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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 7 - Témoignages du 20 avril 2016


OTTAWA, le mercredi 20 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis désolé, nous avons un peu de retard. Je soupçonne que quelques membres continueront d'arriver, mais bonjour tout de même. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux invités et aux membres du grand public qui suivent les délibérations d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Plus tôt cette année, le Sénat a autorisé le comité à examiner, en vue d'en faire rapport, les questions relatives aux retards dans le système de justice pénale du Canada et la façon dont le gouvernement du Canada et le Parlement peuvent remédier à ces retards. Il s'agit de notre treizième réunion dans le cadre de l'étude.

Durant la première heure, nous accueillons Alexander Simpson, chef de la psychiatrie légale du Centre de toxicomanie et de santé mentale, Louise Bradley, présidente et chef de la direction, et Patrick Baillie, psychologue, Services de santé de l'Alberta, de la Commission de la santé mentale du Canada.

Docteur Simpson, je crois comprendre que vous allez commencer et que nous passerons ensuite à Mme Bradley.

Dr. Alexander Simpson, chef de la psychiatrie légale, Centre de toxicomanie et de santé mentale : Merci, monsieur le président, et merci beaucoup au comité de me donner l'occasion de m'adresser à lui. Je tiens aussi à vous remercier de l'intérêt que vous portez à cette question et de votre souhait de rencontrer des représentants du secteur des soins de santé mentale pour aborder la question de la santé mentale et des lois qui, selon nous, ont un impact sur ces problèmes.

Mes qualifications et les rôles que j'ai joués sont décrits. J'ai œuvré dans le domaine des systèmes de santé mentale judiciaire en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Royaume-Uni et — pendant six ans — ici, au Canada. D'après mon expérience, les retards — par exemple, ceux liés aux décisions de non-responsabilité criminelle — sont plus importants ici que dans toute autre administration que je connaisse.

Bien sûr, ces délais sont des périodes de traitement et des occasions de réadaptation perdues et entraînent des retards pour les victimes et les autres personnes qui s'intéressent aux questions judiciaires et qui veulent que les cas soient réglés. L'intérêt que le comité porte à cet enjeu est pertinent.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles des personnes qui affichent de graves troubles mentaux ont des démêlés avec le système de justice pénale, y compris la disponibilité de drogues à mauvais escient — un problème local actuellement —, la pauvreté, de piètres conditions de logement et un mauvais soutien social dans le cadre des services de santé mentale, ce qui fait en sorte que beaucoup de personnes passent entre les mailles du filet ou ne bénéficient jamais du suivi en santé mentale dont ils ont besoin et entraîne des problèmes d'accès en matière de services de santé mentale, soit parce que ces services ne sont pas disponibles, soit en raison des comportements provoqués par l'affection.

Par conséquent, beaucoup de personnes atteintes de graves maladies mentales affichent des symptômes actifs et traitables, mais ne peuvent pas ou ne veulent pas avoir accès au traitement dont elles ont besoin pour améliorer leur bien-être et renforcer leur capacité de fonctionner. Lorsque ces personnes adoptent des comportements perturbés plus ou moins graves, elles peuvent faire l'objet d'accusations criminelles devant les tribunaux.

Les symptômes actifs de la maladie peuvent aussi miner la capacité d'une personne d'assurer sa défense, de retenir les services d'un avocat ou de prendre des arrangements pour présenter des demandes de cautionnement. Les problèmes que connaît une personne durant le procès et les conditions de détention peuvent empirer son état mental. Il n'est pas rare qu'un avocat ait de la difficulté à obtenir des directives sur la marche à suivre ou que des défendeurs qui ne vont pas bien congédient leur avocat, ce qui retarde encore plus les procédures.

Au CTSM, nous avons commencé à offrir un nouveau service clinique appelé Service d'intervention médicolégale précoce dans le Centre de détention du sud de Toronto, où nous tentons d'identifier toutes les personnes en détention provisoire atteintes de graves maladies mentales. Durant la première année d'activités — l'année dernière —, nous avons reçu 1 200 renvois de la prison dans le cadre de ce service. Même si l'état de beaucoup de ces personnes n'était pas assez grave pour exiger notre participation continue, notre participation continue était nécessaire dans beaucoup d'autres cas. À un moment donné, environ 6 p. 100 de la population permanente de cette prison affichaient de graves problèmes mentaux pouvant miner leur capacité de fournir des directives à leur avocat ou leur permettant d'être admissibles à un verdict de non-responsabilité criminelle. Ce n'est donc pas un problème mineur.

De multiples formes de services ont été offertes aux personnes atteintes de graves maladies mentales qui se retrouvent devant les tribunaux, y compris des services de soutien devant les tribunaux pour les personnes cernées par les tribunaux, des services de déjudiciarisation, des tribunaux de la santé mentale et des services de liaison avec les tribunaux. Je crois comprendre que les membres du comité se rendront sur place pour observer certains de ces services, ce qui est fantastique.

Tous ces services sont importants parce qu'ils aident les personnes atteintes de troubles mentaux à renouer avec les mesures de soutien et les services de traitement communautaires dont elles ont besoin, mais il y a tout de même d'importants problèmes.

Même si les services susmentionnés sont offerts dans de nombreux endroits, il n'y a aucune couverture générale. Nous ne savons pas dans quelle mesure les services sont complets à l'échelle du pays, ni, en fait, au sein des différentes provinces. Pour le dire autrement, on est en droit de se demander si la possibilité d'avoir accès à un service de déjudiciarisation est uniforme, peu importe le tribunal, ou si l'accès dépend en fait du contexte. Par exemple, nous mesurons les programmes de déjudiciarisation en fonction du nombre de personnes qui en bénéficient et non en fonction du pourcentage de personnes qui en ont besoin et qui en bénéficient.

C'est la même chose pour la disponibilité des autres services liés aux tribunaux. Les tribunaux ne procèdent pas de façon uniforme à des évaluations de la santé mentale pour cerner les troubles mentaux, et l'interprétation des lois sur la vie privée fait parfois en sorte qu'il est difficile pour les cliniciens qui travaillent pour les tribunaux de communiquer avec les services de santé locaux pour parler de leurs éventuels clients qui ont des démêlés avec la justice.

On compte maintenant un grand nombre de tribunaux de la santé mentale partout au pays, mais encore faut-il que la personne, son avocat ou la Couronne en fassent la demande. À l'opposé, les services de liaison avec les tribunaux tentent activement d'évaluer et de trouver les personnes atteintes de graves maladies mentales qui ont des démêlés avec la justice. De plus, les tribunaux de la santé mentale existants découlent d'initiatives locales et d'une coordination locale des services, ce qui signifie que des modèles différents ont été adoptés et que l'accès à la justice n'est pas uniforme d'un endroit à l'autre.

Il y a beaucoup de solutions potentielles à ces problèmes, et je suis sûr que vous les découvrirez pendant vos travaux. Je vais seulement mentionner une solution.

Les programmes de liaison avec les tribunaux sont des programmes offerts par des fournisseurs de services en santé mentale, et il s'agit, selon moi, du modèle le plus efficace pour identifier les personnes atteintes de graves maladies mentales qui se retrouvent devant les tribunaux. En Nouvelle-Zélande, chaque cour de district qui reçoit de nouveaux cas bénéficie des services d'un ou de plusieurs infirmiers autorisés dans le domaine de la santé mentale. Ces intervenants examinaient les listes des personnes qui comparaissaient devant le tribunal, y cherchant des noms qu'ils connaissaient et acceptant les renvois des conseils, des services de police, des membres de la famille et des défendeurs eux-mêmes. Ils fournissaient des évaluations officieuses directement au tribunal au sujet du besoin de soins immédiats ou du besoin d'avoir recours à des services d'évaluation médicolégale et aidaient le tribunal à prendre des décisions relativement au cautionnement. Ces intervenants peuvent aussi aider les tribunaux à prendre les décisions touchant le cautionnement et l'hospitalisation. La couverture de ces services de liaison avec les tribunaux garantit que chaque cour de district et — par rotation — tous les autres tribunaux secondaires bénéficient d'un accès uniforme à des services de santé mentale.

Cette solution est un peu différente des tribunaux de la santé mentale, qui sont une création du système de justice pour composer avec les défendeurs qui ont des troubles mentaux. Les services de liaison avec les tribunaux représentent la dernière occasion pour les services de santé mentale d'avoir accès aux personnes qui ont peut-être besoin de soins et, de là, de les aider lorsqu'elles se retrouvent devant les tribunaux. Je vous recommande vivement de bien réfléchir à ce type de service, qui pourrait s'ajouter aux tribunaux spécialisés en santé mentale ou constituer éventuellement un modèle différent.

L'expérience internationale en milieu judiciaire et carcéral confirme que certaines personnes qui affichent de graves maladies mentales veulent parfois éviter tout contact avec des fournisseurs de services ou ne savent pas de quelle façon y avoir accès. Ces personnes souffrent beaucoup et engendrent une immense détresse chez leur famille et d'autres membres de la collectivité. La capacité de réaliser de façon urgente et immédiate des évaluations et de fournir sans délai des traitements à ces personnes est cruciale, non seulement pour répondre à leurs besoins en matière de santé, mais aussi pour assurer l'administration de la justice.

Les possibilités de détection précoce devant les tribunaux — que ce soit grâce au modèle de service de liaison avec les tribunaux que j'ai décrit, ou, en prison, dans le cadre d'un programme comme le service d'intervention médicolégale précoce — sont des exemples de participation positive des fournisseurs de services de santé mentale pour détecter des cas problématiques le plus rapidement possible et offrir une assistance connexe. La détection précoce et la prestation de traitements durant les processus judiciaires peuvent permettre de réduire les retards qui préoccupent le comité.

Ces problèmes sont certes complexes, mais ils ne constituent qu'un petit volet du cadre général d'administration de la justice. Cependant, la vulnérabilité des personnes atteintes de graves troubles mentaux qui se retrouvent devant les tribunaux devrait être un enjeu très préoccupant pour les membres du comité.

Je vous remercie de m'avoir permis de formuler ces quelques commentaires et observations à votre intention. Je serai heureux de répondre à vos questions après les exposés de mes collègues.

Louise Bradley, présidente et chef de la direction, Commission de la santé mentale du Canada : Merci beaucoup de m'avoir invitée à participer à cet important dialogue.

Nous discutons d'un enjeu qui me tient beaucoup à cœur. J'ai passé une bonne partie de ma carrière professionnelle dans les domaines médicolégal et correctionnel, où je fournissais des soins de santé. Nous savons qu'un nombre disproportionné de personnes dans notre système pénal ont des troubles de santé mentale ou des maladies mentales. Ces personnes sont souvent affublées d'un titre aussi malheureux que stigmatisant, soit celui d'être des « fous furieux ». Elles se retrouvent dans un système qui n'a pas les outils nécessaires pour composer avec leurs problèmes personnels.

Puisque, aujourd'hui, nous nous intéressons aux enjeux liés aux retards dans le système judiciaire, j'ai invité M. Patrick Baillie à se joindre à moi. M. Baillie a travaillé comme psychologue auprès de services de santé mentale et communautaire et comme psychologue consultant auprès du Service de police de Calgary. Il a aussi été l'estimé président de notre Comité consultatif sur la santé mentale et il continue d'être membre du comité consultatif de la commission. Dans le passé, il a été conseillé juridique pour la cour provinciale de l'Alberta, ce qui signifie, essentiellement, que, en tant qu'avocat, il prodiguait des conseils et fournissait des recherches aux juges. Il a été pour moi et pour la commission une ressource inestimable.

M. Baillie vous offrira un aperçu de la façon dont nous pouvons aborder la question des retards dans le système de justice du point de vue de la santé mentale, premièrement, en fonction de la surpopulation dans les centres de détention provisoire et, deuxièmement, en fonction du besoin d'accroître les ressources dans ces centres. En effet, les ressources accessibles dans ces centres sont plus limitées que dans les prisons et les pénitenciers, ce qui signifie que les occasions de traitement sont très rares.

Je crois que nous pouvons tous convenir que renvoyer quelqu'un dans la collectivité sans qu'il ait bénéficié de services de réadaptation n'améliore en rien la sécurité publique et n'aide assurément pas le délinquant en question ni la famille qu'il retrouve une fois de retour dans la collectivité. Il est inconcevable que nous retournions quelqu'un dans la collectivité avec encore plus de problèmes de santé mentale qu'au moment de son entrée dans le système.

Patrick Baillie, psychologue, Services de santé de l'Alberta, Commission de la santé mentale du Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de l'invitation qui nous a été faite.

Je veux revenir rapidement sur deux ou trois commentaires de Mme Bradley. En tant que psychologue, je travaille dans le cadre d'un programme pour les malades externes. Le programme reçoit environ 1 200 renvois par année et compte 23 employés en tout. Nous fournissons des services de bureau à ces personnes dans la collectivité et nous interagissons avec des personnes sous garde dans un centre de détention provisoire par l'intermédiaire d'une équipe de transition vers les tribunaux pour les soutenir en vue de leur éventuelle remise en liberté dans la collectivité.

Je veux revenir sur quelque chose qu'a dit votre premier témoin dans le cadre des présentes audiences. Le juge LeSage a indiqué qu'une grande proportion des personnes qui ont des démêlés avec le système de justice sont pauvres, toxicomanes, sans abri ou souffrent d'une maladie mentale. Bien sûr, certaines personnes affichent ces quatre caractéristiques en même temps. Ce sont ces personnes qui ont le plus de difficulté à obtenir leur remise en liberté.

Par conséquent, puisqu'il est question des retards dans le système de justice, les membres de ce groupe sont susceptibles de passer beaucoup trop de temps en centre de détention provisoire.

Je vais vous donner un exemple simple et j'assume ma responsabilité dans ce dossier parce que j'y ai participé. Il y a deux ou trois semaines, un procès a commencé à Calgary relativement à un homicide qui a lieu il y a près de deux ans. Un homme a été battu dans une ruelle par un groupe de jeunes. Trois des jeunes ont été accusés de meurtre au deuxième degré, et un jeune a été accusé de meurtre au premier degré; on parle donc des infractions parmi les plus violentes du Code criminel. Ces quatre jeunes ont été remis en liberté sous caution peu de temps après leur arrestation. On peut se demander s'il était approprié de leur accorder une libération sous caution en premier lieu, mais ces quatre jeunes gens ont été libérés en partie parce qu'ils venaient de familles bien établies dans la collectivité et ils ont pu obtenir les services d'un avocat et bénéficier d'évaluations d'expert et fournir des renseignements au tribunal selon lesquels ils étaient susceptibles d'être un risque gérable.

