Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 18 - Témoignages du 30 novembre 2016
OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S- 230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues), se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier le projet de loi, puis à huis clos pour examiner un projet d'ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour. Bienvenue aux collègues et à nos invités.
Le Sénat a renvoyé au comité, un peu plus tôt cet automne, le projet de loi C-230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les facultés affaiblies par les drogues). C'est la première séance que nous consacrons à ce projet de loi.
Nous sommes heureux d'avoir avec nous le parrain du projet de loi, l'honorable sénateur Claude Carignan, qui va tout nous expliquer.
Sénateur, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.
L'honorable Claude Carignan, C.P., parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président.
[Français]
Chers collègues, je suis heureux de témoigner dans le cadre du projet de loi S-230. Le projet de loi S-230 cible un problème grave et grandissant, soit la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues.
Les policiers et les experts s'entendent pour dire que les outils visant à détecter en bord de route la présence de drogues dans l'organisme des conducteurs sont insuffisants.
Or, les statistiques sont révélatrices. En 2013, la police a traité environ 80 000 cas de conduite avec les facultés affaiblies. De ce nombre, seulement 3 p. 100, soit 1 984 cas, concernaient des cas de facultés affaiblies par les drogues. Le reste, 97 p. 100, était relié à l'alcool. Ces 3 p. 100 représentent environ cinq cas par jour de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues pour l'ensemble du pays. C'est manifestement anormal.
Selon MADD Canada, en 2012, la drogue était présente dans l'organisme de conducteurs dans le cas de 614 décès de la route comparativement à 475 décès liés à l'alcool. Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies confirme également cette tendance. En outre, les sondages réalisés à l'aide d'échantillons de tests aléatoires révèlent un pourcentage beaucoup plus élevé de conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
Comme l'explique le juge Lamer dans l'arrêt Bernshaw, le législateur a adopté un régime législatif en deux étapes — les paragraphes 254(2) et (3) du Code criminel — pour vérifier si les facultés des conducteurs sont affaiblies. La première étape offre un moyen de découvrir les conducteurs dont les facultés sont affaiblies et constitue un examen préliminaire. À la seconde étape, il s'agit de déterminer précisément la quantité de la substance que contient l'organisme du conducteur.
Les amendements proposés par le projet de loi S-230 visent seulement la première étape, l'étape préliminaire. Le projet de loi S-230 ne modifie pas le régime de l'expert en reconnaissance des drogues et ne crée pas une nouvelle infraction.
Les appareils de détection, comme le dit la jurisprudence, sont des instruments approuvés pour l'utilisation lors de la première étape. Ces appareils offrent un moyen de détection rapide, objectif et peu intrusif. Ils servent à forger l'élaboration de motifs raisonnables.
Dans le Code criminel actuel, des soupçons raisonnables de présence de drogue permettent l'administration d'un test de coordination des mouvements. C'est sur la base de ce même test qu'un policier déterminera s'il faut envoyer ou non un conducteur au poste de police pour lui faire subir 12 tests supplémentaires et exiger un échantillon, si le cas est positif, d'urine ou de sang.
Selon nos recherches, les policiers disposent de peu d'outils pour forger des motifs raisonnables de croire qu'un conducteur est intoxiqué par la drogue. Aucune personne ne sera accusée sur la base du résultat de ce test. Le second test de validation implique l'échantillon d'une substance corporelle, qui sera expédié et analysé en laboratoire afin de déterminer avec exactitude la ou les drogues qui se trouvent dans l'organisme du conducteur et leur niveau de concentration.
Le projet de loi S-230 amende donc le Code criminel pour donner aux policiers un outil de détection complémentaire aux autres tests et outils. Le projet de loi S-230 permettrait au procureur général d'approuver, par arrêté, un appareil de détection, comme c'est le cas depuis des années pour la détection d'alcool par le truchement, notamment, du test ALERT. Cet appareil serait choisi après consultation auprès des experts. Il appartiendrait au gouvernement de déterminer le seuil de détection et le type de drogue à détecter.
Selon notre analyse de la jurisprudence, le test de liquide buccal serait interprété par les tribunaux de la même façon que le test par ivressomètre au sens de la Charte, soit le test ALERT utilisé en première étape. La jurisprudence est unanime sur le fait qu'un conducteur qui échoue à un test de dépistage de l'alcool n'encourt pas de responsabilité criminelle, mais peut se voir contraint de subir le test plus exact prévu au paragraphe 254(3) du Code criminel. L'impact d'un test est donc limité, et ses avantages, soit la prévention et la sécurité, dépassent de beaucoup ses inconvénients.
L'appareil de détection approuvé jouerait donc un rôle complémentaire. Il s'ajouterait au test de coordination et à la somme des observations faites sur le terrain, notamment la manière de conduire, la démarche physique, des questions/ réponses, l'odeur, l'apparence des yeux et les aveux. Cela permettrait de renforcer les motifs raisonnables de croire qu'il y a infraction.
Le projet de loi S-230 donne donc un choix supplémentaire aux policiers à l'étape du prélèvement de l'échantillon de liquide corporel. Après avoir observé un individu, lui avoir fait subir un test de coordination des mouvements et obtenu un test indiquant la présence de drogue, un policier pourrait demander, s'il a des motifs raisonnables de croire que la capacité de conduire d'une personne est affaiblie par la drogue, un prélèvement de substances corporelles. L'agent de la paix pourrait également choisir de recommander l'individu à un agent évaluateur pour qu'il subisse les 12 tests supplémentaires.
La Cour suprême du Canada a été claire dans l'arrêt Bernshaw : « [. . .] chaque cas doit être examiné par rapport aux faits qui lui sont propres. » Comme le dit la juge L'Heureux-Dubé dans le même arrêt, et je cite :
[...] le test de détection vise à permettre à la police de juger rapidement, efficacement et de manière raisonnablement fiable de la sobriété d'une personne, de façon à éliminer de la route les conducteurs dont les facultés sont affaiblies. Le test de détection est un moyen rapide, facile et sommaire de lutter contre un danger très réel sur les routes. C'est un appareil de détection qui, de ce fait même, n'est pas parfait. C'est en partie pour ce motif que ses résultats ne donnent pas lieu à des conséquences pénales.
En résumé, il s'agit d'un outil supplémentaire de détection, qui viendra fonder les motifs raisonnables et probables de croire qu'il y a infraction, pour permettre aux policiers de passer à la seconde étape.
Ceci met un terme à ma présentation. Je suis maintenant disposé à répondre aux questions des sénateurs.
[Traduction]
Le président : Merci, sénateur. Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par le vice-président, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Merci, et bienvenue au témoin. Il faut le féliciter pour avoir recherché le moyen de permettre aux policiers de procéder à des contrôles routiers pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues.
Comme vous le savez, il y a des experts parmi les membres de notre comité. Il y a le sénateur White, qui est un spécialiste de cette question. Nous avons le sénateur Dagenais, qui est un expert judiciaire pour ce qui est des certificats concernant les ivressomètres. Nous avons le juge Sinclair, un juge de la cour provinciale, qui entend ce type d'affaires.
Voici ma première question et le président va peut-être m'interrompre de toute façon de sorte que je ne pourrais peut-être pas en poser une deuxième : pourquoi pensez-vous que nous ayons besoin de faire davantage? Nous avons examiné il n'y a pas très longtemps, avec le gouvernement précédent, le gouvernement conservateur, un projet de loi concernant la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. C'était un projet de loi sur la conduite avec les capacités affaiblies par les drogues, et une des grandes mesures législatives que ce gouvernement avait proposées, et qui prévoyait des tests de coordination au bord de la route. En cas d'échec à ces tests, le conducteur devait fournir un échantillon d'urine, par exemple.
Je ne suis pas capable de passer ces essais sur la route. Je suis trop vieux pour le faire. Je ne suis pas capable de me tenir sur une jambe ni de marcher le long de la route, je serais donc obligé de passer à la deuxième étape.
Pourquoi avons-nous besoin de dispositions supplémentaires applicables sur la route, sans avoir le droit aux services d'un avocat, parce que c'est bien ce que dit votre projet de loi, qui autorise la prise d'un échantillon d'ADN et le prélèvement de liquide buccal? Pourquoi pensez-vous que nous ayons besoin de cette preuve supplémentaire indiquant que le conducteur exhibe des signes de facultés affaiblies par les drogues?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je vous dirais, dans un premier temps, que ce n'est pas un extra. C'est plutôt un élément qui comble une absence. Il y a, actuellement, absence de tests de détection de la quantité de drogues dans le système d'un individu, pour ce qui est de la conduite en état d'ébriété et pour le contrôle des policiers. Actuellement, lorsqu'un policier intercepte un automobiliste dont il croit qu'il a les facultés affaiblies, il va souvent lui faire passer le test ALERT ou l'amener au poste de police pour lui faire subir un test de détection d'alcool. S'il a à sa disposition un expert en reconnaissance de drogues, il peut également lui ordonner d'aller voir cet expert.
Comme vous le dites, l'expert est une personne formée. Il n'y en a pas beaucoup. Plusieurs corps de police n'en ont pas. À Saint-Eustache, nous n'en avons qu'un. Cette personne n'est disponible que les fins de semaine. La disponibilité d'experts crée un problème. Lorsque j'ai consulté mon chef de police, à Saint-Eustache, à ce sujet, celui-ci m'a dit que c'était un problème majeur. Je lui demandais comment il trouvait ce système qu'on avait mis en place. Il me disait que c'était extrêmement complexe. Les chefs de police en ont discuté et ont indiqué qu'ils aimeraient avoir un outil technique pour aider à la détection. On sait que cela existe ailleurs dans le monde, mais pas au Canada.
J'ai donc entrepris des recherches et j'ai effectivement constaté que, dans plusieurs pays, des appareils de détection existent. J'ai aussi trouvé plusieurs articles et de la documentation, mais aussi des résolutions de l'Association canadienne des chefs de police qui demandaient la mise en place de ce test. J'ai rencontré des gens de MADD. J'ai vu des reportages télé préparés par MADD où on démontrait l'existence de simples tests qui donnaient aux policiers un outil pour détecter, sur le bord de la route, les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par les drogues.
Il s'agit d'un test objectif. Toutefois, aucune condamnation ne peut découler des résultats de ce test. Ce test aide les policiers à avoir des motifs raisonnables d'aller plus loin. Le policier peut soit amener la personne au poste pour qu'elle soit évaluée par un expert en reconnaissance de drogues ou soit prendre un autre échantillon de salive, d'urine ou de sang pour documenter son dossier.
En fait, il s'agit d'un outil complémentaire, à la demande des policiers.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Le sénateur Baker a demandé pourquoi, et je crois que, dans vos commentaires préliminaires vous avez dit pourquoi — parce que les statistiques démontrent qu'il n'y a pas suffisamment de conducteurs qui sont inculpés de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues. C'est peut-être pour cette raison que nous avons besoin de ce mécanisme supplémentaire.
Deux très brèves questions : Certaines provinces prévoient déjà des peines pour la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues. Quel sera l'effet de ce projet de loi sur les pénalités supplémentaires que les provinces imposent déjà?
[Français]
Le sénateur Carignan : Le projet de loi ne modifie pas les pénalités, ne crée pas de nouvelle infraction. Il autorise l'utilisation d'appareils qui aideront les policiers à détecter les conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue. Ce test est réalisé en bordure de route. Il permet aux policiers de détecter la présence ou non de drogues. À la suite de ce test, si le policier soupçonne un conducteur d'avoir les facultés affaiblies par la drogue, il demandera un autre échantillon, qui sera envoyé dans un laboratoire scientifique pour y être analysé de façon complète. Il s'agit donc d'un test de validation.
Techniquement, cet outil n'augmentera pas les peines et ne créera pas de nouvelle infraction. Il aider à détecter les situations problématiques.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Il ne fera qu'aider les provinces.
