectifs, on peut améliorer nos méthodes. Il n'y a rien de tel pour les tribunaux, et, selon moi, c'est l'une des raisons pour lesquelles on s'intéresse peu à la mauvaise administration des tribunaux, ce qui fait en sorte que la situation perdure.

La sénatrice Jaffer: J'ai une question à vous poser, monsieur Woodburn, si vous me le permettez. Vous avez dit beaucoup de choses intéressantes, y compris au sujet des enquêtes préliminaires. Je ne suis peut-être plus dans le coup. Vous avez dit que nous n'en avons pas besoin, et que nous pouvons simplement soumettre les témoins à une enquête préalable. Je sais que le témoin n'appartient à personne, mais comment pouvez-vous parler d'enquête préalable des témoins?

M.Woodburn: Le processus serait presque exactement le même qu'actuellement. Il relèverait des tribunaux. Nous ne disons pas qu'il faut abolir les enquêtes préliminaires, mais il faudrait les envisager autrement. Les changements initiaux visaient à les rationaliser et à en cibler la portée, mais cela n'a pas fonctionné.

Si on veut faire subir une enquête préalable à quelqu'un, par exemple, et que la question du renvoi à procès n'est pas en litige, nous n'avons pas besoin de savoir si la personne est convoquée, nous savons tout simplement que c'est le cas. Si la défense dit: «Écoutez, je veux entendre ce témoin, je veux parler au sénateur White», par exemple, nous pouvons l'appeler comme témoin, l'enregistrer comme on le ferait habituellement, puis procéder à un interrogatoire préalable, afin que la défense puisse le traiter comme son propre témoin et lui poser les questions qu'elle juge nécessaires. Une fois qu'elle a obtenu ce dont elle a besoin, le processus aura été plus rapide que, essentiellement, si nous avions eu à prouver le bien-fondé de notre cause grâce à un mini-procès, comme c'est actuellement le cas.

La sénatrice Jaffer: J'ai une question pour les trois avocats de la Couronne. Vous avez parlé de beaucoup de choses dont nous avions déjà entendu parler, alors ça a été très utile. Merci. Une des choses qu'on a beaucoup entendues, c'est qu'il y a beaucoup trop de comparutions; c'est quelque chose que nous ont dit des avocats de la défense aussi, qui nous demandaient pourquoi nous ne pouvions pas procéder à certaines de ces comparutions de l'avocat de la Couronne et de l'avocat de la défense par voie électronique afin de réduire le nombre de comparutions et le temps passé devant le tribunal de renvoi.

Selon vous, un recours accru aux technologies électroniques permettrait-il efficacement de réduire le temps passé devant les tribunaux?

MmeMatthews: L'établissement de comparutions à date fixe semble parfois une tâche sans fin. On passe toute une journée sur place pour traiter des dossiers et on se dit: «Avons-nous vraiment besoin de toutes ces étapes?»

Je crois qu'il y a des façons d'améliorer cette partie du processus, les comparutions et l'établissement des dates. Selon moi, ce qui a été tenté n'a pas fonctionné en partie en raison des personnes qui se représentent elles-mêmes. Elles ont souvent besoin de comparaître devant un juriste parce qu'elles ont besoin de directives ou tout simplement parce que, en apparence, il n'est pas bien vu pour la Couronne d'essayer de régler certains enjeux directement auprès d'une personne qui se représente elle-même. Ces personnes doivent se trouver devant un juge.

Idéalement, tout le monde communiquerait ses documents à la première comparution, puis il y aurait une comparution de plus, et c'est tout.

Laurie Gonet, vice-présidente, Association des procureurs de la Couronne de l'Ontario: On a fait une constatation intéressante au sujet des comparutions électroniques. Amener une personne de la prison au tribunal, puis la déplacer dans le palais de justice comporte beaucoup d'inconvénients et exige beaucoup de travail. Puisque les comparutions électroniques comportent beaucoup moins d'inconvénients pour tout le monde, statistiquement, il y en a plus, et cela a un impact à la hausse quant au nombre de comparutions. Il y a moins de coûts liés au transport et moins d'inconvénients pour les représentants des services correctionnels, de la police et des fonctionnaires de la cour, mais cette percée technologique ne réduit pas le nombre de comparutions tenues.

Le sénateur McIntyre: Merci de nous avoir présenté vos exposés.

Monsieur Greene, comme vous l'avez dit, côté blâme, tout le monde se renvoie la balle. Ma question concerne le rôle des juges, ceux qui sont responsables, les capitaines du navire, pour ainsi dire.

Quel est votre point de vue sur le rôle du juge en chef qui interagit avec les autres juges, attribue les dossiers et tente d'éviter les retards judiciaires, et le rôle des juges responsables de la gestion de l'instance, qui encouragent les parties à présenter des observations et à s'entendre, qui imposent des délais aux parties — et là, c'en est une bonne — entendent les réponses à l'accusation et imposent les peines? Si je me souviens bien, vous avez parlé brièvement du rôle des juges de paix et des représentants autres que les juges responsables des questions précises liées à la phase précédant l'instruction. Pouvez-vous nous parler du rôle du capitaine du navire?

M.Greene: Oui, en ce qui a trait aux bonnes pratiques administratives, le rôle des juges est absolument crucial. Certains juges en chef et juges sont de bons administrateurs, d'autres, non.

En ce qui a trait à la sélection des juges en chef, il faut porter davantage attention à la sélection de chefs qui ont de bonnes capacités éprouvées en matière administrative, des juges qui accepteront d'apprendre des choses sur les bonnes pratiques administratives et qui essaieront de les appliquer dans leurs tribunaux.

Je crois que le Conseil canadien de la magistrature a beaucoup réfléchi à la façon d'améliorer l'administration des tribunaux. Encore une fois, je crois que votre comité devrait consulter le site web du CCM pour connaître certaines de leurs recommandations.

C'est extrêmement important, non seulement le rôle des juges en chef qui doivent affecter les juges aux dossiers et s'acquitter d'autres tâches administratives dont ils sont responsables, mais le besoin pour eux de travailler en collaboration avec d'autres intervenants afin de définir de bonnes pratiques administratives pour les tribunaux.

Je vais vous donner un exemple. En Irlande, les tribunaux sont gérés par un comité composé de 15 ou 16 personnes. Neuf d'entre elles sont des juges; les juges possèdent donc la majorité. Les autres sont des représentants d'avocats, de comptables, et ainsi de suite, des représentants de la société irlandaise. Cette structure a vraiment aidé à améliorer l'administration des tribunaux là-bas.

C'est une structure qu'on pourrait envisager au Canada. Encore une fois, le CCM y a fait allusion lorsqu'il a parlé des différents modèles d'administration des tribunaux.

Je le redis: le rôle des juges, et particulièrement celui des juges en chef, est absolument crucial.

Le sénateur McIntyre: D'après mon expérience du système judiciaire, certains juges n'imposent pas assez limites de temps aux parties. Selon moi, c'est le principal problème. J'ai exercé le droit criminel pendant 35 ans.

M.Greene: Oui. Je crois que vous avez raison. Je me rappelle que le juge en chef Howland en Ontario avait créé une instruction relative à une pratique en vertu de laquelle les demandes de délai des avocats étaient presque toujours rejetées, sauf s'ils avaient de très bonnes raisons. Les avocats à qui on refusait le délai utilisaient ce refus pour interjeter appel, alors cette mesure ne semblait pas permettre d'accélérer les choses.

Mais il y a des juges dans différentes régions de l'Ontario qui ont été très stricts, sans que cela entraîne une augmentation du nombre d'appels.

Le sénateur McIntyre: J'ai une question pour les avocats de la Couronne. Y a-t-il des avocats de la Couronne au sein de votre association qui interagissent avec les services de police à l'étape préalable aux accusations des enquêtes?

Je vous pose cette question, parce que, dans ma province, le Nouveau-Brunswick, de même qu'au Québec et en Colombie-Britannique, un procureur doit approuver les accusations avant qu'un agent de police puisse les porter. Ma question est la suivante: devrait-on mettre en place cette procédure dans toutes les administrations?

MmeMatthews: Ce n'est pas le cas en Ontario. Je n'y ai pas vraiment pensé, alors j'hésite à vous répondre.

Le sénateur Baker: Bien.

MmeMatthews: Je vais prendre ça comme un signe que je ne dois pas répondre.

