Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 34 - Témoignages du 1er février 2018
OTTAWA, le jeudi 1er février 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour poursuivre l’étude de ce projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à notre séance de ce matin.
[Traduction]
Bienvenue, monsieur le ministre.
[Français]
Bienvenue aussi au public qui a l’occasion de participer à distance à nos délibérations. Nous poursuivons donc notre étude du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
[Traduction]
Monsieur le ministre, nous sommes ravis de vous accueillir ce matin, en même temps que les gens qui vous accompagnent.
[Français]
Nous accueillons Kathy Thompson, sous-ministre adjointe, Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, ainsi que Kevin Brosseau, commissaire intérimaire de la Gendarmerie royale du Canada. Bienvenue à tous.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien la procédure. Nous vous invitons à faire une déclaration d’ouverture et, ensuite, nous entamerons un échange avec les honorables sénateurs membres de ce comité.
[Traduction]
À vous la parole, monsieur le ministre.
L’honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la protection civile : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis ravi d’être des vôtres aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-46. Comme vous le savez, cette mesure législative vise à permettre de lutter plus efficacement contre la conduite avec facultés affaiblies, un problème de sécurité publique de longue date.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président, j’ai la chance d’être accompagné aujourd’hui par Kathy Thompson, sous-ministre adjointe, Secteur de la sécurité communautaire à Sécurité publique Canada, et Kevin Brosseau, sous-commissaire intérimaire de la GRC.
[Français]
Ce projet de loi fait partie d’un ensemble de mesures que prend notre gouvernement afin de combattre la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool et par la drogue, qui sont des préoccupations de longue date dans le domaine de la sécurité publique. En effet, ces phénomènes ne sont pas nouveaux, mais ils sont mortels.
[Traduction]
Le projet de loi C-46 mettra en place un régime de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies qui sera parmi les meilleurs au monde. Il s’inscrit dans une stratégie globale incluant des campagnes de sensibilisation et un investissement considérable en nouvelles ressources.
Comme vous le savez, la partie 1 du projet de loi propose une approche efficace pour contrer la conduite sous l’influence des drogues. Précisons d’abord qu’elle autorise un policier ayant des motifs raisonnables de croire qu’un conducteur a consommé de la drogue à exiger qu’il fournisse un échantillon de liquide buccal. L’agent pourra également, comme c’est actuellement le cas, administrer un test normalisé de sobriété sur les lieux de l’interpellation.
Si la présence de drogues est détectée via l’échantillon prélevé lors du contrôle routier, l’agent aura des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été perpétrée. Il pourra dès lors exiger soit un échantillon sanguin soit une évaluation détaillée par un expert en reconnaissance de drogues. Il est essentiel de prélever l’échantillon sanguin le plus rapidement possible, car certaines drogues quittent le sang très rapidement tout en continuant à affaiblir les facultés de l’individu.
Le projet de loi propose en outre la création de trois nouvelles infractions pour un individu ayant une certaine concentration de drogue dans le sang dans les deux heures suivant le moment où il a cessé de conduire. Les peines prévues varient en fonction du type de drogue consommée, de la concentration de drogue dans le sang, et de l’éventuelle présence d’une combinaison de drogue et d’alcool.
D’importants efforts scientifiques ont été déployés récemment pour concevoir et mettre à l’essai des technologies de dépistage à utiliser sur les lieux de l’interpellation de telle sorte que les policiers canadiens disposent des outils nécessaires pour mettre en application les lois visant à contrer la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue.
De décembre 2016 à mars 2017, le service de police de Toronto, le service de police de Vancouver, la Police provinciale de l’Ontario, le Service de police de la Ville de Gatineau, le service de police régional de Halifax, et les détachements de la GRC à North Battleford (Saskatchewan) et à Yellowknife ont participé à un projet pilote révolutionnaire visant à évaluer les appareils de dépistage au moyen de liquide buccal dans le contexte canadien, y compris au plus fort de l’hiver.
Les agents ont reçu une formation afin de pouvoir utiliser deux appareils différents permettant de détecter la présence récente de certaines drogues au moyen d’un test salivaire sur les lieux de l’interpellation. Ces appareils ont été sélectionnés en fonction de tests préalables et compte tenu des bons résultats obtenus par d’autres autorités. On demandait aux conducteurs et aux passagers de soumettre volontairement un échantillon de salive.
Les résultats ont été rendus publics en juin dernier. Dans l’ensemble, les policiers ont indiqué que les appareils étaient faciles à utiliser sans égard aux conditions météorologiques et à l’éclairage ambiant. Les appareils font maintenant l’objet d’une évaluation plus poussée en fonction des normes techniques de la Société canadienne des sciences judiciaires de telle sorte que leur utilisation puisse être officiellement approuvée. Comme je l’indiquais, ils ont produit d’excellents résultats en Australie, en France, en Espagne, au Royaume-Uni et ailleurs dans le monde.
Nous avons annoncé l’an dernier un nouvel investissement fédéral de 274 millions de dollars pour aider les corps policiers de tout le pays à mettre en œuvre le nouveau régime. Ces fonds iront notamment à la formation des agents afin qu’ils puissent mieux reconnaître les signes et les symptômes de la conduite avec facultés affaiblies et utiliser les appareils de dépistage sur les lieux de l’interpellation.
La partie 2 du projet de loi C-46 autoriserait les policiers à effectuer des contrôles routiers aléatoires pour vérifier l’alcoolémie. Ils pourraient ainsi exiger un échantillon d’haleine de tout conducteur qu’ils ont légitimement interpellé. Un régime semblable a déjà été mis en place en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans une bonne partie de l’Europe où il a permis de réduire sensiblement le nombre d’accidents et de décès sur les routes.
Le projet de loi prévoit en outre des amendes nouvelles et plus substantielles de même que des peines plus sévères de telle sorte que ceux qui font le choix dangereux et potentiellement mortel de conduire sous l’influence de l’alcool ou des drogues vivent avec les conséquences graves qui découlent à juste titre d’une infraction semblable.
Au moment où nous nous apprêtons à apporter ces importantes modifications législatives, nous n’ignorons pas qu’un resserrement des règles doit s’accompagner d’une plus grande sensibilisation des Canadiens, et surtout des jeunes, pour veiller à ce qu’ils soient au fait de tous les dangers de la conduite avec facultés affaiblies.
À titre d’exemple, nous avons lancé le printemps dernier une campagne sur les médias sociaux qui visait les jeunes conducteurs et leurs parents. Cette campagne a donné lieu à 11,5 millions d’expositions, soit le nombre de fois où le contenu a été affiché, et à plus de 75 000 réactions comme les mentions « J’aime », les commentaires et les partages. Nous avons entrepris plus récemment une campagne de sensibilisation à la télé, en ligne et sur d’autres tribunes comme les salles de cinéma, pour faire comprendre aux gens qu’il est extrêmement dangereux de conduite sous l’influence du cannabis. Il y a encore un trop grand nombre de Canadiens qui doivent entendre et saisir ce message.
Je vais conclure mon exposé sur une note personnelle. Lorsque j’ai discuté de la question avec un comité de la Chambre des communes, j’ai mentionné que j’aborde cet enjeu non seulement à titre de ministre de la Sécurité publique, mais aussi en ma qualité de député de Regina—Wascana.
Selon Statistique Canada, la Saskatchewan était, en 2015, la province affichant le plus haut taux de conduite avec facultés affaiblies. Parmi toutes les régions métropolitaines, Regina enregistrait le troisième pire taux au Canada. Qui plus est, la Saskatchewan est la province où la conduite avec facultés affaiblies a le moins diminué au cours des 30 dernières années. En Saskatchewan comme dans le reste du Canada, de trop nombreuses familles pleurent la perte d’un être cher en raison de ce fléau. Bien trop de vies ont ainsi été bouleversées à jamais. La conduite avec facultés affaiblies est la principale cause criminelle de décès au Canada, alors même qu’il serait tout à fait possible de l’éradiquer complètement.
J’estime donc au plus profond de moi-même qu’il est urgent d’aller de l’avant avec ces réformes essentielles, et je suis persuadé que la vaste majorité des Canadiens sont du même avis. Je me réjouis de pouvoir compter sur l’appui sans réserve d’organisations comme les Mères contre l’alcool au volant, ou MADD Canada, Jeunes conducteurs du Canada, l’Association canadienne des automobilistes et l’Association canadienne des chefs de police.
Je vous remercie de votre attention et je me ferai un plaisir de discuter avec vous de ce projet de loi.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. C’est la vice-présidente du comité qui sera la première à vous poser une question ce matin.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ministre Goodale, merci d’être avec nous aujourd’hui. Vous avez parlé d’investissements majeurs, soit de 274 millions de dollars sur cinq ans à toutes sortes de fins. L’un de ces investissements m’intéresse plus particulièrement. J’aimerais savoir quel plan fera en sorte que les corps policiers, qu’ils soient nationaux, provinciaux ou autochtones, ainsi que les agents des douanes, reçoivent une formation équivalente partout au pays et qu’ils soient formés pour utiliser les appareils qui auront été retenus et approuvés, peu importe s’il s’agit d’une toute petite ville dans les Territoires du Nord-Ouest ou d’une grande ville de l’Ontario.
[Traduction]
M. Goodale : C’est bien évidemment notre objectif. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux et les forces de l’ordre partout au pays pour la conception et la mise en œuvre du plan de formation. Comme vous l’avez souligné, une portion considérable des fonds prévus sont destinés à la formation.
La formation dispensée s’adresse à deux types d’intervenants. Il y a d’abord ceux qui doivent administrer le test de sobriété sur les lieux de l’interpellation. La formation ne se limite plus au test physique de détection qui a toujours été la façon de faire les choses; elle vise aussi à permettre une utilisation adéquate des nouveaux appareils de dépistage. Les agents doivent pouvoir s’en servir à bon escient.
Il y a, par ailleurs, d’autres activités de formation qui visent à accroître le nombre de spécialistes en reconnaissance de drogues qui pourront dorénavant témoigner en qualité d’experts. Vous ne verrez bien sûr pas ces gens-là le long des routes. Ils travaillent au poste de police. C’est à cet endroit qu’ils évaluent les individus soupçonnés de conduite avec facultés affaiblies qui leur sont amenés.
D’ici deux ou trois ans, nous voudrions doubler le nombre d’agents ainsi formés à la grandeur du pays. Si ma mémoire est fidèle, on compte quelque 7 000 agents formés pour administrer des tests de sobriété sur les lieux de l’interpellation. Nous souhaiterions augmenter considérablement ce nombre tout en assurant une répartition adéquate de ces agents dans les différentes régions du pays. Nous voulons également doubler le nombre d’experts en reconnaissance de drogues.
À l’heure actuelle, la formation est surtout offerte aux États-Unis. Le financement vise donc à faire en sorte que nos gens puissent avoir accès à cette formation. Au moins une province, et il y en a peut-être d’autres, a fait part de son intention d’établir son propre programme de formation au Canada, ce qui serait beaucoup plus pratique et sans doute moins coûteux pour nous.
Pour répondre à vos interrogations quant à d’éventuelles disparités entre les régions rurales et les grands centres, je peux vous assurer que nous voulons tout mettre en œuvre pour que la qualité du travail des agents soit la même partout au pays.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Pour donner suite à votre réponse, j’ai une autre question à vous poser. Je comprends l’objectif de doubler le nombre d’agents qui auront été formés. Toutefois, quel est le plan de formation et comment sera-t-il élaboré? Je pense à des experts québécois qui sont invités à dispenser cette formation aux États-Unis. Quel effort sera fait ici pour récupérer l’expertise là où elle existe? On sait qu’il y a beaucoup d’expertises dans des domaines précis, mais qui ne sont peut-être pas coordonnées à l’heure actuelle. Je me demandais si un effort sera fait dans ce sens pour coordonner cette expertise qui existe ici, qui est très parcellaire, dans des domaines très précis. S’ils sont capables de former des Américains, j’imagine qu’ils sont capables de former des gens ici au Canada.
