Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 50 - Témoignages du 17 octobre 2018
OTTAWA, le mercredi 17 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 16 h 18, afin de poursuivre son étude de ce projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous avons le privilège d’accueillir aujourd’hui Mme Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada. Elle est accompagnée par deux personnes que nous avons eu le plaisir d’entendre la semaine dernière. Je vous remercie de votre disponibilité.
[Traduction]
Je vous souhaite la bienvenue cet après-midi. Vous savez probablement très bien que nous avons entendu le président du Conseil du Trésor la semaine dernière, que nous avons eu une séance de breffage privée sur le fonctionnement de la loi, que certains sénateurs ont pris la parole au moment de la seconde lecture, pour exprimer leurs préoccupations.
Vous avez un bagage d’information qui rendra les sénateurs très attentifs à votre témoignage cet après-midi.
[Français]
La parole est à vous, madame Maynard.
Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada, Commissariat à l’information du Canada : Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’offrir l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre examen du projet de loi C-58.
Je suis accompagnée de mes deux collègues, Mme Allison Knight, directrice principale des enquêtes, et Jacqueline Strandberg, gestionnaire des politiques et des affaires parlementaires au sein de mon bureau.
[Traduction]
Permettez-moi de débuter en vous disant que je suis heureuse que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour moderniser la Loi sur l’accès à l’information. Bien que nous puissions avoir différents points de vue sur ce que cette modernisation devrait être, nous pouvons tous nous entendre sur le fait que 35 ans d’attente pour des modifications législatives est beaucoup trop long, et nous devons reconnaître que la loi n’est plus à jour. La Loi sur l’accès à l’information n’est pas adaptée à la réalité de 2018, c’est-à-dire au gouvernement numérique.
Je considère que le projet de loi C-58 marque le début d’un processus continu visant à mettre à jour la Loi sur l’accès à l’information, et non la fin en soi. La version du projet de loi que nous avons devant nous aujourd’hui représente une nette amélioration par rapport à celle qui avait initialement été déposée à la Chambre des communes et que certains, incluant ma prédécesseure, qualifiaient avec raison de régressive.
La Chambre des communes a apporté 14 modifications au projet de loi, des modifications qui avaient été demandées par divers intervenants. Parmi celles-ci figure la modification qui me permettrait de publier des ordonnances et une autre qui exigerait que les institutions obtiennent une autorisation écrite de la part du commissaire avant de refuser une demande. Ces modifications sont des améliorations appréciables.
[Français]
À mon avis, toutefois, de nouvelles modifications sont encore nécessaires pour que le projet de loi C-58 représente une nette amélioration par rapport au statu quo. Aujourd’hui, mes remarques porteront sur ces modifications.
Je crois comprendre que le commissariat a déjà remis à ce comité la copie d’une lettre que j’ai rédigée à l’intention du président du Conseil du Trésor, qui présente des recommandations spécifiques visant à améliorer le projet de loi, ainsi qu’une lettre que j’ai écrite conjointement avec le commissaire à la protection de la vie privée à l’intention du président du Conseil du Trésor. Dans ces deux lettres, j’ai formulé quatre propositions visant à améliorer le projet de loi. J’espère que vous prendrez ces mêmes propositions en considération.
[Traduction]
Premièrement, je recommande le retrait des trois nouvelles exigences ajoutées à l’article 6 de la loi que les demandeurs doivent respecter lorsqu’ils formulent une demande d’accès à l’information. Les groupes autochtones et les défendeurs du droit à l’accès ont aussi fait cette recommandation, et cette dernière a reçu l’appui du président du Conseil du Trésor.
Selon moi, ces nouvelles exigences créent des obstacles inutiles au droit d’accès et pourraient empêcher la formulation de demandes.
Elles présument que les demandeurs possèdent une compréhension professionnelle des rouages du gouvernement ou au moins une connaissance préalable du document auquel ils souhaitent accéder. Or, ce n’est pas toujours le cas pour bien des demandeurs.
La mise en œuvre de ces nouvelles exigences limiterait le droit d’accès et réduirait la transparence.
[Français]
Deuxièmement, je recommande le retrait de la période de transition d’un an relative aux nouveaux pouvoirs de surveillance du commissaire à l’information, afin que toutes les plaintes formulées après que le projet de loi aura reçu la sanction royale soient ainsi assujetties au nouveau modèle de surveillance. Faire abstraction de cette recommandation ferait en sorte que le commissariat devra composer avec des systèmes d’enquête parallèles, ce qui, selon moi, entraînerait des coûts, des complications et des retards inutiles. Le président du Conseil du Trésor a également offert son appui à cette recommandation.
Troisièmement, je recommande que certaines dispositions mettant en jeu la participation du commissaire à la protection de la vie privée aux enquêtes sur l’accès soient modifiées afin de garantir un juste équilibre entre le droit des Canadiens à la protection de la vie privée et leur droit à l’accès en temps opportun. Le commissaire à la protection de la vie privée et moi avons élaboré cette recommandation et nous sommes d’accord pour dire que sa mise en œuvre n’entraînerait pas de fardeau administratif supplémentaire pour nos commissariats. Le président du Conseil du Trésor appuie également cette recommandation.
[Traduction]
Pour ce qui est de ma recommandation finale, je suggère que toute ordonnance du commissaire à l’information puisse faire l’objet d’une certification par la Cour fédérale.
Le projet de loi C-58 ne comprend aucun mécanisme pour que les ordonnances du commissaire à l’information soient certifiées par la Cour fédérale. Cela signifie qu’outre la possibilité de présenter une demande de mandamus, c’est-à-dire de demander à la Cour fédérale d’ordonner à une institution fédérale d’accomplir une action, le projet de loi C-58 ne prévoit aucun recours pour traiter les situations où une institution décide simplement de ne pas se conformer à une ordonnance de ma part.
Une telle procédure ne se résume pas à une approbation automatique. Elle nécessite la tenue d’une audience et se termine par une décision de la cour.
Selon moi, une disposition de la loi visant la certification des ordonnances du commissaire à l’information constitue le mécanisme législatif le plus simple et le plus efficace pour garantir que les ordonnances soient contraignantes, et permet de garantir, aux demandeurs et à moi, que les ordonnances du commissaire soient respectées.
[Français]
À titre de commissaire à l’information, j’ai la responsabilité de veiller à ce que la Loi sur l’accès à l’information soit appliquée correctement.
Avec les quatre modifications clés que je vous ai suggérées aujourd’hui, je suis d’avis que le projet de loi m’accordera de meilleurs outils et pouvoirs afin que je puisse m’assurer que le droit d’accès soit respecté et que les institutions se conforment à la loi.
Je dois toutefois ajouter que, malgré ces modifications, le projet de loi C-58 ne peut à lui seul remédier aux retards généralisés dans le système d’accès. Un financement adéquat, des ressources supplémentaires, de meilleures procédures, de la formation et des outils technologiques sont nécessaires afin que nous puissions nous acquitter de l’obligation d’offrir un accès en temps opportun.
[Traduction]
De plus, je suis d’avis que d’autres modifications à la loi seront nécessaires afin que le gouvernement du Canada puisse réaffirmer son rôle de chef de file à titre de gouvernement ouvert et transparent, qui sert de modèle à l’ensemble des pays démocratiques.
Un des éléments les plus importants du projet de loi C-58 est l’examen qui devra être mené dans l’année suivant la sanction royale, et les examens subséquents qui auront lieu tous les cinq ans par la suite. Ces examens périodiques permettront aux divers intervenants d’examiner plus en profondeur la loi et de formuler des recommandations supplémentaires pour les autres aspects de la loi qui ne sont pas visés par le projet de loi, mais qui se doivent d’être mis à jour.
Par exemple, nous nous attendons à ce que le gouvernement examine sérieusement, au cours de prochain examen, les exceptions et exclusions prévues par la loi dans l’optique d’accroître la transparence et d’inscrire dans la loi l’obligation de documenter.
[Français]
Enfin, je tiens à remercier les membres du comité de m’avoir donné l’occasion d’exprimer mon point de vue sur le projet de loi C-58. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, madame Maynard. J’ai déjà une très longue liste de sénateurs qui veulent vous poser des questions.
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie de votre mémoire, madame Maynard, et de vos recommandations. Je vais aller dans un autre sens que le contenu de votre mémoire.
Lorsque le ministre est venu nous rencontrer, je l’avais questionné sur l’engagement électoral que le premier ministre avait pris d’assurer une plus grande transparence de l’information provenant des bureaux des ministres et du premier ministre. Ainsi, on assujettirait à la nouvelle loi les informations qui ne mettent pas la sécurité nationale en jeu, bien sûr.
Les informations qui seront accessibles en vertu de la nouvelle loi sont à peu près les mêmes que celles qui sont prévues dans l’ancienne loi. Il n’y a pas beaucoup de changements. Dans le rapport de 2007 de votre prédécesseure, elle écrivait ceci, et je la cite :
[...] ce changement n’assujettit pas le Cabinet du premier ministre au droit d’accès à l’information.
Selon elle, c’était le statu quo.
Ce projet de loi va-t-il faire en sorte que les demandeurs d’information puissent en apprendre davantage qu’ils ne le pouvaient en vertu de l’ancienne loi?
Mme Maynard : Je suis d’accord pour dire que le fait d’assujettir le cabinet du premier ministre et les bureaux des ministres à une divulgation proactive n’est pas la même chose que de les assujettir à la Loi sur l’accès à l’information. En ce moment, l’accès à l’information ne concerne pas du tout les bureaux des ministres et du cabinet du premier ministre. Mon bureau ne peut pas enquêter ni réagir à des demandes d’accès faites aux bureaux des ministres comme tels. La divulgation proactive, la partie 2, ajoute de l’information que les Canadiens et les Canadiennes ont souvent demandée et à laquelle ils n’ont pas accès à l’heure actuelle.
Le sénateur Boisvenu : Pouvez-vous me donner des exemples d’information que les Canadiens et les Canadiennes pourront dorénavant obtenir qu’ils ne pouvaient pas auparavant?
Mme Maynard : Tout ce qui est relié aux dépenses faites par les ministres et leurs employés est actuellement exclu de la loi. Donc, les gens qui travaillent exclusivement dans le bureau du ministre ne sont pas assujettis à la loi en ce moment. S’il s’agit d’informations auxquelles ont accès les fonctionnaires au sein du ministère, celles-ci sont assujetties à la partie 1 de la loi.
