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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 18 - Témoignages du 1er décembre 2016


OTTAWA, le jeudi 1er décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles auquel a été renvoyé le projet de loi S- 230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues), se réunit aujourd'hui, à 10 h 36, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour, chers collègues. Je vous souhaite la bienvenue, à vous et à nos invités. À l'automne, le Sénat a renvoyé à notre comité le projet de loi S-230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues). La séance d'aujourd'hui sera la deuxième que nous consacrons à l'étude de ce projet de loi.

Nous allons accueillir, au cours de la première heure, M. Gerald D. Chipeur, associé, Miller Thomson LLP; M. Michael Robertson, qui va prendre la parole au nom de Robertson Consultants, Inc., dont il est le propriétaire; M. William Trudell, président du Conseil canadien des avocats de la défense; et M. Gord Jones, coprésident du Comité sur la sécurité routière de l'Association canadienne des chefs de police.

Nous vous remercions de votre présence.

William Trudell, président, Conseil canadien des avocats de la défense : Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, je vous remercie de votre invitation à prendre la parole devant vous. Le Conseil canadien des avocats de la défense a, à nouveau, l'honneur de vous assister dans vos délibérations.

Le temps nous est compté et je vais donc faire un rapide exposé de la question. Sans doute suis-je particulièrement qualifié pour cela, étant donné que j'ai renoncé à l'alcool il y a 15 ans et que si ma femme a accepté de me garder, c'est en tant que conducteur désigné. C'est la solution idéale.

Quel est, au juste, l'objectif de ce projet de loi? S'il s'agit de faire condamner un plus grand nombre de conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue, ce texte est voué à l'échec. S'il s'agit de sensibiliser la population, permettez- moi de dire que le projet de loi est voué à l'échec. S'il s'agit de sanctionner la consommation de drogues, ce qui n'est pas l'objectif visé, mais qui pourrait très bien en résulter, permettez-moi de dire en toute déférence que ce texte est, encore une fois, voué à l'échec.

Ce projet de loi est présenté à un moment qui mérite d'être relevé en raison de la récente remise d'un rapport qui, en matière de déréglementation de la marijuana, fait, à tout le moins, état d'une tout autre approche. Il est donc à craindre que l'on adresse au public un message équivoque.

La dernière fois, vous avez eu l'amabilité de nous inviter, Greg DelBigio et moi, à prendre la parole au sujet des lenteurs de la justice pénale. Nous avons notamment parlé des changements que la Colombie-Britannique envisageait d'apporter au régime de poursuites contre les conducteurs aux facultés affaiblies. M. DelBigio et moi étions tous deux d'accord pour dire que la sensibilisation est en ce domaine l'outil le plus utile. D'après ce que nous avions nous-mêmes pu constater, de nombreux jeunes, des adolescents, sont parfaitement conscients du problème et choisissent eux-mêmes un conducteur désigné. D'après moi, le moyen le plus efficace de prévenir la conduite avec les facultés affaiblies est en effet la sensibilisation.

Je voudrais maintenant aborder les difficultés que soulève, selon nous, le texte de ce projet de loi. Un de ses principaux objectifs est de remplacer l'actuelle méthode de dépistage des drogues par un test de dépistage routier. Je vais exposer le problème de manière très concise. Par le passé, lorsqu'une automobile attirait l'attention d'un agent de police, celui-ci demandait au chauffeur de s'arrêter, puis évaluait la situation en fonction de ce qu'il pouvait constater. Il décidait alors sur place, d'administrer ou non un alcootest, à la suite de quoi, le conducteur pouvait avoir à se rendre au poste de police pour se soumettre à l'alcootest Borkenstein.

À moins que le contrôle routier n'ait été effectué dans le cadre du programme RIDE, on évaluait le conducteur au vu de certains critères : une démarche chancelante, les yeux injectés de sang et des difficultés à articuler. Les critères étaient prévus par règlement, et, au poste de police, le conducteur devait se soumettre à l'alcootest Borkenstein, administré par un technicien formé à l'emploi de l'appareil.

Voyons maintenant un peu ce qu'il en est en ce qui concerne les drogues. Si je comprends bien ce que prévoit le texte, si, après avoir interrogé le conducteur, le policier estime que l'alcool n'est pas en cause, il peut effectuer divers tests, puis emmener le chauffeur au poste de police. Si l'agent qui effectue le contrôle connaît bien le test permettant de confirmer la présence de drogues, il (ou elle) va suivre les 12 étapes importantes prévues, après quoi, s'il a des motifs raisonnables et probables de passer à l'étape suivante, on prélève un échantillon de sang ou de salive.

Je peux vous dire, en tant qu'avocat de la défense, que, sans les tests physiques, il est impossible d'avoir gain de cause dans les dossiers de conduite avec facultés affaiblies, car les données scientifiques entrent en ligne de compte. Nous ne connaissons pas le taux de concentration qui entraîne un affaiblissement des facultés, alors vous comprenez les difficultés que vous allez rencontrer si vous supprimez les moyens de démontrer que les facultés étaient affaiblies ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire que le conducteur avait les facultés affaiblies, c'est-à-dire les tests physiques. Il s'agit de réprimer la conduite avec facultés affaiblies et non la consommation. Ce que l'on entend réprimer c'est la conduite avec des facultés affaiblies par la drogue ou par l'alcool. C'est ce qui est important.

Certains des agents chargés d'évaluer la présence de drogue chez le conducteur n'ont pas la formation voulue, mais ils sont néanmoins tenus de suivre une démarche précise. Or, selon moi, si vous supprimez certaines des étapes de cette démarche, soit les poursuites n'aboutiront pas, soit elles prendront plus longtemps. Vos décisions seront contestées pour des motifs d'ordre constitutionnel, ou en raison de la pauvreté des données scientifiques dont vous serez en mesure de faire état. Les dossiers deviennent alors beaucoup plus complexes.

Le président : Il me faut, hélas, vous interrompre ici, car nos autres témoins doivent, eux aussi, pouvoir intervenir pendant cinq minutes. J'espère que chacun pourra s'en tenir à cette limite de temps afin que les sénateurs aient l'occasion de poser des questions.

Surintendant Gord Jones, coprésident, Comité sur la sécurité routière, Association canadienne des chefs de police : Mesdames et messieurs, membres du comité, c'est avec plaisir que j'ai accepté votre invitation à prendre la parole devant vous. J'interviens aujourd'hui en tant que coprésident du Comité sur la sécurité routière de l'Association canadienne des chefs de police. J'occupe les mêmes fonctions au sein de l'Association des chefs de police de l'Ontario.

Je m'exprime aujourd'hui au nom de notre président, le directeur Mario Harel, et des membres de l'Association canadienne des chefs de police des diverses régions du pays. L'ACCP a pour mission d'assurer la sûreté et la sécurité pour tous les Canadiens grâce à un leadership policier innovateur. Elle agit dans ce sens dans le cadre des activités et projets spéciaux de divers comités et par la liaison assurée avec tous les paliers de gouvernement et avec les ministères ayant une responsabilité législative ou exécutive en ce qui concerne la loi ou les services policiers.

Les services policiers constatent, dans toutes les régions du pays, une augmentation du nombre de conducteurs ayant pris la route avec les facultés affaiblies, soit par des drogues illicites, soit par des médicaments sur ordonnance. Les services de police s'inquiètent du nombre croissant de conducteurs blessés mortellement chez qui l'on constate après coup la présence de drogues. Si, selon de récentes études menées en Colombie-Britannique et en Ontario, la drogue en cause est le plus souvent la marijuana, on relève aussi la présence d'autres drogues, telles que la cocaïne, l'héroïne et les méthamphétamines. Il est à craindre que les changements qu'on propose d'apporter à la législation en matière d'utilisation récréative de la marijuana entraînent des conséquences pour la sécurité routière.

L'ACCP souhaiterait voir adopter des dispositions susceptibles d'améliorer la sécurité routière. C'est pourquoi je voudrais vous parler des appareils de dépistage salivaires qui permettent de déceler la présence de drogues chez un conducteur. Dans une résolution qui remonte à 2014, l'ACCP a demandé au gouvernement canadien d'autoriser l'emploi de ce genre de dispositif.

Je précise que l'ACCP est favorable à ce projet de loi qu'a présenté le sénateur Carignan. Je voudrais néanmoins proposer, très brièvement, certains changements qui permettraient d'améliorer le texte en facilitant l'activité policière.

C'est ainsi qu'au paragraphe 2(1), on a apporté à la définition d'appareil de détection approuvé un ajout qui permet de déceler la présence de drogues dans le sang. En effet, les appareils d'analyse salivaire actuellement utilisés ne permettent pas de déceler la présence de drogues dans le sang. Ils permettent seulement de déceler la présence de drogues dans le corps de la personne en question.

Étant donné que le prélèvement peut être ordonné par un agent autre que l'agent qui est intervenu initialement, il serait bon qu'au paragraphe 254(2), on dise « un » agent de la paix plutôt que « l'agent ».

Au paragraphe 254(3.4), maintenant, on parle de prélèvement d'un échantillon de fluides corporels tels que la salive, l'urine ou le sang. Vous saisissez bien le caractère envahissant d'une telle demande, et comprenez donc que plus une demande revêt un caractère envahissant, plus il faut se montrer exigeant à l'égard des motifs qui justifient la demande.

C'est pourquoi nous estimons, en toute déférence, qu'il conviendrait, là où le texte parle d'« agent de la paix », de parler plutôt d'« agent évaluateur ». Il s'agit en effet d'agents qui, avant de se voir reconnaître la compétence nécessaire au regard des règlements en vigueur, ont subi une formation complémentaire assez poussée qui leur permet de déceler les indices d'affaiblissement des facultés dû à la consommation de drogues.

Ajoutons qu'au paragraphe (3.4), les éléments « épreuves de coordination des mouvements prévues à l'alinéa 2a) », « du résultat de l'analyse prévue à l'alinéa 2b) », « sur le fondement de l'évaluation prévue au paragraphe 3.1 », devraient être séparés par le mot « ou » plutôt que par le mot « et ».

Dans le texte actuel, le mot « et » porte à penser qu'avant que l'agent puisse exiger un échantillon de fluides corporels, il faut que le conducteur en cause ait échoué à la fois aux épreuves de coordination des mouvements et au test permettant de déceler la présence de drogues. Le problème avec le texte dans son état actuel est que si la drogue consommée par le conducteur ne figure pas parmi les cinq ou sept drogues les plus habituelles, le test de dépistage ne donnera pas de résultat positif et, d'après la formulation actuelle, on ne pourra pas exiger un autre échantillon de fluides corporels.

Enfin, vous n'ignorez pas les autres projets de loi actuellement à l'examen. J'entends par cela le projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel (détecteur passif), le projet de loi C-226, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport), ainsi que, naturellement, le projet de loi qui fait l'objet du présent exposé. Pouvons- nous vous demander, en toute déférence, d'envisager l'idée de combiner les divers projets de loi portant sur la sécurité routière afin de simplifier leur application par les agents de police présents sur le terrain. Plusieurs des dispositions de ces projets de loi se recouvrent en effet.

Les poursuites intentées contre les conducteurs aux facultés affaiblies sont, pour un policier, parmi les tâches les plus difficiles qu'il sera appelé à accomplir au cours de sa carrière, et cela, en raison des problèmes techniques que cela pose. Alors que nous nous préparons à appliquer les nouvelles dispositions concernant les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue, et que nous tentons d'adapter nos méthodes, il est essentiel de prévoir les outils et les procédures permettant à la police de tenir responsables de leurs actes les conducteurs qui commettent des écarts.