Quelqu'un d'autre a quelque chose à ajouter?

Le président: Je crois que nous pouvons poursuivre.

Le sénateur Baker: Premièrement, je tiens à féliciter les témoins: vous avez été des témoins extraordinaires et vous nous avez présenté de très bons exposés. Je tiens tout particulièrement à rendre hommage à M.Woodburn, dont nous savons qu'il a toujours pris la défense des avocats de la Couronne au fil des ans et qui a amélioré leur sort, surtout en Nouvelle-Écosse et aussi maintenant à l'échelle nationale si je ne m'abuse.

Je vais poser ma question de façon à ce que le président ne m'interrompe pas. J'ai seulement deux ou trois sujets sur lesquels j'aimerais vous entendre, surtout M.Woodburn. Les enquêtes préliminaires sont importantes pour la défense, qui peut ainsi communiquer des documents au sujet d'arguments liés à la Charte avant le procès. Ne diriez-vous pas que c'est le rôle des enquêtes préliminaires de nos jours? Le fait de retirer ces enquêtes aux avocats de la défense reviendrait à leur enlever une importante occasion de recueillir des faits liés à des arguments fondés sur la Charte à l'étape de l'enquête préliminaire, si l'affaire est renvoyée devant un tribunal.

Deuxièmement, seriez-vous d'accord avec notre suggestion d'imposer une limite de temps relativement à la communication de documents par la Couronne? C'est-à-dire qu'on imposerait une limite de temps, avant le procès, pour communiquer les documents susceptibles d'être utilisés durant le procès, c'est-à-dire les notes des agents, le rapport de continuation, le recueil de l'avocat de la Couronne, le descellement des mandats... On imposerait une limite de temps à la communication de ces documents avant le procès, et il ne serait pas nécessaire de passer par une procédure au titre du Code criminel pour desceller les mandats. En fait, pourquoi ne pas les desceller puisqu'on sait qu'on les utilisera durant le procès? Le caviardage pourrait se faire après le descellement.

Devrait-on obliger les services de police à tenir, dans un premier temps, un registre de tous leurs agents de police et des procédures disciplinaires connexes en vue des demandes de communication de type McNeil qu'il faut gérer de nos jours? Ce registre serait déjà là, et on n'aurait pas à demander ce genre d'information.

Troisièmement, seriez-vous d'accord pour que ce soit quelqu'un d'autre que le juge qui entende les arguments préalables au procès afin de réduire le temps passé devant les tribunaux et la charge de travail des juges, comme on le fait devant la Cour fédérale?

Et, pour terminer, seriez-vous d'accord avec notre suggestion de modifier au Code criminel de façon à ce que, dans le cas d'un accusé qui choisit, par exemple, de se présenter devant la Cour fédérale sans jury, lorsqu'un des nombreux chefs d'accusation contre cette personne relève exclusivement de la compétence provinciale — un vol, par exemple — et que l'affaire est instruite, comme MmeMatthews l'a mentionné, par procédure sommaire, l'affaire soit maintenant renvoyée à un tribunal provincial, où il faut entendre à nouveau tous les témoins de la Couronne, examiner tous les documents communiqués, et tout le bataclan.

Êtes-vous d'accord avec certaines de ces choses, monsieur Woodburn?

M.Woodburn: Combien de temps a-t-on?

Le président: La question était brève.

M.Woodburn: Pour ce qui est des arguments fondés sur la Charte durant les enquêtes préliminaires, encore une fois, nous ne proposons pas d'éliminer les enquêtes préliminaires. Nous aimerions savoir... Vous savez, si cela vous pose problème et que vous nous dites quel est ce problème, on saura de quoi on parle, plutôt que de simplement dire: «Regardez: réponse complète en défense. Produisez-le. Le renvoi est en cause.» Parce que c'est vraiment le genre d'orientation qu'on obtient.

Si vous dites: «J'ai un argument fondé sur la Charte, j'ai présenté mon avis, et voici ce qui, selon nous, sera problématique.» Appelez les agents de police. C'est parfait. Il n'y a pas de problème. C'est ainsi que c'est censé fonctionner, parce que s'il y a des choses que la défense ne sait pas, et elle devrait être en mesure de les découvrir. Mais est-il vraiment nécessaire de tenir un mini-procès complet pour y arriver? C'est une tout autre question.

En ce qui concerne la limite de temps pour communiquer des documents, j'ai écrit: «Ou quoi? Qu'arrivera-t-il si ce n'est pas fait?» La communication de documents est un processus continu, et, croyez-le ou non, des documents sont communiqués jusqu'à la fin du procès. Il y a toujours des choses qu'on découvre, alors si on impose un temps limite... Je ne dis pas que...

Le sénateur Baker: Ça permet les demandes au titre de l'alinéa 11b).

M.Woodburn: La défense a accès à beaucoup de recours en ce qui a trait aux communications tardives et à la non- communication. Je ne parle pas de tous les rapports, des analyses d'ADN et ce genre de choses. Il y a des documents qu'on ne connaît pas qui sont communiqués. J'allais vous donner l'exemple d'un procès récent, mais il y a des choses que nous ignorons et qui peuvent survenir. Tout ça fait partie de la question de la communication des documents.

Par conséquent, si vous imposez un délai, cela pourrait poser problème. On peut dire sans se tromper qu'on commence rarement un procès dans le cadre duquel la majeure partie ou l'ensemble des éléments ont été communiqués de façon à ce qu'une décision puisse être prise, mais une bonne partie du travail est déjà faite.

Pour ce qui est du descellement des mandats, c'est un champ de mines. Ils sont scellés pour une raison, soit pour protéger les sources d'information et l'origine de l'information des gens.

Le sénateur Baker: Ces éléments sont caviardés.

M.Woodburn: Effectivement, mais une copie originale, non modifiée, est conservée par le tribunal, et il faut présenter une demande pour la desceller.

Le sénateur Baker: Je sais, mais vous devez le faire de toute façon.

M.Woodburn: C'est vrai. Ce que vous demandez, j'imagine, c'est que, avant que quoi que ce soit se produise, une demande doit être présentée, parce que c'est au titre du Code criminel, et il faut apporter une modification pour pouvoir procéder au descellement au titre de l'article 182 ou quelque chose du genre.

Le président: Je dois poursuivre.

Le sénateur White: J'ai une question très brève, pas aussi longue que celle du sénateur Baker.

Je veux parler rapidement des enquêtes préliminaires. Il a été suggéré il y a quelques années que les enquêtes préliminaires ne concernent que les témoignages des témoins, pas les éléments de preuve physique. Y avez-vous réfléchi? C'est ce que la défense veut savoir; elle veut entendre les témoins pour déterminer leur solidité. Tout le reste est déjà au dossier.

M.Woodburn: J'y ai beaucoup pensé, parce que lorsqu'on dit: «Je veux voir si cette personne est solide», c'est un enjeu lié à la crédibilité. N'est-ce pas là quelque chose qu'on peut découvrir au procès?

Le sénateur White: Je ne dis pas qu'il devrait y avoir des enquêtes préliminaires, soit dit en passant. J'essaie juste de trouver une façon de les raccourcir. C'est tout.

M.Woodburn: Si le renvoi à procès reste problématique, il faudra présenter les éléments de preuve physique, parce que, souvent, c'est la preuve physique qui est utilisée pour renvoyer quelqu'un à procès. Encore une fois, si la défense veut entendre un témoin, si elle veut préciser quelque chose et qu'elle a une raison de le faire, c'est parfait, mais nous constatons souvent qu'il n'y a pas de raison précise.

Le sénateur White: Une recherche réalisée il y a quelques années abordait la question de la proportionnalité, et je vais utiliser l'Ontario, parce que c'est là où nous avons fait la recherche. Des 200000 affaires traitées en une année, 25 p. 100 — c'est 50000 — se sont soldés par des peines avec sursis ou un acquittement. Cinquante mille affaires, et il y a tout de même les neuf mêmes comparutions pour en finir avec une accusation de vol à l'étalage et une accusation de tentative de meurtre. Je soutiendrais que la Colombie-Britannique a eu beaucoup de succès avec ses dossiers de conduite avec les facultés affaiblies. Elle a adopté un processus différent de celui du Code criminel.