Les familles ont fourni d'importantes cautions, affirmant qu'elles bénéficiaient d'une très bonne réputation dans leur collectivité et qu'elles n'allaient pas la compromettre en laissant les jeunes violer les conditions du cautionnement, qu'elles pouvaient leur fournir un logement et, en fait, un emploi advenant qu'ils soient libérés dans la collectivité.

Un délinquant présumément violent peut donc se voir accorder une libération sous caution en raison du soutien dont il bénéficie dans la collectivité. Ce que le Dr Simpson et moi constatons, c'est que, à l'autre bout du spectre, des personnes accusées d'infractions contre les biens ou d'infractions administratives et qui ont peut-être des problèmes de santé mentale et qui, par conséquent, reçoivent une aide financière gouvernementale, peuvent très bien vivre dans la rue ou dans un centre d'hébergement de dépannage et ne pas être en mesure de bénéficier d'un traitement régulier. Ces personnes sont considérées comme un risque inacceptable et elles sont maintenues en détention.

Ces personnes poireautent donc dans un centre de détention provisoire pendant un certain temps, souvent des mois. Les centres de détention provisoire sont de toute évidence conçus pour être des installations de détention temporaires, jusqu'à ce que les dossiers des personnes soient traités devant les tribunaux. Cependant, nous constatons que, au pays, plus de personnes sont hébergées dans des centres de détention provisoire que dans une prison ou un pénitencier. En effet, plus de la moitié des personnes incarcérées attendent de comparaître devant un tribunal.

Puisqu'on estime que les détentions provisoires sont simplement une mesure à court terme, les ressources de traitement accessibles dans ces centres sont beaucoup plus limitées, et on n'y offre donc pas les programmes en groupe liés à la maîtrise de la colère ou la lutte contre la toxicomanie ni ce genre de ressources de traitement en santé mentale. Oui, un psychiatre se rend sur place, et il y a le personnel infirmier dont j'ai parlé précédemment lorsqu'il était question de notre programme, qui aide les gens qui font la transition vers la collectivité. Cependant, si on compare ces services à l'ensemble des programmes offerts en prison et dans les pénitenciers, on constate que l'offre est beaucoup plus limitée.

Les personnes qui sont victimes des conséquences des retards du système de justice sont, de façon disproportionnée, des personnes déjà désavantagées, en grande partie, en raison de problèmes de santé mentale.

Comme le Dr Simpson l'a dit, l'une des options consiste à assurer, lorsque cela est possible, une meilleure liaison avec les programmes de santé mentale pour, littéralement, comme il l'a suggéré, examiner les listes pour connaître l'identité des personnes dont le nom figure dans les dossiers de cour. Nous le faisons à Calgary. Nous offrons aussi un programme de déjudiciarisation en santé mentale dans le cadre duquel nous sortons des personnes du système de justice lorsque, essentiellement, elles s'y trouvent en raison d'une détérioration de leur santé mentale.

Les délinquants non violents qui ont perpétré des infractions graves ne sont pas acceptés dans notre programme de déjudiciarisation. Nos clients ont donc tendance à être des personnes qui ont commis des infractions moins graves, de nature administrative ou des infractions contre les biens — comme proférer des menaces, par exemple — qui leur permettent d'avoir accès au processus de déjudiciarisation.

Cependant, comme le Dr Simpson l'a laissé entendre, même dans notre province, il y a des différences. En effet, Edmonton possède un tribunal de la santé mentale, et Calgary, comme je l'ai mentionné, offre plutôt un programme de déjudiciarisation.

Si les personnes qui ont des problèmes de santé mentale chroniques doivent poireauter dans des centres de détention provisoire sans bénéficier d'une remise en liberté, il faut leur offrir des traitements dans ces installations.

Et si une mise en liberté est ne serait-ce qu'une possibilité, il faut offrir plus de soutien à ces personnes dans la collectivité. Tout comme les dispositions du Code criminel permettent au tribunal d'imposer à une personne un suivi auprès d'un surveillant de liberté sous caution, à mon avis, un juge de la paix devrait pouvoir, lorsqu'il détermine les conditions du cautionnement, exiger un suivi auprès d'un professionnel de la santé mentale.

On transfère ainsi la responsabilité à l'égard de ces personnes du système de justice aux professionnels de la santé mentale que le Dr Simpson a décrits précédemment et qui ont peut-être déjà eu des contacts avec la personne, qui peuvent lui fournir un soutien et qui sont en mesure de réduire le risque qu'elle pose pour la collectivité. En laissant les personnes en détention, nous nous retrouvons dans une situation où, une fois le dossier devant le tribunal, si l'accusé plaide coupable ou est trouvé coupable, sa peine est ramenée au temps déjà purgé, et il est libéré dans la collectivité sans aucune forme de soutien permettant d'accroître la sécurité dans la collectivité, ce qui met la personne et les citoyens en péril.

Je crois que les retards ont un impact disproportionné sur les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, et il y a un certain nombre de solutions à envisager, qui non seulement répondent aux besoins des personnes visées, mais qui accroissent aussi la sécurité dans la collectivité.

Merci de m'avoir offert l'occasion de vous parler aujourd'hui.

Le président : Merci à vous tous.

La sénatrice Jaffer : Merci de nous avoir présenté vos exposés. J'ai quelques questions. Pour commencer, j'aimerais, si possible, obtenir une précision. Madame Bradley, vous avez parlé du nombre disproportionné de personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Vous dites « disproportionné », mais avez-vous une idée du nombre ou du pourcentage?

Mme Bradley : Il existe des chiffres, et je sais que l'ombudsman du SCC, Howard Sapers, en a parlé. Je ne les connais pas exactement, mais M. Baillie et le Dr Simpson le savent peut-être.

M. Baillie : Je suis sûr que Sandy et moi pouvons vous fournir une liste à cet égard. Les chiffres dépendent en partie de la définition de la santé mentale, si on fait de la toxicomanie un problème de santé mentale distinct. Si on inclut la toxicomanie et les troubles de la personnalité, la plupart des recherches donnent à penser que près de la moitié de la population carcérale a un problème de santé mentale quelconque.

La sénatrice Jaffer : Savez-vous combien de temps en moyenne une personne ayant des problèmes de santé mentale passe dans un centre de détention provisoire? Avez-vous une idée?

M. Baillie : Je ne crois pas que la durée de la détention soit très différente de la durée du séjour de la plupart des gens dans un centre de détention provisoire. Le problème, c'est que, en raison de leur problème de santé mentale, ces personnes sont plus susceptibles de ne pas obtenir un cautionnement et elles passent donc plus de temps en détention.

Il y a des personnes accusées d'infractions graves qui restent en détention pendant deux ans, et il y a des personnes accusées d'infractions moins graves et dont le cas est réglé en moins d'un mois.

Dr Simpson : Pour revenir à votre première question, si on tient compte des troubles précis pouvant miner la capacité d'une personne de participer — c'est-à-dire les troubles psychotiques et les troubles mentaux organiques —, environ de 6 à 9 p. 100 de la population carcérale actuelle affiche ces types de problèmes. Cependant, à part les troubles organiques, il s'agit d'affections phasiques, ce qui signifie qu'une personne peut se porter plus ou moins bien ou bénéficier de capacités supérieures ou inférieures selon la phase de sa maladie.

Si on regarde les recherches liées aux diagnostics de maladie psychotique au cours de la vie — un trouble bipolaire ou une dépression majeure actuelle — chez les personnes qui se retrouvent dans le milieu de la détention provisoire, on pourrait s'attendre à ce que 20 p. 100 des nouveaux arrivants dans un centre de détention provisoire pour hommes satisfassent à l'un de ces trois critères diagnostiques. Dans un centre pour femmes, c'est probablement encore plus élevé.

La sénatrice Jaffer : Je m'intéresse à la question de la déjudiciarisation. C'est un dossier sur lequel je me suis penchée de façon générale, et pas seulement dans les cas où les personnes ont des problèmes de santé mentale.

Vous avez dit que la plupart des cas de déjudiciarisation concernent des infractions moins graves. À l'échelle nationale ou en Alberta?

La deuxième question que je veux vous poser concerne ce que vous avez dit au sujet des gens qui plaident coupables et qui sont ensuite libérés dans la collectivité. J'ai cru comprendre qu'il y a une disposition en vertu de laquelle des gens peuvent recevoir un traitement avant le prononcé de la peine. De quelle façon cela fonctionne-t-il?

M. Baillie : Je vais commencer par parler du programme de déjudiciarisation. À ma connaissance, il n'y a pas de norme nationale sur la mise sur pied d'un programme de déjudiciarisation. Initialement, lorsque Calgary a entrepris le processus, les responsables ont décidé qu'aucune infraction avec violence n'était admissible dans le cadre du programme. Ils ont par la suite décidé d'inclure les types d'infractions moins graves, notamment proférer des menaces, comme je l'ai mentionné précédemment.

Nous avons des employés qui s'occupent exclusivement du programme de déjudiciarisation — du personnel infirmier, des travailleurs sociaux et certains employés administratifs qui offrent un soutien —, et qui peuvent ensuite travailler avec les personnes qui, avec l'assentiment de la Couronne, sont aiguillées vers le processus de déjudiciarisation. Bien sûr, au bout du processus de déjudiciarisation, l'accusation est retirée, parce que la personne a bénéficié des genres de mesures de soutien qui permettent de réduire le risque.

La sénatrice Jaffer : Il n'y a pas de casier?

M. Baillie : Il n'y a pas de casier. L'ancien chef du Service de police de Calgary, Rick Hansen, qui a pris sa retraite l'année dernière, a passé sept ans de son mandat à promouvoir l'idée d'une prison sûre, l'idée étant que certaines des personnes qui sont en détention provisoire sont de toute évidence motivées à participer à un traitement. Même les personnes en détention pourraient bénéficier de mesures de suivi liées à la toxicomanie ou à la santé mentale et d'aide au logement ainsi que d'autres types de mesures de soutien pouvant leur permettre de réintégrer la collectivité.

Qu'on le fasse dans le cadre d'un programme de déjudiciarisation, sous forme de condition de cautionnement, ou grâce à des traitements, comme dans le contexte de la prison sûre, il y a diverses façons de régler le problème sans entraîner d'augmentations importantes des coûts — en effet, nous savons que ces personnes sont déjà dans l'engrenage — et sans mettre non plus la collectivité à risque.

La deuxième question concernait le prononcé des peines. Un certain nombre d'avocats de la défense m'ont dit au fil des ans que leur approche personnelle consiste à s'assurer de limiter le moins possible la liberté de leurs clients. Par conséquent, après deux ou trois mois de détention provisoire, l'accusé plaide coupable, se voit condamné au temps déjà passé en détention et est libéré sans qu'il y ait de suivi dans le cadre d'une probation. En effet, on détermine dans ces cas que la peine déjà imposée est suffisante.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Il suffit de lire les journaux et d'écouter la télé pour voir que, semaine après semaine, de nombreux crimes sont commis par des personnes qui ont besoin de soins et que le système a tout simplement échappées.

Sortir les dossiers de santé mentale du système judiciaire pourrait peut-être contribuer à réduire les délais, et c'est d'ailleurs l'objet de notre étude aujourd'hui. Cependant, est-ce que les systèmes de santé provinciaux ont les moyens de prendre en charge toutes ces personnes tout en évitant de mettre en danger la sécurité des citoyens? C'est là ma première question, et j'en aurai une autre très courte par la suite.

[Traduction]

Mme Bradley : Je crois savoir qu'il y a des différences d'un pays à l'autre. Je ne peux pas vous fournir de renseignements précis.

Peut-être que le Dr Simpson pourrait vous en parler.

Dr Simpson : Il y a des programmes et des systèmes différents dans le monde. Je ne crois pas que quiconque ait réalisé une analyse permettant de bénéficier des données probantes nécessaires pour répondre à cette question.

On a consacré beaucoup d'efforts à l'examen de l'efficacité des tribunaux de la santé mentale et des programmes de déjudiciarisation. En général, les programmes de déjudiciarisation sont plus efficaces que les tribunaux de la santé mentale. Cependant, compte tenu de la façon dont votre question était posée, c'est vraiment l'étude d'éléments précis du système plutôt que le système en général qui permettrait de déterminer si l'interaction générale entre la santé mentale et les tribunaux permet de vraiment améliorer la sécurité publique.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je ne veux pas parler des systèmes de santé des autres pays, mais plutôt de ceux de nos provinces et de nos territoires. Par exemple, le système de santé du Québec est engorgé. Est-ce qu'il a les moyens de prendre en charge ces personnes? Le Québec a de la difficulté à trouver des médecins pour les citoyens qui ne souffrent pas de troubles mentaux. Si le système de santé peut prendre en charge ces personnes, comment peut-on le responsabiliser? Nous parlons ici de personnes qui ont besoin de soins en santé mentale et qui présentent un certain danger. Croyez-vous que nous pouvons confier aux systèmes de santé la responsabilité de prendre en charge ces personnes?

[Traduction]

Mme Bradley : Il y a des indicateurs que nous pouvons mesurer. Nous ne faisons pas du très bon travail à cet égard au Canada. Les données recueillies sont très différentes d'une province à l'autre, même si, selon moi, les données sur les services de santé mentale médicolégale, par exemple, sont plus accessibles que dans le système général. Les statistiques sont donc plus accessibles, et il y a des chercheurs qui se sont intéressés précisément à la législation qui concerne la non- responsabilité criminelle.

Cependant, le Canada, comme tous les autres pays du monde, a vraiment du mal à trouver une manière de mesurer si nous avons un impact sur les services fournis. Je me hâte cependant d'ajouter que le système a vraiment besoin de nouvelles ressources et qu'il faut y apporter de grands changements.

Le sénateur Baker : Merci à tous les témoins de leurs exposés très utiles.

