Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 50 - Témoignages du 18 octobre 2018
OTTAWA, le jeudi 18 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 10 h 34, afin de poursuivre son étude de ce projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au comité. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Nous avons le plaisir d’accueillir ce matin Mme Gould, qui est la ministre responsable des Institutions démocratiques.
[Traduction]
Madame la ministre, nous sommes ravis de vous accueillir ce matin. Je constate que vous êtes en compagnie de Mme Riri Shen, directrice des opérations, Bureau du conseil privé. Bienvenue.
[Français]
Vous connaissez évidemment la procédure de notre comité. Nous allons écouter votre exposé et, par la suite, il y aura un échange avec nos honorables collègues autour de la table.
[Traduction]
La parole est à vous, madame la ministre.
Karina Gould, C.P., députée, ministre des Institutions démocratiques : Monsieur le président, veuillez me permettre de vous remercier, vous et les sénateurs siégeant au comité, de me donner la possibilité de comparaître devant vous ce matin. Bonjour.
J’ai eu le plaisir de comparaître ici au mois de juin concernant le projet de loi C-50, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (financement politique). Je me rappelle que les discussions que nous avions tenues à l’époque étaient très constructives. En conséquence, le 21 décembre 2018, ou six mois après que ce projet de loi a reçu la sanction royale, tous les partis enregistrés représentés à la Chambre des communes seront tenus de respecter les mêmes règles en déclarant publiquement le nom des personnes assistant à leurs événements de collecte de fonds générant le plus de profit.
[Français]
Au sujet de la normalisation des règles à suivre, je suis fière d’être responsable du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs. Ce projet de loi apporterait des modifications nécessaires à notre système d’administration des élections, tout en améliorant, sécurisant et renforçant notre système électoral. Par exemple, il garantira des règles justes et équitables pendant la période préélectorale en y encadrant la publicité partisane, une mesure rendue nécessaire en raison de l’introduction des élections à date fixe.
[Traduction]
En ce moment même, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre mène une étude article par article de ce projet de loi. S’il devait être renvoyé à votre comité aux fins d’une étude, je serais heureuse de comparaître et de présenter la vision de notre gouvernement d’un processus électoral moderne, accessible, transparent et sécurisé pour le XXIe siècle.
Toutefois, ce matin, comme on l’a souligné, je suis là pour discuter du projet de loi C-58.
Le président : Je commençais à être nerveux.
Mme Gould : Ne vous inquiétez pas. Je sais pourquoi je suis là. Je suis tout simplement très emballée, car j’ai de très nombreuses occasions de comparaître devant votre comité.
[Français]
Ce projet de loi, qui comprend des modifications attendues depuis longtemps à un régime d’accès à l’information qui n’a pas subi de mise à jour importante depuis 35 ans, reflète la phase 1 de l’engagement de notre gouvernement à moderniser la Loi sur l’accès à l’information.
[Traduction]
Comme mon collègue, le président du Conseil du Trésor, s’est adressé à vous au sujet de cette initiative avant l’Action de grâce, je concentrerai ma déclaration d’aujourd’hui sur les dispositions qui accroîtront la transparence dans l’ensemble de nos institutions démocratiques en les assujettissant pour la première fois à des exigences normalisées et prévues par la loi en matière de publication proactive. Pour la première fois, le projet de loi C-58 assujettira le cabinet du premier ministre, les cabinets des ministres, les sénateurs, les députés de la Chambre des communes ainsi que les institutions administratives appuyant le Parlement à des exigences normalisées en matière de publication proactive.
[Français]
À l’avenir, les Canadiens n’auront plus besoin de présenter des demandes d’accès à l’information pour obtenir les lettres de mandat, les cahiers de transition, les trousses d’information à l’intention des ministres, ainsi que les documents exposant les frais de voyage et d’accueil pour les ministres et leur personnel exempté.
Tous ces documents seront publiés, en temps opportun, sur des sites web gouvernementaux ouverts. Il en sera de même pour les contrats de plus de 10 000 $, ainsi que pour les documents préparés par les ministères pour la période des questions et les témoignages devant les comités parlementaires.
[Traduction]
Bien entendu, les exemptions et les exclusions applicables à l’actuel régime fondé sur les demandes présentées au titre de la Loi sur l’accès à l’information s’appliqueront aux nouvelles exigences en matière de publication proactive. Autrement dit, les mesures de protection actuellement prévues dans le cas de certaines catégories d’information, comme les renseignements personnels, les renseignements obtenus à titre confidentiel d’un autre État ou l’information relative à la sécurité nationale, continueront de s’appliquer sous le régime de la publication proactive.
[Français]
J’aimerais maintenant parler de certaines des préoccupations qui ont été soulevées.
Dans le cadre de notre système parlementaire basé sur celui de Westminster, le Sénat et la Chambre des communes, de même que leurs membres respectifs, jouissent de privilèges sans lesquels ils ne seraient pas en mesure de s’acquitter de leurs fonctions. L’existence de tels privilèges, tout comme l’origine de ceux-ci, est enracinée dans notre Constitution.
[Traduction]
Le projet de loi C-58 ne vise pas à modifier la procédure par laquelle les Chambres du Parlement tranchent les questions touchant le privilège. Même si le nouvel article 71.12 de la Loi sur l’accès à l’information habilitait le Président du Sénat et celui de la Chambre des communes à exclure certains documents de la publication proactive si leur divulgation portait atteinte au privilège parlementaire, il incombera à chaque Chambre de donner à son Président des directives quant à la façon d’exercer ce pouvoir.
D’un point de vue technique, j’ai entendu des commentaires concernant l’exigence de divulguer l’information au sujet des contrats dont la valeur est supérieure à 10 000 $. Même si cette exigence est très importante, certaines dispositions du projet de loi peuvent être interprétées comme signifiant que chaque modification apportée à ces contrats devrait également être divulguée. Ces modifications sont fréquentes, mais souvent sans importance. En conséquence, cette nouvelle exigence pourrait avoir tôt fait de présenter un lourd fardeau pour les cabinets des ministres et les institutions qui appuient le Parlement. Par conséquent, j’accueillerais favorablement un amendement qui prévoirait uniquement la divulgation de ces modifications lorsqu’elles ont pour effet de faire augmenter ou diminuer la valeur du contrat de plus de 10 000 $.
La Chambre des communes a également apporté au projet de loi un amendement qui accorderait plus de temps — 60 jours au lieu de 30 — aux ministères pour la publication des renseignements contractuels à la fin de l’exercice. Dans le but d’assurer l’uniformité au chapitre de l’application de ces dispositions, j’accueillerais aussi favorablement un amendement qui harmoniserait les dispositions équivalentes applicables aux cabinets de ministres selon ce nouvel échéancier.
Enfin, l’article 37 du projet de loi édicte un nouvel article — le 78 — exigeant que les ministres publient un rapport annuel sur toutes les dépenses engagées relativement à leur bureau respectif et payées sur le Trésor. Toutefois, le libellé actuel de la disposition empêcherait que ces rapports soient publiés — comme c’est actuellement le cas — dans les Comptes publics du Canada. Comme l’efficience de cette méthode redditionnelle est éprouvée, et dans le but d’éviter la création d’un nouveau mécanisme d’établissement de rapports, j’accueillerais aussi favorablement un amendement qui permettrait que perdure la pratique actuelle de publication dans les Comptes publics du Canada.
[Français]
Honorables sénateurs, le projet de loi C-58 propose des mesures qui moderniseront la Loi sur l’accès à l’information et rehausseront la transparence et la responsabilisation des institutions démocratiques canadiennes.
Ces mesures favoriseront grandement la disponibilité de l’information relative au cabinet du premier ministre et aux cabinets des ministres, aux parlementaires et aux institutions qui appuient le Parlement.
[Traduction]
Les réformes proposées dans le projet de loi C-58 sont une étape importante de l’examen et de la modernisation continus de la Loi sur l’accès à l’information, et j’ai hâte de travailler avec tous les membres du comité afin d’améliorer la responsabilisation.
Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de m’accueillir ce matin. Sur ce, je suis disponible pour répondre à vos questions du mieux que je le pourrai. Je suis également accompagnée de Mme Riri Shen, du ministère, qui pourra m’aider à répondre à toute question d’ordre technique.
Le président : Merci, madame la ministre.
[Français]
Il m’est très agréable d’inviter maintenant l’honorable sénateur Boisvenu, vice-président du comité, à entamer le débat ce matin.
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup, monsieur le président. Madame la ministre, bonjour. Madame la ministre, j’essaie de voir dans cette loi ce que votre gouvernement se propose de moderniser. Vous parlez de divulgation volontaire, vous parlez d’informations qui vont maintenant être accessibles, du cabinet du premier ministre, et cetera. Hier soir, j’ai travaillé avec mon bureau pour savoir si ces informations étaient déjà disponibles. Nous avons consulté Google et nous avons juste tapé « divulgation volontaire, frais de voyage », et j’ai trouvé vos dépenses. Je sais que vous êtes allée à Toronto le 15 janvier et à Montréal le 25 janvier, et que vous avez dépensé 2 300 $.
Je me dis que si c’est cela que les Canadiens veulent savoir, on peut le savoir avec des systèmes déjà disponibles, qui peuvent divulguer ces informations depuis 2003. Donc, cela fait 15 ans que le système existe. Ce que les Canadiens veulent savoir, par exemple, c’est un peu ce qui s’est passé au bureau de M. Charest, quand un employé écrivait des notes sur des « post-it », au moment des nominations de juges, pour dire qu’untel était un libéral, un ceci ou un cela. C’est cela que les Canadiens veulent savoir; ils veulent connaître l’information disponible pour les ministres et le premier ministre, et sur laquelle ils se basent pour prendre des décisions qui affectent la vie des Canadiens. Ça, ce serait moderniser la Loi sur l’accès à l’information; ça, ce serait de la transparence.
Je regarde le projet de loi actuel, et je ne suis pas le seul à le critiquer — je pense à une panoplie de personnes importantes, comme l’ancienne commissaire, la magistrature canadienne; les gens sont très critiques de ce projet de loi, et, pour beaucoup, il représente même un recul. J’aimerais que vous m’expliquiez comment ce projet de loi va amener de la transparence au-delà de ce que nous avons déjà, et comment il va moderniser l’accès à l’information au Canada, pour que nous ne soyons plus au 55erang au classement mondial, donc un des pires pays, en fin de compte, relativement à l’accès à l’information.
Mme Gould : Merci, monsieur le sénateur. Comme vous le savez, il y a une liste exhaustive de réseaux d’information qui fait partie de ce projet de loi. Il y a plusieurs choses, par exemple les lettres de mandat qui, pour la première fois, ont été divulguées par ce gouvernement, et ce, de manière volontaire. Pour la première fois, nous légiférons le fait que ces documents doivent se trouver dans le domaine public. Cela n’a jamais été le cas auparavant. C’est le premier ministre Martin, un premier ministre libéral, qui a commencé ce mouvement pour faire en sorte que les documents qui concernent les frais de voyage ou les contrats soient divulgués et soient du domaine public, alors il était difficile, pour les premiers ministres et les gouvernements suivants, de ne pas le faire.
Maintenant, si un gouvernement est élu et ne veut pas divulguer cette information, il devra présenter un projet de loi pour retirer ces documents du domaine public. C’est donc vraiment quelque chose qui modernise la loi et qui assure que ces documents seront dans le domaine public.
Le sénateur Boisvenu : Madame la ministre, ces documents sont accessibles depuis 2003. Les lettres de mandat sont déjà accessibles depuis quelques années. Je vous repose la question : en quoi ce projet de loi va-t-il révolutionner l’accès à l’information au Canada?
Mme Gould : Je ne suis pas d’accord avec votre constat, car ces documents sont seulement accessibles si les gouvernements les rendent accessibles de manière volontaire. Si cette loi n’est pas adoptée, rien n’empêche un prochain gouvernement de décider de ne pas les publier.
Le sénateur Boisvenu : Au-delà de la lettre de mandat, que l’on va inclure dans la loi, est-ce que c’est cela qui va révolutionner l’accès à l’information?
Mme Gould : C’est vraiment important, car, si on y réfléchit, on ne savait rien des lettres de mandat avant 2015, date à laquelle le premier ministre actuel a décidé de les rendre publiques. Seuls les ministres destinataires, et peut-être aussi leurs ministres adjoints, en avaient connaissance, personne d’autre. Maintenant, c’est un outil pour les Canadiens, qui peuvent s’assurer que le gouvernement fait ce qu’il a promis. Ils peuvent voir quels sont les objectifs de chaque ministre, et lui demander des comptes sur ce qu’il n’a pas fait.
C’est quelque chose d’important également dans le cas de la divulgation, par exemple, des notes d’information. Maintenant, les Canadiens n’ont qu’à faire une demande pour avoir accès à cette information. Avec ce projet de loi, le changement suppose que ces notes seront publiées dans des délais que les Canadiens connaîtront et qu’ils auront accès à plus d’information.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Madame la ministre Gould, je vous remercie de votre exposé.
Ma question vise à obtenir des précisions concernant les ordonnances de la commissaire à l’information. À ce que je crois comprendre, sous le régime du projet de loi C-58 — cela a été confirmé par le ministre Brison, quand il a témoigné devant le comité le 3 octobre —, les ordonnances de la commissaire seront légalement contraignantes sur le plan juridique, et il ne sera pas nécessaire qu’elles soient certifiées. La commissaire actuelle, Mme Maynard, désapprouve cette mesure; elle préfère que les ordonnances soient certifiées. À votre avis, l’ordonnance de la commissaire est-elle contraignante sur le plan juridique, ou bien, comme elle l’a recommandé, devra-t-elle être certifiée par les tribunaux?