[Traduction]
M. Goodale : D’importants pourparlers sont en cours actuellement et les choses vont même s’accélérer au cours des prochains jours alors que les fonctionnaires de mon ministère, ceux qui relèvent de Kathy Thompson, en discuteront avec leurs homologues provinciaux. Ils vont justement chercher à déterminer les moyens à mettre en œuvre pour optimiser le recours à cette expertise en répartissant les fonds disponibles de façon juste et efficiente de telle sorte que la formation puisse être dispensée adéquatement, suivant les normes les plus rigoureuses qui soient et en maximisant l’utilisation de ressources canadiennes.
Il est prévu, madame la sénatrice, que les représentants fédéraux et provinciaux se penchent au cours des prochains jours sur ces questions que vous soulevez.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Merci de votre présence. On sait que la légalisation de la marijuana dans la plupart des États où elle a eu lieu a augmenté de façon significative la mortalité sur les routes, particulièrement en ce qui concerne les jeunes. Je trouve un peu imprudent de la part du gouvernement de vouloir légaliser cette drogue en plein été lorsqu’on sait que les accidents routiers sont plus nombreux partout au Canada. La plupart des corps policiers au cours de la dernière année ont fait des pressions assez importantes auprès du gouvernement pour retarder la mise en œuvre de ce projet de loi, et ce, afin de s’assurer que tous les corps policiers seront bien équipés et bien formés pour faire des contrôles routiers efficaces. Selon vous, monsieur le ministre et monsieur Brosseau, quel est le pourcentage des postes de police de la GRC à l’heure actuelle qui possèdent des agents évaluateurs disponibles 24 heures sur 24 et formés pour dépister les drogues?
[Traduction]
M. Goodale : Je viens de vérifier auprès du sous-commissaire Brosseau qui m’indique ne pas avoir ces statistiques en mains aujourd’hui, mais pouvoir les fournir ultérieurement au comité. Elles existent, et nous allons faire le nécessaire pour vous les transmettre.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Si vous avez un plan de mise en œuvre de la légalisation de la marijuana, n’est-il pas inquiétant de ne pas avoir aujourd’hui de données spécifiques sur la préparation des agents de la GRC lorsqu’ils seront appelés à faire des contrôles routiers? Vous ne disposez pas de données précises aujourd’hui sur le nombre d’agents évaluateurs de la GRC qui seraient disponibles 24 heures sur 24. Il me semble que c’est la première information que le ministère de la Sécurité publique ou la GRC devrait connaître en ce qui concerne la formation des agents.
[Traduction]
M. Goodale : À la lumière de mes discussions de l’automne dernier avec les procureurs généraux des provinces et les ministres provinciaux de la Sécurité publique, il y aurait pour l’ensemble du pays un total de 3 380 agents formés pour administrer le test de sobriété sur les lieux de l’interpellation. Ce chiffre n’est pas seulement pour la GRC; il inclut aussi les autres corps policiers. Quelque 3 380 agents avaient ainsi reçu une formation en la matière. Comme je l’indiquais au départ, nous voudrions doubler ce nombre.
Quant aux experts en reconnaissance de drogues, il y en aurait environ 550, toujours selon ce que j’ai pu apprendre en discutant avec mes homologues provinciaux. Comme vous pouvez bien le comprendre, ce n’est pas un nombre fixe, car de nouveaux experts s’ajoutent constamment. Il y en a donc quelque 550, et notre formation vise à doubler le nombre de ces experts qui travaillent dans les différentes régions du pays.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Tantôt, monsieur Goodale, vous avez mentionné que votre province compte le plus haut taux de mortalité en matière de conduite avec facultés affaiblies par l’alcool ou les drogues. J’ai eu de nombreuses discussions avec beaucoup de victimes et de familles de victimes. Elles sont choquées de constater que, dans le cadre du projet de loi actuel, l’amende minimale dans les cas d’accidents ayant causé la mort en raison de la conduite avec facultés affaiblies est de1 000 $. On aurait basé cette pénalité — selon ce que j’ai pu constater — sur le délit de fuite. On aurait fait une espèce d’amalgame entre délit de fuite et homicide. Ce serait la même amende, 1 000 $ comme amende minimale.
En tant que député de votre province, vous avez montré une sensibilité quant à ce taux de mortalité. Comment peut-on accepter qu’un conducteur ayant causé la mort, ayant enlevé la vie à un proche, reçoive une amende minimale de 1 000 $?
[Traduction]
M. Goodale : Les gens du ministère de la Justice ont examiné avec soin la question des peines à imposer. Ils ont tenu compte pour ce faire de l’expérience passée et de tous les précédents. Comme vous le savez, le projet de loi C-46 prévoit des peines plus sévères et crée de nouvelles infractions pour assurer une meilleure application de nos lois.
Le projet de loi regroupe les mesures que le gouvernement a jugées, tout bien considéré, les plus appropriées et les plus efficaces dans les circonstances. Ces mesures ont bien évidemment été soumises à l’examen des deux Chambres du Parlement. La Chambre des communes les a adoptées. Le Sénat en fait maintenant l’étude. Si les sénateurs estiment qu’il serait préférable d’imposer des peines différentes, ils peuvent toujours en faire la suggestion.
Le barème de peines prévues dans le projet de loi C-46 est le fruit de l’analyse effectuée par le ministère de la Justice en consultation avec les procureurs généraux des provinces. À bien des égards, ces peines sont plus sévères que celles qui s’appliquent actuellement.
Le sénateur Gold : Monsieur le ministre, merci de votre présence aujourd’hui. Je crois qu’il est difficile de sensibiliser les Canadiens au sujet des drogues en général, et du cannabis en particulier, notamment en raison du fait que de nombreux jeunes et moins jeunes adultes croient qu’il n’est pas vraiment problématique de fumer un joint et de prendre le volant par la suite. Comme j’ai pu l’entendre et le lire à différents endroits, certains pensent même qu’ils conduisent mieux ainsi, car leur concentration est meilleure. Nous savons que c’est totalement faux, mais c’est tout de même une opinion très répandue, surtout parmi ceux qui consomment régulièrement.
Pourriez-vous nous en dire plus long sur le contenu de vos programmes de sensibilisation, tous médias confondus, et nous indiquer comment vous comptez vous y prendre pour faire passer le message à ces Canadiens qui ont des opinions plutôt bien ancrées à ce sujet? Il n’est pas question ici de jeunes de 15 ans, bien que ceux-ci ne soient pas non plus à négliger. Nous parlons de gens qui consomment peut-être du cannabis depuis des décennies et qui ont toujours conduit sans avoir d’accident, du moins nous l’espérons. Comment éviter que ces gens tournent le dos aux messages gouvernementaux comme l’ont fait ceux des générations précédentes lorsque l’on a voulu semer l’épouvante avec des tactiques comme le film Reefer Madness?
M. Goodale : Nous avons déployé des efforts considérables pour contrer ce phénomène. Vous avez tout à fait raison. Il y a bel et bien des gens qui croient malheureusement ne pas avoir les facultés affaiblies ou même devenir de meilleurs conducteurs lorsqu’ils consomment des drogues.
Nous avons travaillé avec des professionnels de la publicité pour mettre au point les messages et mener les tests nécessaires sur le marché afin de voir s’ils étaient acceptables et efficaces. C’est un processus toujours en cours, car cette campagne de communication s’amorce à peine. Les activités vont s’intensifier au fur et à mesure. Il s’agit surtout de dissiper ce nuage de naïveté en communiquant des messages forts, catégoriques et convaincants pour que les jeunes, leurs parents et leurs proches prennent bien conscience de la réalité.
Nous avons eu droit à une excellente coopération de groupes comme les Mères contre l’alcool au volant, Students Against Drinking and Driving, l’Association canadienne des automobilistes, l’Association canadienne des chefs de police et les Jeunes conducteurs du Canada. Tous ces gens-là nous ont aidés à structurer nos messages, à les mettre à l’essai et à les diffuser.
Dans bien des cas, ces groupes ont aussi fait le nécessaire pour intégrer ces messages à leurs propres plans de communication, ce qui nous est d’un grand secours. Il nous faut y aller d’un véritable effort concerté pour que cette information soit accessible à ceux qui en ont besoin. On peut par exemple penser à tous ces messages sur les médias sociaux qui invitent les gens à ne pas croire ce que nous leur disons. Nous devons nous montrer proactifs en répliquant à chacune de ces attaques.
Dans un contexte de fragmentation des médias, on a parfois l’impression de devoir se livrer au jeu de la taupe pour contrer toute la désinformation qui est diffusée, mais il est primordial que nous persistions à le faire. Nous avons un engagement budgétaire en faveur d’un accroissement considérable des ressources consacrées aux communications.
Nos messages sont de deux ordres différents. Il y a ceux qui concernent la sécurité publique, et la sécurité routière plus particulièrement, et ceux qui visent la santé publique. Ces derniers sont bien sûr gérés par Santé Canada, alors que les ministères de la Justice et de la Sécurité publique s’occupent des autres. Nous sommes très reconnaissants aux entreprises privées et aux organisations non gouvernementales ainsi qu’aux gouvernements provinciaux qui collaborent avec nous. Je dois féliciter les provinces canadiennes qui ne ménagent pas leurs efforts dans le cadre de leurs propres campagnes de communication. Il y a synergie entre ces mesures qui sont complémentaires. Nous mettons tout en œuvre pour que chacun soit au fait du contenu de nos messages de manière à en optimiser les résultats.
Je pourrais vous citer des chiffres fort éloquents à ce sujet. On a détecté la présence d’alcool dans l’organisme d’environ 33 p. 100 des conducteurs qui ont malheureusement perdu la vie lors d’un accident. Cette proportion atteignait 40 p. 100 pour les drogues. Je vous parle ici de la situation actuelle. Ce n’est donc pas un problème qui va soudainement se manifester à compter de l’été prochain. Il existe d’ores et déjà au moment où l’on se parle.
La sénatrice Eaton : Dans le cadre de notre étude du budget que mène le Comité sénatorial des finances, nous avons reçu des représentants du front commun des Employeurs des transports et communication de régie fédérale. Ils estiment être exposés à d’énormes risques si l’on ne met pas en place une forme quelconque de dépistage aléatoire.
Quelles mesures avez-vous envisagées pour ce qui est de nos pilotes, de nos mécaniciens de train, de nos conducteurs d’autobus scolaire et même de nos enseignants? Comment allons-nous pouvoir être sûrs que ces gens-là ne travaillent pas sous l’influence de drogues?
M. Goodale : Il y a eu d’importantes analyses et décisions judiciaires visant à déterminer s’il est approprié d’effectuer du dépistage aléatoire. Certaines provinces souhaitent pousser les choses plus loin quant à savoir ce qui pourrait être autorisé par la jurisprudence. Il a été convenu pour l’instant que l’on n’utiliserait pas le dépistage aléatoire. Je comprends très bien les préoccupations des intervenants de certains secteurs. Le gouvernement devra mettre un grand soin à déterminer quels autres outils pourraient se révéler nécessaires, surtout dans les domaines relevant des provinces, comme ce serait effectivement le cas.
La sénatrice Eaton : Comme vous le savez, le Sénat a été saisi d’un projet de loi sur les transports qui préconise l’utilisation de boîtes noires pour les mécaniciens de train, comme c’est le cas dans les avions. Certains y voient une terrible atteinte à la vie privée, mais quand on pense à des événements comme celui de Lac-Mégantic, il y a lieu de se demander si l’on ne devrait pas envisager une forme quelconque de dépistage aléatoire, par exemple pour les pilotes ou les camionneurs de longue distance. C’est plutôt effrayant quand on y songe.