Je tiens, au nom de l'ACCP, à remercier le sénateur Carignan et les membres du comité de l'action qu'ils mènent pour améliorer la sécurité routière au Canada. Je vous remercie.

Michael Robertson, propriétaire, Robertson Consultants, Inc. : Bonjour. Je m'appelle Mike Robertson. Je viens des États-Unis, plus précisément de la Caroline du Nord. Je suis policier depuis un peu plus de 47 ans. J'ai travaillé au sein des trois principaux corps policiers de la Caroline du Nord, et lorsque j'ai pris ma retraite, je dirigeais deux d'entre eux.

J'ai commencé à m'intéresser à l'analyse des sécrétions buccales dans le cadre du cabinet de consultants que j'ai monté après avoir pris ma retraite. Cela dit, j'ai conservé mon agrément de policier et continue chaque semaine à en exercer les fonctions et à procéder à des arrestations.

D'après moi, il ne faudrait pas, en matière d'analyses salivaires, s'en tenir au dépistage de la marijuana. La conduite avec les facultés affaiblies peut être due, comme le disait le surintendant, à tout un éventail de produits autres que la marijuana. Il y a en effet non seulement les médicaments délivrés sur ordonnance, mais toutes les drogues de rue. Je précise que le dépistage ne vous permettra pas de connaître le degré d'affaiblissement des facultés. La décision doit en effet dépendre en premier lieu de l'agent de police. Il faut d'abord qu'un motif précis de suspicion le porte à arrêter le véhicule, puis qu'il ait des motifs raisonnables d'interroger le conducteur, et, ensuite, un motif probable de procéder à son arrestation. Le passage d'une étape à l'autre exige donc un motif. L'analyse des sécrétions buccales est pour l'agent de police un moyen soit de constater la présence de telle ou telle substance, soit de l'écarter.

Après des années, nous avons convenu de retenir en matière de facultés affaiblies par l'alcool, le taux de 0,08. Or, en ce qui concerne la consommation de drogues, nous ne sommes pas encore parvenus à nous entendre sur un degré de concentration. Le dépistage par analyse des sécrétions buccales donne le taux de concentration de drogue, mais l'affaiblissement des facultés est quelque chose de plus subjectif. Comment l'intéressé se comportait-il au volant? Comment se comportait-il en général? Que pouvait-on conclure de son apparence?

Je suis tout à fait partisan du dépistage par analyse des sécrétions buccales. J'ai travaillé au Colorado, et en Californie. J'ai enseigné dans l'État de Washington. J'ai travaillé également dans le Maryland et au Michigan. Nous commençons à voir un peu comment nous y prendre.

D'après moi, l'agent de police formé à l'administration des tests de sobriété ordinaires, sera capable, avec un complément de formation, de procéder à un contrôle en bord de route. L'étape suivante, comme nous le disait tout à l'heure le représentant des avocats de la défense, est l'expert en reconnaissance de drogues. Dans certains ressorts, tout dépend de cet expert. Précisons, en ce qui concerne la marijuana, que le principe actif, le Delta-9-THC, est éliminé dans les quatre heures. Après ingestion, il est au maximum de ses effets pendant deux heures, après quoi l'effet diminue rapidement.

Or, ce qui intéresse l'agent de police, c'est la cause immédiate de l'inconduite au volant. Je tiens à savoir pourquoi le conducteur a quitté la route ou pourquoi il a franchi la ligne médiane. Je ne m'intéresse aucunement à ce qu'il a pu ingérer la semaine dernière. Mon travail consiste à effectuer un contrôle routier. Permettez-moi de m'en tenir là en attendant vos questions.

Je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole devant vous et c'est pour moi un honneur de venir vous parler, au Canada, de sécurité routière.

Le président : Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.

Gerald D. Chipeur, associé, Miller Thomson LLP, à titre personnel : On m'a demandé mon avis sur ce projet de loi et les modifications qu'il est prévu d'apporter au Code criminel. Permettez-moi de dire, sans la moindre hésitation, que ces modifications sont parfaitement conformes à la Charte. Il est vrai qu'elles entraînent des conséquences pour le droit à l'assistance d'un avocat, et pour certaines des garanties juridiques inscrites à l'article 7, mais, selon le juge Fish, se prononçant en cela au nom de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Woods, il ne fait aucun doute qu'un test de dépistage administré séance tenante par la police répond au critère de l'article 1 de la Charte, c'est-à-dire qu'il constitue une limite raisonnable dans une société libre et démocratique.

En fait, après l'adoption de ce projet de loi, les articles 253 et 254 du Code criminel concorderont davantage avec les dispositions de la Charte, car les conditions qu'il instaure sont, pour le conducteur d'un véhicule, moins envahissantes que ne l'étaient les dispositions antérieures. En effet, si les facultés du conducteur ne sont pas affaiblies par la drogue, le test de dépistage met fin au contrôle, qui, sans cela, pourrait se prolonger. Comme le disait mon collègue tout à l'heure, ce test peut fonder des poursuites, mais il peut également marquer la fin d'un contrôle.

C'est pourquoi, d'après moi, le texte de ce projet de loi est conforme à la Charte et renforcera la concordance entre les dispositions du Code criminel et celles de la Charte.

Le président : Je vous remercie. Nous passons maintenant aux questions, en commençant par le sénateur Baker, vice- président du comité.

Le sénateur Baker : Je tiens à remercier nos témoins de leurs exposés très intéressants.

Le temps consacré aux questions nous étant compté, je voudrais d'abord demander pourquoi le parrain du projet de loi a supprimé du texte le terme « policier entraîné » pour le remplacer par « tout agent de la paix ». Le sénateur Dagenais est expert auprès des tribunaux. Il est agréé et certifié en tant qu'expert. Il ne sera sans doute pas d'accord pour supprimer le terme en question et le remplacer par « tout agent de la paix ». Ma question s'adresse à vous tous. L'auteur de la requête propose de modifier les dispositions de la loi. Mais il ne s'agit pas, en l'occurrence, de preuves dont il pourra être fait état lors d'un procès. Il s'agit simplement d'ajouter aux indices offrant au policier qui arrête un véhicule, une raison supplémentaire de penser qu'il y a des chances que les facultés du conducteur soient affaiblies par la drogue ou par l'alcool. Cela correspond au « motif précis » du droit américain.

Au Canada, dans toutes les provinces, le code de la route autorise un policier à arrêter un véhicule sans avoir le moindre motif. Dans toutes les provinces canadiennes, un policier peut demander au chauffeur de produire son permis de conduire, les papiers de la voiture et son assurance. Dans trois provinces canadiennes, le code de la route autorise le policier à s'assurer que le chauffeur ne manifeste aucun signe de conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue. C'est ce qu'un policier a le droit de faire au Canada, même sans motif.

Le projet de loi apporte des changements similaires à ceux qui ont été effectués en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. L'objectif n'est pas de pouvoir fournir des preuves lors d'un procès. Ce n'est pas l'objet du projet de loi. Cette mesure vient ajouter un autre moyen de déceler d'éventuelles facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue. Pour un expert, par exemple, les yeux rouges, la parole lente et la lenteur des mouvements sont autant d'indices d'une consommation de marijuana.

Le but de ce projet de loi n'est pas de réunir des preuves. Il a simplement pour objet de fournir au policier un motif raisonnable de soupçon avant de procéder à une arrestation, puisque toute personne emmenée au poste de police est en fait arrêtée. On ne peut pas en effet emmener quelqu'un au poste de police sans l'arrêter et sans lui donner l'occasion de contacter un avocat. Le projet de loi ne prévoit pas qu'un conducteur pourra contacter son avocat avant de se voir administrer, en bord de route, un test de dépistage, l'administration de l'alcootest n'ouvrant pas, lui non plus, droit à l'assistance d'un avocat. C'est un simple moyen d'enquête.

Que pensez-vous du fait que le projet de loi ne dit pas un mot des preuves dont il pourrait éventuellement être fait état devant un juge? Ce texte n'a en effet rien à voir avec les éléments susceptibles d'être produits lors d'un procès. Aucun droit à l'assistance d'un avocat. Il s'agit uniquement d'arrondir les indices permettant notamment à un policier de conclure à l'existence de motifs raisonnables de procéder à une arrestation.

M. Robertson : Le raisonnement comporte essentiellement, trois étapes : le motif de soupçon, les motifs raisonnables de croire, et le motif probable. Aux États-Unis, il faut, pour arrêter une voiture, avoir une raison. Un motif de soupçon est toute raison que je peux, en tant que policier, invoquer : il peut s'agir d'un feu arrière qui ne fonctionne pas, d'un franchissement de la ligne médiane, ou du fait que le conducteur a quitté la route. Il me faut une raison, quelle qu'elle soit.

Dans le temps, je pouvais arrêter une voiture simplement parce qu'elle circulait sur un tronçon de route que j'étais chargé de patrouiller. Je n'en suis plus tout à fait là. Dans l'idéal, j'ai au moins un motif de soupçon. J'ai donc une raison d'arrêter le véhicule. Puis, si, à la fenêtre de son véhicule, le chauffeur s'exprime lentement, très lentement, d'une voix pâteuse, il a sans doute fumé de la marijuana. En général, l'odeur fournit un motif. Quelqu'un qui a pris des méthamphétamines est trahi par son regard, car ses yeux sont durs, rigides et, ses pupilles contractées.

Le sénateur Baker : Oui, il y a en effet dilatation des pupilles.

M. Robertson : Cela vous donne donc une bonne raison de lui demander de sortir de sa voiture, et de s'entretenir avec lui là où vous pouvez tous les deux dialoguer sans risque d'accident.

À ce point-là, le dépistage salivaire est exactement ce que vous venez de dire, un simple indicateur. Soit cela permet d'écarter une des causes possibles, soit cela fournit le motif probable qui permet d'aller plus loin. Le dépistage salivaire fournit le motif probable qui justifie la délivrance éventuelle d'un mandat.

Du test de dépistage salivaire administré avec le consentement de l'intéressé, on peut passer au test Quantisal, fondé lui aussi sur une analyse salivaire. L'échantillon est prélevé dans un tube immédiatement scellé sur les lieux du contrôle, puis envoyé à un laboratoire, pour faire l'objet d'une analyse par chromatographie en phase gazeuse. Il peut s'agir d'un laboratoire rattaché à l'État ou d'un établissement sous contrat.

Aux États-Unis, dans le cas le plus grave, un accident, faisant de multiples morts, avant de pouvoir prélever un échantillon sanguin, il faut obtenir un mandat. En pareille hypothèse, l'analyse ne se fait pas au bord de la route. Si je monte un contrôle routier, je n'emploie pas le test salivaire. C'est un peu comme aller à la pêche, sans savoir exactement ce qu'on veut attraper. Tout se passe bien dans la mesure où vous pouvez invoquer un motif. Pour que tout se déroule correctement, il faut pouvoir compter aussi bien sur la conscience professionnelle du policier que sur celle de l'avocat de la défense. Le dépistage salivaire donne de très bons résultats, si toutefois on l'emploie correctement.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Jones, vous avez parlé de la résolution 2014-01 de l'Association canadienne des chefs de police. Cette résolution est mentionnée dans le préambule du projet de loi qui fait état entre autres des difficultés qu'il y a, pour la police, à détecter les cas de conduite avec les capacités affaiblies par les drogues.

Quelles seraient, selon vous, les difficultés qu'éprouvent les policiers, et comment ce projet de loi va-t-il faciliter leur travail?

M. Jones : Cela dépendra des circonstances. En pleine nuit, ou sur une route mal éclairée, il peut être difficile de déceler l'état du conducteur.

