Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 43 - Témoignages du 9 mai 2018
OTTAWA, le mercredi 9 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 16 h 17, pour poursuivre l’étude de ce projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bienvenue. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Nous avons le plaisir d’accueillir cet après-midi M. Marc Paris, directeur général, Jeunesse sans drogue Canada. Nous accueillons aussi, par vidéoconférence, M. Hubert Sacy, directeur général, Éduc’alcool. Il n’est pas encore arrivé.
Nous vous écoutons, monsieur Paris.
[Traduction]
Marc Paris, directeur général, Jeunesse sans drogue Canada : Merci, monsieur le président et distingués membres du comité. Nous sommes heureux d’avoir la possibilité de nous adresser à votre comité et de commenter les modifications au Code criminel, plus particulièrement en ce qui a trait à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue.
Jeunesse sans drogue Canada est un organisme sans but lucratif qui ne reçoit aucun financement du gouvernement et qui s’emploie à informer les parents au sujet de la drogue, à sensibiliser la population aux enjeux entourant la consommation de drogues et à faciliter le dialogue entre les parents et les adolescents pour que tous les jeunes soient capables de vivre sans abuser de substances.
Étant donné que nous ne sommes pas des spécialistes en droit ou en politiques publiques pas plus que nous n’avons d’expérience dans le domaine de l’application de la loi, nous ne creuserons pas le projet de loi dans ses menus détails. Nous parlerons plutôt de nos préoccupations, qui sont au nombre de deux. L’une d’elles concerne la nécessité de modifier la perception d’une assez grande proportion d’adolescents, qui croient que fumer du pot et conduire n’est pas aussi dangereux que boire de l’alcool et conduire. La seconde est la nécessité de prendre des moyens efficaces pour dissuader les jeunes de consommer du cannabis et de conduire.
Au sujet de la première, selon notre dernier sondage national auprès d’adolescents, 31 p. 100 des 13 à 15 ans sont d’accord avec l’énoncé selon lequel consommer du cannabis avant de prendre le volant n’est pas aussi mauvais que de prendre la route après avoir bu de l’alcool. Toutefois, chez les 16 à 19 ans, cette proportion était beaucoup plus élevée, à 41 p. 100.
Il y a un autre aspect dont les parents doivent se préoccuper. Il s’agit des enfants qui montent dans une voiture dont le conducteur est sous l’effet d’une drogue. Une récente étude ontarienne a révélé que plus d’un élève de 12e année sur cinq admet avoir été passager d’un véhicule dont le conducteur avait consommé de la drogue.
À Jeunesse sans drogue Canada, nous croyons que les parents peuvent avoir beaucoup d’influence sur le comportement des adolescents.
Selon notre enquête nationale, la principale raison pour laquelle les jeunes disent éviter les drogues c’est pour ne pas décevoir leurs parents. Lorsque nous faisons des campagnes ciblant les parents pour qu’ils parlent à leurs enfants de la conduite sous l’effet de la drogue, que ce soit comme conducteur ou comme passager, nous exerçons une influence sur les adultes à qui nous rappelons que leur propre comportement compte.
L’excellent travail accompli au cours des 30 dernières années par des organismes comme MADD et la CAA, qui, je pense, témoignent devant un autre groupe d’experts, et Éduc’alcool, ont beaucoup contribué à rendre la conduite en état d’ébriété socialement inacceptable. Nous devons maintenant faire la même chose pour les drogues, et surtout pour le cannabis.
Des facultés affaiblies, ce sont des facultés affaiblies. Le message doit être clair et, surtout, auprès des jeunes.
Notre seconde préoccupation, c’est de savoir comment nous allons faire pour que la loi soit assez dissuasive pour que les jeunes y réfléchissent à deux fois avant de conduire sous l’effet d’une drogue.
Notre position sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue est simple : il faut légiférer et veiller à appliquer la loi avec toute la rigueur possible dans les limites de la Charte des droits. Des mesures dissuasives efficaces contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue doivent être prises, d’autant plus que nous sommes sur le point de légaliser une substance psychotrope. Ce qui n’est pas évident, ce sont les mesures qui ne sont pas en place pour faire respecter la loi. Il n’y a pas suffisamment de policiers ayant reçu une formation d’expert en reconnaissance de drogues. Il n’a pas été entièrement prouvé que les appareils sont fiables et ils sont en nombre insuffisant. Le plus important, c’est que la science n’a pas déterminé à quelle concentration le THC affaiblit les facultés.
Cela nous ramène donc à l’importance de sensibiliser et d’informer la population. C’est peut-être la seule chose qui sauvera nos enfants d’ici à ce que la science, les forces de l’ordre et les tribunaux trouvent des réponses. Quelles que soient les lois en vigueur, à défaut d’informer la population sur les risques inhérents à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et de l’y sensibiliser, nous continuerons de voir des hécatombes sur nos routes. Cela veut dire que nous avons un sérieux travail à faire auprès des jeunes conducteurs actuels et de la future génération de conducteurs.
Nous sommes ici pour vous dire que les messages d’éducation publique fonctionnent. Grâce aux campagnes nationales multimédia des six dernières années, un plus grand nombre de parents abordent plus fréquemment la question des drogues avec leurs enfants. En fait, 89 p. 100 des parents ont parlé précisément des drogues à leurs enfants au cours de la dernière année. Bien que nous observions des changements dans l’attitude des adolescents à l’égard de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
JSD Canada crée des campagnes de prévention de la conduite avec facultés affaiblies depuis quatre ans. Notre plus récente campagne intitulée The Call That Comes After a pris fin dimanche dernier. C’est une campagne nationale de 10 millions de dollars qui a remporté 15 prix publicitaires nationaux et internationaux, et qui a été classée parmi les 100 meilleures campagnes de publicité du monde entier. Et ce qui importe encore plus, c’est que le site a été consulté plus de 46 000 fois par des parents et des enfants des quatre coins du pays.
Nous devons rappeler au gouvernement qu’il s’est engagé à consacrer une partie de ses recettes à la prévention et à l’éducation. Nous suggérerions également au gouvernement qu’il travaille plus étroitement avec des organisations qui ont fait leurs preuves dans ce domaine. La diffusion de messages cohérents a fonctionné pour les ceintures de sécurité, la lutte contre le tabagisme et l’alcool au volant. Nous pouvons et devons faire la même chose pour la conduite sous l’influence de la drogue. C’est la seule façon de s’assurer que les jeunes et leurs parents comprennent que la consommation de cannabis n’est en aucune circonstance favorable à la conduite. Le cannabis est une substance qui, tout comme l’alcool, nuit grandement à la capacité de conduire, même si elle deviendra bientôt légale.
J’aimerais remercier le comité de nous avoir permis de présenter notre point de vue.
Le président : Merci infiniment, monsieur Paris.
Honorables sénateurs,je constate que le représentant d’Éduc’alcool, au Québec, qui doit témoigner devant le comité, n’est pas encore arrivé pour participer à la vidéoconférence. Toutefois, je vais amorcer l’échange avec nos autres témoins de cet après-midi. Je vous avertirai lorsque nous aurons une occasion d’entendre notre témoin du Québec.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Monsieur Paris, merci de votre présence parmi nous. J’ai pris connaissance de vos activités, y compris de la vidéo intitulée The Call that Comes After, qui est assez spectaculaire, et certaines personnes pourraient dire que le ton est provocateur. Vous avez parlé de la nécessité d’adopter une loi très stricte et de mener une campagne qui convaincrait non seulement les jeunes, mais aussi les parents.
Le plus récent sondage de Statistique Canada, publié en février dernier, comportait des questions sur la consommation de drogue. À qui les jeunes demandent-ils de la drogue? De qui en obtiennent-ils? Voici l’ordre des réponses : D’abord, au sein de la famille; ensuite, d’un ami; enfin, d’un groupe d’amis. J’ai été surprise de constater que la famille était la première source.
Selon vous, qu’est-ce qu’on devrait faire pour convaincre les jeunes et les parents? Parce que The Call that Comes After aurait pu être une vidéo intitulée The Call that Came Before.
M. Paris : Oui. Premièrement, il est évident que l’éducation est importante. La plupart de nos campagnes sont axées sur les parents, parce qu’ils ont le plus d’influence sur les jeunes. Il faut leur apprendre ce qui se passe dans la vie de leurs jeunes et comment ils doivent communiquer avec eux. La brochure que j’ai ici, intitulée Parler cannabis : savoir discuter avec son ado, vise à aider les parents à apprendre à communiquer avec leurs jeunes. Environ 250 000 exemplaires de cette brochure ont été distribués ou téléchargés. Santé Canada a financé une partie des coûts d’impression. Vous allez constater que cette brochure a eu un impact réel. Les Territoires du Nord-Ouest viennent tout juste de la distribuer dans tous les foyers. D’ailleurs, CBC m’a appelé pour m’interviewer demain.
L’important, dans ce genre d’initiatives, c’est de mener des campagnes continues. Les campagnes gouvernementales, si j’ose le dire, sont financées. Le temps d’antenne est acheté. Aucun gouvernement n’a les moyens de mener des campagnes continues toute l’année, 52 semaines par année. Nous avons créé un partenariat spécial avec nos 60 partenaires médiatiques. Ils nous donnent le temps d’antenne et l’espace publicitaire à titre de message d’affaire publique. Nous devons pouvoir compter sur du matériel continu et à jour pour continuer à transmettre des messages. C’est ce qui fait la différence.
Pour ce qui est des parents, je pense que, dans la plupart des cas, c’est probablement un frère ou une sœur qui fournit de la drogue à son jeune frère ou à sa jeune sœur. Je serais moins enclin à croire que ce sont les parents eux-mêmes qui donnent du cannabis à leurs enfants, bien qu’on ait déjà entendu de telles histoires.
La sénatrice Dupuis : En ce qui concerne la vidéo The Call that Comes After, ce qui m’a frappée dans le message, c’est qu’il est très direct, très clair et même brutal dans sa conclusion, dans le sens où il dépeint la réalité. Elle peut paraître choquante, mais c’est la réalité.
La Société de l’assurance automobile du Québec a mené une campagne d’information sur l’alcool au volant en diffusant d’abord un message plutôt modéré, et on a constaté que ça ne donnait pas beaucoup de résultats. On a fini par diffuser des messages semblables à votre clip, c’est-à-dire des messages très forts, très intenses, très choquants et très percutants.
Êtes-vous en train de nous dire que, quand on parle de campagnes d’information destinées au public en général, on devrait commencer avec un message très direct, comme dans l’exemple que vous nous avez fourni?
M. Paris : Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous menons des campagnes depuis quatre ans. Donc, nous n’en sommes pas à nos premières armes. Ça doit faire quatre ou cinq différentes campagnes que nous faisons. Cette campagne-là a été organisée de manière à utiliser les mêmes appareils dont se servent les parents pour communiquer avec leurs enfants, soit le téléphone. Le but était d’ouvrir la conversation avec les jeunes au moyen de la technologie. Les parents envoyaient un message à leurs enfants leur demandant de regarder la vidéo. C’était une première mondiale d’avoir des vidéos personnalisées. L’enfant regardait la vidéo et recevait le même message sur son propre téléphone. L’utilisation de la technologie a permis de rejoindre les jeunes d’une façon intéressante. Cela donnait la chance aux parents d’ouvrir avec un dialogue avec leur enfant. C’était le but. La vidéo a été conçue pour les jeunes.