M. Goodale : La sécurité dans les transports publics est une préoccupation majeure pour le ministre Garneau et ses homologues de partout au pays. Ils se sont d’ailleurs penchés sur ces questions. Quant à celle que vous posez expressément, je vais laisser au ministre Garneau le soin d’y répondre, car cela relève de ses responsabilités à lui.
Je comprends très bien les inquiétudes que vous pouvez avoir par rapport à la catastrophe de Lac-Mégantic, mais celle-ci n’était, à ma connaissance, aucunement liée à des questions de facultés affaiblies ou de consommation de drogue.
La sénatrice Eaton : Peut-être que je comprends mal, mais ai-je raison de croire qu’il est possible d’effectuer des tests aléatoires pour l’alcool? Un policier peut interpeller quelqu’un dans le cadre du programme RIDE et le soumettre à un dépistage aléatoire.
M. Goodale : Dans le cadre d’un programme approuvé de dépistage sur les lieux de l’interpellation.
La sénatrice Eaton : Allez-vous pouvoir faire la même chose pour les drogues?
M. Goodale : En ce qui concerne les drogues, il faut avoir des motifs raisonnables de soupçonner, et non de croire, qu’une infraction est commise.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’ai beaucoup de questions. J’aurais pu continuer dans cette voie et donner l’exemple du pilote d’avion. Le fait qu’on puisse le tester lorsqu’il descend de l’avion et non quand il y monte m’inquiète. Je vais le laisser à titre de commentaire.
Ma question porte sur le degré de préparation et le temps de formation des experts en reconnaissance de drogue. Hier, la ministre de la Justice nous a dit que la grande partie du projet de loi entrerait en vigueur dans les 180 jours suivant son adoption, donc six mois après la sanction royale. Nous devons nous attendre à ce qu’il n’entre pas en vigueur avant l’automne prochain. Par contre, vous voulez légaliser la marijuana le 1er juillet. Donc, le cannabis sera légal au Canada, alors que ce projet de loi qui vise les facultés affaiblies par les drogues sera en vigueur seulement à l’automne. Il y aura donc un vide entre les deux. L’explication, c’est qu’il faudra du temps pour former les gens et les experts en reconnaissance de drogue et qu’il faudra compter six mois pour le faire.
Vous avez dit tout à l’heure qu’il y avait actuellement 550 experts en reconnaissance de drogue qui étaient formés ici. J’ai devant moi le procès-verbal d’une réunion de l’International Association of Chiefs of Police. Dans le procès-verbal d’une réunion du comité technique de l’association tenue le 14 octobre 2016, à San Diego, un représentant de la GRC mentionne qu’il y a 503 experts en reconnaissance de drogue au Canada. Donc, en 14 ou 15 mois, il y a eu seulement 50 experts de plus en reconnaissance de drogue. Comment pouvez-vous dire aujourd’hui que vous avez l’intention de doubler le nombre, d’en former 500 en 6 mois, alors qu’il fallait 14 mois pour en former 50 de plus? N’est-ce pas là de la pensée magique?
[Traduction]
M. Goodale : Non, sénateur. L’objectif est évidemment d’accélérer le programme. C’est la raison pour laquelle nous avons injecté 274 millions de dollars et travaillons avec beaucoup de prudence avec les provinces afin de bien répartir ces fonds, pour que les policiers de toutes les provinces, ainsi que nos policiers fédéraux, reçoivent la formation nécessaire.
Je crois que vous avez mentionné que cette conférence avait eu lieu en 2016. Les efforts que nous avons déployés au cours de la dernière année visent à accélérer le programme dans son ensemble.
[Français]
Le sénateur Carignan : Si vous avez accéléré et que vous n’en avez formé que 50 de plus, je vois mal comment vous allez doubler le chiffre d’ici six mois. Je tiens pour acquis que vous allez y mettre les efforts nécessaires.
Quant à la formation, on apprend également dans ce rapport que les règles ont été modifiées pour le Québec, parce qu’à l’École nationale de police, on formait les experts en reconnaissance de drogue avec des comédiens plutôt qu’avec des gens qui avaient consommé de la drogue. En octobre 2016, l’école a accepté de former une partie du groupe avec des comédiens et une autre partie avec des gens qui ont consommé de la drogue. Dans votre plan sur la création de sites au Canada visant à former des experts en reconnaissance de drogue, est-ce que ces sites feront appel à des gens qui ont consommé de la drogue au Canada ou à des comédiens dans le cadre de la formation?
[Traduction]
M. Goodale : Sénateur, le projet particulier que vous mentionnez était un projet pilote, spécialement conçu pour le Québec, afin d’évaluer comment cela fonctionnerait et si nous pourrions réussir de cette façon. D’après ce que je comprends, on utilise la plupart du temps des personnes en circonstances de vie réelles, mais nous sommes en train d’en faire l’essai avec ce projet pilote au Québec, pour déterminer si ce pourrait également être indiqué pour la formation. Nous sommes en train d’évaluer la chose.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je vous invite à être prudent avec le projet pilote. Selon le règlement qui est en vigueur actuellement pour entériner les experts en reconnaissance de drogue conformément au Code criminel, ces experts doivent être formés conformément aux règles de l’International Association of Chiefs of Police. Si vous faites des projets pilotes avec des comédiens et que vous avez formé des experts en reconnaissance de drogue avec des comédiens, alors que ce n’était pas conforme aux règles de l’association, vous vous retrouvez avec un nombre d’experts en reconnaissance de drogue qui n’ont pas été formés conformément au règlement. Je ne suis pas convaincu de la validité de leur témoignage à la cour. Je vous invite à porter une attention particulière à cela.
[Traduction]
M. Goodale : J’écoute toujours très attentivement les appels à la prudence. Je comprends bien ce que vous dites, monsieur.
Le sénateur Pratte : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être ici. Je suis en faveur de la légalisation du cannabis, mais j’ai quelques réserves, notamment concernant la conduite avec capacités affaiblies par la drogue. Mes réserves découlent des données très robustes et inquiétantes qui nous viennent de l’État de Washington et du Colorado.
Par exemple, les dernières données que j’ai reçues la semaine dernière du département des Transports de l’État de Washington montrent qu’ils ont soumis à des tests les conducteurs impliqués dans des accidents fatals au cours des trois dernières années. Même si le pourcentage des conducteurs testés est resté le même, à environ la moitié des conducteurs impliqués dans ce type d’accident, le nombre de conducteurs ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage du THC a doublé entre 2008 et 2013. Ils étaient environ 35 ou 36 à l’époque, puis leur nombre a doublé pour atteindre 74, 82 et 79 au cours de la dernière année. Les données du Colorado sont comparables.
Votre personnel ou celui de la GRC se sont-ils penchés sur ces données très inquiétantes du Colorado et de l’État de Washington pour essayer de comprendre ce qui se passe? Même dans ces États, on se demande ce qui se passe exactement. Il y aurait peut-être des leçons à tirer de l’expérience des États qui ont légalisé la marijuana.
M. Goodale : Effectivement, nous examinons les expériences vécues ailleurs, y compris dans plusieurs États américains et dans d’autres pays, pour tirer le plus de leçons possible des expériences vécues ailleurs. Le fait est, comme toutes les données en attestent, que les régimes juridiques du passé n’ont jamais permis de garder le cannabis loin des mains de nos jeunes ni à prévenir sa prolifération sur le marché noir, notamment. Tous ces problèmes sont répandus.
La simple défense du status quo ne réglera rien, ce qui, d’après ce que vous avez dit dans votre première phrase, justifie probablement votre opinion selon laquelle le régime de légalisation est la solution pour nous attaquer au problème plus efficacement qu’avec le régime actuellement en vigueur, qui est un échec.
Cela dit, nous devons évidemment injecter des ressources financières dans la détection, la dissuasion et une bonne application de la loi. C’est ce que nous faisons. Nous continuerons de le faire en collaboration avec nos partenaires des provinces. Nous utiliserons absolument toutes les données que nous pourrons prélever pour être le plus efficaces possible.
Le problème auquel nous nous attaquons ne naîtra toutefois pas avec le printemps. Il est déjà très présent et très grave. Comme je l’ai indiqué, les statistiques tendent à démontrer qu’on décèle déjà la présence de drogue dans l’organisme de 40 p. 100 des personnes qui meurent dans des accidents de la route.
Kathy Thompson connaît mieux que moi les statistiques exactes que vous citez, et je lui demanderais de nous en toucher un mot.
Kathy Thompson, sous-ministre adjointe, Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Sécurité publique Canada : Nous suivons ces statistiques de près. Pour être honnête avec vous, il est un peu difficile d’obtenir de l’information claire. Certaines données semblent indiquer que le taux d’accident mortel a augmenté considérablement après la légalisation, alors qu’il y en a d’autres, au Colorado, par exemple, qui semblent indiquer que la conduite avec capacités affaiblies par la drogue a diminué. Nous essayons nous aussi d’y voir clair.
Nous avons rencontré des représentants de divers États, comme le ministre l’a dit. L’une des leçons qu’ils nous ont communiquées, c’est qu’il faut commencer les campagnes de communication avant la légalisation : c’est donc l’aspect auquel nous travaillons très fort.
Le sénateur McIntyre : À n’en pas douter, avec la légalisation de la marijuana qui s’en vient, les Canadiens s’inquiètent de la sécurité routière. Cela dit, je remarque que votre projet de loi instaure des tests d’haleine obligatoires, mais pas de dépistage de drogue obligatoire. Autrement dit, ce projet de loi crée deux régimes différents : un pour l’alcool et un pour les drogues.
Pourquoi? Est-ce parce que les appareils de dépistage des drogues ne sont pas aussi exacts ou fiables que les éthylomètres?
J’irai même plus loin. À votre avis, les données probantes à l’appui de l’utilisation d’appareils de dépistage des drogues sont-elles suffisamment solides pour résister à l’épreuve des tribunaux?
M. Goodale : Je le crois. Je pense que la différence, dans ce cas-ci, c’est que l’appareil de dépistage ne joue pas le même rôle dans le constat des deux infractions. Quand on mesure l’alcoolémie à l’aide de l’éthylomètre approuvé, une lecture de .08 p. 100 confirme la perpétration de l’infraction. Dès que l’appareil affiche cette lecture, dans la mesure où le test a été administré adéquatement et selon les règles, c’est la preuve de l’infraction.
En revanche, le test de dépistage de drogues par voie orale donne à l’agent qui avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’il y avait infraction des motifs raisonnables de croire qu’il y a infraction, puis d’exiger un échantillon de sang ou la procédure plus élaborée nécessitant le recours à un expert en reconnaissance de drogues. Ainsi, l’appareil ne joue pas le même rôle dans le dépistage de drogue que dans le dépistage d’alcool, parce que les paramètres scientifiques ne sont pas les mêmes pour les deux. Comme il joue un rôle différent, je pense qu’il sera jugé valide et légitime.
Si un policier arrête quelqu’un et remarque une odeur louche dans le véhicule, qu’il voit que la personne a les yeux rouges ou des difficultés d’élocution, par exemple, il peut soupçonner qu’il y a eu consommation de drogue. Ces soupçons lui permettent, en vertu de la nouvelle loi, d’exiger une analyse du liquide buccal. Si les résultats de ce test sont positifs, dans la mesure où il a été administré adéquatement en bord de route, le policier pourrait avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y a infraction. On passe donc des soupçons à la croyance. Dès qu’il croit qu’il y a infraction, le policier est justifié de passer à l’étape suivante, qui peut prendre la forme soit d’un examen par un expert en reconnaissance des drogues, soit d’un test sanguin. C’est ce qui constituera la preuve tangible de la présence de drogue dans l’organisme.
Le sénateur McIntyre : J’aimerais revenir à ma dernière question. Ces appareils sont-ils assez robustes pour résister à l’épreuve des tribunaux? En êtes-vous convaincu?