Mme Gould : Si vous ne voyez pas d’inconvénient, je vais laisser Mme Shen répondre à cette question, car je n’ai pas participé à la rédaction de cette partie du projet de loi.
Le sénateur McIntyre : Absolument. Oui.
Riri Shen, directrice des opérations, Bureau du conseil privé : Le gouvernement est d’avis que les ordonnances rendues par la commissaire à l’information sont contraignantes sur le plan juridique. Je crois comprendre que la commissaire actuelle a formulé une demande afin que ces ordonnances soient certifiées par un tribunal. Toutefois, d’un point de vue juridique, les ordonnances, en soi, sont considérées comme contraignantes, et il est inutile de les faire certifier.
Le sénateur McIntyre : Je trouve qu’il y a de la confusion. Si une institution gouvernementale se conforme à l’ordonnance de la commissaire, l’affaire est close. Par contre, si elle ne s’y conforme pas, elle pourrait demander que l’affaire soit examinée par la Cour fédérale. Si une institution gouvernementale ne conteste pas une ordonnance ni ne la respecte, la commissaire pourrait la faire appliquer au moyen d’une procédure de mandamus, un long processus qui retardera manifestement l’accès à l’information. Ma question est la suivante : pourquoi ne pas faire certifier les ordonnances de la commissaire à l’information dès le départ?
Mme Shen : Je ne suis pas en position de répondre à cette question, car cet aspect du projet de loi ne faisait pas partie de notre...
Le sénateur McIntyre : Nous devrions peut-être poser ces questions à la ministre de la Justice.
Mme Gould : Je m’efforcerai de les transmettre à mes collègues et de vous faire parvenir une réponse à ce sujet, car nous ne sommes pas responsables de cette partie du projet de loi.
Le sénateur McIntyre : Merci.
Mme Gould : Nous vous en redonnerons certainement des nouvelles.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question fait référence à un dossier qui a été évoqué lors de la période des questions, hier, soit les échanges entre le ministre Scott Brison et James D. Irving concernant le chantier naval d’Halifax et le chantier Davie. Le président du Conseil du Trésor a dit ceci :
Mon travail en tant que président du Conseil du Trésor comprend l’examen des dépenses et la diligence raisonnable pour assurer l’intégrité des marchés publics; c’est exactement ce que j’ai fait : mon travail.
Dois-je comprendre que, en vertu de votre projet de loi, si je demandais à voir les échanges entre Scott Brison et M. Irving pour vérifier si, effectivement, Scott Brison a fait son travail, cela me serait refusé?
Mme Gould : Pourriez-vous répéter la question?
Le sénateur Carignan : Si je fais une demande d’accès à l’information portant sur les échanges de lettres entre Scott Brison et James D. Irving concernant leurs discussions sur le sujet d’accorder ou de ne pas accorder à la Davie le contrat de la rénovation du fameux navire Asterix, est-ce que j’aurai accès à ces documents pour pouvoir valider que M. Brison a bien fait son travail, comme il l’a dit?
Mme Gould : Les règles sur l’accès à l’information qui s’appliquent maintenant seraient les mêmes avec ce projet de loi pour ce qui est des bureaux des ministres et du cabinet du premier ministre, sauf qu’il y a des documents qui seront publiés, pas volontairement, mais nécessairement.
Le sénateur Carignan : Donc, je comprends que, pour vous, il est plus important de publier que vous êtes allée à Toronto, je ne sais plus à quelle date, et que le voyage a coûté 1 000 $ ou 500 $, plutôt que de publier des échanges avec des entreprises, des représentations ou des discussions qui peuvent avoir des conséquences qui se chiffrent en milliards de dollars et en centaines ou en milliers d’emplois.
Mme Gould : S’il y a un échange avec une entreprise ou une personne qui cherche à influencer le gouvernement, vous savez bien que tout cela est couvert par la Loi sur le lobbying, et la personne mentionnée qui aurait eu des contacts avec un ministre ou un agent public devrait le rapporter au commissaire au lobbying.
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les échanges de lettres et de courriels. Avec votre projet de loi, je n’y ai pas accès.
Mme Gould : C’est déjà couvert par la Loi sur le lobbying. S’il y avait des contacts...
Le sénateur Carignan : Je ne parle pas des contacts, je parle des documents échangés.
Mme Gould : On devrait s’en rapporter au commissaire au lobbying.
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les documents. Vous traitez de la Loi sur l’accès à l’information, qu’en est-il des documents?
Mme Gould : Cela va suivre le processus normal.
Le sénateur Carignan : Vous comprenez pourquoi nous sommes au 55e rang. Je comprends que vous aimiez être au niveau de l’Uruguay pour d’autres enjeux. Actuellement, nous sommes au niveau de l’Uruguay en ce qui a trait à l’accès à l’information, et l’Afghanistan est au premier rang. Cela ne vous gêne pas?
Mme Gould : Est-ce que vous considérez que nous sommes au même niveau que le gouvernement de l’Afghanistan relativement à l’accès à l’information?
Le sénateur Carignan : Ce n’est pas moi qui le considère, c’est le Centre pour le droit et la démocratie. Il fait le classement des pays, et il nous classe au 55e rang.
Mme Gould : C’est une chose que d’avoir une loi, c’en est une autre que de l’appliquer. Ceux qui font ces classements se fondent sur la loi telle qu’elle est rédigée, mais pas nécessairement telle qu’elle est appliquée. Je crois que, au niveau mondial, le Canada est vraiment un des pays le plus ouverts et les plus accessibles en pratique. Cependant, ce qui est important c’est que ce projet de loi est un premier pas. On n’a rien fait relativement à la Loi sur l’accès à l’information depuis 35 ans. C’est un premier pas et, dans la loi, il est requis que, après un an, un processus de réflexion et d’évaluation ait lieu, ainsi qu’un renouvellement de la loi tous les cinq ans. C’est important, et c’est un pas en avant pour améliorer et moderniser notre Loi sur l’accès à l’information.
Le sénateur Carignan : Plus tôt, votre engagement n’était pas de faire un premier pas, mais d’avoir un des gouvernements les plus ouverts au monde. Ce n’est pas ce que vous faites. Votre engagement électoral n’était pas de faire un premier pas. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion que nous avons actuellement pour placer le Canada au premier rang, non pas dans le domaine du cannabis, mais plutôt dans le domaine de l’accès à l’information, de la communication de renseignements, pour avoir un gouvernement transparent? Cela ne vous intéresse-t-il pas d’être au premier rang sur ce plan?
Mme Gould : Nous sommes en train d’apporter des améliorations à la Loi sur l’accès à l’information, et je crois que c’est un pas important. On n’y avait pas apporté de changements depuis 35 ans, et on va pouvoir constater des différences. Toutefois, il faut d’abord adopter la loi pour cela.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Si je puis donner suite à cette conversation, d’autres témoins et vous avez décrit le projet de loi comme la première étape vers la modernisation. Je pense qu’au Sénat, nous apprécions l’ouverture à l’idée d’envisager certains amendements. Nous voyons cela d’un bon œil. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions concernant ce que vous envisagez pour la prochaine étape? D’ici un an? Il peut se passer beaucoup de choses en un an. Pouvez-vous nous donner une idée des autres mesures, au-delà du projet de loi, qu’il conviendrait que nous prenions, selon vous, en vue de la modernisation de nos institutions et de l’amélioration de leur transparence ?
Mme Gould : Une chose qui est très importante au moment où nous nous penchons sur l’accès à l’information, c’est que nous nous assurions de fournir l’information aux Canadiens en temps opportun et de façon rentable. Nous avons pris cette première mesure en ce qui a trait à la divulgation publique de ces documents entre autres parce qu’il s’agit des documents les plus demandés par les Canadiens et qu’il peut falloir pas mal de temps avant de les obtenir. Si ce sont les renseignements qui intéressent le plus les Canadiens, fournissons-leur ces derniers le plus rapidement possible, de la manière la plus ouverte et transparente possible. L’un des éléments que nous devrions continuer de vérifier, c’est s’il existe d’autres éléments d’information qui sont demandés et qui ne sont pas reçus en temps opportun sous le régime de la loi. Voilà les éléments que nous devrions examiner afin de découvrir comment nous pouvons les procurer aux Canadiens le plus rapidement et de la manière la plus rentable possible.
Le sénateur Gold : Des collègues ici présents ont soulevé des questions au sujet de diverses institutions où certains des délais semblent scandaleusement longs. Nous avons également entendu dire qu’il se pourrait que la situation soit en partie liée à un manque de ressources ou à la difficulté de recruter et de maintenir en poste du personnel qualifié. C’est peut-être un peu en dehors de votre domaine, mais pouvez-vous formuler un commentaire sur l’intérêt de votre gouvernement à augmenter les ressources affectées aux institutions responsables et sur sa volonté de le faire afin que les Canadiens puissent obtenir l’information plus rapidement?
Mme Gould : Il s’agit d’une question intéressante. Je pense qu’elle souligne la différence entre un système axé sur la demande et un système ouvert par défaut.
Le fait que notre système est axé sur la demande signifie que, chaque fois qu’une demande est présentée, des gens, en coulisse, doivent trouver et recueillir l’information et s’assurer qu’elle est présentée dans un format accessible au public. Comme, j’en suis certaine, tous les sénateurs peuvent le comprendre, certaines connaissances du gouvernement ne doivent pas être communiquées, qu’il s’agisse de renseignements provenant d’un autre État en ce qui a trait à des intérêts privés ou commerciaux, ou d’information pouvant compromettre la sécurité. C’est un processus continuel qui exige beaucoup de ressources.
Si on pouvait accepter une approche ouverte par défaut, où il serait plus facile pour les Canadiens de chercher ces informations par eux-mêmes, c’est dans cette direction que nous envisagerions d’aller dans le but de moderniser la Loi sur l’accès à l’information. Cette transition requiert également une modification des infrastructures et un changement dans notre façon de faire des affaires. Il s’agit d’un changement très important sur le plan du fonctionnement du gouvernement, mais je pense que c’est une voie qu’il vaut la peine d’emprunter.
Le sénateur Gold : Merci.
Le président : Le gouvernement utiliserait davantage les ordinateurs et moins de papier?
Mme Gould : Il n’utiliserait peut-être pas moins de papier, mais l’utilisateur qui cherche l’information serait en mesure de la trouver plus facilement par lui-même, au lieu d’avoir à demander à un représentant du gouvernement de faire ce travail pour lui.
La sénatrice Batters : Dans le cadre de ce remaniement particulier de la loi, le Président du Sénat et celui de la Chambre des communes auront le pouvoir d’exclure des documents en raison du privilège parlementaire, puis un nouvel article — le 71.14 — prévoit que leur décision à cet égard est définitive. Il est ainsi libellé :
Est définitive la décision du président du Sénat ou de la Chambre des communes portant que la publication porterait atteinte au privilège parlementaire ou qu’elle pourrait menacer la sécurité des personnes, des infrastructures ou des biens.
Madame la ministre, je me demande si vous savez que le Président du Sénat est dans une situation très différente de celui de la Chambre des communes. Le Président de la Chambre des communes est élu par les députés et est vraiment un serviteur de cette Chambre. Par contre, le Président du Sénat est affecté à ce poste particulier par le premier ministre et il est le représentant du gouvernement du Canada à des échelons diplomatiques très élevés. Ainsi, le Président du Sénat occupe un rang très élevé, d’un point de vue protocolaire. Étant donné cette distinction cruciale tenant au fait qu’il doit son affectation à ce poste particulier au premier ministre du Canada, pourquoi traitez-vous les deux Présidents de la même façon dans cet article?
Mme Gould : Au bout du compte, c’est parce que les deux Chambres jouissent du privilège parlementaire et que le Président du Sénat et celui de la Chambre des communes prennent les décisions au sein de chacune des Chambres. Ce sont eux qui ont le dernier mot. Cependant — et nous avons été très clairs sur cela —, le privilège parlementaire est la prérogative absolue de chacune des Chambres, et nous, membres du gouvernement — même si je crois que la transparence quant à la façon dont les ressources sont utilisées est importante pour les Canadiens —, avons le plus grand respect pour le privilège des deux Chambres.
La sénatrice Batters : Vous avez dit que les Présidents des deux Chambres sont ceux qui prennent les décisions, mais il y a tout de même une distinction importante à faire : le Président de la Chambre des communes a un pouvoir décisionnel, oui, mais, au Sénat, la Chambre peut procéder à un vote pour invalider une décision du Président du Sénat; c’est une distinction importante. Dans les faits, le Président du Sénat est l’égal de ses pairs. J’ai l’impression que vous faites comme si les deux Chambres étaient similaires, alors qu’il y a une distinction très importante. C’est une distinction critique, et je ne comprends pas pourquoi elle n’a pas été prise en considération. Avec cet article, vous permettez essentiellement au gouvernement du Canada de prendre la décision finale au nom du Sénat.
Mme Shen : Si vous me permettez d’apporter une petite précision, le projet de loi prévoit qu’un responsable administratif sera désigné pour chaque institution. C’est une exigence. Dans le cas qui nous occupe, il a été déterminé que les Présidents de chaque Chambre étaient le choix logique et devaient assumer le rôle de responsable administratif, être la personne qui décide des documents qui feront l’objet d’une publication proactive.