On a créé des groupes de discussion avec des jeunes. Ils ont réagi en disant : «Ca aurait pu être moi. » La vidéo montre une petite intrigue amoureuse puis, tout à coup, un accident. Les jeunes ont dit qu’ils n’auraient pas pu répondre à leur mère si ça avait été le cas. Les jeunes n’ont pas peur de se faire dire la vérité. Ce qu’ils ne veulent pas entendre, ce sont des messages tels que « si tu fais telle chose, tu vas mourir ». Ce n’était pas notre but. C’était plutôt d’utiliser une approche par la bande pour aider les parents à ouvrir le dialogue.
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup de votre témoignage fort intéressant. Je tiens à vous féliciter pour votre préoccupation à l’égard de notre jeunesse. On sait que ce sont les plus grands consommateurs de cette substance et que les impacts risquent d’être plus importants pour eux.
Certains comités, entre autres le nôtre et celui des peuples autochtones, dans leurs rapports, préconisaient de retarder l’entrée en vigueur de la légalisation de la marijuana, parce qu’il est difficile d’anticiper la disponibilité des équipements des forces policières. Nous sommes presque rendus en juin et nous ne savons pas encore quel type d’équipement les policiers utiliseront ni si la formation leur sera donnée à court terme.
Vos statistiques sont très éloquentes. Les jeunes fument plus qu’ils ne boivent lorsqu’ils conduisent. Ils accompagnent plus souvent des jeunes qui ont fumé que des jeunes qui ont bu de l’alcool. Il y a un transfert du point de vue de la consommation. Est-ce à cause du contrôle policier qui est plus difficile pour la marijuana que pour l’alcool? Il y a toutes sortes de raisons. La réponse du gouvernement a été une fin de non-recevoir quant à l’idée de retarder l’entrée en vigueur. C’est ce que j’ai décodé de la position primaire du gouvernement.
Devant une telle situation, quelles sont vos appréhensions quant au fait que les policiers ne sont pas prêts et que les jeunes sont les plus grands consommateurs de cannabis? Des experts nous ont dit la semaine dernière que le projet de loi est conçu pour les fumeurs et non pour ceux qui consomment cette substance sous forme de produit, comme des muffins, et cetera. Devant une situation où l’on risque de ne pas avoir les outils nécessaires pour contrôler ces jeunes, quelles sont les conséquences anticipées liées à l’absence de contrôle routier au cours des prochains mois, entre autres?
M. Paris : Nous avons déjà un problème au Canada. Les jeunes de 16 à 24 ans sont les plus grands consommateurs de cannabis au monde. Que ce soit légalisé demain ou dans un an, nous avons déjà un problème. Je ne pense pas que le fait de retarder...
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Paris, à l’heure actuelle, lorsqu’un policier contrôle un jeune, il applique une tolérance zéro. Cependant, le projet de loi permettra un certain niveau de consommation. On ne sera pas dans la même interdiction.
M. Paris : Je suis d’accord avec vous. Voilà pourquoi on dit que l’éducation est importante. Si on a réussi à convaincre les jeunes qu’il n’est pas acceptable de conduire sous l’effet de l’alcool, on devrait être capable de faire la même chose pour le cannabis. De toute façon, il faudra le faire. Donc, aussi bien commencer les campagnes plus tôt et prévoir des campagnes continues et percutantes où, chaque fois, on transmet un message différent pour essayer de convaincre les gens. Cela a pris 20 ans avec l’alcool.
Le sénateur Boisvenu : Le fait que les policiers ne soient pas prêts en ce moment et qu’on légalise le cannabis ne vous inquiète pas?
M. Paris : Oui, ça nous inquiète. Il devrait y avoir une tolérance zéro. Je sais que cela relève des provinces. On n’a pas osé en parler ici. Selon nous, il devrait y avoir une tolérance zéro pour les jeunes de 21 ans et moins, jusqu’à ce qu’on réussisse à trouver les barèmes pour mesurer les niveaux d’intoxication.
Le sénateur Boisvenu : C’est un peu ce que le spécialiste nous disait la semaine dernière. À défaut d’outils précis pour bien contrôler, la tolérance zéro serait peut-être l’avenue la plus logique jusqu’à ce qu’on ait les outils. C’est ce que vous préconisez.
M. Paris : Oui, surtout pour les jeunes.
Le président : Notre témoin d’Éduc’alcool du Québec vient d’arriver.
[Traduction]
Bonjour, monsieur Sacy. Pouvez-vous m’entendre?
[Français]
Hubert Sacy, directeur général, Éduc’alcool : Oui, parfaitement, merci.
Le président : Je vous invite à faire votre présentation d’une durée d’environ cinq minutes. Mes collègues sont autour de la table et ils auront la possibilité d’échanger avec vous. Nous avons eu le plaisir d’entendre M. Marc Paris, de Jeunesse sans drogue Canada. La parole est à vous, monsieur Sacy.
M. Sacy : Je vous remercie infiniment, monsieur le président. Tout d’abord, je voudrais m’excuser auprès des membres du comité. Nous avons eu une panne Internet depuis ce matin. Vous savez, il y a la dépendance à l’alcool, mais aujourd’hui, dans nos bureaux, nous sommes encore dépendants d’Internet. Le système n’étant pas revenu, je suis obligé d’y aller de mémoire en vous priant d’être indulgents à mon endroit.
L’essentiel du mémoire que nous vous avons transmis porte sur la dimension de l’alcool au volant et, particulièrement, sur les tests d’haleine aléatoires, qu’on appelle les tests de dépistage obligatoire dans le projet de loi que vous étudiez actuellement.
Nous savons bien sûr — et toutes les recherches scientifiques abondent dans ce sens — que l’un des déterminants essentiels pour réduire la conduite avec facultés affaiblies, c’est l’idée de se faire arrêter si on enfreint la loi. La probabilité de se faire arrêter, au stade où nous en sommes aujourd’hui — parce qu’on ne peut pas nier qu’il y a eu des progrès considérables —, est l’élément qui fait la grande différence. Il existe un proverbe français, et je crois qu’il existe l’équivalent en langue anglaise, qui dit que « la crainte est le commencement de la sagesse ». Il suffit de voir une voiture de police sur le bord d’une autoroute lorsqu’on fait de la vitesse excessive pour ralentir immédiatement. La raison est très simple, c’est parce qu’on craint de se faire intercepter.
Les tests de dépistage obligatoire — je vais emprunter le vocabulaire du projet de loi — sont en vigueur dans plusieurs pays démocratiques où ils ont eu des résultats probants. Ils ont réduit de manière assez notable la conduite avec les facultés affaiblies.
Nous savons que nous avons au Canada une grande tradition de défense des droits et libertés individuelles et que, lorsqu’il s’agit de restreindre les libertés individuelles, il faut être extrêmement prudent. Ce qu’on doit mettre dans la balance, c’est, d’une part, un inconvénient, et d’autre part, les vies humaines que l’on peut sauver de manière concluante. Bien sûr, il est désagréable de se faire demander de souffler dans un alcotest si on est en parfait état de sobriété. Cependant, aujourd’hui, nous savons — parce que les recherches scientifiques l’ont démontré — que les policiers réchappent au moins 40 p. 100 des gens qui conduisent avec les facultés affaiblies. Je vais citer comme exemple cette enquête qui a été faite où on a installé un barrage aléatoire 500 mètres devant un barrage traditionnel de la police où les policiers devaient avoir des raisons suffisantes pour demander à des conducteurs de souffler dans l’éthylomètre. Ils ont laissé passer à peu près 50 p. 100 des gens qui avaient un taux de plus de 0,08 à ce moment-là.
Compte tenu des inconvénients mineurs, mais des avantages majeurs que l’on aurait en permettant à la police de mener des tests d’haleine obligatoires pour prendre le pouls des conducteurs de manière aléatoire, ça veut dire qu’on pourrait les prendre tous, un sur trois, un sur deux, peu importe. L’important est que les gens sachent qu’il ne suffit pas de camoufler, de faire semblant, de mâcher de la gomme ou d’avoir l’air enjoué pour éviter de passer un alcotest. C’est une mesure mineure.
En terminant, je rappelle que chaque passager qui prend l’avion est obligé de se soumettre à une fouille assurément plus désagréable que celle qui consiste à souffler dans un tube. Or, personne ne s’en plaint, parce qu’il s’agit de la sécurité de tous.
Je vous réitère toutes mes excuses pour mon retard, et je vous remercie infiniment de votre attention.
Le président : Merci, monsieur Sacy.
Le sénateur McIntyre : Monsieur Sacy, merci de votre mémoire. Je suis d’accord avec vous, la modération a bien meilleur goût. J’aime beaucoup la première page de votre mémoire, qui indique ceci : « Éduc’alcool dit oui aux tests d’haleine obligatoires pour augmenter la perception qu’on risque de se faire arrêter si l’on conduit en état d’ébriété. » Toute cette question de perception est très importante. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur cette question?
M. Sacy : Oui. Nous savons que les défenseurs des droits et des libertés ont beaucoup de réticence par rapport à cela. Nous avons des faits — et vous en avez quatre ou cinq pages dans le mémoire — par lesquels il a été démontré que ces tests empêchent des gens de conduire qui, autrement, seraient sur nos routes en état d’ébriété, à partir du moment où les policiers sont en mesure de tester l’haleine, de faire souffler les conducteurs dans un ivressomètre et qu’ils le font de manière rigoureuse.
Cela, c’est extrêmement important, et je pense qu’il est essentiel d’insister sur cet élément-là. Ce n’est pas seulement dans l’intérêt des autres, mais c’est aussi dans l’intérêt du conducteur lui-même. Parce qu’un conducteur en état d’ébriété, c’est vrai qu’il peut tuer quelqu’un d’autre sur une route, c’est indiscutable, mais c’est vrai aussi qu’il peut aussi blesser et mutiler des gens et leur rendre la vie encore pire que s’ils avaient été tués, parce qu’ils vont survivre dans des conditions absolument insoutenables.
C’est vrai également pour le conducteur lui-même, parce que souvent ces conducteurs qui ont les facultés affaiblies ont perdu ce sens du réalisme et ils sous-estiment complètement leur incapacité. Ils pensent qu’ils sont en état de conduire, mais on le sait, l’abus d’alcool affecte aussi le jugement et, à partir du moment où notre jugement est altéré, on n’est plus en état de prendre la bonne décision.
Alors, lorsqu’on sait à l’avance — et c’est cela qui est important — qu’on risque de se faire arrêter, on va agir différemment.
Je peux vous donner un autre exemple, car j’ai travaillé pendant quatre ans comme directeur de la Société des transports de la communauté urbaine de Montréal.
Le président : Je dois vous interrompre, monsieur Sacy, car quatre de nos collègues veulent prendre la parole, et il ne nous reste que 12 minutes. Je vais demander des questions et des réponses succinctes, autrement mes collègues n’auront pas le temps d’échanger avec les témoins.
Le sénateur Pratte : Monsieur Paris, je veux revenir sur le choix de votre organisme de compter d’abord sur les parents. J’en comprends la logique, mais j’aimerais que vous expliquiez un peu plus ce qui vous a amené à faire ce choix, parce que je pense, comme tout le monde ici, que comme parents, c’est un choix qui me paraît un peu étonnant. Je comprends que les parents dialoguent avec leurs enfants, mais on entend et constate souvent que ceux qui, au moins par leurs paroles, n’ont peut-être pas beaucoup d’influence sur leurs enfants pour ce genre de choses, ce sont bien les parents. On a l’impression que, parfois, les enseignants, les pairs surtout, c’est-à-dire leurs amis, ont beaucoup plus d’influence que les parents, surtout par leurs paroles. Dans les comportements, c’est autre chose. Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce choix, à passer d’abord par les parents?