Le sénateur Boisvenu : Je comprends. Même le Sénat a fait un grand pas en ce sens. Depuis deux ans, le Sénat divulgue des informations concernant les dépenses des sénateurs, ce qui est tout à fait normal. Toutefois, je parle sur le plan politique. Est-ce que ce projet de loi donnera aux citoyens accès à des informations de nature politique? Je comprends que le premier ministre et les ministres exposent leurs dépenses, qui sont faites à l’aide de l’argent des contribuables et qui sont des renseignements de nature administrative. Par rapport à d’autres informations de nature politique, ce projet de loi prévoit-il d’obliger les ministres et les premiers ministres à divulguer davantage d’information qu’à l’heure actuelle?
Mme Maynard : En ce moment, la divulgation proactive est énoncée dans une politique du gouvernement fédéral, et même les institutions, y compris mon commissariat, sont assujetties à cette politique, mais elle n’est pas codifiée dans la loi. Donc, si demain matin le gouvernement était remplacé par un autre, on pourrait perdre cette avenue-là. Maintenant, le projet de loi le codifie et ce sera obligatoire, autant pour les institutions fédérales que pour les bureaux des ministres.
Le sénateur Boisvenu : Pouvez-vous me donner des précisions? Je ne comprends pas vos propos. Vous dites « codifier ». Qu’est-ce que ça veut dire? C’est du jargon pour moi.
Mme Maynard : Il s’agit d’une politique du Conseil du Trésor qui oblige les institutions à faire en amont une divulgation de leurs informations. Cependant, à l’avenir, cette exigence sera légiférée, et il sera beaucoup plus difficile d’y apporter des modifications lorsqu’elle sera prévue dans la loi.
Les bureaux des ministres ne sont pas assujettis aux mêmes demandes que les institutions financières. On parle aussi d’information en ce qui concerne les lettres de mandat, qui sont souvent divulguées de façon volontaire. Toutefois, la loi va les obliger à...
Le sénateur Boisvenu : Les notes d’information sur les projets de loi que les fonctionnaires rédigent pour les ministres seront-elles accessibles au public?
Mme Maynard : Les notes d’information ne font pas partie de la liste de documents qui doivent être divulgués de façon proactive. Seuls les titres des notes d’information font partie de la liste.
Le sénateur Boisvenu : En conclusion, toutes les informations de nature politique seront difficilement accessibles dans le cadre du projet de loi. Ce sont davantage des informations de nature administrative qui seront disponibles.
Mme Maynard : Si les institutions gouvernementales ont rédigé ces notes d’information, ce qui est habituellement le cas, les citoyens pourront faire une demande par l’entremise du bureau de l’institution en question.
Le sénateur Boisvenu : Merci.
Le sénateur McIntyre : Merci, madame Maynard, de votre présentation. Nous savons que la grande majorité des plaintes sont résolues au moyen de la négociation, de la médiation et du consensus. Par contre, autant dans la loi actuelle que dans le projet de loi C-58, on ne retrouve aucune fonction de médiation explicite, et ce, même si la médiation fait souvent partie des enquêtes. Je pose cette question, parce que l’ancienne commissaire à l’information, Mme Legault, avait recommandé d’inclure une disposition qui rendrait le processus de médiation officiel.
Quelle est votre opinion quant à cette recommandation de rendre officiel le processus de médiation?
Mme Maynard : Lorsque je suis arrivée au commissariat, j’ai rencontré tous les gens du bureau et je leur ai posé la question sur les processus. Il semblerait qu’il n’est pas difficile pour les gens du bureau, en ce qui a trait aux enquêtes, de faire de la négociation et de la médiation. Il est sûr qu’en ayant un mandat spécifique, qui est distinct du processus de décision, il est alors possible d’obtenir des fonds, de la formation et une équipe spécialisée. Selon moi, cela fait partie — comme vous venez de le dire — des fonctions normales d’une commission qui mène des enquêtes. On fait ce genre d’exercice tous les jours. Même si ce n’est pas indiqué dans la loi, cela ne nous empêche pas de le faire quotidiennement.
Le sénateur McIntyre : En ce qui concerne la hausse du nombre de plaintes et la réponse aux demandeurs, on apprenait récemment que vous avez demandé à rencontrer tous les coordonnateurs dans les institutions. Vous vouliez les rencontrer pour les sonder et leur demander quels sont les problèmes auxquels ils sont confrontés. Avez-vous eu l’occasion de rencontrer ces coordonnateurs? Si oui, quelle a été l’issue de cette rencontre?
Mme Maynard : J’ai organisé une rencontre officielle au début de mon mandat, et une autre rencontre aura lieu en décembre. C’est très important de rencontrer les coordonnateurs afin de tâter le pouls des institutions et des employés qui travaillent dans les bureaux d’accès à l’information.
En assistant à ces réunions, j’ai pu constater qu’il y a encore énormément de travail à faire. Les défis sont énormes. On demande du financement supplémentaire. Je ne peux pas travailler toute seule. Si on veut mener une enquête dans un dossier, il faut obtenir une réponse des institutions. La loi nous oblige à donner aux institutions l’occasion de répondre aux demandes d’enquête. Souvent, on se rend compte qu’ils n’ont pas le financement nécessaire pour ajouter du personnel ou que s’ils ont les fonds, ils n’arrivent pas à trouver du personnel. C’est un problème important en ce moment. Il y a une grande pénurie de main-d’œuvre. C’est un domaine très difficile.
Il y a également des lacunes sur le plan de la technologie. Les processus sont très désuets. Certains employés travaillent encore avec un crayon de plomb pour faire du « vetting » de leurs documents. On constate que c’est aussi un problème.
Le sénateur McIntyre : Ce sont les problèmes le plus souvent évoqués par les coordonnateurs.
Mme Maynard : Oui.
Le sénateur Carignan : Je vous remercie. J’ai entendu parler d’une pratique parmi certains fonctionnaires ou cadres supérieurs qui consiste à déposer le crayon lorsqu’on échange sur un sujet de nature délicate. Ils omettent de prendre des notes. Pourtant, le Conseil du Trésor a une directive qui va à l’encontre de cette pratique, mais il semble qu’elle ne soit pas toujours appliquée. J’aimerais entendre votre point de vue sur l’obligation de documenter les discussions. Selon vous, une loi sur l’accès à l’information en 2018 — parce qu’on est en 2018 — ne devrait-elle pas inclure une obligation de documenter?
Mme Maynard : Que ce soit par l’entremise de la Loi sur l’accès à l’information ou de la Loi sur les archives, les commissaires se sont rencontrés à plusieurs reprises à ce sujet. On a demandé à plusieurs reprises que cela soit légiféré. Je suis d’accord avec vous, il y a actuellement une politique. On le constate parfois dans nos enquêtes, sachant qu’une décision importante a été prise par une institution. Quand on pose la question à savoir ce qui a mené à une décision, quelles discussions ont été tenues et qui a participé à ces rencontres pour arriver à une décision, on se rend compte qu’il n’y a pas de documents. C’est moins fréquent sur le plan financier, où la méthode est très rigide, parce que le vérificateur général fait des vérifications. Quant au contrôleur, il y a des règles très spécifiques lorsqu’il s’agit des dépenses, mais dans le cas des décisions qui touchent les Canadiens et les Canadiennes, il s’agit de décisions politiques. Il arrive qu’il nous manque des informations sur le processus. On parle de décisions qui ont une importance gouvernementale et non de discussions transitoires.
Ce qui est inquiétant, ce sont les nouvelles applications liées aux téléphones intelligents. Même si les gens n’ont plus de BlackBerry et n’envoient plus de messages NIP à NIP, il y a toujours cette possibilité de travailler d’une autre façon, que ce soit au moyen de textos, de WhatsApp ou d’applications permettant aux employés de la fonction publique de communiquer entre eux sans que ces informations soient sauvegardées. Nous tenons à l’heure actuelle des discussions avec le gouvernement pour savoir à quel niveau nous pouvons limiter l’accès à ce genre d’application.
Le sénateur Carignan : Lorsqu’on discute d’éléments qui touchent le travail ou l’État, ce que vous suggérez, c’est qu’il y ait l’obligation d’utiliser, par exemple, son adresse courriel gouvernementale ou son numéro de téléphone gouvernemental, et non pas son adresse privée.
Mme Maynard : Des critères plus rigoureux seraient définitivement appréciés.
Le sénateur Carignan : Votre prédécesseure parlait aussi de la disparition d’Info Source. Je n’ai rien entendu à ce sujet dans votre présentation. Avez-vous des commentaires sur la disparition d’Info Source?
Mme Maynard : Info Source était relié à l’article 6. Si vous exigez que les gens indiquent le type de documents qu’ils recherchent et de quelle date à quelle date, Info Source est primordial, parce que c’est l’un des seuls endroits où les gens peuvent trouver le type d’information qui est conservée par les institutions.
Si vous acceptez de modifier l’article 6 et de retirer les nouveaux critères obligatoires, grâce à l’article qui oblige les institutions à aider les demandeurs à bien déterminer le type de document qu’ils recherchent et le sujet de leur demande, Info Source ne sera peut-être pas nécessaire.
Le sénateur Carignan : Il ne sera pas essentiel, mais il pourrait être utile.
Mme Maynard : Il ne sera pas essentiel. Les institutions se plaignent beaucoup du fardeau que représente la mise à jour d’Info Source et, souvent, ils ne le font pas. Est-ce vraiment une source à laquelle on peut se fier? J’encourage les gens à communiquer avec les demandeurs pour comprendre leurs demandes. J’encourage aussi les plaignants à appeler pour savoir quel type d’information est requise et à quelle institution faire la demande, car, parfois, on consulte, mais l’information se trouve ailleurs, et on ne le sait pas si on ne consulte pas le site web.
Je ne pense pas qu’Info Source soit obligatoire, mais il faudrait retirer l’article 6.
Le sénateur Carignan : Donc, il pourrait être utile, mais pas essentiel.
Mme Maynard : Effectivement.
Le sénateur Pratte : Bonjour. J’aimerais revenir sur la question de votre pouvoir d’ordonnance. Lorsque nous avons soulevé la question auprès des fonctionnaires du Conseil du Trésor et du ministre, on nous a essentiellement dit que, premièrement, il est indiqué dans la loi que cette loi s’impose au gouvernement. Il s’agit donc d’un ordre de la commissaire, et cela vaut quelque chose.
Deuxièmement, si jamais une institution ne fait rien, on demande un mandamus à la Cour fédérale. Ils nous ont dit qu’on procédait ainsi et que ce n’était pas compliqué. Êtes-vous d’accord? Est-ce que cela vous amène à penser que, au contraire, on devrait plutôt fonctionner par la voie que vous suggérez, c’est-à-dire que vos ordres soient ratifiés par la Cour fédérale?