Le président : Je ne voulais pas intervenir, mais, comme vous le savez, habituellement, le Président du Sénat demande l’autorisation du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration avant de prendre quelque décision que ce soit relativement au privilège de la Chambre, précisément pour la raison pour laquelle la sénatrice Batters...
Mme Gould : J’ajouterais que le projet de loi ne modifie aucunement ces processus internes. Il ne fait que...
La sénatrice Batters : Le Président du Sénat n’est d’ailleurs pas toujours membre du Comité de la régie interne du Sénat. Il l’est parfois.
Le président : Le Président n’a pas les mêmes fonctions que ce que prévoient les dispositions de...
La sénatrice Batters : Contrairement à la Chambre des communes, un sénateur assume la présidence du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Présentement, il s’agit du sénateur Marwah. Le Président Furey ne siège même pas au Comité de la régie interne. Il n’a donc pas nécessairement à s’occuper de ces questions.
Encore une fois, je crois que votre gouvernement devrait revoir le traitement qu’il réserve aux deux Présidents, parce qu’il existe d’importantes distinctions entre les deux rôles.
Le sénateur Pratte : Merci d’être parmi nous, madame la ministre.
Il y a quelque chose qui me préoccupe : la publication proactive est quelque chose de très différent de l’accès à l’information, étant donné que c’est le gouvernement qui décide de ce qui est visé par la publication proactive. Je comprends qu’il s’agit d’un premier pas, et j’en suis satisfait, mais je me demandais s’il était possible que la commissaire à l’information assume dans une certaine mesure un rôle de surveillance relativement à la partie 2 du projet de loi, la publication proactive. Je ne dis pas que la ou le commissaire devrait disposer de tous les pouvoirs d’enquête, mais je crois que ce serait très intéressant et aussi rassurant que la commissaire à l’information puisse rendre compte du fonctionnement du système de publication proactive. Que pensez-vous de cette idée? Selon moi, ce serait très rassurant de savoir qu’une autorité impartiale surveille ce que le gouvernement fait relativement à la publication proactive.
Mme Gould : Je n’y avais jamais pensé auparavant, alors j’aimerais y réfléchir un peu avant de vous donner une réponse définitive. Je ne manquerai pas d’y penser. Nous pourrons peut-être en discuter de nouveau plus tard.
Le sénateur Pratte : Merci.
Le président : Vous engagez-vous à revenir témoigner devant le comité avant la fin de notre étude sur le sujet?
Mme Gould : Bien sûr.
Le président : Le sénateur Pratte ainsi que la commissaire à l’information, qui est venue témoigner hier, ont tous deux évoqué cette possibilité. Je crois que cela aiderait les membres du comité de connaître votre avis. Je crois que le sénateur Pratte a très bien su définir le contexte dans lequel la commissaire à l’information devrait pouvoir rendre compte de la façon dont le gouvernement s’acquitte de sa responsabilité de publier proactivement l’information.
Mme Gould : Je reviendrai avec plaisir.
Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.
Le président : Merci, madame la ministre.
Le sénateur Dalphond : Je veux revenir sur le commentaire de mon collègue, le sénateur Pratte. Je crois que l’article 91 prévoit effectivement que le ou la commissaire à l’information n’exerce aucune autorité en rapport avec la partie 2 du projet de loi, ce qui me laisse croire que la partie 2 du projet de loi est fondée sur un régime de confiance. C’est une première étape, mais le système est seulement efficace si la personne qui est censée se conformer aux règles s’y conforme réellement. Il n’y a aucun mécanisme qui permet de vérifier si la loi est respectée dans son intégralité ou en partie ou ne l’est pas du tout.
Mme Gould : La Chambre des communes a adopté un amendement pour faire en sorte qu’il soit possible, pour tout document rendu public, de demander également la publication de l’original afin de les comparer. Cela est prévu dans la loi. Donc, même s’il y a un régime de confiance, des vérifications sont prévues. C’est tout aussi important, selon moi.
Le sénateur Dalphond : J’ai une petite question d’ordre technique.
Le président : Nous avons le temps, monsieur le sénateur.
Le sénateur Dalphond : Je vais passer aux questions d’ordre technique. J’ai consulté les articles sur la divulgation de l’information concernant des juges. Vous savez sans doute que j’ai déjà été juge, alors je m’intéresse de près à ce genre de choses. J’ai les mémoires qui ont été présentés au comité de la Chambre des communes à ce sujet, et je peux vous dire que les juges ont soulevé énormément de préoccupations.
J’ai une question à propos de l’article 90.25. Après avoir réglé la question de la divulgation de l’information concernant les juges, on en vient au Conseil canadien de la magistrature. Il est écrit que les dispositions applicables aux tribunaux et aux juges ne s’appliquent pas au Conseil canadien de la magistrature. Pourquoi?
Mme Gould : Je vais devoir vous promettre d’obtenir une réponse, parce que je n’étais pas responsable de cette partie du projet de loi, mais mon équipe essaiera de vous fournir une réponse.
Le président : Monsieur le sénateur, je crois qu’il serait essentiel que la ministre de la Justice témoigne devant le comité. Ce serait le bon moment de poser votre question, étant donné que c’est la ministre de la Justice qui est, bien sûr, responsable de tout ce qui concerne le système judiciaire canadien.
Le sénateur Dalphond : Vous avez raison, monsieur le président.
[Français]
L’article 77 de la loi comporte des équivalents dans plusieurs sections relativement aux contrats de plus de 10 000 $. Est-ce que les contrats, y compris les contrats de service, comprennent l’engagement des employés des ministres? Est-ce qu’il s’agit d’un contrat de service lorsqu’on engage quelqu’un pour travailler dans son équipe pendant un an?
Mme Gould : Les contrats de service diffèrent des contrats de personnel.
Le sénateur Dalphond : Cela ne vise pas les employés ministériels du cabinet du ministre comme tels.
Mme Gould : Non, parce que ce serait de l’information personnelle.
[Traduction]
Le président : Si la ou le ministre embauche à contrat quelqu’un pour l’aider de quelque façon que ce soit, le contrat ne sera pas divulgué au public, et ce, même si ce sont les contribuables qui paient la facture.
Mme Gould : Je crois qu’il y a une distinction à faire en ce qui concerne le contrat. Si vous concluez un contrat avec une entreprise ou une quelconque entité professionnelle pour la prestation de services, cette information serait divulguée. Cependant, si vous embauchez quelqu’un, même en vertu d’un contrat, je ne crois pas que cela serait divulgué, puisqu’il y une différence entre un employé et un fournisseur de services.
Peut-être pourriez-vous nous fournir des précisions, madame Shen?
Mme Shen : Je suis désolée, mais je n’ai pas de réponse à vous donner présentement. Je vais devoir vous répondre plus tard.
Le président : Pourrez-vous nous fournir une réponse claire?
Mme Shen : Oui.
Mme Gould : Notre but n’est pas de divulguer des renseignements relatifs aux employés. Les dispositions s’appliquent aux contrats de service.
[Français]
Le sénateur Dalphond : J’ai une dernière question technique. L’article 74 du projet de loi...
[Traduction]
C’est à propos des documents d’information. Il est écrit, plus ou moins, que les documents d’information préparés par une institution fédérale doivent être publiés dans un certain délai. Si j’ai bien compris, les documents d’information préparés par le personnel ministériel n’auront pas à être publiés, est-ce exact?
Mme Gould : Oui. C’est exact.
Le sénateur Dalphond : Cela ne s’applique qu’aux fonctionnaires, est-ce bien cela?
Mme Gould : Oui.
Le sénateur Dalphond : Merci.
La sénatrice Lankin : Merci d’être venue, madame la ministre.
Je veux vous remercier de vos commentaires à propos des dispositions qui devraient selon vous être modifiées. Soyez assurée que le comité se penchera là-dessus. Merci.
J’ai deux ou trois questions à poser sur divers sujets. Pour commencer, j’aimerais revenir sur la question de la sénatrice Batters à propos des Présidents des deux Chambres. Je crois qu’il est très important de comprendre les préoccupations qui ont été soulevées, ou du moins de comprendre le point de vue de la sénatrice Batters, avec qui je suis d’accord. Les préoccupations concernent l’aspect définitif des décisions des Présidents. Elles ne concernent pas le fait que les processus internes présentement en vigueur resteront en vigueur. Le problème, c’est que, au Sénat, la décision du Président n’est jamais définitive. C’est l’ensemble du Sénat qui choisit d’accepter ou non une décision. Je crois qu’il convient de revenir sur cette partie du libellé en particulier pour établir une distinction entre les deux. Je comprends que les décisions sont sans appel à la Chambre des communes, mais vous risquez d’invalider une distinction culturelle et juridique très importante entre les deux Chambres. Je voulais que ce soit clair.
Mme Gould : Je crois que j’aurais besoin de savoir, dans ce cas, qui doit rendre des comptes.
La sénatrice Lankin : Le Sénat dans son ensemble.
Mme Gould : Le Sénat dans son ensemble.
Mme Shen : Il me semble que le but de cette disposition était d’établir que si le Sénat et la Chambre pouvaient prendre une décision définitive, c’était par rapport au privilège, ce qui a pour effet d’exclure explicitement la compétence des tribunaux et ainsi de préserver la séparation des pouvoirs. Il y a peut-être des précisions à apporter afin de dissiper ces préoccupations, mais je crois que le but de la disposition était non pas d’accorder aux deux Présidents le pouvoir de prendre des décisions définitives pour leur Chambre respective, mais plutôt d’exclure de façon très claire la compétence des tribunaux.
La sénatrice Lankin : C’est une précision très importante, selon moi, et j’appuie cet objectif. C’est le libellé qui me préoccupe.
Le président : Je crois, madame la sénatrice, que le comité pourrait demander, à ce sujet, l’opinion et l’interprétation du légiste relativement à l’article 71.12, à la page 25. À la lumière de son avis juridique, le comité pourra juger s’il est nécessaire d’adopter un amendement en vue de clarifier le but de la disposition, pour s’assurer que le libellé reflète bien l’objet du projet de loi ainsi que la procédure interne du Sénat, en sa qualité de Chambre du Parlement.
La sénatrice Lankin : Merci, monsieur le président. Je crois que ce serait très utile. Je remercie la sénatrice Batters d’avoir posé la question.
Le président : Nous aurons les précisions nécessaires grâce à la greffière du comité.
La sénatrice Lankin : Il y a deux autres sujets que j’aimerais approfondir. Premièrement, qu’en est-il de la phase 2, la prochaine étape de l’étude du projet de loi?
Certains de mes collègues ont parlé de notre réputation et de notre rang dans le monde. Hier, quand nous avons parlé avec la commissaire, elle a été très claire quant au fait que le rang se fondait sur le libellé de la loi, non pas sur son application ou quoi que ce soit d’autre. Je veux que cette distinction soit claire. Nous lui avions posé des questions sur la situation finale idéale, mais j’ai eu l’impression qu’elle ne le savait pas vraiment. Elle a défini quelques volets, mais a ajouté qu’une étude sur la question serait la bienvenue.
Tenant pour acquis que le gouvernement a commencé à songer à la phase 2, j’aimerais savoir si vous avez comparé le projet de loi à ce qui se fait ailleurs? Dans l’affirmative, pourrons-nous voir ces études? Dans le cas contraire, consentiriez-vous à ce que le Sénat examine, à des fins de comparaison, ce qui se fait dans les autres pays? Seriez-vous prête à soutenir cette étude en nous fournissant tout renseignement que les différents ministres possèdent à ce sujet?
Mme Gould : C’est ce que j’essayais de dire en réponse à la question du sénateur Carignan : il est important de faire la distinction entre ce que le texte dit et ce qui se fait véritablement en pratique. Mesdames et messieurs les sénateurs, si vous voulez entreprendre une étude sur les pratiques exemplaires et les pratiques les plus efficaces à l’étranger, je vous appuierais de tout cœur.
Autre chose importante : comme je l’ai dit en réponse à la question du sénateur Gold, une bonne façon de faire les choses est d’adopter l’approche « ouvert par défaut ». Selon moi, au XXIe siècle, à une époque où les gens sont curieux, maîtrisent la technologie et peuvent trouver sur Google des réponses à la plupart de leurs questions, nous devrions être en mesure de fournir aux Canadiens un accès beaucoup plus rapide et plus simple à l’information. Nous devons cependant tenir compte du fait que certains renseignements appartiennent exclusivement au gouvernement et doivent le rester à des fins d’intégrité, de confidentialité et de sécurité.
Je suis convaincue que nous devons déployer davantage d’efforts de ce côté. Je ne vois pas pourquoi le Canada ne pourrait pas être un chef de file dans ce domaine, mais, ce dont nous avons absolument besoin, c’est d’une plateforme conviviale qui remplisse également les objectifs du gouvernement, qui sont de protéger les Canadiens.
La sénatrice Lankin : Merci.
Ma dernière question concerne les examens. Comme vous l’avez mentionné, le paragraphe 93(1) prévoit que le ministre désigné — je tiens pour acquis qu’il s’agira de M. Brison — entreprend l’examen de la loi dans l’année qui suit la date d’entrée en vigueur et, par la suite, tous les cinq ans.