Seriez-vous favorables à un processus en vertu duquel la police aurait le pouvoir discrétionnaire de porter des accusations à l'échelon provincial — une infraction passible de contravention—, plutôt que d'emprunter la voie criminelle, au titre du Code criminel?

MmeMatthews: Vous allez dire que c'est une tentative d'esquive, mais...

Le sénateur White: Pour ainsi dire.

MmeMatthews: Pour une raison de principe, nous n'aimons pas commenter ce genre de disposition.

Le sénateur White: Vous êtes avocate, vous devez bien avoir un avis.

MmeMatthews: J'ai peut-être ma propre opinion. Le problème, c'est que le gouvernement fédéral a le pouvoir, de toute évidence, de légiférer à sa guise. C'est très important pour nous de ne pas avoir l'air de soutenir un programme politique d'une façon ou d'une autre, et c'est pour cette raison que nous ne formulons habituellement pas de commentaires sur les mesures législatives de fond.

Le sénateur White: En Colombie-Britannique, c'est une décision provinciale qui a été prise. Ce n'est pas du tout une décision fédérale. Les représentants là-bas ont choisi, de façon générale, de traiter environ, d'après ce que j'ai compris, 80 p. 100 de leurs cas de conduite avec les facultés affaiblies à l'échelon provincial. C'est la province qui a pris la décision. L'Ontario l'envisagerait-il?

MmeMatthews: Vous devez vraiment poser la question à la province, je ne fais pas partie de la Direction générale des politiques.

M.Woodburn: J'ai beaucoup de choses à dire. Selon moi, c'est un peu une question de pragmatisme quant à savoir si c'est dans l'intérêt public. D'un point de vue pragmatique, est-ce dans l'intérêt public de donner l'équivalent d'une contravention pour excès de vitesse à une personne qui a conduit avec les facultés affaiblies? Est-ce dans l'intérêt public d'avoir à dire à une famille dont l'enfant a été heurté par un conducteur ivre que la raison pour laquelle ce dernier était sur la route, c'est parce que, la semaine précédente, il avait reçu une contravention de conduite avec les facultés affaiblies?

Le sénateur White: Les conducteurs fautifs se voient retirer leur permis pendant six mois.

M.Woodburn: L'interdiction de conduire est d'une année au titre du Code criminel. Respectueusement, nous estimons que, au moins, lorsqu'on retire le principal facteur de dissuasion, les gens traiteront la situation différemment. C'est la réalité.

C'est difficile de dire à quelqu'un que la personne fautive a reçu une contravention la dernière fois, mais que, cette fois-ci, on opte pour une accusation de conduite avec facultés affaiblies. J'ai déjà côtoyé des personnes dont les enfants avaient été frappés par un conducteur ivre, et ils sont inconsolables. Je n'aimerais pas avoir à leur dire que la personne fautive en était à sa deuxième infraction de conduite avec les facultés affaiblies et que, la fois précédente, leur dossier avait été traité de façon expéditive par l'appareil judiciaire par pragmatisme.

La sénatrice Fraser: Je comprends que l'avocat de la Couronne s'efforce de ne pas formuler des commentaires sur le bien-fondé de modifications législatives, mais vous mentionnez des répercussions.

Le gouvernement du Canada propose de légaliser la marijuana. En quoi cette mesure modifiera-t-elle la quantité de dossiers devant les tribunaux?

Ma deuxième question est destinée à M.Greene. Ce que vous dites au sujet de la culture juridique locale me paraît juste instinctivement. Les institutions ont une culture, mais avez-vous effectué des travaux sur la façon de modifier les cultures juridiques locales?

MmeMatthews: De façon générale, nous n'intentons pas de poursuites relativement aux infractions liées à la drogue, alors je n'ai pas vraiment une grande perspective à vous communiquer à ce sujet. Il faudrait poser la question à des représentants du Service des poursuites pénales du Canada. Nous en traitons parfois. Il arrive qu'on nous en refile lorsqu'elles sont associées à une infraction plus grave au Code criminel. À la lumière de notre expérience et de ce que nous savons de notre milieu, il n'y aurait pas une grande différence parce que nous ne nous occupons pas de ces infractions.

M.Woodburn: C'est la même chose dans notre système judiciaire. Pour la possession de marijuana, je crois qu'une lettre est envoyée par la poste indiquant qu'il y a une amende de 100$, ce genre de choses. On continuera à s'occuper des grands cultivateurs, parce que si le gouvernement du Canada légalise la marijuana, il sera tout de même interdit d'en faire pousser dans sa cour. Ce sera contrôlé. Les gens qui en font pousser pour leur consommation personnelle alors qu'ils ne sont pas censés le faire continueront d'être poursuivis.

Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'accusations fédérales liées à la drogue qui ralentissent l'appareil judiciaire. De notre point de vue limité, du moins, je ne crois pas que cela provoquera un grand changement, d'après ce que j'ai observé, bien sûr.

M.Greene: Pour modifier la culture juridique locale, il faut du leadership. Il faut des dirigeants qui comprennent le processus de gestion du changement, et il faut faire participer tous les intervenants. De plus, il faut des mesures incitatives. Pourquoi changer nos façons de faire? Eh bien, parce que les choses iront mieux pour tout le monde, vous compris.

Je crois que nous participons tous parfois à des activités où il y a beaucoup trop de retard. Il faut se dire: «Que pouvons-nous faire pour réduire ces retards? De quelle façon pouvons-nous faire participer les autres personnes touchées?» Il faut du leadership, de la compréhension et de l'analyse et assurer la participation de tous.

La sénatrice Fraser: Les juges en chef obtiennent-ils le genre de formation dont ils ont besoin pour devenir des gestionnaires efficaces, ou est-ce qu'on les laisse à eux-mêmes après, peut-être, deux ou trois jours de formation de base du genre : «Voici où se trouve la boîte de courriel»?

M.Greene: Il faut en offrir beaucoup plus. Je donne des cours liés à l'organisation et à la gestion des tribunaux depuis quelques années maintenant et, à l'occasion, un juge qui veut devenir juge en chef suivra un de ces cours. Ils veulent être capables de faire du meilleur travail.

Je ne crois pas que l'Institut national de la magistrature à Ottawa offre des cours de formation pour les juges liés à l'administration. Ce serait très avantageux de le faire. Il faut en faire beaucoup plus dans ce domaine.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Je remercie nos témoins de leur présence cet après-midi. Pour votre information, j'ai fréquenté les cours de justice pendant 25 ans. À mes yeux, il y a deux types de victimes dans les cours de justice: la victime et les procureurs de la Couronne. Je vais vous expliquer pourquoi, car j'étais policier. Lorsque nous rencontrions les procureurs de la Couronne le matin, c'est à peine s'ils pouvaient nous accorder cinq minutes de leur temps. Ils étaient débordés. Ils manquaient de personnel et n'avaient pas de personnel de soutien. Ils nous demandaient d'expliquer la situation aux victimes, parce qu'ils n'avaient pas le temps de les rencontrer.

De leur côté, les avocats de la défense envoyaient un stagiaire informer le juge que le responsable du dossier était en congé de maladie, par exemple, ou à l'extérieur du pays, et ils demandaient une remise. Vous avez sûrement déjà été témoins de cela. Toutes les excuses étaient bonnes pour demander des remises, et les juges accordaient remise sur remise.

Je peux vous dire que j'avais beaucoup de sympathie pour les procureurs de la Couronne. Les cours du Québec n'ont pas de services, elles manquent de personnel, et elles ont de petits bureaux qui sont enterrés sous les dossiers.

Cela dit, madame Matthews, je crois que vous avez dit que la police avait augmenté ses effectifs afin d'être en mesure d'obtenir plus de preuves technologiques. Je ne sais pas si vous l'avez mentionné, mais je crois que la Couronne n'a pas suivi la même croissance que la police, faute de moyens. Vous attendez-vous à une amélioration ou, du moins, à recevoir un meilleur budget ou de l'aide? Le problème, c'est que vous êtes seuls.

[Traduction]

MmeMatthews: Merci beaucoup. Vous avez bien décrit le système des procureurs de la Couronne. C'est ainsi de nos jours. C'est ainsi depuis très longtemps.