Mme Maynard : Comme je le disais lors de ma présentation, une demande de mandamus n’est pas un processus facile. Il faut prévoir de six à sept mois avant d’obtenir une ordonnance de la cour qui oblige l’institution à agir sur l’ordonnance du commissariat. Une certification ou une disposition de la loi faisant en sorte que les institutions sachent que l’ordonnance pourrait être certifiée et que son non-respect pourrait constituer un outrage au tribunal, cela a un impact de dissuasion important. Elles seraient obligées de prendre une décision à savoir si elles respectent l’ordonnance ou si elles font appel. Selon moi, cela a une grande importance.
Aussi, cela me fait rire lorsqu’on dit que les articles de la loi lient le gouvernement. Je reçois 2 400 plaintes par année quant à l’interprétation de la loi. Dans la moitié de ces cas, j’en arrive à la conclusion que l’institution n’a peut-être pas répondu aux exigences de certains articles de la loi. Même si l’on s’attend à ce que les institutions respectent la loi, ce n’est pas toujours le cas. C’est vraiment par rapport à la loi et non pas aux ordonnances émises par la commissaire.
Le sénateur Pratte : Deuxièmement, le commissariat a toujours été opposé à ce que des frais soient imposés aux gens qui font une demande d’accès à l’information. Je remarque que, dans le projet de loi C-58, on conserve les frais de 5 $ et on maintient la possibilité de quintupler ces frais. De plus, on ouvre la porte à toutes sortes de frais qui seraient adoptés par réglementation. Je suis un peu étonné que vous ne le mentionniez pas dans vos recommandations, parce que c’est tout de même une ouverture importante à des frais supplémentaires.
Mme Maynard : Je vous dirais qu’on choisit ses batailles. Tout ce qui est relié aux frais a comme possibilité de limiter l’accès à l’information. Nous ne sommes pas en faveur de rajouter des frais. Je suis heureuse de constater qu’on a retiré la capacité d’évaluer des frais pour ce qui est de la recherche, parce que ces frais étaient utilisés pour réduire ou empêcher certaines demandes d’être volumineuses.
Malheureusement, sans l’article 6, on ne peut pas refuser l’accès à quelqu’un quand la demande est astronomique ou faite de mauvaise foi. Il nous manque un mécanisme pour que les institutions puissent travailler avec les plaignants pour tenter d’arriver à une demande plus raisonnable. Je ne pense pas que l’utilisation de frais devrait être un obstacle aux demandes d’accès.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : J’allais poser une question sur l’applicabilité d’une ordonnance du commissaire à l’information, mais je pense que vous l’avez bien expliquée. Nous aurons besoin d’entendre d’autres témoins pour creuser la question.
J’aborderai donc une autre question. Ma mémoire me fait défaut, mais le ministre a dit rapidement qu’il vous octroierait plus d’argent. Est-ce bien 12 millions de dollars qu’il compte vous donner?
Mme Maynard : Je le souhaite.
La sénatrice McCoy : Combien vous donnera-t-il?
Mme Maynard : À l’heure actuelle, mon budget est de 11 millions de dollars. On nous a dit que nous recevrions 1,7 million de dollars pour intégrer nos nouveaux pouvoirs et faire appliquer les nouvelles dispositions de la loi contenues dans le projet de loi C-58. Nous recevrions donc 1,7 million de dollars de plus.
La sénatrice McCoy : Pour le prochain exercice?
Mme Maynard : Par année, pour les cinq prochaines années.
La sénatrice McCoy : Ce n’est pas pour vous permettre de rattraper l’arriéré.
Mme Maynard : Non, malheureusement. Depuis six mois, mon équipe et moi nous efforçons de montrer que, depuis six ans, le nombre de plaintes reçues a augmenté de 25 p. 100, alors que notre budget n’a pas augmenté. Le nombre de demandes d’accès à l’information au gouvernement a augmenté de 225 p. 100.
Vous pouvez voir le parallèle entre le nombre de plaintes reçues et l’augmentation du nombre de demandes. Nous avons eu la chance de recevoir du financement temporaire les trois dernières années, mais je suis sûre que vous pouvez comprendre que nous ne pouvons embaucher que des employés temporaires avec un financement temporaire.
On les forme, ils partent au bout d’un an, puis il faut tout recommencer à zéro. Il faut lancer un nouveau concours ou embaucher un consultant, une ressource qui coûte cher. J’ai demandé un financement permanent pour pouvoir embaucher des employés permanents et les garder aussi longtemps que possible, question de les former et qu’ils restent avec nous.
La sénatrice McCoy : Combien d’employés supplémentaires voudriez-vous embaucher?
Mme Maynard : Avec ces 1,7 million de dollars, nous comptons embaucher 15 nouveaux ETP, environ. La majorité de ces employés travailleraient principalement au nouveau processus d’autorisation en vertu de l’article 6, pour qu’il ne retarde pas plus le traitement des demandes et les réponses aux demandes.
Nous devrons aussi travailler à la publication des ordonnances, un nouveau pouvoir dont je me réjouis beaucoup. À l’heure actuelle, nous n’avons aucun moyen de rendre nos décisions publiques, sauf par nos rapports annuels ou des rapports spéciaux, et je trouve que ce n’est pas la bonne façon de veiller à ce que les institutions comprennent ma décision et à ce que nous ayons la même approche pour toutes les institutions. C’est une chose dans laquelle nous devons investir.
Nous avons demandé 3 millions de dollars supplémentaires pour nous débarrasser des 3 500 plaintes qui composent notre arriéré à l’heure actuelle.
La sénatrice McCoy : Il n’y a pas un sou qui ira aux institutions qui causent ces plaintes.
Mme Maynard : Non. Les institutions auront clairement besoin de plus de financement aussi. Comme je l’ai déjà dit, certaines institutions ont les fonds nécessaires, mais n’arrivent tout simplement pas à recruter du personnel qualifié, ce qui m’a surprise. Puis quand nous avons lancé nos propres concours pour embaucher des enquêteurs, nous nous sommes rendu compte que les institutions se volaient souvent les unes les autres les candidats formés par les autres.
Il y a une grave pénurie d’analystes au sein des institutions. J’essaie d’aller recruter mes nouveaux analystes à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur du gouvernement, pour ne pas leur voler leurs ressources et empirer leur situation.
La sénatrice McCoy : J’aimerais parler un peu de l’examen de la loi après un an, puis tous les cinq ans. Je suis contente que la période de transition d’un an soit éliminée. On peut s’attendre à ce que quelqu’un présente un amendement en ce sens au nom du ministre.
Cela me rappelle une chose : avez-vous vu les amendements qu’il compte proposer? Lui avez-vous proposé des libellés?
Mme Maynard : Nous lui avons proposé le libellé qu’on trouve dans la lettre écrite conjointement avec M. Therrien concernant la participation du commissaire à la protection de la vie privée à l’enquête. Pour le reste, nous n’avons pas proposé de libellé, parce que la période prévue pour le retrait de cet alinéa, en plus de l’article 6, serait facile à respecter.
La sénatrice McCoy : Dans la même veine, le fait est que les examens en question sont des examens ministériels. Il ne s’agit pas d’un examen parlementaire. À mon bureau, de jeunes futés m’ont dit : « Un instant. Nous venons tout juste de lire le projet de loi C-59 aussi. » Ils ont mis les deux articles côte à côte.
Selon la Loi concernant les questions de sécurité nationale, les dispositions et l’application de la loi feront l’objet d’un examen effectué par un comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux Chambres du Parlement, qui sera désigné ou constitué à cette fin.
Ainsi, le public, la population y aura accès. À l’opposé, un examen ministériel est totalement confidentiel. Êtes-vous polie lorsque vous dites qu’il y aura place à la consultation?
Mme Maynard : Je suis peut-être naïve, peut-être pas polie.
La sénatrice McCoy : Ce sont des motivations généreuses.
Mme Maynard : Je pense que vous soulevez un excellent point. Nous savons tous qu’il y a parfois des examens qui sont reportés ou qui ne donnent lieu à aucune modification de la loi.
Tout ce qui pourra nous garantir que l’examen sera pris au sérieux, qu’il sera fait, toute mesure qui ajoutera du mordant à cet examen et nous garantira que le prochain, en particulier, sera pris au sérieux nous aidera, parce que cette loi doit vraiment être examinée plus en profondeur.
Le président : La seule chose que je souhaite porter à votre attention, madame Maynard, c’est que vous êtes une agente du Parlement. Vous relevez de nous. Vous ne travaillez pas pour le gouvernement; vous travaillez pour le Parlement.
C’est une distinction fondamentale entre vous et les témoins que nous recevons des ministères de la Justice ou de la Sécurité publique. Je ne veux diminuer votre rôle en rien, mais vous êtes notre employée.
Mme Maynard : En toute déférence, je me définis comme la responsable de la réglementation. Je suis là pour veiller à ce que la loi, que vous adoptez à titre de parlementaires, soit respectée.
Mon commissariat s’appuie sur 35 ans de données. J’utiliserai ces données pour faire des recommandations et vous conseiller, parce que nous savons ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce que les institutions aiment, ce qu’elles n’aiment pas, ce que les divers intervenants aiment.
Je leur parle tous les jours, mais en définitive, je ne peux pas m’imaginer être celle qui dictera ce que la loi doit contenir. Je fais des recommandations, je donne des conseils. Puis, je ferai preuve de toute la diligence voulue pour faire appliquer la loi dont le Parlement m’a confié la responsabilité.
Le président : Votre efficacité vous vient en partie de nous, soit du Parlement, du Sénat, de la Chambre des communes. Elle vous vient essentiellement de votre statut constitutionnel.
La sénatrice Lankin : Monsieur le président, j’aimerais signaler à la greffière, par votre entremise, que je sais que nous avons reçu copie de la première lettre qu’a mentionnée la commissaire à l’information, soit sa lettre au ministre Brison, mais elle a également mentionné une lettre conjointe des commissaires à l’information et à la protection de la vie privée.
Le ministre nous a demandé de l’examiner. En avons-nous déjà reçu copie?
Le président : Elle nous a été remise. Je l’ai lue, personnellement.
La sénatrice Lankin : Je n’ai rien vu.
Le président : Il y a des sénateurs qui sont nouveaux au comité, donc nous verrons à ce que tous les nouveaux sénateurs aient toute l’information nécessaire.