Il y a des années, à l'époque où j'effectuais des patrouilles et qu'il m'arrivait d'arrêter des gens qui avaient pris le volant en état d'ébriété, je tombais parfois sur un chauffeur ivre mort. Dans ce cas-là, tout est simple. Mais certains, chez qui on relevait une alcoolémie élevée, ne donnaient pas plus de signes d'intoxication que les personnes ici présentes.

L'appareil de dépistage salivaire serait, pour les policiers, un outil supplémentaire leur permettant de déceler les signes de facultés affaiblies. Selon les conditions routières, les conditions météorologiques, ou si l'intéressé refuse d'obtempérer, il faut parfois un certain temps avant de pouvoir se pencher tranquillement sur d'éventuels signes d'ébriété. Un appareil de dépistage salivaire alimenterait les motifs permettant de passer du test de sobriété normalisé à l'arrestation, au droit à l'assistance d'un avocat, puis au passage devant un expert en reconnaissance de drogues.

Le sénateur McIntyre : Le projet de loi modifie les dispositions du Code, remplaçant le terme « agent évaluateur » par « agent de la paix ». L'agent de la paix qui n'a pas la qualité d'agent évaluateur a-t-il les compétences voulues pour ordonner un prélèvement de fluides corporels? Cette modification va-t-elle, selon vous, donner les résultats escomptés?

M. Jones : Non. Nous estimons, au sein de l'ACCP, qu'un prélèvement ne devrait être ordonné que par un agent évaluateur qui a reçu la formation nécessaire et qui répond en cela aux exigences réglementaires. Le prélèvement d'échantillons sanguins, urinaires ou salivaires, a quelque chose d'envahissant au regard des droits garantis par la Charte. La décision d'ordonner un prélèvement devrait donc relever de quelqu'un ayant une formation particulière.

M. Trudell : L'appareil en question est uniquement un moyen de dépistage. Il nous faut donc songer aux risques de résultats faussement positifs, réfléchir aux types d'appareils employés, et au type de drogues que l'appareil permet de détecter. On peut, au départ, s'interroger sur l'utilisation excessive de ce genre d'appareil, mais je constate avec satisfaction que l'on a songé au besoin d'une formation adaptée. L'emploi de ce type d'appareil ne va pas sans difficultés. J'en vois quatre : les résultats faussement positifs, le besoin d'une formation complémentaire, les problèmes de protection de la vie personnelle et la question des mandats.

Les difficultés que je viens de citer sont celles qui peuvent surgir lors d'un contrôle. En effet, à partir du moment où l'individu est emmené au poste, il faudrait que le prélèvement d'un échantillon d'urine ou de sang soit autorisé par mandat. Le prélèvement d'un échantillon de sang doit effectivement faire l'objet d'une autorisation judiciaire, surtout lorsqu'il est effectué dans un poste de police.

Il y a, par ailleurs, les questions concernant la protection des renseignements personnels, l'utilisation des échantillons d'ADN et le cas des femmes à qui, au poste de police, on demande de fournir un échantillon de sang ou d'urine. Il convient donc qu'un juge intervienne dans la recherche de preuves éventuelles à chaque fois que cette recherche revêt un caractère particulièrement envahissant.

Le sénateur Joyal : Qu'il me soit permis de revenir à la réponse que nous a donnée M. Robertson, car elle soulève un aspect intéressant de la démarche d'évaluation. Si j'ai bien compris ce qu'il nous disait, les agents de police ne peuvent pas simplement arrêter n'importe qui et lui imposer un test de dépistage. Autrement dit, le test de ne doit intervenir que si le policier estime avoir des motifs raisonnables de penser que la personne en cause conduit alors que ses facultés sont affaiblies par la drogue.

M. Robertson : Tout à fait.

Le sénateur Joyal : Ai-je raison de penser qu'on n'est pas du tout dans le cas de figure où, un vendredi soir, la police, installée au bord de la route, décide d'arrêter toutes les voitures, sans avoir la moindre raison de penser que certains conduisent avec les facultés affaiblies?

M. Robertson : Tout à fait. Je suis d'accord aussi bien avec le surintendant qu'avec l'avocat de la défense. Le test de dépistage devrait effectivement être administré par quelqu'un qui a la formation nécessaire. Je ne sais pas quels sont les établissements d'enseignement qui dispensent ici ce genre de formation, mais dans la mesure où on y enseigne le test de sobriété normalisé sur le terrain ou les techniques avancées du programme américain ARIDE, c'est-à-dire l'Advanced Roadside Impariment Driving Enforcement, le test devrait effectivement être administré par quelqu'un qui a la formation voulue. La formation assurée aux experts en reconnaissance des drogues est beaucoup plus poussée, et coûte beaucoup plus cher, mais elle donne d'excellents spécialistes.

Je partage l'avis de l'avocat de la défense. Si l'intéressé dit : « Je veux bien fournir un échantillon de sang, et signer le formulaire », nous n'hésitons pas. Il nous faudrait, cela dit, l'emmener à l'hôpital pour le présenter à un phlébotomiste. Nous ne prélevons pas les échantillons sanguins au poste de police.

Le sénateur Joyal : Monsieur Trudell, vous pourriez cependant faire valoir en défense que le test a été administré sans qu'on ait établi que l'agent de police avait décelé le moindre signe de capacités affaiblies par la drogue. Autrement dit, la police ne peut pas simplement dire au conducteur : « Arrêtez-vous, et donnez-nous un échantillon d'haleine. » Il faut donc que le policier pense que le conducteur va sortir de son véhicule et discuter avec lui. C'est alors que le policier pourra relever des indices lui permettant de penser que l'intéressé est peut-être sous l'emprise de la drogue. Ce n'est pas le premier des signes qu'un chauffeur doit manifester avant qu'un policier estime avoir des motifs raisonnables de penser que le chauffeur conduit effectivement avec des facultés affaiblies.

M. Trudell : Les contrôles aléatoires auxquels on procède à Noël soulèvent des difficultés tout autres, mais j'espère que les policiers ne commenceront pas à recourir systématiquement au nouvel appareil de détection des drogues.

Le soupçon fonde les motifs raisonnables qui permettent de passer à l'étape suivante. D'après moi, l'agent de la paix appelé à employer cet appareil de détection devra recevoir une formation adaptée. Sa formation ne sera pas tout à fait celle des agents d'évaluation des drogues, car il s'agit là d'une formation très coûteuse, mais le policier ne pourra pas simplement sortir son appareil et déclarer au conducteur : « Je vais devoir prélever un échantillon de salive. »

Étant donné la gravité du problème de la conduite avec facultés affaiblies, du nombre d'accidents mortels, il est essentiel d'encadrer très strictement la première étape du contrôle. Après cela, bien sûr, les dispositions de la Charte entrent en jeu et toutes sortes d'objections peuvent être élevées au sujet de l'appareil de détection.

Le sénateur Joyal : D'après vous, quelles seraient les dispositions de la Charte s'appliquant le plus vraisemblablement à l'emploi d'un tel appareil?

M. Trudell : Il y a, bien sûr, le droit à l'assistance d'un avocat. À quel moment précis, ce droit entre-t-il en jeu? D'après la jurisprudence, cela dépend du caractère raisonnable ou non des motifs de suspicion invoqués par le policier.

Nous tenons toujours sous la main l'article 7 de la Charte, les garanties juridiques générales, afin de jauger le caractère éventuellement arbitraire de nos procédures répressives. C'est cette disposition qui permet d'évaluer le caractère éventuellement arbitraire de l'atteinte portée au droit qu'a une personne de ne pas fournir un échantillon de salive.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'aimerais apporter quelques éléments de précision au sujet du projet de loi, sans vouloir témoigner à ce sujet.

D'abord, monsieur Trudell, je veux être clair. Je suis d'accord avec 98 p. 100 de votre témoignage d'introduction. Le but du test n'est pas de remplacer les méthodes, mais bien d'apporter un élément objectif supplémentaire dans l'exercice lié à la détermination des motifs raisonnables et probables de croire qu'il y a infraction, qui permettra, par la suite, de passer à la deuxième étape. Le simple résultat de ce test ne peut servir de preuve qu'il y a eu conduite avec facultés affaiblies. Les autres éléments du comportement doivent aussi être évalués. Je veux m'assurer que nous nous entendons bien sur l'objet du projet de loi, qui n'est pas du tout de remplacer les autres éléments d'évaluation, mais bien d'ajouter un élément de preuve qui alimentera les motifs raisonnables.

Ma question s'adresse au chef de police. Pourquoi avoir remplacé l'agent évaluateur par un agent de la paix? Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'un agent évaluateur est toujours un agent de la paix?

[Traduction]

M. Jones : Oui. Seul un agent de la paix peut devenir agent évaluateur.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce qu'un patrouilleur sur la route est toujours un agent évaluateur?

M. Jones : Non.

Le sénateur Carignan : C'est pour cette raison que l'article 3.4 est modifié par l'expression « agent de la paix » dans le but de prévoir les deux situations. Dans le cas d'une situation où un agent de la paix contrôle un individu, lui fait passer le test et évalue les éléments de contrôle comportemental, dans certains cas, cela peut être à la suite de l'agent évaluateur. Donc, si je vous l'explique de cette façon, est-ce que vous ne croyez pas que c'est raisonnable, dans le sens où cela n'a pas pour objectif de retirer l'expert évaluateur? Il peut rester sur place, mais on donne une option supplémentaire pour obtenir une meilleure preuve de conduite avec facultés affaiblies lorsqu'un agent de la paix fait passer le test, fait une analyse du comportement pour évaluer s'il y a conduite avec facultés affaiblies et, en plus, prend un échantillon qui indique une quantité. Est-ce que cela change un peu votre point de vue?

[Traduction]

M. Jones : Je dois, en toute déférence, répondre au nom de l'ACCP que l'agent évaluateur doit toujours intervenir.

Le sénateur Carignan : Personne ne songe d'ailleurs à l'écarter.

[Français]

Quant à la question de la quantité, votre point est de dire qu'il faut retirer la référence à la présence, parce qu'avant, il s'agissait de la présence et que, maintenant, on indique la quantité de drogue. Est-ce que vous croyez que la quantité de drogue peut être un élément rationnel dans le cadre d'une preuve de conduite avec facultés affaiblies? En d'autres mots, il est moins probable qu'une quantité minime puisse constituer une preuve de conduite avec facultés affaiblies, tandis qu'une quantité extrêmement élevée, confirmée par un toxicologue, un expert, peut démontrer qu'il est rationnel de croire que la personne ait manifesté des signes de l'affaiblissement de ses facultés.

[Traduction]

M. Jones : C'est différent pour chacun. Chez certains, une concentration même faible de drogue affaiblit très sensiblement les facultés. Cela dépend de l'organisation physique de chacun, du fait qu'ils aient ou non déjà consommé de la drogue, ou qu'ils en consomment ou non régulièrement. La simple présence de drogues dans l'organisme confirme les signes d'affaiblissement des facultés qu'on a pu constater, ou les résultats du test administré en bord de route.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne parle pas du test de dépistage de drogues en bordure de route. La quantité concerne le dernier test, car c'est l'échantillon de sang ou l'échantillon buccal qui constitue la preuve. Je ne parle pas du test de dépistage de drogues en bordure de route, mais de la preuve de la culpabilité où on demande la quantité de drogue.

[Traduction]

M. Jones : C'est au personnel scientifique de déterminer l'effet que telle ou telle quantité peut avoir.

Le sénateur Carignan : Je suis entièrement d'accord avec vous.

La sénatrice Jaffer : Le temps nous étant compté, c'est à vous, monsieur Trudell, que je vais adresser ma question.