Un des mandats majeurs de notre association, c'est de demander des ressources supplémentaires. Littéralement, certains jours, nous ne trouvons tout simplement pas d'avocat de la Couronne disponible pour se présenter devant le tribunal. Nous devons prendre quelqu'un qui perd ainsi la seule journée de préparation dont il avait vraiment besoin — sa seule journée de préparation relativement à un dossier majeur d'agression sexuelle perpétrée sur une longue période qu'on venait de lui attribuer —, et ce, sans préavis.

C'est la réalité dans le bureau de la Couronne.

Nous demandons continuellement d'augmenter le nombre d'avocats de la Couronne et d'augmenter le nombre d'employés de soutien, parce que c'est un problème majeur. Nous n'avons pas obtenu de succès sur ce front.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Je vous remercie, et je sympathise avec vous. Je vous souhaite bon courage.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Merci de votre participation. Vous êtes très crédibles et vous avez tous une grande expérience. Merci, monsieur Greene. Je me souviens très bien de votre comparution relativement à la question de l'éthique il y a de nombreuses années.

Il y a deux choses au sujet desquelles j'aimerais vous entendre, parce que je crois que vous êtes parmi les premiers témoins à nous le mentionner. Je parle du fait que, en ce qui concerne la communication de documents, on note une augmentation de la nature des éléments de preuve demandés par la défense. Vous avez parlé des données électroniques, des registres de téléphones cellulaires, des preuves criminalistiques, des vidéos d'enquête et de ce genre de choses.

De quelle façon quantifieriez-vous l'impact de ces changements sur le système? La réalité sociale des technologies a beaucoup changé, et ces choses font maintenant partie des éléments qu'un accusé voudra utiliser le plus possible pour se défendre.

Qu'y a-t-il dans le système pour compenser le travail supplémentaire que cela représente? Ne sommes-nous pas plus ou moins condamnés à vivre avec cette situation? Y a-t-il des façons de contrebalancer ce travail ou de composer avec le fardeau?

M.Woodburn: Tout le monde me regarde. C'est vrai. Ce qui est drôle, c'est que s'assurer que les tribunaux se mettent à l'heure de la technologie fait partie du problème, parce que les tribunaux — et même le Code criminel — ne sont pas vraiment prêts à gérer les importants changements qui se sont produits au cours ne serait-ce que des cinq dernières années en raison des téléphones cellulaires, de Facebook et de Twitter.

Le problème que nous constatons, c'est que les demandes de communication se complexifient et sont de plus en plus poussées en raison de ces technologies. De nos jours, on veut non seulement un enregistrement vidéo régulier du crime, mais les registres des téléphones cellulaires, les comptes Twitter et les comptes Facebook. Les gens veulent tout savoir sur tout le monde, dans la mesure où l'information est accessible. C'est toujours sous le prétexte d'avoir des réponses complètes et pour assurer la défense: «Comment est-on censé savoir qu'une personne est crédible si nous ne savons pas tout ce que nous pouvons savoir sur elle — tout ce qu'elle a dit sur Twitter et Facebook, les textes qu'elle envoie à ses amis et qui elle a appelé après le geste?»

C'est de plus en plus poussé, et c'est une tendance qui se poursuivra. Franchement, on gère la situation au quotidien du mieux que nous pouvons. Nous faisons de notre mieux pour obtenir le plus possible de documents à communiquer.

Je ne peux m'empêcher de penser à tous les cas qui ont été dans les médias récemment et où les messages Facebook...

Le sénateur Joyal: Des milliers. J'ai été abasourdi lorsque j'ai lu cela dans le journal ou je l'ai entendu dans les médias, je ne sais plus trop bien. Cependant, quand j'ai lu que la défense examinait 5000 courriels, je me suis dit: «C'est un travail immense.» Des heures, bien sûr, parce qu'il faut traduire le travail en fonction du temps qu'il faut y consacrer.

M.Woodburn: Et chaque courriel, message texte et message Twitter va ailleurs. Alors il faut suivre les pistes là où elles nous mènent, mais où faut-il arrêter? Si j'ai écrit un message texte à quelqu'un à un sujet, cette personne a-t-elle envoyé un message à ce sujet à quelqu'un d'autre?

C'est très compliqué, cela rend la communication des preuves très difficile dans certains cas.

Le sénateur Joyal: Y a-t-il une façon d'encadrer ce processus?

MmeGonet: J'allais ajouter que, même si on va au-delà des technologies modernes, comme Twitter, les messages textes et toutes ces folies, lorsque nous avons commencé, il n'y avait pas de déclarations enregistrées sur vidéo. Tout était écrit dans le carnet de l'agent de police. Maintenant, tout est enregistré, ce qui est une bonne chose, parce qu'il n'y a aucune place au malentendu lorsqu'on visionne un enregistrement, mais il n'y a pas de budget pour obtenir une transcription. Par conséquent, les avocats de la Couronne et de la défense doivent regarder une vidéo de trois heures, et cela prend environ six heures, parce qu'il faut constamment arrêter l'enregistrement pour prendre des notes, puis on reprend le visionnement et on l'arrête à nouveau.

Et lorsqu'on arrive devant le tribunal, on fait jouer l'enregistrement, parce que c'est notre meilleur élément de preuve. Tandis qu'il y a 15 ans, on pouvait procéder à l'interrogatoire principal d'un témoin en environ 15 minutes, mais maintenant on fait jouer un enregistrement vidéo de trois heures, et cela prend trois heures.

Même les technologies de base entraînent une augmentation des documents communiqués, et cela augmente la quantité de temps dont chacun a besoin pour faire son travail.

MmeMatthews: C'est inévitable. Je ne crois pas qu'on s'en sortira, au contraire, il y en aura de plus en plus.

Il se peut très bien qu'une information dans le lot sera pertinente pour l'avocat de la défense ou liée à un enjeu en litige et pertinente pour la Couronne aussi. On peut difficilement voir de quelle façon on pourrait y mettre fin, circonscrire ou exclure une catégorie de preuve, parce que, selon moi, de façon réaliste, il y aura toujours une possibilité que quelque chose dans le lot soit pertinent.

Le sénateur Joyal: Mon autre question concerne les personnes qui se représentent elles-mêmes, les gens qui décident d'assumer eux-mêmes leur défense. Est-ce vraiment un problème qui, selon vous, est de plus en plus fréquent ou est-ce une situation qui a toujours été présente et à laquelle il faut s'adapter?

M.Woodburn: Même il y a 10 ans, les personnes qui se représentaient elles-mêmes se présentaient devant le tribunal et elles étaient laissées à elles-mêmes. Vous voulez être votre avocat, soit. Il n'y a pas de problème.

Maintenant, ces personnes ont deux avocats: la Couronne, qui doit protéger ses droits, et le juge, qui doit faire la même chose. Nous devons tous les deux faire des pieds et des mains pour nous assurer de faire respecter les droits de cette personne. Cela fait en sorte que les processus sont très longs.

Les accusés le savent, et ils font preuve de beaucoup d'astuce. La mode ces temps-ci, c'est d'avoir un avocat, un représentant de l'aide juridique ou quoi que ce soit jusqu'à la date du procès, puis de le congédier. Dans ce cas-là, on perd. Ces gens ne se présentent pas en justice. Ils tournent en rond. Ils se trouvent un autre avocat et le congédient lui aussi.

Et s'ils finissent par présenter une réponse à l'accusation le jour du prononcé de la sentence, ils demandent le retrait de leur réponse à l'accusation. Ils sont très astucieux.

Prenons un exemple bref: je me suis occupé d'un homme qui a congédié sept avocats. Il y a eu plus de 50 comparutions et 21 motions. Il a fallu quatre ans. Pouvez-vous imaginer? C'était une affaire grave, mais il était très astucieux.

La sénatrice Batters: Merci de votre présence et des services que vous rendez aux Canadiens. Vous avez soulevé d'excellents points.

J'ai commencé à pratiquer le droit au milieu des années 1990 et, à cette époque, les gens n'utilisaient pas vraiment encore le courrier électronique. Cela ne fait pas si longtemps; c'était il y a 20 ans seulement. Les choses ont vraiment changé. Merci d'avoir soulevé tous ces points. Des histoires très intéressantes et captivantes.

Je suis certaine que vous avez tous une anecdote personnelle sur ce sujet, mais je me demande si un ou deux des procureurs de la Couronne peuvent me raconter une brève expérience personnelle où ils ont eu affaire à une victime et où de graves accusations portées contre l'accusé ont dû être rejetées en raison d'une demande tardive, et leur expérience personnelle en tant que procureur de la Couronne pour ce qui est de faire affaire avec une victime.