La sénatrice Lankin : Je pensais que nous l’avions, mais je ne crois pas avoir cette lettre. Ce serait bien.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce que vous disiez dans cette lettre de vous deux? Sur quoi vous entendez-vous ou pas? À vous entendre parler, vous semblez avoir quelques divergences d’opinions.
Mme Maynard : Avec M. Therrien?
La sénatrice Lankin : Oui. Sur l’équilibre entre la protection de la vie privée et l’accès à l’information, quelle est la principale préoccupation? J’ai lu votre lettre, mais pas la lettre conjointe.
Mme Maynard : Il n’en était absolument pas question dans ma lettre. Si une institution souhaite porter plainte, le libellé actuel du projet de loi C-58 l’instruit d’utiliser l’article 19, qui porte sur les renseignements personnels caviardés dans les documents. C’est nous qui mènerons enquête, mais l’institution pourrait communiquer elle-même avec le commissariat de M. Therrien pour mentionner que nous menons enquête et lui demander d’y participer.
C’est très discrétionnaire. Nous avons des chiffres, ici, mais l’article 19 est l’article le plus utilisé dans les plaintes que nous recevons. Dans environ 90 p. 100 des cas, le demandeur ne cherche pas à obtenir de l’information protégée par les dispositions sur les renseignements personnels. Il nous dira souvent, au moment de porter plainte, qu’il accepte très bien les dispositions de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information et que ce n’est pas vraiment le genre d’information qu’il souhaite obtenir, qu’il veut plutôt se concentrer sur telle ou telle chose.
Si l’institution devait communiquer avec M. Therrien chaque fois qu’il y a une plainte touchant l’article 19, il sera inondé de demandes. Nous convenons tous deux qu’il devrait plutôt intervenir quand je rejette une exemption à l’article 19 et que je détermine qu’il doit y avoir caviardage en vertu de l’article 19. Je l’informerais alors de mon intention de rendre une ordonnance dans le dossier. Au cours des six dernières années, il est arrivé environ 14 fois que nous soyons en désaccord avec l’application de l’article 19 par une institution et que nous soyons prêts à demander au tribunal de trancher.
Il participerait alors à l’enquête et présenterait ses arguments. Il recevrait également mon rapport final. Il s’agit alors d’une consultation obligatoire. Nous sommes passés d’un régime discrétionnaire à un régime qui m’oblige à le consulter.
Il est difficile de prévoir les questions qui surgiront, mais il pourrait s’agir de nouveaux types de renseignements ou d’un argument qui m’est présenté pour la première fois, auquel cas je pourrais de mon propre chef décider de consulter M. Therrien sur des enjeux qui touchent les renseignements personnels. Je peux utiliser son expertise.
Nous interprétons la loi et la définition des renseignements personnels depuis 34 ans, mais il serait pertinent, dans ce genre de situation, qu’une personne se concentre sur la vie privée, sur la protection de la vie privée. Nous convenons tous deux que la meilleure façon d’utiliser nos ressources pour protéger les Canadiens tout en assurant l’accès à l’information serait de nous concentrer sur ces cas.
La sénatrice Lankin : Je crois vous avoir entendue dire que vous aviez proposé un libellé dans cette lettre.
Le président : J’ai la lettre sous les yeux, et il y a un libellé précis proposé pour chaque élément; les deux commissaires font ainsi des recommandations au président du Conseil du Trésor.
La sénatrice Lankin : Au sujet des recommandations 3 et 4, sur la certification de vos ordonnances par la Cour fédérale, vous mentionnez explicitement que le ministre appuie vos recommandations 1 et 2. Le ministre nous a encouragés à lire votre lettre conjointe, donc je ne sais pas si cela signifie qu’il l’appuie.
Mme Maynard : Oui.
La sénatrice Lankin : Très bien. Qu’en est-il de l’ordonnance de la cour?
Mme Maynard : Il n’appuie pas la certification.
La sénatrice Lankin : Voulez-vous nous en parler un peu plus? Y a-t-il d’autres agents du Parlement ou commissaires qui ont ce genre de pouvoir? J’ai parlé avec des gens de certains tribunaux administratifs qui ont ce genre d’outil.
Mme Maynard : Oui, il y a le RCC. Quelques tribunaux fédéraux l’ont. L’exemple le plus près qui me vient à l’esprit serait celui du commissaire de Terre-Neuve, qui a des fonctions très similaires aux miennes. C’est à moitié un ombudsman, à moitié un tribunal. Ses recommandations peuvent être certifiées par la cour.
Nous avons communiqué avec lui cette semaine, parce que la loi, là-bas, est inactive depuis 2015. Il n’a jamais eu à recourir à la certification, mais cette possibilité existe, au cas où. Il n’a eu à s’adresser au tribunal que trois fois pour défendre ses décisions.
Je vous invite chaudement à lire la loi de Terre-Neuve. Elle est très similaire à ce que nous proposons ici.
[Français]
Le sénateur Gold : Ma question a été posée et vous y avez répondu.
J’ai une autre question, qui est plutôt technique. Si je comprends bien, vous n’êtes pas mal à l’aise avec le mandat de refuser une demande d’accès si elle est de mauvaise foi ou vexatoire, étant donné qu’il existe de la jurisprudence provinciale à ce sujet.
Le projet de loi décrit votre autorité de façon un peu différente de celle des institutions. Je vous invite à le commenter. Si la question est trop technique, je m’en excuse. En vertu de l’alinéa 6.1(1)c), l’institution peut refuser une demande si elle est « vexatoire ou entachée de mauvaisefoi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication ». Par contre, votre autorité est décrite de façon un peu différente dans les cas où la plainte est futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi. Il n’y a aucune référence à un abus de procédure. Êtes-vous préoccupée par ces changements?
Mme Maynard : Non, car on voit la différence. Lorsqu’une demande d’accès serait déposée, en exerçant cette autorité, je leur permettrais de ne pas donner accès. Cette disposition est liée à la demande d’accès. Pour ma part, une fois que la demande d’accès serait faite et que la plainte me serait transmise, j’aurais l’autorité de ne pas faire enquête sur la plainte. La personne aura donc déjà reçu une réponse à sa demande d’accès. Il s’agit d’une question différente. Je ne crois pas que la mesure soit utilisée très souvent, mais il arrive que des plaignants fassent trois plaintes sur la même demande d’accès, étant donné leur mécontentement. Dans un tel cas, je dois traiter les trois plaintes, car je n’ai pas l’autorité de ne pas enquêter.
La mesure est donc spécifique aux plaintes, si je décide de ne pas ouvrir un dossier. Pour la demande d’accès, la mesure doit être vraiment exceptionnelle, car on doit permettre aux institutions de ne pas répondre à la demande d’accès comme telle.
Le sénateur Gold : Si je comprends bien, vous n’êtes pas mal à l’aise avec le fait que l’institution puisse invoquer un abus de droit par rapport à la portée de votre autorité.
Mme Maynard : L’institution aura le fardeau de la preuve. Elle devra me convaincre que les demandes d’un requérant sont vexatoires, faites de mauvaise foi ou constituent un abus du droit d’accès. Dans un tel cas, on doit suivre le processus et demander à la personne qui a fait la demande si elle a des arguments. Par la suite, on prend une décision. Je n’ai aucune difficulté avec le fait de prendre cette décision. Je crois que c’est une bonne chose d’ajouter qu’il faut passer par moi avant que ce soit fait.
Le président : Il existe de la jurisprudence qui peut vous servir de paramètres. Des décisions récentes de la Cour fédérale ont été rendues sur ce genre de questions et, à mon avis, elles sont très claires.
[Traduction]
Sénateur Gold, je ne sais pas si vous avez lu ces décisions, mais elles s’articulent très clairement autour des critères que le tribunal a appliqués.
[Français]
Le sénateur Gold : Cela répond à ma question. Ce n’était pas cet aspect qui m’intéressait, mais la différence dans la façon dont c’est rédigé pour l’institution et pour le commissaire.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Je vous remercie d’être ici.
Comme vous le savez sans doute, Service correctionnel Canada trône au sommet de la liste des ministères et organismes qui prennent le plus de temps pour répondre aux demandes et qui ont le plus grand nombre de demandes en suspens. Selon les statistiques d’avril dernier, je crois qu’il mettait en moyenne 542 jours, soit presque deux ans pour répondre aux demandes, et nous avons entendu qu’il pouvait lui falloir jusqu’à 10 ou 11 ans. L’arriéré était alors de 14 668 dossiers.
Que vos recommandations de modifications à l’article 6 soient suivies ou non, quels autres efforts déployez-vous pour veiller à ce que les personnes incarcérées au pays aient accès à l’information?
Beaucoup d’entre elles sont pauvres, de sorte que les frais associés à la démarche constituent déjà un obstacle, souvent. Comment peut-on veiller à ce qu’elles aient accès plus rapidement aux documents?
De plus, à la lumière des nouvelles modifications proposées hier pour renommer l’isolement et éliminer les garanties procédurales actuellement en place, comment les particuliers pourront-ils avoir accès à l’information compte tenu des restrictions proposées par ce projet de loi? Comment ferez-vous pour veiller à ce que les gens aient accès à vous et à leurs documents?
Mme Maynard : Je ne sais pas si j’ai été informée de cette question en particulier. On n’a pas mentionné qu’elle avait fait l’objet de plaintes. Je traite principalement mon arriéré en ce moment et j’essaie de comprendre les défis auxquels les institutions sont confrontées.
Cette institution particulière a beaucoup de mal à trouver des façons de répondre aux demandes nombreuses, au manque de ressources ainsi qu’aux besoins en matière de dotation et de formation. Ma seule option est de me concentrer sur ce que je peux faire pour les aider. Je leur ai donné plus de consignes et d’exemples de cas et de la manière dont nous interprétons la loi de façon à ce que les institutions puissent éventuellement les utiliser comme précédents et les appliquer à leurs propres cas.
En fait, j’envisage aussi de peut-être procéder à des audits dans certaines de ces institutions — ce que j’ai le pouvoir de faire — afin de déterminer les causes de ces défaillances graves pour chacune de ces institutions qui a vraiment de la difficulté et de formuler des recommandations précises à leur ministre qui s’appliqueraient réellement à elles. C’est quelque chose que j’envisage de faire au cours des six prochains mois.
Tous les Canadiens, où qu’ils soient, devraient avoir accès à l’information. Malheureusement, il leur faut souvent passer par un membre de la famille ou un avocat pour demander de l’information. Il en va de même pour les réfugiés qui ne sont pas Canadiens. Voilà pourquoi IRCC reçoit autant de demandes.