M. Goodale : Oui. La science évoluera assurément dans ce domaine, comme elle a évolué aussi pour les éthylomètres il y a quelques années. Nous voulions, dans un premier temps, savoir si ces appareils pouvaient fonctionner dans le contexte canadien. Nous avons demandé à sept corps de police différents du pays d’en faire l’essai. Les résultats ont été extrêmement probants. Les policiers nous ont dit : « Oui, ils sont utilisables. Ils fonctionnent en bord de route, dans toutes les conditions météorologiques, toutes les conditions de lumière, les températures, et cetera. »
Nous effectuons maintenant la vérification finale des appareils précis qui seront utilisés et qui ont la certification de l’organisation de normalisation dans le domaine judiciaire.
La sénatrice Batters : Monsieur Goodale, nous venons tous deux de la Saskatchewan. Je vis même dans votre circonscription de Regina—Wascana. J’entends constamment un grand nombre d’électeurs de votre circonscription et de partout en Saskatchewan exprimer de vives inquiétudes à l’égard du plan de légalisation de la marijuana de votre gouvernement, et ce, depuis deux ans. Comme vous l’avez mentionné dans votre exposé, la Saskatchewan affiche le taux le plus élevé au Canada de conduite avec capacités affaiblies. C’est un énorme problème.
Il y a des éléments du projet de loi C-46 qui visent à amenuiser le problème de la conduite avec capacités affaiblies. Certaines dispositions ont d’abord été présentées par notre gouvernement conservateur. Le but de ma question n’est pas d’en dresser la liste encore une fois. J’aimerais plutôt vous interroger sur la décision du gouvernement Trudeau de légaliser la marijuana plutôt que de la décriminaliser.
Il faut que ce soit très clair, parce que bien des Canadiens croient à tort que vous ne ferez que la décriminaliser, alors que vous avez l’intention de la légaliser. À titre de ministre de la Sécurité publique, croyez-vous que la légalisation de la marijuana sera plus efficace pour lutter contre la conduite avec capacités affaiblies au Canada et dans notre province de la Saskatchewan que la simple décriminalisation de la marijuana?
M. Goodale : Je pense que la légalisation est la voie à suivre, parce qu’elle augmentera nos chances de réussir à nous attaquer aux deux enjeux troublants qui ont été le point de départ de cette conversation. Il y a d’abord les statistiques de l’ONU et d’autres organisations internationales, selon lesquelles les adolescents canadiens seraient les plus grands consommateurs de marijuana du monde occidental. D’autres statistiques montrent qu’on estime entre 6 et 7 milliards de dollars les profits illicites qu’enregistre chaque année le crime organisé en raison de la vente illicite de marijuana.
Comme nous le savons tous, les jeunes savent malheureusement exactement où trouver des sources d’approvisionnement. Elles sont très accessibles. Le régime actuel, qui existe depuis environ 90 ans, est un échec cuisant. Il ne nous a pas permis de garder la marijuana loin des mains de nos enfants, pas plus qu’il n’a gardé ces profits illicites loin des mains du crime organisé.
La décriminalisation n’éliminerait en rien le marché noir. Le marché noir continuera de prospérer si nous choisissions cette voie. Bref, on ne réglera pas le problème avec la décriminalisation. On le transformera d’une certaine façon, mais on ne s’en débarrassera pas. Notre objectif tient en deux volets : réussir plus efficacement à garder la marijuana loin des mains de nos jeunes et réussir plus efficacement à arrêter cet afflux d’argent illégal vers les coffres du crime organisé.
La sénatrice Batters : Je remarque que vous n’avez pas répondu directement à ma question, qui concernait la conduite avec capacités affaiblies et le problème énorme qu’elle constitue.
Je vous dirai ensuite que votre gouvernement lui-même a déclaré qu’il n’y avait pas de quantité de drogue qu’on pouvait consommer en toute sécurité avant de prendre le volant. Votre ministre de la Justice a admis à plusieurs reprises que les tests de dépistage de drogue en bord de route ne sont toujours pas au point, ni assez exacts ni assez avancés.
Monsieur Goodale, à titre de ministre de la Sécurité publique du Canada, pouvez-vous me dire pourquoi le gouvernement Trudeau veut légaliser la drogue la plus consommée, une drogue illicite, soit la marijuana?
M. Goodale : Parce que si l’on retarde la solution, on retardera simplement la résolution du problème et on le perpétuera.
La sénatrice Batters : Êtes-vous en train de dire que la légalisation est la solution à la conduite avec capacités affaiblies?
M. Goodale : Ce sera plus efficace que le régime qui nous fait faux bond depuis 90 ans. C’est un consensus qui se dégage même parmi des gens comme Newt Gingrich.
La sénatrice Batters : Pourquoi croyez-vous que le seul autre pays au monde entier à opter pour la légalisation soit l’Uruguay?
M. Goodale : Je vous citerais l’exemple d’endroits très civilisés et avancés comme les États du Colorado, de Washington, de la Californie, de New York et bien d’autres, qui s’engagent dans cette voie et qui ont été convaincus par la logique selon laquelle le régime actuel est un échec. On peut perpétuer l’échec ou on peut essayer quelque chose qui a de meilleures chances de succès.
Le gouvernement estime que la stratégie sur laquelle nous nous appuyons avec les projets de loi C-45 et C-46 a de meilleures chances de succès que celle qui constitue un échec depuis 90 ans, et je vous assure que nous continuons d’accumuler les données probantes pour le prouver à une majorité de Canadiens.
La sénatrice Pate : Je vous remercie d’être ici, monsieur le ministre, et je veux vous féliciter pour les campagnes d’éducation publique et de médias sociaux dont vous avez parlé. Vous connaissez leur incidence sur la conduite avec capacités affaiblies, comme le démontre le site web du gouvernement. Nous savons que la plupart des experts en la matière disent qu’à long terme, ce ne sont pas des peines minimales obligatoires ni des régimes de sanction, mais plutôt les régimes d’éducation qui accompagnent les normes comportementales prescrites en droit criminel qui sont susceptibles d’avoir le plus d’effet.
J’apprécie les commentaires de certaines personnes à ce sujet. Je vous remercie de mentionner que le comité pourrait également se pencher sur les dispositions prévoyant des sanctions et les modifier. J’aimerais vous interroger en particulier sur les options de traitement qu’on trouve dans les dispositions du projet de loi et les ressources que vous envisagez, particulièrement celles qui relèvent de votre ministère. J’aimerais savoir à la fois ce qui aiderait les procureurs à offrir cette option et pourquoi vous voulez donner ce pouvoir discrétionnaire aux procureurs plutôt qu’aux juges et quelles seraient les options possibles.
Vous savez sûrement qui voudrait se prévaloir d’options de traitement. Vous savez sans doute que dans votre propre circonscription, en particulier, les Autochtones et les personnes vulnérables à l’effet des peines minimales obligatoires sont surreprésentés. Quelles seraient les options à leur disposition? Quels changements voudriez-vous apporter, le cas échéant, aux régimes de sanctions pour rendre les options de traitement plus accessibles à ceux et celles qui ne se laisseront pas dissuader par des peines minimales obligatoires?
M. Goodale : Sénatrice Pate, vous soulevez une série de questions très importantes. Je serais porté à vous répondre que vous recevrez des experts du ministère de la Justice pendant la deuxième heure de séance aujourd’hui et qu’il me semblerait préférable de leur déléguer l’analyse de ces questions, puisque les experts du ministère de la Justice pourront vous fournir une réponse plus éclairée.
La sénatrice Pate : Concernant l’article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui prescrit des options de traitement pour les personnes déjà en détention, des personnes déjà détenues pour cela, y aura-t-il des dispositions ou des ressources particulières pour conclure les ententes d’échange de services qui permettront d’offrir ce genre de traitement?
M. Goodale : J’essaie toujours de trouver des solutions au problème majeur du manque de ressources dans les rouages du système de justice pénale dont j’ai la responsabilité. Nous avons réalisé des progrès au cours des deux dernières années, mais il reste encore fort à faire. Cela dit, ces nouvelles façons de faire sont mises à l’essai dans divers contextes, et quand les résultats sont positifs et montrent une efficacité accrue, le gouvernement est assurément motivé à aller plus loin.
La sénatrice Boniface : J’aimerais poser une question concernant le financement de la police. J’aimerais plus particulièrement savoir si vous avez réservé des fonds pour les services policiers des Premières Nations.
Je sais qu’il y a de l’argent qui sera versé aux provinces, puis que chaque province le distribuera de la façon qui lui convient, mais comme vous le savez très bien, compte tenu du partage à 52-48 entre le financement fédéral et le financement provincial, je tiens à m’assurer que les services policiers des Premières Nations ne se retrouveront pas perdus dans ce grand brassage de cartes entre le fédéral et les provinces.
M. Goodale : C’est littéralement en négociation pendant que nous nous parlons, entre le gouvernement du Canada et les provinces. Vous avez peut-être remarqué aussi que j’ai annoncé il y a quelques semaines un financement accru pour le Programme des services de police des Premières Nations, qui se déploie dans 450 collectivités au Canada. Au cours des cinq prochaines années, cet argent fera une très grande différence dans le nombre de policiers, dans leur salaire, ainsi que dans les mesures de sécurité qui entoureront les policiers dans le cadre de leurs fonctions.
Comme je l’ai souligné à maintes reprises, et je pense que pratiquement tous les ministres provinciaux l’ont mentionné aussi, notre objectif est de veiller à ce que les services de police offerts dans les communautés autochtones du Canada respectent les mêmes normes que les autres services policiers du pays, qu’ils soient de la même qualité et bénéficient des mêmes ressources. Aucun écart ne peut se justifier.
La sénatrice Boniface : Je vous remercie de cette annonce aussi, parce que je connais assez bien cette problématique et ce combat. Je veux être certaine que ces corps policiers bénéficieront des mêmes ressources que les autres, même si les services qu’ils offrent ne sont pas les mêmes. Je pense qu’ils font de leur mieux. Il faut comprendre que ces policiers, comme n’importe qui d’autre, peuvent se retrouver devant les tribunaux pour répondre de leurs actes. Ils doivent recevoir la même formation que leurs compatriotes.
La pente à remonter est abrupte, à certains égards, donc je veux être certaine qu’on ne les oubliera pas dans les échanges qui ont lieu sur un projet de loi de cette importance, du point de vue de la sécurité des policiers en service, mais aussi des communautés.
M. Goodale : C’est un rappel très pertinent, sénatrice, et je vous en remercie.
Le président : Sur ce, monsieur le ministre, je peux peut-être vous poser une question avant de lever la séance, puis que vous nous quittiez pour nous laisser avec vos fonctionnaires : quel genre de consultations avez-vous menées auprès des représentants de la communauté autochtone avant de déposer ce projet de loi?
M. Goodale : J’ai bien vérifié, et les consultations de base ont été menées par le groupe de travail présidé par l’ancienne ministre McClellan, qui a préparé tout le plan sur lequel s’appuie notre stratégie à l’égard du cannabis.
De même, le ministère a mené diverses consultations supplémentaires. Madame Thompson, pourriez-vous mentionner les groupes avec qui nous avons communiqué?
Mme Thompson : Une grande partie de ce travail se fait en coordination avec Santé Canada. Comme vous le savez tous, les ministères de la Justice, de la Santé et de la Sécurité publique travaillent en très étroite collaboration dans tous les projets qui concernent la légalisation du cannabis. Sécurité publique a mené des consultations auprès de l’ACPPN, soit l’Association des chefs de police des Premières Nations, des comités sur les Autochtones et la conduite avec capacités affaiblies de l’Association canadienne des chefs de police et de l’ACGP, qui est l’association de gouvernance de police.
Le président : Monsieur le ministre, je vous rappelle que vous vous êtes engagé à nous faire parvenir de l’information supplémentaire en réponse aux questions du sénateur Boisvenu sur le nombre de policiers en service 24 heures, dans les divers postes qu’ils occupent au pays, en plus de tous les autres renseignements que vous vous êtes engagé à transmettre au comité, bien sûr.