MmeMatthews: C'est désastreux. C'est l'une des pires choses que l'on puisse avoir à faire parce que, comme je l'ai dit plus tôt, il n'y a aucune possibilité que cette affaire soit tranchée sur le fond. Il n'y a absolument aucun sentiment de justice. La victime n'a pas eu la possibilité de témoigner. Elle n'a pas eu l'occasion de raconter son expérience.

Bien entendu, c'est toujours à la fin de l'instance, alors on a fait languir la victime depuis le début et — c'est à espérer —, dans le meilleur des cas, elle a pu rencontrer la Couronne, se préparer en vue du procès, discuter du processus et peut-être même du résultat prévu.

À la fin de cette instance — et ça pourrait être deux ans plus tard —, on doit regarder cette personne dans les yeux et lui dire: «Je suis vraiment désolée, mais c'est ici que ça s'arrête.» C'est l'un des pires sentiments qui existent.

La sénatrice Batters: L'un d'entre vous aurait-il une anecdote personnelle à raconter au sujet d'une telle situation?

MmeGonet: J'en ai une bizarre. Il s'agissait d'un procès pour agression sexuelle, et le retard avait en fait été causé par la victime. Elle avait un problème cardiaque important qui l'avait obligée à subir deux interventions chirurgicales à cœur ouvert après l'arrestation. Si je me souviens bien — cela remonte à bien des années —, nous avions perdu une date d'audience préliminaire parce qu'elle avait subi une intervention chirurgicale à cœur ouvert, et nous avions perdu une ou deux dates de procès. Au bout du compte, il a fallu plus de quatre ans avant que nous obtenions un procès et qu'elle se porte assez bien pour y témoigner. C'était une personne très sympathique. Elle n'avait pas de comptes à régler. Elle ne faisait rien de méchant ou de mal, mais nous avons perdu la cause en application de l'alinéa 11b), et c'était une affaire bizarre parce que nous l'avons en fait perdue par la «faute» de la victime, et elle a été anéantie.

La sénatrice Batters: Je me demande si chacun d'entre vous pourrait nous faire part très brièvement de vos principales suggestions pratiques de procureur de la Couronne concernant la façon de réduire ces retards dans les tribunaux.

M.Woodburn: Vous avez entendu la mienne. Il serait utile de simplifier l'enquête préliminaire.

MmeMatthews: Il serait certainement utile de simplifier l'enquête préliminaire. Dans notre province, nous avons en fait très peu d'affaires qui se rendent à la Cour supérieure, à l'égard desquelles nous procédons par mise en accusation. Le nombre d'enquêtes préliminaires que nous menons n'est pas important, alors le fait de les raccourcir, de les modifier ou de les abolir, ou quelle que soit la suggestion, aura une incidence sur le délai avant le procès de ces affaires, mais je ne m'attendrais pas à observer beaucoup de conséquences sur le système en général, dans notre région.

Je conviens que certaines procédures ou pratiques administratives peuvent faire en sorte qu'on ait parfois envie de s'arracher les cheveux. On se dit tout simplement: «Comment peut-il en être ainsi? Il n'y a pas lieu que ce soit ainsi», mais il s'agit de changements administratifs.

La sénatrice Batters: Quels sont les pires qui vous viennent à l'esprit?

MmeMatthews: La communication nous pose des problèmes. Il s'agit d'une question technique pour nous. La communication par voie électronique est arrivée en Ontario. L'idée est que cela rend la communication plus efficiente. Auparavant, le mémoire allait et venait entre la division de police et le bureau des procureurs de la Couronne. La communication devrait être meilleure. Ce changement avait pour but de régler un problème, mais il en a en fait causé toutes sortes parce que les systèmes informatiques ne peuvent pas se parler. Il y a plusieurs frustrations comme celles-là qui sont d'ordre administratif.

Concernant la question que vous avez soulevée au sujet des dates d'instance fixes et des raisons pour lesquelles nous ne pouvons tout simplement pas faire cela en ligne, je pense qu'il y a également de la place pour cela, mais je suis un peu cynique quant à la mesure dans laquelle cela peut vraiment avoir une incidence sur les problèmes que nous avons. Comme je l'ai dit, ces procès se complexifient. Je dirais même qu'ils vont continuer de se complexifier et que nous ne disposons tout simplement pas des ressources humaines ou de l'infrastructure physique nécessaires pour régler ce problème.

Le président: J'ai une question rapide qui est axée principalement sur les séances de libération sous caution. Une étude a été menée au nom du gouvernement fédéral, laquelle vient tout juste d'être publiée — je pense —, il y a deux ou trois semaines, et je vais en citer un extrait:

Afin d'encourager une plus grande efficience au chapitre du traitement des affaires durant le processus de libération sous caution et de veiller à ce que l'affaire d'un accusé soit introduite dès la première audience, les dispositions du Code criminel devraient être modifiées afin qu'il soit plus difficile pour la Couronne ou pour la défense de demander un ajournement. Actuellement, le paragraphe 516(1) prévoit que, sur demande de l'une ou l'autre des parties, une audience peut être ajournée de trois jours (ou plus, moyennant le consentement de l'accusé). Cette disposition pourrait être renforcée, tout d'abord, par une déclaration selon laquelle les ajournements ne devraient être permis que dans des circonstances exceptionnelles où des éléments de preuve indiquent clairement que le fait de procéder à l'audience causerait une erreur judiciaire.

Il s'agit d'une recommandation concernant une modification à apporter au Code criminel, et il s'agit du genre de choses que notre comité a intérêt à étudier. Voulez-vous réagir à cette recommandation particulière?

M.Woodburn: Je pense que personne ne serait d'accord pour dire que nous devrions retirer les trois jours. La Couronne a beaucoup recours à cette disposition. Lorsque nous venons de recevoir un dossier, souvent, c'est plus sérieux, et nous devons étudier beaucoup d'éléments distincts. Cette modification signifierait qu'il faudrait que nous prenions nos décisions encore plus rapidement, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable pour nous, et je ne pense pas que le public veuille que nous le fassions non plus. Les trois jours ont été intégrés pour cette raison. Il ne s'agit pas du genre de choses qui, lorsque nous envisageons l'avenir... ces trois jours se transforment en retard, et cela devient un argument concernant les retards. Il importe que la Couronne dispose de ces trois jours et de la capacité de reporter une affaire, au besoin.

Le président: Que pensez-vous de l'intégration d'une certaine responsabilité dans le régime? On dit également que la partie qui demande l'ajournement pourrait être tenue, au début de l'audience ajournée, de rendre compte de l'affaire qui était la justification de l'ajournement. Est-ce que cela vous pose problème?

M.Woodburn: Nous le faisons de toute manière.

MmeMatthews: Oui.

M.Woodburn: II est important, par ailleurs, que nous ne mettions tout simplement pas une personne en détention provisoire sans réfléchir. Que cette personne soit en liberté ou en prison, nous nous sentons tout de même responsables d'elle. Si quelque chose lui arrive et que nous l'avons tout simplement placée en détention provisoire sans raison ou sans motif valable, nous allons porter ce fardeau. Personnellement, je serais inquiet si cette personne allait au centre correctionnel.

Le président: Les avocats de la défense ont-ils la même... s'agit-il d'une obligation morale? Non.

M.Woodburn: Je n'ai répondu ni oui ni non.

MmeGonet: Je voulais ajouter, si je le puis... je n'essaie pas de jeter le blâme, mais je me souviens du moment où une statistique ou une allégation — si vous voulez — a été soulevée pour la première fois. Je sais que, dans la ville de Toronto — du moins, dans mon palais de justice, qui est situé du côté ouest de Toronto —, on nous avait demandé de tenir des statistiques pendant un certain nombre de mois au sujet du nombre d'ajournements qui étaient accordés et de leurs motifs. J'ai assisté à des séances de libération sous caution et recueilli ces statistiques pendant trois mois, et la grande majorité des ajournements n'avaient en fait pas été demandés par la Couronne. Je n'essaie pas de dire que c'était la faute de la défense, de l'avocat de service ou du juge de paix, mais la grande majorité n'était pas la faute de la Couronne. Dans la grande majorité des cas, nous étions prêts, dès le premier jour, à 9 heures du matin, au moment de l'ouverture du tribunal.