Il reste toujours fort à faire dans ces situations. Malheureusement, je n’ai pas de réponse précise à vous donner. J’ignore si Mme Strandberg ou Mme Knight ont des réponses.
La sénatrice Pate : J’ai une question complémentaire. Si cela peut vous aider, une des études de cas que vous pourriez utiliser pour cela porte sur les efforts déployés par votre bureau. Votre prédécesseure a été utile pour prendre une décision, mais il a fallu deux demandes à la Cour fédérale pour obtenir des renseignements concernant Ashley Smith, la femme qui est morte en détention.
Cela pourrait être une très bonne étude de cas, bien qu’horrible, de tous les obstacles qui ont été placés en cours de processus, y compris avec les trois avocats externes qui ont été impliqués dans l’affaire.
Mme Maynard : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, madame Maynard, de votre présentation. Je ne siège pas habituellement à ce comité, mais aujourd’hui, je suis remplaçant.
Une chose m’intéresse particulièrement. Je vais prendre un exemple typique que tout le monde va comprendre. Parlons du scandale des commandites. Lorsque les journalistes enquêtent sur des décisions ou des gestes politiques discutables qui impliquent des politiciens ou du personnel politique, ils veulent obtenir rapidement ce qu’ils cherchent. Pourriez-vous nous dire ce qui est avantageux pour eux dans vos nouvelles dispositions?
Mme Maynard : Pour les journalistes?
Le sénateur Dagenais : Tout à fait.
Mme Maynard : Le changement primordial sera pour moi le pouvoir de faire des ordonnances, et pas seulement des recommandations. J’aurai les deux autorités.
L’autre aspect intéressant de la nouvelle loi et que certains semblent oublier, c’est le fait que je ne perds pas l’autorité de représenter. Lorsqu’une institution refuse ou fait appel de l’ordonnance que j’aurais le pouvoir d’émettre en vertu de la nouvelle loi, les commissaires ou les tribunaux, bien souvent, n’ont pas accès à la Cour fédérale pour expliquer ou défendre leur position. Or, dans la présente loi, on conserve cette autorité de comparaître au nom du plaignant, des journalistes ou de toute autre personne. Les membres des communautés autochtones s’en sont dits très heureux. Il est arrivé plusieurs fois que mon bureau ait dû aller en Cour fédérale pour représenter des Autochtones dans des causes, alors que ceux-ci n’en auraient pas eu les moyens. Pour moi, c’est très important. Avec les ordonnances, on donnera du mordant à nos recommandations, en espérant qu’elles seront prises plus au sérieux.
Depuis le début de mon mandat, j’ai formulé sept recommandations, ce qui est davantage que ce qui s’est produit au cours des dernières années, et les institutions réagissent favorablement. On parlait plus tôt aujourd’hui des négociations. À un certain moment, il faut arrêter de négocier et accepter de ne pas s’entendre sur certaines applications de la loi. C’est tout à fait acceptable. Je ne cesse de dire à mes employés, aux institutions et aux sous-ministres qu’il est acceptable de ne pas être d’accord sur un dossier. D’ailleurs, c’est parfois ce qui fait avancer la loi et la jurisprudence. Alors qu’on finalise un dossier avec une recommandation, maintenant, je vais pouvoir le faire avec une ordonnance. Je crois que cette mesure aidera les institutions à être plus constantes dans leur application.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame Maynard.
[Traduction]
Le président : Si l’ordonnance faisait l’objet d’une certification, elle serait encore plus pressante. J’attends habituellement jusqu’à la fin avant d’intervenir, mais je vais donner la parole au sénateur Dalphond avant de vous poser des questions sur ce point.
Je sais qu’il pourrait soulever les questions que je souhaite poser.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie d’être ici. Ma question sera brève. Comme vous le savez, j’ai passé une bonne partie de ma vie dans les salles d’audience. L’article 90.05 et les suivants portent sur la transparence qui sera désormais exigée des juges individuellement. Je comprends que vous avez témoigné à ce sujet devant le comité de la Chambre des communes, ou votre prédécesseure l’a fait.
Mme Maynard : Peut-être ma prédécesseure, mais pas moi.
Le sénateur Dalphond : C’était pour dire que la recommandation du Bureau du commissaire était d’avoir la communication d’un montant global par cour plutôt que le montant individuel des déplacements pour chaque juge dans l’exercice de ses fonctions. Est-ce toujours la position de votre bureau?
Mme Maynard : J’aimerais ajouter un commentaire sur cette question en particulier. Je crois que certaines informations contenues dans la partie 2 sont mal comprises. Premièrement, mon bureau n’aura aucune autorité pour enquêter sur l’information divulguée de façon proactive par les nouvelles institutions assujetties à la partie 2. Mon bureau continuera d’avoir l’autorité pour les institutions visées par la partie 1. Je n’aurai aucune autorité pour négocier ou discuter avec les juges, le Sénat ou la communauté parlementaire sur ces fonctions.
Personnellement, je crois que les Canadiens et les Canadiennes veulent en savoir plus sur la façon dont leur argent est dépensé. Ce fait est démontré par les demandes d’accès et les nombreuses plaintes que l’on reçoit à ce sujet. Le fait d’amalgamer suffira-t-il pour répondre à leur besoin d’en savoir plus? Je ne sais pas. J’ai bien hâte de voir si le fait de connaître leurs dépenses de voyage ou de repas aura un impact sur l’indépendance des juges.
Le sénateur Dalphond : Je ne parle pas des dépenses de voyage ou de repas, mais de frais dans l’exercice des fonctions judiciaires, sur les circuits, lorsque les juges se déplacent d’une ville à l’autre pour entendre des causes.
[Traduction]
Le président : Si nous voulons revenir après le vote, je suis sûr que Mme Maynard pourrait rester à notre disposition.
Puis-je connaître les vues des sénateurs autour de la table? Voulez-vous que nous nous réunissions à nouveau ou estimez-vous avoir entendu ce que vous vouliez entendre de la part de Mme Maynard?
[Français]
Merci, madame Maynard.
Le sénateur Carignan : Si j’ai bien compris, vous voulez libérer Mme Maynard?
Le président : Je cherche à savoir si vous voulez revenir à la table après le vote. On avait prévu deux heures avec Mme Maynard.
Le sénateur Carignan : J’ai encore des questions, mais je ne veux pas non plus être le seul.
Le sénateur Pratte : Il y a un autre comité qui suit. Je veux bien revenir, mais il ne faudrait pas prolonger la séance jusqu’à 20 heures.
Le président : J’en conviens. Si vous voulez rester, madame Maynard, nous irons voter et, ensuite, nous reviendrons.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons notre échange avec madame la commissaire à l’information ainsi que les deux collaboratrices qui l’accompagnent. Nous en sommes à la deuxième ronde de la période des questions.
Le sénateur Boisvenu : J’ai deux questions à poser, et je serai bref. Le Canada est passé du 49e rang au 59e rang en matière d’accès à l’information. Il est presque au niveau des pays du tiers-monde. Pour un pays aussi démocratique que le Canada, c’est assez gênant.
Selon de nombreuses critiques exprimées sur ce projet de loi, la progression du Canada vers de meilleurs résultats sera très lente. Je pense à la Suède, qui est au troisième rang mondial.
Le comité devrait-il inviter les pays qui ont fait des réformes en profondeur au cours de la dernière décennie à venir nous expliquer le cheminement qu’ils ont fait et leur demander un comparatif par rapport à ce que nous avons devant nous pour faire en sorte que le Canada, dans 10 ans, figure parmi les meilleurs?
Mme Maynard : Cette étude, qui a placé le Canada au 59e rang, évalue seulement le contenu de nos lois et non pas la mise en œuvre de nos lois. On a une loi qui a été rédigée il y a 35 ans. En fonction des dispositions de notre loi, notre pays occupe le 50e rang. Le Mexique et l’Afghanistan sont en première et deuxième place.
Il n’y a aucune méthode, à l’heure actuelle. Aucun organisme ne fait la vérification de la mise en œuvre des lois par les gouvernements. Il serait intéressant de savoir à quel niveau le Canada se situerait. C’est ce qui fait la différence. De toute évidence, avec le projet de loi C-58 et les facteurs qui sont évalués dans notre loi, notre rang n’augmenterait pas beaucoup, parce que notre loi n’est pas ouverte à toute personne qui n’est pas seulement canadienne. On n’assujettit pas tous les ministères, tous les ministres et tous les bureaux à la loi.
Il y a donc plusieurs facteurs clés. Je ne sais pas si quelqu’un d’un autre pays pourrait vous aider. Il faut faire attention, parce qu’une loi parfaite ne mène pas à l’accès parfait.
Le sénateur Boisvenu : Si je comprends bien, on aurait des modèles à examiner pour se comparer et pour s’assurer de prendre le chemin le moins ardu possible pour s’améliorer.
Mme Maynard : Terre-Neuve, qui a modifié sa loi en 2015, figure à un rang élevé sur la liste par rapport à la loi.
Le sénateur Boisvenu : On aurait intérêt à les écouter.
Mme Maynard : C’est un modèle auquel on se réfère souvent.
Le sénateur Boisvenu : Dans la loi, on dit qu’une demande pourrait être refusée si elle est raisonnablement accessible par d’autres moyens. Le mot « raisonnablement » n’est pas défini dans la loi. Est-ce qu’on va laisser le législateur définir ce mot ou devrait-on définir ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas?
Mme Maynard : Vous parlez de l’alinéa 6.1(1)a)?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Mme Maynard : En ce moment, cet article prévoit trois situations où les institutions pourraient essayer de refuser de réagir à une demande d’accès. Toutefois, elles doivent le faire avec mon autorisation. C’est moi qui aurai la responsabilité d’interpréter les différentes dispositions. Bien entendu, on leur donnera des lignes directrices basées sur la jurisprudence qui existe déjà dans d’autres provinces — ce qui a déjà été interprété et de quelle façon.
J’ai été surprise de voir les alinéas 6.1(1)a) et 6.1(1)b), parce que la majorité des juridictions ont une disposition similaire à l’alinéa 6.1(1)c), qui traite d’une demande « vexatoire » et faite « de mauvaise foi ». Je ne pense pas qu’on ait trouvé de juridiction ayant une disposition équivalente à ces deux alinéas. Selon moi, ce sont des dispositions qui seraient interprétées de façon très restrictive, toujours avec l’idée qu’on veut élargir le plus possible l’accès à tous. Ces deux alinéas, a) et b), devraient être interprétés avec les notions de « mauvaise foi » et « vexatoire ». On pourrait tout mettre dans l’alinéa c). Les alinéas a) et b) ne seraient pas nécessaires. Le but ultime serait d’éliminer les requêtes qui mènent à des recherches ou à des demandes d’accès qui sont réellement abusives et excessives, et qui ne respectent pas l’intérêt de la loi, lesquelles représentent moins de 1 p. 100 des requêtes.