Nous vous sommes reconnaissants de nous faire parvenir ces chiffres et ces rapports.
M. Goodale : Nous vous les ferons parvenir le plus rapidement possible, monsieur le président.
Le président : Bien sûr, il y a beaucoup de membres autour de la table qui ont d’autres questions à poser. Il y a quatre autres sénateurs sur la liste qui souhaitaient poser des questions durant le deuxième tour.
Je vous remercie d’être venu. Nous vous reverrons la semaine prochaine en chambre pour poursuivre la discussion.
Le président : Honorables sénateurs, nous allons continuer notre réunion ce matin avec des représentantes du ministère de la Sécurité publique. Je vais vous présenter de nouveau certains témoins que nous avons déjà entendus tout à l’heure.
[Français]
Nous accueillons donc Kathy Thompson, sous-ministre adjointe, Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Kevin Brosseau, commissaire intérimaire de la Gendarmerie royale du Canada, et Rachel Huggins, gestionnaire, Politiques et développement, Division des crimes graves et du crime organisé, Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.
[Traduction]
Nous accueillons aussi Greg Yost, avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal au sein du Secteur des politiques, qui a comparu hier soir avec la ministre.
Honorables sénateurs, je vais suivre la liste que j’ai en main.
[Français]
J’aimerais inviter la sénatrice Dupuis à poursuivre les échanges avec les témoins.
La sénatrice Dupuis : Ma question s’adresse au représentant de la GRC. Merci de votre présence parmi nous, monsieur Brosseau. Je m’intéresse au projet pilote sur les tests aléatoires. Avez-vous des données ou avez-vous porté une attention particulière au profilage racial? Vous savez probablement que le profilage racial est un concept qui a été reconnu par la Cour suprême comme faisant partie du droit canadien. Donc, c’est un concept juridique qui est désormais établi. D’ailleurs, la police d’Ottawa a mené un projet sur le profilage racial. Dans le choix des tests aléatoires sur la route, avez-vous examiné les types de tests à effectuer, par exemple, le blocage de routes annoncé à l’avance plutôt que les tests effectués de façon aléatoire, qui entraînent davantage de possibilités qu’il y ait profilage racial, selon l’expérience? Qu’est-ce que vous avez envisagé dans le cadre de ce projet pilote? Avez-vous l’intention de recueillir des données sur cette question si le projet de loi C-46 est adopté?
Kevin Brosseau, commissaire intérimaire, Gendarmerie royale du Canada : Bonjour. Je vous répondrai en anglais, car je ne trouve pas toujours les mots.
La sénatrice Dupuis : Aucun problème.
[Traduction]
M. Brosseau : Premièrement, je dois dire que nous l’avons certes envisagé, mais, pour l’instant, nous ne recueillerons pas de données fondées sur la race aux fins des vérifications effectuées par la GRC.
Cela a fait l’objet d’une longue discussion parce que nous estimons que ce genre de données pourrait susciter davantage de questions et accroître la subjectivité des policiers en ce qui concerne la race, sur le terrain ou lors de contrôles routiers.
Ce que je peux dire c’est que, chaque fois qu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire, notamment lors de contrôles routiers et lorsqu’ils décident qui arrêter, vérifier ou interpeller, nos policiers doivent respecter, premièrement, la Charte des droits et libertés et, deuxièmement, la politique interne de maintien de l’ordre sans préjugés sur laquelle s’appuient notre formation et nos procédures de fonctionnement normalisées.
D’abord et avant tout, les policiers doivent avoir une raison précise pour s’adresser à une personne ou effectuer une vérification à son sujet. Deuxièmement, ils doivent agir en respectant la Charte, qui prévoit que chaque personne doit être traitée équitablement et non avec mépris, en raison de sa race ou autre.
Tous ces éléments déterminent en fait la manière dont les policiers doivent agir lors de contrôles routiers obligatoires visant à dépister la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool.
Comme vous le savez, nous procédons déjà à des contrôles routiers durant le temps des Fêtes qui nous permettent d’effectuer des vérifications auprès de milliers de conducteurs. Bien sûr, certaines communautés pourraient subir les conséquences imprévues de la façon dont nous procédons à la formation, des jugements qui sont posés et du niveau de supervision et de surveillance dans l’ensemble de l’organisation. Nous veillons à ce qu’il n’y ait pas de profilage et à ce que certaines communautés ne soient pas ciblées, consciemment ou inconsciemment, de sorte que la loi soit appliquée de façon uniforme.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question complémentaire. Je comprends très bien ce que vous m’expliquez qui doit se passer, en théorie. En pratique, ce n’est pas ce qu’on observe sur le terrain. Je ne veux pas dire que l’ensemble des forces policières font du profilage racial, absolument pas. Nous en sommes conscients. Nous savons que de la formation est donnée. Si vous comptez mettre en place des tests aléatoires sur la route, qu’est-ce qui changera dans la formation, dans l’évaluation, dans le suivi des gens sur le terrain, c’est-à-dire des agents de police, pour faire en sorte que ce qu’on observe — peut-être un facteur qui concerne une minorité d’agents — ne devienne pas une attitude plus large justifiée par un motif juridique, soit le test aléatoire?
[Traduction]
M. Brosseau : C’est un très bon point. Je vais passer en revue la formation qui est donnée en ce qui concerne cet élément pour m’assurer qu’on insiste là-dessus.
Je vais commencer par la formation donnée à l’école de la GRC à Regina et vérifier tous ces aspects pour m’assurer qu’on respecte en particulier la Charte, afin que les services soient fournis correctement et qu’on ne vise pas certaines communautés de façon disproportionnée en raison de la race ou autre. Je peux affirmer que c’est le cas actuellement.
Je vais en faire part à mon organisation, qu’il s’agisse d’une attitude ou d’un préjugé inconscient, pour qu’on s’assure que ce point soit abordé clairement durant la formation.
Le président : Vous pourriez peut-être nous fournir des exemplaires du manuel ou des directives concernant le profilage racial qu’on remet aux agents durant la formation. Je crois que ce serait très utile pour tous les membres du comité.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Y compris tout le matériel pour discuter de l’aspect systémique de la discrimination. Je ne parle pas seulement des agents qui exerceraient des préjugés dans le cadre de leurs fonctions. Il faut aussi s’assurer d’appliquer des sanctions lorsque cet aspect n’est pas respecté.
Le sénateur Boisvenu : J’ai quelques questions pour nos invités. Madame Thompson, si j’ai bien compris, au Colorado, le nombre d’accidents routiers causés par la conduite avec facultés affaiblies en raison de la consommation de marijuana aurait diminué. Est-ce exact?
Mme Thompson : Permettez-moi d’apporter quelques précisions. J’essayais de dire qu’il est un peu difficile d’obtenir des données et de les interpréter. En effet, ce que l’on constate au Colorado — et on l’a vu aussi à Washington —, c’est que le nombre d’accidents fatals a augmenté d’environ 30 p. 100. Il y a aussi au Colorado des rapports sur le nombre d’infractions qui ont été commises...
Le sénateur Boisvenu : Je parle strictement des accidents routiers ayant causé la mort.
Mme Thompson : La première partie de ma réponse est oui. En effet, d’après les données, il y a eu une augmentation...
Le sénateur Boisvenu : Très significative.
Mme Thompson : ... selon eux, d’environ 30 p. 100.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Brosseau, la semaine dernière, un officier haut gradé du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) affirmait dans les médias québécois que le crime organisé est en train de s’adapter à la légalisation de la marijuana. Au Colorado, selon les données, le crime organisé n’est pas disparu du milieu de la marijuana.
On sait que la prémisse du gouvernement libéral pour légaliser la marijuana est de retirer le crime organisé de ce marché. Cependant, on l’a vu au Québec récemment : parmi les 84 producteurs de marijuana, 35 d’entre eux investissent dans des paradis fiscaux, ce qui représente de l’argent illégal. Or, selon des chefs policiers à travers le Canada, il est utopique de penser que la légalisation permettra de décriminaliser le milieu de la marijuana et d’y retirer le crime organisé. Êtes-vous l’un des seuls chefs de police au Québec ou au Canada qui affirmeraient le contraire, à savoir que la légalisation de la marijuana permettra de retirer le crime organisé de la production et de la distribution de la marijuana?
[Traduction]
M. Brosseau : Étant donné la participation du crime organisé au marché illégal du cannabis, nous ne nous attendons pas à ce que la loi contribue à éliminer la présence du crime organisé dans le marché du cannabis. Elle contribuera à diminuer sa présence, mais pas à l’éliminer.
Pour répondre à votre question, je vous dirai que je n’ai pas mené de sondage auprès des chefs de police au pays pour connaître leur opinion, mais j’ai certes entendu de telles affirmations.
Il est important de savoir que les marchés illégaux et le crime organisé sont en constante évolution, et je dois dire honnêtement, qu’ils semblent même parfois avoir une longueur d’avance. Il est difficile de prévoir, car il est trop tôt pour le faire, le rôle que jouera le crime organisé dans le marché du cannabis lorsque cette drogue sera devenue légale.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je m’adresse encore à vous, monsieur Brosseau, parce que vous êtes sur le terrain et vous pouvez voir ce qui se passe en matière de crime organisé. La logique aurait voulu qu’on procède à une décriminalisation, qu’on donne le temps aux provinces et aux corps policiers de s’y adapter et que, par la suite, on procède à la légalisation. Cela aurait fait en sorte que les provinces et les corps policiers aient à leur disposition tous les outils et la formation nécessaires pour entreprendre ce changement majeur au Canada. Ne croyez-vous pas qu’on aurait dû procéder en deux étapes? Dans un premier temps, décriminaliser la marijuana pour que des jeunes ne soient pas pénalisés à vie avec des casiers judiciaires, ce qui permettrait de désengorger nos tribunaux de toutes ces causes et, dans un deuxième temps, légaliser la marijuana.
[Traduction]
M. Brosseau : En ce qui concerne les étapes à suivre, il appartient davantage à la ministre et au gouvernement de répondre à la question de savoir s’il faut d’abord procéder à la décriminalisation ou à la légalisation. Le processus est enclenché et nous serons prêts dans la mesure du possible, compte tenu du temps dont nous disposons pour nous préparer.
Est-ce qu’il aurait été bénéfique d’avoir plus de temps? Il est toujours bénéfique d’avoir plus de temps afin que les corps policiers puissent planifier et recevoir la formation, car c’est ce que nous devons faire. Étant donné le temps dont nous disposons, nous serons prêts avec les ressources que nous avons pour faire face à ce changement.
Le sénateur McIntyre : Monsieur Brosseau, est-ce que les corps policiers au pays seront prêts à appliquer le nouveau régime en cas de conduite avec capacités affaiblies? Plus précisément, est-ce qu’ils auront reçu la formation nécessaire et est-ce qu’ils auront accès au matériel nécessaire pour le dépistage de drogues? Veuillez expliquer.
M. Brosseau : Il est important, tout d’abord, de se rappeler que le fait d’avoir les facultés affaiblies par la drogue constitue déjà une infraction qui fait l’objet de poursuites.
Nous avons certes intensifié considérablement la formation au cours des derniers mois. Nous avons déjà mis en place un cours sur les drogues susceptibles d’affaiblir les facultés, qui fait partie de la formation liée à la sobriété. Il est important de mentionner que ce cours est offert en ligne. Il est donc offert à tous les policiers, qu’ils fassent partie de la GRC ou de tout autre corps policier. Il est très important de le souligner. Il importe que la formation soit relativement universelle et claire.
Je me concentre également sur l’engagement proactif et la prévention, qui sont des aspects très importants dans la préparation des policiers, étant donné que, dans le message qui est véhiculé, on insiste sur la participation des citoyens et la prévention de la conduite avec facultés affaiblies plutôt que simplement sur l’application de la loi.