M. Paris : Notre organisme a connu ses débuts il y a sept ou huit ans. Nous nous sommes modelés un peu selon les lignes d’un organisme américain, qui s’appelle Partnership for Drug-Free Kids, et qui s’appelait auparavant Partnership for Drug-Free America, et qui a la même approche. Des études démontrent que les parents ont une grande influence sur leurs jeunes. Comme nos recherches nous le démontrent, les jeunes disent que l’idée de ne pas décevoir leurs parents est une raison importante d’éviter de faire un mauvais choix. Lorsqu’un parent discute avec son jeune de 18 ans qui mesure six pieds deux pouces, il pense souvent que c’est un adulte.
Le sénateur Pratte : Six pieds quatre pouces, dans mon cas.
M. Paris : Bon, voilà. Mais je peux vous dire qu’une fois qu’ils sont dans une fête et que quelqu’un leur offre une pilule... Avez-vous eu une conversation avec votre fils ou votre fille et leur avez-vous demandé : « Qu’est-ce que tu ferais si quelqu’un t’offrait quelque chose? Comprends-tu les risques que tu prends à prendre n’importe quoi? » Je peux vous dire que, à ce moment-là, maman ou papa est juste là derrière sur son épaule. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de campagne pour sensibiliser les jeunes, absolument pas. Cela aussi, c’est un outil parmi d’autres de la boîte à outils, mais il faut aussi miser sur la communication auprès des jeunes. Or, c’est une communication et une approche complètement différentes. Les médias sont différents. Il y a aussi l’éducation dans les écoles, il y a les pairs, il y a les entraîneurs sportifs. Tous ces gens peuvent jouer un rôle auprès des jeunes. Nous avons choisi le créneau des parents, mais ce n’est pas l’unique approche pour tout changer.
[Traduction]
Le sénateur Sinclair : J’ai trouvé que les deux exposés étaient un peu contradictoires pour la raison que le sénateur Pratte vient de faire valoir, à savoir que vous semblez mettre l’accent sur les parents, monsieur Paris, alors qu’Éduc’alcool met l’accent sur la dissuasion, la crainte d’être découvert ayant l’effet dissuasif le plus important, si j’ai bien compris l’exposé.
Pour en revenir à votre exposé, monsieur Paris, vous avez investi 10 millions de dollars dans un programme d’éducation qui cible les parents ou met l’accent sur eux. En particulier, vous nous avez indiqué que, compte tenu de cette expérience, les enfants ou les jeunes ont tendance à écouter leurs parents et sont donc de bons candidats pour ce genre de programmes. Je pense aux enfants vulnérables de la société, à ceux qui n’entretiennent pas de bonnes relations avec leurs parents. Ces enfants sont nombreux.
Plus de 50 p. 100 des enfants pris en charge par les services de protection de l’enfance sont d’origine autochtone. Ils ne vivent pas avec leurs parents; ils vivent dans des foyers de groupe ou des familles d’accueil avec des parents qui, souvent, ne se comportent pas comme des parents avec eux, mais plutôt comme des travailleurs sociaux avec leurs clients. J’imagine qu’ils ne bénéficieront pas de votre approche pédagogique. Est-il juste de le dire?
M. Paris : Je suis tout à fait d’accord avec vous.
Soit dit en passant, nous ne sommes pas opposés à la dissuasion. Nous avons mentionné dans notre mémoire que la dissuasion doit être employée. Nous ne savons simplement pas ce à quoi cela devrait ressembler en ce moment, en raison du manque de suivi scientifique.
Je conviens que les groupes vulnérables, qu’il s’agisse des enfants des quartiers défavorisés ou des jeunes autochtones, sont des cas spéciaux qui exigent une approche différente. Mes antécédents sont en marketing et en communication. Si vous souhaitez avoir une certaine incidence, vous devez comprendre la nature de votre auditoire et cibler ce groupe.
Je dirais que des campagnes mettant l’accent sur ces groupes auraient un aspect différent. Notre organisation est de petite taille, et elle n’est pas en mesure de diffuser une multitude de messages. Nous devons donc choisir nos batailles. Nous avons décidé de travailler avec les grands médias, et les consommateurs de ces grands médias sont principalement des adultes. En toute honnêteté, les enfants ne regardent pas l’émission The National, de CBC.
Oui, cette approche est différente. Nous avons choisi de ne pas nous engager dans cette voie simplement par manque de ressources.
Le sénateur Pratte : Merci.
La sénatrice Boniface : Premièrement, j’aimerais vous remercier tous deux de vos exposés.
Monsieur Paris, je souhaite revenir sur l’argument que vous faites valoir à propos de la mesure législative. Lorsque j’examine la mesure législative, je constate qu’elle offre aux services de police de nouveaux outils de travail. Compte tenu du fait que les dispositions relatives à la conduite sous l’influence de la drogue sont en vigueur depuis les années 1920, quel aspect, selon vous, est le plus important pour transmettre le message?
Quand il s’agissait de sensibiliser la population à l’alcool au volant, cela a exigé une génération. Comme vous le savez, le comportement à l’égard de l’alcool de la génération dans laquelle j’ai grandi était certainement différent de celui de la génération de mon fils, dont la solution a été le conducteur désigné.
Je suis curieuse de savoir quelle sera, selon vous, la solution pour transmettre le message, d’après les recherches que vous avez menées. Selon ce que me disent les forces de l’ordre, cela se produit aujourd’hui pour une multitude de drogues et, dans certains cas, pour une combinaison d’entre elles.
M. Paris : Tout à fait.
La sénatrice Boniface : Vous dites que les parents sont votre solution au problème. C’est ce que vous observez. Pourquoi ne pas transmettre le message directement aux jeunes? Comment envisagez-vous cela sur le plan du marketing?
M. Paris : Il faudrait que vous adoptiez une approche différente. Les approches adoptées pour cibler des jeunes doivent être très crédibles parce que, si le message provient d’un gouvernement, de « Big Brother », les jeunes s’en désintéresseront simplement. Le message doit être très pertinent pour eux.
Nous avons envisagé divers programmes mais, je le répète, nous n’avons pas été en mesure de nous engager dans cette voie par manque de ressources.
Pour en revenir aux substances, vous avez raison. À l’heure actuelle, le cannabis est considéré comme une substance bénigne, en particulier par les jeunes. Ils ne considèrent pas l’influence du cannabis comme aussi dangereux que l’influence de l’alcool. Le premier message que nous devons communiquer à ces jeunes, c’est que des facultés affaiblies sont des facultés affaiblies, même si l’affaiblissement est différent. Vous avez raison; souvent l’alcool est combiné au cannabis, ce qui rend l’affaiblissement des facultés 10 fois plus important.
Ce sont des messages que nous pouvons transmettre aux parents, mais nous devons également les communiquer aux jeunes par l’intermédiaire des écoles, et cetera. Nous savons que les programmes en milieu scolaire sont très efficaces, alors que d’autres programmes le sont moins. Il y a d’excellents programmes en milieu scolaire. Je sais qu’au Québec la Maison Jean Lapointe offre des programmes appelés APTE Parents et APTE Jeunes, qu’elle met en œuvre dans les écoles. Ils ont exposé 160 000 jeunes à leurs programmes, et ils offrent un programme de pair à pair.
Il existe des programmes, et nous aimerions les offrir à l’échelle nationale, mais les programmes en milieu scolaire coûteraient environ 10 $ par enfant, selon le personnel de la Maison Jean Lapointe. Nous avons estimé que, pour offrir un bon programme en milieu scolaire juste à la communauté anglophone, il faudrait investir environ 15 millions de dollars, ce qui n’est pas du tout dans nos moyens.
La sénatrice Boniface : D’accord. Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse au représentant de l’organisme Éduc’alcool. Le projet de loi C-46 prévoit des contrôles aléatoires pour les véhicules automobiles seulement. Il ne prévoit aucun contrôle aléatoire pour les pilotes d’avion, les chefs de train et les conducteurs de bateaux.
Toutefois, en période estivale, et particulièrement sur les plans d’eau tels la rivière Richelieu, le fleuve Saint-Laurent et les lacs, il y a souvent des situations de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. Pensez-vous qu’on devrait étendre les contrôles aléatoires à tout le secteur nautique, par exemple? Au Québec, on a beaucoup investi dans la mise en place d’une patrouille nautique. Est-ce qu’on ne devrait pas aussi contrôler ce secteur?
M. Sacy : Si vous me le permettez, j’aimerais apporter deux précisions. La première est en réponse directe à votre question. Un verre d’alcool sur terre équivaut à trois verres d’alcool sur l’eau, à cause de l’effet du soleil et des vagues. Par conséquent, ce qui est valable sur la terre est tout aussi valable sur l’eau.
La deuxième précision, c’est qu’il ne faut pas choisir entre les parents, la législation, la surveillance ou la police. Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais bien chaque élément qui apporte sa contribution à l’édifice. Les choses fonctionnent bien lorsque tout le monde travaille dans la même direction. En fait, vous n’avez pas nécessairement à choisir, voyez plutôt ce que vous pouvez ajouter. Excusez-moi d’avoir fait cette digression.
Le sénateur Carignan : Merci. Vous avez répondu à deux questions alors que j’en avais posé une seule.
Le président : Ce n’est certainement pas une digression de votre part, votre commentaire était pertinent.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Vos deux exposés semblent reposer sur la conviction que les mesures dissuasives fonctionnent chez les jeunes. Et pourtant, toutes les recherches que je connais prouvent que ce n’est pas le cas. Certes, dans les domaines de l’éducation, leur rôle a été démontré dans des approches parentales progressistes.
Toutefois, lorsque la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été présentée, elle n’englobait aucune mesure de dissuasion parce qu’il a été démontré que ces mesures sont inefficaces, et ce raisonnement a été renforcé par la Cour suprême du Canada.
Si vous disposez d’études qui prouvent le contraire, pourriez-vous s’il vous plaît nous faire parvenir quelques renseignements à ce sujet?
M. Paris : Je ne dispose d’aucune donnée ayant trait précisément à cette question et à ce sujet. Toutefois, je suis sûr qu’elles existent, et j’appuie mon collègue d’Éduc’alcool à cet égard. Je pense que les mesures dissuasives fonctionnent. Je crois que les jeunes pensent qu’ils peuvent s’en tirer lorsqu’il s’agit du cannabis, parce qu’ils peuvent faire semblant. Les jeunes ont conscience de ce qui se passe. Ils lisent les actualités, et ils savent qu’ils ont une bonne chance de s’en tirer. Je pense que, si nous leur enlevons cette illusion, en particulier lorsqu’ils sont dans un véhicule, cela aura une incidence.
La sénatrice Pate : Avec tout le respect que je vous dois, les études que j’ai passées en revue montrent que c’est un élément éducatif qui peut être efficace si la certitude d’être pris la main dans le sac existe, et non les mesures dissuasives. Pour en rajouter, les adultes soumettent souvent les jeunes à ces mesures mais, en fait, rien ne prouve qu’elles fonctionnent. Je comprends que cette croyance fondée sur des anecdotes est mentionnée dans de nombreuses situations, mais elle n’est corroborée par aucune étude.
M. Paris : Je n’ai pas fait de recherche dans ce domaine. Mon collègue a peut-être des renseignements à communiquer à ce sujet.
[Français]
Le président : Malheureusement, honorables sénateurs et messieurs les témoins, je dois suspendre la séance pour laisser la chance à nos collègues de se rendre à la salle du Sénat pour voter. Si vous pouvez demeurer dans la pièce, lorsque nous reviendrons, il y a deux autres sénateurs qui voudraient vous poser des questions.