Des préoccupations ont été soulevées à propos du fait qu’il s’agit seulement d’un examen ministériel. Dans le contexte, c’est votre ministère qui est responsable, c’est prévu dans son mandat, et sa participation à cet effort est cruciale puisque c’est une question de démocratie, et cela concerne aussi le fonctionnement de nos institutions. Il y a aussi l’article 99 du projet de loi qui prévoit que le Parlement peut désigner un comité, soit de la Chambre des communes, soit du Sénat, soit mixte, pour examiner de façon permanente l’application de la loi. Nous allons aussi devoir en discuter, je crois. On mentionne explicitement que l’examen porte sur l’application de la loi. Personnellement, je crois que, s’il y a des problèmes touchant l’application de la loi, cela veut dire qu’il faut également examiner la loi.
Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de se restreindre à un examen ministériel de la loi seulement? Je comprendrais peut-être si cela ne visait que l’examen à effectuer après une année, mais vous demandez de revenir tous les cinq ans témoigner à ce sujet devant des comités des deux Chambres du Parlement... C’est à la page 35, au paragraphe 93(1). L’article 99 sur l’examen permanent de l’application dont j’ai parlé se trouve à la page 37. Il y a deux dispositions : l’une concernant un examen ministériel quinquennal, et l’autre prévoyant un examen permanent de l’application de la loi par le Parlement. Ma question est la suivante : puisque l’esprit du projet de loi concerne la démocratisation de l’accès à l’information, pourquoi ne pas faire en sorte que l’un des examens — comme l’examen quinquennal — qui est présentement strictement ministériel, soit proactif et ouvert par défaut au lieu d’être un examen supposant de faire rapport au Parlement?
Mme Gould : Je crois savoir que l’examen quinquennal fera l’objet d’un rapport au Parlement.
La sénatrice Lankin : C’est le cas, mais l’examen lui-même n’est pas entrepris par le Parlement. C’est une distinction en ce qui concerne...
Mme Gould : Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de distinction, mais le Parlement pourrait décider de procéder lui-même à cet examen. L’examen ministériel fera l’objet d’un rapport au Parlement, et ce dernier peut décider à tout moment de pousser les choses plus loin. Voilà ce que nous voulions. Notre intention n’est pas de nous soustraire à cet engagement.
La sénatrice Lankin : Merci.
La sénatrice Frum : Madame la ministre, l’un des motifs justifiant de restreindre l’accès à un document est qu’il est réputé être un document confidentiel du Cabinet. Je me demandais si vous aviez songé à ajouter au projet de loi une définition de ce qui est et de ce qui n’est pas un document confidentiel du Cabinet.
Mme Gould : Je crois que c’est le Cabinet qui décide de ses documents confidentiels. C’est une distinction clé et une chose qui, à mon sens, est importante. D’ailleurs, en 2002, la Cour suprême, dans l’arrêt Babcock c. Canada, a expliqué effectivement pourquoi il est important que le Cabinet puisse prendre des décisions et avoir des discussions et des conversations franches sans que les Canadiens puissent nécessairement écouter ces conversations. Ainsi, les membres du Cabinet peuvent parler franchement et prendre des décisions difficiles. À mon avis, la fonction des documents confidentiels du Cabinet est justifiée.
La sénatrice Frum : Nous avons parlé plus tôt des décideurs. Dans ce contexte, qui décide de ce qui est confidentiel et de ce qui devrait être transparent?
Mme Gould : Le Cabinet, mais cela doit être justifié.
La sénatrice Lankin : J’ai déjà été ministre, alors je comprends.
Mme Gould : C’est quelque chose de très important.
La sénatrice Frum : Je comprends, mais cela peut aussi faire office d’écran. Si le gouvernement a le pouvoir discrétionnaire de décider des documents confidentiels du gouvernement...
Mme Gould : Mais il y a une raison pour laquelle le gouvernement existe. Le gouvernement doit prendre des décisions difficiles, et il doit avoir ces discussions importantes.
Le président : Vous le savez, les délibérations du Cabinet sont conservées sous scellés dans les archives nationales. Aucun Canadien n’y a accès. J’ai moi-même déjà siégé au Cabinet — le sénateur Carignan aussi, peut-être — et, selon le règlement, tout ce qui fait partie des documents confidentiels du Cabinet est conservé sous scellés pendant 30 ans dans les archives nationales.
Mme Gould : Dans 30 ans, vous pourrez les consulter.
La sénatrice Frum : Plus tôt, le sénateur Carignan a donné l’exemple des échanges entre le ministre Brison et M. Irving, je crois. Est-ce que cela pourrait également faire partie des documents confidentiels du Cabinet?
Mme Gould : Ces échanges seraient assujettis, comme je l’ai déjà dit et comme vous le savez sûrement, à la Loi sur le lobbying. Lorsqu’une personne ou une entreprise fait du lobbying auprès du gouvernement, elle doit s’enregistrer auprès du ou de la commissaire au lobbying et divulguer ce genre de renseignement.
Le président : Vous êtes sur la bonne voie, madame la sénatrice.
La sénatrice Frum : Nous avons déjà parlé de cela, mais qu’en est-il des documents eux-mêmes? Les activités de lobbying et les communications proprement dites peuvent être enregistrées, mais les documents eux-mêmes pourraient être — ou sont effectivement — considérés comme étant des documents confidentiels du Cabinet.
[Français]
Le sénateur Carignan : C’est du lobbying si un représentant d’Irving essaie d’influencer le ministre Brison, mais si c’est le ministre qui contacte Irving, ce n’est pas du lobbying.
[Traduction]
Mme Gould : Aux fins du compte rendu, je crois qu’il serait important de souligner que c’est un scénario hypothétique.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je ne comprends pas pourquoi vous utilisez cette porte de sortie.
[Traduction]
Mme Gould : Je crois qu’il est important d’indiquer pour le compte rendu qu’il s’agit de votre opinion, et que ce n’est pas appuyé par des faits...
[Français]
Le sénateur Carignan : J’assume mon opinion; on peut le mettre sur l’enregistrement, il n’y a aucun problème.
[Traduction]
Mme Gould : Je crois qu’il est important de souligner que vous faites...
La sénatrice Lankin : Pouvez-vous répéter?
Le sénateur Carignan : Ce n’est pas du lobbying si le ministre rédige une lettre.
Le président : C’est le ministre qui initie la communication, et non quelqu’un qui veut promouvoir un intérêt privé.
[Français]
Le sénateur Carignan : Donc, ce n’est pas du lobbying dans une situation comme celle-là.
Le sénateur Boisvenu : En ce qui a trait à la transparence que vous voulez apporter dans les cabinets des ministres, lorsque ce sera un haut fonctionnaire qui rédigera une note au ministre, cette note pourra être admissible, mais lorsque c’est un membre du cabinet du ministre qui écrit une note pour un autre ministre ou pour l’extérieur, cette note ne sera pas admissible. Pouvez-vous m’expliquer où est la transparence?
Mme Gould : La fonction publique a une obligation à l’égard des Canadiens d’être transparente dans les conseils qu’elle donne au bureau du ministre, et c’est de cette façon que le gouvernement canadien fonctionne dans le système parlementaire de Westminster. Nous, comme politiciens, recevons des conseils.
Le sénateur Boisvenu : Pourquoi la note rédigée par votre employé ne serait-elle pas disponible pour les citoyens alors que, si elle provenait d’un sous-ministre, elle le serait? J’essaie de comprendre votre définition de la transparence.
Mme Gould : Dans notre système gouvernemental, comme politiciens, nous recevons des conseils des fonctionnaires et nous prenons des décisions sur la base des opinions et des informations que nous avons reçues de leur part. Il est important d’avoir accès à l’information pour prendre des décisions. Nous prenons une décision avec l’information que nous avons reçue.
Le sénateur Boisvenu : Pourquoi, alors, l’information qui provient d’un fonctionnaire est-elle admissible à la loi, mais, si elle provient d’un membre du Cabinet, vous ne la rendez pas disponible? Je comprends votre réponse, mais pourquoi, dans un cas, est-elle disponible et, dans un autre, vous allez la cacher?
Mme Gould : Il est important d’avoir de l’espace pour prendre des décisions et réfléchir sur les informations reçues.
Le sénateur Carignan : Dans l’article sur l’entrée en vigueur, il y a une série d’articles qui entreront en vigueur seulement à l’anniversaire de la loi, donc un an après avoir reçu la sanction royale, dont l’article 16 et les articles 19 à 21, qui est la section couvrant les ordonnances du commissaire à l’accès à l’information. En théorie, dans un an, cela nous amène à l’automne 2019; donc, même si le projet de loi recevait la sanction royale immédiatement, votre gouvernement ne serait jamais assujetti à toute cette section de la loi au niveau des ordonnances. Pourquoi attendre un an avant de permettre au commissaire d’émettre des ordonnances?
Mme Gould : C’est pour avoir de l’espace afin de nous assurer que nous avons l’infrastructure nécessaire pour y répondre. Comme vous l’avez dit, ce sera dans un an, mais nous avons présenté ce projet de loi devant la Chambre des communes il y a deux ans. Nous ne savions pas que cela prendrait autant de temps. Nous voulons nous assurer que tout sera prêt pour la mise en œuvre.
Le sénateur Carignan : Par rapport aux documents du Cabinet, vous comptez faciliter l’accès aux notes d’information des fonctionnaires lorsqu’ils viennent témoigner ici, par exemple. Vous souhaitez rendre accessibles les notes d’information lorsque vous accédez au rôle de ministre. Pourquoi ne pas rendre accessibles les notes que vous recevez comme membre du Cabinet lorsque la décision se prend au Cabinet? J’ai siégé au conseil des ministres. Je sais pertinemment qu’il y a beaucoup d’informations qui concernent les notes d’information, le soutien, la position des parties prenantes, la position des organisations. Ces informations vous aident, par la suite, à prendre une décision. Je ne vous demande pas de rendre accessible le processus de discussion entre les ministres sur la prise des décisions, mais au moins d’avoir les documents d’information et l’état de la situation au conseil des ministres. Ce sont des informations qui ne devraient pas être un secret du Cabinet, selon moi. Pourquoi ne pas rendre ces informations accessibles?
Mme Gould : Ces documents font partie du Cabinet.
Le sénateur Carignan : Cela peut être extrait.
Mme Gould : Ils font partie des documents du Cabinet.
Le sénateur Carignan : Cela peut être élagué.
Mme Gould : On pourrait faciliter davantage l’accès à des informations. Cela pourrait faire partie d’une deuxième étape dans ce processus. Il y a de nombreuses informations qu’on pourrait partager avec les citoyens canadiens, mais il faut changer les mentalités et cela prendra du temps. C’est bien de rendre l’information accessible, mais les citoyens doivent savoir où la trouver et comment l’utiliser. Cela ne rend pas nécessairement l’information plus accessible. Il y a beaucoup d’informations gouvernementales. Nous devrions penser à un système complet qui rendrait l’information facile d’accès.
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Je veux revenir sur la question du sénateur Carignan à propos du délai d’un an après l’entrée en vigueur de certaines des dispositions. Hier, la commissaire à l’information nous a dit que son bureau s’inquiétait de la possibilité que, à cause de certaines dispositions, il devra établir deux systèmes fonctionnant en parallèle pendant qu’il élabore et met en œuvre un système d’enquêtes axées sur les nouvelles dispositions qui vont être adoptées. Certains délais font qu’il lui faudra utiliser l’ancien système. Je ne connais pas vraiment suffisamment les détails pour dire quelle importance cela aura, mais je vous invite vivement à consulter ses commentaires d’hier et à en discuter avec vos collègues. Le dédoublement des efforts et la mise en œuvre parallèle d’une autre approche vont certainement causer un engorgement encore plus important qu’à l’heure actuelle. On est présentement en train d’essayer de vider l’arriéré, alors… Des fonds ont été affectés sur cinq ans pour la mise en œuvre, mais il y a beaucoup de pain sur la planche. Je vous demanderais de consulter son témoignage.
Mme Gould : Bien sûr. Je vais le faire, et je vais en discuter avec mes collègues. Une chose que je dirais en guise de mise en garde, ou plutôt à laquelle je m’attends, c’est que, même s’il y aura des retards, le commissariat continuera d’utiliser le vieux système. Il va devoir continuer à travailler ainsi. Toutefois, à un moment donné, il va également devoir mettre en place le nouveau système. Même s’il n’y avait pas de retard, je ne suis pas sûre qu’il serait prêt tout de suite.
La sénatrice Lankin : Ce que nous disons demeure tout à fait théorique. Je n’ai pas suffisamment d’information sur la façon dont le commissariat fonctionne, mais la commissaire nous a dit que cela soulevait des préoccupations, alors je vais vous laisser le soin de vous pencher sur la question. Merci.
Le président : Merci, madame la ministre. J’aimerais vous demander, au nom de mes collègues ici présents, de discuter avec la ministre de la Justice pour la convaincre de l’importance de venir témoigner devant nous, en particulier en ce qui concerne la partie 2 du projet de loi, qui porte sur l’information relative aux juges et, bien sûr, l’article 35 du projet de loi sur la nature des ordonnances que la commissaire sera désormais invitée à rendre. Ce serait très utile pour les membres du comité. Nous vous confions cette mission.
Mme Gould : Je n’y manquerai pas.
Le président : Nous serions heureux si vous reveniez témoigner à propos du projet de loi C-76. Vous avez commencé votre déclaration sur ce sujet, alors aussi bien conclure sur le même sujet.
Mme Gould : Je reviendrai avec plaisir. Merci beaucoup.
Le président : Merci, madame la ministre.
[Français]
Honorables sénateurs, nous poursuivons notre séance au sujet du projet de loi C-58. Il m’est très agréable, monsieur Therrien, de vous souhaiter la bienvenue ce matin, ainsi qu’à vos collaboratrices, Mme Lajoie et Mme Barss.