Il est clair que nous souhaitons tous que ce projet de loi ait les résultats escomptés. Je m'inquiétais hier du prélèvement d'un échantillon de salive, étant donné que cela semble plus envahissant que l'alcootest, mais peut-être ne devrais-je pas trop me préoccuper de cela.

Mais vous avez parlé d'une mesure encore plus envahissante, le prélèvement, sans mandat, d'un échantillon sanguin, que cela se fasse à l'hôpital ou dans un poste de police.

Mais ce qui me paraît plus important encore est la question du soupçon. Je ne sais pas ce qu'il en est ailleurs, mais dans ma province, vous pouvez être arrêté, même en l'absence de soupçons. J'entends par cela que vous pouvez être arrêté en vertu des dispositions du code de la route, non de celle du Code criminel. On arrête quelqu'un, donc, et ce n'est qu'après cela que le policier soupçonnera éventuellement que l'intéressé a peut-être consommé de la drogue.

J'aimerais que vous nous fournissiez quelques précisions à cet égard, et c'est pour cela que je vous pose la question. À quel point cela peut-il poser un problème? À quel point les dispositions de ce projet de loi risquent-elles de soulever des difficultés?

M. Trudell : Deux problèmes apparaissent à la lecture du texte. Nous sommes ici pour vous assister dans vos délibérations. Nous ne vous encourageons pas à adopter le projet de loi afin de faire les beaux jours des avocats de la défense. Ce n'est pas du tout notre but. Nous sommes simplement ici pour vous assister dans vos délibérations.

La formation d'un agent chargé du dépistage revêt une grande importance. Il se peut qu'il exclue l'affaiblissement des facultés, mais il doit avoir reçu la formation voulue. Parlant d'expérience, M. Robertson nous a dit quelque chose que nous allons, j'espère, tous retenir. Il ne fait aucun doute que le prélèvement d'un échantillon sanguin doit se faire en vertu d'un mandat.

Revenons un peu en arrière. Celui ou celle qui prend de la marijuana à des fins thérapeutiques a une tolérance plus grande que la mienne à la marijuana. Il faut donc s'arrêter aux différences selon le type de drogue en question, et l'utilisation qui en est faite. Nous allons prendre en compte des considérations scientifiques, ce qui va compliquer les choses, et allonger les procédures. Or, nous avons supprimé les dispositions touchant la formation.

Qu'il me soit permis de dire en toute déférence que si vous supprimez la formation et les 12 étapes que doivent actuellement franchir les officiers évaluateurs, vous supprimez en fait les éléments essentiels d'un texte sur la conduite avec facultés affaiblies. Le projet de loi est alors vidé de son contenu. Cela étant, quel est le message transmis? Il faut être très prudent à cet égard, mais je pense que dans sa forme actuelle le texte soulève de nombreuses questions.

Comme je le disais, madame la sénatrice Jaffer, je m'inquiète de voir le nouvel appareil d'analyse salivaire remplacer l'agent qui, en raison de la formation qu'il avait reçue, était en mesure de voir si quelqu'un avait ou non consommé de la drogue.

Que cela va-t-il donner en pratique? Les tribunaux vont assouplir leur position sur le test de dépistage qui permet de passer à l'étape suivante, mais on risque, dès l'étape suivante, de se heurter à des objections constitutionnelles. On s'expose à de longs litiges en raison du caractère plus envahissant des techniques employées. Or, le caractère envahissant s'accroît alors même que l'on supprime la formation et les analyses.

Considérez les 12 étapes de la procédure à suivre par les agents évaluateurs. Il y a, d'abord, un examen préliminaire qui comprend la lecture du pouls, l'examen de la pupille des yeux afin de constater une éventuelle dilatation, puis un examen de la vue pour voir si les deux yeux parviennent à suivre un objet que l'on déplace devant eux. Il s'agit donc d'un examen assez poussé. Mais ça ne finit pas là.

Or, si vous supprimez cela, vous ne parviendrez pas à obtenir la condamnation de quelqu'un qui peut avoir, effectivement, conduit avec les facultés affaiblies.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Le sénateur Baker m'a présenté comme un expert. J'ai été un technicien d'ivressomètre pendant une trentaine d'années. Au cours des années 1970, on n'avait pas l'ivressomètre. Donc, nous évaluions uniquement la conduite erratique et les tests symptomatiques. L'ivressomètre est arrivé plus tard et, ensuite, il y a eu le dépisteur d'haleine que les policiers appellent communément ALERT. En passant, monsieur Trudell, lorsqu'un individu n'était pas en mesure de fournir un échantillon d'haleine et que nous devions prélever un échantillon de sang, il était amené à l'hôpital, où nous faisions la mise en garde. Au Québec, il n'était pas nécessaire d'obtenir un mandat pour le faire.

Ma question s'adresse à M. Chipeur. Les lois peuvent être très claires, mais le rôle des avocats est de contester certaines dispositions au nom de leurs clients. Disposez-vous d'une jurisprudence au sujet de débats qui auraient pu avoir lieu au Canada sur la validité des appareils utilisés en première ligne pour détecter les personnes qui auraient conduit sous l'effet de drogues?

[Traduction]

M. Chipeur : Il n'y en a pas encore, sénateur, étant donné que la législation en vigueur ne prévoyait pas ce type d'appareil de dépistage.

Mais, au cours des 20 ou 30 dernières années, l'alcootest n'a cessé d'être mis en cause. Or, l'alcootest n'analyse pas l'haleine, mais la salive. Il s'agit donc d'une autre manière de dire la même chose.

D'après moi, si un avocat de la défense prétendait que ces appareils de dépistage ne fonctionnent pas correctement, les tribunaux appliqueraient la jurisprudence sur l'alcootest. Depuis 30 ans, les tribunaux acceptent les données scientifiques démontrant que l'alcootest fonctionne correctement. Ce n'est qu'un moyen différent d'analyser la même chose, en l'occurrence, un échantillon de salive. C'est simplement qu'on cherche à détecter une substance différente. Or, si l'on entend détecter une substance différente, il faut employer un test lui aussi différent, mais la substance corporelle analysée est exactement la même et le dépistage prend très peu de temps.

Des données scientifiques démontrent que l'appareil fonctionne correctement. Le test de dépistage est très rapide et il est administré séance tenante. Cela répond aux trois questions qui intéressent les tribunaux. Or, d'après la jurisprudence, étant donné la réponse apportée à ces trois questions, les règles concernant l'administration de l'alcootest sont conformes aux dispositions de la Charte.

J'estime que les tribunaux adopteraient le même raisonnement à l'égard de cet appareil de dépistage qui, selon moi, analyse exactement la même substance.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma deuxième question s'adresse à M. Robertson. Vous savez qu'entre policiers, nous sommes toujours frères par affiliation professionnelle.

À votre connaissance, dans quelle proportion les résultats de tests positifs d'échantillons prélevés par les policiers américains ont-ils entraîné une condamnation? Je parle de tests liés à la présence de drogue.

[Traduction]

M. Robertson : La question est pertinente, sénateur, mais il s'agit de quelque chose de nouveau et nous n'avons pas encore de chiffres concernant le nombre de condamnations. Au Colorado, on utilise depuis déjà deux ans, le dépistage en bord de route. Les autorités de cet État n'ont cependant pas encore publié les statistiques d'arrestation. Le nombre de personnes arrêtées pour conduite sous l'emprise de la marijuana a dû manifestement augmenter, étant donné les nouveaux tests de dépistage.

Permettez-moi de dire un mot du vieil alcootest Stevenson 900, muni d'une molette. Vous ne m'avez pas interrogé sur ce point, mais je vous demande de ne pas confondre quantité et affaiblissement des facultés. Pour la marijuana, la limite légale se situerait aux environs des cinq nanogrammes, mais j'ai vu des personnes qui, d'après le dépisteur d'haleine, en avaient consommé plus d'une trentaine, mais qui pouvaient néanmoins parler et marcher comme chacun d'entre nous. Ne confondons donc pas la quantité ingérée et l'altération des facultés. C'est à l'agent qu'il appartient de constater l'altération des facultés et, à partir d'un soupçon précis, d'établir l'existence d'un motif probable. L'appareil est un excellent outil d'enquête, mais il ne faut pas oublier que ce n'est que cela.

La sénatrice Batters : Je voudrais obtenir quelques précisions au sujet de ce que le sénateur Dagenais vient d'évoquer brièvement : selon vous, ce projet de loi est-il conforme aux dispositions de la Charte? Pourriez-vous nous dire de manière un peu plus détaillée si, à votre avis, les dispositions prévues dans le texte du projet de loi sont ou non contraires à la Charte? Au cas où vous penseriez qu'elles sont effectivement contraires, estimez-vous que l'article 1 rendrait le texte néanmoins acceptable? Pourriez-vous nous livrer quelques éléments d'analyse sur ce point?

M. Chipeur : Il existe un certain nombre d'affaires portant sur ce sujet. J'ai déjà évoqué l'arrêt Woods. Le juge Fish était un ardent défenseur de la Charte, et en particulier du droit à l'assistance d'un avocat. Étant donné que, dans l'affaire en cause, l'empiétement sur la vie du citoyen concerné était minime, alors que la question qui se posait était d'une grande importance — la conduite en état d'ivresse est en effet une question de vie ou de mort —, les tribunaux ont estimé qu'il s'agissait d'une limite raisonnable se justifiant dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Plusieurs autres affaires vont dans le même sens. Il y a, ainsi, l'arrêt Hufsky, à l'occasion duquel le juge Le Dain a souligné l'importance que revêt l'alcootest administré au bord de la route dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies, le fléau auquel entendait justement s'attaquer le législateur.

La Cour suprême a déclaré à plusieurs reprises que les articles 8, 7 et 10 de la Charte auraient une incidence sur l'utilisation de l'ivressomètre. Elle a déclaré que cette utilisation ne serait pas déclarée invalide en raison de la Charte parce que, dans chaque cas, l'article premier justifiait l'intrusion associée à l'ivressomètre.

Il est indubitable qu'il y a une intrusion, mais voici comment il faut la considérer. Si je suis un honnête citoyen, c'est- à-dire la personne à laquelle nous devrions nous intéresser ici, j'aimerais être lavé de tout soupçon le plus rapidement possible. Le processus que je devrai suivre si cet appareil n'existait pas serait beaucoup plus intrusif. Je devrais subir un certain nombre de tests au bord de la route auxquels je ne serais pas assujetti si je pouvais immédiatement convaincre le policier que mon liquide buccal ne contient aucune drogue.

À mon avis, cet appareil n'est pas seulement conforme à la Charte, mais grâce à lui, le Code criminel est davantage conforme à la Charte et c'est pourquoi j'exprime cette opinion.

Le sénateur Plett : J'ai deux questions. La sénatrice Batters vient de poser la première et vous y avez très bien répondu, monsieur Chipeur.

J'aimerais aller un peu plus loin et parler de la situation catastrophique qui sera la nôtre avec ce projet de loi, si nous nous basons sur les affirmations de M. Trudell et vous demandiez précisément ce qui suit : À votre avis, monsieur Chipeur, le projet de loi contient-il des dispositions qui vont supprimer le test physique comme l'a fait remarquer M. Trudell?

M. Chipeur : Je pourrais vous faire passer de la première à la deuxième étape, sans vous faire subir le test physique initial au bord de la route, mais cela ne touche aucunement l'ERD. Le projet de loi prévoit que ce test doit être effectué par la suite.

