Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 54 - Témoignages du 28 novembre 2018
OTTAWA, le mercredi 28 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, se réunit aujourd’hui, à 16 h 1, afin de poursuivre son étude de ce projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois en conséquence.
[Traduction]
Je suis heureux d’accueillir M. Stéphane Perrault, qui est accompagné d’Anne Lawson. Bienvenue, madame Lawson.
[Français]
Monsieur Perrault, les séances de ce comité vous sont familières. Les sénateurs ont exprimé le désir de vous recevoir à nouveau, puisqu’un certain nombre de questions liées à ce projet de loi touchent directement vos responsabilités. Par conséquent, je vous invite maintenant, si vous le voulez bien, à faire votre présentation d’ouverture. Nous pourrons ensuite procéder à un échange avec vous.
[Traduction]
Si vous voulez bien commencer, monsieur Perrault, la parole est à vous.
[Français]
Stéphane Perrault, directeur général des élections, Bureau du directeur général des élections : Je serai très bref pour laisser plus de temps aux questions.
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour parler du projet de loi C-76, qui propose une vaste réforme de la Loi électorale du Canada. Dans l’ensemble, je crois que ce projet de loi est des plus importants. Il nous permettra de moderniser l’administration des élections au Canada, en plus de rendre le processus électoral plus accessible et de renforcer son intégrité.
Le projet de loi C-76 donne suite, en tout ou en partie, à la majorité des 132 recommandations formulées par mon prédécesseur en 2016. J’ai été très heureux de constater que la plupart des recommandations importantes ont reçu un appui unanime lors de l’examen effectué par les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.
Comme je l’ai mentionné lors de ma comparution devant le comité plénier du Sénat, le projet de loi C-76 est un projet de loi transformateur. Non seulement il accorde une plus grande flexibilité pour l’administration du processus au bureau de vote, ce qui permettra de mieux servir les Canadiens à l’avenir, mais il améliore aussi considérablement le régime de financement politique de façon à en accroître la transparence et à assurer des règles du jeu équitable. De plus, il prévoit de nouveaux outils afin d’aider le commissaire aux élections fédérales à assurer l’application de la loi, notamment des pouvoirs d’enquête accrus ainsi qu’un régime de sanctions administratives pécuniaires.
[Traduction]
En ce qui concerne les tiers et la menace d’ingérence étrangère dans les élections canadiennes, les changements prévus sont importants. En effet, si le projet de loi est adopté, les activités des tiers feront l’objet d’une réglementation beaucoup plus stricte, tant avant qu’après le déclenchement des élections, et on limitera grandement l’utilisation de fonds provenant de l’étranger. De plus, la vente d’espace publicitaire à des entités étrangères serait interdite. Je crois que tous ces changements sont des améliorations.
Le projet de loi prévoit également certaines modifications qui visent à lutter contre les nouvelles menaces de désinformation et d’ingérence numériques. Ces menaces sont complexes, et des modifications législatives ne suffiront pas à les contrer. Cependant, le projet de loi prévoit de nouvelles infractions importantes, de même qu’une obligation de tenir un registre des activités liées à la publicité politique sur les plateformes en ligne. Même s’il peut sans doute être amélioré, le projet de loi C-76 est une réforme essentielle, et j’espère qu’il deviendra bientôt loi.
Comme je l’ai mentionné devant le comité plénier du Sénat, le temps presse. La mise en œuvre du projet de loi nous obligera, en outre, à modifier 20 de nos systèmes informatiques qui sont utilisés dans le cadre des élections. Il va sans dire qu’il est fort risqué d’apporter des changements de dernière minute à des systèmes informatiques complexes si nous n’avons pas le temps de les tester rigoureusement avant les élections. Nous prévoyons actuellement être prêts en janvier de façon à commencer les essais intégrés de tous nos systèmes informatiques. Cela nous permettra ensuite de procéder à une simulation sur le terrain en mars et avril, ce qui laisserait du temps pour faire des rajustements, le cas échéant. Comme je l’ai mentionné devant le comité plénier du Sénat, je vous prie de garder ces dates à l’esprit pendant l’étude de cet important projet de loi.