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur votre rôle à titre d’agent du Parlement. Je suis surpris qu’un projet de loi permette à une institution fédérale de contester la décision d’un agent du Parlement. À votre connaissance, dans les autres lois constitutives ou qui portent création des postes d’agent du Parlement, y a-t-il des dispositions qui autorisent une institution fédérale à contester la décision de l’agent du Parlement?
Mme Maynard : Toute décision administrative faite par un tribunal ou un tribunal quasi judiciaire...
Le sénateur Carignan : Ça va, mais vous êtes un agent du Parlement.
Mme Maynard : Oui. Je ne sais pas si mes confrères ou consœurs qui sont agents du Parlement... En fait, oui, le commissaire aux langues officielles, lorsqu’il formule des recommandations, celles-ci peuvent faire l’objet d’une révision judiciaire.
Le sénateur Carignan : Par l’institution fédérale?
Mme Maynard : Par l’institution.
Le sénateur Carignan : En révision judiciaire?
Mme Maynard : Oui. Par contre, je ne sais pas si le fardeau ou la révision est un de novo. Je ne suis pas allée dans les détails, mais je sais que c’est une décision qui pourrait faire l’objet d’un appel à la Cour fédérale.
Le sénateur Carignan : Et vos collègues, les commissaires à l’information, dans les lois provinciales?
Mme Maynard : Oui. Tous les commissaires ont des autorités différentes. Des commissaires au Québec et en Ontario sont des tribunaux. Ils prennent des décisions judiciaires. Il peut y avoir un appel, mais à ce moment-là, les commissaires comme tels ont un rôle plutôt à titre de répondants, et ils ne peuvent pas parler du bien-fondé de leur décision. C’est différent de ce qu’on nous propose dans la loi actuellement.
Le sénateur Pratte : Vous avez souligné tout à l’heure que la divulgation proactive n’est pas la même chose que de se soumettre à la Loi sur l’accès à l’information. Il y a un aspect qui me dérange un peu. Le projet de loi indique clairement que vous n’aurez pas autorité dès qu’on parle de la partie 2 de la loi.
Mme Maynard : Oui.
Le sénateur Pratte : Ce qui m’intéresse, ce n’est pas que vous révisiez chacun des documents divulgués de façon proactive. Toutefois, il semble qu’il serait intéressant et utile que la publication proactive soit maximisée et respectée et que vous ayez un droit de regard systémique afin de dire : « Savez-vous, la divulgation proactive fonctionne plus ou moins. » Parce que, comme le disait le sénateur Carignan, on a compris que certains fonctionnaires ne consignent pas leurs discussions, et donc, qu’il n’y a plus de renseignements dans les documents. Est-ce que vous avez envisagé une façon d’opérationnaliser ce genre de droit de regard que vous auriez sur la partie 2 de la loi?
Mme Maynard : Actuellement, comme je le disais, le projet de loi ne le prévoit pas. Pour démontrer qu’il s’agit d’un besoin, j’envisage, dans la prochaine année, de comptabiliser le nombre de fois où les gens se plaignent des demandes d’accès. Je pense à l’autorité d’un vérificateur, un peu comme le vérificateur général qui mène des audits où les institutions doivent respecter leurs obligations en ce qui a trait à certaines responsabilités financières. Des processus semblables seraient envisageables. Si vous me donnez d’autres pouvoirs, il faudra veiller à ce que j’aie les ressources pour envisager une telle fonction.
Nous le faisons déjà à mon bureau en ce qui a trait aux institutions, et nous pourrions également le faire en ce qui concerne la partie 2.
Le sénateur Pratte : Évidemment, il y a aussi une question de ressources si on vous confie ce rôle.
Mme Maynard : Oui.
Le sénateur Pratte : D’un point de vue plus technique, si on éliminait tout simplement l’article, je ne sais plus lequel, 92 peut-être, qui vous interdit de vous mêler de tout ce qui concerne la partie 2, auriez-vous un droit de regard?
Mme Maynard : Je ne pense pas, parce que, à ce que je sache, mon rôle concerne les institutions gouvernementales de la partie 1. Il est spécifique que mon mandat concerne la partie 1. Alors, si on veut m’ajouter à la partie 2, il faudrait apporter un amendement précis à ce chapitre.
Le président : Le seul point, sénateur, que cela peut mettre en cause, ce serait le privilège parlementaire. Il faudrait voir quel impact pourrait avoir la décision de confier le mandat au commissaire à l’information de s’assurer que chaque sénateur, ministre ou député ait l’obligation de rendre publiques les informations prévues dans le projet de loi, et jusqu’à quel point ce serait une gestion du privilège parlementaire. Il y a cet aspect qui est inhérent à l’exclusion de la partie 2 et, indirectement — je regarde le sénateur Dalphond —, sur le principe de l’indépendance judiciaire également.
Alors, il y a des principes constitutionnels qui sont en cause dans la partie 2 qu’il faudrait évaluer au préalable. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas se faire, je dis simplement qu’en ayant lu le projet de loi et en ayant ces éléments à l’esprit, c’est ce qui m’apparaît être en cause, au départ, dans la décision de vous exclure statutairement de cette partie.
Le sénateur Pratte : Merci, c’était un bon point.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Je veux poursuivre dans la même veine que le sénateur Boisvenu concernant le cadre législatif.
Je dois admettre qu’une des choses qui m’a vraiment choquée quand j’ai pris connaissance de ce projet de loi a été d’entendre votre prédécesseure dire que ni elle ni le commissaire à la protection de la vie privée n’avait été le moindrement consulté concernant son cadre. J’estime donc qu’il est défaillant.
Je vais vous poser une question toute simple concernant les normes internationales d’accès à l’information. Il doit sûrement y avoir des lois types ou quelque chose du genre. Le personnel de votre commissariat a dû se pencher sur la question.
Peut-être pourriez-vous éclairer notre lanterne? Ensuite, si nous menons un examen parlementaire de ce sujet, nous pourrions vraiment commencer à rédiger un projet de loi sur l’accès qui serait à propos au XXIe siècle.
Mme Maynard : Je veux commencer par une déclaration. Vous avez raison de dire que mon bureau, ma prédécesseure et M. Therrien n’ont pas été consultés avant le dépôt du projet de loi C-58. C’était dommage, parce que le personnel du commissariat avait recueilli une quantité incroyable de données ainsi que mené nombre de travaux de recherche et d’examens. Il a dressé des tableaux pour comparer les différentes institutions d’autres administrations au Canada avec celles d’autres pays.
Le bureau a rédigé un rapport sur la modernisation en 2015. Je vous recommande vivement de le passer en revue. Il parle en détail des questions que nous avons vues et des modifications potentielles à apporter à la loi.
Nous serions disposés à discuter de ce rapport et d’autres recommandations avec le gouvernement. Je serais prête à le faire et disponible.
Le président : Pourriez-vous indiquer les aspects du projet de loi qui n’ont pas été couverts par votre rapport à l’époque?
Autrement dit, quels éléments essentiels du rapport que vous avez publié en 2015 ont été négligés dans le projet de loi? Je pense que cet exercice pourrait être utile pour les membres de notre comité.
Mme Maynard : Toutes les exclusions et les exemptions, c’est clair. Je donnais un exemple aujourd’hui de l’article 21, qui est une des exemptions qui occasionne beaucoup de problèmes. Lorsque les institutions veulent exclure des recommandations et des conseils formulés aux fonctionnaires de divers ministères, elles invoquent l’article 21. Il a été grandement utilisé.
Nous sommes souvent en désaccord, car si vous avez des notes d’information, vous connaissez le contexte et les faits. Il est possible d’en communiquer une partie, mais nous voyons toujours des cas dans lesquels la note d’information est caviardée au complet.
Il nous faut mieux comprendre ce qui constitue un avis, ce qui constitue une recommandation et dans quels cas les exemptions prévues à l’article 21 devraient être invoquées. C’est un des exemples.
La partie 1 devrait être pour tout le monde dans un cabinet de ministre et au cabinet du premier ministre. C’était une des recommandations de notre rapport, et nous sommes revenus avec une divulgation proactive à la partie 2. C’est une bonne étape. C’est mieux que ce que nous avons à l’heure actuelle.
Est-ce ce dont les Canadiens ont besoin et ce qu’ils veulent? Je ne pense pas que la loi et les modifications qui y sont apportées sont ce à quoi nous nous attendions tous. Avec les quatre amendements que j’ai faits, nous sommes en meilleure posture qu’en maintenant le statu quo, mais nous aurions besoin de procéder à un meilleur examen la prochaine fois, c’est clair.
La sénatrice Lankin : Je veux parler de la question de l’examen. La mesure législative contient des dispositions d’un an et de cinq ans ainsi que la possibilité d’un examen permanent de la loi par le comité parlementaire.
Je suis en train de lire l’article. Il existe trois différents types d’examen. Je pense que la sénatrice McCoy a parlé de la possibilité d’un examen futur de la loi, du travail comparatif que vous avez mené et d’un modèle futur potentiel.
Cette mesure législative contient-elle des dispositions en matière d’examen avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord ou qui doivent, selon vous, être modifiées d’une façon particulière?
Mme Maynard : La sénatrice McCoy disait que la formulation actuelle de l’examen est que ce serait le gouvernement qui serait responsable d’amorcer ces examens et de les mener, tandis que si les Chambres du Parlement en étaient responsables, le public canadien et les intervenants seraient mieux consultés. Cette démarche pourrait avoir de meilleurs résultats et forcer le gouvernement à donner suite à cet examen.
La sénatrice Lankin : Madame la commissaire, y a-t-il quelque chose que je comprends mal en ce qui concerne l’article 99 intitulé « Examen permanent par un comité parlementaire »?
La sénatrice McCoy : Je regarde l’article 93. Regardez-vous l’article 99?
Le président : La phrase que cite la sénatrice McCoy se trouve à l’article 93, en haut de la page 35.
Mme Maynard : Je vais laisser ma collègue vous expliquer la différence entre les deux.
La sénatrice Lankin : Je comprends la différence, mais on a dit à cette table, et on n’a pas rectifié le tir, qu’il ne s’agit que d’un examen ministériel et qu’il n’y a pas d’examen parlementaire.