Il y a également la question du sang dans l'urine. Le test du sang dans l'urine existe depuis plusieurs années et n'exige pas l'obtention d'un mandat. Il n'est vraiment pas nécessaire d'ajouter un mécanisme d'examen ni de faire intervenir les juges dans ce processus. C'est exactement la même chose qu'avec le test de l'ivressomètre qui a été soumis à la Cour suprême de très nombreuses fois.

Je ne comprends pas. Ces changements sont tout à fait minimes. Ils visent simplement à aider les quelques policiers qui ne se sentent pas à l'aise de prendre une décision à partir de leurs constatations. Ils ont besoin de ce test supplémentaire pour pouvoir prendre une décision. Ils prennent la décision. Cette certitude supprime toute intrusion dans la vie des citoyens au lieu de l'alourdir.

Le sénateur White : Je vous demande d'excuser mon retard, en particulier, je le demande aux témoins.

Si vous le permettez, monsieur Jones, parce que je ne peux pas voir l'insigne de votre grade, j'aimerais que vous m'expliquiez, pour plus de clarté, pourquoi, dans la plupart des affaires de conduite avec facultés affaiblies, les policiers portent au départ deux accusations? La première est celle de conduite avec facultés affaiblies, qui concerne la conduite d'un véhicule, et ce qu'il est possible de constater, et la seconde, celle d'avoir une alcoolémie supérieure à 0,08. La discussion au sujet de savoir s'il faut exiger deux nanogrammes, ou cinq ou sept nanogrammes, importe en fait très peu, comme l'a montré M. Trudell. Il y a des gens qui peuvent boire une bouteille de whisky et être encore capables de conduire un véhicule alors que d'autres sont incapables de le faire après avoir bu un verre de vin.

Je me demande si vous pouvez nous expliquer le fait que l'on porte deux inculpations différentes et les raisons pour le faire. Les gens qui nous regardent pourraient comprendre à tort que le conducteur doit être ivre. Ce n'est pas la réalité pour nous.

M. Jones : L'article relatif à la conduite avec facultés affaiblies peut entraîner deux accusations distinctes. Nous parlons de conduite avec facultés affaiblies, c'est-à-dire de la capacité de conduire un véhicule à moteur. Elle repose sur des indices d'affaiblissement des facultés, les yeux vitreux, les difficultés d'élocution, l'apparence négligée et la démarche incertaine, par opposition à une inculpation d'alcoolémie de plus de 80. L'agent qui effectue un contrôle routier ne dispose pas de ces indices. Il vient tout simplement d'arrêter un véhicule pour une raison ou une autre. C'est peut-être parce que le feu arrière ne fonctionne pas, sans que quoi que ce soit n'indique qu'il s'agit de facultés affaiblies.

Cependant, au cours de l'investigation, le conducteur fait un aveu ou l'agent découvre des preuves qui indiquent que la personne a consommé de l'alcool, mais pas au point où ses facultés sont affaiblies; il peut alors choisir entre deux choses. Si l'agent qui effectue l'enquête initiale estime que la capacité du conducteur de conduire est affaiblie, il l'arrête pour conduite avec facultés affaiblies, il lui explique qu'il a le droit de consulter un avocat, il l'emmène au poste de police, et on demande au conducteur de fournir un échantillon, enfin, un technicien de l'ivressomètre lui fera passer un test, celui de l'Intoxilyzer.

Deuxièmement, si l'agent ne dispose pas de ces indices de facultés affaiblies, mais que le conducteur a soit admis qu'il a bu un verre de vin au dîner ou que son haleine est chargée, cela lui donne un motif de penser que cette personne a consommé de l'alcool et il peut alors lui demander de passer un test avec un appareil de détection approuvé, un appareil de détection utilisable en bord de route. Le conducteur fournit un échantillon et selon les résultats, il peut reprendre son véhicule et continuer son chemin ou recevoir un avertissement avec une suspension provinciale du permis de conduire, aux termes de la législation provinciale. Si le test est un échec, la personne est alors arrêtée pour avoir conduit avec plus de 80 milligrammes dans le sang parce que l'appareil de détection approuvé est réglé pour déclencher un signal lorsque la personne a plus de 80 milligrammes d'alcool dans le sang. Le conducteur est arrêté, on explique qu'il a droit à un avocat, on lui demande de fournir un échantillon et ensuite, il est remis entre les mains du technicien en ivressomètre.

Le sénateur White : Je comprends tout cela. Je suis sûr que, tout comme moi, vous avez connu l'apparition des ivressomètres alert, ces petites boîtes jaunes. Essentiellement, ce projet de loi propose un appareil semblable à alert, sauf qu'il ne vise pas l'alcool. Voilà en fait de quoi nous parlons. Le fait d'obtenir un résultat positif ne démontre pas qu'il y a eu une infraction pénale de commise. Cet appareil est en fait un outil de plus que les policiers peuvent utiliser pour obtenir suffisamment de preuves pour passer à la deuxième étape, qui est le test sanguin ou l'échantillon de cheveu, un outil secondaire qui n'a pas encore été approuvé par le législateur. La discussion porte uniquement sur un outil.

M. Jones : Je suis d'accord avec vous, sénateur. Il n'existe pas de cadre législatif applicable aux réponses positives que vous donne un appareil qui mesure le liquide buccal. Cet appareil permet uniquement d'affirmer qu'il existe une certaine quantité de drogue dans le système de cette personne. Il ne dit pas que ses facultés sont affaiblies. Il ne dit pas qu'il conduit alors qu'il dépasse un certain niveau parce que ce niveau n'est pas fixé. Nous n'avons pas la réponse à cette question. C'est un autre outil que les policiers peuvent combiner aux autres tests physiques et à l'intervention d'un ERD.

Le président : J'ai une brève question pour M. Robertson. D'après les témoins que nous avons entendus hier, le taux de métabolisme pour les drogues est moins prévisible que celui de l'alcool et il faut effectuer les tests dans des délais plus courts. Quelles sont les difficultés que cet aspect pourrait causer aux policiers?

M. Robertson : La plus grande difficulté est la marijuana. Tous ces tests de dépistage à partir du liquide buccal recherchent le Delta-9-THC, qui est la partie psychoactive. Cette présence diminue rapidement. Je dois vous dire franchement que les métabolites ne veulent pas dire grand-chose. Ils n'ont pas pour effet d'affaiblir les facultés. Ils sont présents pendant des semaines.

Si une personne obtient des résultats supérieurs au seuil prévu pour les opiacées ou pour les médicaments vendus sur ordonnance, cela veut dit qu'elle a consommé beaucoup plus que ne le prévoit l'usage thérapeutique de ces médicaments. Le niveau de ces médicaments dans le système sanguin du conducteur baisse après plusieurs jours, tout comme pour l'hydrocodone, un analgésique de l'annexe 2. Le niveau diminue après plusieurs jours parce que médicalement, on essaie d'en prescrire une quantité suffisante pour contrôler la douleur. Il faut attendre plusieurs jours pour que le niveau de ces médicaments diminue. Ce qui nous intéresse, c'est ce qui se passe au moment de l'arrestation. Nous voulons savoir ce qui se passe immédiatement, et la cause de la conduite dangereuse.

Le président : Qu'en est-il de l'établissement de seuils pour l'affaiblissement des facultés par le THC? Que se passe-t- il dans ce domaine?

M. Robertson : Il y a deux États qui ont fixé ce seuil à cinq nanogrammes. Ils se sont fondés sur des preuves empiriques, provenant des constatations faites lors des contrôles routiers pour choisir cinq nanogrammes. Il semble que ce soit le seuil qui va être adopté. Il n'y a pas de tests définitifs parce que la marijuana est encore une drogue illégale. Le NHTSA ne peut pas faire ces tests.

Je souscris à ce qu'il a dit. Au lieu d'un contrôle routier, disons qu'il s'agit d'un accident. On pourrait passer d'un accident à une analyse de sang. Toutes ces choses apparaissent parce que le conducteur se trouve dans un lit d'hôpital, mais l'agent doit quand même avoir un motif probable pour faire tout cela.

Le président : J'ai l'impression que nous pourrions prolonger cette discussion pendant encore une heure, mais nous avons dépassé l'horaire et il y a un autre groupe de témoins qui attend. Je vous remercie tous d'être venus. Vos témoignages nous ont été fort utiles.

Nous accueillons pour la deuxième heure Christine Moore, vice-présidente, Service d'analyse toxicologique de la Immunalysis Corporation, par vidéoconférence de la Californie, Robyn Robertson, présidente et chef de la direction de la Traffic Injury Research Foundation et Amy Miles, directrice de la toxicologie judiciaire au Wisconsin State Laboratory of Hygiene.

Amy Miles, directrice de la toxicologie judiciaire, Wisconsin State Laboratory of Hygiene : Je vous remercie tous de m'accueillir aujourd'hui. Je connais le problème des drogues et de conduite automobile qui existe aux États-Unis, grâce au travail que j'ai effectué sur l'analyse des liquides buccaux, à la fois avec les experts en reconnaissance de drogue ou ERD et avec le programme qu'a mis en place le National Safety Council. J'ai également participé à cela en qualité de présidente d'un comité international sur les droits et la conduite et j'ai aussi été membre du sous-comité sur les liquides buccaux qui a débouché sur de nombreuses études et la collecte de nombreuses données. Comme le groupe de témoins précédent l'a fait, j'espère que je pourrai répondre aux questions que vous souhaitez poser.

Je suis en faveur du projet de loi S-230 et j'encourage fortement l'utilisation des appareils de dépistage, basés sur le liquide buccal par les policiers, dans le but de dépister les conducteurs ayant consommé des drogues.

Le test basé sur le liquide buccal a été largement utilisé dans d'autres pays, mais ça ne fait qu'une dizaine d'années que les États-Unis ont mis sur pied des projets de comparaison entre les appareils de contrôle basés sur le liquide buccal et le prélèvement d'échantillons de sang, et tout cela avec beaucoup de succès.

La conduite affaiblie par les drogues pose de nombreux problèmes, y compris le dépistage et les constatations que doivent effectuer les policiers ainsi que les analyses auxquelles procèdent par la suite les laboratoires judiciaires. Le programme ERD est très développé aux États-Unis, mais tous les services de police n'ont pas accès à un ERD et leur formation en matière de dépistage des conducteurs dont les facultés sont affaiblies par les drogues est quelque peu limitée.

Les appareils de contrôle à l'aide du liquide buccal sont capables d'établir avec certitude s'il y a eu un affaiblissement des facultés et fournissent aux policiers des éléments leur permettant de procéder à une arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies par les drogues.

De nombreux laboratoires judiciaires ont des problèmes de ressources et de financement et les résultats obtenus grâce aux appareils de contrôle routier peuvent nous aider à réduire le nombre des analyses demandées aux laboratoires en vue de justifier une arrestation.

Entre les mois de mars et de mai de cette année, le Wisconsin a lancé son premier projet de dépistage sur route, basé sur le liquide buccal. Le projet avait pour but de confirmer la validité de l'appareil de dépistage et de demander aux policiers de décider si ces appareils leur seraient utiles au cours des contrôles routiers.

Dans le cadre de ce projet, la section de toxicologie judiciaire du Wisconsin State Laboratory of Hygiene a analysé des échantillons de sang et les a comparés avec les résultats des appareils de contrôle pour voir si le test basé sur le liquide buccal était fiable. Les résultats provenant de plus d'une centaine de dossiers ont confirmé la validité de l'appareil utilisant le liquide buccal. Nous avons constaté une forte corrélation entre les résultats des analyses sanguines et celles des tests au bord de la route pour la plupart des catégories de drogue.