Vous connaissez bien la procédure. Vous avez eu l’occasion de bénéficier également, j’imagine, et de prendre connaissance du témoignage de votre collègue, la commissaire à l’information, hier soir. Il y a eu des références à la lettre conjointe que vous avez signée au mois de mars, qui a été évoquée hier soir pendant nos débats. Cependant, je vous laisse la parole afin que nous puissions entamer cet échange de vues ce matin.
Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Honorables sénateurs, bonjour. J’aimerais vous remercier de m’avoir invité à discuter du projet de loi C-58. Comme le sénateur Joyal l’a expliqué, je suis accompagné aujourd’hui de Julia Barss, avocate générale et directrice des services juridiques, et de Sue Lajoie, directrice exécutive de la Direction de la conformité à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Je suis heureux que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour moderniser la Loi sur l’accès à l’information. La transparence et l’ouverture sont essentielles au maintien d’un système démocratique sain. Cela dit, comme je l’ai mentionné au comité ETHI de la Chambre des communes lors de ma comparution l’automne dernier, je suis préoccupé par le fait que le projet de loi C-58, dans sa forme actuelle, perturbe l’équilibre qui existe en ce moment entre l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels.
Comme vous le savez, et comme le président y a fait allusion, la commissaire à l’information et moi avons écrit au gouvernement pour recommander des changements afin d’assurer un meilleur équilibre entre les deux lois, et le ministre Brison a déclaré qu’il était disposé à les accueillir favorablement ou, du moins, il vous encourage à les considérer de façon favorable.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi j’estime que ces changements sont nécessaires. La Cour suprême considère depuis longtemps que la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels forme, selon l’expression de la cour, « un code homogène » des droits en matière d’information, les deux lois fonctionnant de pair pour atteindre un juste équilibre entre la protection de la vie privée et l’accès à l’information.
Cet équilibre dépend de différents facteurs, mais beaucoup en partie des pouvoirs égaux que détiennent présentement les deux commissaires. Le ministre Brison a confirmé, lors de sa comparution devant votre comité, que cet équilibre sera perturbé. Il a déclaré que le projet de loi C-58 changeait les règles du jeu afin d’accorder à la commissaire à l’information le pouvoir de rendre des ordonnances, passant du statut d’ombudsman à celui d’autorité dotée de vrais pouvoirs.
[Traduction]
Il a déclaré que le projet de loi C-58 changeait les règles du jeu puisqu’il accorde à la commissaire à l’information le pouvoir de rendre des ordonnances et fait passer son statut d’ombudsman à celui d’autorité dotée de « vrais » pouvoirs.
[Français]
Cependant, en accordant le pouvoir de rendre des ordonnances à la commissaire à l’information, notamment en ce qui a trait aux renseignements personnels, le projet de loi C-58 risque de donner plus d’importance à l’accès à l’information qu’à la protection des renseignements personnels. On parle du projet de loi dans sa mouture actuelle. Dans mon analyse, je tiens compte du fait que, en vertu du projet de loi C-58, je serais avisé officiellement en cas d’ordonnance formelle de communication de renseignements personnels rendue par la commissaire à l’information et j’aurais des recours judiciaires dans le cas de désaccord dans ces circonstances de prise d’ordonnance formelle.
Cela dit, cette tentative d’établir un équilibre entre l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels est insuffisante, à mon avis, parce que la protection des renseignements personnels peut être compromise même sans passer par une ordonnance officielle.
[Traduction]
Ainsi, la commissaire à l’information peut recommander la communication de renseignements personnels sans prendre une ordonnance. Une institution peut décider de communiquer des renseignements personnels pour éviter une ordonnance du commissariat à l’information. Dans de tels cas, je ne serais pas avisé et je n’aurais pas non plus la possibilité d’intervenir, même si le commissariat à l’information et le commissariat à la protection des renseignements personnels étaient en désaccord sur d’importantes questions juridiques relatives à l’équilibre entre l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels.
Il y a trois types de questions juridiques sur lesquelles les deux commissariats sont susceptibles d’avoir des perspectives différentes. Premièrement, l’information en question constitue-t-elle des renseignements personnels? Cela peut sembler simple : s’agit-il de renseignements personnels? Lorsque l’information est assortie d’un nom, il n’y a aucune ambiguïté : ce sont des renseignements personnels. Toutefois, en 2018, il est possible de fusionner des banques de données et grâce aux techniques de comparaison de données, de constituer des renseignements personnels à partir d’informations auxquelles aucun nom n’est associé.
Deuxièmement, l’information est-elle accessible au public? Troisièmement — et c’est là-dessus que peuvent porter les désaccords —, l’intérêt public l’emporte-t-il clairement sur une nouvelle atteinte à la vie privée? Un désaccord entre nous à ce sujet n’aurait rien d’étonnant. La commissaire à l’information est la championne de l’accès à l’information, tandis que je suis le champion du respect de la vie privée. Nous serons peut-être en désaccord quant à l’équilibre à atteindre entre les deux.
Puisque la commissaire à l’information est la championne en matière d’accès à l’information, mon commissariat est celui qui joue le rôle primordial de « défense du droit à la vie privée des Canadiens », pour citer la Cour suprême. Il est particulièrement important que ce rôle soit reconnu compte tenu de l’engagement pris par le gouvernement fédéral d’accroître la transparence, l’ouverture et la responsabilisation au moyen de l’Initiative pour un gouvernement ouvert. Je crois que madame la ministre Gould a parlé de cette initiative — une excellente initiative — il y a quelques minutes. L’acceptabilité sociale de cette précieuse politique pour un gouvernement ouvert reposera sur la confiance des citoyens sur le fait que l’on ne portera pas indûment atteinte à leur vie privée, ce qui m’amène aux solutions proposées dans notre lettre collective.
La commissaire à l’information et moi sommes d’avis que mon commissariat devrait être consulté sur toutes les questions concernant à la fois la protection de la vie privée et l’accès à l’information, non pas seulement quand une ordonnance est émise. Je crois que vous avez une copie de la lettre que la commissaire et moi avons transmise au ministre Brison et qui énonce nos propositions communes. Ces propositions, que le ministre Brison a appuyées lorsqu’il a témoigné devant votre comité, visent à faire en sorte que mon commissariat peut intervenir de façon appropriée et en temps opportun tout en évitant les retards inutiles touchant l’accès à l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Tout d’abord, la commissaire à l’information devrait avoir l’obligation de me consulter dans tous les cas où elle compte rendre une ordonnance de communication d’information pour laquelle une dispense en vertu de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information a été obtenue. Cela ne devrait pas être laissé à sa discrétion.
Ensuite, la commissaire à l’information devrait avoir le pouvoir discrétionnaire de me consulter à toute étape de son enquête si elle le juge nécessaire ou souhaitable dans les circonstances. Pour éviter que ces consultations ne soient trop nombreuses ou n’entraînent des retards indus, Mme Maynard et moi avons convenu que les questions ou les circonstances particulières liées à la protection des renseignements personnels pour lesquelles des consultations devraient avoir lieu seraient définies par un protocole d’entente entre les deux commissariats.
Enfin, la commissaire à l’information devrait être tenue de me fournir un rapport final sur les résultats de toute enquête dans le cadre de laquelle j’ai été consulté et pour laquelle nous sommes en désaccord quant à l’application de l’article 19. Autrement dit, s’il y a un conflit, s’il y a une divergence d’opinions entre le champion de l’accès à l’information et le champion de la protection des renseignements personnels sur la question de savoir si les renseignements personnels devraient être protégés, je devrais avoir la possibilité de demander un contrôle judiciaire afin que le tribunal arbitre cette divergence.
À mon avis, la meilleure façon d’assurer un équilibre entre l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels serait de m’accorder le pouvoir de rendre des ordonnances, comme l’aura ma collègue. Encore une fois, la Cour suprême estime que les deux lois constituent actuellement un code transparent, et l’un des éléments d’un code transparent est que les deux commissaires ont un statut et des pouvoirs égaux. En accordant un pouvoir à l’un et non à l’autre, cet équilibre est perturbé. Je ne m’oppose pas, bien entendu, à ce que la commissaire à l’information ait le pouvoir de rendre des ordonnances. Je dis que cela a des répercussions sur l’équilibre reconnu par la Cour suprême entre deux droits quasi constitutionnels. Toutefois, en l’absence de pouvoirs égaux, les solutions que nous avons proposées conjointement représentent un pas vers le maintien de l’équilibre.
Je vous demande respectueusement d’examiner ces propositions. Je vous remercie de votre attention, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Therrien. Vous avez soulevé une question importante sur laquelle le comité voudra certainement vous poser des questions afin de pouvoir en arriver à un genre de consensus sur la recommandation que vous avez faite.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Therrien, je vous souhaite la bienvenue, et à vos collaboratrices également, Mme Barss et Mme Lajoie. Avez-vous été consulté sur la rédaction du projet de loi C-58?
M. Therrien : Non.
Le sénateur Boisvenu : La réponse est claire. Deuxièmement, vous parlez d’un possible déséquilibre. J’aimerais que vous nous en disiez davantage sur ce possible déséquilibre entre la protection des renseignements privés et l’accès à l’information et que vous me donniez un exemple où ce déséquilibre pourrait affecter la Loi sur la protection des renseignements personnels.
M. Therrien : Je vais commencer par l’exemple, pour ensuite passer à un niveau plus général.
L’exemple sera celui que j’ai mentionné dans mes remarques préliminaires. Dans le monde technologique moderne, il n’est pas si simple de savoir si les renseignements sont personnels ou pas. Une des dispositions de la Loi sur l’accès à l’information veut que, malgré le droit général d’accès aux renseignements que détient le gouvernement, s’il s’agit de renseignements personnels, ce droit est exempté. Ainsi, une personne autre que la personne visée par les renseignements en question n’y a pas droit. Il faut toutefois que les renseignements soient personnels. Le principe semble simple, et il l’était peut-être en 1983, quand les deux lois ont été adoptées. Si on associe un nom à certains renseignements, comme l’opinion de la personne, son adresse ou son compte de banque, ce sont des renseignements personnels. En 2018, même si les renseignements ne sont pas associés à un nom, s’ils sont divulgués, il y a un risque, qui peut être quantifié avec l’aide d’experts en technologie, que l’information qui semble anonyme soit, en fait, des renseignements personnels. Il se peut qu’il y ait une divergence d’opinions entre la commissaire à l’information et moi, à savoir quel est le niveau de risque acceptable de réidentification qui fait en sorte que le renseignement qui semble anonyme n’est pas anonyme, selon nous, mais personnel.
Je vais mettre cette situation dans un contexte de gouvernement ouvert, parce que la loi traite surtout du mécanisme formel d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La politique de gouvernement ouvert est un élément de contexte très important, selon moi. Le gouvernement actuel met de l’avant une politique de gouvernement ouvert. Elle est conforme à un désir d’être transparent, ce qui assure une meilleure démocratie, et c’est excellent. Il faut toutefois faire attention, dans l’application de cette politique, de ne pas rendre des renseignements personnels disponibles au public, parce que les citoyens ont droit à la protection de la confidentialité des renseignements que le gouvernement possède à leur sujet.
Si un ministère, en appliquant la politique de gouvernement ouvert, décide qu’on a une banque d’information et pense qu’il serait bon, du point de vue de la transparence, de communiquer cette banque d’information au public pour que les gens qui font de la recherche, ou peu importe, puissent utiliser les renseignements, c’est très bien. Y a-t-il des renseignements apparemment anonymes, mais qui peuvent être réidentifiés? Quelle interprétation de l’expression « renseignement personnel » fera le ministère qui se posera la question? Est-ce l’interprétation donnée par le commissaire à l’information dans une recommandation faite à un ministère? Dans l’état actuel du projet de loi C-58, je ne peux ni regarder, ni être consulté, ni donner mon avis à ce sujet. À mon avis, ce n’est pas là un résultat optimal.
Le sénateur Boisvenu : Vous demandez, dans votre rapport — et je pense que c’est un élément important, comme le sénateur Joyal l’a souligné —, le même pouvoir d’ordonnance que la commissaire à l’information.
M. Therrien : J’aurais aimé l’avoir. Je constate que le projet de loi qui est devant vous n’a pas cette portée. Parmi les éléments qui font en sorte qu’il y a un équilibre présentement, il y a le fait que les deux commissaires ont les mêmes pouvoirs. C’est ce que dit la Cour suprême.
Si on se transporte il y a trois ans, j’aurais aimé que les réformes se fassent en parallèle. Je constate que le projet de loi C-58 ne vise que la Loi sur l’accès à l’information. Sauf erreur, je ne crois pas que la portée du projet de loi vous autorise à me donner des pouvoirs d’ordonnance.
Le sénateur Boisvenu : Ma question n’était pas là. Je peux comprendre, dans le cas de la commissaire à l’accès à l’information, qu’elle puisse émettre une ordonnance, car elle demande au ministère de faire quelque chose. Dans votre cas, comment s’appliquerait une ordonnance? Vous diriez au ministère qu’il ne peut pas faire telle chose?
M. Therrien : Vous voulez dire dans le cas de la protection des renseignements personnels?
Le sénateur Boisvenu : Oui. Comment appliqueriez-vous une ordonnance?
M. Therrien : Le problème ne se poserait pas dans le cas où il existe un conflit entre les deux commissaires, je pense, pour ce qui est de la protection des renseignements personnels. Mme Barss pourrait peut-être ajouter quelque chose sur ce point.