Toutefois, étant donné qu’il y a un vote à 17 h 10 et un autre à 17 h 30, nous ne pourrons pas revenir avant 17 h 45 pour la reprise de la séance.
[Traduction]
Nous reprendrons nos travaux à 17 h 45. La séance est levée.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Le président : Honorables sénateurs, nous allons reprendre la séance. Au nom de mes collègues, je vous présente une fois de plus mes excuses, messieurs Busch et Jack. Je crois comprendre, monsieur Paris, qu’il nous reste peut-être une ou deux autres questions à vous poser. Après quoi, vous serez libre de reprendre vos fonctions habituelles.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Monsieur Paris, je vous remercie de votre présentation. Nous venons de recevoir la brochure préparée par votre organisme, Jeunesse sans drogue, en français et en anglais. Je remarque qu’elle s’adresse principalement aux parents. Ma question porte sur la distribution. Cette brochure a-t-elle été distribuée dans les foyers, dans les écoles et d’autres milieux scolaires?
M. Paris : Au début, on en a distribué une certaine quantité dans des centres médicaux, des centres de services sociaux, des écoles et des commissions scolaires. Depuis ce temps, le bouche-à-oreille a fait son œuvre, d’une part, et nous avons organisé une campagne d’information, d’autre part. Avec le temps, nous avons réussi à en distribuer 250 000 copies. Les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, notamment, en ont commandé pour les distribuer dans tous les foyers.
En outre, nous avons constaté un grand intérêt de la part des entreprises publiques. Elles désirent informer leurs employés. Nous sommes en contact avec plusieurs grandes entreprises, notamment des banques, qui représentent des canaux de communication incroyables. La Banque de Montréal a 130 000 employés dont une bonne partie a des enfants. Les parents s’inquiètent des effets négatifs que la légalisation du cannabis pourrait avoir sur leurs enfants. Notre but ultime, c’est de mettre cette brochure entre les mains de tous les parents canadiens.
Le sénateur McIntyre : Je vous félicite pour cette brochure qui contient tout de même 23 pages, y compris une table des matières.
Le président : Vous avez commencé votre présentation en reconnaissant le fait que les jeunes ne semblent pas être conscients des dangers du cannabis. Comment expliquez-vous que les jeunes aient développé cette attitude? Pourquoi sont-ils dans cet état d’esprit ou comment l’expliquez-vous?
M. Paris : C’est une très bonne question. Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a organisé des rencontres avec des groupes de jeunes pour évaluer leur perception de l’usage du cannabis. En grande majorité, les jeunes croyaient que le cannabis pouvait guérir le cancer, que c’était une plante médicinale. Il y a confusion. Ils croient que si c’est une plante médicinale, elle ne doit pas être aussi dommageable. En outre, en général dans notre pays, le cannabis n’est pas nécessairement vu comme une substance nocive, et cela expliquerait pourquoi le pourcentage de jeunes qui consomment du cannabis est l’un des plus importants au monde.
Voilà pourquoi nous croyons qu’il faut miser sur l’éducation. Les premières pages de la brochure que vous avez citée visent à déconstruire les mythes qui sont entretenus au sujet du cannabis. Au cours des dernières années, la science a prouvé les implications négatives du cannabis dans le développement du cerveau des jeunes. D’autant plus que le cannabis d’aujourd’hui est beaucoup plus fort en THC que le cannabis d’il y a 10, 15 ou 20 ans. Le mythe vient peut-être du fait que les parents d’aujourd’hui ont connu un produit du cannabis beaucoup moins dommageable, ce qui les a portés à en banaliser l’usage.
La combinaison de tout cela me laisse croire qu’il s’agit vraiment d’un manque d’information valable. Nous devons mieux informer nos jeunes afin de leur permettre de prendre de bonnes décisions.
Le président : N’y a-t-il pas une certaine contradiction entre le cannabis comme tel, qui peut être une substance nocive dans certaines circonstances, et l’idée qu’on présente le cannabis comme étant récréatif? Quand on utilise le mot « récréatif », on parle de quelque chose d’inoffensif, de divertissant, d’agréable, alors qu’on a affaire à une substance qui contient des éléments psychotropes, d’autant plus que, comme vous le dites si bien, la plante contient davantage de THC depuis quelques années. Ne trouvez-vous pas qu’on est coincé, d’une certaine façon, avec une contradiction?
M. Paris : Absolument. Je crois que l’utilisation de ce mot risque de banaliser l’usage de cette substance. D’ailleurs, les substances les plus utilisées par les adolescents sont l’alcool, le cannabis et les médicaments. On sait où on en est avec la publicité sur l’alcool. Voilà pourquoi nous voulons nous assurer que le gouvernement s’engage à ne pas ouvrir le dossier de la publicité, l’établissement des images de marque et la promotion du cannabis avant au moins 10 ans. C’est important, car je peux vous dire que l’industrie est prête.
Je viens justement de recevoir un texte de la part d’une compagnie québécoise de bière qui vient de lancer une bière infusée au cannabis. Le positionnement en publicité est déjà en place. Dans quelques années, l’industrie va convaincre le gouvernement de relâcher les règles strictes du marketing. En ce moment, les règles sont établies plutôt en fonction du tabac que de l’alcool. Nous préconisons d’attendre la prochaine génération avant de comprendre réellement les impacts de cette législation sur notre société. Donc, n’embarquons pas là-dedans. On sait ce que cela a donné avec l’alcool.
La grande majorité des consommateurs sont les jeunes de 18 à 25 ans; ils seront ciblés en priorité. Il ne faut pas prendre cette voie avant d’avoir de meilleurs renseignements sur le sujet.
[Traduction]
Le président : La prochaine intervenante est la sénatrice Batters, car j’étais censé poser la dernière question.
La sénatrice Batters : Je vous demande de m’excuser à ce sujet. Les échanges viennent de faire surgir une brève question supplémentaire dans mon esprit. Je conviens avec vous que, trop souvent, les adolescents pensent que la marijuana n’est pas nocive. Elle est devenue en quelque sorte normale à de nombreux égards. Compte tenu de votre expérience de travail dans votre organisation, je tenais à profiter d’une brève occasion de faire part aux Canadiens du fait qu’ils doivent connaître certains faits à propos de la façon dont le cannabis peut avoir une incidence sur les jeunes.
M. Paris : Je pense que de nombreuses études citées au cours de plusieurs exposés se sont penchées sur les effets que le cannabis a sur le cerveau des adolescents. Voilà l’un des points que les jeunes semblent saisir, selon nos observations. Ils comprennent qu’il y a un risque. C’est toujours une question de risque. Plus le sentiment de risque est élevé chez les adolescents, moins ils sont susceptibles de faire des essais. Il n’est pas question de maintenir un climat de peur, mais ils doivent savoir que certains risques sont associés aux comportements de ce genre. En ce qui concerne le cannabis, les jeunes doivent comprendre que sa consommation est risquée. Les jeunes pensent que le cannabis n’entraîne pas de dépendance. Au contraire, les jeunes peuvent devenir dépendants de cette substance. Nous avons exposé cette possibilité lorsque nous avons comparu devant le comité en juin dernier.
Nous avons parlé du fait qu’un grand nombre de jeunes fument du cannabis afin de se traiter eux-mêmes pour soigner un TDA non diagnostiqué, le THADA ou des problèmes d’anxiété ou d’intimidation. Les jeunes utilisent le cannabis comme un relaxant. Le problème, c’est que cela devient un cercle vicieux puisqu’ils ne se sentent bien que lorsqu’ils sont drogués, et c’est à ce moment-là que l’abus de substances devient problématique.
[Français]
Le président : Merci, monsieur Paris, d’avoir été patient et de nous avoir attendus. Nous nous excusons de ce retard et nous apprécions d’autant plus votre disponibilité. Merci encore. Vous pouvez maintenant vous retirer.
[Traduction]
Nous sommes heureux de recevoir, pour la deuxième partie de notre réunion, le vice-président Ouest et chef du Service de police des Premières Nations de File Hills, Lennard Busch, qui témoigne au nom de l’Association des chefs de police des Premières Nations. Nous recevons également Ian Jack, qui est directeur général des communications et des relations gouvernementales pour l’Association canadienne des automobilistes.
Nous sommes heureux de vous recevoir. J’inviterais M. Busch à faire sa déclaration préliminaire en premier.
Lennard Busch, vice-président Ouest et chef du Service de police des Premières Nations de File Hills, Association des chefs de police des Premières Nations : Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie aussi les distingués membres du comité d’avoir invité l’Association des chefs de police des Premières Nations à témoigner devant vous ce soir. Je suis membre de cette organisation et, comme on vous l’a dit, j’occupe actuellement un poste de direction, à titre de vice-président Ouest.
L’Association des chefs de police des Premières Nations représente les chefs de police des 38 services de police du Canada gérés par les Premières Nations. À l’heure actuelle, l’ACPPN ne reçoit aucun financement et n’a pas de personnel de soutien à temps plein. Par conséquent, l’ACPPN n’a pas publié d’exposé de principe sur le projet de loi C-46, mais bon nombre de nos membres sont aussi membres de l’Association canadienne des chefs de police et des organismes provinciaux qui représentent les chefs de police. Je sais que certains de nos membres siègent à des comités qui préparent des exposés de position sur ce projet de loi, de même que sur le projet de loi C-45.
Je suis également le chef du Service de police des Premières Nations de File Hills en Saskatchewan et je suis responsable d’offrir des services de police aux collectivités des Premières Nations. Tout comme les Premières Nations du Canada, les services de police des Premières Nations sont très variés, notamment en ce qui a trait à leur taille, à leur culture, à leur géographie et à leur lien avec les autorités. En règle générale, les services de police des Premières Nations sont plus petits que la plupart des autres services de police, et bien que certains se situent près des grands centres urbains, bon nombre d’entre eux se trouvent dans des régions géographiques éloignées.
J’ai passé 34 ans à la GRC, d’abord à titre de gendarme spécial autochtone puis à titre de membre régulier. J’ai pris ma retraite de la GRC à l’automne 2014; j’avais alors le grade d’inspecteur. Au cours de ma carrière de policier, j’ai travaillé pour les services généraux et pour les services de police des Premières Nations, au sein de l’unité du renseignement antidrogue et de la section antidrogue. J’étais formateur et instructeur académique à l’académie de formation de la GRC à Regina. J’étais directeur des Services nationaux de police autochtones de la GRC. J’ai participé aux opérations de protection; j’ai notamment assuré la protection de deux de nos anciens gouverneurs généraux. J’ai ensuite été le directeur du Centre de perfectionnement pour les services policiers aux Autochtones du Collège canadien de police et, lorsque j’ai pris ma retraite, j’étais le directeur du Centre de perfectionnement en leadership du Collège canadien de police. Par le passé, j’ai témoigné à titre d’expert sur les drogues de la rue devant la cour de comté de la Nouvelle-Écosse et, plus tard, devant la Cour provinciale du Manitoba.
Lorsque je travaillais à la GRC, notre objectif était — et est toujours — d’assurer la sécurité des foyers et des collectivités. Dans bon nombre des collectivités des Premières Nations, nous n’avons pas encore atteint cet objectif. Comme vous le savez, de nombreuses collectivités des Premières Nations sont aux prises avec d’importants problèmes sociaux et économiques. Les policiers autochtones qui travaillent dans ces collectivités servent souvent de filet de sécurité alors que les ressources sont déficientes.