[Français]
Le sénateur Carignan : Oui. Les policiers disposeront d'un outil supplémentaire, ce qui permettra de réduire les coûts de la surveillance. Dans mon projet de loi, je n'ai pas remplacé les experts en reconnaissance de drogues. De l'avis des chefs policiers, ils doivent garder l'expert en reconnaissance de drogues en complément. Cet outil facilitera sûrement le travail des policiers et aura pour effet de réduire le nombre d'experts en reconnaissance de drogues, ce qui permettra de réaliser des économies au niveau des services de police.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Qu'est-ce que la polyconsommation de drogue?
Le sénateur Carignan : Voulez-vous parler du comité sur la polytoxicomanie?
Le sénateur Plett : Très bien, c'est peut-être ce que c'est.
[Français]
Le sénateur Carignan : Dans bon nombre de cas, rares sont les personnes qui consomment une seule drogue. Des experts pourront vous expliquer mieux que moi comment les tests sont conçus pour déceler la présence de certains types ou de certaines familles de drogues. Lorsque l'échantillon est envoyé au laboratoire scientifique pour qu'on y valide la présence de drogues, on peut constater la polytoxicomanie, dans le sens que les drogues que les gens consomment sont des mélanges, des recettes de différents types de drogues.
J'ai rencontré un expert en reconnaissance de drogues à Saint-Eustache qui m'a montré un formulaire provenant d'un laboratoire scientifique. Si je me souviens bien, le conducteur fautif avait consommé 15 drogues.
La sénatrice Jaffer : Je vous félicite pour votre travail. C'est un sujet très important. Nous posons la question à tous les témoins en matière criminelle. Ce projet de loi respecte-t-il la Charte canadienne des droits et libertés?
Le sénateur Carignan : Je n'ai aucune inquiétude pour ce qui est de la Charte canadienne des droits et libertés. On fait une perquisition, parce qu'on prend un échantillon. C'est la première étape.
En deuxième lieu, il y a le droit de consulter un avocat. On oblige la personne à fournir un échantillon avant de lui accorder le droit de consulter un avocat. Dans les deux cas, cela s'est produit avec le test ALERT pour l'alcool. C'est exactement le même type de test. C'est un test de détection qui est validé par un autre test plus poussé.
Le test que je propose est l'équivalent de l'ivressomètre ALERT. Il a été jugé conforme à la Constitution, autant en ce qui concerne la fouille et la perquisition que le droit de consulter un avocat. Pourquoi? Parce que c'est un problème urgent et réel. On doit protéger la population et lutter contre ce fléau qu'est la conduite avec facultés affaiblies.
Deuxièmement, c'est un appareil qui est peu intrusif, qui prélève un échantillon de salive. Vous verrez comment il fonctionne. Ce n'est pas un élément qui est important comme échantillon.
Troisièmement, il y a la question de la conduite avec facultés affaiblies. Conduire est un privilège. Le droit de conduire est assorti de responsabilités, et la Cour suprême a jugé que, en ce qui concerne les perquisitions, les atteintes à la vie privée d'une personne qui a le privilège de conduire sont moins élevées que celles d'une personne qui se trouve dans sa résidence.
Donc, autant pour le droit à un avocat que pour la perquisition, il a été reconnu qu'il s'agit de limites qui sont raisonnables dans le cadre d'une société libre et démocratique. Ces jugements ont été rendus par les juges Lamer et L'Heureux-Dubé. Je ne sais pas si vous connaissez le juge Antonio Lamer, mais, en droit criminel, c'est sans doute le meilleur juriste des 50 dernières années au Canada, et c'est sur son jugement que je me suis fondé.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Sénateur, je suis bien sûr favorable à l'esprit de ce projet de loi et je veux qu'il donne de bons résultats. Mais voilà ce qui me dérange : lorsqu'il s'agit de l'ivressomètre, il faut mettre quelque chose dans la bouche, mais là, si je ne trompe pas, vous prenez un échantillon de salive dans la bouche du conducteur. Si je compare cela à l'ADN, lorsque vous voulez l'ADN d'une personne, il faut obtenir un mandat, si je ne me trompe pas.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'ai un échantillon ici. Je viens de faire le test. Vous voyez que ce n'est pas très intrusif.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : C'est quand même intrusif parce que vous prélevez quelque chose. N'est-il pas nécessaire d'obtenir un mandat pour le faire?
[Français]
Le sénateur Carignan : Non. C'est exactement comme le test ALERT selon le Code criminel. Ce test se fait en bordure de route avec un premier test d'haleine. Si le résultat est positif, la personne n'est pas reconnue coupable en raison de cet élément. Elle est transportée au poste de police pour y subir un test d'alcoolémie selon une méthode scientifique. Si j'avais obtenu un résultat positif sur le test que je viens de faire, même en conduisant, je ne pourrais pas être poursuivi ni avoir de pénalité. Si le deuxième échantillon fournit des motifs raisonnables de croire qu'une personne a conduit avec des facultés affaiblies, il est envoyé à un laboratoire scientifique pour faire l'objet de tests plus poussés. Tout cela a été testé en ce qui concerne l'alcool.
Lors d'un voyage en France, j'ai également consulté Jean-Paul Garraud, un juge d'instruction et ancien député français, qui a mis en place cette législation en France. Nous avons discuté pendant plusieurs heures, et je lui ai posé toutes les questions que vous me posez. Cette question a été portée devant la Cour européenne des droits de la personne, et elle a passé tous les tests.
Le sénateur McIntyre : Sénateur Carignan, je vous félicite pour votre projet de loi que je crois très louable. Si je comprends bien, l'importance de l'appareil de détection est telle qu'il va servir à renforcer les doutes raisonnables du policier qui travaille en bordure de la route. C'est bien cela?
Le sénateur Carignan : Exactement. C'est la raison pour laquelle il y a davantage de poursuites en ce qui a trait à l'alcool. Selon plusieurs policiers avec qui je me suis entretenu, le test ALERT est facile à utiliser et confirme les motifs raisonnables par la suite. Il n'y a pas d'équivalent pour la drogue, donc, ce n'est pas testé. C'est ce qui fait qu'en apparence, il y a plus de cas de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool que par la drogue, tout simplement parce que les policiers n'ont pas l'équipement nécessaire pour faire les tests.
En Angleterre, lorsque ces tests ont été mis en place, il y a eu une augmentation de 800 p. 100 de détection des cas de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues.
Le sénateur McIntyre : Parlez-nous des agents évaluateurs des drogues. Si je comprends bien, le rôle de ces agents a été intégré au Code criminel en 2008.
Le sénateur Carignan : Oui.
Le sénateur McIntyre : Pourriez-vous nous dire pourquoi le système actuel n'est pas prêt à faire face à la légalisation de la marijuana?
Le sénateur Carignan : Concernant la légalisation de la marijuana, nous faisons un pas de plus. Je prétends que c'est utile, et ce, même sans la légalisation de la marijuana. Actuellement, le problème, c'est qu'il y a peu d'experts en reconnaissance de drogue. Deuxièmement, avant de se rendre à l'expert, le policier doit avoir des motifs raisonnables et probables de croire que la personne a conduit avec les facultés affaiblies par la drogue. Les étapes pour arriver jusqu'à l'expert sont compliquées.
Dans sa vie de tous les jours, le policier affecté à la sécurité routière n'a pas nécessairement toutes les connaissances requises. Lorsqu'il voit qu'une personne a les yeux rouges, s'il détecte la moindre odeur d'alcool, il penchera plus vers l'alcool que vers la drogue, parce qu'il dispose du test ALERT. Cependant, s'il avait le test pour détecter la drogue, il pourrait procéder aux deux tests, et on constaterait une situation différente.
Le sénateur McIntyre : En ce moment, au Canada, il n'y a pas assez d'agents évaluateurs des drogues.
Le sénateur Carignan : C'est un problème majeur. J'ai rencontré des experts en reconnaissance de drogue, et je me suis soumis au test en 12 étapes. J'ai pu constater la durée du test, mais, manifestement, l'analyse de l'échantillon est un élément important.
On s'entend pour dire qu'il s'agit de cas de conduite avec les facultés affaiblies. Il peut y avoir présence de drogue sans qu'on ait les facultés affaiblies. L'infraction prévue au Code criminel, c'est la conduite avec les facultés affaiblies et, avec ce test, on ne crée pas de nouvelle infraction.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, sénateur Carignan. Votre projet de loi ne prévoit pas l'amendement du paragraphe 254(5), à la page 512. Je ne sais pas si vous avez la même édition que la mienne.
Le sénateur Carignan : Je m'excuse, les feuilles sont très minces. Non, je n'ai pas la même édition.
Le sénateur Joyal : Je vais la lire. Le paragraphe 5 dit ce qui suit :
[Traduction]
Commet une infraction quiconque, sans excuse raisonnable, omet ou refuse d'obtempérer à un ordre donné en vertu du présent article.
[Français]
En d'autres mots, c'est la personne à qui le policier demande de se soumettre et qui refuse.
Le sénateur Carignan : C'est le refus d'obtempérer.
Le sénateur Joyal : C'est le refus de se soumettre au test. Avez-vous évalué l'état de la jurisprudence et ce que les tribunaux ont conclu par rapport à la portée du refus de se soumettre au test de drogue?
Le sénateur Carignan : Ce que j'ai vu en ce qui a trait au refus d'obtempérer, c'est que ça devient un ordre. La personne serait soumise à une conséquence si elle refusait de passer le test. Elle pourrait être reconnue coupable du refus d'obtempérer, mais la jurisprudence a considéré, dans le refus d'obtempérer au test ALERT, qu'il serait raisonnable de prévoir ce type d'infraction concernant le refus, compte tenu du caractère important de la question de la violation des droits dont on parlait plus tôt.
Le sénateur Joyal : Ce sur quoi j'aimerais vous entendre, c'est sur l'aspect « sans excuse raisonnable ». Peut-on imaginer que la personne qui refuserait de se soumettre pourrait avoir des motifs raisonnables de refuser qui ne seraient pas ceux que la jurisprudence a déjà reconnus à l'égard de l'alcootest?
Le sénateur Carignan : Sûrement. La jurisprudence évolue sans cesse. Les tests seront interprétés et la jurisprudence évoluera. Je pense que, comme dans le cas du test ALERT, une jurisprudence va se créer selon laquelle le test constitue une limite raisonnable dans une société libre et démocratique.
Dans certains cas de refus d'obtempérer, certaines exceptions pourraient être acceptées, mais il est difficile d'imaginer les situations. Je ne doute pas qu'il y en ait, car c'est normal dans le cadre de la mise en œuvre d'un nouveau système.
Le sénateur Joyal : Ne croyez-vous pas que l'état de la jurisprudence à l'égard des motifs reconnus par la cour est complète à l'égard des tests susceptibles d'être faits ou à l'égard du refus de s'y soumettre?
Le sénateur Carignan : La jurisprudence évolue constamment. Les avocats ont de l'imagination, et il y a une multitude de situations qui peuvent se produire. Il y aura toujours une évolution de la jurisprudence à ce sujet.
Le sénateur Joyal : Quel est d'après vous l'impact de l'introduction de ce moyen, en principe objectif, dans l'évaluation des motifs raisonnables que peut avoir un agent de la paix?
Le sénateur Carignan : Comme la Cour suprême l'a mentionné dans l'arrêt Dubé, chaque cas est un cas d'espèce. Lorsque le policier intercepte une personne, lorsqu'il doit établir ses motifs raisonnables, il y a un aspect subjectif et un aspect objectif. Évidemment, ce test aidera, quant à l'aspect objectif, à établir ces motifs raisonnables afin de pouvoir passer à l'autre étape.