En ce qui concerne les appareils de dépistage et le moment où nous les obtiendrons, je vais laisser ma collègue, Mme Thompson, répondre à ce sujet.
Mme Thompson : Je vais aborder quelques points au sujet de la formation et des appareils de dépistage. Comme le sous-commissaire Brosseau l’a dit, la première partie du cours sur les drogues susceptibles d’affaiblir les facultés a été mise en œuvre. On l’a mise à l’essai à Halifax avant Noël.
La GRC et le ministère de la Sécurité publique collaborent très étroitement avec leurs collègues des provinces et des territoires pour faire en sorte que la formation soit uniforme et accessible aux écoles de police. Voilà ce que nous faisons dans un premier temps. D’autre part, nous collaborons aussi avec le Réseau canadien du savoir policier, le RCDSP, qui fait preuve d’un grand professionnalisme lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une formation en ligne. Nous offrons des séances de formation aux formateurs afin que la formation soit uniforme à l’échelle du pays.
Nous travaillons également avec nos homologues des provinces et territoires ainsi qu’avec leurs formateurs pour élaborer des modules de formation portant sur les projets de loi C-45 et C-46 et sur les nouvelles infractions. Ces modules de formation seront aussi offerts. Toutefois, si une province ou une école de police souhaite mettre en place ses propres modules de formation, elle pourra le faire. Nous visons l’uniformité au sein du pays et nous cherchons à coordonner nos efforts et à réduire les dédoublements et les chevauchements.
Voilà ce que nous nous employons à faire dans l’ensemble du pays en ce qui a trait à la formation. Je parle de la formation concernant les tests de sobriété normalisés, les TSN. Cette formation sera donnée même à ceux qui l’ont déjà suivie pour qu’ils puissent se rafraîchir la mémoire à ce sujet. Les policiers ont déjà reçu une formation sur les facultés affaiblies par l’alcool, et maintenant, nous devons leur offrir une formation sur les facultés affaiblies par les drogues.
Le ministre a parlé de nos objectifs en matière de formation. L’idée est de redonner la formation sur les TSN à ceux qui l’ont déjà suivie et à ceux qui ne l’ont jamais suivie afin d’accroître le nombre d’agents formés dans ce domaine. L’intention est d’intégrer à un moment donné cette formation au programme de formation de base des policiers. Nous espérons que cela sera fait d’ici cinq ans.
Pour ce qui est des appareils de dépistage, les normes s’appliquant aux appareils de dépistage par prélèvement de salive qui doivent être approuvés pour utilisation au Canada ont été élaborées par le Comité des drogues au volant de la Société canadienne des sciences judiciaires et publiées le 1er novembre.
Par la suite, on a invité les fabricants à présenter leurs appareils aux fins d’un examen sur dossier. Cette étape est terminée. Le Conseil national de recherches procédera maintenant à un essai en laboratoire des différents appareils. Les résultats de ces essais seront transmis au Comité des drogues au volant. Lorsque le comité jugera que les appareils respectent les normes qu’il a élaborées, il fera une recommandation à la procureure générale, qui, par la voie d’un décret ministériel, précisera quels appareils peuvent être utilisés au Canada parce qu’ils respectent les normes canadiennes qui ont été élaborées.
Lorsque cela sera fait, le ministère de la Sécurité publique et la GRC communiqueront avec les fabricants des appareils en question pour mettre sur pied une formation à l’intention des organismes d’application de la loi de toutes les régions du pays. Nous espérons que les appareils seront disponibles à la fin du printemps.
Le président : À la fin du printemps?
Mme Thompson : C’est exact.
Le sénateur McIntyre : J’ai une question pour M. Yost. J’aimerais attirer votre attention sur l’article 320 du projet de loi. Il prévoit une communication des renseignements plus restreinte et un recours moins fréquent aux témoins experts.
Est-ce que ces changements proposés contribueront à accélérer les procès ou à accroître les retards, du moins à court terme, puisque la constitutionnalité des nouvelles règles risque fort d’être contestée devant les tribunaux.
Greg Yost, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, Secteur des politiques, ministère de la Justice : Nous prévoyons que ces changements contribueront à accélérer considérablement les procès. Peut-être pas autant les procès en tant que tels que les demandes de communication de renseignements supplémentaires présentées avant les procès. Depuis la décision St-Onge, on assiste à des guerres de communication de la preuve. La plupart du temps, le gouvernement a gagné, mais parfois, il a perdu.
Le Comité des analyses d’alcool a énoncé dans un exposé de position les critères scientifiques qui doivent être respectés pour pouvoir affirmer que les résultats d’un test donné sont fiables. Les éléments énumérés dans la liste sont ceux que le Comité des analyses d’alcool juge appropriés aux fins d’une évaluation scientifique visant à déterminer s’il s’agit d’un test adéquat.
Nous nous attendons à ce que ces changements mettent fin à cette pratique qui consiste à simplement aller à la pêche et à présenter n’importe quoi au tribunal, d’autant plus que le projet de loi prévoit que le taux d’alcoolémie d’un conducteur doit être établi de façon concluante et qu’une explication par écrit de la pertinence de cette information doit être fournie. Si les conditions nécessaires sont remplies et les résultats d’un test à blanc, d’un test d’étalonnage et de deux tests effectués à 15 minutes d’intervalle concordent sensiblement, nous voyons difficilement comment il pourrait en être autrement. Les avocats de la défense ont toutefois beaucoup d’imagination. Ils vont probablement s’essayer, mais nous nous attendons en temps et lieu à ce que ces modifications simplifient grandement les poursuites.
Le sénateur McIntyre : Je peux comprendre les préoccupations des avocats de la défense en ce qui concerne la communication restreinte de renseignements dans les cas de conduite avec facultés affaiblies et les preuves requises pour pouvoir établir la culpabilité dans de tels cas. Pouvez-vous expliquer ce que signifieront concrètement ces changements?
M. Yost : Concrètement, ces changements signifient que les procureurs généraux des provinces décideront de ce qui sera communiqué. On a fait savoir très clairement qu’il n’y aura pas d’incidence sur toute autre communication. Les avocats continueront de recevoir notamment les rapports de police, mais ils n’auront pas accès aux registres d’entretien qui remontent à 15 ans. On imagine qu’ils n’auront pas accès non plus à la facture originale de l’achat de l’appareil.
J’ai déjà vu des listes de demandes. J’ai déjà vu des listes de plus de 150 éléments, pour lesquelles on a livré bataille, ce qui prend énormément de temps en cour. Malheureusement, ce sont des affaires qui ont lieu avant le procès et rien n’est contraignant pour l’une ou l’autre des parties. Nous essayons d’établir une norme pour l’ensemble du pays, comme l’a conseillé le Comité des analyses d’alcool, car c’est tout ce qui est nécessaire.
À la suite des amendements apportés en 2008, qui permettaient de déposer l’imprimé relatif à l’appareil approuvé, le gouvernement a retiré de la liste tous les appareils qui ne fournissaient pas d’imprimés montrant les résultats de tous les tests qui ont été effectués. En raison de ces deux éléments, nous croyons que l’exactitude du test sera exigée.
Le sénateur Pratte : Ma question concerne le paragraphe 320.28(2), qui porte sur l’évaluation et le prélèvement d’échantillons de sang pour déterminer la concentration d’une drogue. Je me demande pourquoi la loi accorde au policier le pouvoir discrétionnaire d’obliger la personne à se soumettre à une évaluation par un expert en reconnaissance des drogues ou à se soumettre à un prélèvement sanguin.
Il y a deux raisons pour lesquelles je me pose cette question. Premièrement, si la personne se soumet à une évaluation par un expert, cet expert ne peut pas exiger qu’un prélèvement sanguin soit fait avant l’évaluation. Cette personne est un expert, mais elle ne peut pas exiger qu’on effectue un prélèvement sanguin sur le conducteur avant qu’elle procède à l’évaluation. Cependant, le policier, qui n’est pas un expert, peut exiger un prélèvement sanguin. Il semble y avoir une anomalie, et je trouve cela étrange. Un simple policier peut ordonner à un conducteur de se soumettre à un prélèvement sanguin parce qu’il a un doute à la suite d’un test qu’il a effectué lors d’un contrôle routier, mais l’expert ne peut pas faire la même chose.
J’ai mentionné la deuxième raison à la ministre, hier. Étant donné que le policier peut exiger que le conducteur fournisse un échantillon de sang et peut l’envoyer à l’expert en reconnaissance de drogues, cela semble ouvrir la porte à une contradiction entre les résultats, ce qui pourrait être problématique en cour.
Je me demande pourquoi cette option existe. Pourquoi ne pas simplement prévoir que le policier envoie le conducteur à l’expert en reconnaissance de drogues ou décide de faire prendre l’échantillon de sang?
M. Yost : Premièrement, il s’agit de deux infractions différentes. Il y a la conduite avec facultés affaiblies par l’effet d’une drogue, et il y a la présence dans le sang d’une concentration de drogue supérieure à la concentration établie. Pour certaines drogues, une concentration maximale de drogue dans le sang sera prescrite par règlement. Le projet de règlement a déjà été rédigé.
Le policier muni d’un appareil de détection utilisé lors des contrôles routiers pourrait avoir des soupçons. Il pourrait avoir de très bonnes preuves des capacités affaiblies du conducteur. Il pourrait sentir le cannabis, son test de détection pourrait être positif et ainsi de suite. Si le type ne peut marcher droit ou est incapable de faire diverses choses de ce genre, le policier pourrait être convaincu qu’il a commis une infraction de conduite avec facultés affaiblies et qu’il dépasse la limite de THC permise dans son sang. En pareilles circonstances, on s’attendrait à ce que le policier opte directement pour le prélèvement d’un échantillon de sang.
Cependant, il y a beaucoup de drogues affaiblissant les facultés pour lesquelles il n’y a pas de concentration de drogue dans le sang. Il se peut que le policier dise : « La situation semble dépasser ce que j’ai été formé pour repérer lors de contrôles routiers, alors je vais vous envoyer à l’ERD. »
En franchissant ces étapes, il peut décider que le type est sous l’effet d’un dépresseur du système nerveux central, par exemple. Il y en a sept familles. Il va finalement obtenir un échantillon. Si un prélèvement sanguin a déjà été fait, il n’aura pas besoin de le faire. Il obtiendra les résultats. C’est lui qui décide.
Il n’est pas nécessairement contradictoire de dire qu’une personne se situe sous la limite de concentration de drogue dans le sang, mais que ses facultés sont quand même affaiblies. Nous avons eu des personnes dont l’alcoolémie était inférieure à 0,8 p. 100, mais à qui l’alcool ne fait pas très bien. L’expérience peut manquer, mais nous avons pu faire inculper des personnes qui étaient sous 0,8. Ce n’est pas si facile. Maintenant, presque toutes les provinces ont une limite de 0,5. Je soupçonne que les policiers préfèrent souvent imposer des sanctions administratives en retirant à ces personnes leur permis parce qu’elles ne sont pas tout à fait à 0,8. Nous avons eu des condamnations comme cela. Ce n’est pas nécessairement contradictoire.
Le sénateur Pratte : Je vais poursuivre dans la veine de votre réponse. À cause de l’incertitude scientifique de ces seuils de concentration de THC, la loi risque-t-elle davantage d’être contestée?
Comme je l’ai dit hier, le préambule dit que le but est de limiter ou réduire la conduite avec les facultés affaiblies le plus possible. Étant donnée l’incertitude scientifique concernant le lien entre les limites de 2 nanogrammes et de 5 nanogrammes, et la conduite avec facultés affaiblies, la loi risque-t-elle d’être contestée dans un cas où le conducteur pourrait dire : « Eh bien, oui, j’en étais peut-être à 6 nanogrammes, mais vous ne pouvez pas prouver scientifiquement que mes facultés étaient affaiblies. Je consomme du cannabis depuis 10 ans pour des raisons médicales, et vous ne pouvez tout simplement pas démontrer que mes facultés étaient affaiblies, même si mon taux était de 6 nanogrammes, ou de 3 nanogrammes. »
M. Yost : Nous nous attendons à des contestations sur à peu près n’importe quoi. C’est ainsi que cela se passe de nos jours. Pour les drogues, la science n’est pas aussi efficace que pour l’alcool et ne le sera probablement jamais parce que les drogues se consomment de diverses façons. Par exemple, le THC se retrouve plus dans les tissus adipeux que dans le sang. Il y a tout un éventail de problèmes.