Bon nombre de nos collectivités sont aux prises avec des taux excessifs de crimes violents et de crimes contre les biens. Dans certaines collectivités des Premières Nations, la toxicomanie est endémique et la violence des gangs est commune. Dans nos collectivités, là où je travaille, les invasions à domicile sont chose commune et les gens barricadent souvent leurs portes le soir. C’était donc intéressant pour moi de voir les résultats d’un sondage récent auprès des élèves de l’une de nos écoles primaires. On a demandé aux enfants quelle était leur plus grande peur dans leur collectivité. La réponse la plus commune était : les conducteurs étaient en état d’ébriété.
La conduite avec les facultés affaiblies et ses conséquences m’ont touché personnellement, puisque la semaine dernière, dans la collectivité autochtone de ma femme, au nord du Manitoba, trois enfants qui marchaient sur la route ont été frappés et tués par un conducteur en état d’ébriété. Deux de ces enfants faisaient partie de la famille de ma femme. Ma fille est professeure à l’école que fréquentaient ces enfants.
Bien que je n’aie pas de statistiques sur les décès attribuables à la conduite avec les facultés affaiblies dans les collectivités des Premières Nations — et je ne sais pas si de telles statistiques existent — je peux vous dire qu’en 2015, cinq décès étaient liés à la conduite avec les facultés affaiblies dans les cinq collectivités de File Hills où je travaille. Cette année-là, la population totale dans les réserves était de 3 500 personnes. La même année, il y a eu 122 décès attribuables à la conduite avec les facultés affaiblies au Canada, alors que la population du pays était de plus de 35 millions de personnes, et 57 de ces décès se sont produits en Saskatchewan. À mon avis, c’est signe que malgré la diminution du nombre de décès attribuables à la conduite avec les facultés affaiblies au Canada, elle représente tout de même un problème important dans bon nombre des collectivités des Premières Nations.
Le défi pour les services de police des Premières Nations, comme pour tous les services de police canadiens, c’est la préparation en vue d’appliquer les nouvelles lois relatives à la légalisation du cannabis. Les policiers des Premières Nations devront recevoir une formation afin de comprendre la nouvelle loi lorsqu’elle sera adoptée. Les policiers opérationnels des Premières Nations devront être formés pour détecter et poursuivre les conducteurs qui ont les facultés affaiblies par la drogue… une formation sur les tests de sobriété normalisés sur le terrain et la formation des experts en reconnaissance de drogues.
Bon nombre des services de police des Premières Nations sont si petits que nous n’avons aucun service de soutien. Nous n’avons pas de direction de la formation. Nous devons toujours regarder ailleurs pour faire nos formations et souvent, nous nous retrouvons au bas de la liste. Souvent, aussi, bon nombre des services de police accusent du retard dans la formation obligatoire et la formation de perfectionnement. Les grands services de police municipaux et la GRC sont pressés de former leur personnel, et je comprends cela. Il est toutefois difficile pour les services de police des petites collectivités des Premières Nations d’amener leurs membres à un niveau où ils pourront exécuter la loi de manière adéquate lorsqu’il y aura un problème important dans nos collectivités.
Il est très coûteux et particulièrement difficile pour les petits services de police de gérer les longues périodes d’absence des membres qui suivent une formation; cela place un fardeau supplémentaire sur les ressources humaines et la prestation des services. Pour de nombreux services de police des Premières Nations dans les régions éloignées, les ressources humaines représentent un enjeu continu. Si une personne tombe malade et qu’une autre part en formation, cela a une grande incidence sur le personnel. Je crois que je suis probablement l’un des seuls chefs de police à travailler sur appel les fins de semaine et à se faire appeler au beau milieu de la nuit parce qu’il n’y a pas assez de personnel.
Je suis heureux de vous dire que les choses ont changé. Notre effectif est maintenant complet, ce qui a enlevé un certain poids de nos épaules. Toutefois, je sais très bien qu’il suffirait de quelques changements pour que nous nous retrouvions à la case départ et je sais que bon nombre des petits services de police sont dans la même situation.
La mise sur pied d’une formation canadienne pour nos agents, qui réduirait ou éliminerait le recours à une formation pratique presque exclusivement offerte aux États-Unis, serait un grand avantage. À l’heure actuelle, la moitié de la formation sur la reconnaissance des drogues et de la formation des experts est offerte ici, mais il faut aussi aller en Arizona, je crois, ou en Floride, pour l’autre moitié de la formation. C’est assez difficile. Ce serait beaucoup mieux si nous pouvions suivre la formation au Canada.
Bien qu’on ait annoncé un financement pour la formation, les détails quant à la façon dont les fonds seront affectés aux services de police municipaux et des Premières Nations par l’entremise des provinces n’ont pas été expliqués. Selon ce que je comprends, la formation coûtera assez cher.
Ce qui préoccupe les services de police des Premières Nations et les services de police en général, c’est que, bien honnêtement, beaucoup de gens n’ont toujours pas compris le message au sujet de la conduite avec les facultés affaiblies, que ce soit par l’alcool ou par les drogues. Elle demeure l’une des principales causes criminelles de décès dans nos collectivités, tout comme ailleurs au Canada.
Je suis d’accord avec ce qu’a dit mon collègue plus tôt : les jeunes n’ont toujours pas compris le message et nous devons trouver des façons de les éduquer au sujet des risques associés à la conduite avec les facultés affaiblies. L’un des plus grands risques pour eux, en raison de leur âge, c’est qu’ils pourraient perdre leur permis de conduire pour longtemps.
Je travaille beaucoup avec les jeunes. Nous avons un corps de cadets et je parle beaucoup avec ces jeunes pour les aider à prendre les bonnes décisions de vie. Certains d’entre eux ne reçoivent pas beaucoup de soutien à la maison. J’essaie de leur présenter de bons modèles dans la collectivité et de les aider à prendre les bonnes décisions.
J’éprouve de la difficulté à faire passer mon message au sujet de la légalisation du cannabis. D’un côté, on dit que la marijuana est agréable et qu’elle peut être utilisée à des fins récréatives, mais de l’autre, on dit qu’il ne faut pas en consommer. Je crois que le message est ambigu et cela rend la tâche des policiers plus difficile, surtout auprès des jeunes.
Je n’ai pas les réponses. Je vois ce que vivent de nombreux jeunes de nos collectivités qui consomment des drogues par voie intraveineuse, qui conduisent avec les facultés affaiblies ou qui participent à la violence des gangs. J’espère que nous saurons trouver des réponses.
Je vous remercie une fois de plus de m’avoir donné l’occasion de témoigner devant vous sur ce sujet d’une grande importance et je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Busch.
J’invite maintenant M. Ian Jack, qui représente l’Association canadienne des automobilistes, à nous présenter son discours préliminaire.
Ian Jack, directeur général, Communications et relations gouvernementales, Association canadienne des automobilistes : Merci beaucoup. Bonsoir à tous.
La plupart d’entre vous connaissent l’Association canadienne des automobilistes. Cet organisme sans but lucratif fondé en 1913 est aujourd’hui une fédération nationale regroupant huit clubs d’un océan à l’autre, en Saskatchewan, au Québec, et cetera. Nous offrons à 6 millions de membres au Canada des services en matière d’assurance, d’assistance routière, d’automobile et de voyage.
[Français]
La CAA défend les intérêts de ses membres depuis ses débuts. La sécurité routière, l’environnement, la mobilité, les infrastructures et la protection des consommateurs sont autant de sujets d’actualité au cœur de nos actions aujourd’hui.
[Traduction]
Ce que vous ignorez peut-être, c’est que dès sa création, notre organisation a milité pour des éléments de sécurité routière qui nous semblent aujourd’hui naturels. De nos débuts, où nous faisions la promotion des panneaux d’arrêt, de la ceinture de sécurité et des coussins gonflables jusqu’à nos campagnes de lutte contre la conduite avec capacités affaiblies et la distraction au volant... Depuis plus d’un siècle, nous sommes des pionniers en matière de protection des voyageurs.
[Français]
Aujourd’hui, la CAA représente un conducteur adulte sur quatre au Canada, et a été reconnue récemment comme la marque de confiance numéro 1 au pays par l’indice Gustavson de l’Université de Victoria.
[Traduction]
Il ne faut pas se méprendre : la drogue au volant est un problème de sécurité routière depuis des décennies. Toutefois, avec la légalisation prochaine du cannabis, la conduite avec facultés affaiblies par la drogue est devenue le point de mire des Canadiens et des Canadiennes quand il est question de sécurité routière.
[Français]
Comme c’est le cas avec l’alcool, la conduite sous l’influence du cannabis ne touche pas seulement les personnes qui consomment, mais tous les usagers de la route.
[Traduction]
Or, une chose est alarmante : alors que peu de Canadiens prétendraient être de meilleurs conducteurs après avoir bu, un quart des jeunes Canadiens croient que le cannabis n’a pas d’impact sur leur faculté de conduite, ou pire, qu’il l’améliore et accroît leur concentration. Je tiens à préciser qu’ils ont tort, bien sûr.
Plusieurs mythes circulent quant aux effets néfastes du cannabis sur la capacité d’une personne à conduire un véhicule. C’est pourquoi plus tôt cette année, l’Association canadienne des automobilistes a préparé et lancé sa propre campagne nationale de sensibilisation, « Conduire gelé, c’pas mieux que conduire paqueté ». En misant sur les médias sociaux et en utilisant des messages gazouillés par du vrai monde, nous avons pu contribuer à déboulonner des mythes tenaces. Malgré son petit budget, cette campagne bilingue a vraiment eu une forte résonance : plus de 5,5 millions d’impressions et 600 000 consultations.
Autre élément qui nous réjouit : nous avons été invités à nous associer à Sécurité publique Canada pour la campagne du gouvernement fédéral sur la conduite sous influence de drogues. Nous sommes aussi fiers de notre partenariat avec Jeunesse sans drogue Canada, qui fait un excellent travail.
[Français]
Ici aussi, le budget demeure modeste. Les sommes consacrées par le gouvernement fédéral à l’éducation du public sur le cannabis au volant semblent ne représenter qu’une mince partie du financement consacré à l’éducation du public en général.
[Traduction]
Permettez-moi de vous donner d’autres statistiques : la conduite avec facultés affaiblies fait partie des trois principales préoccupations de la population par rapport à la légalisation du cannabis. C’est peut-être même la principale préoccupation de certaines écoles primaires de la Saskatchewan. Le gouvernement fédéral doit en faire plus.
[Français]
En ce qui concerne le projet de loi qui nous occupe, la CAA partage les inquiétudes exprimées par d’autres intervenants au sujet des technologies de dépistage, de la nécessité de former plus d’agents à la reconnaissance des drogues, et de la difficulté à mesurer scientifiquement à quel point les facultés d’une personne sont affectées. La CAA exhorte le gouvernement à investir davantage dans la recherche, l’éducation du public et l’application de la loi depuis le début.
[Traduction]
Nous répétons la même chose depuis 2015; nous croyons qu’il faut encore faire plus et que la voix de bon nombre d’autres personnes n’a pas été entendue à ce sujet. À notre avis, les efforts que le gouvernement pourrait faire pour s’attaquer à ces enjeux sont souvent limités par des questions d’argent. Le projet de loi C-46 créera une nouvelle loi plus rigoureuse visant à dissuader les Canadiens de conduire sous l’influence de la drogue et de l’alcool. Nous avons équipé les policiers de dispositifs de dépistage salivaire et avons fait en sorte qu’ils puissent témoigner sans avoir à être qualifiés à titre de témoins experts; ce sont là des pas dans la bonne direction.
Ces nouveaux outils aideront à mieux reconnaître les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la drogue et à s’assurer qu’ils auront à répondre de leurs actes devant le système de justice. Étant donné les preuves scientifiques qui existent, nous jugeons ce projet de loi équilibré.