Évidemment, cela peut aussi disculper, cela peut complètement anéantir le soupçon. Chaque cas est un cas d'espèce sur les éléments, mais il est certain qu'en présence de soupçons raisonnables, dans le cas d'une voiture qui zigzague, d'une personne qui est lente à remettre son permis de conduire, qui répond lentement, qui a les pupilles dilatées et qui a les yeux rouges, le policier peut lui demander si elle a consommé. Si elle répond oui, le tout repose sur le jugement du policier. Chaque cas est unique.
Le sénateur Dagenais : Au moment où le gouvernement actuel travaille à légaliser la marijuana, il devient évident que les services de police devront être équipés pour lutter contre les conducteurs intoxiqués par la drogue. Dans un premier temps, tout cela va demander la mise en œuvre de nouveaux appareils. On sait que les corps de police vont demander des budgets pour acheter les appareils et former les policiers.
Avez-vous été en mesure d'évaluer les besoins en équipements pour les postes de polices, si une telle loi était adoptée? Quels seraient les besoins au chapitre de la formation? Je sais que c'est difficile à dire.
Le sénateur Carignan : En effet, c'est difficile à dire. En Belgique, lorsqu'une personne est reconnue coupable, les frais du test sont inclus dans l'amende. Je pense que dans ce cas-là, les frais sont d'environ 40 $ l'échantillon. Les policiers ont déjà une formation de base en matière de reconnaissance.
Pour ce qui est des experts, si je prends le cas de Saint-Eustache, l'expert en reconnaissance de drogue forme les policiers afin qu'ils puissent reconnaître les symptômes de consommation de drogue chez les gens durant la conduite et rapporter un échantillon par la suite.
Parfois, la formation se donne à l'interne et sa nature dépend de différents éléments, mais une chose est certaine. MAD a évalué le coût d'un décès à 13 millions de dollars. Donc, si on sauve une vie ou deux, c'est l'équivalent de ce qui est nécessaire pour mettre cet équipement en place.
Je vous ai dit qu'en Angleterre, il y a eu augmentation de 800 p. 100 du nombre de personnes détectées en état de conduite avec les facultés affaiblies. Avec une réduction de quelques points de pourcentage du nombre de décès, les coûts sont rapidement récupérés.
Vous avez parlé de la légalisation de la marijuana. Au Colorado, lorsqu'on y a légalisé la consommation, la hausse des cas de conduite avec facultés affaiblies par les drogues a été de 42 p. 100 en moyenne. Si on ajoute cette statistique ici, à 42 p. 100, et qu'on a déjà 600 décès, au Canada, on parle d'environ 200 à 300 décès occasionnés par la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues à la suite de la légalisation.
Le sénateur Dagenais : Vous avez parlé de la disponibilité de l'expert et du fait qu'à Saint-Eustache, l'expert est disponible les fins de semaine. On sait qu'il y a plus de cas de conduite avec facultés affaiblies pendant la fin de semaine, mais, tôt ou tard, j'imagine qu'il faudra parler de la nécessité d'augmenter le nombre d'experts.
Le sénateur Carignan : C'est définitif, mais le projet de loi laisse la porte ouverte à cela. La façon dont le projet de loi est rédigé, c'est qu'il donne l'option aux policiers de faire les tests de coordination sur le bord de la route et de prendre le deuxième échantillon qui peut être envoyé au laboratoire scientifique. En l'absence d'un expert en reconnaissance de drogue, il y a tout de même des éléments qui leur permettent de bâtir une preuve.
Il est sûr que la preuve sera plus solide si, en plus, elle est présentée avec le rapport de l'expert en reconnaissance de drogue. On pense que c'est difficile à reconnaître, mais je les ai vus à l'œuvre, et c'est assez évident. Les policiers m'expliquent que, quand une personne doit ouvrir sa portière et qu'elle dit que quelqu'un a volé la poignée de porte, il est assez facile de détecter le problème. Les 12 tests sont faits pour déterminer le type de drogue qui a été consommée plutôt que pour connaître le niveau d'affaiblissement des facultés.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le sénateur, je tiens aussi à souligner le beau travail que vous avez fait dans ce dossier. On avait quelques données sur les États qui ont légalisé la marijuana, dont le Colorado, où on remarque que l'incidence des accidents a augmenté de 50 p. 100.
Il est évident qu'avec la légalisation de la marijuana qui sera mise en œuvre au Canada, il faut un outil de détection performant. Mon réflexe serait de dire que ce ne sera pas un outil de répression, mais bien un outil de prévention, sachant que les gens seront contrôlés.
Ma question est assez générale. Quand vous avez préparé votre projet de loi, avez-vous analysé ce qui se faisait dans les pays où il y a eu légalisation, comme en Europe ou en Amérique du Sud? Est-ce que ce genre d'outil est comparable à ceux qui sont utilisés dans ces pays?
Le sénateur Carignan : Tout d'abord, j'aimerais faire un commentaire sur le début de votre question. Cela m'amène à raconter une anecdote. Ma fille m'a expliqué que certains amis et collègues qui vont dans des fêtes choisissent de consommer de la marijuana avant de conduire plutôt que de prendre de l'alcool, parce qu'ils savent que l'alcool peut être détecté par alcootest, mais pas la drogue. Actuellement, il y a des jeunes qui préfèrent fumer un joint de mari plutôt que de boire une bière, sachant que l'alcool sera contrôlé.
Cet élément de connaissance, le fait de savoir que la marijuana peut être détectée, aura un effet préventif évident. On croit que beaucoup de pays ont légalisé la marijuana, mais, en fait, il y en a peu. À part l'Uruguay, qui en est à ses débuts, il y a le Colorado, qui possède les outils de détection. Il y en a aussi en Australie, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Italie et en Suisse, et même dans les pays où ce n'est pas légalisé, parce que ces outils sont reconnus. Ils existent et ils ont été éprouvés scientifiquement.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'il y a des données sur la relation entre l'utilisation des outils de détection et la diminution du nombre d'accidents de ces pays par rapport à ceux qui n'utilisent pas les outils de détection?
Le sénateur Carignan : Je pense qu'il n'y a pas suffisamment de données dans les pays où la consommation de marijuana est légalisée pour pouvoir en tirer une conclusion. Ce qu'on sait, c'est qu'au Colorado, il y a une augmentation de la conduite avec les facultés affaiblies.
Les membres de mon équipe qui se sont entretenus avec des gens du Colorado se sont fait dire ceci : « Préparez-vous, parce que nous n'étions pas prêts, nous n'avions pas les outils, et c'était un joli bordel. »
[Traduction]
La sénatrice Batters : Merci, sénateur Carignan. Je suis heureuse que vous ayez présenté ce projet de loi. Cela fait déjà quelque temps que je dis qu'il serait stupide que le gouvernement libéral légalise la marijuana sans qu'il existe des tests efficaces que l'on puisse faire passer au bord de la route.
Parallèlement, je ne pense pas qu'il faille être devin pour dire ceci : je suis certaine qu'il y aura une multitude d'avocats de la défense qui vont se présenter ici et ailleurs et qui vont soutenir que ce projet de loi soulève de graves préoccupations constitutionnelles. C'est particulièrement plausible parce qu'à la différence de l'alcool, la présence d'une quantité de marijuana suffisante pour entraîner un test positif peut se trouver dans le corps du conducteur depuis un bon moment, peut-être même depuis un mois. Bien évidemment, si le conducteur a fumé un joint il y a un mois et rien par la suite, ses facultés ne seront pas affaiblies par la suite, à la différence des facultés affaiblies par l'alcool, pour lesquelles il existe un test déterminant que l'on peut administrer sur la route.
Que répondez-vous aux arguments constitutionnels qui seront certainement soulevés?
[Français]
Le sénateur Carignan : Plusieurs éléments renforcent la conformité à la Charte, en ce sens que la mesure est immédiate et très peu intrusive. Il y a un élément de proximité du moment de la conduite, et cela diminue les risques d'incertitude sur le plan de la reconnaissance de drogues.
Les experts vous diront qu'on peut prélever le liquide buccal et que ce genre de test est extrêmement précis pour mesurer les facultés affaiblies. Le test détecte la présence de drogue, ce qui permettra ensuite de procéder à un test de validation d'un échantillon qui, lui, sera envoyé au laboratoire.
Évidemment, la présence de drogue ne prouve pas que la personne avait les facultés affaiblies. Il faut autre chose dans la preuve, d'où l'importance de la présence de l'expert en reconnaissance de drogue ou du témoignage des policiers pour démontrer que la personne avait les facultés affaiblies.
Dans le cas de la détection d'une quantité importante de drogue, un toxicologue pourra déterminer le niveau de capacités affaiblies, la quantité et le type de drogue consommée. Donc, cela renforce la preuve sans créer toutefois de nouvelle infraction. On ne parle pas ici de quantité de drogue, on parle de facultés affaiblies par les drogues.
Quant au caractère intrusif, un cheveu pourrait être plus intrusif, parce que le cheveu vous donnera la quantité de drogue qui a été consommée sur une plus longue période de temps, mais pas celui-ci.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Quels sont les autres types de drogues illégales que ce test permet de détecter et j'aimerais savoir s'il détecte également les drogues légales, les médicaments obtenus sur ordonnance comme la benzodiazépine, les opioïdes et ce genre de choses?
[Français]
Le sénateur Carignan : Cela dépend de la programmation de chacun des appareils. La plupart d'entre eux détectent six ou sept familles de drogues, dont la plus importante est le cannabis. La majorité des cas de conduite avec facultés affaiblies ont pour cause le cannabis, ce qu'on appelle les cannabinoïdes, les stimulants, comme la cocaïne, les amphétamines, les métamphétamines, et le LSD. Ces drogues peuvent être détectées dépendamment de la capacité de détection de l'appareil. Encore une fois, si le test est positif, un autre échantillon sera prélevé et sera analysé en laboratoire. La preuve est faite à partir de l'analyse en laboratoire qui est beaucoup plus précise sur les quantités et les autres types de drogues.
[Traduction]
Le sénateur White : Je remercie le témoin d'avoir présenté ce projet de loi. J'ai pensé qu'il était un agent de la paix lorsque j'ai lu ce texte. Le sénateur Dagenais m'a rappelé que les examens d'entrée dans la police étaient beaucoup plus exigeants que ceux d'entrée à la faculté de droit.
En fait, je veux vous féliciter. Les deux principales préoccupations que soulèvent les chefs de police canadiens à propos de légalisation de la marijuana, une mesure qui va être prise, sont premièrement la protection des enfants, bien sûr, et je crois que le régime réglementaire va régler ce problème. La seconde, qu'a soulevée l'Association canadienne des chefs de police, ainsi que l'Association canadienne de gouvernance de police, était le fait que les appareils de détection approuvés n'étaient pas là où ils devaient être. Je me souviens avoir arrêté des conducteurs avec les facultés affaiblies avant que nous disposions du test alert, qui apportait une preuve supplémentaire qui nous permettait de demander un test d'ivressomètre en vue des poursuites, et combien cela était difficile avant d'avoir ce test.
En fin de compte, nous essayons simplement ici d'adopter un outil qui donnera aux policiers la possibilité de passer à la deuxième étape, qui pourra être une prise de sang. C'est tout ce que nous demandons.
Le sénateur Carignan : Exactement.
Le sénateur White : Merci.
Le président : Il nous reste un peu de temps pour un deuxième tour.
Le sénateur Baker : J'aimerais poser tellement de questions. Je me permets de rappeler au témoin que l'utilisation de l'ivressomètre au bord de la route pour détecter l'alcool a été autorisée par un arrêt de la Cour suprême du Canada. C'était contraire à la Charte, mais cette disposition a été protégée par l'article premier de la Charte parce qu'elle était manifestement justifiée dans une société libre et démocratique.
Le sénateur Carignan : Vous avez raison.