Julia Barss, avocate générale et directrice des services juridiques, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : On peut imaginer le cas où des gens ont fait une demande auprès d’un ministère pour obtenir de l’information personnelle. S’ils ne reçoivent pas toute l’information recherchée, ils nous envoient souvent des plaintes. Peut-être existe-t-il des exemptions que les ministères vont appliquer à une portion des documents, par exemple le privilège avocat-client, ou un privilège commercial?
Le sénateur Boisvenu : Je croyais que c’était le travail du commissaire à l’information de juger de la nature d’une telle demande.
M. Therrien : Dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, il y a des dispositions extrêmement analogues à celles que contient la Loi sur l’accès à l’information. Cette loi dit que les citoyens ont droit aux renseignements non personnels que détient le gouvernement. En ce sens, Mme Maynard a certains pouvoirs et, si le projet de loi est adopté, cela inclura des pouvoirs d’ordonnance. Dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, dont on parle présentement, il y a des dispositions qui limitent la divulgation des renseignements. Il y a aussi l’équivalent dans la Loi sur l’accès à l’information pour l’accès des citoyens à leurs propres renseignements. Dans ce contexte de personnes qui demandent accès et qui voient cet accès refusé, on devrait pouvoir ordonner un accès.
Le sénateur Boisvenu : C’est très clair. Merci beaucoup, monsieur Therrien.
Le sénateur McIntyre : Décidément, monsieur Therrien, vous êtes un commissaire très occupé. C’est la deuxième fois cette semaine que j’ai le plaisir de vous poser des questions en comité.
M. Therrien : Je suis heureux d’être ici.
Le sénateur McIntyre : Comme vous le savez, les articles 47 à 57 du projet de loi modifient la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, l’article 57 modifie le paragraphe 77(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ce paragraphe concerne la modification de l’annexe qui dresse la liste des institutions fédérales auxquelles s’applique la loi.
Êtes-vous d’accord avec cette modification?
M. Therrien : Laissez-moi voir la disposition en question. C’est à quelle page du projet de loi? Vous parlez de l’annexe?
Le sénateur McIntyre : Par exemple, le nouveau paragraphe 77(2) prévoit que le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter à l’annexe, remplacer des éléments dans l’annexe ou supprimer de l’annexe le nom de tout ministère, département d’État ou organisme relevant du gouvernement du Canada.
M. Therrien : Je vais me fier à la lecture que vous en avez faite. De manière générale, je dirais qu’il est important que le nombre d’institutions fédérales assujetties à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels soit le plus grand possible pour assurer le respect des droits des citoyens. Que le gouvernement puisse, par décret, ajouter à la liste des institutions ne me pose aucun problème. S’il pouvait retirer des éléments de la liste des institutions de l’annexe, cela me poserait problème. Toutefois, nous ne nous sommes pas penchés de près sur cette question. On pourrait vous revenir là-dessus, si vous voulez.
Le sénateur McIntyre : Oui, s’il vous plaît.
M. Therrien : De manière générale, le fait d’ajouter est bien; le fait de soustraire le nom d’institutions pourrait poser problème.
Le sénateur McIntyre : Oui, parce que je crois que le paragraphe 77(2) du projet de loi est très clair à ce sujet. C’est très bien; vous pourrez nous revenir à ce sujet.
M. Therrien : Je vais spéculer, mais un ministère qui porte un nom X en 2018 pourrait porter un nom Y en 2019; il s’agirait là d’une situation qui ne serait pas trop problématique. Cependant, le fait de soustraire un certain ministère à l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels par décret serait, évidemment, problématique.
Le sénateur McIntyre : L’ancienne commissaire à l’information, Mme Legault, avait recommandé d’inclure dans la Loi sur l’accès à l’information une disposition qui rendrait le processus de médiation officiel. Quelle est votre opinion sur cette recommandation?
M. Therrien : Je pense que ce serait souhaitable. Est-ce nécessaire? Peut-être pas. Je vais vous parler de notre institution. Dans notre institution, alors qu’on a une obligation d’enquêter sur les plaintes qui nous sont soumises, on ne traite pas toutes les plaintes de la même façon. On a différents processus plus ou moins élaborés selon la complexité des questions qui nous sont posées. Pour certaines causes simples, nous avons ce que l’on appelle un processus de résolution rapide qui peut s’apparenter à la médiation. On a une certaine latitude, à titre de tribunal administratif, pour adopter différentes procédures afin de procéder plus ou moins rapidement. Le fait d’avoir le pouvoir de faire de la médiation expressément viendrait, je crois, codifier des procédures administratives actuelles. Je n’ai aucune objection à cela, mais je ne suis pas absolument certain que c’est nécessaire.
Le sénateur McIntyre : Je suis d’accord avec vous et avec Mme Legault, car plusieurs plaintes sont réglées par le biais de la négociation et aussi par consensus.
M. Therrien : Oui.
Le sénateur Carignan : Bonjour, monsieur le commissaire.
Vous avez écrit une lettre conjointe le 20 mars 2018 au ministre Brison pour lui faire part de votre position, à vous et Mme Maynard.
M. Therrien : Oui.
Le sénateur Carignan : À la fin, on peut lire ce qui suit, et je cite :
Nous serons heureux d’en discuter plus à fond à votre convenance. Si votre personnel a besoin de plus amples renseignements, n’hésitez pas à communiquer avec Julia Barss [...]
— qui se trouve ici parmi nos témoins.
Est-ce que le ministre a communiqué avec vous? Quelle a été la nature des échanges?
Des écrits ont-ils été échangés entre le bureau du ministre Brison et vous-même ou votre bureau?
M. Therrien : Oui, il y a eu un suivi et un certain nombre de communications ont eu lieu avec M. Brison et son bureau lors desquelles on nous a montré une ouverture générale au début puis, finalement, essentiellement un accord de principe avec les recommandations que nous faisons conjointement.
Le sénateur Carignan : Y a-t-il eu des écrits par rapport à cela?
M. Therrien : Non, il s’agissait de conversations téléphoniques.
Le sénateur Carignan : Est-ce que des notes ont été prises?
Mme Barss : Il s’agirait peut-être seulement de notes informelles des gens qui ont participé aux conversations téléphoniques, par exemple.
M. Therrien : On peut vérifier dans nos dossiers et voir si on peut trouver quelque chose.
Le sénateur Carignan : Peut-on avoir les notes?
M. Therrien : Oui.
Le président : Il n’y a pas eu de lettre envoyée au ministre Brison après ces conversations et confirmant l’essentiel de l’accord sur lequel vous étiez intervenu?
M. Therrien : Non, cela s’est fait verbalement.
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Je vous remercie tous les trois d’être ici. Nous vous en sommes reconnaissants. Je suis heureuse de l’occasion qui m’est donnée d’explorer avec vous une question qui relève davantage du contexte.
Avant de clore les questions du sénateur Carignan, le ministre a déclaré publiquement qu’il était ouvert à ces réformes, ce qui a essentiellement été rendu officiel par une déclaration publique.
M. Therrien : Lorsqu’il a comparu devant le Sénat, c’est exact.
La sénatrice Lankin : Je vous remercie.
C’est une question contextuelle, et elle trahit mon manque de connaissance du fonctionnement de votre commissariat. Elle concerne le deuxième scénario que vous avez présenté, celui dans lequel les deux commissariats peuvent avoir des points de vue différents sur l’accessibilité de l’information au public. Il est important qu’il y ait une compréhension commune de ce que l’on entend par « accessible au public ». Je pense que, d’une certaine façon, votre commissariat aurait probablement pris l’initiative d’élaborer une approche cohérente pour déterminer cela.
Si nous prenons du recul, l’expression « accessible au public » s’applique à un certain nombre de secteurs différents du gouvernement. Elle s’applique certainement à la protection des droits des Canadiens et à l’équilibre entre les pouvoirs d’enquête des organismes de sécurité, par exemple — comme le Centre de la sécurité des télécommunications Canada ou le SCRS —, et à la question de l’accessibilité au public. Compte tenu des progrès réalisés dans la tenue de dossiers numériques, les bases de données, l’exploration des données et ainsi de suite dans le nouveau cybermonde, cela devient une question pour laquelle nous devons avoir une compréhension commune de ce qu’elle signifie.
Quel est le degré de compréhension? Existe-t-il des décisions judiciaires qui traitent de ce qui est « accessible au public » et qui donnent plus de détails à ce sujet? Est-ce quelque chose qui a été davantage mis de l’avant au sein du gouvernement? Votre commissariat collabore-t-il avec d’autres organisations? Existe-t-il une conception pangouvernementale de l’expression « accessible au public »?
M. Therrien : En bref, la réponse est non, il n’y a pas de vision pangouvernementale. C’est une excellente question. Il n’y a pas de vision pangouvernementale, et c’est une question complexe.
Le contexte est important. Vous avez mentionné les pouvoirs d’enquête du gouvernement comme étant l’un des contextes. Imaginons que l’Agence du revenu du Canada souhaite recueillir et utiliser des renseignements provenant des médias sociaux — des renseignements figurant dans les profils publics de personnes sur les médias sociaux — et les utiliser à des fins d’enquête, par exemple, les enquêtes sur la fraude fiscale. D’un côté, il s’agit de renseignements accessibles au public, à un moment donné, certes, parce que la personne a choisi — de façon éclairée ou non, c’est difficile à savoir — de mettre ces renseignements à la disposition de tous. D’un autre côté, il s’agit toujours de renseignements personnels; il s’agit donc à la fois de renseignements accessibles au public et de renseignements personnels, de sorte que l’institution fédérale en question ne peut les recueillir, les utiliser et les communiquer en vertu de l’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels que si ces renseignements sont pertinents à son mandat. Dans l’exemple que j’ai donné, il est concevable que ce soit pertinent pour le mandat de l’Agence du revenu du Canada.
Ce que je veux dire, c’est que la loi n’est pas très claire quant à la distinction entre ce qui est accessible au public et ce qui constitue des renseignements personnels. Les contextes sont nombreux. Comme la loi n’est pas claire, il est fort possible que la commissaire à l’information et moi ne soyons pas d’accord dans un cas donné. J’accepte probablement la responsabilité d’essayer de clarifier la loi sur ce point et d’établir des lignes directrices. Nous ne l’avons pas fait, mais nous le ferons. Toutefois, au cas par cas, il est nécessaire que les deux commissaires engagent une discussion lorsque la loi n’est pas claire.
L’ensemble de mes recommandations vise à faire en sorte que, dans ces domaines difficiles où la loi n’a pas rattrapé les progrès technologiques, je puisse être consulté avant que des renseignements qui pourraient porter atteinte à la vie privée d’une personne soient divulgués.
La sénatrice Lankin : Je comprends.
Le sénateur Gold peut peut-être me corriger, mais je crois que l’expression « renseignement accessible au public » figure dans le projet de loi C-59.
M. Therrien : C’est exact.
La sénatrice Lankin : Comme nous avons deux projets de loi qui portent particulièrement sur le degré de compréhension de la signification, y a-t-il des discussions ou des travaux ou quoi que ce soit en cours qui pourrait aider les autres organisations qui se forgeront une opinion sur ce qui est accessible au public?
Dans ces deux situations, je parle de l’équilibre entre, dans votre cas, l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels et, dans l’autre cas, l’important travail de lutte contre le terrorisme, disons, et l’importance de la protection des renseignements personnels et des droits des Canadiens également. Ce sont toutes des lois équilibrantes, et je comprends votre point de vue sur le contexte, mais étant donné que nous avons actuellement devant nous deux projets de loi qui contiennent la même expression, j’aimerais avoir une idée du genre de compréhension commune qu’il y a ou non à cet égard.
M. Therrien : Je ne suis pas certain de pouvoir vous rassurer. Le contexte a son importance. Dans le cadre du projet de loi C-59, la loi sur la sécurité nationale, on a beaucoup discuté de ce que l’on entend par « accessible au public » et de la mesure dans laquelle les organismes de sécurité nationale peuvent se fier au fait que des renseignements sont accessibles au public pour les utiliser. Avec le projet de loi tel qu’il est, je pense que nous sommes parvenus à un compromis raisonnable dans ce contexte.
La question est également pertinente en ce qui concerne la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui sont, bien entendu, les lois d’application générale en la matière. La question est également pertinente aux fins de la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, la LPRPDE, qui permet actuellement aux entreprises d’utiliser des renseignements accessibles au public dans des circonstances extrêmement limitées, et on souhaite élargir la définition de « renseignements accessibles au public » dans ce contexte.
En effet, la définition ne devrait pas être très différente, selon le contexte, mais nous devons examiner attentivement la situation pour en arriver à la bonne conclusion.
Y a-t-il des discussions? Je ne peux pas vraiment vous rassurer. Nous avons recommandé que le gouvernement examine la question dans le contexte de la LPRPDE, par exemple. Nous avons évidemment participé à la discussion sur cette question dans le contexte du projet de loi C-59. Aujourd’hui, dans le contexte du projet de loi C-58 et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, vous êtes libres de faire ce que vous voudrez.
Il serait utile d’aller de l’avant avec ce que vous avez proposé et ce à quoi nous avons réfléchi, c’est-à-dire d’essayer, en tant que commissariat, d’établir des lignes directrices générales sur la question. Comme l’a dit le sénateur McIntyre, nous sommes un peu occupés; malheureusement, c’est l’un de nos objectifs, mais nous ne sommes pas encore rendus à cette question importante.