Mme Maynard : C’est uniquement un examen ministériel. Les examens parlementaires mentionnés à l’article 99 concernent les rapports présentés au Parlement.
Jacqueline Strandberg, gestionnaire des politiques et des affaires parlementaires, Commissariat à l’information du Canada : Chaque institution soumet des rapports administratifs tous les ans, alors je crois que c’est ce sur quoi porte l’article 99. Il concerne les rapports administratifs que chaque institution soumet ou présente chaque année, alors que l’examen législatif en tant que tel se trouve à l’article 93.
La sénatrice Lankin : J’ai tendance à être d’accord pour dire qu’il devrait s’agir d’un examen parlementaire et non d’un examen ministériel. Je pense aussi que cette disposition pourrait servir.
Si nous examinons vos rapports, nous examinons ce que vous êtes capable de faire. S’il y a des lacunes, vous pouvez nous expliquer pourquoi, et cetera.
Mme Maynard : J’ai besoin d’utiliser mon mécanisme de production de rapports spéciaux plus souvent, c’est clair.
La sénatrice Lankin : Oui.
Le président : Madame Maynard, je pense aux recommandations formulées dans votre rapport en matière de modifications et à la certification dont votre ordonnance a fait l’objet plutôt qu’au contenu du projet de loi.
Vos ordonnances n’ont pas été certifiées, et le projet de loi prévoit que lorsqu’un citoyen veut faire valoir son droit, il doit faire appel à la Cour fédérale pour demander un mandamus. Comme le projet de loi le stipule, il s’agirait d’une procédure pour entamer une audience de novo.
C’est comme si vous n’aviez pas émis d’ordonnance.
Mme Maynard : Il y a une différence. Si je rends une ordonnance pour obliger une institution à communiquer plus de renseignements parce que je ne suis pas d’accord avec l’application des exemptions, elle a deux choix. Elle la respecte ou elle en interjette appel, mais mon problème est le suivant : qu’arrive-t-il si elle n’y donne pas suite?
Le président : C’est cela.
Mme Maynard : Qu’arrive-t-il si l’institution ne m’a pas donné de réponse après 30 jours?
Le président : Alors, cela reste lettre morte.
Mme Maynard : Oui, ensuite je dois me présenter à la Cour fédérale pour que mon ordonnance fasse l’objet d’une certification. Conformément au régime en vigueur, il me faudrait me rendre en cour moi-même et demander au tribunal d’ordonner à l’institution de donner suite à mon ordonnance, ce qui se ferait par l’intermédiaire d’une motion de mandamus.
Le président : Oui.
Mme Maynard : Comme vous le savez, c’est compliqué.
Le président : Non seulement c’est compliqué, mais j’estime que la Cour fédérale l’ordonne très rarement. Ma mémoire pourrait me faire défaut, mais je ne me rappelle pas la dernière fois que la Cour fédérale a ordonné un mandamus. C’est une procédure vraiment exceptionnelle.
Autrement dit, si l’administration n’est pas assujettie à la certification de votre décision, celle-ci est à son avantage. Si votre ordonnance est certifiée, elle profite à l’utilisateur de la loi.
Ce que vous nous demandez de faire, c’est de rétablir l’équilibre en faveur de l’utilisateur. C’est ainsi que j’ai essayé de comprendre la dynamique que cela créerait dans le système si votre demande de certification de votre ordonnance était acceptée par le Parlement.
Mme Maynard : Oui.
Le président : Autrement dit, nous rétablirions l’équilibre du rapport entre l’utilisateur et l’administration. Sans ordonnance certifiée, c’est à l’avantage de l’administration de simplement dire : « Nous n’y donnerons pas suite. Oubliez cela. Allez-vous-en. »
Mme Maynard : Alors il faudrait que je me batte encore. Si elle n’est pas d’accord, elle dispose d’un mécanisme pour interjeter appel de l’ordonnance. Si elle le fait sur cette question en particulier, nous irions devant les tribunaux et il s’agirait d’une audience de novo.
Le tribunal examinerait la décision de l’institution de ne pas communiquer les renseignements pour déterminer si oui ou non elle a pris la bonne décision, mais j’aurais la possibilité de présenter mon point de vue sur l’affaire.
Le président : Exactement.
Mme Maynard : Encore une fois, pour représenter ces affaires.
Le président : C’est vous qui allez devant les tribunaux. Lorsque vous le faites, vous avez les capacités d’un organisme qui dispose de fonds publics. J’estime que c’est la distinction importante entre les deux.
Puis-je vous demander, par l’intermédiaire de votre conseiller juridique, de déterminer la dernière fois que la Cour fédérale a délivré un mandamus et dans quelles conditions?
Le sénateur Dalphond ne sera peut-être pas d’accord avec moi, mais je pense que c’est une procédure vraiment extraordinaire à laquelle les juges hésitent généralement à avoir recours, à moins qu’il s’agisse d’un cas flagrant de mauvaise foi de la part de l’administration et que l’affaire est exceptionnelle.
Mme Maynard : Les juges pourraient examiner l’institution qui n’interjette pas appel de l’ordonnance. S’ils ne sont pas d’accord avec elle, vous croiriez qu’ils auraient à en convenir.
Le président : Oui.
Mme Maynard : Voici ce qui me préoccupe : Combien de temps faudra-t-il? Combien de temps doit-on attendre pour que cela se fasse? Si c’est 30 jours, ils ont 30 jours pour interjeter appel. Après 30 jours, je m’attends à ce qu’ils communiquent plus de renseignements.
Le président : Je veux revenir sur un point. Si votre décision est certifiée, l’administration est donc confrontée à une ordonnance de nature judiciaire.
Mme Maynard : Oui.
Le président : Cependant, si votre ordonnance ne fait pas l’objet d’une certification, il s’agit d’une demande administrative au même titre que n’importe quelle autre.
Autrement dit, je crois comprendre que votre demande donne beaucoup plus de force à votre ordonnance de contraindre l’administration à y donner suite et à communiquer les renseignements que vous demandez.
Mme Maynard : Mon argument est que le simple fait qu’elle figure dans la loi la renforce. Peut-être que je n’aurai pas besoin de le faire, mais j’espère ne pas avoir à le faire.
Le président : Absolument. Cela aurait pour effet d’exercer, par la nature de votre ordonnance, de la pression sur l’administration pour qu’elle y pense à deux fois avant de ne rien dire.
Mme Maynard : Pour qu’elle réponde.
Le président : Exactement.
Mme Maynard : C’est cela.
Le président : Cela changerait la dynamique dans l’administration de l’information en général. C’est mon évaluation de ce qui est légal.
Mme Maynard : Je suis d’accord. Voilà pourquoi je dis que ce projet de loi est bien mieux que le statu quo, du moment que vous êtes d’accord avec mes quatre recommandations. J’ai besoin que mes ordonnances soient certifiées, c’est clair.
Le président : Cela me semble être un élément important parce qu’il faut toujours mettre en balance les droits des citoyens de savoir et celui de l’administration de pouvoir assumer sa responsabilité comme elle l’entend.
À un moment donné, les deux se rencontrent, et comment faire pour tenir compte du droit d’un citoyen d’avoir accès à l’information pour exercer son droit démocratique de demander au gouvernement de rendre des comptes et de décider de voter?
C’est par votre intermédiaire. Vous êtes notre agente. Vous agissez au nom du Parlement. C’est à nous qu’il revient de décider dans quelle mesure vous avez besoin d’exercer de la pression sur l’administration de par la nature même de votre pouvoir de maintenir ce flux d’information.
Mme Maynard : Et le respect de la loi.
Le président : Tout à fait.
Mme Maynard : Je peux me pencher sur la question.
Le président : Si vous voulez le faire par l’intermédiaire de votre service juridique, certains sénateurs et moi serions certainement intéressés.
[Français]
Le sénateur Pratte : Si nous modifions la loi et que le gouvernement accepte l’idée de vous permettre de faire certifier vos ordonnances, qu’arrive-t-il avec les auditions instituées en appel qui sont de nouvelles affaires? Si vous émettez une ordonnance, elle n’est pas certifiée tout de suite. Vous l’émettez d’abord et l’institution a le choix de ce qu’elle veut faire. L’institution qui voit poindre la menace d’une certification se dit peut-être : « Je devrais en appeler tout de suite, parce que, de toute façon, ce sera de novo ».
Est-ce que je me trompe en disant que, dans ce cas, l’ordonnance disparaît complètement?
Mme Maynard : Elle ne disparaît pas. Une révision de novo signifie que ce n’est plus ma décision qui fait l’objet d’une révision, c’est la décision de l’institution qui continue d’être révisée, mais pour une deuxième fois. Selon moi, l’avantage du processus que l’on a actuellement, c’est que je vais pouvoir participer à cet appel et amener les arguments qui font en sorte que davantage de divulgations devraient être apportées.
Il faut penser que lorsque j’émets une ordonnance, c’est que je suis en désaccord avec la façon dont l’institution applique la loi. Mon ordonnance fera quand même partie du dossier, mais ce ne sera pas uniquement basé sur le dossier présenté devant moi, ce sera également basé sur toute nouvelle argumentation qui sera présentée, et par moi, et par l’institution par rapport au dossier qui était demandé.
Le président : Afin de contribuer à une partie de la réponse, je dirais ceci.
[Traduction]
Dans le cas d’une décision concernant une ordonnance qui a fait l’objet d’une certification, par exemple, l’appel se fait sur la base d’un examen administratif. Le sénateur Dalphond et le sénateur Carignan, un avocat, conviendraient avec moi qu’il s’agit d’un examen administratif. Lorsqu’il est question d’une audience de novo, il ne s’agit plus d’un examen administratif. Nous recommençons à zéro.
Mme Maynard : Oui.
Le président : Le tribunal n’est pas saisi de la révision de la décision de madame la commissaire.
Mme Maynard : La décision initiale, vous voulez dire.
Le président : Oui, nous recommençons à zéro à partir d’une décision initiale. Il s’agit de deux contrôles judiciaires différents.
[Français]
Le sénateur Pratte : Ma question est de savoir quelle est l’utilité de l’article qui traite d’une audience de novo à partir du moment où l’on permet la certification des ordonnances. C’est la question que je pose.
Le sénateur Carignan : Si je comprends bien votre demande — et vous me corrigerez si j’ai tort —, en déposant votre ordonnance, en la faisant certifier, vous voulez qu’elle devienne l’équivalent d’une ordonnance de la Cour fédérale.
Mme Maynard : De la Cour fédérale, oui.