Le sénateur Baker : C'est donc ce que vous espérez qui arrivera pour cette mesure, à savoir que si elle est adoptée, vous pensez qu'en cas de contestation, elle sera protégée par l'article premier de la Charte?
Le sénateur Carignan : Effectivement.
[Français]
La première étape est très facile à respecter dans le sens où, dès qu'une personne sous peine refuse l'ordre, elle a une sanction et est obligée de rester sur place. Il y a une certaine détention qui se fait, et une prise d'échantillon. Donc, autant sur huit échantillons que sur dix, la première étape est évidente. Tout se fait dans l'évaluation du caractère raisonnable dans le cadre d'une société libre et démocratique avec un objectif urgent et réel.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Vous avez fait un test avec votre propre salive il y a un instant avec cette machine. Vous n'avez pas consommé de marijuana ou de cocaïne avant de venir ici.
Le sénateur Carignan : Mais ici, nous bénéficions d'une immunité.
Le sénateur Baker : Selon la jurisprudence, dans les pays que vous avez mentionnés, lorsque vous consommez de la marijuana, il y a un problème parce que cela dessèche la bouche et que l'agent doit attendre un bon moment avant de pouvoir prélever une substance, ce qui pourrait faire problème devant les tribunaux qui doivent déterminer si cette pratique est justifiée et protégée par l'article premier de la Charte, dans la mesure où c'est une perquisition qui vise une substance corporelle.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous avez vu comment j'ai pris l'échantillon tout à l'heure. Même si c'était très sec, je serais capable d'en avoir suffisamment pour faire ce test à la première étape.
Lors du test de validation à la deuxième étape, advenant que ce soit trop compliqué — parce que c'est comme une éponge qu'on met dans la bouche —, le code prévoit la possibilité d'utiliser un échantillon d'urine et de sang également. La salive est beaucoup moins intrusive d'après moi qu'un échantillon de sang. Donc, à mon avis, ce sera jugé moins intrusif que ce qui est déjà prévu au code.
[Traduction]
Le président : Nous sommes passés d'une petite liste à une longue liste. Il ne nous reste vraiment pas beaucoup de temps. Je vous invite donc à poser des questions brèves et à fournir des réponses du même type.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Je remarque que votre projet de loi prévoit un délai de six mois avant son entrée en vigueur une fois la sanction royale obtenue. À quoi correspond ce délai? Est-ce pour permettre d'adopter des normes afin d'encadrer l'utilisation du nouvel appareil de détection approuvé?
Le sénateur Carignan : Je suis conscient que c'est un projet de loi privé et que le gouvernement, s'il l'adopte, aura besoin d'un certain laps de temps pour approuver les équipements, procéder à la formation des gens et informer le public de l'existence de ce test. Donc, un délai de six mois m'apparaît raisonnable pour informer la population et procéder à la formation des gens et à l'acquisition des nouveaux appareils.
Si c'était un projet de loi émanant du gouvernement, il pourrait entrer en vigueur immédiatement, parce que le gouvernement aura fait mis en place les éléments de soutien nécessaires à sa mise en œuvre. Comme il s'agit d'un projet de loi privé, je me disais qu'une période de six mois était raisonnable.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Quels sont les autres types de tests en bord de route, à part celui que vous avez montré aujourd'hui, qui sont utilisés ailleurs dans le monde et pourquoi avez-vous choisi celui-là en particulier?
Le sénateur Carignan : Je voulais simplement montrer celui-ci parce qu'il tient facilement dans la poche.
La sénatrice Batters : Est-ce celui qui est le plus couramment utilisé?
[Français]
Le sénateur Carignan : Non, lors de la comparution des autres témoins, vous verrez qu'il existe d'autres genres d'équipements. Je n'ai pas voulu faire de publicité. C'est impressionnant de voir fonctionner les autres équipements également.
Cependant, je crois qu'il appartient au ministre de la Justice qui, par décret, comme il le fait pour les alcootests, peut déterminer le genre de tests qui serait considéré comme admissible et, ensuite, ce sera aux différentes juridictions ou aux corps policiers de choisir celui qui sera le plus utile pour eux. Celui que je vous ai montré est distribué par une entreprise de Toronto. J'en ai vu un qui est assemblé pour l'Australie, où il y a certaines exigences en ce qui concerne le suivi de la preuve : indiquer les numéros lors de la prise de l'échantillon, les numéros de suivi, les scellés, et cetera. Il y a de petits ensembles préfabriqués dont disposent les policiers afin de permettre la traçabilité de la preuve pour respecter les obligations liées à la preuve.
Le sénateur Joyal : Y a-t-il eu des décisions judiciaires en Grande-Bretagne ou aux États-Unis qui ont reconnu la fiabilité scientifique des tests de certains appareils?
Le sénateur Carignan : Oui, en Europe, je crois. Les futurs témoins experts pourront vous en parler davantage. On me dit que la fiabilité du test est extrêmement élevée, soit plus de 95 ou de 97 p. 100. Il peut arriver des situations où il y aura des problèmes de fiabilité du test. La beauté de la chose, c'est qu'il s'agit d'un test préliminaire. Donc, si le test préliminaire ne fonctionne pas bien et qu'il donne un résultat positif, par exemple, le test de validation qui sera fait en laboratoire scientifique permettra de déterminer s'il s'agit d'un faux positif.
Il y avait aussi des problèmes de fiabilité avec les appareils ALERT, si vous vous souvenez bien. Si une personne consomme immédiatement et qu'on prend le test tout de suite après, il y avait une période de 15 minutes qui était reconnue. La Cour suprême a statué que, même s'il peut y avoir des éléments de fiabilité qui posent problème dans certaines situations, le test est suffisamment fiable pour donner ou pour objectiver les motifs raisonnables de passer à une autre étape. En effet, on ne condamne pas la personne sur ce résultat. Évidemment, si on la condamnait à cette étape, la situation pourrait être différente.
Le sénateur Boisvenu : Il existe déjà une catégorie de gens qui peuvent consommer légalement de la marijuana médicale. Comment les policiers pourront-ils en faire la distinction?
Le sénateur Carignan : C'est une excellente question. Je ne me suis pas engagé dans la création d'une nouvelle infraction en établissant des niveaux. On peut avoir les facultés affaiblies si on prend des antidépresseurs. D'ailleurs, les cas de conduite avec facultés affaiblies par les drogues sont plus élevés chez les plus jeunes. Le taux diminue chez les gens âgés de 45 à 55 ans, et il augmente chez les gens âgés de 55 et plus.
Il s'agit de drogues sur prescription, par contre, les gens ne suivent pas nécessairement les indications des médecins, ni les posologies. Ils conduisent en contre-indication de ce que leur médecin ou pharmacien leur ont indiqué. Ils ont les facultés affaiblies par des drogues prescrites et légales. Il s'agit d'une infraction dans ce cas également. Techniquement, cela pourrait aussi être détecté.
[Traduction]
Le président : Merci, sénateur Carignan. J'ai apprécié votre témoignage et vos déclarations.
Le prochain groupe de témoins est composé de Fred Delfino, gérant des produits, Amérique du Nord, de Alere Toxicology, Felix Comeau, président et chef de la direction, d'Abe Verghis, superviseur des affaires réglementaires, de Alcohol Countermeasure Systems Corp., ainsi que de Stefan Steinmeyer, gestionnaire de produit, dépistage des drogues et application judiciaire, de Draeger Safety AG & Co.
Messieurs, bienvenue. Allez-vous tous faire des déclarations préliminaires? Je vous invite à ce qu'elles soient aussi brèves que possible pour que les membres du comité puissent vous poser des questions.
Felix Comeau, président et chef de la direction, Alcohol Countermeasure Systems Corp. : Je m'appelle Felix Comeau de la société Alcohol Countermeasure Systems Corp., le fabricant canadien d'ivressomètres et le représentant de l'agent exclusif de Securitec, le fabricant de DrugWipes. Nous reviendrons, j'en suis sûr, sur ce sujet et j'aurai l'occasion de répondre à des questions le concernant.
Avec mes collègues qui représentent Alere et Draeger, je peux dire que les trois principaux appareils de mesure dans la salive de la consommation abusive de drogues sont réunis dans cette salle. Ce qui distingue ces trois sociétés de toutes les autres, ce sont les anticorps ainsi que la précision et l'efficacité de leurs produits. Tous les trois, nous avons au moins 10 ans d'expérience avec ces appareils en Europe. Nos produits ont résisté à toute une série de tests scientifiques et d'essais sur le terrain dans le monde entier et ils sont les trois premiers au monde.
Il y a beaucoup d'autres entreprises qui en fabriquent, pour répondre à une question qui a été posée, mais ces entreprises ne sont pas du même calibre que les trois qui sont ici.
Securitec avec DrugWipe exerce ses activités dans de nombreux pays d'Europe centrale. Son appareil a été certifié cette année au Royaume-Uni. Il a été utilisé pendant plus de 10 ans en Australie pour les contrôles routiers. J'ai avec moi une trousse australienne.
Cela dit, je vais demander à mon collègue de Draeger de poursuivre.
Stefan Steinmeyer, gestionnaire de produit, Dépistage des drogues et application judiciaire, Draeger Safety AG & Co : Premièrement, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole devant vous. C'est un honneur. Je suis très heureux d'être ici.
J'ai amené avec moi une machine et j'ai fait distribuer un document qui vous montre comment fonctionne ce genre d'appareil. Cela est très facile à comprendre. J'espère que vous en avez tous un.
Ce sont simplement des photos, mais vous pouvez voir que notre système comporte deux éléments. Le premier est une trousse de test, qui est utilisée pour prélever un échantillon de salive, et qui est introduite dans la bouche de la personne qui subit le test. Le frottis se fait de gauche à droite, entre la joue et les gencives, pour obtenir un bon échantillon.
Il y a des indicateurs de la qualité de l'échantillon qui montrent à l'opérateur que l'échantillon de salive est suffisant. Ensuite, la trousse de test comprend l'analyseur, qui se trouve ici. Il faut ouvrir un panneau et ensuite, insérer la trousse de test. L'analyse s'effectue à l'intérieur de l'appareil. Un peu plus tard, vous obtenez un résultat, négatif ou positif, sur l'écran arrière. C'est tout.
L'opérateur est un policier. Il doit simplement effectuer l'opération prélèvement. Il peut faire le prélèvement, mais ceci est une première dans ce pays. Certains agents le font seuls; d'autres proposent de faire subir le test en personne. C'est cette personne qui effectue ensuite le prélèvement. Après avoir inséré l'appareil dans l'analyseur, il n'y a plus rien à faire à part les formulaires. C'est tout.
Après cinq à sept minutes, vous obtenez un résultat selon les drogues ou les catégories de drogues habituelles comme le cannabis, la marijuana, la méthamphétamine, l'amphétamine, les opiacées, la cocaïne et les benzodiazépines — les médicaments sur ordonnance, comme les somnifères.
Ensuite, il n'y a pas seulement l'analyseur, mais également un système de traitement des données. Il y a une mémoire dans laquelle il est possible d'enregistrer des données. Si l'opérateur le souhaite, il peut entrer des numéros d'identification. Il est ensuite possible d'imprimer les résultats et de produire un document qui est versé au dossier. C'est tout. Cela peut se faire au bord de la route. C'est un appareil portable et donc mobile.
Nous sommes sur le marché depuis 2008. Il s'est fait beaucoup d'études, d'essais cliniques et des évaluations sur le terrain. Cet appareil a été approuvé par plusieurs pays, notamment par le Royaume-Uni. Chaque pays a un cahier des charges différent.
En principe, la principale tendance consiste à adopter l'approche zéro, mais il y a d'autres approches, qui prévoient des seuils. L'étape suivante consiste à déterminer quel est le seuil qui s'applique au test de salive pour en arriver au seuil de confirmation. Peu importe qu'il s'agisse de sang ou de fluide, c'est bien sûr à chaque pays de le déterminer.