Avant d'en venir à ma question en tant que telle au sujet des retards, je tiens à dire pour commencer, monsieur Baillie, que j'ai très bien écouté ce que vous avez dit au sujet des cautionnements. Croyez-vous que les cautionnements... Les dispositions sur les cautionnements datent d'il y a de nombreuses années. On les utilise encore dans les tribunaux. Il y a une affaire appelée R. c. Pearson dans laquelle le tribunal a dit qu'il doit y avoir une probabilité marquée de menace pour la collectivité et que, s'il n'y a pas une telle menace importante, la personne doit bénéficier d'un cautionnement.

Croyez-vous que les tribunaux interprètent ce critère de façon trop stricte?

M. Baillie : Le problème majeur, c'est que les tribunaux l'interprètent différemment. Parfois, la barre est très haute, et, de toute évidence, dans d'autres cas, comme je l'ai dit dans mon exemple des cas d'homicide, il y a parfois une solide preuve — suffisamment solide pour que la police dépose des accusations et que la Couronne intente des poursuites — et les personnes ont tout de même été mises en liberté.

La notion la plus essentielle dans la décision de la Cour suprême, c'est l'enjeu de la menace. La récidive prend le plus couramment la forme d'une autre infraction contre les biens ou d'une autre infraction contre l'administration de la justice. Comme vous le savez, si une personne manque aux conditions du cautionnement, cela peut très bien entraîner la révocation du cautionnement. Cependant, il se peut qu'on voue la personne à l'échec si on lui impose une condition selon laquelle « elle ne doit pas consommer d'alcool » — alors qu'elle a un problème d'alcoolisme — plutôt qu'interdire des comportements ciblés, comme « n'achetez pas d'alcool » ou « n'allez pas dans un bar ou un établissement public ».

Par conséquent, si nous n'évaluons pas la menace en fonction de la sécurité publique — en la définissant étroitement —, le tribunal peut, au bout du compte, dire : « Je crois que vous n'êtes pas susceptible de respecter les conditions, et, par conséquent, vous constituez une menace. »

Le sénateur Baker : Voici la vraie question que je veux vous poser : vous avez mentionné deux ou trois infractions tantôt qui nous ont vraiment touchés ici parce que nous lisons beaucoup de jurisprudences; il s'agissait par exemple de proférer des menaces. C'est une infraction courante pour quelqu'un qui ne prend pas ses médicaments depuis une semaine ou je ne sais quoi. Ce comportement donne lieu à un long procès. La personne n'est pas admissible à un verdict de non-responsabilité criminelle. Le président de la commission d'examen de la non-responsabilité criminelle, qui a occupé ce poste pendant 25 ans, se trouve de l'autre côté de nous, juste ici. Ces personnes ne sont pas admissibles.

Ces personnes se retrouvent devant un tribunal pour avoir proféré des menaces. La menace pourrait être « Je vais te tuer » ou « Je vais te battre. » Toutes ces déclarations figurent dans notre jurisprudence... Des procès compliqués où il faut prouver les différents aspects de chaque infraction, pendant des jours et des jours. Il faut ensuite déterminer si l'article 16 du Code criminel — selon lequel un trouble mental, une fois prouvé, rend une personne admissible à une défense ou un pardon.

Mme Bradley : Oui.

Le sénateur Baker : Y a-t-il une autre façon de procéder, de nous débarrasser de ces dossiers très compliqués et très longs? Oui, on peut dire qu'il est possible de prouver que ces personnes avaient l'intention de faire peur, mais y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour que ces dossiers ne fassent pas l'objet de longues et interminables procédures judiciaires? Selon vous, y a-t-il une solution que nous pourrions suggérer pour éliminer cet obstacle, cette perte de temps dans nos tribunaux?

M. Baillie : Nous savons que le principal facteur de risque est non pas d'avoir une maladie mentale, mais d'avoir une maladie mentale non traitée. Par conséquent, on en revient aux commentaires du sénateur Dagenais au sujet du système qui doit intervenir et prendre soin de ces personnes. Cependant, je crois que les responsables de la justice doivent bénéficier d'une certaine marge de manœuvre pour déterminer que la déjudiciarisation, le programme de liaison avec les tribunaux ou des tribunaux de la santé mentale pourraient être une façon plus appropriée de gérer tel ou tel dossier.

Nous savons à la lumière des recherches sur la non-responsabilité criminelle que la majeure partie des personnes jugées non responsables au criminel ont de longs antécédents au sein du système de santé mentale et qu'ils sont bien connus dans le système. Assurément, lorsqu'une personne qui a de longs antécédents est accusée d'avoir proféré des menaces, pourquoi ne pas lui fournir des ressources de traitement plutôt que de la laisser dans un centre de détention provisoire pendant une longue période?

Le sénateur McIntyre : Oui, la question de la non-responsabilité criminelle a été soulevée dans le mémoire du Dr Simpson, et je vais soulever cet enjeu moi aussi.

Merci de vos notes d'allocution et de votre exposé oral. Vous avez soulevé les enjeux de tribunaux de la santé mentale, des programmes de déjudiciarisation et des programmes de liaison avec les tribunaux.

Je suis sûr que vous connaissez tous très bien ou que vous avez tous eu des expériences — monsieur Baillie, en tant que psychologue, et vous aussi, docteur Simpson, en tant que psychiatre — avec la partie XX.1 du Code criminel qui concerne les troubles mentaux. Comme vous le savez, un accusé comparaît devant un tribunal et est jugé inapte à subir un procès, apte à subir un procès ou non criminellement responsable en raison d'un trouble mental.

Ces personnes sont soit libérées dans la collectivité, soit maintenues en détention provisoire dans une installation en attendant la décision d'un comité. Il y a 10 comités à l'échelle du Canada et il y en a aussi dans les territoires.

Cela dit, je serais d'accord avec vous sur le fait que, pour les tribunaux de la santé mentale qui instruisent des affaires pénales mineures, les programmes de déjudiciarisation et les programmes de liaison avec les tribunaux font le travail. Ils font l'affaire. Autrement dit, ils s'occupent des gens, si ce n'est dans les hôpitaux, alors dans la collectivité, sous l'égide des centres de santé mentale communautaires.

Cependant, dans le cas des personnes qui commettent des infractions criminelles graves, comme, par exemple, meurtre au premier degré, meurtre au second degré, homicide involontaire coupable et les infractions sexuelles très graves, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les comités d'examen sont une intervention appropriée de la part du système de justice pénale à l'égard des personnes accusées soupçonnées d'avoir des problèmes de santé mentale? Sinon, quelles modifications au Code criminel recommanderiez-vous? Je vous pose la question parce que les comités d'examen sont régis par le Code criminel.

M. Baillie : Je serai bref, car je sais que Sandy a de l'expérience dans ce domaine.

Avec tout le respect que je vous dois, une personne ne se rend devant le comité d'examen qu'après avoir suivi tout le processus du procès et avoir été reconnue non criminellement responsable.

Selon moi, dans le cas de ces personnes et des types d'infractions dont vous parlez, le comité d'examen est entièrement responsable de s'assurer que le bon traitement est administré et que le degré de risque que pose la personne devient gérable.

Le sénateur McIntyre : Les comités d'examen ont trois choix.

M. Baillie : L'absolution sous conditions, l'absolution inconditionnelle ou la détention.

Le sénateur McIntyre : Exactement.

M. Baillie : La préoccupation que j'ai concerné l'autre extrémité du spectre, où les personnes pourraient avoir commis leur infraction en partie à cause d'un problème de santé mentale, mais pas jusqu'au seuil qui les rendrait non criminellement responsables. Ces personnes passent une longue période sous garde en attente de leur procès et n'obtiennent pas l'accès à d'excellentes ressources de traitement avant ce moment-là.

Je sais que le Dr Simpson veut ajouter quelque chose à cela.

Dr Simpson : Je suis préoccupé non pas par ce qui arrive une fois que la personne est devant le comité d'examen, mais plutôt par ce qui se passe entre le dépôt des accusations et l'arrivée devant le comité. Certes, en tant que personne qui traite des personnes jugées non criminellement responsables par le comité, j'ai connu des gens qui sont arrivés avec une nouvelle reconnaissance de non-culpabilité criminelle et une nouvelle décision initiale du comité et qui ont été libérés sous caution pour 9 mois ou pour 18 mois dans des circonstances que je considérerais, du point de vue de la gestion des risques psychiatriques, comme étant franchement dangereuses parce que le danger que posaient ces personnes n'avait pas été déterminé adéquatement au moment où la décision de les libérer sou caution avait été prise. L'avocat de la défense de l'une de ces personnes a rencontré un psychiatre local et lui a dit : « Nous allons nous en occuper. » Le psychiatre local ne connaissait pas la gravité du crime qu'avait commis la personne, ni le risque qu'elle présentait. Ces personnes se présentent devant le comité, elles nous sont envoyées, et le peu de cheveux qu'il nous reste devient un peu plus gris, et nous en perdons un peu.

Nous connaissons d'énormes problèmes relativement à la coordination de toutes les interventions. La liaison avec les tribunaux fait partie des moyens qui permettent d'assurer cette coordination. Les tribunaux de la santé mentale ne s'occupent que des gens qui comparaissent devant eux, pas des autres qui se déplacent dans le système et qui pourraient être sur la voie de la non-responsabilité criminelle, mais dont personne ne gère le cas adéquatement durant cette période. Cela suscite des préoccupations majeures du point de vue des enjeux liés à la sécurité publique, de mon point de vue.

Mon commentaire final est que, quand nous parlons des tribunaux de la santé mentale, il y en a deux sortes : les tribunaux de triage, lesquels, en réalité, sont là pour évaluer la voie que les gens devraient emprunter; et les tribunaux de traitement, où ce tribunal assure la supervision active, pour une certaine période, d'une personne faisant l'objet d'accusations relativement mineures.

Le tribunal 102 de Toronto, par exemple, est un tribunal de triage, pas un tribunal de traitement, alors, lorsque vous étudiez la question, faites attention au genre de tribunal que vous avez à l'esprit.

Le sénateur Joyal : Docteur, j'ai lu dans le dernier paragraphe de votre mémoire qu'environ 6 p. 100 des prisonniers du Centre de détention du sud de Toronto sont atteints de maladies mentales chroniques qui nuisent à leur capacité de participer à un procès.

Je me demande si cette statistique n'est pas trop peu élevée pour être représentative de l'ampleur du problème. La raison pour laquelle je laisse entendre cela, c'est que, selon les renseignements supplémentaires que le comité a reçus du Service correctionnel du Canada, le SCC, le 10 mars :

Au cours de l'exercice 2014-2015, environ 27,6 % de la population de délinquants incarcérés présentaient des besoins en santé mentale. Parallèlement, environ 51,3 % des délinquantes et environ 27,1 % des délinquants autochtones présentaient ces mêmes besoins. Un détenu présentant un « besoin en santé mentale » s'entend de tout détenu ayant eu recours à au moins un service axé sur le traitement de la santé mentale ou ayant effectué au moins un séjour dans un centre de traitement au cours des six mois précédant l'extraction des données.

Il me semble que, en fait, nos prisons sont plus ou moins des établissements de santé mentale.

Dr Simpson : Nous parlons de choses légèrement différentes. Je suis au courant des données du SCC, mais elles comprennent des problèmes comme le trouble de l'anxiété, le syndrome de stress post-traumatique, les antécédents de dépression majeure et les antécédents de traitement en santé mentale; il s'agit d'une grande diversité de problèmes de santé mentale différents. Mon chiffre désigne les cas les plus graves et les personnes qui sont actuellement mal en point : le sommet de la pyramide des besoins en santé mentale, si vous voulez.

Si je voulais utiliser des définitions semblables à celles qu'utilise le SCC, je dirais que c'était quelque chose comme de 25 à 30 p. 100 de la population permanente du Centre de détention du sud de Toronto qui répondraient à ces critères. Cela dépend de ce dont il est question.

Je parlais des troubles réduisant les capacités et qui affligent actuellement les personnes et qui présentent un obstacle majeur à leur participation à une instance ou qui les qualifieraient pour une défense de non-responsabilité criminelle. Voilà pourquoi mon chiffre est moins élevé, mais ces personnes souffrent bien plus, et leur passage dans le système de justice pénale fait l'objet de beaucoup de retard et est très difficile.

Le sénateur Joyal : Alors, nous pourrions nous attendre à ce que ces personnes — si elles ne sont pas vraiment prises en charge par les services ou les établissements appropriés — pourraient devenir des clients permanents du système judiciaire.

Dr Simpson : Le plus souvent, il s'agit de clients réguliers. Ils circulent entre les centres de détention provisoire, les cellules de postes de police, les salles d'urgence psychiatrique et les asiles de nuit de la ville. C'est ce que font la plupart des gens, et personne n'arrive à faire en sorte qu'ils reçoivent des soins adéquats qui mettraient fin à ce problème de récidive.

Le sénateur Joyal : On appelle cela aussi un cercle vicieux, mais je n'utiliserais pas cette expression pour décrire ces personnes.

Pensez-vous que le système des tribunaux de la santé mentale a été perfectionné au point où il pourrait joindre une plus grande partie de cette population? Nous pourrions utiliser davantage ce genre d'approches pour régler le problème de l'engorgement du système par le même genre de personnes malades?

Dr Simpson : Oui, je pense que les processus des tribunaux de la santé mentale sont axés sur les compétences et sur la coordination des services et qu'ils sont, bien sûr, composés d'avocats de la Couronne et de la défense et de juges qui acquièrent un intérêt particulier dans le domaine.

Il y a une valeur réelle à concentrer ces compétences au même endroit et à perfectionner les voies de la déjudiciarisation et les autres réponses aux problèmes dont nous discutons cet après-midi. Je considère ces mesures comme étant très précieuses.

Ma préoccupation à leur égard tient au manque d'uniformité du modèle d'un endroit à un autre, ce qui veut dire une application incohérente de la justice. À Toronto-Sud, nous voyons des gens qui ont des problèmes de santé mentale majeurs, mais qui ne sont pas devant le tribunal de la santé mentale et qui, par conséquent, n'accèdent pas à ces services.

Ce sont les systèmes qui déterminent quelles personnes ont besoin de comparaître devant ces tribunaux et qui s'assurent qu'elles reçoivent ce qui leur manque également. Certes, nous nous concentrons sur les compétences qui ont une valeur immense et sur la coordination des services, mais nous devons faire plus que cela pour nous assurer que les bonnes personnes reçoivent les services.