Comme je l’ai mentionné, certains éléments du régime d’application de la loi demandent plus d’investissements. Cependant, même avec plus d’argent, il faudra du temps pour former les policiers et pour que la recherche débouche sur de meilleurs outils de dépistage.
[Français]
La seule chose que nous pouvons contrôler avec certitude et qui peut se mettre en œuvre rapidement, c’est l’éducation du public.
[Traduction]
Il nous faut dès maintenant redoubler d’efforts et dégager davantage de fonds publics pour rejoindre les gens qui seront tentés d’expérimenter cette nouvelle substance légale pour ensuite prendre le volant.
Pour résumer, l’Association canadienne des automobilistes appuie les changements proposés, car ils renforceront la loi et en faciliteront l’application, ce qui ne peut qu’améliorer la sécurité routière.
[Français]
Ce projet de loi constitue une belle avancée; gardons simplement en tête que ce n’est qu’une pièce du casse-tête.
[Traduction]
Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé aujourd’hui, et je répondrai à vos questions avec plaisir.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Jack. Vous êtes parvenu à présenter vos observations efficacement et rapidement, à l’instar de M. Paris et de M. Busch.
[Français]
Merci, monsieur Paris.
La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur Busch et monsieur Jack. Ai-je bien compris que 38 Premières Nations autogouvernées sont représentées dans votre association?
[Traduction]
M. Busch : Oui, c’est exact.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Diriez-vous que votre travail est comparable à celui des autres corps policiers qui existent dans les réserves des Premières Nations qui ne sont pas autogouvernées?
[Traduction]
M. Busch : Oui, à bien des égards. Je sais pertinemment que beaucoup de corps policiers qui desservent les collectivités des Premières Nations s’efforcent d’offrir des services sensibles à la culture et appropriés. Ils savent que bon nombre de ces collectivités manquent de ressources dans d’autres domaines. Ils prennent les mesures nécessaires pour collaborer avec les collectivités pour régler certains de ces problèmes. Je dirais qu’à bien des égards, nous savons que la résolution des problèmes qui touchent les collectivités n’est pas une question d’application de la loi. Nous collaborons avec les collectivités pour trouver d’autres solutions, avec les ressources à notre disposition, pour aider les gens à surmonter leurs problèmes et pour offrir le meilleur service possible.
Ce n’est pas le propre des services de police des Premières Nations autonomes. Je sais que la GRC, la PPO et la Sûreté du Québec travaillent avec acharnement en ce sens.
[Français]
La sénatrice Dupuis : À l’automne dernier, l’Assemblée des Premières Nations a créé un groupe de travail pour étudier la question du cannabis. L’un des domaines qu’il devait examiner était la question de la justice, l’application de la loi et le travail des policiers. Je me demandais si vous aviez été engagés dans ces travaux de l’APN. Est-ce qu’on vous a invités, est-ce que vous avez eu l’occasion de travailler avec le groupe sur ces questions?
[Traduction]
M. Busch : Personnellement, non. M. Daniel Bellegarde, le président de notre conseil des services de police, a participé et collabore activement avec l’APN et d’autres organismes pour faire avancer ces travaux.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci.
Ma question suivante s’adresse à M. Jack. Vous avez fait référence, je crois, à un sondage que vous avez mené auprès de la population. Avez-vous des données publiques dont vous pouvez nous faire part ou que vous pouvez nous envoyer? J’avais une question plus précise sur la perception des jeunes ou des moins jeunes quant à leur capacité de conduire après avoir fumé du cannabis.
M. Jack : Absolument, c’est la réponse à la première question.
[Traduction]
Nous vous enverrons ces renseignements. Nous menons actuellement à l’Université McGill une étude liée en partie à votre deuxième question. Nous devrions avoir les résultats cet été. Il faut notamment faire plus de recherches pour informer les gens sur le temps d’attente nécessaire avant de prendre le volant après avoir consommé une substance légale.
Des recherches scientifiques ont été faites pour l’alcool. Nous savons pour la plupart, par essai et erreur, par les témoignages de pairs et les campagnes de sensibilisation du public, qu’un verre de vin au souper — et deux pour la soirée — ne pose probablement pas problème. Nous avons tous notre propre idée de ce que nous pouvons faire. Nous n’avons pas ce type de connaissances pour le cannabis. Des recherches à cet égard ont été entreprises par le Dr Mark Ware, de l’Université McGill. Des jeunes sous l’influence du cannabis feront des tests dans un simulateur de conduite afin d’obtenir des données préliminaires sur le temps qu’il faut attendre avant de conduire.
Le cannabis étant illégal, on en a peu discuté officiellement et peu de recherches ont été faites. Il y a un manque d’appareils de détection efficaces, notamment en raison de l’absence d’un marché légal important qui inciterait les entreprises à investir. Il n’y avait pas un pays important comme le Canada représentant un marché potentiel de milliers voire de millions d’appareils au fil des ans. C’est maintenant le cas. C’est commencé, mais nous n’en sommes pas encore là. C’est d’ailleurs une partie importante du problème : ce n’est que le début. Aucun d’entre nous n’était vivant lorsque l’alcool a été réglementé pour la première fois et a été régi par le gouvernement. La date importe peu. C’est là où nous en sommes avec le cannabis en 2018.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos deux témoins. Chef Busch, je vous offre mes condoléances pour ce que vous avez vécu dans votre famille. Vous avez toute mon appréciation pour le travail que vous faites dans votre communauté. Ce n’est pas facile, c’est un défi de tous les jours. Je tenais à vous le dire.
La plupart des corps policiers qui sont venus témoigner nous ont fait part de leurs préoccupations à être prêts lorsque cette drogue sera légalisée, et la plupart d’entre eux, sinon tous pensent ne pas être prêts en juillet si le gouvernement maintient son intention de légaliser le cannabis en juillet. Depuis 2015, combien d’agents évaluateurs avez-vous formés à travers le Canada dans les communautés autochtones?
[Traduction]
M. Busch : Aucun. Nous faisons souvent appel au service d’autres corps policiers qui ont des experts en reconnaissance de drogues. En outre, nous entretenons d’excellentes relations de travail avec la GRC et les corps policiers municipaux.
Je ne saurais vous donner un chiffre pour l’ensemble des corps policiers des Premières Nations. Certains ont reçu une formation, mais les besoins de formation demeurent importants dans les services policiers des Premières Nations.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Si jamais le gouvernement indiquait l’outil à utiliser pour détecter la présence de drogue dans la salive, et si c’était fait au cours de l’été, de combien de temps l’ensemble des communautés autochtones auraient-elles besoin pour former leurs policiers? Est-ce qu’on parle de semaines ou de mois pour former l’ensemble des policiers autochtones responsables de l’évaluation?
[Traduction]
M. Busch : Je dirais des mois, peut-être plus, selon le service de police et les ressources disponibles. Cela varie légèrement d’une province à l’autre. Même à l’heure actuelle, comme je l’ai indiqué plus tôt, nous dépendons de la volonté des autres services de police pour réserver une place à l’un de nos agents, puisque nous sommes un petit service de police sans unité de formation.
Notre service compte neuf policiers et nous ne pouvons tous les envoyer en formation en même temps. Avec de la chance, l’ensemble du personnel de mon service sera formé dans un an ou deux.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a présenté la recommandation de retarder d’un an la mise en vigueur de la légalisation de la marijuana à cause des éléments liés à la préparation. Êtes-vous en faveur de cette suspension de la légalisation de la marijuana pendant un an pour faire en sorte qu’il y ait le moins d’effets négatifs possible dans vos communautés?
[Traduction]
M. Busch : J’y suis tout à fait favorable.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Permettez-moi de vous souhaiter bonne chance avec ce défi. C’est une tâche de plus qui vous attend.
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à M. Jack. Je suis en conflit, car je suis membre de la CAA. Je veux vous féliciter, parce que votre organisme nous procure une grande sécurité, particulièrement pour nos enfants, qui en sont tous membres également. On se sent un peu plus en sécurité de savoir que vous êtes là s’ils ont des problèmes sur la route. Merci également pour la recherche que vous faites.
Vous avez un grand frère aux États-Unis, qui est l’AAA, laquelle a fait beaucoup de recherches, ou a financé et travaillé sur des recherches en matière de conduite avec facultés affaiblies et sur l’effet de la légalisation du cannabis dans certains États, comme Washington et le Colorado. Pouvez-vous nous parler un peu de ce qu’ils ont appris des suites de la légalisation, des constats qu’ils ont faits, notamment en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies?
[Traduction]
M. Jack : Je peux répondre de façon succincte, car je n’ai pas ces informations sous la main. Je ne les ai pas consultées récemment. Je dirai d’abord que nous serons heureux de vous les fournir. Deuxièmement, j’ai en mémoire les principales conclusions. Après la légalisation — je pense que c’était dans l’État de Washington —, on a constaté une augmentation importante du nombre de collisions et de blessures.
Il convient toutefois de mettre un bémol par rapport à cette recherche. On ne sait pas vraiment si les agents cherchaient à déterminer qu’il s’agissait de cannabis. Ce n’est pas moi le spécialiste de l’application de la loi, ici. Nous croyons comprendre qu’il est plus facile de faire condamner quelqu’un pour conduite avec facultés affaiblies par l’alcool. Dans bien des cas, les gens pourraient avoir utilisé les deux substances et on n’aurait peut-être pas pris la peine de remplir la documentation sur le cannabis. Ainsi, avant la légalisation, le cannabis pourrait avoir été sous-déclaré dans certains États. Il est fort probable que les organismes d’application de la loi se soient davantage concentrés sur la détection de cannabis par la suite, puisque le cannabis était manifestement au centre des préoccupations.
On remarque une certaine augmentation, mais il faut aussi se demander dans quelle mesure cette augmentation est réelle plutôt que le reflet de données de référence plus faibles que celles qu’on aurait dû avoir.
J’aimerais attirer l’attention du comité sur un autre point, qui nous ramène aux questions d’argent : les projections de revenus présentées par les gouvernements d’État étaient irréalistes et plus élevées que ce qu’elles auraient dû être. Moins d’entreprises que prévu ont fait leur entrée dans le marché légal, ce qui a eu une incidence sur les promesses qui avaient été faites sur la réaffectation des fonds et sur l’utilisation des recettes fiscales pour les campagnes de sensibilisation du public et la formation des forces policières.
De notre point de vue, une des leçons à retenir des études de l’AAA était liée aux résultats des divers États. Les recettes n’ont pas encore atteint les niveaux espérés.
Les enjeux sont très importants. Ce n’est pas ma spécialité; mon domaine est la conduite automobile. Toutefois, il est très difficile pour un État qui cherche à vendre du cannabis dans un environnement réglementé de déterminer un prix acceptable alors qu’il est en concurrence avec des gens qui se soucient peu de la réglementation et qui sont déterminés à conserver leur part de marché et à protéger leurs activités très profitables.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pouvez-vous nous envoyer les documents de l’étude?
M. Jack : Absolument.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Premièrement, chef Busch, je joins ma voix au sénateur Boisvenu et vous présente mes condoléances pour la perte de membres de votre famille, et je vous remercie de l’excellent travail que vous faites au sein de la police des Premières Nations.
Messieurs, ce comité étudie deux projets de loi actuellement. Le premier est celui dont nous sommes saisis aujourd’hui, le projet de loi C-46, qui traite des infractions relatives aux moyens de transport, puis il y a une partie du projet de loi C-45, qui porte sur la légalisation du cannabis.