Ce que j'ai appris, et c'est vraiment la réponse la plus fréquente, c'est que cet outil est très utile. Tous nos appareils de test sont des outils très utiles parce qu'ils permettent de prendre des échantillons, ils ne sont pas invasifs, pas difficiles à manipuler, ils peuvent se placer à côté du conducteur et ensuite, si le deuxième échantillon est pris peu de temps après le premier, vous obtenez des résultats très précis et très fiables.
Combiné à une évaluation structurée, à des documents concernant le comportement de la personne, à son attitude ainsi qu'à l'enquête de l'expert en reconnaissance de drogues, cela vous donne une base plus objective pour savoir si éventuellement la personne visée a consommé des drogues.
Fred Delfino, gérant des produits, Amérique du Nord, Alere Toxicology : Bonjour. Je m'appelle Fred Delfino et je suis le gérant des produits pour l'Amérique du Nord du système médico-légal de dépistage des drogues au moyen des liquides buccaux, le Alere DDS2.
Nous avons conçu et mis au point le DDS2 pour donner aux services d'application de la loi un outil leur permettant de constater qu'une personne donnée a récemment consommé des drogues. Dans certains États, on examine non seulement le conducteur, mais également les passagers. Son usage ne se limite pas uniquement à la personne qui conduit.
Nous fabriquons le DDS2 dans nos établissements situés au Royaume-Uni. La division toxicologie d'Alere est un chef de file mondial pour ce qui est de la fabrication, de la vente et de la distribution de divers types d'appareils de tests des drogues, des appareils qui utilisent les liquides buccaux ou l'urine. Nos appareils sont utilisés par les acteurs de la justice pénale — agents de probation, des libérations conditionnelles et des services correctionnels. Nous avons aux États-Unis parmi nos clients de nombreuses entreprises de Fortune 500 ainsi que des laboratoires de tests cliniques.
Il est important d'ajouter que notre organisation comprend également des divisions laboratoire. Notre entreprise ne fournit pas uniquement des produits; nous offrons également des services de laboratoire, tant aux États-Unis qu'en Europe, à nos clients. Ces services sont destinés à tous les marchés dont je viens de parler.
Nous avons conçu le DDS2 pour que ce soit un appareil portatif. Nous avons pensé qu'il intéressait ainsi davantage les policiers, qu'il serait plus facile à utiliser, à emporter sur le terrain, et nous voulions vraiment que le test soit rapide et simple et très facile à utiliser en fournissant des résultats précis.
Le DDS2 est en mesure de fournir six résultats relatifs aux drogues en moins de cinq minutes. Les drogues testées sont les amphétamines, la cocaïne, la marijuana, les opiacées, la méthamphétamine et les benzodiazépines. Le test de marijuana utilise un composé mère, et je crois, que les représentants d'Alcohol Countermeasures Systems Corp. ont parlé des anticorps.
La capacité de tester la présence de marijuana découle de la capacité de rechercher la substance souhaitée, à savoir le composé mère du THC. Ce composé est contenu dans le liquide buccal. C'est l'ingrédient actif. Il ne s'agit pas de chercher un métabolite, comme celui que l'on retrouverait dans un échantillon d'urine.
Certaines personnes se demandent s'il n'est pas possible de détecter cette substance 30 jours ou plusieurs semaines après leur consommation, il y a aussi des déclarations en ce sens; mais le véritable avantage de se servir d'un liquide buccal est que premièrement, cela permet d'obtenir un échantillon ainsi que des données importantes sur place. Il existe une corrélation très forte entre le liquide buccal et le sang. Les résultats sont mesurés légèrement différemment, mais il existe une excellente corrélation.
Le liquide buccal provient du système sanguin. Toutes les 10 minutes, il arrive dans la bouche une nouvelle quantité de liquide buccale. C'est un aspect essentiel parce que, lorsque vous obtenez cette information sur la route à l'aide d'un de ces appareils, vous pouvez savoir si une de six ou sept substances a été consommée récemment plutôt que dans un passé éloigné.
Notre test pour le THC est de 25 nanogrammes. Ce niveau est suffisamment élevé pour démontrer une consommation récente plutôt qu'une consommation qui remonte à plusieurs heures ou plusieurs jours. On sait que le THC contenu dans le sang est éliminé assez rapidement — en deux heures. Si vous tracez une courbe avec une échelle, vous allez constater que cette quantité diminue très rapidement après quelques heures. Dans la plupart des cas, l'agent ne peut pas faire un prélèvement sanguin très rapidement après un contrôle routier, un phlébologue — quelle que soit la procédure à suivre.
Les appareils que je vous montre sont conçus pour tester immédiatement le liquide buccal. Il est ensuite possible d'établir une corrélation avec le sang, si cela doit se faire par la suite. La confirmation de la nature du liquide buccal est également un outil très intéressant.
Si vous attendez trop longtemps, l'échantillon va disparaître. Il faut être en mesure d'obtenir l'ingrédient actif pendant qu'il se trouve dans ce liquide.
Nos unités DDS2 se présentent dans un étui comme celui-ci. Tout s'y trouve. Nous l'emmenons sur le terrain. Nous avons l'instrument, nous avons l'imprimante et tous les câbles. Cet appareil s'utilise dans l'étui que vous voyez ou l'on peut en retirer les composantes. Les policiers aiment bien utiliser ce genre d'appareil, parce qu'ils peuvent utiliser le DSS2, sur le terrain, dans un environnement rural, dans les banlieues et à peu près n'importe où.
L'intérêt qu'offre ce genre d'appareil sur la route est qu'il vous fournit des résultats objectifs et non pas subjectifs. Je veux dire par là qu'il ne s'agit pas de lire un écran. Un autre aspect important est la sécurité des policiers. Je ne pense pas que vous voulez que le policier au bord de la route soit obligé de déterminer visuellement s'il y a une ligne droite ou non. Cet appareil permet au policier de prélever un échantillon, et il fait ensuite le travail, le policier peut continuer son enquête ou rechercher les preuves dont il a besoin auprès du conducteur sur place.
Pour ce qui est du dessèchement de la bouche, c'est effectivement un effet de la marijuana. Il peut également s'expliquer par la consommation d'autres médicaments sur ordonnance. Le liquide buccal se renouvelle toutes les 10 minutes.
Le président : Je vais vous demander de conclure, monsieur Delfino.
M. Delfino : Le DDS2 est utilisé dans de nombreux pays d'Europe et très largement aux États-Unis. Le Colorado utilise également une grande quantité de ces appareils. Il y a des données et des études qui confirment la précision et la fiabilité de ces appareils.
Le président : Merci. Nous allons passer aux questions en commençant par le vice-président.
Le sénateur Baker : Merci aux témoins et merci au sénateur Carignan d'avoir saisi le comité, le Sénat et éventuellement, la Chambre des communes, de cette question.
Nous parlons ici simplement d'un outil que l'on peut utiliser au bord de la route pour faciliter une enquête ultérieure. L'enquête supplémentaire qui porte sur la question de savoir si quelqu'un a consommé des drogues, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur Delfino, le taux d'élimination, le taux d'excrétion de la substance utilisent une technologie éprouvée.
Il y a des lois touchant l'alcool et nous en avons un expert devant nous. C'était un technicien expert lorsqu'il travaillait dans sa jeunesse sur la route et il peut encore témoigner devant les tribunaux. D'après nos lois, il faut avoir moins de 8 milligrammes par 100 millilitres de sang. C'est la norme à partir de laquelle le conducteur commet une infraction. D'après ce que je comprends, nous ne faisons pas la même chose avec les tests concernant les drogues ou pourrions-nous faire la même chose? Le projet de loi parle simplement de quelque chose qui est mesuré sur la route. Cela ne permet pas de savoir si au moment où la personne conduisait, elle avait des quantités de drogue excessives dans son corps qui se traduisaient par l'affaiblissement de ses facultés.
Dans tous ces autres pays, y a-t-il une loi qui dit que, si vous avez une quantité de drogue supérieure à un certain niveau dans votre sang, vous êtes coupable et que le test que vous subissez permet de présumer que cette drogue se trouvait dans votre corps il y a deux heures au moment où vous conduisiez le véhicule? Ce sont là les conditions qu'exigent les dispositions relatives à l'alcool. Sont-elles nécessaires pour celles qui touchent les drogues?
M. Comeau : Merci, sénateur Baker. Je vais peut-être vous répondre en renversant l'ordre de vos questions. Pour ce qui est de la question touchant la rétroextrapolation, il est extrêmement difficile de faire ce genre de chose avec les drogues. Le taux de métabolisme des drogues est beaucoup plus rapide que celui de l'alcool. Le métabolisme de l'alcool est une ligne droite, il est donc possible de faire de la rétroprédiction et d'affirmer conformément au code que, si cette quantité se trouvait là au cours des deux dernières heures, alors c'est le niveau qui existait au moment du test. Avec les drogues, on ne peut pas procéder ainsi.
Par exemple, si vous fumez de la marijuana, vous atteignez un sommet 30 ou 40 minutes après. Vous commencez à zéro et atteignez peut-être 100 nanogrammes par millilitre en 30 ou 40 minutes; ensuite, dans l'heure qui suit, ou quelquefois plus rapidement, 40 minutes, vous retombez à peut-être 10 ou 20 nanogrammes; l'élimination est donc extrêmement rapide.
Le représentant d'Alere disait que nous disposons d'un délai très court. Si vous faites des tests au bord de la route et que vous trouvez un positif, pour utiliser l'expression, avec un test d'évaluation, il faut alors effectuer le test de confirmation très rapidement. Si vous attendez deux heures avant de vous procurer un échantillon de sang, il vaut mieux tout oublier parce que vous allez obtenir des niveaux très faibles, voire de zéro, pour la composante mère. Vous pourrez déceler des métabolites, et même si cette question n'a pas été soumise au comité, elle devrait l'être au groupe de travail.
Si l'on regarde les différents types de consommation de drogue, le consommateur chronique, le consommateur occasionnel, le consommateur pour des raisons médicales, la situation est différente; en effet, vous pourriez examiner les métabolites et dire qu'il s'agit d'un consommateur chronique, et qu'il faudrait peut-être qu'il souffre d'une maladie particulière pour l'expliquer.
C'est un outil qu'on peut utiliser sur place qui vous donne une indication positive, d'après laquelle il y a des drogues dans le corps du conducteur à ce moment-là et qui permet ensuite de passer à un test plus définitif, que l'on pourrait utiliser pour quelque chose de ce genre. C'est comme une ventouse. Vous la mettez dans votre bouche et obtenez un échantillon de salive. Vous placez cet échantillon dans un petit tube, comme vous le feriez pour un échantillon de sang. Vous l'étiquetez, le scellez, ajoutez des marques pour l'identifier et envoyez le tout au laboratoire. Cela a une force probante. Vous avez le niveau réel des drogues qui se trouvaient dans le corps de l'intéressé à ce moment-là, et cette mesure correspond à un moment précis.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie pour les données techniques que vous nous avez fournies. D'abord, êtes-vous compétiteurs?
M. Comeau : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Ma deuxième question concerne la performance de vos appareils. Il existe plusieurs appareils sur le marché qui servent à la détection de l'usage de drogue. Est-ce que la performance est similaire d'un produit à l'autre? Je suis convaincu que vous me direz tous que vous êtes les meilleurs, mais est-ce que la performance est similaire?
[Traduction]
M. Comeau : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous sommes les trois principales entreprises dans le domaine du dépistage des drogues sur la route.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Dans combien de pays vos produits sont-ils utilisés?