La sénatrice Batters : Je vous remercie tous de votre présence. Bienvenue à la séance de notre comité, et merci à tous du travail que vous faites pour les gens atteints de maladies mentales au Canada.

Comme dans le cas de Mme Bradley, il s'agit d'une cause, comme vous êtes nombreux à le savoir, qui me tient vraiment à cœur, et je pense qu'il est particulièrement approprié que nous nous penchions sur cet enjeu particulier dans le cadre de notre étude en raison des travaux passés du Sénat du Canada en ce qui a trait au traitement de la santé mentale : la révolutionnaire étude nationale qui a été effectuée par le Sénat du Canada a mené à la formation de la Commission de la santé mentale du Canada.

En outre, j'ai vraiment apprécié, monsieur Baillie, quand vous avez mentionné que le plus important facteur de risque était la maladie mentale non traitée. Je sais que vous voulez tous que je saute sur l'occasion pour rappeler aux gens que la maladie mentale est une maladie tout comme le cancer, les maladies cardiaques ou quoi que ce soit, et que les gens ont besoin de recevoir un traitement pour guérir, qu'ils doivent savoir qu'ils ne sont pas seuls, qu'une aide leur est offerte et qu'ils devraient demander cette aide.

En ce qui concerne cette question particulière, pourriez-vous m'éclairer en m'indiquant combien de tribunaux de la santé mentale il y a au Canada? Sont-ils exploités dans toutes les provinces? Y a-t-il une différence dans la façon dont certains tribunaux de la santé mentale fonctionnent au Canada? Leur fonctionnement varie-t-il selon la province ou le territoire?

Dr Simpson : Je pense que je ne ferais que citer le juge Schneider, que j'ai entendu présenter un témoignage devant des comités, ici même. Je crains de ne pas connaître le nombre précis. Comme je l'ai mentionné plus tôt, si on vous disait qu'il y avait un tribunal de la santé mentale, votre première réaction serait de dire : « C'est excellent. » La deuxième question est la suivante : « Sur quel modèle travaillez-vous, et quelle est la portée de ce que fait le tribunal? » Comme la plupart d'entre eux sont apparus comme un groupe de bonnes personnes dans la collectivité locale qui sont très préoccupées par cet enjeu, et qu'un juge ou un avocat de la Couronne assure habituellement la coordination, les deux, pour de bonnes raisons, présentent des variantes quant à ce que font ces tribunaux et à la façon dont les aiguillages vers ces tribunaux ont lieu.

Ma préoccupation majeure tient au fait que nous ne bénéficions pas de l'uniformité d'une norme. Nous faisons du très bon travail, mais il y a beaucoup de variabilité à ce chapitre.

La sénatrice Batters : Pourriez-vous recueillir les renseignements auxquels vous avez dit avoir été renvoyés auparavant et les fournir au comité afin que nous puissions les avoir sous les yeux?

Dr Simpson : Connaissez-vous ces documents, Patrick?

M. Baillie : Les recherches du juge Schneider sur l'efficacité des tribunaux de la santé mentale et des programmes de déjudiciarisation. Bien entendu, Richard était responsable — avec Ted Ormston — de l'établissement du premier tribunal de la santé mentale à Toronto, alors je vais faire attention. Le juge Schneider a maintenant tendance à promouvoir davantage les programmes de déjudiciarisation que les tribunaux de la santé mentale, car les tribunaux exigent davantage de ressources, alors que les programmes de déjudiciarisation peuvent être établis dans de petits milieux et utiliser les ressources existantes. À l'époque où nous étions le moteur économique du Canada, la ville de Calgary avait établi un programme de déjudiciarisation en santé mentale. Nous avions mis sur pied un tribunal de traitement de la toxicomanie et un tribunal de la violence familiale, alors, même à l'intérieur des programmes de santé mentale, vous pouviez finir avec une spécialisation dans la façon dont ces problèmes allaient être traités.

Pour je ne sais quelle raison, je pense que, dans l'ensemble du pays, il y a 14 tribunaux de la santé mentale et d'innombrables programmes de déjudiciarisation parce que, comme l'a laissé entendre le Dr Simpson, il y a divers moyens de les établir.

En général, les recherches montrent une réduction au chapitre de l'hospitalisation des personnes qui suivent le programme, de même qu'une réduction du recours à l'incarcération et une meilleure observation du traitement.

Là où les chiffres ne sont pas tout à fait aussi clairs, selon l'étude que vous examinez, c'est pour ce qui est de déterminer s'il y a vraiment une réduction des taux de récidive.

Mme Bradley : Il importe de se rappeler que les tribunaux de la santé mentale fonctionnent bien dans les grands milieux urbains, et je pense que la déjudiciarisation est certes mieux adaptée aux petits endroits. D'après mon expérience de travail en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, nous ne disposons tout simplement pas du nombre de tribunaux qui pourraient soutenir ce genre de services, alors il est important de se rappeler qu'ils ne sont pas adaptés à tous les milieux parce qu'ils ne fonctionnent tout simplement pas aussi bien. Certes, la déjudiciarisation est une chose qui peut et qui devrait être utilisée.

La sénatrice Batters : Il ne s'agit pas d'une solution universelle, mais la taille des divers endroits pourrait déterminer ce qui est approprié pour eux.

Mme Bradley : Oui.

Le sénateur Cowan : Merci de votre témoignage, docteur Simpson; je voulais discuter pendant une minute des programmes de liaison avec les tribunaux que vous avez évoqués relativement à votre expérience en Nouvelle-Zélande. Vous me pardonnerez mon ignorance des systèmes judiciaires et de santé de la Nouvelle-Zélande — et peut-être que Mme Bradley ou M. Baillie pourraient formuler un commentaire également —, mais, intuitivement, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un meilleur modèle, du fait qu'on intervient plus tôt et qu'on sort les gens de la structure d'un tribunal, qu'il s'agisse d'un tribunal de la santé mentale ou d'un tribunal traditionnel.

Y a-t-il quoi que ce soit d'unique au sujet des systèmes de la Nouvelle-Zélande qui fait que le modèle fonctionne là- bas et qu'il pourrait ne pas fonctionner au Canada? Nous avons une fédération, des juges nommés aux échelons fédéral et provincial et des responsabilités provinciales à l'égard des coûts liés au soutien des tribunaux, alors que les juges sont nommés à l'échelon fédéral. Y a-t-il quoi que ce soit qui rendrait l'expérience fructueuse de la Nouvelle-Zélande inapplicable au Canada?

Dr Simpson : J'ai déjà été le directeur général du ministre de la Santé de la Nouvelle-Zélande, au milieu des années 1980. Nous étions allés en Australie en tant qu'invités du gouvernement fédéral de ce pays, et le ministre de la Santé fédéral discutait avec mon ministre et a adressé le commentaire suivant au groupe : « Je viens tout juste d'avoir une vision d'un système de santé sans États », et c'est un peu la même chose ici. Vous avez mentionné la complexité de ces éléments différents.

Il est clair que l'intégration du Code criminel et du Code civil est la différence entre la Nouvelle-Zélande, les États australiens, le Royaume-Uni et le Canada. L'absence d'intégration des codes civil et criminel pose un problème majeur.

Dans une région comme la Colombie-Britannique, on semble s'être débrouillés pour harmoniser les lois un peu mieux que dans d'autres provinces. Il s'agit d'un défi, et je pense que c'est problématique.

Le deuxième élément est lié à la question du sénateur Dagenais au sujet de la responsabilité du système de santé mentale. L'autre chose que nous avions, en Nouvelle-Zélande, c'était des directeurs de services de santé mentale régionaux, qui étaient habituellement des psychiatres et qui, sous le régime de la Mental Health Act, étaient responsables d'assurer la prestation de services de santé mentale aux personnes dans leur circonscription hospitalière.

Si une personne comparaissait devant le tribunal communautaire X, un des membres de mon personnel infirmier chargé de la liaison avec les tribunaux rencontrait la personne. Si ensuite, l'équipe de santé mentale communautaire locale n'avait pas l'intention de venir au tribunal pour la chercher ou l'aider, alors je pouvais entrer en communication, par téléphone, avec un collègue qui était le directeur des services de santé mentale régionaux et lui dire : « Veuillez régler la situation au sein de votre équipe », et il le faisait.

Ce genre de responsabilités à l'égard de la prestation de services à une population est une chose que je me remémore avec nostalgie lorsque je me rappelle la Nouvelle-Zélande. Cette responsabilité varie clairement d'une province à une autre, ici, du point de vue de l'organisation des choses. Il faut une responsabilité de ce genre dans le secteur de la santé pour s'assurer que les gens ne tombent pas entre les mailles du filet. Beaucoup de façons dont nous passons des contrats de service avec des fournisseurs leur permettent de faire en sorte que les mailles du filet soient très étroites, mais il y a des espaces passablement grands entre les services. Une responsabilité prévue par la loi à l'égard d'une population permet de contourner ce problème.

Le sénateur Cowan : Le CTSM s'est-il penché sur cette question, et qu'est-ce qui pourrait être applicable et utile au Canada?

Mme Bradley : Comme je suis allée en Nouvelle-Zélande et compte tenu des services de santé mentale en général et des rencontres que j'ai tenues avec mes homologues ici présents, je souscris à l'opinion du Dr Simpson selon laquelle, quand les Néo-Zélandais parlaient de mettre en œuvre un plan stratégique au moyen d'un seul plan, cela m'a rendue un peu jalouse parce qu'il s'agit d'une situation très différente.

En ce qui a trait à la commission, dorénavant, dans notre mandat renouvelé, nous nous intéresserons pas mal à l'étude des enjeux liés au système judiciaire, car nous savons que la santé mentale est un énorme problème : plus grand que la population en général.

Il ne s'agit pas d'un sujet sur lequel ont porté un grand nombre de nos travaux à ce jour, mais, plus particulièrement en ce qui concerne les services de santé mentale et les taux de suicide au sein des services correctionnels, il s'agit d'un domaine que nous espérons étudier au cours des 10 prochaines années de notre mandat.

Le sénateur Cowan : Auriez-vous la gentillesse de nous envoyer votre nouveau mandat mettant un accent particulier sur cet enjeu? Vous et moi en avons déjà discuté, mais pourriez-vous le faire, pour que nous puissions y jeter un coup d'œil?

Mme Bradley : Je vais l'envoyer dès que je l'aurai. Nous travaillons encore sur les détails avec le gouvernement actuel. Nous avons reçu le renouvellement de la commission pour les 10 prochaines années, mais nous sommes encore en train de travailler sur les détails de notre mandat avec le gouvernement.

Le sénateur White : Merci de votre présence. Nous discutons des délais judiciaires, mais, en même temps, nous nous demandons si nous gérons adéquatement les gens qui ont des démêlés avec le système judiciaire.

De la façon dont cela fonctionne aujourd'hui, j'arrête une personne, je dépose des accusations contre elle et l'envoie en détention provisoire; elle ne reçoit aucun traitement pour les cinq prochains mois, puis elle comparaît devant un tribunal. Nous nous attendons à ce qu'elle se porte mieux après cinq mois de détention provisoire sans aucune aide. Certains pays — la Norvège, je pense — offrent des traitements et des programmes durant la détention provisoire, et ils connaissent un bien plus grand succès pour ce qui est même de gérer le cas lorsqu'il s'agit de le faire.

Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que les provinces et les territoires doivent se faire à l'idée qu'il faut offrir un certain degré de traitement et de programme durant la détention provisoire, si nous devons détenir les personnes en cause? Beaucoup de gens — plus de la moitié, en Ontario — sont en détention provisoire.

Dr Simpson : Oui.

Le président : Je ne pense pas que les installations de détention provisoire soient des lieux adaptés à un traitement prolongé. Il faut que les gens soient mis en détention provisoire et en sortent rapidement. J'aurais tendance à penser que même les prisons provinciales ne sont pas le meilleur endroit. Le séjour moyen dans une prison provinciale ontarienne est d'environ 90 jours. Alors, non, c'est plus court que la détention provisoire dans de nombreux cas.

En ce qui concerne le CTSM et la question que le sénateur Cowan a soulevée, je crois comprendre que vous n'avez pas étudié de près le système de justice pénale, mais les gouvernements sont tous préoccupés par les coûts. Si vous jetez un coup d'œil au volet détention provisoire de la prison provinciale par rapport au traitement et que vous y intégrez les taux de récidive — parce que, selon moi, c'est faire preuve de très peu de vision que de n'étudier qu'un élément; d'autres éléments pourraient avoir leur importance —, les données pourraient indiquer assez clairement au gouvernement qu'il manque de vision en suivant simplement la voie qu'il a empruntée sans disposer des faits relatifs au coût réel pour le gouvernement et pour les contribuables, mais aussi pour la société dans son ensemble du point de vue de la récidive.

Nous savons que la santé mentale est la source de beaucoup de ces problèmes dans notre système judiciaire; cela ne fait aucun doute.

Voici une question qui s'adresse à M. Baillie. Nous avons accueilli un témoin qui était l'auteur d'un rapport à l'intention du gouvernement fédéral intitulé "Broken Bail'' in Canada : How We Might Go About Fixing It. Je pense qu'elle enseigne à l'Université d'Ottawa. Elle a attribué une grande part de la responsabilité à l'égard du placement en détention provisoire, si vous voulez, et des retards judiciaires aux avocats de la défense.

D'après vos observations à Calgary et ailleurs, avez-vous des commentaires à formuler concernant la conclusion à laquelle elle est parvenue?

En outre, le temps passé en détention avant le procès est-il pris en compte dans cette équation? Nous avons entendu cet argument. L'ancien chef et maintenant sénateur White a vécu une expérience personnelle relativement à des situations où le temps passé en détention avant le procès est pris en compte dans les décisions concernant le fait qu'une personne restera en détention provisoire, par exemple.

Pourriez-vous formuler des commentaires à ce sujet?

M. Baillie : J'ai personnellement été témoin du cas de personnes qui ne présentent pas de demande de mise en liberté sous caution dans le but de passer leur temps en détention provisoire et, sous le régime de l'ancien système, de cumuler plus de temps de détention dans le cadre du processus général de détermination de la peine.