Il est vrai que, pour certaines catégories de drogue, il est difficile d'effectuer une comparaison directe entre les différentes matrices du liquide buccal et du sang. Par exemple, les drogues de la catégorie de la benzodiazépine ne se retrouvent pas fréquemment dans le liquide buccal alors qu'il est facile de les identifier dans le sang. Lorsqu'on examine le THC, ces appareils sont conçus pour détecter le composé mère, Delta-9-THC, qui indique une consommation récente.

Inversement, le test effectué par un laboratoire judiciaire détecte non seulement le composé mère, mais également le métabolite inactif carboxy-THC. Si l'on prend toutes les catégories analysées, on constate, dans l'ensemble, une forte corrélation et les données indiquent qu'il est peu probable que l'appareil utilisé pour un contrôle routier donne un faux résultat positif. Nous pensons également que le seuil qui sépare un résultat négatif d'un résultat positif, que l'on appelle aussi la limite, est suffisant dans le cas des appareils de dépistage routier pour éviter qu'un individu soit faussement accusé d'avoir récemment consommé une drogue alors que ce n'était pas le cas.

Le nombre des projets de dépistage fondés sur le liquide buccal qui ont été lancés aux États-Unis est suffisant pour confirmer nos conclusions et conforte notre opinion selon laquelle, combinés avec la constatation par d'autres moyens de l'affaiblissement des facultés, les appareils utilisant le liquide buccal fournissent des résultats fiables aux policiers au cours de leur enquête.

À la fin du projet, tous les services de police qui avaient utilisé l'appareil de contrôle routier ont déclaré que c'était un outil extrêmement utile pour étayer les soupçons de facultés affaiblies par les drogues chez les conducteurs et pour fournir un cadre au policier qui désire effectuer une arrestation.

Il est important de ne pas oublier qu'un appareil de dépistage routier ne peut remplacer les analyses effectuées par un laboratoire judiciaire ni la nécessité d'obtenir l'évaluation d'un ERD.

Il demeure que le liquide buccal, à titre de matrice d'échantillons, peut fournir aux policiers des renseignements concernant la consommation récente de drogue. Les constatations auxquelles procède l'agent au cours de l'enquête font ressortir l'importance et l'utilité de l'outil que constitue l'appareil de dépistage routier.

J'appuie sans aucune hésitation le projet de loi, compte tenu du contexte dans lequel s'est effectuée l'étude à laquelle j'ai personnellement participé, ainsi que des autres études effectuées non seulement aux États-Unis, mais dans d'autres pays.

La conduite avec les facultés affaiblies par les drogues est extrêmement dangereuse. Elle pose un risque constant d'homicide et l'utilisation des appareils basés sur le liquide buccal dans le but d'aider à la détection de cette infraction et son effet dissuasif sont d'une importance considérable.

Robyn Robertson, présidente et chef de la direction, Traffic Injury Research Foundation : La Traffic Injury Research Foundation est un institut de recherche indépendant sur la sécurité routière. Nous étudions le comportement des usagers de la route, qui est un des principaux éléments contribuant aux accidents. En tant que criminologue, j'ai fait enquête sur le profil et les caractéristiques du conducteur avec facultés affaiblies, j'ai évalué les programmes et les politiques conçus pour gérer cette population et j'ai élaboré des ressources pédagogiques.

Il est extrêmement important de disposer de stratégies et d'outils efficaces pour lutter contre la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues. En 2012, les résultats d'analyses effectuées sur les conducteurs décédés au cours d'un accident de la route ont montré que pour 40 p. 100 d'entre eux, ces résultats étaient positifs, chiffre qui est passé à 45 p. 100 en 2013. Nous gérons la base de données canadienne sur les accidents mortels.

De plus, nous avons constaté que le pourcentage des conducteurs qui avaient consommé de la marijuana moins de deux heures avant de prendre le volant était passé de 1,6 p. 100 en 2013 à 2,6 p. 100 en 2015. Sur un total de 22 millions de conducteurs, cela représente beaucoup de monde.

C'est pourquoi il est particulièrement nécessaire d'adopter un projet de loi qui fournisse aux policiers les outils dont ils ont besoin et cela constituerait une mesure importante pour lutter contre ce problème. Les appareils basés sur le liquide buccal sont utilisés dans de nombreux pays avec d'excellents résultats. C'est pourquoi il est bon de constater qu'il existe une volonté de fournir aux policiers un outil supplémentaire.

Il faut vérifier soigneusement que les protocoles d'utilisation des appareils de dépistage par les policiers sont conformes aux objectifs recherchés, que la qualité des normes en matière de preuve est maintenue et que les dispositions législatives résisteront aux contestations judiciaires.

À l'heure actuelle, les policiers peuvent demander un échantillon. Le fait de pouvoir demander un échantillon de liquide buccal n'aura pas, à lui seul, les effets désirés si les policiers sont également tenus d'avoir des soupçons et des motifs de poursuivre leur enquête.

Le fait que les policiers soient en mesure de justifier le contrôle routier, de présenter leurs constatations, la demande et le reste est un élément très important des dossiers qui sont soumis aux tribunaux. Cet élément de l'enquête a donné lieu à un grand nombre de contestations.

Il ne faut pas non plus oublier que le dépistage de l'alcool et celui des drogues sont deux choses fort différentes. Les indicateurs de l'alcool sont assez bien connus et plus facilement constatés par les agents parce qu'il existe un rapport étroit entre la consommation et les facultés. Lorsqu'il s'agit de drogues, nous ne disposons pas des mêmes indicateurs. Les types d'indicateurs peuvent varier selon la catégorie de drogues ainsi que selon la combinaison de drogues. C'est pourquoi il est important que les officiers reçoivent une formation non seulement pour ce qui est du test de sobriété normalisé, mais aussi en matière de reconnaissance des drogues. Les policiers suivent une formation approfondie pour être en mesure de constater et de qualifier les signes d'affaiblissement des facultés, ce qui est un aspect très important.

Tous les policiers devraient recevoir la formation nécessaire pour pouvoir utiliser un appareil utilisant le liquide buccal, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit simplement d'une première étape. C'est un outil de dépistage. C'est un bon indicateur, mais les affaires de conduite avec facultés affaiblies nous ont appris que les motifs sur lesquels sont basés le contrôle routier et les demandes sont souvent contestés et que les policiers doivent pouvoir poursuivre leur enquête. À l'heure actuelle, il arrive qu'un policier déclenche une enquête, mais ne dispose pas d'un ERD. Il n'y a pas de policier formé pour administrer le test de sobriété normalisé qui serait capable de consolider le dossier. Ces dossiers ne sont en effet pas portés devant les tribunaux lorsque les agents qui ont procédé au premier contrôle ne peuvent les étayer. Si nous n'avons pas accès à un ERD ou à un policier spécialisé en TSN, que faisons-nous avec ces accusations?

Nous savons que le programme de formation des ERD qui débouche sur la certification des policiers est extrêmement rigoureux en raison de la complexité des aspects scientifiques. Il ne faudrait pas sous-estimer le fait que les policiers seront éventuellement appelés à témoigner devant un tribunal. Il n'est pas inhabituel que des policiers ERD laissent expirer leur certification après avoir témoigné devant les tribunaux et subi un contre-interrogatoire.

J'ai pu constater, au cours des 16 ans pendant lesquels j'ai travaillé avec des praticiens de la justice pénale, pas seulement au Canada, mais également aux États-Unis et dans d'autres pays, que les lois concernant la conduite avec facultés affaiblies contenaient des lacunes graves qui avaient tendance à être universelles. Je vous invite vivement à en tenir compte pour ce projet de loi.

L'adoption d'une approche fragmentaire aux lois, les modifications ponctuelles apportées aux différents textes législatifs empêchent ceux à qui nous demandons de faire respecter les lois de faire leur travail de façon cohérente et efficace. Avec la multiplication des modifications, nous nous retrouvons souvent avec des échappatoires imprévues dont profitent les délinquants et les conducteurs ayant les facultés affaiblies par l'alcool ou par les drogues pour se faire acquitter. À l'heure actuelle, les affaires de conduite avec facultés affaiblies par les drogues reposent sur des preuves associées au comportement du conducteur. Nous veillons à ce que les policiers soient en mesure de fournir ce genre de preuves. Il faut qu'ils suivent une formation appropriée pour pouvoir mettre en œuvre les lois.

Christine Moore, vice-présidente, Services d'analyse toxicologique, Immunalysis Corporation : Mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de me donner la possibilité de m'adresser à vous. Pour ce qui est de mon expérience, mon laboratoire analyse les échantillons de liquide buccal et de sang dans le cadre de projets de contrôle routier à grande échelle dont on vous a parlé, notamment le National Roadside Survey aux États-Unis, l'enquête en Californie, l'enquête canadienne effectuée en Ontario en 2014, et l'enquête qui vient de s'achever au Manitoba en 2016. Nous avons acquis beaucoup d'expérience dans l'analyse des liquides buccaux en vue de dépister les drogues.

Je suis en faveur du projet de loi S-230 et de l'utilisation par les policiers d'appareils de dépistage basés sur le liquide buccal. Comme nous l'avons entendu dire, le dépistage des drogues à partir du liquide buccal n'est pas une chose nouvelle. Cette méthode de dépistage est utilisée en milieu de travail, pour la gestion de la douleur, la réhabilitation et le système pénal. De nombreux pays l'utilisent déjà pour contrôler les conducteurs.

Un des effets de la marijuana est de réduire les temps de réaction. Elle ralentit les réactions. La cocaïne est notamment un stimulant qui augmente la fréquence des comportements dangereux. Ce ne sont pas des comportements que nous voulons encourager, notamment chez quelqu'un qui conduit un véhicule.

Puisqu'il existe une technologie capable d'éviter que les conducteurs consomment des drogues, je pense que nous devrions l'adopter.

Les données provenant du Colorado, après la légalisation de l'usage récréatif de la marijuana, établissent que les décès sur la route ont augmenté de 62 p. 100. Comme d'autres témoins l'ont déclaré, les études qui ont comparé le liquide buccal et le sang font ressortir une forte corrélation. Le fait de choisir l'une ou l'autre de ces techniques ne modifie pas beaucoup les renseignements obtenus, pourvu que les échantillons soient prélevés à peu près au même moment.

Je devrais préciser que les seuils que nous avons mentionnés et les chiffres qui nous ont été demandés ne sont pas les mêmes pour le sang et pour le liquide buccal. Cinq nanogrammes dans le sang ne correspondent pas à cinq nanogrammes dans le liquide buccal. Ces mesures ne sont pas équivalentes et elles varient en fonction de la catégorie de la drogue visée. Comme l'a mentionné Mme Miles, la catégorie des benzodiazépines apparaît beaucoup moins dans un liquide buccal. Par contre, les amphétamines sont beaucoup plus présentes dans le liquide buccal, je vous invite donc à ne pas croire que cinq égale cinq, parce que physiologiquement, ce n'est pas vrai.

Le liquide buccal offre de nombreux avantages : il est plus sécuritaire, hygiénique, pratique, et il est plus facile et plus rapide à prélever. Il n'exige pas du personnel ayant reçu une formation médicale, mais surtout, il peut être prélevé au moment du contrôle routier, ce qui raccourcit le délai dans lequel l'analyse peut s'effectuer, étant donné que le THC actif disparaît rapidement dans un échantillon sanguin. Le prélèvement du liquide buccal épargne beaucoup de temps et est très utile pour le policier.

Certains disent qu'il est possible de détecter la marijuana des mois ou certainement des semaines après sa consommation, de sorte qu'une personne qui en aurait consommé il y a une semaine obtiendrait un résultat positif. Cela est exact pour une analyse de l'urine. Ce n'est pas vrai si vous analysez le sang ou le liquide buccal pour rechercher du THC actif. Ces dernières méthodes vous indiquent si de la marijuana a été consommée récemment. Nous parlons en termes d'heures, certainement pas en termes de semaines ou même en termes de périodes plus longues ou plus courtes selon le niveau analysé.