[Traduction]
M. Comeau : DrugWipe est le seul appareil utilisé en Australie, dans les différentes régions, sous la forme de trousse comme celle-ci, pour les tests au bord de la route. Avec Draeger, cet appareil est utilisé au Royaume-Uni. Ils sont également utilisés en Europe centrale et dans de nombreux pays européens. Oui, ils sont utilisés dans des pays comme l'Uruguay, l'Argentine et l'Amérique du Sud. Il est très peu utilisé en Amérique du Nord si l'on compare à ce qui se fait en Europe.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : La question suivante est fondamentale, et je l'ai posée plus tôt au sénateur Carignan. Le but de ce projet de loi n'est pas seulement d'avoir une approche répressive, c'est aussi d'avoir une approche préventive pour faire en sorte qu'il y ait le moins de victimes possible sur la route. Je ne parle pas des victimes qui ont consommé, mais des victimes qui n'ont pas consommé, car, souvent, c'est la personne qui consomme qui demeure en vie.
Est-ce que vous avez mené des études dans les pays où vous faites affaire sur l'impact de la réduction des accidents routiers en raison du fait que les policiers utilisent votre appareil?
[Traduction]
M. Steinmeyer : L'appareil a été utilisé en Espagne, ce qui a entraîné une diminution de 17 p. 100 du nombre des morts dus à la consommation de drogues; il y a donc eu une diminution nette et importante du nombre des accidents causés par des conducteurs avec les facultés affaiblies par les drogues.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'on a fait de telles études? Et si oui, avez-vous des exemplaires des différentes études?
[Traduction]
M. Comeau : Oui, notre société a constitué un dossier très complet sur les études effectuées dans le monde entier. Ce qu'a déclaré M. Steinmeyer fait ressortir la grande efficacité du dépistage des drogues effectué au bord de la route. L'information provenant de l'Australie est bien sûr très abondante parce que dans ce pays, on n'utilise pas seulement ces appareils en bord de route, mais on pratique le contrôle intégral. En Australie, on appelle cela les « tests aléatoires sur route », qui consistent à bloquer une route et à faire passer un test à tout le monde.
Le Royaume-Uni vient de mettre en place ce système il y a un an environ, en utilisant Draeger et DrugWipe, et les résultats sont vraiment frappants. C'est une excellente méthode.
Le sénateur Boisvenu : Pourriez-vous envoyer au comité les études que vous avez?
M. Comeau : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie.
La sénatrice Jaffer : Merci pour vos exposés. J'aimerais un peu mieux comprendre la question des délais. Vous êtes arrêté par un agent de police, on utilise le petit appareil bleu que vous avez, on prélève de la salive et on constate qu'elle est positive. Il arrive souvent qu'une fois la voiture arrêtée, le policier attende quelque temps avant d'effectuer le test; la question est alors dans quel délai le test doit-il être effectué? La prochaine étape se fait-elle au poste de police ou sur place? Donnez-moi les délais. Nous savons, par exemple, qu'avec la conduite avec les facultés affaiblies, le premier test doit être effectué dans les deux heures.
M. Comeau : Avec les drogues, les délais sont beaucoup plus courts parce que les drogues sont éliminées très rapidement, en particulier la marijuana. Si nous regardons ce qui s'est fait en Australie, qui utilise les tests aléatoires sur route, tout cela se fait en quelques minutes, parce que la route est bloquée et que l'on fait passer le test à tous les conducteurs. S'il y a un résultat positif, le conducteur est dirigé immédiatement vers le camion où s'effectue le test pour les drogues et l'alcool. Ce camion est déjà sur les lieux.
La sénatrice Jaffer : Il est stationné à proximité.
M. Comeau : Il est sur place. On effectue un deuxième test dans le camion pour confirmer le premier.
La sénatrice Jaffer : Ce que vous avez démontré était le deuxième test.
M. Comeau : Cela fait partie du deuxième test. Le prélèvement est alors envoyé à un laboratoire et il est analysé plus tard. Au Royaume-Uni, les conducteurs sont arrêtés au bord de la route et on leur demande de fournir un échantillon de sang et bien sûr, il y a un délai et le résultat de l'analyse reflète le délai écoulé. Nous allons avoir moins de résultats positifs.
La sénatrice Jaffer : Quel est le délai?
M. Comeau : Pour un échantillon de sang, il pourrait être de 30 minutes ou de deux heures; cela dépend de la présence d'un technicien spécialisé.
En Arizona, par exemple, les policiers peuvent faire venir des spécialistes au bord de la route pour qu'ils prennent des échantillons de sang, de sorte que le délai est très cours — dans les 30 minutes.
La sénatrice Jaffer : Ce n'est pas la façon d'organiser les choses qui m'intéresse. Dans quel délai faut-il effectuer le test et quels sont les paramètres?
M. Comeau : Comme je l'ai dit pour la marijuana, entre le moment où elle est fumée et au moment où il y a un prélèvement destiné à être analysé par un laboratoire, cela doit se faire dans les deux heures et de préférence, en moins d'une heure ou une heure et demie.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je me pose beaucoup de questions, et voici pourquoi. Normalement, lorsqu'on arrête une personne qui a les facultés affaiblies, comme l'a mentionné le sénateur Carignan, elle a les yeux rouges et la langue pâteuse et une conduite erratique. On la fait donc souffler dans l'appareil ALERT.
Lorsqu'on constate que la personne a les capacités affaiblies par la drogue ou l'alcool, on ne peut pas la laisser conduire. On appelle donc un camion-remorque, ce qui peut prendre parfois une heure, surtout la nuit. Il faut oublier l'échantillon de sang, car, souvent, les hôpitaux sont éloignés et les médecins refusent de les prélever pour ne pas être obligés de témoigner en cour.
Dans le cas de votre test, vous avez parlé de temps. Un test à l'ivressomètre prend deux heures. La personne vient au poste de police, on la fait souffler dans l'appareil, on attend 20 minutes, on la fait souffler de nouveau et il y a un deuxième test. Vous dites que la drogue peut s'éliminer très rapidement et l'idéal est de prendre deux tests.
Vous savez que des experts de la défense essaieront de démolir le test. Vous est-il déjà arrivé que ces tests soient contestés en cour? Lorsqu'on sait que quelque chose sera contesté, il faut se préparer en conséquence pour faire respecter la loi. Avez-vous déjà vécu des contestations de la part d'avocats qui ont fait appel à des experts pour démolir la preuve?
[Traduction]
M. Comeau : En Australie, les contestations ont davantage porté sur le processus que sur les résultats. Les seuls dossiers qui sont portés devant les tribunaux en Australie sont ceux qui concernent l'analyse secondaire. La première est un test de dépistage et s'il est positif, il se fait un second test, avec l'échantillon prélevé. Il est envoyé dans un laboratoire qui imprime les résultats et les témoins judiciaires viennent déposer. Le taux de réussite est très élevé dans ce genre de situation.
Nous allons bientôt savoir ce qui se passe au Royaume-Uni parce qu'on utilise des échantillons de sang et cela prend davantage de temps. On me dit qu'en Arizona, le processus est efficace parce que les policiers sont en mesure de prendre un échantillon de sang très rapidement au bord de la route et que les témoins judiciaires peuvent confirmer l'accusation de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues.
Au Canada, la situation est différente. En l'absence de contrôle aléatoire, qui permettrait de faire passer le test à n'importe quel moment, il faut d'abord avoir un motif pour faire passer le test, tout comme dans le cas de l'alcool. Quels sont les motifs pour lesquels on peut faire passer un test pour les drogues? Les indices de facultés affaiblies par les drogues sont très différents de ceux de l'alcool. Il ne faut pas tenir compte de l'affaiblissement des facultés par l'alcool si vous cherchez leur affaiblissement par les drogues, parce que les effets sont très difficiles à déceler.
Il y a d'excellents rapports préparés aux États-Unis qui proposent des lignes directrices sur cette question, mais cela ne représente qu'une indication. Si vous prenez le test de sobriété normalisé, vous pouvez utiliser la position de la cigogne — se tenir sur une jambe — et si vous faites passer des tests d'attention divisée, vous pouvez commencer à voir les effets de drogues comme la marijuana.
Vous avez déjà consacré, dans la situation canadienne, 30 minutes, voire une heure à effectuer certains tests avant même de prélever suffisamment de preuves pour pouvoir exiger un test sur place pour les drogues. C'est là le véritable problème au Canada.
Si vous êtes en mesure d'effectuer rapidement un test pour les drogues, vous pouvez alors réfléchir, dans un deuxième temps, à la valeur probante du test. Il y a de nombreuses bonnes questions sur ce point.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je suis obligé de vous dire qu'il faut oublier le test sanguin. Normalement, le test est pris quand la personne est décédée ou qu'elle est incapable de fournir un échantillon de sang. La plupart des policiers au Canada ne travaillent pas dans des villes. Les distances sont longues à parcourir et ces incidents se produisent souvent la nuit. Malheureusement, je dois vous dire qu'au Québec, pour l'avoir vécu pendant 24 ans, les médecins ne veulent pas prendre d'échantillons sanguins, parce qu'ils ne veulent pas devoir témoigner en cour. Bien entendu, c'est notre problème, et c'est à nous de le régler. Je vous remercie tout de même de votre réponse.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Monsieur Comeau, j'aimerais poursuivre dans la même veine. Les principaux risques de contestation viennent du temps que prennent toutes ces opérations. Je dirais que, si le délai se rapproche de deux heures, un test positif est moins fiable. L'avocat de la défense invoquerait cet argument qui est, comme vous le dites, essentiellement de nature scientifique.
Avez-vous des données concernant les situations où la fiabilité du test a été contestée à cause du délai écoulé entre le moment où la personne aurait consommé une drogue et celui où le test est effectué? Ensuite, bien entendu, la présomption de culpabilité serait écartée à cause du résultat.
M. Comeau : Il y a de bonnes études sur l'efficacité du test secondaire effectué à partir de la salive, et qui viennent, par exemple, d'Australie. Les autorités ont choisi le test de salive au bord de la route parce qu'il était rapide. Il se fait tout de suite après.
Quant à la pharmacocinétique et au métabolisme de la marijuana dans le corps, c'est un domaine qui est bien connu et qui a été étudié en profondeur dans de nombreux pays; nous sommes donc certains que cela se passe très rapidement.
Votre remarque est très claire. Si vous prélevez un échantillon sanguin et attendez une ou deux heures de plus, ou comme le sénateur Dagenais l'a mentionné, en pleine nuit, vous risquez d'attendre plusieurs heures avant de l'obtenir. Vous êtes alors face à un grave problème, à savoir que vous n'êtes pas en mesure de confirmer le résultat que vous avez obtenu au bord de la route.
La situation canadienne comporte un autre aspect unique; il y a la structure complémentaire du droit provincial et du droit fédéral. Au Canada, les provinces peuvent adopter des lois relatives aux véhicules à moteur selon lesquelles, en cas de résultats positifs à un test passé au bord de la route, le permis de conduire est suspendu pendant plusieurs heures. C'est par souci d'assurer la sécurité. Il ne s'agit pas de facultés affaiblies, même si c'est probablement le cas. Il s'agit en fait de sécurité.
Si nous réfléchissons à la façon de replacer le scénario de dépistage des drogues dans le contexte canadien, nous pourrions dire qu'un test positif sur un appareil de ce genre, pourvu que le délai soit acceptable, pourrait entraîner la confiscation immédiate du véhicule et la suspension du permis; pour ensuite attendre un test de confirmation.
Au Canada, la limite est habituellement de 50 au bord de la route, et de 80 au niveau pénal — habituellement 100 — pour une accusation de conduite avec facultés affaiblies ou de conduite avec un taux supérieur à la limite. Que se passerait-il avec la marijuana? C'est la grande question. Nous pourrions fixer ce niveau à deux nanogrammes comme cela se fait au Royaume-Uni, ou à la présence de drogue, comme en Australie, ou encore à cinq nanogrammes, comme cela se fait en Norvège. Quelle est la limite? Entre deux et cinq nanogrammes semble un niveau acceptable.