Le président: Je devrais préciser que le rapport mentionne également qu'il semblerait que la cause immédiate de ces retards soit principalement l'avocat de la défense.

Vous avez parlé du fait que les ordinateurs ne communiquent pas entre eux. Il y a une ou deux semaines, nous avons accueilli un témoin du bureau du procureur général, Stratégie de modernisation du système de justice pénale. Nous avons apprécié la présence d'intervenants de première ligne. Il y a quelques années, j'ai participé à une initiative appelée «justice intégrée», cafouillage qui a coûté des millions de dollars.

MmeMatthews: Je suis heureuse de vous l'entendre dire.

Le président: S'agit-il d'une chose qui vous aide ou qui vous nuit? Que se passe-t-il en première ligne du point de vue de la technologie moderne et de la façon dont elle pourrait vous aider à réduire les délais?

MmeMatthews: C'est un couteau à deux tranchants. En Ontario, nous avons un nouveau programme appelé Scope. Il est assez nouveau, alors je ne sais pas si vous le connaissez. Il s'agit d'un mémoire électronique. L'idée est que nous pouvons accéder à tout en ligne; nous mettons toutes nos notes préalables au procès en ligne, et c'est là que se fait toute la communication. C'est un très bon outil à de nombreux égards, car nous avons un accès immédiat à l'information quand nous sommes dans la salle d'audience ou à notre bureau, alors que, par le passé, il était très difficile de faire le suivi des renseignements. Nous pouvons voir ce qui se passe dans une autre administration relativement au même accusé. Cet outil comporte beaucoup de bons aspects, mais il exige beaucoup de travail, et cela retombe en grande partie sur les procureurs de la Couronne. Il était beaucoup plus facile de simplement gribouiller nos notes dans le mémoire et de le verser au dossier. Il faut beaucoup de temps pour remplir les formulaires de conférence préparatoire judiciaire au moyen de ce programme.

Une partie de ce travail pourrait être une courbe d'apprentissage, mais je pense qu'à Toronto, nous l'utilisons depuis plus de deux ans, alors nous avons passé la courbe d'apprentissage, selon moi. Le travail devrait vraiment être fait par du personnel de soutien. Il ne devrait pas empiéter sur le temps des procureurs de la Couronne, car eux devraient se concentrer sur la poursuite et sur la préparation de leur affaire, pas sur l'entrée de données. L'outil comporte des avantages et des inconvénients.

Le président: Les témoins ont accepté de rester pour 10 minutes de plus, alors si d'autres sénateurs ont des questions rapides, ainsi que des réponses ponctuelles, nous allons commencer par la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer: J'ai une question très rapide pour vous. Au début de nos audiences sur cette question, nous avons accueilli — je pense — deux procureurs de la Couronne fédérale, et je leur ai posé une question au sujet des gens qui ne sont pas représentés. Ils m'ont donné l'impression — et mes collègues me corrigeront si je me trompe — qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un problème parce que l'aide juridique s'occupait assurément des affaires pénales. Cela ne correspond pas à mon expérience et aux discussions que j'ai eues avec d'autres avocats ou avec des juges dans ma propre province. Beaucoup de gens ne sont pas représentés.

Je me demandais seulement — en pourcentage —, à peu près combien pourriez-vous en voir par jour? Pouvez-vous le dire?

M.Woodburn: Je ne pourrais pas vous donner de chiffres.

La sénatrice Jaffer: Mais y en a-t-il beaucoup qui ne sont pas représentés?

M.Woodburn: Il y en a suffisamment pour que nous le remarquions, et cela fait partie des choses que l'on remarque vraiment.

La sénatrice Jaffer: L'aide juridique ne protège-t-elle pas tout le monde?

MmeMatthews: Non.

M.Woodburn: Les gens peuvent y avoir recours. Certaines personnes choisissent de ne pas le faire. Lorsque nous parlons de ressources, cela s'applique également à l'aide juridique. En ce qui concerne la pile de notes sur le bureau, toutes les administrations où l'aide juridique est offerte sont tout aussi occupées que nous le sommes — des piles de dossiers —, et nous travaillons plus dur que jamais à certains égards. Certaines personnes font trop d'argent pour être représentées par l'aide juridique; elles se trouvent dans une situation où elles ne font pas assez d'argent pour obtenir un avocat privé, mais elles n'ont pas droit à l'aide juridique. Je sais que certains avocats de l'aide juridique les représentent quand même.

Toutefois, certaines personnes choisissent de se représenter elles-mêmes, et elles mettent vraiment des bâtons dans les roues du processus.

Le sénateur White: Concernant la question de l'accès, nous avons mené au Yukon, lorsque j'y étais avec la GRC, un projet pilote dans le cadre duquel nous avons permis à la Couronne d'accéder à notre système de gestion des dossiers. L'initiative n'a jamais dépassé l'étape du projet pilote. Les procureurs de la Couronne, à l'échelon fédéral, n'étaient pas à l'aise avec cette façon de faire.

Je n'ai pas compris quel était le problème. Les systèmes de gestion des dossiers qui ont été mis au point au milieu des années 1990 et jusqu'en 2007 avaient pour but de permettre aux procureurs de la Couronne, à un moment donné, d'avoir accès à tous les dossiers... pas au système, mais à tous les dossiers d'enquête. Vous y avez accès lorsqu'on vous les envoie de toute manière, alors pourquoi ne pourriez-vous pas y accéder depuis votre bureau au lieu d'appeler l'agent un tel qui fait le quart de nuit, de lui poser la question et d'espérer qu'il vous réponde durant ses quatre prochains jours de travail?

M.Woodburn: Je serais d'accord pour qu'on y ait accès.

Le sénateur White: Faites en sorte qu'il en soit ainsi.

M.Woodburn: Même si on l'envisage de cette façon, et, dans chaque grand bureau de procureurs de la Couronne, il y a un représentant de la police qui peut y accéder. Nous le faisons parfois. Notre responsable du tribunal de la jeunesse, par exemple, a la capacité d'entrer dans le système et de consulter les dossiers. Cet accès facile est extrêmement précieux. Même si nous disions: «D'accord, écoutez. Si nous avons les ressources nécessaires, nous allons affecter à votre bureau une des personnes qui sont capables d'effectuer des vérifications sur des personnes dans le système du CIPC et d'accéder au système de la GRC.» Ce serait extrêmement utile.

La sénatrice Baker: J'ai une question à poser. Je l'ai déjà posée, alors vous savez de quoi il s'agit. J'aimerais obtenir une réponse. Cela fait un bout de temps que j'essaie d'obtenir une réponse à cette question.

Avant que je la pose, la sénatrice Batters vous a demandé si vous aviez vécu une expérience mémorable relativement à l'alinéa 11b). M.Woodburn ne voulait pas se vanter, mais il a remporté des causes contre l'argument de l'alinéa 11b), où le procès s'était déroulé sur une période de trois ans et demi, et il a dit: «Non. L'affaire doit être instruite sur le fond», et il a obtenu gain de cause. Je l'ai juste ici.

M.Woodburn: L'affaire fait l'objet d'un appel.

La sénatrice Baker: Ma question est la suivante: la personne fait l'objet de plusieurs chefs d'accusation. Elle a choisi de se rendre à la Cour suprême, par voie de mise en accusation. Certains des chefs d'accusation sont exclusivement de compétence provinciale, et vous avez décidé — madame Matthews — de procéder par voie sommaire. Ainsi, deux procès ont lieu, lesquels sont fondés sur les mêmes faits et lient les mêmes personnes et la même salle d'audience.

Ne seriez-vous pas d'accord pour que nous puissions formuler une recommandation selon laquelle si le choix est fait, c'est là que tous les chefs d'accusation seront instruits, par procédure sommaire ou par mise en accusation?

MmeMatthews: À première vue, je ne vois pas pourquoi... chaque fois qu'il y a chevauchement des procédures et que l'on présente deux fois les mêmes éléments de preuve, cela n'a aucun sens. Nous formulons les mêmes arguments au moment où il est question de plaider une cause à l'audience préliminaire, puis nous la plaidons de nouveau. Cela n'a aucun sens.

C'est très petit. En fait, seule une situation dans ma pratique me vient à l'esprit...

La sénatrice Baker: Oh, j'ai lu beaucoup de jurisprudence à ce sujet. Compte tenu de votre expérience, vous choisissez probablement d'y aller par mise en accusation relativement à l'infraction mixte.