Les appareils utilisés pour les contrôles routiers ne permettent pas de détecter toutes les drogues, mais ils identifient les principales catégories de composés illicites : marijuana, cocaïne, amphétamines et opioïdes. Ils permettent de dépister la plupart des drogues.

Un tribunal californien a rendu récemment sa décision dans l'affaire People of California v. Junior Salas. Le tribunal a déclaré que les preuves découlant de l'utilisation d'un appareil de dépistage basé sur le liquide buccal étaient suffisamment fiables pour être présentées à un jury. Je sais que quelqu'un a demandé si ces preuves avaient déjà été déclarées valides par un tribunal, et c'est ce qui a été fait l'année dernière en Californie.

J'invite vivement le comité à approuver ce projet de loi, qui fournit aux policiers un moyen scientifique et utile valide de dépister les conducteurs ayant consommé des drogues et renforce la sécurité de nos rues. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Carignan : L'un des éléments que je modifie dans le projet de loi est le suivant. À la dernière étape, l'échantillon final ou le rapport final sera utilisé comme preuve du type de drogue. Je demande que l'on inclut également la quantité de drogue et non pas seulement la présence. Deux raisons motivent cette décision. Premièrement, la pratique se fait déjà. Selon ce que j'ai vu, les rapports d'analyse des laboratoires contiennent déjà la quantité. Alors, pourquoi ne pas l'inclure également?

Deuxièmement, la quantité de l'échantillon final mis en preuve lors d'un procès est-elle un élément pertinent dans la décision que rendra le juge par rapport à la culpabilité d'une conduite avec facultés affaiblies? J'entends « pertinent » dans le sens de la période de temps et du degré d'affaiblissement des facultés. Peut-être qu'il n'y a pas nécessairement de corrélation directe, puisque chaque individu est différent, mais cela ne demeure-t-il tout de même pas un élément pertinent?

[Traduction]

Mme Miles : Je vais répondre et les autres témoins peuvent intervenir. Oui, effectivement, même si je préférais que ce ne soit pas le cas en raison des faits dont nous avons déjà parlé. Chacun est différent. Chaque niveau a un effet différent sur chaque personne.

À mon avis, il serait beaucoup plus facile de parler de la présence d'une drogue et d'observer ensuite l'affaiblissement consécutif des facultés du conducteur, quelle que soit la quantité de drogue. Cela ne correspond toutefois pas à la réalité.

La plupart des questions que l'on me pose, lorsque je témoigne devant un tribunal, portent sur la relation entre la quantité de drogue et les effets que cette drogue pourrait avoir, d'après moi, ainsi que sur la question de savoir si ces éléments corroborent les déclarations du policier. J'établis également la relation entre la quantité décelée et les doses thérapeutiques ou la fourchette thérapeutique, pour savoir si cela correspond à la quantité que l'on s'attendrait normalement à voir chez quelqu'un qui prend des médicaments sur ordonnance. Cela n'empêche pas que les facultés puissent être affaiblies.

Oui, à notre époque, on exige des chiffres. Les gens veulent un chiffre. Ils veulent savoir quelle est la quantité de drogues. Je pense que cela sera un élément important. Il faut toutefois que le policier soit en mesure de fournir des preuves relatives aux facultés affaiblies et que l'expert judiciaire ou celui du laboratoire explique ce que veut dire ce chiffre et comment il s'applique au dossier.

Mme Moore : Oui, je souscris à ce qu'Amy vient de dire. Je pense effectivement qu'il faut avoir un chiffre parce qu'intuitivement, plus le chiffre est élevé, plus la consommation est récente, et plus il peut y avoir eu surconsommation ou abus de consommation. Cela dépend évidemment de la catégorie de la drogue, mais si vous prenez de l'oxycodone ou de l'hydrocodone comme analgésique, il existe dans le corps un certain niveau qui doit correspondre au niveau thérapeutique qui vous a été recommandé. Il y a des facteurs atténuants dans chaque situation personnelle et selon les motifs pour lesquels le conducteur a été contrôlé.

Nous parlons simplement aujourd'hui d'un outil destiné à aider les policiers à savoir si un conducteur a consommé des drogues de façon problématique. Oui, un chiffre est important pour les motifs que vient d'exposer Mme Miles.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je comprends maintenant ce que veut dire « cut-off » en ce qui concerne l'utilisation des appareils. C'est le niveau en dessous duquel l'appareil ne détectera pas ou ne signalera pas la présence de drogue.

[Traduction]

Mme Miles : Les limites sont un aspect que l'on retrouve dans toutes les analyses. Une limite permet de savoir, grâce à un appareil ou à une analyse, si un échantillon est déclaré positif.

Dans le cas du liquide buccal, comme la Dre Moore l'a déclaré, les limites ont été fixées à des niveaux différents que pour le sang et l'urine. Lorsqu'on examine les limites pour le liquide buccal, en particulier pour les appareils de contrôle routier, on constate qu'elles ont été conçues et établies pour indiquer une consommation récente. C'est la même chose que celle dont nous parlions plus tôt avec le THC et la mesure du composé actif ou du Delta-9-THC. S'il est possible de mesurer ces éléments, c'est parce que la drogue a été consommée récemment. L'établissement de points limites a deux objectifs : il faut d'abord détecter la présence d'une drogue, sans pour autant accuser faussement quelqu'un ou conclure à un faux positif à l'égard d'une personne qui n'a pas consommé de drogue ou qui l'a prise il y a très longtemps et qui demeure encore dans son corps.

Mme Moore : J'aimerais ajouter quelque chose. Lorsqu'on fixe ces limites à un niveau trop bas, en particulier dans le cas de la marijuana, on court alors le risque d'épingler les gens exposés à la fumée secondaire. Plusieurs études ont porté sur la situation où des non-fumeurs se trouvent à côté de fumeurs. On a prélevé des échantillons de leur liquide, de leur sang, de leurs cheveux et de leur urine qui ont été analysés pour voir quels étaient les niveaux de marijuana que l'on retrouvait chez des gens ayant subi une exposition passive.

Nous avons accès, dans les laboratoires, à des technologies qui permettent de mesurer des niveaux aussi faibles que souhaités, voire même à l'infini, mais le côté négatif est que cela risque de dépister une exposition passive et d'étendre la plage de dépistage. Il faut donc être bien conscient de ces deux aspects. Si l'on veut en fait dépister une consommation récente, il faut choisir la limite avec beaucoup de soin.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s'adresse à nos trois invités. Je les remercie de leurs présentations.

Ma principale préoccupation par rapport à la légalisation de la marijuana n'est pas d'amener le plus de personnes devant les tribunaux, parce qu'ils ont conduit en état d'intoxication. Ma préoccupation est qu'il y ait le moins de victimes possible sur les routes. J'ai assisté à trop de procès où un enfant, une mère ou un père de famille avait été tué par un individu intoxiqué. Ces gens ne méritent pas de subir un tel sort.

J'aimerais plutôt que nous ayons une approche de prévention dans le cadre de la légalisation de la marijuana. Les États américains, notamment, qui ont légalisé cette substance nous disent de nous préparer, parce que le choc est assez grand sur le plan de l'inégalité.

Voici ma question : nous avons un gouvernement libéral qui s'apprête à légaliser la consommation de marijuana dans l'ensemble du pays, et le projet de loi dont nous sommes saisis se veut un outil supplémentaire pour les policiers afin qu'ils puissent contrôler la consommation de cette drogue lorsque les gens prennent la route.

Selon votre perception des choses, que serait-il logique de faire : légaliser la marijuana sans prévoir d'outils supplémentaires de contrôle ou prévoir d'abord un outil de contrôle et légaliser la marijuana après?

[Traduction]

Mme Robertson : Nous avons constaté, dans les États qui ont autorisé la consommation de marijuana, que l'on n'avait peut-être pas prévu toutes les conséquences négatives et qu'il était en fait très difficile de faire du rattrapage.

Pour revenir à votre remarque au sujet de la prévention, le principal objectif de ce projet de loi devrait être de mettre sur pied un système efficace qui fonctionne bien. Donner aux policiers ces outils sans que les enquêtes se traduisent par des poursuites judiciaires ou la condamnation des conducteurs ne ferait que compromettre l'effet dissuasif d'une loi sur la conduite avec les facultés affaiblies. La population doit savoir que les appareils utilisant le liquide buccal sont efficaces, qu'ils résistent aux contestations judiciaires, que les policiers possèdent les connaissances et la formation nécessaires pour témoigner à leur sujet et que les facultés affaiblies entraînent une condamnation. Il est très important, du point de vue de la prévention, de pouvoir valider ce message.

Il faudra attendre pour savoir ce qui se passe dans l'État de Washington. La légalisation de la consommation récréative de la marijuana a soulevé un grand nombre de problèmes. Les chiffres ont augmenté, non seulement pour ce qui est de la sécurité routière, mais l'intoxication des enfants, en particulier par des produits comestibles. Cet État connaît toutes sortes de problèmes et en fait, il nous suggère d'attendre un peu.

Il n'est pas très grave qu'un adulte fume un joint, mais il y a plusieurs aspects qui ont évolué, notamment la puissance de la marijuana. Ce n'est pas la marijuana de votre grand-mère. Ce n'est pas la marijuana à 6 ou 7 p. 100 que l'on peut fournir aux personnes qui participent aux études que nous lisons. La teneur moyenne de la marijuana au Colorado est aujourd'hui de 22 p. 100 de THC actif, et c'est un chiffre faible. Il y a des huiles et des cires dont la concentration est de 80 ou 90 p. 100.

Il y a de nombreux problèmes qui n'ont pas été réglés et j'aimerais donc vous inviter à ne pas vous précipiter pour légaliser cette drogue, même si évidemment c'est au Canada d'en décider. Ce sont les choses qui se passent dans les États qui l'ont déjà fait.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question ne portait pas sur la légalisation au Canada, mais sur la question de savoir si nous devrions nous doter d'outils de contrôle maintenant ou plutôt attendre la légalisation avant de prévoir des outils.

[Traduction]

Mme Moore : Oui. Je pense que, s'il existe une technologie éprouvée et dont il a été démontré, par plusieurs études, qu'elle était fiable et précise, alors je pense que nous devrions absolument la proposer aux services policiers pour profiter de son effet préventif pour la personne qui allait se mettre au volant et un effet dissuasif sur la personne qui risquerait d'être arrêtée et qui ne devrait peut-être pas conduire, tout comme avec l'ivressomètre. Il me paraît important de fournir cet outil aux policiers.

Le sénateur McIntyre : Madame Miles et docteure Moore, je veux être sûr de bien comprendre. Toutes les drogues ne sont pas métabolisées de la même façon. Autrement dit, si j'ai bien compris, il est possible que l'analyse détecte la présence d'une drogue qui n'a pas été consommée récemment.

Quel effet une telle situation pourrait-elle avoir sur les facultés de conduite d'une personne? Y a-t-il un effet décalé?

Mme Miles : Dans mon travail, j'ai examiné des milliers de rapports de police et j'ai témoigné dans plus de 300 procès. Il y a des personnes dont les facultés ne sont pas affaiblies. Par exemple, nous pouvons détecter le carboxy- THC, mais pas le composé mère, le métabolite inactif, le carboxy-THC, mais les facultés ne sont pas affaiblies à cause de ce composé ou de ce métabolite.

C'est ce qui fait l'intérêt des appareils utilisant le liquide buccal parce qu'ils recherchent précisément le composé actif Delta-9-THC.