Ces cas sont plus limités. Encore une fois, ma préoccupation concerne les personnes qui pourraient demander une mise en liberté sous caution, mais qui ne sont pas libérées dans la collectivité parce que les ressources pour les appuyer dans la collectivité sont limitées. Alors, nous leur disons de rendre des comptes à un agent de cautionnement; de ne pas consommer d'alcool; de ne pas fréquenter diverses personnes, mais nous ne leur fournissons pas nécessairement le logement ou le genre de mesures de soutien systémiques dont ils auraient besoin, y compris les services de soutien en santé mentale.

Comme l'a mentionné la sénatrice Batters, le problème de la maladie mentale non traitée est le plus grand facteur de risque. Nous savons qu'un rétablissement est possible, mais il faut être en mesure de fournir les ressources nécessaires pour aider la personne durant ce cheminement.

Je souscris à votre opinion selon laquelle les centres de détention provisoire et les prisons ne sont probablement pas le meilleur endroit pour le faire, mais, lorsqu'il s'agit d'une personne qui présente un degré de risque persistant, au lieu de retransférer cette responsabilité à la collectivité... J'en reviens aux commentaires du sénateur White au sujet de la prestation d'un traitement quand la personne est sous garde.

Le président : Qu'en est-il d'une solution de rechange qui coûte beaucoup moins cher, c'est-à-dire l'utilisation élargie de la surveillance électronique? Au lieu d'incarcérer une personne en attente de son procès, on la met sous surveillance électronique; cela lui permet de suivre un traitement et de conserver un emploi, par exemple, aussi.

Avez-vous un point de vue à ce sujet?

M. Baillie : La surveillance électronique est utilisée à Calgary, et elle nous aide certainement à savoir si la personne respecte les conditions en ce qui a trait à ses allées et venues, mais elle ne nous en dit pas beaucoup au sujet du comportement de la personne, à part son emplacement géographique.

Ainsi, il peut s'agir d'un outil utile pour ce qui est de réduire certains des éléments de risque et de maintenir une personne à l'extérieur de certaines collectivités ou à domicile, à certains moments, mais nous sommes toujours aux prises avec le problème consistant à déterminer, du côté négatif, si la personne consomme des substances ou, du côté positif, si elle suit son traitement.

Le président : La nouvelle technologie vous permettra de suivre une personne. D'après ce que j'ai lu dans des documents récents à ce sujet, je pense qu'il ne s'agit pas du même problème qu'il y a quelques années.

Mais nous avons une brève deuxième série d'interventions.

Le sénateur McIntyre : Je souhaite seulement ajouter quelque chose. Il y a un certain temps, j'ai affirmé que nous devions faire une distinction entre les personnes accusées d'infractions criminelles mineures et celles qui sont accusées d'infractions criminelles très graves...

Le président : Il ne s'agit que d'un point de vue. Nous devons poursuivre.

Le sénateur Joyal : Qui défend les personnes atteintes de problèmes de santé mentale dans le système? Qui est l'ombudsman de ces personnes dans le système?

M. Baillie : Pour ce qui est des personnes qui sont détenues dans un établissement fédéral, mon bon ami Howard Sapers s'attaque certainement à certains des problèmes. À l'échelon provincial, on en revient au commentaire du président au sujet de la durée de la période que passent les gens sous garde. En Alberta, c'est même moins que les chiffres qu'il a cités pour l'Ontario; la durée moyenne de la période sous garde est de 39 jours. Ainsi, les gens entrent et sortent si rapidement que, souvent, ils n'ont aucune communication, et nous ne disposons pas d'un système d'ombudsman officiel dans les prisons.

Le président : Notre temps est écoulé, mais je pense que le Dr Simpson s'est porté volontaire pour fournir au comité certains renseignements sur deux sujets.

M. Baillie : Sandy pourrait s'en être remis à moi au sujet du rapport Schneider, et je peux certainement fournir ces renseignements.

Le président : C'est difficile, compte tenu des limites liées au temps, mais, si vous souhaitez nous fournir quoi que ce soit d'autre qui pourrait nous aider à mener notre étude, veuillez le remettre à la greffière. Ce serait grandement apprécié.

Je vous remercie tous de votre présence et de nous avoir aidés dans le cadre de notre étude.

Durant la deuxième heure, nous accueillons le Dr John Bradford, professeur à l'Université d'Ottawa; et Anita Szigeti, du Portefeuille de la santé mentale de la Criminal Lawyers' Association.

Nous avons très hâte d'entendre vos exposés, à la suite desquels vous aurez l'occasion de répondre à des questions. Docteur Bradford, je crois que vous allez commencer.

Dr John Bradford, professeur, Université d'Ottawa, à titre personnel : Merci. Je ne voulais pas être répétitif, et je savais que Patrick, Sandy et Mme Bradley seraient ici plus tôt, alors je vous ai envoyé une présentation PowerPoint. J'ai été pris dans un nuage de marijuana, dehors, avec des millions de personnes, alors il m'a fallu un certain moment pour me rendre ici, pour être honnête. Si mes pupilles se dilatent et que mes yeux se révulsent, vous saurez ce qui s'est passé.

J'ai cru bon faire une présentation PowerPoint. J'ai entendu une partie de la discussion, et je vais tenter de ne pas répéter ce qui a été dit.

Vous avez entendu parler de la criminalisation et de choses de ce genre; je suis certain que des discussions ont été tenues à ce sujet. Vous avez entendu parler des tribunaux de la santé mentale. Le seul aspect que je contesterais est le suivant : même si le juge Schneider affirme plus ou moins avoir mis sur pied le premier tribunal de la santé mentale au Canada, qui était à Toronto, en 1980, nous avions un tribunal de la santé mentale, mais nous l'appelions autrement. Il était à Ottawa, alors nous allons remettre cela en question. Laissez-moi le déclarer officiellement. Je plaisante, mais c'est vrai.

L'autre élément qui, selon moi, est important, c'est qu'on a discuté de la déjudiciarisation. Nous savons qu'une partie du problème tient au triage des personnes et à leur retrait du système judiciaire. Dans un tribunal de la santé mentale — j'ai travaillé dans un tel tribunal pendant 20 ans —, il est assez facile d'obtenir des ordonnances d'évaluation afin que les gens soient jugés aptes à subir un procès ou non criminellement responsables. Certes, en Ontario, nous avions un mandat très strict quant à la façon de le faire... de déterminer qui doit être hospitalisé et qui ne le sera pas.

Ce volet du système fonctionne très bien. Je pense que vous avez probablement entendu Sandy et Patrick affirmer que le résultat du système de non-responsabilité criminelle est en fait très bon.

Je n'aborderai donc pas cette question. Je me pencherai sur les personnes qui aboutissent devant les tribunaux, qui sont atteintes d'un trouble mental et qui ne se qualifient pas pour entrer dans le système médicolégal, car il s'agit d'un problème, et ce sont ces personnes qui engorgent les prisons. Ce sont celles à propos de qui, lorsqu'elles se présentent devant un tribunal de « justification », tout le monde lève les bras au ciel en raison du risque, et elles ne savent pas comment faire face à cette situation.

Essentiellement, si vous travaillez dans un tribunal de la santé mentale, quelqu'un comparaît devant vous. Cette personne est atteinte de maladie mentale. S'il y a un problème lié à l'aptitude, ou bien si la personne va devant le tribunal de la santé mentale, son cas est traité.

La majeure partie des personnes... parce que nous détournons environ 85 p. 100 des personnes atteintes d'un trouble mental qui se présentent devant un tribunal de la santé mentale. Alors, c'est de ces 85 p. 100 dont il est question, et de ce qui leur arrive. Que leur arrive-t-il lorsqu'elles comparaissent devant le tribunal de « justification », où un juge de paix se penche sur le cas... ou bien l'affaire pourrait se rendre à une cour supérieure, et on va s'inquiéter au sujet du risque.

Le risque n'est pas très bien cerné dans ce contexte. Le trouble mental devient un obstacle à la mise en liberté. Ce qui arrive, c'est que ces personnes se retrouvent au centre de détention provisoire local ou au centre de détention d'Ottawa, ou bien où que ce soit... à un endroit où presque aucun programme n'est offert aux personnes atteintes de troubles mentaux; elles sont chanceuses si elles consultent un psychiatre une fois par semaine. Le taux de psychologues ou d'autres professionnels de la santé mentale est peu élevé. Dans de nombreuses situations, une infirmière n'est même pas disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Alors, l'exécution des programmes, même des programmes de soins médicaux, est très médiocre. Ensuite, leur état de santé se détériore, leur niveau de risque augmente, leur probabilité d'être libérés diminue, et cela fait partie de la difficulté.

L'autre partie de ces 85 p. 100 de personnes qui sont détournées en comprend certaines qui ont un psychiatre ou bien qui ont déjà été admises dans un établissement de santé mentale. On aurait tendance à croire qu'il serait facile pour ces personnes de décrocher le téléphone et qu'ainsi, elles obtiendraient un rendez-vous, et c'est parti.

Dans le cadre de ce triage, c'est très difficile... au point qu'un grand nombre d'entre nous, à Ottawa et à Toronto, ont créé nos propres établissements de triage en vue du traitement, soit à l'échelon des tribunaux, soit dans les hôpitaux, car, souvent, le système de santé mentale en général ne veut pas que ces gens y retournent. Alors, ils errent d'un endroit à un autre, et c'est tout un autre problème. Ils deviennent itinérants; ils ne reçoivent pas de soins et de soutien du domaine de la santé mentale en général.

La question de la « justification »... la norme qui a été établie pour le risque est trop élevée. Il s'agit d'un genre de critère juridique. Il y a très peu de renseignements au sujet de la façon dont le risque pourrait être géré. Dans bien des cas, il pourrait l'être. Comme je l'ai déjà dit, le volet de la santé mentale du système devient un problème ou un risque plus important.

Ce risque pourrait être géré. Dans une certaine mesure, il peut l'être. Si nous prenons certaines personnes de ce groupe et que nous tentons ensuite de travailler avec elles pendant une ou deux semaines, nous essayons d'établir un plan qui permettrait de les maintenir dans la collectivité. Mais cela n'est pas aussi bien organisé que le tribunal de la santé mentale. Le volet de déjudiciarisation du système ne fonctionne pas aussi bien. Comme je l'ai indiqué sur mes diapositives, la déjudiciarisation est exigeante en ressources, alors, si on ne dispose pas des ressources nécessaires, elle ne fonctionne pas très bien.

L'autre question est que, selon moi, les gens pourraient être libérés dans la collectivité s'il y avait un établissement qui était assez sécuritaire et qui offrait des programmes. Je vais vous donner un exemple. Une partie du succès du système médicolégal tient au fait que les gens sont libérés, puis qu'ils passent par des organismes communautaires dont le niveau de sécurité est de moins en moins élevé, qui assurent une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et des choses de ce genre.

Ce que nous n'avons pas — en Ontario du moins et, je le soupçonne, dans bien d'autres provinces —, c'est de bons réseaux de logements pour les personnes en liberté sous caution. Ces logements pourraient être surveillés 24 heures sur 24. Ils pourraient offrir un soutien en santé mentale. J'ai déjà travaillé à titre de consultant pour une résidence de ce type qui fonctionnait très bien.

D'ailleurs... On pourrait mettre sur pied un programme d'échantillons d'urine aléatoires et bon nombre des stratégies de gestion du risque que nous utilisons déjà. Ce que nous ne faisons pas assez, c'est envisager la surveillance électronique dans de tels cas. Ce n'est pas tant la surveillance des gens qui quittent les installations que la surveillance par GPS, qui est largement utilisée. Par exemple, en Californie, c'est très perfectionné. Pourquoi nous ne le faisons pas, je l'ignore.

Si on le faisait, sur ces 85 p. 100, vous pourriez faire sortir des centres de détention certaines des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, car leur situation dans les centres empire, pour les placer dans un lieu où leur liberté sera limitée, mais où elles auront quand même des soins de santé. Je crois qu'elles s'en sortiraient mieux et qu'on éviterait certains de ces problèmes.

En outre, en ce qui concerne les centres de détention, il est certain que le centre de détention d'Ottawa-Carleton est terriblement surpeuplé, comme vous l'avez probablement lu dans les médias. Les ressources et le manque de programme sont les principaux facteurs. En fait, ce qui se passe là-bas est plutôt affreux. Les taux de suicide sont élevés.

Je suis très fier d'avoir travaillé avec le sénateur Bob Runciman au projet de St. Lawrence Valley, un établissement correctionnel. C'est un établissement de traitement spécialisé qui accueille toutes les personnes des quatre coins de l'Ontario qui ont un grave problème de santé mentale. Cet établissement est ouvert depuis 2003, donc depuis 13 ans.

Il a enregistré à peu près 5 000 admissions, et il n'affiche aucun suicide accompli. Selon le plus bas niveau de probabilité, on aurait pu s'attendre à 5 à 10 suicides, et je parle seulement du taux dans la population générale. Dans le cas des personnes qui ont un problème de santé mentale ou de toxicomanie, peu importe, le risque de suicide peut être 10 ou 15 fois plus élevé, et à l'autre bout du spectre, voire 2 000 fois plus élevé, alors nous faisons du bon travail.

Le message, c'est que nous pourrions obtenir de meilleurs résultats dans le cas de cette tranche de 85 p. 100 des personnes qui sont libérées et finissent en détention. Je crois que des maisons pour personnes en liberté sous caution, moyennant une surveillance appropriée, seraient utiles. Il n'est pas nécessaire que ce soit le gouvernement qui en assure le fonctionnement. On pourrait conclure des accords contractuels avec la Société John Howard ou un organisme de ce type, et je crois que cela aurait un effet bénéfique.

Je m'arrête ici. Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions. Merci de m'avoir écouté.

Anita Szigeti, Portefeuille de la santé mentale, Criminal Lawyers' Association : Bonjour, mesdames et messieurs. Je comparais aujourd'hui à titre de membre du Portefeuille de la santé mentale de la Criminal Lawyers' Association, qui compte actuellement près de 1 400 membres dans tout l'Ontario, tous avocats de la défense dans les affaires criminelles. Notre association parle au nom de tous les avocats de la défense de l'Ontario.