Les deux projets de loi ont été présentés simultanément. Selon un sondage de la CAA, plus des deux tiers des Canadiens, 69 p. 100, craignent que les routes deviennent plus dangereuses avec la légalisation du cannabis.
Selon vous, le projet de loi C-46 aurait-il dû être présenté avant le projet de loi C-45? Autrement dit, aurait-on dû le présenter il y a un an, au moins, plutôt que de présenter les deux projets de loi simultanément?
M. Busch : Du point de vue des services policiers, cela aurait été avantageux, car cela nous a donné plus de temps pour nous préparer, former notre effectif et avoir une compréhension exhaustive de toutes les répercussions.
M. Jack : Mieux vaut être au courant longtemps d’avance, à mon avis, mais un fait demeure : nous sommes au milieu de 2018.
Le sénateur McIntyre : Autrement dit, il faudra d’abord assurer la sécurité sur les routes, puis nous occuper de la légalisation du cannabis, c’est cela?
M. Busch : Oui; il serait certainement avantageux de donner aux services policiers le temps de se préparer.
Le sénateur McIntyre : Permettez-moi de poser une autre question, monsieur le président. L’an dernier, le gouvernement du Québec a proposé d’abaisser le taux d’alcoolémie de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang à 50 mg d’alcool par 100 ml de sang, soit de passer de 0,08 à 0,05. Seriez-vous favorable à un amendement visant à réduire le taux d’alcoolémie?
M. Jack : Comme je l’ai mentionné d’entrée de jeu, la CAA est une fédération regroupant huit clubs. Actuellement, nous n’avons pas de position nationale à cet égard. Nous considérons qu’il faut à tout le moins étudier la question davantage.
M. Busch : Je suis d’accord là-dessus, mais je ne peux exprimer le point de vue de tous les corps policiers des Premières Nations. Je n’ai pas vu d’études démontrant que cela contribue à sauver des vies ou à changer considérablement la donne. J’aimerais certainement en savoir davantage à ce sujet. J’y serais favorable si on démontrait que cela peut sauver des vies; je pense que tous les policiers seraient de cet avis.
La sénatrice Boniface : Ma question s’adresse au chef Busch. Je veux d’abord vous présenter nos condoléances, à vous et à votre famille. Je pense que nous avons tous été profondément attristés par les événements de la fin de semaine. Je tiens aussi à vous féliciter de votre extraordinaire carrière. Je pense que vous avez été un chef de file à bien des égards. Je suis l’évolution de votre carrière depuis un certain temps.
Je veux parler des problèmes. Vous avez fait référence à cinq décès survenus dans votre collectivité. Je comprends que vous ne puissiez pas parler de cette situation précise. S’il a été déterminé que les facultés affaiblies étaient en cause, était-ce lié à l’alcool, aux drogues, ou à une combinaison des deux?
M. Busch : Il y a eu trois accidents distincts et certains ont fait plus d’une victime. L’alcool était certainement en cause. Je ne pense pas qu’on ait fait des tests pour... Je ne sais pas si on a même cherché à détecter la présence de drogues illégales lors des autopsies.
La sénatrice Boniface : Permettez-moi d’aborder ce sujet. Comme vous pouvez vous y attendre, j’ai discuté avec plusieurs policiers pour connaître leurs observations. Nous savons évidemment que la conduite avec facultés affaiblies par la drogue n’est pas un phénomène nouveau. Les tests menés dans le cadre du programme d’ERD démontrent l’usage de drogues multiples et non d’une seule drogue.
Ce que je veux dire, c’est que ce projet de loi, sans égard aux points de vue sur le projet de loi C-45, le processus de légalisation, vous donnerait le pouvoir de faire des tests de dépistage obligatoire, une mesure que vous considérez comme très positive, je suppose. Je pense aussi que cela a un effet considérable, comme cela a été démontré.
Le deuxième aspect qu’il faut prendre en compte c’est que le problème des conducteurs ayant les facultés affaiblies par la drogue ne date pas d’hier; c’était ainsi il y a une décennie. Ce projet de loi comprend des mesures qui donneront aux services policiers de meilleurs outils d’enquête, ce qui facilitera aussi le travail des procureurs, évidemment.
Cela m’amène à ma question : du point de vue de l’application de la loi, le projet de loi est une mesure législative solide, en fin de compte, pour l’atteinte de l’objectif d’assurer la sécurité sur les autoroutes et le réseau routier. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation?
M. Busch : Oui, absolument.
Le sénateur Pratte : Dans cette veine, j’aimerais avoir l’avis des deux témoins sur un aspect précis du projet de loi, soit les limites légales sur la concentration de drogue — la concentration en THC — proposées dans le projet de loi C-46. D’après ce que je comprends, ces limites ont un double objectif. Le premier est un effet dissuasif; les conducteurs sauraient que s’ils ne s’abstenaient pas de consommer du cannabis avant de conduire, ils auraient un risque élevé d’être mis en accusation s’ils se faisaient intercepter par un policier.
Le deuxième objectif est lié à la situation actuelle. La mise en accusation d’un conducteur est plus difficile et, le cas échéant, les procès sont plus longs. En outre, il est plus difficile d’obtenir une déclaration de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies par la drogue que pour conduite avec facultés affaiblies par l’alcool. Voilà la raison d’être des limites relatives aux concentrations en THC. Êtes-vous favorables à l’inclusion de limites dans le projet de loi? Pensez-vous que ces outils aideront à réduire la conduite avec facultés affaiblies par la drogue?
M. Busch : Je pense que les limites sont nécessaires d’un point de vue juridique. Mon collègue serait peut-être mieux placé pour répondre. Je ne sais pas si les recherches scientifiques ont permis jusqu’à maintenant de déterminer une limite idéale, mais il convient d’établir une limite un moment donné.
M. Jack : Je ne suis pas un scientifique non plus. Je n’ai pas d’opinion précise à ce sujet. Nous croyons comprendre que la limite est très basse et qu’elle correspond au seuil minimal de détection des appareils, donc le plus près possible de zéro, mais pas le zéro absolu. J’ajouterais seulement que 13 provinces et territoires mettront aussi en place leur propre régime. Bien que le rôle du comité soit d’examiner les mesures législatives fédérales, nous savons très bien que la population canadienne sera assujettie à deux régimes et que dans bien des cas, les régimes provinciaux comporteront une politique de tolérance zéro pour les 21 ans et moins, des amendes pour l’ensemble de la population, et cetera. Le régime qui s’appliquera à tout le monde au pays dépassera le simple cadre du projet de loi C-46.
Le sénateur Pratte : Diriez-vous que le régime que le gouvernement fédéral et les provinces s’apprêtent à mettre en place sera plus dissuasif que le régime actuel?
M. Jack : Oui; comme je l’ai indiqué dans mon exposé et comme la sénatrice Boniface l’a souligné aussi, nous estimons que dans l’ensemble, le projet de loi est une belle avancée. Notre principale préoccupation n’est pas liée au libellé du projet de loi, mais au financement offert par le gouvernement pour les préparatifs, tant pour ceux qui font de la sensibilisation du public, comme nous, que pour les organismes d’application de la loi.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup à vous deux d’être ici. Chef Busch, en tant que sénatrice de la Saskatchewan, je tiens à vous remercier personnellement d’avoir consacré votre vie au service de la population de la Saskatchewan et des gens que vous avez aidés.
Combien de Premières Nations sont du ressort du Service de police des Premières Nations de File Hills?
M. Busch : Nous maintenons l’ordre dans cinq Premières Nations. La population totale vivant sur les réserves est de 3 500 à 4 000 personnes, et il y a aussi une grande population vivant à l’extérieur des réserves, pour un total d’environ 7 000 personnes.
La sénatrice Batters : Combien de policiers le Service de police des Premières Nations de File Hills compte-t-il?
M. Busch : Nous avons neuf policiers et aussi cinq postes de gendarmes spéciaux, qui ne sont pas armés. Ils ne sont pas chargés de l’application de la loi, mais ils font beaucoup de très bon travail au sein des communautés, avec les jeunes dans les écoles. Nous avons aussi trois employés de soutien. En tout, notre personnel compte 16 ou 17 employés.
La sénatrice Batters : D’accord, merci. J’allais poser la question; un de mes collègues a demandé combien d’experts en reconnaissance de drogues il y a à File Hills, et vous avez dit aucun. Si le gouvernement fédéral retardait d’un an la légalisation de la marijuana, que pourrait faire votre service de police pour mieux se préparer en vue de ce changement important dans le régime canadien?
M. Busch : D’après moi, cela nous permettrait de donner à un ou à au moins deux de nos agents une formation d’expert en reconnaissance de drogues. En ce moment, nous avons ce qu’on appelle des exigences de formation obligatoire que nous sommes censés satisfaire chaque année, comme l’accréditation annuelle pour le maniement des armes à feu, le recours à la force et d’autres exigences que nous avons l’obligation de satisfaire.
C’est difficile pour nous parce que nous devons sans cesse essayer de trouver d’autres services de police qui pourraient inclure un ou deux de nos agents dans leurs formations de qualification. Nous accusons souvent du retard par rapport au renouvellement de nos accréditations obligatoires. Avoir un expert en reconnaissance de drogues, par exemple, est nécessaire, mais pas obligatoire. Souvent, si je suis obligé d’envoyer quelqu’un à l’extérieur pour suivre une formation, ce sera strictement pour une formation exigée par la loi. Je reconnais que nous avons certainement besoin d’autres formations pour fournir des services de police de qualité, mais comme je l’ai déjà dit, un petit service de police ne peut pas se permettre d’envoyer continuellement son personnel à l’extérieur.
La sénatrice Batters : Non, exactement. Ce sont des choix difficiles.
Monsieur Jack, la CAA a-t-elle des données de recherche sur l’effet combiné de l’alcool et de la marijuana consommés simultanément sur l’affaiblissement des facultés?
M. Jack : La CAA ne mène pas de recherches primaires. Nous vérifierons les données que nous avons d’autres organisations et nous serons ravis de transmettre ce que nous trouverons au comité. C’est une bonne question.
La sénatrice Batters : Merci. Je vous en serais reconnaissante. Merci beaucoup.
La sénatrice Boniface : Merci. J’aimerais revenir sur le sujet des ERD. Vous devez savoir que de la formation est offerte. Selon ce que j’ai compris, dans ma province, c’est fait de façon régionale. Notre service de police des Premières Nations forme un ERD, et le service de police voisin aussi, que ce soit la PPO ou un service municipal. Puis, ils décident conjointement d’avoir recours à l’ERD l’un de l’autre, ce qui serait typique même pour les opérateurs d’éthylomètres. Fait-on la même chose en Saskatchewan? Je me demande simplement si c’est différent dans chaque province.
M. Busch : Oui, on fait la même chose. Pour notre part, à File Hills, nous avons une bonne relation de travail avec les détachements de la GRC situés dans notre région. Ils ont toujours accédé à nos demandes d’envoyer un expert en reconnaissance de drogues, parfois d’assez loin parce que le nombre de personnes ayant reçu la formation n’était pas très élevé. Aujourd’hui, la situation s’améliore. C’est la même chose lorsqu’ils font de la formation; ils nous offrent une place ou deux afin que nous puissions essayer de nous rattraper, puis ils peuvent aussi faire appel à nous.
La sénatrice Boniface : D’accord. La raison pour laquelle je pose la question, c’est qu’un des défis liés aux experts en reconnaissance de drogues — vous le savez sûrement —, c’est de faire suffisamment appel à l’expert pour qu’il conserve l’expertise et les connaissances nécessaires. Je présume que vous tenez compte de cela lorsque vous prenez vos décisions.