Le sénateur Carignan : Pour contester cette ordonnance, il faudrait aller en Cour d’appel fédérale.
Mme Maynard : Avec la certification, dans le cas des gens qui ne respectent plus la décision, c’est un outrage au tribunal.
Le sénateur Carignan : Oui, d’accord. Mais si nous voulons contester l’ordonnance, nous adresserons-nous à la Cour d’appel fédérale ou à la Cour fédérale?
Mme Maynard : Ce serait à la Cour fédérale.
Le sénateur Carignan : À ce moment-là, on parlerait d’une révision judiciaire.
Mme Maynard : Ce serait une contestation de la révision.
Le sénateur Carignan : Oui, selon les critères d’une révision judiciaire, pas selon ceux d’un appel, et avec la retenue et toute la spécialisation qui l’accompagne. Est-ce bien le cas? Je ne sais pas.
Mme Maynard : Oui. Je suis d’avis que, à un certain moment donné, l’institution a l’obligation de rendre une décision, à savoir si elle respecte ou non l’ordonnance. Si elle veut contester l’ordonnance, elle doit en appeler de l’ordonnance. Dans le cas où elle conteste la certification de l’ordonnance, c’est quelque chose qu’il va falloir réviser. À ce moment-là, son délai d’appel est échu et elle ne peut plus en appeler de l’ordonnance. Elle doit la respecter comme telle.
Le sénateur Carignan : Vous dites qu’aux termes de la loi actuelle, lorsque les institutions décident de ne pas rendre une décision, il faut aller devant le tribunal pour demander un mandamus.
Mme Maynard : Oui, en vertu du projet de loi C-58, tel qu’il est rédigé présentement.
Le sénateur Carignan : Donc, ce serait une demande de mandamus.
Mme Maynard : Oui, pour forcer l’organisme à respecter l’ordonnance et à agir.
Le sénateur Carignan : Il faut une obligation d’agir dans un sens déterminé.
[Traduction]
Le président : Pour que tout le monde comprenne bien autour de la table, je suis sûr que vos conseillers juridiques liront le procès-verbal et nos échanges actuels parce que vous demandez qu’on apporte un amendement au projet de loi. Toutes les personnes ici présentes voudront comprendre très simplement et clairement ce que les diverses étapes impliquent.
On a soulevé des questions autour de la table, et je suis sûr qu’il y en aura d’autres. Afin de modifier la loi, il est essentiel pour nous de vraiment mesurer l’incidence qu’elle aura sur votre position en cour, sur l’utilisateur en cour, les citoyens qui demandent l’information et l’administration.
Mme Maynard : Qu’elle accorde une certification.
Le président : Exactement.
La sénatrice Lankin : C’est ce que je voulais.
Le président : Je parle au nom de tout le monde.
Mme Maynard : Voudriez-vous que je le fasse pour les deux figures de cas, si les organisations portent l’ordonnance en appel et si elles ne la respectent pas?
Le président : Exactement. Pour toutes les questions qui ont été soulevées.
Mme Maynard : Oui, en ce qui concerne l’ordonnance.
Le président : Si vous relisez certains des points qui ont été soulevés, et j’en vois d’autres, il nous serait utile d’avoir tous en main des renseignements communs.
La sénatrice McCoy : Peut-être pourrions-nous être exhaustifs tout le long. Lors de mes échanges avec des avocats qui s’occupent de questions relatives à l’AIPRP pour divers clients, ils ont indiqué que les nouvelles audiences leur posaient un problème, car ils sont souvent retardés quand les ministères présentent de nouvelles preuves. Ils préféreraient de loin la tenue d’une révision judiciaire.
Il me semble qu’une transition soit proposée. Tout d’abord, la commissaire à l’information a présenté des recommandations. Des ordonnances sont maintenant prises, mais on ne va pas jusqu’au bout pour les exécuter. C’est ce que nous cherchons à faire.
Si on peut délivrer une ordonnance et que la Loi stipule qu’il faut indiquer les motifs et les faits, on a le genre d’ordonnance qui permet de tenir une révision judiciaire en bonne et due forme. On peut ainsi bénéficier de l’expertise que l’on aurait avec n’importe quel processus quasi judiciaire.
J’ai préparé un amendement en ce sens, mais il vaudrait mieux que les experts se chargent de la question. Nous avons parlé au légiste et conseiller parlementaire pour le Sénat.
Le précédent que nous avons cherché pourrait être utile. Il y en aura d’autres que vous connaissez. Les ordonnances de la Commission canadienne des droits de la personne peuvent être certifiées; il pourrait donc valoir la peine d’inclure son expérience concernant cette disposition dans le mémoire.
Le président : Madame Maynard, je pense que vous avez compris où la sénatrice McCoy veut en venir, et nous partageons tous son opinion. Nous voulons comprendre très bien les répercussions pour que les sénateurs et le Conseil du Trésor soient à l’aise à cet égard. Je ne dirai pas que nous aurons une réfutation, mais nous aurons les observations du Conseil du Trésor.
Mme Maynard : Ou de la ministre de la Justice.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je n’ai pas grand-chose à ajouter, étant donné que les sénateurs Carignan et McCoy ont couvert les questions que je voulais poser. En droit du travail, les sentences arbitrales peuvent être déposées au greffe de la cour pour être certifiées et deviennent l’équivalent d’un jugement de la cour. Par contre, ce n’est pas l’équivalent d’un mandamus. Ce n’est pas une ordonnance de la cour qu’il faut respecter sous peine d’outrage au tribunal. Ce n’est que l’équivalent d’un jugement ordinaire de la cour qui vous ordonne de faire quelque chose. Si vous ne le faites pas, nous envoyons un huissier le faire.
Toutefois, lorsqu’on parle de mandamus, c’est contre qui? Le ministre? La Couronne? Le procureur général? Je ne sais pas.
Mme Maynard : En principe, l’une des difficultés que l’on rencontre avec ce processus, c’est que le mandamus est pris en vertu d’une personne civile. Il faut trouver la personne —
Le sénateur Dalphond : Il faut qu’il y ait quelqu’un qui soit en outrage et qui ne le fait pas.
Mme Maynard : Le coordonnateur de l’accès à l’information?
Le président : C’est peut-être le sous-ministre.
Le sénateur Carignan : Les critères du mandamus ne sont pas évidents.
Le sénateur Dalphond : Mon seul souvenir d’une injonction mandamus ou de son équivalent contre un ministre, c’était lorsque Joe Clark était ministre des Affaires étrangères. Il y avait eu une ordonnance de la Cour fédérale qui a été très contestée.
Le sénateur Carignan : Il faut une obligation d’agir dans un sens déterminé.
Le sénateur Dalphond : Exactement.
Le sénateur Carignan : Le ministre a rarement une telle obligation. Il faudrait que son pouvoir soit encadré dans la loi. On le voit au ministère de l’Environnement lorsqu’il s’agit de la délivrance d’un permis ou de quelque chose du genre.
Le sénateur Dalphond : Voilà pourquoi la procédure doit être réfléchie. Il faut expliquer sur papier ce qu’elle sera. Si l’on a un délai d’appel de 30 jours et qu’après cette période on n’a pas exécuté votre décision, on peut la déposer au greffe de la Cour fédérale pour que ce soit l’équivalent d’un jugement de la Cour fédérale. Je sais ce que je ferais le 29e jour : je ferais appel pour éviter que vous déposiez votre ordonnance le 30e jour.
Ensuite, qu’est-ce que le dépôt d’une ordonnance au greffe? Est-ce tout simplement une formalité, ou devez-vous en aviser l’autre partie? Est-ce que l’autre partie peut contester si vous ne lui envoyez pas un avis? Il faut penser à la mécanique et la regarder attentivement. Plus ce processus se fait sans que l’autre partie soit présente, plus il faut un mécanisme permettant à l’autre partie de contester. Il faut voir ce que cela va donner comme mécanisme.
[Traduction]
Le président : Une procédure de mandamus pourrait être envisagée concernant la responsabilité de fournir l’information. Le juge, auquel l’administration présentera moult raisons pour ne pas la fournir, interprétera la loi en faveur de l’administration en usant de son pouvoir discrétionnaire.
Mme Maynard : Vous dites essentiellement que les administrations porteraient ma décision en appel en raison de la demande de mandamus.
Le président : Exactement. Au chapitre de la responsabilité, en raison de la manière dont le régime est conçu pour l’administration et des échappatoires qui lui permettent d’éluder la responsabilité de fournir l’information, le risque qu’un bref de mandamus soit pris est minime.
La sénatrice McCoy : La Cour fédérale a dressé une liste de critères et elle s’y tient quand vient le temps de déterminer quand elle ne délivrera pas de mandamus.
Le président : Oui, sur le permis.
La sénatrice McCoy : Une des conditions veut que le pouvoir soit obligatoire et non discrétionnaire. Nous avons affaire au pouvoir discrétionnaire ici.
Presque chaque fois, la cour dira qu’elle ne peut pas s’occuper de l’affaire.
Le président : C’est exactement là où je veux en venir, sénatrice. Nous disons la même chose.
Mme Maynard : Au bout du compte, c’est à moi qu’il reviendra de prouver les faits.
[Français]
Le président : Je crois que votre service juridique devrait relire ce que nous avons exprimé autour de la table.
[Traduction]
S’il prend connaissance de nos propos, vous pourriez alors nous revenir avec des réponses claires quant aux diverses hypothèses sur les différentes situations, qu’il s’agisse de la certification, de l’absence de certification, de l’appel en cas de certification, de la possibilité que le projet de loi demeure dans sa forme actuelle, du potentiel de mandamus et du contexte de l’exercice d’un mandamus.
Il semble que cela nous permettrait de comprendre si nous allons de l’avant avec votre proposition d’amendement.
Mme Maynard : Me permettez-vous de vous fournir le tout par écrit?
Le président : Oui, bien entendu.
Mme Maynard : Je pense que ce sera plus clair quand nous le verrons.
Le président : Oui, en ce qui concerne les divers points du projet de loi.
Mme Maynard : Oui.
Le président : Vous pouvez voir que certains sénateurs sont absents. Or, il importe qu’ils disposent de l’information nécessaire si nous voulons recueillir un soutien majoritaire concernant votre amendement.
Mme Maynard : Cela assurera une meilleure compréhension.
Le président : Merci beaucoup. Notre rencontre a été fructueuse. Même si tous les membres du comité n’étaient pas présents, je pense que vous connaissez l’essence de nos préoccupations.
Mme Maynard : Merci beaucoup.
[Français]
Merci de vous être rendue disponible cet après-midi.
(La séance est levée.)