Au nom de l'association, je tiens à vous remercier encore une fois de cette gentille invitation et de la possibilité de contribuer à votre étude du système de justice pénale et du sort des personnes qui ont un grave problème de santé mentale ou un handicap important et qui se retrouvent prises dans ce système.

Certains parmi vous se souviendront que j'ai comparu ici — l'an dernier, je crois — pour dire que nous devrions peut-être songer sérieusement à mettre sur pied une commission nationale de la santé mentale et de la justice pénale. Au bout du compte, je crois que la recommandation était que la Commission de la santé mentale du Canada en place soit élargie pour faire place à cette immense zone où le droit et la psychiatrie se rencontrent, et je crois qu'à la fin de cette discussion, un mandat supplémentaire de 10 ans avait été reçu.

À notre avis, il y a tellement de terrain à couvrir dans ce domaine que nous pouvons à peine commencer à aborder l'ensemble des préoccupations systémiques dans nos observations aujourd'hui. En effet, j'ai tenté de consulter nos membres au sujet uniquement de la question des tribunaux de la santé mentale, pour savoir s'ils étaient en faveur ou non ou encore indifférents, et j'ai reçu des dizaines de réponses qui décrivaient les pratiques des tribunaux de la santé mentale locaux; il n'y en avait pas deux qui disaient la même chose, il n'y en avait pas deux qui avaient la même opinion quant à l'utilité des diverses formes prises par les tribunaux de la santé mentale, à part le fait que chacune d'elles semblait bien servir certaines personnes, mais un peu moins d'autres. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de vous présenter une opinion qui fait consensus ou un document écrit, aujourd'hui, je m'en excuse.

Je dois vous dire qu'après avoir écouté Dr Simpson, M. Baillie et Dr Bradford, j'aurais à peu près 4 000 choses à dire, mais je vais m'en tenir à ce que je suis autorisée à vous dire. Je vais m'en tenir à quelques aspects sur lesquels sont d'accord les avocats prenant la défense des personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou un handicap.

Je vous fais une mise en garde : notre association parle au nom des avocats qui représentent ces clients. Nous ne prétendons pas parler au nom des clients eux-mêmes, même si nous défendons bel et bien leurs intérêts. Nous tenons à ce qu'il soit clair que nous encouragerons à toutes les étapes la participation des clients eux-mêmes, qu'ils soient ou qu'ils aient été bénéficiaires de systèmes de soins de santé mentale, en particulier ceux qui ont déjà eu des démêlés avec le système de justice pénale. Rien ne peut remplacer la sagesse, l'expérience et l'expertise que ces personnes, qui ont vécu les défis de la santé mentale, apportent à chaque facette du système et à tout projet de réforme ou même d'étude du système. Il est important, à notre avis, de demander aux clients ce qu'il faudrait réparer et ce qu'il faudrait soumettre à une étude et à des travaux de recherche rigoureux ou encore à quel endroit il faudrait lancer un projet pilote.

À titre d'avocate de la défense qui travaille exclusivement avec des clients ayant de graves problèmes de santé mentale, qu'est-ce que je voudrais mettre en lumière aujourd'hui? Trois choses : premièrement, il y a une question qui a été posée aujourd'hui, et à laquelle on a répondu, et c'est la question de savoir si le système de justice pénale est le moindrement approprié et peut répondre aux besoins en traitement des personnes qui ont de graves problèmes de santé mentale. La réponse est claire, c'est non. Je ne ferai pas de commentaire supplémentaire. Aujourd'hui, nous laisserons parler Dr Bradford, Dr Simpson et M. Baillie, des psychiatres judiciaires qui connaissent le sujet.

De notre point de vue, la vraie question consiste à se demander si pour commencer c'est vraiment la grande question. N'y aurait-il pas une autre question tout aussi pressante — et à nos yeux beaucoup plus pertinente — à poser, à savoir si le système de justice pénale répond aux besoins juridiques des accusés qui ont de graves problèmes de santé mentale? En un mot, voici ce que nous répondrions : non, pas entièrement, pas de façon uniforme, certainement pas toujours ni dans tous les tribunaux, mais cela devrait être le but du système de justice pénale, puisqu'il s'agit, après tout, d'un système de justice.

Les accusés qui ont un grave problème de santé mentale devraient pouvoir s'attendre à ce que leurs besoins juridiques soient comblés à chaque étape, qu'ils aient accès facilement et gratuitement à un avocat privé compétent et expérimenté de leur choix; ils doivent être traduits en justice par des avocats de la Couronne renseignés, justes et humains, et l'affaire doit être tranchée par des magistrats renseignés, humains et justes qui comprennent l'application des lois sur les troubles mentaux dans leur tribunal et qui veilleront à ce que les garanties procédurales ne soient pas menacées par des perceptions relatives aux besoins en traitement des accusés.

À notre avis, l'un des principaux obstacles à la satisfaction des besoins juridiques de ces clients est l'importance parfois excessive accordée aux besoins en traitement de ces personnes au détriment du respect de leurs droits juridiques à l'équité et à l'application régulière des procédures.

Deuxièmement, est-il essentiel de nous doter d'encore plus de mécanismes pour déjudiciariser les personnes souffrant d'une maladie mentale? À notre avis, la réponse serait « parfois, mais cela dépend ». La réponse ne peut pas être tout simplement « oui », selon nous, en tout cas pas dans tous les cas. Il convient de souligner que parfois, pour certains clients, en particulier ceux accusés d'une infraction très mineure, le mécanisme de déjudiciarisation fait qu'ils seront devant les tribunaux et dans notre système beaucoup plus longtemps que s'il n'y avait eu qu'un simple plaidoyer. Nous estimons que les accusés qui ont un problème de santé mentale doivent avoir le droit de choisir la façon dont leur cause sera entendue, comme tout le monde, dans la mesure où ils sont aptes à le faire.

Il ne faut pas oublier non plus que les programmes de déjudiciarisation créent un lien entre les clients et les services de soutien; toutefois, il y a certainement des clients qui ne veulent pas vraiment de ces services, qui estiment que l'obligation de se prêter à un suivi, de consulter un psychiatre et de prendre des médicaments antipsychotiques puissants est, et de loin, beaucoup plus coercitive que la détention avant le procès, qui ne les oblige pas à prendre des médicaments, mais qui leur assure un toit et des repas. Pour certaines personnes, le traitement forcé est pire que la détention. Nous estimons qu'il faut respecter les choix faits en toute connaissance de cause par des accusés aptes à subir leur procès.

Troisièmement, quel est l'aspect du système de justice pénale qui est le plus préoccupant, que nous pourrions améliorer et qui aurait le plus d'impact, de façon générale, sur l'utilité du système de justice pénale et l'expérience des gens qui ont des démêlés avec la justice? À notre avis, il faut éduquer les intervenants du système judiciaire pour s'assurer qu'ils connaissent les lois, les options, les ressources et la façon d'interagir avec des gens en crise tout en respectant leurs droits juridiques et procéduraux, de même que, dans la mesure du possible, leur autonomie et leur droit à l'autodétermination.

La question qui s'impose est alors celle-ci : comment pouvons-nous y arriver? Les tribunaux de la santé mentale sont une réponse. Mais ils ne sont pas la seule réponse. Ils ne sont pas une réponse complète, pas dans toutes les administrations, du moins.

Nous sommes d'avis que la meilleure réponse est un programme d'éducation universel, intensif et robuste qui abordera tous les aspects des lois sur les troubles mentaux, y compris la partie XX.1 du Code criminel, l'aptitude et les questions touchant la non-responsabilité criminelle, ainsi que des ressources et des personnes-ressources qui pourront offrir de l'aide lorsqu'un tribunal est dérouté ou manque de connaissances.

Nous devons résister à la tentation de jeter nos ouvrages de droit lorsqu'un accusé semble avoir un problème de santé mentale. En fait, nous devons faire exactement le contraire, à savoir faire respecter tous les droits procéduraux immuables. Autrement, il y aura de graves erreurs judiciaires, et il y en a déjà eu.

La sénatrice Jaffer : Merci à nos deux témoins d'être venus parler au comité; nous trouvons vos exposés très enrichissants.

En ce qui concerne les retards dans le système de justice... Vous avez entendu le président s'adresser plus tôt à un autre témoin en disant que, parfois, les avocats de la défense étaient blâmés pour les retards. Est-ce que cette critique est valable? Elle l'est parfois, mais, selon votre point de vue, ou celui de l'association que vous représentez, pourriez- vous en dire plus à ce sujet?

Mme Szigeti : Au nom de mon association, je dois dire qu'il ne s'agit pas d'une critique valable de notre barreau, et certainement pas pour les membres de notre association.

Le cautionnement pose d'énormes problèmes, c'est évident, de même que le droit à une audience sur la libération dans les 24 heures, lequel n'est pas possible de nos jours, où nous devons communiquer avec les responsables de la mise au rôle des audiences afin d'essayer de fixer une date et une heure pour l'audience, et ce n'est pas ainsi que le système est censé fonctionner. C'est un problème systémique qui a trait à la disponibilité des juges, des salles d'audience et des ressources.

Un bon nombre de nos membres ont cessé de représenter des clients bénéficiaires de l'aide juridique aux enquêtes sur le cautionnement depuis que le tarif a été ramené à deux heures et que ce tarif ne couvre ni le temps d'attente ni tout ce qu'il faut faire au-delà. Sachez que nous recevons 200 $ pour l'enquête sur le cautionnement d'un client, et la plupart des avocats de la défense ont cessé d'offrir ce service aux clients qui dépendent de l'aide juridique, et c'est le cas de 99,9 p. 100 des clients ayant un grave problème de santé mentale qui ont affaire au système de justice pénale. Ils ne recourent pas aux services d'avocats privés qui pourraient les aider pendant l'enquête sur le cautionnement. Cela devient du ressort de l'avocat de service, en somme. Cela représente certainement un problème.

En ce qui concerne les accusés ou leurs avocats qui essaient de jouer avec le système pour tirer profit du temps mort, du temps passé en détention avant le procès, ce n'est pas vraiment quelque chose que nous observons, étant donné que les modifications législatives ont fait que les clients ne peuvent pas en profiter. Je ne vois personne qui joue avec le système de cette façon.

Il est scandaleux que des gens n'aient pas droit à une enquête sur le cautionnement et qu'ils doivent attendre que les tribunaux soient disponibles, que les ressources soient disponibles. Le cautionnement, c'est un droit.

La sénatrice Jaffer : Il serait très utile pour nous que vous nous expliquiez quelles audiences ne concernent pas les avocats de la défense. Par exemple, une fois que la date est fixée, vous vous présentez au tribunal. Une autre date est fixée pour l'enquête sur le cautionnement et la communication d'éléments de preuve. Combien y a-t-il d'étapes à franchir avant la tenue de l'audience sur la libération sous caution proprement dite?

Mme Szigeti : Il y a toutes sortes de comparutions. Ce qui nous prend le plus de temps, c'est l'attente de la communication de la preuve. Il y a donc une foule de comparutions, et pendant ce temps, la communication de la preuve est sérieusement reportée.

La sénatrice Jaffer : À quoi correspond « une foule de comparutions », en moyenne?

Mme Szigeti : Cinq, dix. Tous ces retards sont intégrés au système, de nos jours, malheureusement.

Pour ce qui est d'envisager tout cela sous l'angle des personnes qui ont un trouble de santé mentale, je puis vous affirmer que, dans le cas des accusés aux prises avec une maladie mentale, il y a des mesures prises qui sont inutiles, à mon avis, et cela vient d'une absence d'expertise des juges — avec tout le respect que je leur dois — et d'un manque d'expertise de tous les intervenants du système judiciaire quant à ce qu'il convient de faire lorsqu'une personne présentant manifestement des problèmes de santé mentale se retrouve devant un tribunal. Il arrive que des ordonnances d'évaluation de l'aptitude soient délivrées inutilement lorsque l'aptitude n'est pas un enjeu. On veut que quelqu'un d'autre voie la personne concernée et que cette dernière aille à l'hôpital pour qu'un psychiatre l'examine. Les évaluations de l'aptitude et de la non-responsabilité criminelle, qui durent 30 jours, sont inutiles quand il n'y a pas lieu de statuer sur la responsabilité criminelle.

Beaucoup de retards découlent du fait de ne pas savoir ce qu'on cherche, qu'on s'arrête au simple fait de reconnaître dans la salle d'audience qu'une personne présente des problèmes de santé mentale manifestes et de se dire que la non- responsabilité criminelle est la seule possibilité à envisager. Il y a beaucoup de retards et d'étapes supplémentaires, dans le cas de nos clients, qui sont tout à fait inutiles, ce sont des situations où nos clients devraient suivre la procédure normale.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Bradford, si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit lors de votre présentation, nous nous retrouvons devant deux échecs : celui du système carcéral, qui est incapable d'offrir les soins nécessaires aux gens qui souffrent de problèmes de santé mentale, et celui du système de santé, qui est incapable de les accueillir tout en garantissant la sécurité de la population.

En présumant que ces situations sont en partie responsables de certains retards au sein des cours de justice, par où doit-on commencer pour rédiger un rapport qui sera à même de proposer les changements qui s'imposent? Nous ne pourrons pas tout changer simplement en claquant des doigts.

[Traduction]

Dr Bradford : C'est une très bonne question. J'ai fait des expériences dans des tribunaux de la santé mentale et j'y ai vu une personne adressée à cette instance qui n'y était pas admissible. Il n'y avait aucun problème d'aptitude ou de responsabilité criminelle. Si l'affaire est portée devant le tribunal des cautionnements, il se passe une tout autre chose. Le fait que l'accusé a un problème de santé mentale lui nuit. Il n'y a pas beaucoup d'interventions, car personne n'est là pour intervenir. Le seuil requis pour être libéré sous caution est trop élevé, alors l'accusé se retrouve essentiellement dans un centre de détention offrant ni programmes ni quoi que ce soit d'autre.

Je ne suis pas avocat, mais j'ai eu l'impression que le seuil déterminé pour assurer la protection du public est parfois trop élevé, même lorsqu'il s'agit d'une infraction moyennement grave. Évidemment, s'il s'agit d'un meurtre, d'un homicide, d'infractions sexuelles graves ou d'autres infractions graves, la situation est différente. Mais il s'agit de la minorité. Il se passe quelque chose, à ce niveau-là. Cela renvoie peut-être à des aspects juridiques ou éducatifs, peut- être que cela renvoie à toutes sortes de choses.