M. Busch : Oui, absolument.
La sénatrice Boniface : Merci.
Le sénateur McIntyre : Monsieur Jack, hier à Toronto, arrive alive DRIVE SOBER a lancé sa 30e campagne; la tour CN était illuminée en rouge et blanc pour marquer la campagne et pour promouvoir la sobriété au volant.
La campagne compte parmi ses commanditaires CAA South Central Ontario. Pouvez-vous nous en dire plus à propos de cette campagne? Savez-vous si des campagnes semblables sont organisées dans d’autres provinces?
M. Jack : Il s’agit d’une initiative d’un club local et non du bureau national, où je travaille. Je ne connais pas tous les détails. Nous avons certainement déjà travaillé avec arrive alive. À notre sens, c’est un très bon organisme.
Les clubs sont libres d’adapter leurs efforts à leur province ou à leur région, mais ils travaillent tous dans les domaines de la distraction au volant et de la conduite avec facultés affaiblies. Leurs activités varient d’une province à l’autre. Par exemple, je sais qu’en Saskatchewan CAA Saskatchewan commandite Students Against Drinking and Driving. Cela fait partie de ses activités. CAA-Québec a d’autres projets en cours. L’association se promène dans les écoles secondaires en ce moment avec ses fameuses « lunettes de poteux » pour montrer aux jeunes à quel point leurs facultés sont affaiblies lorsqu’ils sont sous l’effet du cannabis. Tout dépend d’où vous êtes au Canada, mais nous sommes actifs dans chacune des provinces, d’une façon ou d’une autre.
Le sénateur McIntyre : J’ai une dernière question. Vous avez mentionné durant votre exposé que la CAA avait été invitée à s’associer à Sécurité publique Canada pour la campagne de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue du gouvernement fédéral. Je crois comprendre qu’elle aussi souffre d’un budget limité. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Jack : La campagne nous plaît. Son budget est moins limité que le nôtre parce que c’est le gouvernement fédéral, mais ce n’est quand même pas beaucoup d’argent. Le message, c’est que l’affaiblissement des facultés a des conséquences. Permettez-moi de dire deux choses.
D’abord, je pense que tous les intervenants dans le domaine — Marc, nous-mêmes et le gouvernement — tentent d’inciter les gens qui choisissent de consommer du cannabis à modeler leur comportement à cet égard sur leur comportement par rapport à l’alcool. Comme nous l’avons dit plus tôt, il a fallu une génération, mais aujourd’hui, nous sommes rendus au point où les gens, en particulier les jeunes, trouvent que l’alcool au volant, ce n’est tout simplement pas « cool », pour employer l’expression familière. Nous devons faire en sorte qu’ils aient la même conception du cannabis. Comme vous l’avez entendu, ce n’est pas le cas aujourd’hui pour une minorité importante de la population.
C’est à cela que nous travaillons tous en ce moment et c’est l’objectif de la campagne fédérale. Elle montre une voiture remplie de jeunes impliquée dans un accident.
Ce qui nous plaît à propos de la campagne, c’est que le gouvernement est un peu sorti des sentiers battus, du moins pour ce qui concerne les endroits où il la positionne. Il y a quelques mois, j’étais à un tournoi de volleyball à l’Université de Montréal et je l’ai vue passer sur les téléviseurs du centre sportif.
Je sais que la campagne est diffusée dans les bars, et ce n’est pas rien pour le gouvernement de commencer à faire de la promotion dans les bars. Cet aspect de la campagne nous plaît : le gouvernement emploie des moyens non traditionnels pour que son message atteigne les jeunes.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Busch, votre situation me préoccupe énormément. On sait que la majorité des communautés autochtones ne seront pas prêtes, en ce qui concerne l’équipement et la formation, avant l’automne prochain. Cependant, il y a une forte probabilité que cette drogue soit légalisée cet été. J’essaie de me mettre dans votre peau lorsque vous évaluez les conséquences de cette situation. Quelles conséquences envisagez-vous pour vos communautés, dans le cas où la date de la légalisation de cette drogue ne serait pas reportée?
[Traduction]
M. Busch : Je pense qu’il va sans dire qu’à l’heure actuelle, le nombre de personnes qui prennent le volant après avoir consommé du cannabis est considérable, et il l’est probablement depuis longtemps. Il en va de même pour les combinaisons d’alcool et de différentes drogues.
Je ne crois pas qu’il y aura une hausse spectaculaire du nombre d’incidents une fois que le cannabis sera légalisé. Toutefois, avec le projet de loi C-46, les policiers auront la responsabilité ajoutée de reconnaître les personnes qui sont sous l’influence du cannabis. Avant que nous ayons formé les membres de notre équipe, nous serons incapables de bien appliquer les lois du pays à cet égard. Si la légalisation n’est pas reportée, nous devrons faire du rattrapage pour nous préparer.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, chef Busch.
Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse au représentant de l’Association canadienne des automobilistes. Vous dites que vous exhortez le gouvernement à investir davantage dans la recherche, l’éducation publique et l’application de la loi. Vous avez fait quelques allusions au fait que le gouvernement dit avoir investi, mais que, sur le terrain, cela ne se voyait pas. À combien d’argent le terme « davantage » correspond-il pour vous? Et que feriez-vous si vous étiez responsable de cette mise en place?
[Traduction]
M. Jack : Nous n’avons pas de chiffre en tête, mais nous savons que ce n’est pas assez. En particulier, relativement à l’application de la loi, tant à court terme qu’à long terme, comme je l’ai dit plus tôt, nous nous fondons sur les États américains qui ont procédé à la légalisation pour affirmer que selon nous, à long terme, les recettes fiscales ne seront probablement pas aussi élevées que les projections du gouvernement.
Nous sommes d’avis qu’à court terme, il n’y a pas eu suffisamment de mobilisation.
À propos des choses qui auraient pu arriver il y a un an, soit en 2017-2018, nous nous sommes efforcés de déchiffrer combien d’argent est dépensé ou a été mis de côté dans le budget et dans l’énoncé économique. Ces chiffres sont très difficiles à comprendre. C’est très difficile de saisir quelle somme est affectée à l’éducation publique, aux ERD et à tout le reste.
Pour être juste envers le gouvernement, il faut préciser qu’une partie des fonds n’a pas encore été déboursée, quoique selon nous, même les petites sommes prévues dans le budget devraient déjà avoir été versées, et il en faut plus. Je pense que je consulterais les chefs de police, l’association des policiers et des groupes comme celui du chef Busch pour calculer à combien s’élèvent les fonds supplémentaires requis.
Nous comprenons qu’il n’y aura jamais assez d’argent pour tout faire. En ce moment, il y a seulement environ 600 ERD dans tout le pays, je crois; il faut au minimum doubler ce chiffre, et assez rapidement. Je pense que si des fonds ne sont pas mis à leur disposition, les services de police comme celui du chef Busch auront de la difficulté à acheter tous les frottis oraux et les stations dont ils auront besoin.
Puisque c’est le gouvernement fédéral qui prend la décision de légaliser la marijuana et de créer des coûts, d’après nous, ce serait normal qu’il paie sa juste part.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une courte question pour M. Jack au sujet du financement. Si j’ai bien compris, le gouvernement a annoncé un financement de 161 millions de dollars sur cinq ans. Est-ce que ce chiffre vous dit quelque chose? Est-ce que vous l’avez entendu quelque part?
J’essaie de mieux comprendre votre argument concernant la nécessité de prévoir plus de campagnes d’information pour le public. Est-ce que vous dites qu’une somme de 161 millions de dollars sur cinq ans n’est pas suffisante? Parce que cette somme doit en effet couvrir l’application de la loi, la recherche et l’éducation du public.
Est-ce que vous croyez que des organismes comme le vôtre, qui font déjà des campagnes d’information du public, devraient être financés directement par le gouvernement? Il y aurait donc une partie de ces fonds qui pourraient être affectés à la subvention d’organismes comme le vôtre ou comme Jeunesse sans drogue Canada pour faire des campagnes de sensibilisation, parce que vous travaillez déjà sur le terrain.
[Traduction]
M. Jack : Nous avons déjà souligné et nous continuerons à dire que le financement de tiers serait très bien accueilli. Au bout du compte, les organismes sans but lucratif se partagent tous des fonds limités.
La question est beaucoup plus vaste. Comme je viens de le dire, franchement, je ne peux pas vous répondre parce que la ventilation du budget n’est pas très claire. Nous avons demandé des renseignements complémentaires. De fait, nous demanderions peut-être à votre comité de tenter d’obtenir une réponse directe quant à l’affectation des fonds.
Si nous répartissons ce montant sur les cinq ans dont parle le gouvernement, il faut songer qu’une partie de la somme est destinée à des organismes comme l’ASFC, qui recevra des fonds pour préparer la frontière, et à d’autres organismes fédéraux, à part la GRC. Comme je l’ai déjà dit, des fonds sont aussi destinés aux provinces, je crois, pour la formation des policiers.
Dans tous les cas, il faut soutenir les organisations autochtones, les organismes communautaires et la recherche. Toutes ces causes et tous ces groupes méritent du financement, mais lorsqu’on commence à soustraire des fonds de ce qui semble, au premier abord, une somme importante et qu’on divise cette somme sur cinq ans, on constate que c’est peu d’argent pour chaque bénéficiaire. D’après moi, il faut établir la liste des priorités et augmenter les dépenses.
Évidemment, je suis ici pour parler de la conduite automobile. Des sondages menés par nous et par d’autres organismes montrent qu’une des trois plus grandes préoccupations des Canadiens concernant la légalisation, ce sont les répercussions sur les routes et sur la sécurité publique.
Le président : Chef Busch, j’aimerais vous poser une question avant que nous levions la séance : comment décririez-vous la situation entourant la consommation de cannabis par les jeunes vivant sur les réserves comparativement à la situation à l’extérieur des réserves? D’après vous, le problème est-il plus grave, étant donné que vous devez actuellement appliquer la loi interdisant la consommation de cannabis? Quelle est votre évaluation de la situation entourant la consommation par les jeunes vivant sur les réserves?
M. Busch : Encore une fois, je peux seulement parler des cinq réserves dont je suis responsable, et je sais que la situation varie d’un endroit à l’autre. Nous recevons très souvent des appels parce que des jeunes fument de la marijuana à proximité des écoles. Je ne sais pas exactement quelles sont les statistiques. Nous devons souvent nous rendre aux écoles parce que des jeunes consomment de la marijuana ou des produits de cannabis, et cela semble être partout. Nous sentons la marijuana dans de nombreuses maisons où nous entrons et dans les voitures que nous arrêtons.
Ce n’est peut-être pas un fait journalier, mais c’est une situation qui ne fait certainement plus sourciller les policiers. Cela semble être partout.
Je le répète, nous avons des problèmes liés aux médicaments sur ordonnance, aux opiacés obtenus illégalement, au fentanyl et à d’autres produits de ce genre. La situation semble s’aggraver avec le temps. J’appuie en quelque sorte le projet de loi, dans la mesure où il nous aide à mieux appliquer la loi. Je le répète, nous savons que l’application de la loi ne réglera pas nos problèmes, mais peut-être qu’elle sauvera des vies en nous permettant de réduire le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies qui se produisent aujourd’hui ou de les éliminer complètement.
Le président : Merci. Au nom de tous mes collègues ici présents, je vous offre encore une fois nos condoléances pour ce que vous avez vécu dans votre famille. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir pris le temps de venir nous faire part de vos préoccupations aujourd’hui.
Monsieur Jack, merci beaucoup pour votre contribution. Elle nourrira notre réflexion sur le projet de loi.
(La séance est levée.)