Cependant, le gouvernement a reçu le rapport du Comité des drogues au volant. Dans la partie qui porte sur le THC, on dit tout d’abord que la marijuana est une drogue qui affaiblit les facultés. Les gens ne fument pas des joints pour mieux conduire leur véhicule, mais bien pour planer.
Il faut qu’on soupçonne que la personne a consommé de la drogue, qu’il y en a dans son organisme. Avant de lui faire passer un test sanguin, on doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’elle a commis une infraction.
Bien que nous nous attendons à des contestations, nul doute qu’on s’engage dans une nouvelle voie. C’est le meilleur outil que la technologie nous a donné jusqu’à maintenant. Essentiellement, les limites qui sont établies sont conformes à celles qui ont été établies par les pays qui ont établi des seuils de concentration de drogue dans le sang. Il s’agit de 2 nanogrammes au Royaume-Uni et de 5 nanogrammes au Colorado et ailleurs. Le gouvernement, par mesure de précaution, a décidé que ce serait de 2 à 5 nanogrammes pour envoyer le message à la population qu’il ne faut pas prendre le volant quand on consomme de la marijuana. Si une personne a au moins 5 nanogrammes de THC par millilitre de sang dans son organisme, le gouvernement estime qu’elle a consommé beaucoup de marijuana et qu’elle commet une infraction grave.
Voilà pour le contexte concernant la science, à ce que je sache. Vous entendrez peut-être le Comité sur les drogues au volant, qui en sait plus que moi à ce sujet.
Le président : Merci, monsieur Yost. Ce que vous dites soulève d’autres questions, mais ce n’est pas à mon tour à ce moment-ci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les ressources. Je reviens au procès-verbal de la réunion de l’International Association of Chiefs of Police. On notait en 2015 qu’il y avait eu 1 400 évaluations par des experts en reconnaissance de drogue et que, en 2016, il y en avait eu environ 1 800. On a 500 experts en reconnaissance de drogue, donc on parle de trois à quatre évaluations par année par expert. Ce n’est pas un gros volume. Cependant, si on veut doubler le nombre d’experts, on va tomber à 1 000 et on peut penser qu’il y aura davantage d’évaluations, davantage de tests en laboratoire. Qu’est-ce qui est prévu au chapitre des ressources en matière de tests en laboratoire, d’analyses et de personnel médical?
Le projet de loi indique qu’un médecin qualifié peut prendre un échantillon de sang. Si on augmente le volume et qu’on a des tests de sang, il faut des médecins et il faut les trouver. Donc, il faut déplacer la personne au centre hospitalier, et ceci dans les délais les plus rapides. J’ai lu également quelques études indiquant que le taux de THC dans le sang diminue de façon dramatique en une heure. Premièrement, nous devons faire ces analyses de sang le plus tôt possible pour conserver la preuve. Deuxièmement, il est aussi question de la détention illégale, c’est-à-dire qu’on ne doit pas détenir la personne pendant une longue période de temps : au plus une heure ou une heure et quart, selon la jurisprudence. Il y a deux raisons : d’abord, il y a la Charte en ce qui concerne la détention illégale, car il faut que ce soit fait à l’intérieur d’une heure ou d’une heure et vingt minutes, et il y a la conservation de la preuve, car le taux de THC dans le sang diminue de façon très rapide. Qu’avez-vous prévu pour augmenter les ressources en laboratoire et l’accès à des médecins qualifiés de façon plus rapide, compte tenu de l’augmentation du volume?
Mme Thompson : Je vous remercie de cette question, qui en contient plusieurs. Pour ce qui est des ressources de laboratoire, nous les avons prévues. Nous sommes encore à finaliser le processus, mais je pourrais dire que cela dépendra largement des ressources octroyées à la GRC pour veiller à ce qu’il y ait des ressources de laboratoire disponibles pour les services de police partout au Canada, tout au moins au début. Nous réfléchissons aussi sur la question à savoir s’il y a un marché du secteur privé qui pourrait peut-être aussi jouer un rôle à ce titre dans les années à venir. On aura une meilleure idée des chiffres.
Pour ce qui est de la question du personnel médical, oui, c’est vrai que dans l’ancien régime on prévoyait un médecin qualifié. Par contre, c’est une proposition qui permettrait aussi à d’autres experts, comme les phlébotomistes, de prendre des prises de sang. C’est une mesure qui est prévue dans le projet de loi et qui aidera énormément à alléger les pressions auxquelles vous avez fait référence. On entend de nos collègues, dans les provinces et les territoires, que les petites collectivités dans certaines régions visent aussi d’autres solutions innovatrices, parce que, comme vous le dites, il y a des pressions. Le projet de loi leur donnerait un peu de flexibilité pour faire appel à des gens plus à la portée de la main qui pourraient faire des analyses sanguines.
Le sénateur Carignan : Le ministre a dit que l’objectif était de doubler le nombre d’experts en reconnaissance de drogue. J’ai parlé avec des policiers. Dans une municipalité de 45 000 habitants, il y a un expert en reconnaissance de drogue. Au Nebraska, par exemple, qui est voisin du Colorado, une municipalité équivalente peut avoir cinq ou six experts en reconnaissance de drogue. La drogue n’y est pas légale encore. Pensez-vous vraiment que le seul fait de doubler le nombre d’experts sera suffisant? On est porté à parler de régions éloignées, que cela va prendre du temps à cause de la distance, et c’est vrai, mais le problème se pose aussi dans les milieux urbains à cause des embouteillages. Il faut transporter la personne, il y a un bouchon, on peut mettre 30 minutes pour faire une courte distance. La détention qui n’est pas arbitraire doit se faire dans un délai limite, d’après la Charte. J’ai l’impression qu’on va en perdre beaucoup si on ne fait que doubler le nombre d’experts en reconnaissance de drogue.
Mme Thompson : Il y a quelques points qui ont été faits et dont je vais discuter de nouveau, comme la question de la prévention qu’a abordée M. Brosseau. La prévention sera très importante, et c’est pourquoi on a parlé de la communication et de la campagne de sensibilisation qu’on mène en ce moment. La prévention, c’est très important. Vous avez raison, on ne veut pas que tout le monde soit pris dans des embouteillages avec des cas. Alors, on va essayer de faire de la prévention autant que possible, et on l’a fait. On l’a fait dans le dossier de l’alcool. Cela a pris plusieurs années. On sait que c’est possible aussi en ce qui a trait aux drogues et au cannabis, en particulier.
Pour ce qui est des ressources, comme le ministre l’a mentionné, nous travaillons de très près — presque quotidiennement — avec nos collègues provinciaux et territoriaux pour comprendre quelles sont les capacités et les lacunes. Nous voulons combler ces lacunes et nous assurer d’avoir une bonne capacité dans l’ensemble du Canada grâce aux fonds consacrés à cet effet. Ces fonds permettront d’augmenter le nombre d’experts en reconnaissance de drogue et le nombre d’agents de police formés pour faire le test de sobriété normalisé. Nous choisissons l’endroit où seront placés ces agents afin que nous soyons bien outillés partout au Canada, et nous mettons l’accent sur —
[Traduction]
Les petites collectivités urbaines et les collectivités rurales et autochtones.
[Français]
Il est important qu’il y ait une capacité dans ces endroits aussi. Nous travaillons avec eux pour voir où faire les meilleurs investissements, mais comme l’a dit M. Brosseau tout à l’heure, il y a déjà une infraction au Code criminel. Cela est criminalisé depuis 1925 . Il y a déjà une expertise, de l’expérience et des ressources qui existent. Nous entendons de certains de nos collègues dans les provinces et les territoires qu’ils s’attendent aussi à investir. Je ne crois pas que personne ne dépende strictement des ressources fédérales qui seront investies. Nos collègues examinent également la possibilité de faire des investissements à l’échelle provinciale et territoriale. Nous nous attendons à ce que cette formation soit incorporée dans le curriculum; un agent la recevra au cours de ses études collégiales. Cela dit, il faut retourner en arrière et former à nouveau ceux qui sont déjà formés, et nous devons former d’autres agents rapidement. Avec le temps, nous nous attendons à ce que cela fasse partie du curriculum de base.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Vous avez tous entendu mes questions. Monsieur Yost, vous avez entendu les questions que j’ai posées à la ministre de la Justice, de même que celles que j’ai posées au ministre de la Sécurité publique.
Je veux parler de l’article 320.23. À votre avis, dans quelle mesure l’application restreinte de cette disposition à seulement certains individus permettra d’atteindre les objectifs de la loi? Pourquoi pensez-vous qu’il devrait s’agir du consentement du procureur plutôt que de celui du juge? À votre avis, quelles seront les répercussions sur les collectivités vulnérables, comme les collectivités autochtones et les personnes indigentes qui ne pourront peut-être pas avoir accès au traitement?
M. Yost : Je vais tout d’abord commencer par parler des règles, si je peux le dire ainsi, qui sont énoncées à l’article 320.23. En fait, elles sont basées sur le paragraphe 720(2) actuel, qui porte sur le report :
[Le tribunal] peut, si le procureur général et le délinquant y consentent et en tenant compte de l’intérêt de la justice et de toute victime de l’infraction, reporter la détermination de la peine pour permettre au délinquant de participer […] à un programme de traitement agréé par la province […]
Tout ce que nous faisons ici, c’est adapter cela à la conduite avec facultés affaiblies en disant qu’une interdiction s’applique pendant que la personne suit le traitement, de sorte qu’elle ne peut pas conduire et nous ignorons si cela fonctionnera.
Bien entendu, l’autre chose, c’est que nous établissons qu’il ne s’agira pas d’une absolution si la personne récidive. Elle aura déjà été condamnée et s’exposera à une peine plus lourde. Voilà ce qui est prévu ici.
À l’heure actuelle, il y a ce qu’on appelle la « disposition sur l’absolution conditionnelle à une cure », qui est plutôt inusitée dans la mesure où elle n’entre en vigueur que si une province en fait la demande. Elle existe depuis 1985, et jusqu’à maintenant, l’Ontario, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et- Labrador et le Québec n’ont pas demandé son entrée en vigueur. Plus de 70 p. 100 de la population canadienne n’y a pas accès à l’heure actuelle.
D’après nos discussions avec les provinces qui l’appliquent, elles ont eu deux préoccupations importantes. Premièrement, il s’agissait d’une absolution et non d’une condamnation. Deuxièmement, il n’y avait aucune mesure de contrôle.
Elles ont dit qu’il s’agit d’un moyen offert aux riches. Une personne qui a un bon avocat et qui dit qu’elle a été admise au centre Betty Ford pour une période de 60 jours pourrait en bénéficier. Nous voulons qu’un droit de regard soit exercé sur le type de programme. Je crois comprendre que chaque province a déjà des programmes de traitement des dépendances à l’alcool et aux drogues.
Voilà de quoi il s’agit. Toutefois, je ne peux dire quelles seront les répercussions sur les collectivités vulnérables. Puisqu’il ne s’agit plus d’une mesure restrictive et non structurée, j’aime à penser que ce serait accessible aux gens qui en ont besoin. Or, il appartient aux provinces de déterminer quel type de programmes elles offriront, les critères d’admissibilité, et cetera. Je ne peux pas répondre à la question directement.