La sénatrice Lankin : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Monsieur le commissaire, merci d’être venu ce matin. Vous êtes en place depuis quelques années. Vous connaissez bien le fonctionnement des institutions. Comment cela se passe-t-il techniquement si vous avez une difficulté ou une mésentente avec le commissaire à l’information dans le système actuel avant le système du pouvoir d’ordonnance qui pourrait lui être donné?
M. Therrien : Dans le système actuel, il y a très peu d’interactions dans les cas individuels parce que Mme Maynard et moi, individuellement, en vertu de nos deux lois respectives, avons une obligation de confidentialité par rapport au plaignant lorsqu’on étudie une plainte. Alors, si Mme Maynard étudie une plainte où il est question de l’application de l’article 19 de la loi, à savoir si les renseignements devraient être divulgués s’il s’agit de renseignements personnels, la commissaire à l’information est assujettie à une obligation de confidentialité. Donc, elle ne peut pas me consulter sur ces questions. Cela peut paraître étrange, mais c’est l’état actuel des choses. Notre interaction ne se situe pas au niveau des dossiers particuliers. C’est plutôt du point de vue des politiques générales. Nous sommes tous deux membres d’un groupe de commissaires fédéraux provinciaux d’accès à l’information et à la vie privée. Donc, nous avons des discussions sur des tendances générales, mais les discussions ne touchent pas des dossiers particuliers.
Le sénateur Dalphond : J’ai une question complémentaire à poser. Ai-je raison de croire que, dans certaines provinces, c’est la même personne qui applique les deux lois?
M. Therrien : Oui, tout à fait. C’est généralement le cas dans la plupart des provinces.
Le sénateur Dalphond : C’est en raison de cette séparation ou de ces deux têtes — la Cour suprême fait référence au « seamless code » — que les principes sont intégrés, mais que les deux têtes ne le sont pas.
M. Therrien : On peut l’exprimer ainsi. C’est pourquoi, dans nos recommandations, Mme Maynard et moi avons prévu que, lorsqu’elle enquêtera sur des plaintes qui mettent en cause la notion de renseignements personnels, elle pourra me consulter malgré l’obligation générale de confidentialité.
Le sénateur Dalphond : Avec la nouvelle loi, la commissaire à l’accès à l’information aura le pouvoir d’émettre des décisions qui sont, en principe, contraignantes pour le ministère ou l’organisme visé. C’est donc dire que vous ne ferez pas partie de cela.
M. Therrien : Non.
Le sénateur Dalphond : Et que, même si la décision qu’elle a rendue était mal fondée et qu’elle entraînait la divulgation de renseignements personnels, vous ne pourriez rien faire parce que l’information a déjà été communiquée.
M. Therrien : Oui. C’est dans la mouture actuelle du projet de loi. Mon objectif, dans toutes les recommandations que je fais conjointement avec Mme Maynard, c’est d’éviter cette situation. Il faut qu’il y ait une consultation pour éviter ce désaccord. S’il y a désaccord, elle doit m’en informer, afin que je puisse demander un contrôle judiciaire pour qu’un arbitre neutre puisse trancher.
Le sénateur Dalphond : Dans le système qui est proposé, vous vous parlez et, si vous ne vous entendez pas, elle émet son ordonnance quand même et c’est vous qui irez devant la cour fédérale pour demander la cassation.
M. Therrien : Si je suis informé. Je ne serai pas nécessairement informé.
Le sénateur Dalphond : Mais si vous avez été consulté?
M. Therrien : Si j’ai été consulté, oui.
Le sénateur Dalphond : D’accord. Merci.
Le président : C’est le tribunal, en dernier ressort, qui résoudrait le différend que vous pourriez avoir sur l’interprétation qu’il faut donner à la nature des renseignements en cause.
M. Therrien : En vertu des recommandations en ce qui concerne les modifications proposées, oui.
Le président : D’accord, mais dans le contexte de la loi actuelle?
M. Therrien : Dans le contexte de la loi actuelle, il y a un recours seulement dans les cas d’ordonnances.
Mme Barss : Oui, c’est exact.
M. Therrien : Vous avez entendu que des ordonnances seront rendues dans des cas rarissimes. Dans ces cas-là, si je suis en désaccord, je pourrai aller en contrôle judiciaire, mais c’est une partie infime du nombre de dossiers où les renseignements personnels pourraient théoriquement être divulgués de manière erronée, selon moi.
Le président : Très bien.
Le sénateur Pratte : Dans le même ordre d’idées, la commissaire à l’information a demandé d’avoir le pouvoir d’émettre des ordonnances, mais que celles-ci soient certifiées par la Cour fédérale. Donc, des ordonnances qui ont du mordant. En ce qui concerne les recommandations conjointes que vous avez faites — et c’est une question qui préoccupe notre comité —, si le projet de loi était amendé et adopté pour que les ordonnances de la commissaire à l’information puissent être certifiées, est-ce que cela changerait les choses pour vous? Est-ce que les compromis que vous suggérez avec la commissaire à l’information restent tout aussi valables?
M. Therrien : Je crois que cela fonctionne toujours. Je tiens pour acquis que la question de la certification entrera en jeu à la suite d’un contrôle judiciaire. Si je suis en désaccord avec elle sur une ordonnance qui n’est pas encore certifiée par hypothèse, je pourrai demander le contrôle judiciaire. La cour tranche. Dans ce cas-là, on n’a pas besoin de certification puisque la cour aura tranché.
Le sénateur Pratte : Cela intervient avant la certification.
M. Therrien : Avant la certification.
Le sénateur Pratte : D’accord. Merci.
Le sénateur Carignan : La question du sénateur Dalphond me porte à réfléchir sur votre rôle. Ne serait-il pas souhaitable que les deux postes de commissaires fusionnent? Je ne veux pas vous faire perdre votre emploi. Vous pourriez poser votre candidature pour le poste, de toute façon. L’équilibre entre le droit du public à l’information et le droit à la protection de la vie privée devrait peut-être être géré par le même cerveau. J’imagine que les décisions seraient beaucoup plus rationnelles.
M. Therrien : C’est certainement une option. Dans plusieurs provinces, c’est plus qu’une option, c’est la réalité. Un des avantages du modèle dans lequel un commissaire est responsable à la fois de l’accès à l’information et de la vie privée, c’est que ces arbitrages se font à l’interne, avant que les tribunaux n’aient à intervenir. C’est théoriquement plus économique. Il y a toutes sortes d’avantages à cela. Cela dit, ce n’est pas le régime que nous avons au fédéral, et je ne suis pas opposé, en principe, à une éventuelle fusion.
Plusieurs cerveaux se sont penchés, au fil des ans, sur le caractère souhaitable ou non de cela, y compris un juge de la Cour suprême qui était à la retraite au moment où le rapport a été rédigé, M. le juge La Forest. Le gouvernement lui a demandé expressément de se pencher sur cette question, et M. le juge La Forest a conclu que ce n’était pas, à l’époque du moins, une bonne idée pour différentes raisons.
D’une part, il pensait qu’il était souhaitable qu’il y ait deux champions. Il y a deux causes qui peuvent potentiellement être en opposition, et c’est une bonne chose, selon lui, qu’il y ait un champion pour chaque cause, afin qu’on ait des ombudsmans, des champions d’une cause. Il trouvait qu’il était souhaitable qu’il y ait un champion pour chaque cause. J’ajouterais une chose, et je ne sais pas si le juge La Forest y faisait référence, mais, à mon avis, en 2018, compte tenu de l’importance des changements technologiques, il y a une question de charge de travail qui se pose. La protection de la vie privée et, donc, la Loi sur la protection des renseignements personnels, par rapport aux gouvernements et aussi par rapport au secteur privé, présentent une charge importante et complexe. Il y a des changements tous les jours.
Il faudrait y réfléchir, et ultimement je n’ai pas de réponse à vous donner, je vous donne seulement les facteurs pertinents; est-ce une bonne chose que la même personne au niveau fédéral, où le volume de travail n’est pas le même qu’au provincial, en tout respect, soit chargée de la protection de la vie privée pour le gouvernement et pour le secteur privé, et de l’accès à l’information pour le gouvernement fédéral? Tout peut se faire avec un financement adéquat; c’est peut-être une situation ou un modèle souhaitable, mais je vous donne les facteurs. Je n’y suis pas opposé, je n’ai pas de réponse définitive à vous donner à ce moment-ci. Voilà ce qui me semble être les facteurs pertinents.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Therrien, c’est un conseil que je vous demande : serait-il intéressant de faire venir les commissaires de certaines provinces comme témoins aux audiences de notre comité sur le projet C-58, peut-être les provinces les plus populeuses, pour voir comment ils administrent ce double mandat d’accès à l’information et de protection de la vie privée?
M. Therrien : Oui, ils auraient certainement des choses à vous dire, avec une expérience pratique.
Le sénateur Boisvenu : Merci.
Le sénateur Gold : Ma question va certainement trahir l’étendue de mon ignorance du régime tel qu’il est appliqué.
[Traduction]
En ce qui concerne la communication de renseignements personnels, la loi actuelle, la Loi sur l’accès à l’information, incorpore au paragraphe 19(2) des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, y compris la possibilité de communiquer des renseignements personnels si c’est dans l’intérêt public. Mon ignorance pourrait me trahir en ce moment, mais, dans un tel cas, comment la personne dont les renseignements personnels ont été communiqués dans l’intérêt public le saurait-elle? Ai-je raison de penser qu’il n’y a aucun devoir d’informer cette personne?
[Français]
Si c’est le cas, n’est-ce pas là une lacune dans la loi pour ce qui est de veiller à ce que l’individu soit informé, ou est-ce que je comprends mal la façon dont la loi est appliquée?
Sue Lajoie, directrice exécutive, Direction de la conformité à la Loi sur la protection des renseignements personnels, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Il n’y a aucune obligation de la part de l’institution de communiquer à l’individu qu’elle a l’intention de divulguer ses renseignements personnels. Elle peut le faire, mais elle n’en a aucunement l’obligation. Cependant, si une divulgation est faite dans l’intérêt public, la Loi sur l’accès à l’information se rapporte à la Loi sur la protection des renseignements personnels. L’alinéa 8(2)m) indique que l’organisation a le choix de communiquer des renseignements personnels, que c’est à sa discrétion, mais il y a aussi l’article 8(5) de la Loi sur les renseignements personnels, qui oblige l’institution à communiquer l’information et son intention de communiquer l’information à notre bureau. Donc, dans cette situation, malgré le fait que l’individu n’est pas informé, notre bureau devrait être informé. Il arrive parfois que cela se produise après le fait. L’institution est censée le faire à l’avance ou aussi rapidement que possible après la divulgation.
Le sénateur Gold : Est-ce adéquat, à votre avis, pour protéger le droit à la vie privée des Canadiens et des Canadiennes?
M. Therrien : C’est une bonne question. Je pense que le choix qui a été fait par le Parlement à l’époque était d’appliquer le critère de l’intérêt public. Le ministère en question est bien placé pour décider s’il est dans l’intérêt public de divulguer les renseignements ou non. Les tribunaux ont accordé une certaine déférence au ministère dans l’application de tout cela. Vous demandez si l’individu visé devrait être avisé; sûrement, dans certains cas. Mais dans tous les cas? Il faudrait y réfléchir.
Mme Lajoie dit que le gouvernement doit nous informer, si ce n’est avant le fait, peu de temps après. Si je ne m’abuse, dans certains cas, mais certainement pas dans tous les cas, nous avons recommandé au ministère d’informer l’individu, mais ce n’est pas la règle. Est-ce que ce devrait l’être? Il faudrait se pencher davantage sur la question.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Tout d’abord, il m’est apparu que, si ces deux postes étaient fusionnés, celui de commissaire à l’information et celui de commissaire à la protection des renseignements personnels, il faudrait que l’on change cette disposition prévoyant que les commissaires ne pourraient pas se consulter mutuellement. Cela pourrait devenir un peu confus.
Je voulais dire que, en Saskatchewan, nous avons fusionné les deux, et ce, depuis longtemps. Lorsque j’exerçais en pratique privée en Saskatchewan, Gerald Gerrand, l’avocat principal de mon cabinet, était commissaire à l’information et à la protection des renseignements personnels de la Saskatchewan, et j’ai travaillé avec lui sur beaucoup de ces dossiers. Je pense qu’il serait utile de se pencher sur l’expérience d’une administration qui fonctionne de la sorte depuis un certain temps. Merci beaucoup.
[Français]
Le président : Merci, monsieur Therrien, de vous être rendu disponible ce matin pour participer à nos travaux. Vos réflexions et vos propositions seront certainement très utiles dans la considération que nous allons apporter au projet de loi C-58. S’il y avait quoi que soit d’autre que vous estimez à propos de porter à notre connaissance, n’hésitez pas à le faire.
Honorables sénateurs je vous demanderais de rester dans la salle une minute après le départ de notre témoin.
[Traduction]
Une décision organisationnelle doit être prise. J’aimerais, bien entendu, avoir votre accord. Comme vous le savez, jeudi prochain, il y aura l’adresse conjointe du premier ministre des Pays-Bas à la Chambre des communes. Les sénateurs sont également invités, parce qu’il s’agit d’une adresse conjointe. La question que nous devons régler, vous et moi, est de savoir si nous tenons une réunion au même moment. Autrement dit, les sénateurs se rendraient-ils disponibles pour participer ou préféreraient-ils que la réunion n’ait pas lieu et que nous ne tenions pas de séance jeudi prochain?
La sénatrice Batters : Avons-nous une idée si la ministre de la Justice pourra être présente jeudi prochain? Je serais d’avis que...