À Ottawa, vous disposez d'un système et d'un tribunal de la santé mentale assez perfectionnés. Je travaille aussi à Brockville, et, à certains égards, c'est très différent. Nous avons un tribunal de la santé mentale qui, à certains égards, fonctionne mieux. Le tribunal de la santé mentale et le tribunal des cautionnements ne sont pas censés fonctionner de façon coordonnée, mais c'est ainsi que cela se passe, en réalité. Il est possible de passer d'un à l'autre. C'est une exception.

Dans bien des régions du pays, dans bien des régions de l'Ontario, il n'existe rien qui ait ne serait-ce que l'apparence d'un tribunal de la santé mentale. Je soupçonne que des gens sont détenus indûment en raison d'un risque perçu élevé, plus élevé qu'il ne l'est en réalité.

Mme Szigeti : Je suis on ne peut plus d'accord avec les commentaires du Dr Bradford. Je souscris également aux observations de M. Baillie, plus tôt, sur l'application variable de la norme selon le niveau de ressources, et les personnes souffrant d'une maladie mentale n'ont pas, en général, beaucoup de ressources.

Nous avons besoin de ce que j'en suis venue à appeler des « places de cautionnement », et je crois que nous parlons à peu près de la même chose. Il y a des gens qui ne peuvent pas verser une caution parce qu'ils sont itinérants, qu'ils n'ont ni logement ni soutien, et nous devrions avoir un endroit où les loger, si c'est tout ce qui leur manque pour avoir droit à un cautionnement.

Nos clients devraient être beaucoup plus nombreux à bénéficier d'une libération sous caution, et le principal obstacle, c'est la maladie mentale. Il y a une stigmatisation qui découle du préjugé qui nous amène à conclure qu'une personne ayant un problème de santé mentale représente forcément un risque accru pour la sécurité publique, et je ne crois pas que ce soit juste ni vrai, mais il faut aussi mentionner l'itinérance, la pauvreté, les déterminants sociaux de la santé et le manque d'avocats. Toutes ces choses vont ensemble. Un grand nombre de clients devraient être libérés sous caution, mais ne le sont pas. J'appuie de tout cœur ces commentaires et ceux de M. Baillie.

Dr Bradford : Il ne s'agit pas seulement de problèmes de santé mentale; il s'agit aussi de problèmes de toxicomanie. Il existe peut-être à Ottawa un tribunal des drogues, avec un réseau qui le soutient. À Brockville et ailleurs, il n'y en a pas; il y a des gens qui comparaissent devant un tribunal des drogues et qui sont libérés sous caution, et le système les soutient. Si vous n'êtes pas à Ottawa, bonne chance. Le problème de toxicomanie joue contre la mise en liberté sous caution.

Le sénateur Baker : Merci aux deux témoins pour ces excellents exposés. Docteur Bradford, vous avez apporté une contribution formidable à la société canadienne. Je tiens à vous féliciter. J'ai vu le travail que vous faites dans nos établissements; je ne savais pas que vous étiez également enseignant.

Madame Szigeti, vous êtes la plus active des avocats plaidants au Canada. Vous avez un très bon bilan... Monsieur le président, elle a environ de 700 à 800 affaires à son actif, et elle ne pratique que depuis la fin des années 1990.

Mme Szigeti : C'est ce que vous aviez dit la dernière fois que je suis venue ici, et les choses ont évolué depuis le temps.

Le sénateur Baker : Vous en êtes à 800 aujourd'hui. Je trouve que c'est incroyable.

Monsieur le président, je crois que ce que le Dr Bradford a dit est important. Nous devrions peut-être convoquer un juge des cautionnements qui n'est pas d'accord avec le système en place en Ontario. Je crois que vous en connaissez un, nous pourrions peut-être le convoquer à titre de témoin devant le comité.

Ma question est la suivante : au sujet des retards, vous avez dit qu'une des principales causes était la divulgation de la preuve, en ce qui concerne vos clients. Devrions-nous déterminer un délai pour la communication des éléments de preuve, dans de tels cas, autrement dit, pour dire, tout comme le fait un juge qui instruit un procès aujourd'hui : « Vous allez présenter dans les 15 jours vos arguments fondés sur la Charte »? Devrions-nous, en tant que comité, recommander que l'on impose à la Couronne un délai pour que certains renseignements soient communiqués avant le plaidoyer et d'autres, après, ou fixer un délai pour la divulgation de l'ensemble de la preuve? Seriez-vous d'accord avec cette proposition? Y voyez-vous un problème? Nous ne demandons pas aux avocats de la défense de divulguer la preuve, quoi que j'ignore si vous vous y objecteriez.

Mme Szigeti : Nous nous y objecterions.

Le sénateur Baker : Alors, en ce qui concerne la divulgation de la preuve par la Couronne, y a-t-il des délais précis?

Mme Szigeti : Tout ce qui obligerait la Couronne à communiquer la preuve dès qu'elle la reçoit serait certainement utile.

Quelles sont les solutions? Est-il possible d'arrêter les procédures relativement à une accusation, comme cela s'est produit dans l'affaire Askov, lorsque le procès n'a pas lieu dans un délai donné? Est-il possible de surseoir à une accusation au criminel si la preuve n'est pas communiquée dans un délai donné? Je l'ignore. Ce serait bien de le pouvoir, mais je doute que ce soit possible.

Le sénateur Baker : Vous voulez dire, si nous imposons un délai?

Mme Szigeti : Je suppose que je suis en train de me demander quels seraient les recours si les délais n'étaient pas respectés, si on en adoptait.

Le sénateur Baker : Vous opposez-vous à l'imposition de délais pour la divulgation de la preuve?

Mme Szigeti : Non, le fait de ne pas recevoir la preuve constitue un problème pour la défense et pour les clients en détention provisoire, c'est certain. Rien ne peut se passer, à mon avis, tant qu'on n'a pas eu la possibilité d'examiner cette preuve.

Le sénateur Baker : Nous avons entendu des témoins selon lesquels les arguments fondés sur l'alinéa 11b), qui fait que des affaires sont tout simplement abandonnées et que des personnes coupables d'une infraction ne subissent pas leur procès, constitue un obstacle important relativement à la communication de la preuve. Ce ne serait pas un problème, à votre avis, si nous recommandions d'imposer à la Couronne l'obligation de communiquer la preuve dans un délai donné, tout comme la Cour suprême du Canada, qui a établi des limites de temps entre la mise en accusation et le procès, et ainsi de suite?

Mme Szigeti : Je ne vois pas pourquoi ce serait un problème, personnellement. Je n'ai pas eu le temps de consulter les 1 400 membres de notre association, mais je ne vois pas pourquoi il y aurait un problème à fixer un délai pour la divulgation de la preuve. De toute évidence, ils ne peuvent vous donner que ce qu'ils ont, et ils vous le donneront dès qu'ils l'auront obtenu. C'est raisonnable. Je n'y vois absolument aucun problème.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie tous deux de ces excellents exposés. En plus des programmes de liaison avec les tribunaux et de déjudiciarisation, nous avons des tribunaux de la santé mentale ainsi que la partie XX.1 du Code criminel dans les cas où un trouble mental entre en jeu. Selon le système des tribunaux de la santé mentale, le juge ne peut pas se contenter de déterminer si l'accusé est coupable ou innocent. Il doit s'assurer que l'accusé ne comparaîtra pas de nouveau devant le tribunal en raison d'accusations subséquentes.

La partie XX.1 du Code criminel est un peu plus difficile, comme vous le savez. Une personne qui a un problème de santé mentale commet un acte criminel et doit comparaître devant un tribunal. Le tribunal ordonne une évaluation psychiatrique, et cette évaluation déterminera si l'accusé est apte ou non à subir son procès et s'il est criminellement responsable ou non, en raison de son trouble mental. Le tribunal peut rendre sa décision, et s'il ne rend pas de décision, l'affaire est renvoyée devant une commission d'examen qui devra trancher la question, et la commission d'examen ne peut rendre que trois décisions : l'absolution inconditionnelle, l'absolution sous conditions ou une ordonnance de détention dans un établissement psychiatrique. C'est un peu plus compliqué.

Seriez-vous d'accord pour dire que, dans le cas d'infractions criminelles mineures, il ne faudrait pas renvoyer ces personnes devant une commission d'examen, qu'elles ne devraient pas être jugées en application de la partie XX.1 du Code criminel? Elles devraient être jugées par un tribunal de la santé mentale.

Dr Bradford : Elles sont en général jugées par un tribunal de la santé mentale. Encore une fois, cela tient à la variabilité du processus de déjudiciarisation. Par exemple, lorsqu'on a mis en place la déjudiciarisation en Ontario, les premières expériences ont été menées par Andre Berzins, procureur de la Couronne à Ottawa, qui l'a mise à l'essai, et je l'ai aidé. À ce moment-là, le niveau de la déjudiciarisation était fondé uniquement sur les accusations. Le fait que l'accusé avait un trouble mental ou quoi que ce soit d'autre n'importait pas : si les accusations étaient vraiment mineures, il n'était même pas question d'un tribunal de la santé mentale. C'était une déjudiciarisation automatique, il n'y avait pas de comparution devant un tribunal de la santé mentale.

Une partie du problème, c'est que, si vous vous présentez devant un tribunal de la santé mentale, vous mettez le doigt dans l'engrenage. Je ne crois pas que ce type de déjudiciarisation existe toujours aujourd'hui — je crois qu'on l'a abandonné —, mais, oui, c'était une façon d'éliminer les accusations pour une infraction mineure, que l'accusé ait ou non un problème de santé mentale. Si l'accusé avait un problème de toxicomanie ou de santé mentale, il y avait des agents de liaison avec les tribunaux qui pouvaient l'aiguiller vers un programme de lutte contre la toxicomanie, mais cela n'allait pas plus loin. Alors oui, je crois qu'une telle chose a sa place.

Le sénateur McIntyre : Avant d'être sénateur, j'ai eu l'honneur de siéger à la Commission d'examen du Nouveau- Brunswick, et j'ai constaté que l'un des principaux défauts du système, c'était que les tribunaux concluaient trop rapidement que les jeunes accusés d'une infraction criminelle mineure étaient, soit inaptes à subir leur procès, soit aptes à le subir mais non criminellement responsables en raison d'un trouble mental. Nous nous retrouvions alors, en tant que commission, à traiter des centaines de dossiers qui auraient dû être traités par la commission de la santé mentale. Très peu de gens étaient dirigés vers le tribunal de la santé mentale.

Dr Bradford : Je suis d'accord.

Mme Szigeti : J'ai entendu le Dr Bradford dire qu'il était d'accord, et je suis également tout à fait d'accord. Ma pratique, à l'heure actuelle, est exclusivement consacrée à la défense de personnes qui comparaissent devant la commission d'examen ou qui ont interjeté appel. J'ai une sous-spécialité, à savoir les personnes qui ont commis des infractions très graves, par exemple un homicide ou une agression sexuelle grave. En plus de 23 ans, je me suis occupée de centaines, voire de milliers de personnes qui comparaissaient devant une commission d'examen en raison d'un méfait ou d'une infraction contre les biens, procédure qui, au bout du compte, a fini par leur coûter 10 ans ou plus de liberté parce qu'elles ne respectaient pas leur traitement, qu'elles ne se conformaient pas aux règles et qu'elles ne pouvaient jamais se rendre admissibles à l'absolution inconditionnelle — ni à l'absolution sous conditions, d'ailleurs — parce qu'elles étaient toujours mal en point ou incapables de se conformer.

Ce n'est pas un endroit qui convient à des gens qui ont uriné en public.

Le sénateur McIntyre : À ce propos, pensez-vous que nous devrions formuler une recommandation visant à modifier le Code criminel?

Mme Szigeti : Je crois que nous devrions promulguer et appliquer les zones grises qui ont existé pendant les 10, 15 ou 20 ans où j'ai attendu. Il devrait y avoir dans la partie XX.1 des dispositions déterminant une limite, et, si vous voulez examiner ces dispositions, je vais vous demander encore une fois, très poliment — comme je l'ai fait je crois lorsque j'ai comparu devant votre comité, plus tôt, avant que la loi ne soit adoptée — d'éliminer tout ce qui concerne les délinquants à risque élevé qui fait que des gens sont enfermés dans des unités pendant trois ans. Tant qu'à revenir sur une partie de cette loi, vous voudrez peut-être en revoir une autre; les délais touchant la réhabilitation, selon lesquels une personne qui n'arrive pas pendant un certain temps à se réhabiliter sera, en vertu de la loi, obligée de demeurer dans une unité.

Le sénateur Joyal : Ma première question s'adresse au Dr Bradford. Est-ce que votre initiative — la mise en place d'un système de déjudiciarisation, qui semble certainement régler une partie du problème — a été reprise ailleurs au Canada, à votre connaissance? Ou est-ce qu'elle se limite aux grands centres de l'Ontario?

Dr Bradford : Eh bien, le procureur général a rendu le principe obligatoire, en Ontario. Les choses se déroulent différemment, dans la réalité, à Timmins, à Ottawa et à Toronto.

Encore une fois, si vous regardez mes diapositives, la déjudiciarisation fonctionne, mais cela dépend des ressources. Il est plus facile d'obtenir des ressources au centre-ville d'Ottawa ou de Toronto qu'à Timmins. Et voilà que je m'en prends à Timmins.

Le sénateur Joyal : Avez-vous quelque chose contre Timmins?

Dr Bradford : Non, non, je n'ai rien contre Timmins. J'adore Timmins. Mais vous voyez ce que je veux dire.

Les principes ont été mis en place, mais ils sont mal appliqués dans bien des cas — ou, à tout le moins, ils ne sont pas appliqués comme ils devraient l'être —, puis, pour des raisons qui m'échappent, étant donné que cela a beaucoup à voir avec les avocats de la Couronne et avec l'attention qu'ils portent à la question... Alors, même si les principes sont obligatoires, ils ne sont pas appliqués de manière uniforme. Parfois, ils ne sont pas appliqués du tout — parce qu'on manque de ressources —, ou bien ils ne sont pas appliqués de manière uniforme, ce qui entraîne l'autre problème dont j'ai parlé.