Ces tests permettent de détecter des niveaux de cinq nanogrammes de marijuana au cours d'un contrôle routier, de sorte que la limite est très faible au départ. Si vous avez un résultat positif, alors que pouvez-vous faire? C'est une question de politique pénale. Si vous décidez d'utiliser ce test, quelle sera la limite prévue par la loi pénale? Quelle est la situation générale? Y a-t-il eu un accident ou des signes graves d'affaiblissement des facultés? Quelles sont les circonstances qui justifieraient une inculpation pénale et non une mesure axée sur la sécurité de la circulation?
Le sénateur Joyal : Les contestations antérieures portaient-elles principalement sur la fiabilité de l'appareil ou sur les facteurs ayant entouré son utilisation?
M. Comeau : Comme mes collègues l'ont dit, la fiabilité des appareils est bien établie. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires, nous atteignons un degré de certitude, de précision et de fiabilité qui se situe entre 95 et 100 p. 100. Cela touche les facteurs connexes. Nous sommes effectivement en mesure de constater sur la route que l'on détecte des drogues dans la salive au moment où nous effectuons le test, mais si nous attendons trop longtemps pour effectuer le test de confirmation, nous ne retrouvons plus ces substances. Les tribunaux veulent habituellement avoir un chiffre, qui proviendrait d'un laboratoire médico-légal. Si le délai est trop long, le chiffre ne veut plus rien dire.
Le sénateur McIntyre : J'aimerais poser une question pour obtenir une précision. Elle porte sur la présence, par opposition à la quantité, d'une drogue dans le sang. Selon le droit actuel, comme je le comprends, on utilise des échantillons de substances corporelles pour détecter la présence d'une drogue dans le sang.
Le projet de loi S-230, le projet de loi que nous étudions, précise que les échantillons de substances corporelles seront utilisés pour déterminer la quantité de la drogue dans le sang plutôt que sa présence.
Ma question est la suivante : est-ce que les laboratoires de toxicologie sont en mesure de détecter la quantité de drogue dans le sang?
M. Steinmeyer : J'aimerais répondre à cette question. Oui, ils peuvent le faire. Ils ont toutes sortes d'instruments qui permettent de le faire. Ce sont des instruments très sophistiqués. Il s'agit d'une analyse définie. Ces appareils, qui font appel à la chromatographie gazeuse, à la spectrométrie de masse ou à la chromatographie liquide, sont capables d'effectuer des mesures quantitatives qui identifient différentes drogues, de sorte que les résultats sont d'une grande spécificité.
On constate alors que les immuno-essais basés sur les anticorps comme les réactivités croisées qui ne se produisent pas dans cette fourchette avec les instruments de laboratoire sophistiqués.
La réponse à votre question est que oui, ces laboratoires sont capables de fournir des chiffres quantitatifs très précis.
Le sénateur McIntyre : Diriez-vous que les résultats de l'analyse de substances sanguines peuvent varier selon la substance recherchée?
M. Steinmeyer : Oui, bien sûr. Les quantités des différentes drogues varient. Les voies métaboliques varient de sorte que les délais d'élimination varient. En principe, toutes les drogues peuvent être identifiées avec ces instruments de laboratoire. Bien sûr, il y a eu également la question des délais de sorte que plus l'échantillon est pris tôt et envoyé rapidement au laboratoire, meilleurs sont les résultats.
Le sénateur Sinclair : J'aimerais en savoir davantage au sujet des études sur l'affaiblissement des facultés par une combinaison d'alcool et de drogues et j'aimerais savoir si vos machines permettent d'éclaircir cette question.
N'importe lequel d'entre vous peut répondre à cette question. Les études scientifiques démontrent-elles que l'affaiblissement des facultés d'un individu est plus prononcé lorsqu'il y a eu consommation d'alcool et de drogues? Si c'est le cas, y a-t-il une machine capable de détecter cela, ou est-ce déjà une de ces machines?
M. Comeau : Il est bien établi que la combinaison d'alcool avec d'autres drogues a un effet additif dans certains cas, ce qui veut dire qu'un plus un égale deux. Dans certains cas, un plus un égale quatre, ce qui est un effet synergique. Dans le cas de la marijuana, c'est très difficile parce que la marijuana affecte l'aspect cognitif, l'aspect frontal du corps ou du cerveau.
L'alcool affecte la partie arrière du cerveau et en particulier, les fonctions motrices. C'est la raison pour laquelle il est possible d'observer des signes d'affaiblissement des facultés avec l'alcool. Mais avec la marijuana, vous essayez de mesurer une fonction cognitive, ce qui est moins facile à mesurer.
En cas de combinaison d'alcool et de marijuana — l'étude a été faite au St. Michael's Hospital de Toronto à l'aide de données IRM — le cerveau entier est surchargé parce que toutes les données sont affectées dans cette situation. C'est peut-être un des aspects les plus critiques du dépistage des drogues, et de la mesure du niveau d'affaiblissement des facultés des personnes qui ont consommé de l'alcool plus de la marijuana, un mélange très courant d'après les enquêtes routières. C'est une question tout à fait pertinente, mais malheureusement, il n'y a pas encore de bonne réponse.
Il ne se fait pas beaucoup de recherche mondiale sur cette question, mais au Canada, nous avons des chercheurs de pointe qui travaillent sur cette question, au St. Michael's Hospital de Toronto et maintenant au CAMH, toxicomanie et santé mentale, avec le Dr Robert Mann.
Le sénateur Sinclair : Y a-t-il eu d'autres répondants?
M. Steinmeyer : J'ai un commentaire sur ce point. Il existe effectivement une étude. Elle a été publiée l'année dernière. À Baltimore, au Maryland, il y a le National Institute on Drug Abuse, un organisme qui travaillait avec le NADS — National Advanced Driving Simulator — dans l'Iowa. Il y a un grand saladier en verre et il faut placer des cartes dans ce saladier. Ils ont fait des études après avoir donné aux gens un joint à fumer, un verre de bière, pour voir quels étaient les effets. C'est donc une étude très impressionnante, avec ce saladier et cela donne des résultats. Ce n'est pas statique, c'est une expérience dynamique. Les chercheurs ont constaté que le THC, combiné avec l'alcool, avait d'autres effets. C'est donc une étude récente, comme je l'ai dit, qui a été publiée l'année dernière et bien sûr, je pourrais vous la fournir.
Le sénateur Sinclair : Merci. Peut-on donc imaginer qu'une personne n'ait pas les facultés affaiblies suffisamment par l'alcool, ou séparément par la consommation de drogues, mais que ces substances étant combinées, le niveau de l'affaiblissement de ses facultés serait détectable ou notable?
M. Comeau : Oui.
Le sénateur Sinclair : Nous pourrions donc créer une nouvelle infraction, facultés affaiblies par l'alcool et par les drogues?
M. Comeau : Oui, nous devrions réfléchir, pour nos lois, à un aspect qui a été mentionné plus tôt, la polypharmacie, la possibilité que la personne ait consommé plusieurs drogues et que ses facultés soient affaiblies, c'est l'aspect essentiel.
Le sénateur Sinclair : Effectivement. Je mentionne simplement cela parce qu'à l'heure actuelle, le Code criminel parle de facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues, de sorte que vous comprenez que c'est là une difficulté potentielle.
M. Comeau : Oui.
Le sénateur White : Merci à tous d'être venus.
Je dirais, pour que cela soit clair, que le projet de loi à l'étude aujourd'hui n'a aucunement pour effet de créer une infraction. Nous parlons simplement de l'utilisation d'un outil qui permet à la police d'accomplir cette tâche. Nous comprenons tout cela.
M. Comeau : Exact.
Le sénateur White : Le deuxième aspect est que nous parlons de sang et du fait qu'il faut respecter un délai de quelques heures, mais il y a une autre substance pour laquelle nous pouvons obtenir un mandat. Ce sont les cheveux, et les cheveux, comme certains d'entre vous le savent certainement, permettent d'effectuer un test plusieurs jours et non plusieurs heures après. Il est donc réaliste de penser qu'à l'avenir, si nous en venons à un point où nous voulons utiliser un test sanguin, nous pourrions faire un test sur le sang ou sur les cheveux, en fonction du délai, n'est-ce pas?
M. Delfino : Avec les cheveux, vous allez connaître certains problèmes avec la rétroanalyse. Deux centimètres de cheveux représentent 30 jours de consommation. C'est habituellement ce que l'on prélève. Il serait donc très difficile d'utiliser ces cheveux pour des tests au bord de la route.
Le sénateur White : Non pas au bord de la route. Je parle de mandats. Je parle de personnel médical qui pourrait prendre des échantillons de cheveux avec leurs racines, comme nous le faisons pour les agressions sexuelles et les affaires de violence domestique.
M. Delfino : Vous mettez tous les échantillons dans une colonne et vous vous demandez : « Quels sont les avantages d'utiliser chacun de ces échantillons? » Les cheveux sont fantastiques pour connaître l'historique de la consommation. Là où le cheveu n'est pas efficace; c'est pour la consommation récente; vous n'allez pas détecter une consommation récente parce que, n'oubliez pas, vous utilisez un cheveu qui est déjà produit. Ce sont les follicules qui sortent, de sorte que vous ne pourrez pas mesurer la consommation récente de drogues. C'est là où le liquide buccal est intéressant parce qu'il reflète la consommation la plus récente. C'est la marijuana qui apparaît alors très rapidement.
Le sénateur White : Je le comprends. Après avoir entendu tout ceci, et après avoir constaté en Australie que cela donnait de bons résultats, ce qui n'a rien à voir avec ce projet de loi je le signale, mais la recommandation que nous allons présenter à propos des nouvelles mesures législatives que nous allons sans doute étudier d'ici six mois, consistera à procéder à un test secondaire à partir de la salive. Nous n'allons pas essayer d'écarter les tests sanguins, mais il est facile de les retarder comme nous l'a dit un ancien policier du Québec qui parlait de faire remorquer une voiture. J'ai patrouillé les rues pendant 24 ans, et je peux vous dire qu'un délai de deux heures n'était déjà pas facile à respecter pour les échantillons d'haleine et nous avons quand même dû le faire.
Est-ce que vous recommandez vraiment d'effectuer un test secondaire sur la salive? Personne ne s'y oppose?
M. Delfino : Non.
La sénatrice Batters : Quel est celui de vos appareils qui vient en tête et qui est le plus utilisé dans le monde entier?
M. Comeau : C'est une bonne question.
La sénatrice Batters : Quel est celui de vos trois appareils qui est le plus utilisé?
M. Comeau : En Australie, cet appareil est utilisé partout.
La sénatrice Batters : Dans le monde entier?
M. Comeau : Dans le monde entier, nous n'avons pas de données sur cet aspect. J'ai mentionné ce pays parce qu'il utilise un grand nombre de ces appareils.
La sénatrice Batters : Brièvement, quels sont les principaux avantages de votre appareil?
M. Comeau : Celui-ci n'a pas besoin d'être combiné à un autre équipement. C'est le test. Vous n'avez rien d'autre à apporter. Pour faire le test, il n'est pas besoin de prélever physiquement de la salive, ce qui peut prendre 30 secondes à une minute. Avec celui-ci, il faut sortir la langue, faire un frottis, le placer sur la cassette et appuyer sur le bouton, le test est en marche. C'est rapide, simple et précis. C'est son avantage. C'est pourquoi il est aussi largement utilisé en Australie et au Royaume-Uni à l'heure actuelle.
M. Verghis : La réponse arrive en cinq minutes.
La sénatrice Batters : Aux autres témoins, quels sont les désavantages de cet appareil?
Le sénateur Plett : Et combine coûte-t-il?
La sénatrice Batters : Je veux connaître les avantages et les désavantages.