Le président : Pour le moment, elle n’a pas confirmé qu’elle serait disponible le 25.
La sénatrice Batters : Sans elle, je ne pense pas qu’on devrait tenir une réunion. Franchement, je ne pense pas que nous devrions tenir d’autres réunions à ce sujet tant que la ministre de la Justice n’y participera pas enfin.
Le président : Comme vous l’avez vu lors de mon intervention de ce matin, avec la greffière du comité, nous faisons de notre mieux pour nous assurer d’entendre la ministre de la Justice sur les questions très importantes qui sont en jeu.
Par ailleurs, sur cette question très précise, comme vous l’avez constaté, j’ai présenté une motion à la Chambre pour que nous ayons l’occasion d’entendre à huis clos certains témoins concernant les articles du projet de loi qui relèvent de la responsabilité de la ministre de la Justice. Je pense qu’il serait utile de tenir ces réunions à huis clos avec ces témoins parce que, lorsque nous recevons la ministre, nous détiendrons beaucoup plus de renseignements qui pourraient être communiqués aux sénateurs à ces occasions. Cependant, je n’ai certainement pas écarté l’importance d’entendre la ministre de la Justice et de mettre l’information à la disposition des honorables sénateurs.
Ma question demeure : pensez-vous que nous devrions tenir la réunion de la semaine prochaine, le 25 octobre?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : La majorité des membres ont manifesté leur intérêt d’assister à l’activité organisée à l’occasion de la présence du premier ministre belge. Nous suggérons donc de ne pas tenir la rencontre du mercredi.
Quant au jeudi, il y a un principe qui a été défendu au comité directeur : tant et aussi longtemps que la ministre ne se présente pas à notre comité, nous ne tenons pas de réunion. Jusqu’à ce jour, il y a un volet qui s’adresse à la ministre de la Justice. Nous devons insister pour qu’elle soit ici jeudi prochain; sinon, je vais proposer au comité directeur de ne pas tenir de rencontre jeudi prochain.
[Traduction]
Le président : Comme je l’ai dit, les deux questions sont distinctes dans mon esprit. La question est de savoir si nous devrions permettre aux sénateurs ou aux membres du comité d’assister à la séance conjointe du Parlement lorsque ses membres sont invités à écouter le discours du premier ministre des Pays-Bas. C’est essentiellement la question.
L’autre question est distincte dans mon esprit. Aujourd’hui, j’essaierai de présenter la motion inscrite à mon nom, au nom du comité, afin que nous puissions siéger à huis clos pour entendre d’autres témoins, et ces témoins sont essentiellement liés au mandat de la ministre de la Justice. À mon humble avis, je crois qu’il serait très utile que les sénateurs soient réceptifs à ce que nous diront ces témoins en vue de comprendre les répercussions des articles du projet de loi qui traitent du système de justice avant que nous questionnions la ministre.
Comme je l’ai entendu autour de la table, nous devrions peut-être envisager certains amendements. Avant de faire cela, il est essentiel de donner à ces témoins la possibilité d’être entendus. Nous pourrions ensuite avoir une discussion avec la ministre de la Justice au sujet de ce que nous avons entendu. Nous serons beaucoup mieux outillés. Sinon, nous recevrons le témoignage de la ministre de la Justice sans avoir, à mon avis, tous les renseignements nécessaires.
C’est pourquoi je suggère que nous ne suspendions pas les travaux du comité jusqu’à ce que nous entendions la ministre de la Justice. J’ai pensé, à l’inverse, que nous devrions accumuler des renseignements pour que, lorsque nous serons en mesure d’avoir tout cela sous la main, il soit plus fructueux d’écouter la ministre de la Justice. C’est une question qui pourrait être traitée indépendamment de la première.
La sénatrice Batters : Pourrions-nous tenir la réunion à huis clos mercredi?
Le président : Cela dépend de la disponibilité des témoins. Nous avons la confirmation de l’Association du Barreau canadien pour mercredi. Nous n’avons pas de confirmation de la part des autres témoins, parce que je n’ai pas encore obtenu l’autorisation du Sénat de tenir ces réunions à huis clos.
La sénatrice Batters : Je préférerais entendre la ministre avant l’Association du Barreau canadien.
Le président : Je ne peux pas forcer la ministre. Je fais tout ce que je peux, et, vous le voyez, je suis revenu sur le sujet. Nous aurons l’occasion, si le Sénat est d’accord, de tenir des réunions à huis clos, et nous sommes sur le point de dire à la ministre de la Justice : « Écoutez, nous avons eu l’occasion d’entendre ces témoins », lesquels sont, bien sûr, des personnes très responsables. Dans ce contexte, nous serons alors en mesure d’avoir le point de vue de la ministre de la Justice sur ce témoignage, mais aussi sur d’autres articles du projet de loi, comme nous l’avons dit hier et encore aujourd’hui, au sujet de la certification des ordonnances, entre autres. Il y a d’autres questions qui concernent la ministre de la Justice.
Le sénateur Gold : Je conviens avec vous, monsieur le président, qu’il s’agit de questions distinctes; permettez-moi donc de parler des deux.
Sur le dernier point, je suggère fortement que nous allions de l’avant avec l’étude du projet de loi, et nous avons beaucoup de pain sur la planche. Nous aurons encore plus à faire. Je pense qu’il est important d’aller de l’avant, et la justification que vous avez donnée est la bonne, à savoir si c’est mercredi ou jeudi. C’est ce dont il s’agit.
Quant à l’adresse conjointe, honnêtement, je suis indécis. Je n’avais pas l’intention d’y assister, mais je me permets de suggérer que les gens pourraient trouver des remplaçants, si c’est approprié. Je me range du côté de la majorité. Je préférerais qu’on se rencontre parce que je pense que nous avons du travail à faire, mais...
Le président : Je serai très franc et ouvert, et je ne voudrais pas que le comité tienne une réunion avec des témoins qui acceptent de venir, qui préparent un mémoire, qui s’informent, qui prennent ce temps de leur vie professionnelle — je ne parle pas des fonctionnaires, mais des intervenants de l’extérieur — et qui viennent ici pour ne trouver qu’un petit nombre de sénateurs. Ce n’est pas convenable.
Le sénateur Gold : Je suis d’accord avec vous.
Le président : C’est essentiellement ma préoccupation.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Sur le même point que le sénateur Gold, si nos collègues souhaitent assister à la session conjointe des deux Chambres, il faut distinguer les deux situations. Je souhaiterais ne pas siéger à ce moment-là, parce qu’il s’agit ici d’une matière très technique. Nous le voyons dans les questions qui sont posées. Nous apprenons beaucoup. Ce serait bon de continuer tous ensemble afin d’avoir les mêmes informations. Nous sommes souvent dans les détails. Je propose de ne pas procéder sans nos collègues.
Pour ce qui est de la deuxième question, nous pourrions peut-être la renvoyer au comité directeur — à vous et aux deux vice-présidents, le sénateur Boisvenu et la sénatrice Dupuis — pour discuter des témoins que vous avez en tête et du caractère approprié de procéder avant d’entendre la ministre ou après.
Le président : Nous avons déjà eu ces discussions. La preuve... Je m’excuse.
[Traduction]
J’ai parlé comme si j’étais devant le tribunal. J’ai demandé au Sénat de nous permettre de siéger à huis clos. C’est parce que nous avons déjà prévu d’entendre ces témoins. Je pense qu’il est très important qu’ils soient entendus. Ce point de vue est partagé également par les deux vice-présidents. Je propose de suivre la suggestion du sénateur Boisvenu, à moins qu’il n’y ait d’autres commentaires au sujet du premier point.
La sénatrice Lankin : Je n’avais pas l’intention d’assister à la séance conjointe et je n’ai pas de problème à venir ici, mais je m’en remets au souhait des autres sénateurs. Je pense qu’il est important d’avoir une certaine continuité plutôt que de remplacer beaucoup de gens.
Toutefois, je me demande si on pourrait envisager un compromis. Si le Sénat accepte que le comité siège à huis clos, et que vous êtes en mesure de convoquer ces témoins le mercredi, ou la ministre ou ces témoins le jeudi, je me demande si les gens seraient disposés à assister à une réunion...
Le président : Nous allons essayer. Comme je l’ai dit, la ministre de la Justice sera probablement à la Chambre.
La sénatrice Lankin : J’en suis consciente, mais est-il possible de tenir la séance à huis clos? Cependant, il faut vraiment que nous soyons tous d’accord.
Le président : Comme vous le savez tous, le travail de notre comité est évolutif. Nous apprenons chaque jour que nous sommes ici. Nous entendons un autre témoin et nous apprenons un autre aspect du projet de loi. C’est un savoir cumulatif que nous accumulons, si je peux utiliser ces deux mots dans la même phrase. Il est important que les sénateurs restent les mêmes autour de la table afin que, lorsque viendra le temps de prendre une décision au sujet des amendements, nous ayons les mêmes fondements et les mêmes renseignements pour le faire. Je suis tout à fait en faveur de cela.
D’un autre côté, il faut aussi comprendre que, lorsque nous demandons d’entendre des témoins de l’extérieur de l’administration gouvernementale, ces gens ont des priorités et des engagements professionnels, et nous essayons de gérer tout cela. Parfois, ils sont disponibles un jour une semaine, mais pas la semaine suivante. C’est beaucoup de jonglerie, et la greffière ainsi que le comité fournissent un soutien à cet égard. Tous ceux qui siègent à un comité directeur savent qu’il s’agit de témoins essentiels que nous voudrons entendre. Ils sont incontournables, et nous essaierons de gérer l’horaire en conséquence.
Je tiens à vous assurer que nous faisons le maximum pour recevoir la ministre de la Justice. Comme vous l’avez vu, j’ai posé la question hier à M. Brison et à Mme Gould ce matin, et j’ai parlé au leader du gouvernement. Vous pourriez parler au leader du gouvernement en votre propre nom. Il serait peut-être utile de s’assurer que nous entendrons, en temps opportun, la ministre de la Justice. Nous savons que c’est essentiel, et nous prenons toutes les mesures possibles pour nous assurer que, lorsqu’elle comparaîtra, nous disposerons de tous les renseignements nécessaires pour la questionner.
Permettez-moi de vous donner l’exemple d’hier, lorsque nous avons entendu Mme Maynard demander un amendement visant à faire certifier l’ordonnance. Eh bien, si nous avions entendu la ministre de la Justice avant cela, il y a des éléments de réponse dont nous aurions eu besoin à ce moment-là pour la questionner. Je peux m’engager à vous assurer que, une fois que vous aurez entendu ces témoins à huis clos, vous serez beaucoup mieux outillés pour avoir une discussion franche avec la ministre de la Justice au sujet des articles du projet de loi.
C’est pourquoi je dis que la question n’est pas que la ministre de la Justice se servira de l’audition des témoins comme prétexte pour ne pas venir. Nous allons examiner où nous en sommes après avoir entendu ces témoins, ce que je juge essentiel pour la conversation franche que nous aurons avec la ministre de la Justice. C’est ce que je vous propose.
La sénatrice Lankin : Je comprends exactement ce que vous avez dit et je suis d’accord avec vos conseils à ce sujet. S’il s’avère que cette séance à huis clos pourrait avoir lieu le jeudi afin que l’on puisse progresser, je me demande si les gens seront d’accord pour y assister, ou est-ce toujours un problème?
Le sénateur McIntyre : Je ne serai pas ici la semaine prochaine, car je voyage avec un comité. J’en ai informé mes collègues le sénateur Boisvenu et la sénatrice Batters. Je laisse cela à leur discrétion, quoi qu’ils décident. Je dois y aller. Je dois me rendre à mon bureau dans l’édifice Victoria, on m’y attend. Quoi qu’ils décident, ça me va.
La sénatrice Batters : Je voulais faire une brève remarque sur le fait que nous n’avons pas très souvent d’adresses conjointes aux deux Chambres du Parlement. Je suis ici depuis cinq ans et demi, et je peux probablement compter le nombre d’occasions sur les doigts d’une main, d’après ce dont je me souviens. Le Sénat est une Chambre du Parlement et il exerce d’importantes fonctions diplomatiques, et bon nombre de nos collègues siègent à un certain nombre de comités différents et assument de nombreux rôles distincts. Je sais que ce n’est pas votre cas, monsieur le président, mais je pense que c’est une considération importante à garder à l’esprit. En tant que sénateurs, nous voulons toujours être à l’avant-garde du maintien de ces importantes relations diplomatiques, particulièrement dans ce cas-ci, avec le premier ministre des Pays-Bas. C’est un allié important, traditionnellement et autrement. J’aimerais que tous ceux qui voulaient être ici pour traiter de ces questions importantes, mais qui, en même temps, particulièrement si près du jour du Souvenir, voulaient également assister à des activités particulières, puissent le faire.
Le président : Je vous remercie. Je considère que nous ne siégerons pas à l’occasion de l’adresse conjointe. C’est ce que je décide, avec votre accord.
Pour ce qui est de la question de la ministre de la Justice, je proposerai aujourd’hui que la motion soit inscrite au Feuilleton. J’espère qu’on en arrivera là, selon ce qui se passera à la Chambre; nous sommes en mesure d’organiser la réunion à huis clos, et nous informerons certainement la ministre de la Justice que nous tenons ces réunions à huis clos afin qu’elle puisse réfléchir davantage aux raisons pour lesquelles nous voulons entendre ce qu’elle a à dire au sujet de ces questions. Avec votre accord, j’examinerai la question en votre nom.
(La séance est levée.)