Mme Szigeti : Le pouvoir discrétionnaire des avocats de la Couronne est extrêmement variable quand il s'agit de déjudiciarisation. Certaines infractions ouvrent la voie à la déjudiciarisation, d'autres pas. Il y a aussi toute une gamme d'infractions qui se situent entre ces deux extrêmes, qui reposent entièrement sur le pouvoir discrétionnaire de la Couronne, alors la déjudiciarisation est offerte de façon très variable et imprévisible.

Le sénateur Joyal : Est-ce que cela se passe de la même manière dans les autres provinces du Canada? Le savez-vous?

Dr Bradford : J'ai visité tous les tribunaux du Canada. Ceux de la Colombie-Britannique sont relativement évolués, ceux de l'Alberta également. La plupart des administrations ont prévu quelque chose, mais le niveau d'évolution varie. Je crois que de manière générale, à l'échelle du Canada, l'avenue liée à l'aptitude et à la non-responsabilité criminelle fonctionne de manière assez uniforme. Nous parlons de l'autre groupe, et n'oubliez pas que, comme je l'ai dit, nous offrons la déjudiciarisation à 85 p. 100 des gens — à Ottawa, du moins — qui ont un problème de santé mentale.

Le sénateur Joyal : C'est un nombre très élevé.

Dr Bradford : C'est ce groupe qui me préoccupe. Ce sont eux qui disparaissent et qui sont aux prises avec toutes sortes de problèmes.

Le sénateur Joyal : Madame Szigeti, vous avez parlé du fait que 99,9 p. 100 des gens qui ont une maladie mentale doivent se tourner vers les services d'aide juridique. Est-ce que ce facteur joue dans le ralentissement et la congestion du système judiciaire?

Mme Szigeti : Oh, vous parlez du fait que les avocats qui aident ces clients reçoivent les honoraires des services d'aide juridique, nécessairement? Une partie du problème tient au fait que, pour représenter ce groupe de clients, il faut y consacrer énormément de temps. Les rencontres avec une personne qui a un gros problème de santé mentale durent en moyenne de trois à quatre fois plus longtemps que lorsque la rencontre se fait avec une personne qui n'a pas ce type de problèmes.

Parallèlement, les considérations de ce genre ne sont pas comprises dans les honoraires habituels versés par l'aide juridique. Vous ne disposez que de deux ou trois heures pour préparer l'audience sur le cautionnement d'une personne, et l'entrevue préliminaire avec votre client va prendre bien plus longtemps que cela.

J'ignore comment cela contribue à entraîner des retards, mais un grand nombre d'avocats du secteur privé ont tout simplement l'impression qu'ils ne peuvent pas représenter cette population de clients en raison des contraintes du système d'aide juridique.

D'un côté, un grand nombre de personnes atteintes de maladie mentale ne sont pas représentées par un avocat, et de l'autre, des avocats de service essaient de remplir beaucoup plus de fonctions que n'en suppose leur rôle afin de combler cette lacune. Récemment, Aide juridique Ontario — tout à son honneur — a mis en œuvre, après trois ou quatre ans d'élaboration, une stratégie sur la santé mentale afin de régler au cours des prochaines années les problèmes propres à la région qui ont été cernés.

Bien sûr, il y a de temps en temps des cas très médiatisés où une personne atteinte d'un trouble de santé mentale évident dispose clairement des ressources pour retenir les services d'avocats de premier ordre. Dans ces cas, effectivement, l'affaire est souvent instruite rapidement, mais ce n'est pas parce que les avocats de l'aide juridique offrent un moins bon service; c'est que nous sommes restreints par les ressources limitées à notre disposition et les immenses besoins de cette population de clients.

Dr Bradford : On a déjà retenu mes services dans le cadre d'évaluations du risque, et il y a eu des cas où des avocats du secteur privé ont réussi à obtenir la mise en liberté sous caution même lorsqu'il s'agissait d'affaires de meurtre et d'homicide involontaire coupable. Ils disposent de beaucoup de ressources. Dans d'autres affaires de voies de fait, la mise en liberté sous caution est refusée alors qu'elle aurait dû être acceptée.

Le sénateur White : Je vous remercie tous deux d'être ici. Jusqu'ici, la conversation a surtout porté sur ce qui ne fonctionne pas dans le système, sur la façon dont la situation se détériore ou ce qu'il faudrait ajouter à ce système déficient. En 2006, dans la région de Durham, on a chargé un travailleur social d'examiner chacune des accusations dans les affaires concernant un jeune délinquant. Dans les cas où il y avait un incident lié à un problème de santé mentale, l'affaire était déjudiciarisée, et la personne était aiguillée vers les Boys and Girls Clubs, les services de santé mentale de Lakeridge Health et le Pinewood Centre, puisque, la plupart du temps, ces jeunes délinquants souffrent d'un trouble concomitant.

La première année, 60 p. 100 des causes ont été écartées du système judiciaire, et voulez-vous savoir qui s'est opposé à ce processus? C'étaient les avocats de la défense, le barreau et les avocats de la Couronne. Le procureur chef a dit qu'on aurait moins recours aux services d'avocats dans les tribunaux pour adolescents si cela se poursuivait.

Ce qui me préoccupe, dans les conversations sur les lacunes de notre système, c'est quand j'entends qu'il faudrait davantage d'avocats — et je ne veux pas manquer de respect aux avocats, même implicitement — dans le système. Je ne vois pas comment les avocats pourraient régler le problème, puisque, dans les faits, ils n'ont pas l'expertise requise. Nous devons déjudiciariser les affaires concernant des personnes atteintes de maladie mentale, à moins qu'elles ne représentent un très grand danger pour la sécurité publique. Toutefois, ce n'est pas le cas de la plupart d'entre eux. Êtes-vous d'accord, docteur?

Dr Bradford : C'est le cas. Je tire une fierté du fait que notre travail, bien fait, a permis la déjudiciarisation d'environ 85 p. 100 de ces affaires concernant de graves infractions commises par des gens atteints de graves problèmes de santé mentale. Nos efforts devraient être axés là-dessus. Un programme très efficace que je connais bien, en vigueur à Durham, vise — bien sûr — les jeunes délinquants. Toutefois, nous n'avons pas de mesure similaire pour ces 85 p. 100 de délinquants adultes. Les efforts sont éparpillés. Ottawa pourrait offrir quelque chose d'efficace qui n'est pas efficace à Timmins. Et voilà que je recommence à dévaloriser Timmins.

Vous savez ce que je veux dire : il y a un manque d'uniformité, et il est difficile de prévoir ce qui va arriver.

Le sénateur White : Il y a 210 000 $ de financement — c'est toujours en vigueur à Durham, soit dit en passant — pour faire fonctionner le projet pilote de ce programme. La province l'a financé entièrement. Quatre employés à temps partiel ont été embauchés pour exécuter le programme, et cela a permis de traiter facilement 60 p. 100 des affaires concernant des jeunes atteints de problèmes de santé mentale. Il faut le dire, c'est un bien meilleur investissement que les 118 000 $ qui seraient utilisés pour garder une personne en incarcération dans un pénitencier ou dans un centre de détention provisoire, n'est-ce pas?

Dr Bradford : Je suis d'accord.

Mme Szigeti : J'aimerais prendre un moment pour féliciter la région de Durham d'un autre effort dont vous avez certainement déjà entendu parler. Mike Newell, un avocat de la Couronne à Durham, a mis en œuvre un programme similaire, PASE, s'adressant aux personnes âgées où la démence est un facteur. Le programme a pour objectif de trouver des moyens pour contourner les politiques nationales de mise en accusation et orienter les personnes âgées vers les ressources dans la collectivité qui peuvent leur venir en aide.

Je crois que le Dr Bradford et moi-même avons le même message. Il y a des groupes faciles à cerner, outre ceux souffrant de problèmes de toxicomanie et de santé mentale, soit les jeunes et les personnes âgées. C'est très facile de viser ces personnes. Toute personne accusée au criminel peut présenter de graves problèmes de santé mentale, traverser une crise aiguë ou devenir inapte à subir un procès à tout moment du processus judiciaire lorsqu'il n'y a aucune ressource, aucune personne pour coordonner les Services de santé mentale et aucune option de déjudiciarisation. C'est pourquoi nous devons instaurer une forme d'éducation universelle pour faire en sorte que tous les juges et tous les avocats de la Couronne, dans toutes les salles d'audience de tous les palais de justice, aient des connaissances élémentaires, au minimum, des mesures extrajudiciaires et des aspects connexes qui s'offrent.

La sénatrice Batters : Merci beaucoup à vous deux d'être ici, et merci de tout le travail que vous faites pour aider les personnes atteintes de maladie mentale au Canada.

Docteur Bradford, vous nous avez présenté des diapositives très intéressantes. Je suis restée saisie quand j'ai vu que l'établissement psychiatrique le plus important aux États-Unis est probablement, à l'heure actuelle, la prison de comté de Los Angeles, suivie de près par la prison de comté de Cook, à Chicago, et que la situation était semblable au Canada.

Pouvez-vous nous en parler davantage? J'ai remarqué qu'on évaluait, depuis 2009, les nouveaux délinquants admis dans le Service correctionnel du Canada afin de dépister les problèmes de santé mentale. Selon une source, 28 p. 100 des nouveaux délinquants de sexe masculin souffrent d'un trouble de santé mentale diagnostiqué.

Pourriez-vous vous exprimer sur ce sujet et nous informer succinctement des programmes offerts dans les établissements fédéraux aux délinquants qui souffrent d'un problème de santé mentale? Cela nous serait utile.

Dr Bradford : On a déployé des efforts dans les établissements fédéraux afin de composer avec les délinquants incarcérés qui sont atteints de problèmes de santé mentale, comme les centres psychiatriques régionaux. Le problème est venu du rapport préparé par Rhodes Chalk, vice-doyen de l'Université d'Ottawa, en 1976. Il a recommandé au Service correctionnel du Canada de l'époque d'ouvrir des établissements de traitement dans chaque province. Ces établissements étaient très similaires à ce qu'est devenu par la suite l'établissement de St. Lawrence Valley. Le personnel était très bien formé. Essentiellement, il s'agissait d'une prison-hôpital — si on peut l'appeler ainsi —, et, malheureusement, mis à part Saskatoon — qui a appliqué un modèle très voisin — le reste n'a jamais fonctionné.

L'Ontario, si l'on prend la plus grande des provinces en exemple, n'a jamais obtenu les résultats qu'elle aurait dû obtenir. Notre conversation serait différente à l'heure actuelle si cette vision s'était concrétisée ailleurs — disons — qu'à Saskatoon et à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Il va sans dire que l'Ontario ne réussit pas du tout à offrir des traitements appropriés. Le Nouveau-Brunswick et les Maritimes y arrivent un peu, même si elles ne suivent pas le plan original. Les choses se sont développées en quelque sorte de manière fortuite, même si le plan original était excellent.

La sénatrice Batters : Madame Szigeti, je vous remercie d'avoir porté à notre attention le fait très surprenant que le gouvernement de la province de l'Ontario limitait à deux heures — soit environ 200 $ de rémunération — le temps que les avocats pouvaient passer à préparer une audience sur la libération sous caution. Je me demandais quand cela avait été imposé et si quelqu'un avait pris des mesures pour contester cela. Avant, quelle était la limite?

Mme Szigeti : Malheureusement, je ne sais pas grand-chose de l'aspect historique par rapport à ce sujet. La limite de deux heures pour la préparation d'une audience sur le cautionnement est imposée depuis un certain nombre d'années. Je dirais que cela fait au moins trois ou cinq ans que le barreau a, pour l'essentiel, arrêté d'offrir des services relativement au cautionnement. Actuellement, il y a beaucoup de mobilisation visant à régler la situation et à rétablir les services des avocats de la défense. De fait, le gouvernement de l'Ontario a augmenté la limite relative à l'admissibilité à l'aide juridique en injectant beaucoup d'argent, au cours de l'année dernière, dans tout cela, et la CLA a travaillé avec Aide juridique Ontario. Une partie de ce financement pourrait être utilisée pour offrir de nouveaux services; il s'agirait simplement de fournir un financement relatif au cautionnement dans le cadre d'un nouveau service ou d'un projet pilote.

Il s'agit de savoir comment intégrer le financement. L'argent n'est pas censé être utilisé pour accroître les tarifs existants, il doit être utilisé pour mettre à l'essai de nouveaux services et de nouveaux efforts. Alors, il faut déterminer s'il serait possible d'intégrer ce financement dans d'autres efforts.

Il y a beaucoup de mobilisation à ce chapitre. Notre priorité numéro un, depuis les trois dernières années que je siège à la Criminal Lawyers' Association, est de promouvoir, auprès du gouvernement de l'Ontario et d'Aide juridique Ontario, le financement de la représentation par avocat pour les audiences sur le cautionnement et d'amener les avocats de la défense à pouvoir de nouveau offrir ces services aux tarifs de l'aide juridique.

Au total, cela devrait représenter environ cinq, six ou huit heures.

La sénatrice Batters : Comme vous l'avez mentionné précédemment, la situation est vraiment compliquée par les besoins des clients qui sont atteints d'un problème de santé mentale.

Mme Szigeti : Les dispositions législatives concernant le cautionnement se sont également complexifiées. Les audiences sur la libération sous caution prennent plus longtemps en conséquence.

La sénatrice Batters : Oui, bien sûr. S'il vous plaît, pouvez-vous nous fournir un peu plus d'information à ce sujet, car j'aimerais en savoir davantage? Simplement une copie d'une lettre de revendication récente ou quelque chose de similaire ferait l'affaire.

Mme Szigeti : Aucun problème.

La sénatrice Batters : À mon avis, cela pourrait s'avérer un facteur important, du moins en ce qui concerne la déficience du système ontarien.

Mme Szigeti : Tout à fait. Nous donnerons suite sans problème à votre demande et nous vous enverrons l'information.

Le président : C'est tout pour aujourd'hui. Je veux vous remercier d'avoir accepté notre invitation et d'avoir contribué de manière si utile et instructive à notre étude. Nous l'apprécions beaucoup.

(La séance est levée.)

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