La sénatrice Pate : Compte tenu des objectifs que les deux ministres ont décrits, à savoir éliminer ou réduire le mieux possible les ravages causés par la conduite avec facultés affaiblies, et étant donné que nous connaissons la proportion de gens qui ont besoin de suivre un traitement, y a-t-il eu des discussions ou des études sur les raisons pour lesquelles il n’a pas été envisagé d’élargir ces dispositions s’il s’agit vraiment ici d’empêcher que cette situation se produise en plus de l’éducation du public?
M. Yost : En fait, j’ignore si une étude a été menée sur l’efficacité de la disposition prévoyant une absolution conditionnelle à une cure pour la réduction du taux de récidive.
Les mesures visent à encourager la personne à suivre un traitement avant qu’elle ne blesse ou ne tue quelqu’un d’autre, mais je ne sais pas ce qui en résultera. Nous devrions peut-être inclure cet élément dans notre rapport triennal : un autre élément à ajouter à la liste de choses sur lesquelles nous devrions faire rapport lorsque nous reviendrons devant le Parlement, en supposant que le projet de loi sera adopté.
La sénatrice Eaton : J’écoute vos témoignages depuis deux jours. Nous avons reçu de nombreux témoins, car la légalisation du cannabis était un élément important du dernier projet de loi d’exécution du budget.
J’ai une question très simple. Nous disons qu’il faut former le double du nombre actuel d’experts en reconnaissance de drogues certifiés et nous parlons des lois fédérales-provinciales. Il semble que les progrès scientifiques ne suivent pas le rythme auquel sont adoptées les mesures législatives. On n’utilise pas le dépistage aléatoire pour, par exemple, les camionneurs et les pilotes; cela préoccupe beaucoup un groupe comme ETCOF, qui représente ces personnes.
Pourquoi avez-vous imposé arbitrairement cette date, le 1er juillet, date à laquelle tout cela doit être bien en place? Je trouve extraordinaire qu’on ne puisse pas reporter d’une année l’entrée en vigueur des mesures pour s’assurer que l’on a les 3 000 experts en reconnaissance de drogues, qu’on a réfléchi aux tests de dépistages aléatoires et qu’on a laissé un peu de temps à la science de nous rattraper. Y a-t-il une vraie raison pour laquelle il faut que ce soit fait d’ici le 1er juillet?
Mme Thompson : En ce qui concerne la mise en œuvre, c’est vraiment une décision que le gouvernement a prise. Le sous-commissaire Brosseau a parlé de l’état de préparation des forces de l’ordre. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous assurer que nous serons prêts.
La sénatrice Eaton : Madame Thompson, tout ce dont les forces de l’ordre nous ont parlé, c’est du travail qu’il leur reste à faire. Les municipalités n’ont pas dit qu’elles étaient prêtes.
Si vous me dites qu’il s’agit d’une décision arbitraire, alors très bien. Or, si l’on dit que tout le monde est prêt alors que tous les gens qui comparaissent devant nous disent qu’ils ne le sont pas, je suis désolée, mais je trouve cela stupéfiant.
Mme Thompson : Je crois que beaucoup d’efforts sont présentement déployés afin que nous soyons prêts pour l’échéance de l’été qui a été fixée pour la sanction royale des règlements prévus dans la loi.
Une bonne partie du travail est en cours. Je crois que le ministre a parlé des discussions qui ont lieu. J’ai mentionné que nous communiquons quotidiennement avec des intervenants. Une partie de la formation a déjà été donnée et beaucoup d’autres formations seront données très bientôt.
Nous collaborons avec un comité de bénévoles du Comité des drogues au volant, mais ces gens ne ménagent pas les efforts pour que les appareils soient examinés et présentés à la procureure générale aux fins d’approbation ce printemps. Nul doute que beaucoup d’efforts sont menés.
La sénatrice Eaton : Je ne doute pas que vous travaillez tous d’arrache-pied, mais le choix de la date semble très arbitraire.
Le sénateur Gold : J’ai une question à poser à M. Yost. Un grand nombre de Canadiens peuvent consommer du cannabis à des fins médicales. Une bonne partie d’entre eux en consomment véritablement pour des raisons médicales; ce n’est peut-être pas le cas de tous, mais c’est le cas de bon nombre d’entre eux.
Avez-vous réfléchi au problème qui se pose pour une personne qui en consomme régulièrement pour des raisons médicales, ce qui est son droit constitutionnel? Même si elles consomment un produit composé surtout de CBD, il y a un peu de THC pour que le CBD fonctionne. Il demeure dans l’organisme pendant une assez longue période. Ces personnes se trouvent devant un dilemme. Même si elles n’en ont pas consommé pendant quelques heures, parce qu’elles en consomment régulièrement, il peut en rester dans leur organisme. Il se peut que leurs facultés ne soient pas affaiblies parce qu’elles en consomment régulièrement. Elles doivent faire un choix difficile : ne pas prendre leur médicament ou ne pas pouvoir conduire.
Avez-vous estimé que c’est un problème et, si c’est le cas, quelles solutions avez-vous envisagées pour concilier le privilège de conduire avec le droit de prendre des médicaments?
M. Yost : Cette question a été examinée en profondeur. Le problème tient en partie au fait qu’il y a une très grande différence entre l’autorisation de consommer de la marijuana et sa prescription. Le médecin ne dit pas à son patient de fumer trois joints contenant 7,3 p. 100 de THC par jour au repas. Il ne lui dira pas : « Je vous en prescris 90 pour un mois, et nous en parlerons plus tard. »
Conduire avec les facultés affaiblies par l’effet d’une drogue a toujours été un crime, qu’elle soit illicite, prescrite ou en vente libre. Il faut déterminer si la personne a les facultés affaiblies.
Concernant la question de la présence dans l’organisme, la concentration de THC dans le sang d’un consommateur régulier, les chercheurs m’ont rendu complètement perplexe au sujet de sa présence dans les tissus adipeux et du fait qu’il arrive parfois, pour des raisons que je ne comprends pas, qu’il soit libéré dans le sang.
Tout ce que je peux dire, c’est que les dispositions se fondent sur l’idée qu’on soupçonne la présence d’une drogue dans l’organisme. Le policier devra avoir de tels soupçons avant de même pouvoir demander un échantillon de salive.
Fait très intéressant, si une personne consomme du THC par un autre moyen que celui de fumer un joint, le résultat obtenu par un échantillon de salive ne correspond pas du tout à la concentration dans le sang. C’est un autre aspect qui complique les choses.
Si le policier a des raisons de croire qu’une personne a consommé de la drogue et que c’est le cas, c’est là qu’un autre problème se pose : la concentration dans la salive ne correspond pas à la concentration dans le sang. Si le policier a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, il peut faire passer un test sanguin. C’est à ce moment-là que nous déterminons, après une analyse en laboratoire, si le seuil de 2 ou de 5 nanogrammes a été dépassé et si des accusations seront portées.
Ce n’est pas un système parfait, mais il est difficile de déterminer comment régler cela pour les gens qui consomment. C’est la situation actuelle sur les routes, bien sûr. Les gens ont consommé de la marijuana. Ils sont autorisés à le faire. Ils peuvent tout de même être accusés de conduite avec facultés affaiblies par l’effet d’une drogue.
Ce qui est différent, c’est la concentration de drogue dans le sang. La limite de détection qui a été proposée par le Comité des drogues au volant, pour nos routes, c’est 25 nanogrammes et au Royaume-Uni, c’est 10. Je crois que pour atteindre une limite de 25 nanogrammes, les gens auront consommé une assez grande quantité de cannabis, mais vous voudrez peut-être examiner la question avec le Comité des drogues au volant plutôt qu’avec moi.
Le sénateur Gold : Mon hypothèse, c’était que des gens pourraient échouer au test même s’ils n’ont pas les facultés affaiblies parce que leur taux est de 3 nanogrammes de THC par exemple, dans des circonstances où c’est 3 nanogrammes parce que trois heures plus tôt, ils ont pris leur médicament, peu importe le moyen. En principe, ils n’ont pas les facultés affaiblies, mais ils ont enfreint la loi parce qu’ils prennent un médicament prescrit.
Je présente cela comme un dilemme. Je comprends que, comme vous le dites, ce n’est pas facile de trouver une solution à cet égard, mais je ne peux que supposer qu’il y aura des contestations judiciaires. Je me demandais quelles options vous examiniez et si vous pouviez nous en parler.
M. Yost : J’aurais voulu le faire, mais c’est un point sur lequel on s’est penché concernant la question d’un test aléatoire pour la présence de drogue. Une personne se ferait arrêter sur la route, et pas parce qu’elle conduit mal, ni pour quoi que ce soit d’autre. S’il s’agit d’un consommateur de marijuana à des fins médicales, on pourrait constater qu’il y en a et le processus s’entamerait. Ce n’est pas comme dans le cas de l’alcool où l’appareil de dépistage fournit des données fiables sur le taux d’alcoolémie.
C’était l’un des facteurs concernant les tests aléatoires de dépistage des drogues et l’idée de se fonder sur un soupçon raisonnable suivi des motifs raisonnables.
Le sénateur Gold : Si je comprends bien, c’est un filtre pour éliminer une certaine catégorie de personnes qui consomment la marijuana pour des raisons médicales et qui n’ont pas les facultés affaiblies. C’est seulement lorsque l’on a des soupçons de conduite avec facultés affaiblies que l’on demanderait à une personne de faire le test de salive, et peut-être l’autre test.
M. Yost : C’est qu’on soupçonne la présence de drogue dans l’organisme. Ce ne serait peut-être pas une bonne idée de mettre la marijuana thérapeutique bien en vue pendant qu’on conduit, car cela peut attirer des soupçons, mais oui, en effet.
La sénatrice Boniface : Je poserai ma question à un autre groupe de témoins.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’aimerais savoir si les gens sont en mesure de nous fournir des données spécifiques.
Par exemple, monsieur Brosseau, madame Thompson, serait-il possible de connaître le nombre d’appareils de détection disponibles? Combien d’agents évaluateurs sont en place actuellement? Combien de postes de la GRC ne posséderont pas ces appareils en date du 1er juillet prochain? Enfin, madame Thompson, quelle est la projection de l’augmentation du taux de mortalité sur les routes liée à la consommation de marijuana pour la prochaine année? Si vous légalisez ce produit, vous connaissez certainement déjà l’impact de la consommation de cannabis sur les accidents routiers.
Ce sont donc les quatre données dont j’aimerais disposer. Pourrez-vous nous acheminer ces renseignements au cours des prochains jours?
La sénatrice Dupuis : Madame Thompson, j’ai trouvé très intéressant que vous ayez fait allusion à l’expérience que le gouvernement a acquise à partir de la création d’une norme quant à l’alcool.
Détenez-vous des données sur les analyses ou les projections que vous avez effectuées sur la mise en œuvre d’une nouvelle norme portant sur la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, en vous référant à l’analyse du gouvernement sur les données qui y sont liées? Si vous aviez ce type de données, nous aimerions en prendre connaissance. Merci.
Mme Thompson : Nous n’avons pas d’analyse qui aurait été effectuée par Sécurité publique. Par contre, nous détenons des analyses effectuées par la Canadian Society of Forensic Science Drugs and Driving Committee. C’est avec plaisir que nous transmettrons le document au greffier du comité.
Le président : S’il n’y a pas d’autres questions, je vous remercie, madame Thompson, commissaire Brosseau, madame Huggins et monsieur Yost.
[Traduction]
Je parie que M. Yost restera dans la pièce au cours des prochaines séances pour pouvoir nous aider s’il y a des questions.
M. Yost : J’ai entendu une rumeur selon laquelle on me fera comparaître la semaine prochaine pour un contre-interrogatoire de deux heures.
Le président : Nous vous accueillerons chaleureusement.
[Français]
Merci beaucoup pour votre contribution. Nous vous sommes reconnaissants de votre coopération. Nous attendons de recevoir ces renseignements supplémentaires.
(La séance est levée.)