M. Delfino : J'ai déjà parlé des tests effectués à l'aide d'un instrument et de ses avantages. Alere fabrique de nombreux appareils utilisables sur place, où les résultats apparaissent sur un écran et qui sont basés sur le liquide buccal. Nous avons décidé d'aller de l'avant avec le DDS2 parce que c'est un appareil qui fournit une lecture objective. L'agent ou la personne qui effectue le test n'a pas à interpréter les résultats.
Cela a plusieurs conséquences. Premièrement, vous ne dépendez pas de luminosité, du temps, du manque de lumière qui empêche de lire le résultat et de savoir si la réaction a bien marché. Deuxièmement, l'instrument imprime le résultat, il l'entrepose et vous fournit à l'écran le résultat du test; c'est lui qui détermine ce qui se trouve dans l'échantillon et quels devraient être les résultats du test en se basant sur le niveau de détection prévu par le test.
De cette façon, un avocat de la défense ne pourra jamais dire : « Comment puis-je être sûr que vous avez lu avec précision le résultat du test au bord de la route? » C'est l'instrument qui fait le travail.
La sénatrice Batters : Monsieur Delfino, vous avez mentionné que votre appareil pouvait également tester de très nombreux médicaments vendus sur ordonnance, comme les benzodiazépines et les opioïdes. Est-ce que votre test effectué au bord de la route est en mesure de détecter n'importe quel niveau de ces médicaments, ou le niveau doit-il atteindre un certain seuil avant que soit détecté un médicament qu'utilisent des millions de gens?
M. Delfino : Il va écarter la plupart des médicaments vendus sur ordonnance. Ce sont des tests qui mesurent la consommation abusive de drogues. Les niveaux de détection de ces drogues sont fixés en fonction d'une consommation abusive et non pas d'une consommation occasionnelle.
J'ai bien sûr entendu parler du fait que les jeunes organisaient ce qu'on appelle des « skittles parties » (prise de pilules au hasard). Chacun doit voler les pilules que prend son père ou sa mère, les amener à un party, et les jeter dans un saladier et ils prennent ensuite au hasard les pilules qui s'y trouvent. C'est la raison pour laquelle il est important d'avoir ces choses-là.
Vous avez également mentionné les opioïdes. Il y a à l'heure actuelle une épidémie mondiale d'opioïdes — abus d'héroïne. Nous avons vu des rapports qui disaient qu'à Hartford, au Connecticut, on avait retrouvé un conducteur à un feu rouge devant un poste de police, qui était effondré sur le volant avec une aiguille dans le bras. Nous avons vu ces images et les tragédies qu'elles causent.
La marijuana est un élément nouveau dans certains cas pour ce qui est du dépistage des drogues. La conduite en état d'ébriété est contrôlée depuis longtemps. Cela éclaire un peu la situation. Il est également très important de pouvoir détecter les opioïdes, la morphine et l'héroïne.
Le sénateur Carignan : J'aimerais simplement que le sénateur Sinclair obtienne sa réponse. Le code parle déjà de votre exemple où les deux sont combinés; c'est le paragraphe 253(2) qui dit ce qui suit :
Il est entendu que l'alinéa (1)a) vise notamment le cas où la capacité de conduire est affaiblie par l'effet combiné de l'alcool et d'une drogue
[Français]
Je vous écoute, et j'avais déjà rencontré quelques-uns d'entre vous. Je me rends compte de plus en plus que la méthode actuelle du Code criminel consiste à avoir un expert en reconnaissance de drogues qui effectue les tests après plusieurs minutes. En effet, lorsqu'on prend la personne, il faut lui dire qu'on a des motifs raisonnables et probables de croire qu'elle conduit avec facultés affaiblies, on l'amène au poste de police, puis on attend que l'expert en reconnaissance de drogues arrive, car il n'est pas toujours sur place, et cela peut prendre 2 heures ou 2 h 30.
Les tests prennent environ 30 ou 40 minutes à effectuer. Ensuite, l'expert peut demander le prélèvement d'un échantillon d'urine, de salive ou de sang. La distance et la période de temps posent problème.
Je comprends que la mise en vigueur des appareils qui sont ici raccourcira le temps de façon considérable, car on parle d'une question d'heures à une période de 10 à 30 minutes, environ. Est-ce que je fais erreur ou est-ce exact?
[Traduction]
M. Comeau : Le problème que pose le test effectué par le spécialiste en reconnaissance des drogues, qui est utilisé depuis au moins une dizaine d'années aux États-Unis, est qu'il prend beaucoup de temps. Il faut 30 à 40 minutes. Une des difficultés que pose l'utilisation de ce test est qu'avec ce programme qui comprend 12 étapes, il faut classifier la drogue à l'origine de l'affaiblissement des facultés. Cela est un problème pour la personne qui ne sait pas du tout ce que le conducteur a consommé ou ce qu'il a fait. Oui, il examine les yeux, il examine les fonctions motrices, notamment, mais dans le meilleur des cas, celui qui effectue le test ne peut fournir qu'une réponse approximative ou une probabilité.
Dans de nombreuses régions des États-Unis, on reconnaît maintenant que c'est une limitation qui touche le travail de l'expert en reconnaissance des drogues. S'il utilise seulement le test normalisé de sobriété, sans demander à l'expert en reconnaissance des drogues de dire de quelle drogue il semble s'agir, et un appareil sur place, alors il n'a pas à deviner quoi que ce soit.
Je vois que vos facultés sont affaiblies, j'ai réuni des preuves au sujet de cette situation. J'ai fait un test, et vous avez de la cocaïne ou de la marijuana dans le corps. Voilà. J'ai une méthode qui me permet de présenter ces preuves aux tribunaux.
C'est l'approche mixte qui est très populaire à l'heure actuelle aux États-Unis et je pense que c'est une méthode qu'il serait bon d'examiner en vue de l'appliquer au contexte canadien.
M. Delfino : Pour compléter ce que vous venez de dire, il existe aux États-Unis un programme passerelle entre le SFST (TSN, test de sobriété normalisé) et le programme ERD (expert en reconnaissance de drogue) qui s'appelle l'ARIDE. Le problème que pose l'ERD — ce sont les gens qui utilisent l'ERD dans le monde entier qui ont mis sur pied le programme ARIDE — c'est le temps et le coût qu'exige la formation des experts en reconnaissance de drogue.
Dans certains cas, cela relève des collectivités et elles sont très dispersées. Comme vous l'avez mentionné, il faut parfois beaucoup de temps pour obtenir les réponses. Avec l'ARIDE, la formation des policiers se fait en deux jours de sorte qu'elle est moins coûteuse. Ils n'ont pas à se déplacer et à se rendre dans un centre pour obtenir une certification. Ce test combine les éléments essentiels d'un TSN renforcé avec certains éléments du programme ERD, pour faire l'ARIDE, un test qui relie les deux.
Par exemple, aux États-Unis, ce programme est très demandé parce que les autorités ne peuvent pas se permettre d'augmenter le nombre des ERD parce que ces derniers risquent par la suite d'accéder à des postes mieux rémunérés, ce qui a pour effet de faire disparaître des patrouilles les personnes qui ont reçu cette formation.
Dans un État comme le Kansas, la Kansas State Patrol a formé au dernier trimestre de l'année plusieurs centaines d'agents au programme ARIDE. Ce sont les coordonnateurs et les formateurs du programme ERD qui s'occupent de la formation pour ce dernier programme.
Cela ajoute des preuves supplémentaires à la notion de cause probable obtenue grâce à la reconnaissance des drogues. Il y a des gens qui utilisent ce test avant d'effectuer les tests sur le terrain, et d'autres qui le font après. Avec le DDS2, vous pouvez effectuer le test, utiliser ensuite l'ARIDE ou le ERD, si cela fait partie du programme, et revenir plus tard pour lire les résultats. Ces résultats ne peuvent donc pas influencer les décisions. Elles peuvent aider et appuyer les décisions, mais pas nécessairement influencer leur nature.
Le sénateur Plett : Trois brèves questions. Je regarde votre projet. Une question, et le sénateur White y a fait allusion, portait sur les résidus qui demeurent dans les cheveux. Malheureusement, il vient de quitter la salle. Est-ce que cela veut dire qu'il a obtenu un avantage par rapport à nous?
M. Steinmeyer : À moi aussi.
Le sénateur Plett : Sérieusement, la question que je vais vous poser vient du fait que vous avez dit qu'il fallait faire un frottis de gauche à droite. Que se passe-t-il si vous faites le frottis de droite à gauche?
M. Steinmeyer : Rien. Cela prélève la même quantité de liquide.
Le sénateur Plett : Cela ne fait aucune différence? Il n'est donc pas obligatoire de le faire d'une façon ou d'une autre.
M. Steinmeyer : Non.
Le sénateur Plett : Dernière question. Vous mentionnez dans votre mémoire six types de drogues. S'agit-il des six que vous pouvez identifier ou y en a-t-il d'autres?
M. Steinmeyer : Nous en avons deux autres. Nous avons la méthadone et la kétamine. Cela peut se programmer, de sorte que l'on peut passer de cinq à huit, selon le type de consommateurs.
Le sénateur Plett : Et l'appareil fera ce qui est indiqué? Il dira que les résultats pour les trois premiers résultats sont négatifs, mais qu'ils sont positifs pour le cannabis, et ils pourraient être positifs pour un certain nombre d'entre elles?
M. Steinmeyer : Bien sûr. Il s'agirait de poly ou de multiconsommation. Si le résultat est positif pour plusieurs drogues, cela aide le policier à orienter son enquête et sa décision.
C'est ce que nous ont appris les policiers en Allemagne. Au début, ils n'avaient aucune idée de la situation. Ils pensaient parfois qu'il y avait une drogue et après avoir effectué un test, ils constataient que le test était positif pour la cocaïne. Ils effectuaient alors ensuite une analyse toxicologique uniquement pour la cocaïne. Ils épargnent ainsi du temps et de l'argent parce que l'analyse ultérieure est orientée et plus il y a de drogues, mieux c'est. La plupart du temps, la kétamine n'est pas une drogue européenne. Elle devient de plus en plus populaire, mais c'est plutôt une drogue asiatique, mais après quelque temps, elle pourrait arriver au Canada. Nous pourrions alors adapter notre appareil et ajouter cette drogue à nos tests.
M. Delfino : Nous avons vu que même aux États-Unis et même dans certains États, si vous voulez être aussi précis que cela, lorsque vous parlez du menu de drogues, on constate qu'il varie d'une région à l'autre. Je sais qu'il y a à l'heure actuelle aux États-Unis une épidémie d'héroïne. La marijuana est en train d'être légalisée. On vient d'ajouter quelques États au sud de votre frontière et sur les deux côtes.
Dans un État comme le Kansas, et j'ai communiqué récemment avec les autorités, il a dans un des secteurs une épidémie d'opioïdes, dans un autre ce sont encore les méthamphétamines. Dans d'autres États, ces drogues n'existent même pas. Il n'est donc pas très souhaitable de réduire le menu des drogues testées parce que cela nuirait au programme. Bien évidemment, plus vous testez de drogues, plus les résultats sont précis et nombreux.
Pour ce qui est des prélèvements de liquide, je signale qu'il y a, sur la plupart de ces appareils, un dispositif qui indique si la quantité de liquide buccal est suffisante. Ce n'est donc pas un processus très pointu. Il s'agit simplement de faire un frottis et de prélever du liquide buccal. Il y a un dispositif qui montre que l'agent a obtenu un échantillon suffisant, ce qui est important, bien évidemment, parce que lorsque vous voulez faire le test, vous voulez qu'il y en ait suffisamment pour l'effectuer. Tous les appareils fournissent des résultats individuels pour chaque catégorie de drogues.
Le président : Messieurs, je vous remercie d'avoir fourni des témoignages très intéressants et très instructifs. Je l'apprécie beaucoup.
(La séance est levée.)