MmeMatthews: Oui, je pense que c'est ainsi que nous avions procédé.

La sénatrice Baker: Ce n'est pas la bonne façon de procéder.

MmeMatthews: Mais nous avons tout gardé...

La sénatrice Baker: Alors, vous ne seriez pas d'accord pour que nous formulions cette recommandation?

MmeMatthews: Je vais me garder une réserve en disant que je n'y ai pas beaucoup réfléchi. Toutefois, à première vue, je pense qu'il est logique de réduire le double emploi des procédures chaque fois qu'on le peut.

La sénatrice Batters: Merci beaucoup. Durant les témoignages de témoins précédents, nous avons entendu parler du fait que les accusations de conduite avec facultés affaiblies semblent créer un engorgement important dans le système. Je suis certaine que vous le constatez également, car nous avons observé à l'échelle du pays de nombreux délais dans les cas d'accusations pour conduite avec facultés affaiblies. Bien entendu, ces accusations sont si nombreuses que c'est tout simplement un multiple de cela.

Pour ce qui est des accusations pour conduite avec facultés affaiblies précisément, est-ce que chacun des procureurs de la Couronne pourrait nous expliquer brièvement ce qu'il proposerait comme principale solution pratique qui permettrait de réduire les délais relatifs à ces accusations?

M.Woodburn: Arrêter de servir de l'alcool au centre-ville. Je vis au centre-ville. Je peux marcher.

La sénatrice Batters: Seulement à Halifax?

M.Woodburn: Seulement à Halifax.

Il est très difficile de vous donner quelque chose qui, en soi, réduira les délais liés à la conduite en état d'ébriété, car les accusés ont droit à des réponses et à une défense complètes et il y a là beaucoup de matière.

La sénatrice Batters: C'est vrai. Par contre, qu'en est-il de la défense technique, comme la défense des deux bières et des choses comme ça?

M.Woodburn: La défense Carter a été retirée il y a deux ou trois ans; elle ne ralentissait pas du tout les choses, et il s'agissait d'une défense majeure. Comme les avocats sont créatifs, ils en ont trouvé de nouvelles.

L'une des raisons pour lesquelles les accusations de conduite en état d'ébriété sont si abondantes, c'est qu'elles visent également des gens de la classe moyenne. Toute la jurisprudence a été établie parce que les gens de la classe moyenne et de la classe supérieure — je vais le dire, simplement — ont l'argent nécessaire pour se défendre dans ce genre d'affaires. Si les gens qui commettaient des vols à l'étalage avaient autant d'argent que ceux qui conduisent avec les facultés affaiblies, la quantité de jurisprudence concernant le vol à l'étalage serait équivalente.

Voilà où se trouve le problème. Les gens ne veulent pas être condamnés au criminel, et ils ne veulent pas perdre leur permis pour un an. Mais il s'agit du moyen de dissuasion; c'est le genre de choses qui empêche les gens de monter dans leur voiture. Bien des gens le font tout de même, mais c'est ce qui empêche tous les autres qui pourraient monter dans une voiture de le faire. «Je ne monte pas dans ma voiture. Je vais perdre mon permis; je vais recevoir une amende, et j'aurai un casier judiciaire.»

Le président: Je vais donner au sénateur Joyal la possibilité de poser une question très brève.

Le sénateur Joyal: Y a-t-il un roulement important chez les procureurs de la Couronne en ce qui a trait aux effectifs?

MmeMatthews: Non, il n'y en a pas dans notre province.

M.Woodburn: Ne dites pas à nos patrons que nous adorons notre travail.

MmeMatthews: J'allais dire qu'il s'agit davantage d'un problème de main-d'œuvre, mais nous faisons souvent face à ce genre de situation: «Eh bien, personne ne part, alors ça ne peut pas être si mal». La vérité, c'est que les gens qui font ce genre de travail le font parce qu'ils y croient vraiment. Il n'y a pas d'autre endroit que le SPPC. Si on veut être procureur et travailler dans l'intérêt du public dans ce domaine, c'est l'employeur par excellence. Il s'agit du seul endroit où travailler, et nous adorons vraiment cet employeur. Nous lui sommes dévoués, et nous y restons.

Mais je n'associerais pas les deux; je ne dirais pas que l'absence de roulement équivaut à des conditions de travail idéales.

Le président: Merci beaucoup à tous. Je vous suis reconnaissant de vous être présentés et d'avoir attendu un peu plus longtemps parce que la séance a commencé en retard. Nous apprécions beaucoup votre témoignage utile.

M.Woodburn: Merci beaucoup de nous avoir accueillis.

MmeMatthews: Merci beaucoup.

Le président: Chers collègues, vous avez tous reçu certains documents qui vous ont été distribués concernant un plan de travail — si on veut — pour les déplacements et un budget qui s'y rattache. Nous allons tenir une discussion générale à ce sujet. J'espère que vous avez tous eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil.

Je vais lancer la discussion à ce sujet. Mesdames les sénatrices Batters et Jaffer, est-ce que l'une de vous veut prendre les devants?

La sénatrice Jaffer: Nous avons travaillé là-dessus. Bien entendu, la greffière a travaillé sur les chiffres, et nous avons travaillé sur un plan de voyage en nous fondant sur ce que nous avions entendu dire au sujet du fait que nous voulions aller à Toronto dans le cadre d'un voyage distinct, faire un voyage distinct à Montréal, puis à Vancouver, à Calgary et à Saskatoon. Calgary est un sujet que nous pouvons aborder. Ensuite, nous parlerons de Halifax.

Je dois vous faire part de mon parti pris. J'ai parlé aux juges en chef et aux gens de ma province, et ils sont très enthousiastes. Si nous allons à Vancouver, il est prévu que nous assistions à des affaires de détention provisoire dans un tribunal consacré en matière de drogues et dans un tribunal communautaire, et nous allons également entendre l'opinion des gens qui travaillent dans ces systèmes. Je pense que nous obtiendrons une expérience pratique de ce que nous entendons.

La sénatrice Batters: Mon parti pris est pour la Saskatchewan. Mais il y a des aspects vraiment novateurs dont nous a un peu parlé le sous-ministre de la Justice lorsqu'il a témoigné par vidéoconférence. Il a parlé de l'innovation de la Saskatchewan que sont les tribunaux parallèles, dont je me souviens avoir entendu parler lorsque j'étais chef de cabinet du ministre de la Justice, il y a quatre ou cinq ans. J'ai présumé qu'il s'agissait d'une initiative qui était mise en œuvre à l'échelle du pays. Puis j'ai entendu dire que non, que les gens de l'Ontario ne la connaissent pas, que les autres gens ne semblent pas en avoir entendu parler. Je pense qu'il pourrait s'agir d'une innovation dont le comité pourrait rendre compte et pourrait informer les autres provinces et territoires.

Il y a plusieurs autres types d'innovations, et c'est ce que nous allons découvrir au sujet de ces innovations... en nous rendant dans ces salles d'audience et en rencontrant ces intervenants de première ligne directement. Je pense qu'il s'agit d'un exercice précieux et d'une période relativement limitée, par ailleurs, puisque nous pouvons effectuer des voyages d'une journée à Montréal et à Toronto, puis un voyage juste un peu plus long pour l'Ouest.

Le président: Quelqu'un souhaite participer?

La sénatrice Baker: J'ai remarqué que, selon la liste, nous n'allons pas dans l'Est, n'est-ce pas?

Le président: Non.

Le sénateur White: Je pense que nous devons consacrer une journée à la justice réparatrice, à Halifax. Entendre les déclarations d'un témoin ou deux par vidéoconférence ou en personne, c'est bien, mais, si on voit le travail qu'ils ont fait — même avec le chef de police, M.Blais, à Halifax, qui l'a vraiment adoptée —, je pense qu'il nous serait utile de constater qu'il y a une autre façon de faire.

Le président: Ce voyage n'a pas été intégré dans le budget.

Le sénateur White: Je sais. Je voudrais qu'il remplace le voyage en Saskatchewan.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur McIntyre: Et nous pourrions passer à Moncton.

Le président: Nous pourrions peut-être retirer Calgary. Nous avons tenu des discussions à ce sujet.