Le sénateur McIntyre : Ma question suivante porte sur la différence entre le consommateur occasionnel et le consommateur habituel. Si j'ai bien compris, les résultats de l'analyse des substances corporelles varient selon que la personne en question est un consommateur occasionnel ou habituel d'un type particulier de drogues. Comment cet aspect est-il pris en compte dans l'interprétation des résultats?

Mme Miles : Lorsque j'interprète les résultats, je suis rarement en mesure d'établir qu'il y avait facultés affaiblies ou de parler de facultés affaiblies en me fondant uniquement sur les résultats toxicologiques. Habituellement, je fais des analyses en vue de déterminer s'il y a une quantité abusive de drogues et je m'en remets ensuite aux constatations qu'a faites le policier pour savoir s'il y avait chez cette personne une quantité de drogues capable de provoquer l'affaiblissement de ses facultés. C'est ainsi que nous interprétons les analyses toxicologiques judiciaires.

Mme Moore : Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. C'est simplement un outil dans un arsenal. Il ne s'agit pas d'essayer de savoir si cette personne aurait dû prendre ses médicaments ou non, en se fondant sur un seul résultat toxicologique. C'est un ensemble de facteurs, le motif pour lequel la personne a été contrôlée, ce que le policier a constaté, ce qu'il a trouvé et ce genre de choses.

On retrouve chez le consommateur occasionnel des niveaux de drogues différents que chez le consommateur chronique. Il y a bien sûr une tolérance, comme il y en a avec l'alcool. Votre jugement définitif doit se fonder sur tout un ensemble de facteurs différents. Cet appareil constitue simplement un outil de la panoplie.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s'adresse à Mme Miles. Je vous remercie de votre présentation.

Madame Miles, avant d'acheter leurs équipements, les services de police en font une évaluation. Ce sera sûrement le cas pour les appareils qui seront proposés pour les tests de première ligne. Je ne veux surtout pas vous mettre dans l'embarras, mais vous avez dû vous pencher sur cette question. À votre avis, parmi les appareils qui ont été mis à l'essai, lesquels pourraient donner les meilleurs résultats? Autrement dit, quel appareil suggéreriez-vous à un policier?

[Traduction]

Mme Miles : C'est une excellente question. Un des aspects de tout ceci est que nous ne voulons pas uniquement réduire les cas de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues. Nous voulons que ce soit un outil utile pour les policiers.

Dans l'étude que nous avons effectuée au Wisconsin, nous avons proposé deux appareils. Je les avais déjà testés pour ce qui est de la fiabilité, de la validité et de la convivialité. L'un était l'appareil Dräger, l'autre l'appareil Alere. Je les ai présentés à mes policiers et je leur ai dit : « Vous allez utiliser ces appareils. Vous me direz celui que vous préférez. » Ils ont finalement fait un choix.

Sur le plan scientifique et sur la fiabilité, aucun n'est meilleur que l'autre. Il s'agit en réalité d'utiliser celui que les policiers préfèrent. C'est de cette façon que nous avons finalement choisi l'appareil que nous avons utilisé pour notre étude.

Ce n'est toutefois pas parce que nous avons choisi l'appareil Alere que l'appareil Dräger n'est pas aussi bon, aussi valide et aussi facile à utiliser.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'imagine que vous avez aussi tenu compte de la question des coûts de ces différents appareils.

[Traduction]

Mme Miles : Il est intéressant de noter que le coût n'a pas eu d'effet dissuasif, dans l'un ni l'autre cas. Le critère utilisé a été le suivant : Vous êtes un policier qui effectue un contrôle routier et j'aimerais savoir quel est l'appareil que vous préférez utiliser? Nous les avons laissé décider. Le coût est toujours un aspect important, mais ce n'est pas l'aspect qui a permis de trancher entre ces deux appareils.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aurais une autre question, cette fois-ci pour Mme Moore.

Madame Moore, on sait que l'alcool ne provoque pas les mêmes effets dans le corps de l'homme que dans celui de la femme. En est-il de même pour la drogue? Dépendant de la constitution d'une personne, la drogue n'aura pas le même effet.

[Traduction]

Mme Moore : Absolument. Nous sommes tous différents. Il n'y a pas que la différence entre les hommes et les femmes. Il y a les gros et les minces, les grands et les petits. Est-ce la première fois je bois de la bière ou est-ce que j'en ai bu beaucoup au cours de ma vie?

Oui, c'est différent, et c'est la raison pour laquelle il y a des niveaux thérapeutiques normalisés, comme cela a été mentionné au sujet de certains médicaments sur ordonnance. Nous pouvons faire ce travail et étudier les ouvrages pour savoir si le niveau était thérapeutique. C'est ce qu'Amy fait régulièrement dans son travail au Wisconsin.

Pour la marijuana, c'est un peu plus difficile, parce qu'on peut la consommer de différentes manières. Nous avons parlé des produits comestibles, des cigarettes normales et des cigarettes électroniques. Chaque voie d'administration donne un niveau différent.

Il n'y a pas simplement le facteur individuel. Il y a beaucoup de variables, ce qui explique que mesurer cette drogue est beaucoup plus difficile que l'alcool. Personne n'a dit que c'était facile.

Le sénateur Plett : Le sénateur Boisvenu a posé une question au sujet du risque de mettre la charrue avant les bœufs, qui est une façon assez simple de décrire cet aspect. La Dre Moore a fourni une réponse très brève à ce sujet, et je l'apprécie. Je ne pense pas que Mme Miles ait répondu à cette question et j'aimerais beaucoup entendre sa réponse.

Avant de le faire, Mme Robertson a fait allusion aux conséquences imprévues et non voulues. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet parce qu'il y a des critiques qui s'opposent très vivement au projet de légaliser ces drogues en raison des conséquences négatives.

Je ne comprends pas très bien qu'il y ait des gens qui ne soient pas au courant de cela. Il y a eu les sites d'injection sûrs. Nous étions nombreux à dire qu'il ne fallait pas en créer, que cela faciliterait l'arrivée d'autres drogues illicites illégales.

J'aimerais que vous expliquiez quels sont ceux qui n'ont pas prévu que ces drogues pouvaient avoir des conséquences négatives.

Ensuite, madame Miles, pourriez-vous nous dire si vous pensez que nous mettons la charrue devant les bœufs et quelle est la meilleure façon de procéder?

Mme Robertson : Je pense que la raison pour laquelle il y a eu de nombreuses conséquences négatives imprévues, c'est qu'il n'est pas possible de prévoir quelles seront les pratiques opérationnelles adoptées pour la mise en œuvre de cette mesure.

Un des problèmes qui ont été mentionnés était les intoxications ainsi que la puissance des drogues que nous avons constatée dans les salles d'urgence au Colorado, simplement à cause du conditionnement, de la commercialisation et du fait qu'il est facile d'avoir accès à ces produits. Les enfants s'en procuraient. Les gens ne comprennent pas très bien les différentes conséquences que peuvent avoir les différentes façons de consommer cette drogue, pour ce qui est de la puissance de l'effet, du fait que cet effet peut être immédiat ou lent, et également du fait que les gens en consomment davantage qu'ils ne devraient le faire et qu'ils se retrouvent ainsi à l'hôpital.

Il est difficile de prévoir ces problèmes à cause de la complexité de la substance concernée et des répercussions multiples associées à la mise en œuvre de cette mesure. Surtout, il n'y a pas suffisamment d'agents qui ont été formés et préparés à utiliser ces tests de dépistage des conducteurs et pour les empêcher de continuer à conduire; cela envoie un message très négatif à la population, à savoir que le projet de loi est impossible à mettre en œuvre ou ne sera pas mis en œuvre ou que les outils nécessaires n'existent pas.

Le sénateur Plett : Les conséquences peuvent être non voulues, mais certainement pas imprévues.

Mme Robertson : Cela dépend du côté où l'on se place.

Mme Miles : Je souscris à tout ce que vient de dire la Dre Moore. Je pense que nous devrions faire une pause et prendre un peu de recul. Aux États-Unis, nous avons vu les répercussions de la légalisation dans les États de Washington et du Colorado ainsi que l'augmentation alarmante des décès sur la route.

Je suis heureuse que mon État ait déclaré que tant que mon gouverneur sera en fonction, il n'approuvera jamais la légalisation de la marijuana.

Le sénateur Plett : Bravo!

Mme Miles : J'apprécie sa position parce qu'elle va nous donner le temps d'éduquer la population.

Un des aspects touchant l'éducation qui est ressorti d'une conséquence imprévue de notre étude était que nous avons publié un communiqué dans lequel nous annoncions que nous allions effectuer une étude basée sur le liquide buccal et nous avons expliqué de quoi il s'agissait et ce qu'était le dépistage des facultés affaiblies par les drogues. Cela a incité la population à poser les questions qu'il fallait qu'elle pose. Pourquoi est-ce que cela affaiblit les facultés? De quoi s'agit- il? Combien dois-je en prendre, et le reste?

Notre intention est la suivante : les appareils sont-ils de qualité et est-ce que les policiers aiment s'en servir? C'est de là qu'est venu le volet éducation du public qui est vraiment très important. Grâce à tout cela, je peux présenter la question à mon assemblée législative pour être sûre que les députés connaissent les leçons que nous avons apprises grâce à cette étude, avant de prendre une mesure législative dans ce domaine.

Le sénateur Carignan : La situation du Wisconsin est intéressante. J'aimerais savoir si vous constatez le même genre de comportement chez les jeunes. Ma fille m'a dit que nous avons un régime de tolérance zéro pour l'alcool et que les jeunes conducteurs préfèrent consommer du cannabis plutôt que de l'alcool parce qu'ils savent que cette drogue ne peut être détectée. Avez-vous constaté le même genre de comportement avant d'avoir cet appareil de dépistage des drogues?

Mme Miles : Oui. Il est bien sûr très difficile d'influencer les adolescents, mais j'ai passé pas mal de temps dans les écoles secondaires pour parler aussi franchement que je le pouvais de ce qu'était la marijuana, de ce qu'étaient les drogues et de ce qu'elles voulaient dire pour un adolescent.

Nous ne nous occupons pas seulement du problème de la marijuana et de l'idée que cette drogue est sûre, mais nous parlons également de la marijuana synthétique ainsi que d'une drogue alternative parce que, dans certains cas, elle pourrait être considérée comme étant légale.

Lorsque vous dites qu'une drogue est légale, l'impression qui en ressort automatiquement est que cette drogue est sûre. C'est ce qui nous inquiète avec les adolescents parce qu'ils vont croire qu'une drogue n'est pas dangereuse parce qu'elle a été légalisée. La seule chose que nous pouvons faire est d'essayer de les informer. Nous espérons que les parents informeront également leurs enfants, mais malheureusement ce n'est pas toujours le cas.

Le président : Merci. Voilà une discussion qui a été instructive et utile. Le gouvernement fédéral avait créé une commission ou un comité qui avait été présidé par le secrétaire parlementaire auprès du ministre de la Justice. Je crois que cette commission a remis son rapport au gouvernement, mais je ne pense pas qu'il ait encore été rendu public.

Je suis curieux de savoir : est-ce que l'un d'entre vous a été invité à participer à cette étude?

Mme Moore : Non.

M. Robertson : Nous avons été invités à des réunions.

Le président : Vous y avez participé. Je crois que le message que vous nous avez transmis aujourd'hui au sujet des conséquences imprévues était celui que vous avez transmis au comité.

Encore une fois, merci. Nous avons beaucoup apprécié votre présence et vos témoignages. Cela a été très utile. Merci.

(La séance est levée.)

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