Le sénateur White: Cela nous laisserait de la place pour la côte Est. Ce n'est pas qu'une question de géographie, n'est-ce pas?

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais j'ai un peu de difficulté à comprendre la recherche de faits à Montréal... le Barreau de Montréal, un Jeune Barreau et l'Association des avocats de la défense de Montréal. Lequel de ces barreaux pouvons-nous inviter à comparaître, par vidéoconférence ou en personne?

Il me semble que la recherche de faits sur ces barreaux n'est pas... nous ne cherchons pas à connaître les conditions de détention. Si nous enquêtions sur les prisons, je dirais que je veux visiter l'endroit, mais ce n'est pas le même niveau de recherche de faits. Il s'agit davantage d'une analyse du système.

Encore une fois, je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais le Centre d'aide aux victimes d'actes criminels... nous entendons le point de vue de représentants des victimes qui comparaissent ici depuis je ne sais combien d'années. Nous pouvons les inviter à venir témoigner. Je ne vois pas en quoi l'arrivée de 20 d'entre nous là-bas... qu'apprendrons- nous de plus que si nous invitions ces personnes ici ou si nous organisions quelque chose par vidéoconférence?

Encore une fois, je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais je ne suis pas convaincu que, si nous sommes 12 — ou je ne sais combien —, nous obtiendrons plus d'information que si nous les écoutions et tenions une discussion ici.

Le président: Je partage votre scepticisme, mais ceux qui ne le partagent pas sont peut-être plus nombreux que nous.

La sénatrice Batters: À ce sujet, je pense que notre greffière et nos analystes ont constaté, en organisant la comparution de témoins devant le comité,... n'avons-nous pas constaté à de nombreuses occasions que des témoins du Québec n'étaient pas disposés à venir témoigner à Ottawa?

Jessica Richardson, greffière du comité: Seulement les témoins du gouvernement provincial. Nous n'obtenons même pas de réponse. Le juge saisi... ce n'est pas considéré comme étant approprié.

J'attends encore une réponse aux invitations envoyées à des personnes et à des organisations du secteur privé. Jusqu'ici, la seule personne privée qui a décliné l'invitation est un avocat. Il sera à la Cour d'appel ce jour-là, et je n'ai pas eu l'occasion de faire le suivi auprès de lui pour savoir s'il est disponible un autre jour.

Jusqu'ici, le seul qui ne veut tout simplement pas nous répondre, c'est le gouvernement.

La sénatrice Batters: Mon point de vue sur ce sujet... en tant que comité... Je travaille là-dessus depuis trois ans — depuis mes débuts — et nous n'avons pas eu la possibilité de mener même une étude. Une grande partie de notre travail de sénateur consiste à représenter les régions de notre pays, et je pense que ce travail a de la valeur, surtout lorsqu'il s'agit de quelque chose comme ceci, qui a une incidence sur toutes les régions du pays; en outre, les problèmes ou les solutions — ou les deux — de tous ces endroits sont différents. Je pense qu'il est vraiment utile de se rendre sur place, d'en faire l'expérience, de se rendre dans deux ou trois salles d'audience, de visiter certains de ces endroits et de voir ce qui s'y passe plutôt que de seulement en entendre parler par une personne qui pourrait être à l'échelon supérieur d'une organisation canadienne.

La sénatrice Baker: Monsieur le président, nous allons procéder en un groupe de voyages, et nous produirons un rapport provisoire. Qu'est-ce qui nous empêche de poursuivre cette initiative plus tard, à l'automne, de visiter d'autres provinces et de produire un rapport final au printemps prochain? Nous pourrions alors dire que nous avons visité chaque province. C'est excellent de pouvoir dire cela, parce que chaque province a des règles différentes. Elles ont toutes le même problème; aucune n'est exclue de la jurisprudence récente concernant l'alinéa 11b) établie au cours des six derniers mois. Aucune province n'est exclue. Des affaires ont été rejetées dans toutes les provinces. Ainsi, il n'y a pas de système idéal, mais leurs tribunaux sont régis par des règles différentes, et la police applique des règles différentes. Nous pourrions faire ce groupe de voyages comme première partie, rédiger notre rapport provisoire, puis produire le rapport final et nous rendre dans chaque province.

Le sénateur White: Pour être honnête, je n'ai pas voyagé avec un comité depuis quatre ans, alors je ne suis pas certain de la manière dont cela fonctionne. Y a-t-il quoi que ce soit qui nous empêche de séparer le comité en deux et qu'une partie aille dans l'Est ou l'autre, dans l'Ouest, au lieu que tout le monde aille partout?

Le président: Je vais devoir poser la question à la greffière. Je n'ai effectué aucun voyage depuis mon arrivée, alors je dois consulter la greffière pour obtenir des conseils à ce sujet.

MmeRichardson: Pas si vous allez tenir des audiences publiques, car cela devient difficile d'un point de vue procédural. Si vous effectuez seulement une recherche de faits, par le passé — je parle d'il y a 10 ans —, des comités l'ont fait. D'un point de vue logistique, il est difficile pour moi, en tant que greffière, de prendre toutes les dispositions. Avec qui est-ce que je voyage? Si vous allez tenir des audiences publiques, alors non, ça serait impossible.

Le sénateur White: D'accord. Alors, je reviens à l'idée que tout le monde va partout.

[Français]

Le sénateur Boisvenu: Pour faire suite aux propos du sénateur Joyal, lorsque je siégeais au sous-comité directeur, nous avions de la difficulté à faire déplacer les gens du Québec pour qu'ils participent à notre comité, surtout les officiers du ministère de la Justice du Québec.

L'autre élément qui justifie notre présence à Montréal, d'abord, c'est qu'il s'agit de la province où les délais sont les plus longs. Si nous nous présentons à Montréal, sans prendre un ton accusateur, je crois qu'il sera un peu gênant pour eux de ne pas témoigner devant notre comité. À mon avis, ce dossier est stratégique pour le Québec.

Lorsque nous constatons que les délais sont cinq fois plus courts dans les Maritimes qu'au Québec, je crois qu'il y a là une particularité qui mérite notre présence à Montréal.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer: Pour répondre à ce que disait le sénateur Joyal, nous pouvons faire en sorte que des témoins viennent ici. Depuis toutes les années que je suis sénatrice, nous faisons presque toujours venir le même genre de personnes. C'est presque comme s'il s'agissait de témoins professionnels qui comparaissent devant nous.

Je suis une personne visuelle, et je crois que, si nous nous rendions à un endroit, nous pourrions voir de nos propres yeux ce qui se passe. Les gens retiennent l'information de ce qu'ils entendent et de ce qu'ils voient, et je crois qu'il serait très utile que nous sortions pour rencontrer des gens qui ne peuvent habituellement pas venir ici et nous faire une idée de ce qui se passe partout au pays.

J'appuie les propos du sénateur Baker. Nous ne sommes pas obligés de tout faire. Nous pouvons effectuer des voyages plus courts. Nous pouvons aller, disons, à Toronto et à Montréal durant la session en cours, puis à Vancouver. Nous ne sommes pas obligés de tout faire, mais nous devrions considérer cela comme une étude à long terme et, comme nous l'avons dit auparavant, rédiger un certain nombre de rapports provisoires à mesure que nous menons notre étude.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires à ce sujet?

Le sénateur McIntyre: Je me fais l'écho des commentaires formulés par le sénateur Baker et la sénatrice Jaffer. Je suis d'accord avec le sénateur Joyal dans une certaine mesure, mais nous ne sommes pas obligés de tout faire maintenant, durant la session en cours. Je pense que nous devrions en faire une partie maintenant, puis une autre plus tard, à l'automne. Ça serait une idée, selon moi. Nous pourrions peut-être mettre Montréal en attente, effectuer les voyages à Toronto et à Vancouver pour le moment, puis, si nous décidons que nous allons à Montréal, nous le ferons plus tard.

Le président: D'accord. Je pense qu'on semble s'entendre pour aller de l'avant à cet égard, avec une modification liée à l'inclusion de Halifax dans le budget que nous présentons à la régie interne. La greffière me mentionne que nous n'allons pas obtenir d'approbations budgétaires qui nous permettront de voyager en avril, alors nous ne pouvons pas envisager de voyage avant mai.

À la prochaine séance, nous aurons reçu un budget révisé contenant les modifications dont nous avons discuté aujourd'hui.

(La séance est levée.)

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