[Français]
C’est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du comité.
Le président : Merci, monsieur Perrault.
La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur Perrault, d’être parmi nous aujourd’hui. Bonjour, madame Lawson. Bienvenue au comité.
J’aimerais que vous nous aidiez à comprendre comment le projet de loi C-76 va vous permettre de répondre à ce qu’on appelle de « faux sites web », afin d’éviter que ceux-ci diffusent de mauvais renseignements ou de fausses informations qui visent à induire les gens en erreur dans l’exercice de leur droit de vote. En quoi le projet de loi C-76 va-t-il vous aider à mieux faire ce travail que vous le faites actuellement?
M. Perrault : On pourra le faire de façon ciblée. Le projet de loi n’a pas pour ambition de légiférer de façon générale sur l’exactitude des renseignements qu’on trouve sur Internet — ce serait là un programme très ambitieux. Il prévoit des améliorations que je qualifierais de ponctuelles. Par exemple, on a des craintes par rapport à la publication de faux sites web ou du fait que de fausses publications prétendent provenir d’un parti, d’un candidat ou d’Élections Canada. Les dispositions actuelles ne sont pas assez précises pour nous assurer de couvrir ces volets. Ces types de personnification seraient abordés dans le cadre d’un type d’infraction dans le projet de loi.
Le projet de loi viendrait clarifier aussi certaines fausses nouvelles concernant des candidats. En ce moment, on a des dispositions très vastes, un peu imprécises et qui sont difficiles à appliquer. Or, le projet de loi permettrait de les préciser. Ces efforts législatifs sont ciblés.
Nous avons aussi un rôle à jouer à titre d’administrateurs. J’ai la responsabilité de m’assurer que les Canadiens ont l’information dont ils ont besoin pour voter. Ce n’est pas là un enjeu législatif. On va faire un suivi, une veille de l’information, que ce soit dans les médias traditionnels ou dans les médias sociaux, pour s’assurer de corriger la mauvaise information. Toutefois, cette information porte sur le processus électoral. Toute la question de la désinformation est un enjeu social très large, qui implique l’intervention de beaucoup de joueurs, que ce soit les médias sociaux, les médias traditionnels ou les partis. C’est un enjeu qui dépasse l’administration électorale.
La sénatrice Dupuis : Prenons l’exemple des élections de 2015. Avez-vous été engagé dans des travaux, des discussions ou des actions en collaboration avec d’autres instances, comme le commissaire aux élections ou le Centre de la sécurité des télécommunications? Le projet de loi C-76 va-t-il vous donner de nouveaux outils? J’aimerais savoir quelle est votre expérience, jusqu’ici, en matière de collaboration avec les autres instances.
M. Perrault : Traditionnellement, nous collaborons avec nos partenaires en matière de sécurité. Les enjeux de sécurité que l’on craignait étaient davantage liés à la sécurité physique des lieux de scrutin, par exemple des menaces terroristes et autres choses du genre. Avant la tenue des dernières élections, on a élaboré des scénarios avec des partenaires pour imaginer ce qui se produirait dans une situation donnée et qui serait responsable de quoi, afin de bien comprendre les rôles et responsabilités. On a fait cet exercice juste avant les élections de 2015.
Cette fois-ci, j’ai engagé les partenaires il y a déjà plus d’un an. Nous avons créé un groupe de travail qui inclut le directeur général et le sous-ministre adjoint. Nous tenons des rencontres afin d’élaborer différents scénarios et de nous assurer qu’il y a une bonne compréhension des rôles et des responsabilités en cas d’incidents. Cette fois-ci, on mettra un accent beaucoup plus marqué sur les cyberattaques et sur les enjeux liés à l’interférence, comme on en a vu dans d’autres juridictions. Il y a du travail préparatoire qui se fait pour que nous soyons en meilleure position pour intervenir dans une élection. C’est un bon exemple. La livraison d’une élection dans laquelle les Canadiens ont confiance implique des interventions beaucoup plus larges que celles d’Élections Canada, et je dirais que c’est de plus en plus vrai.
[Traduction]
La sénatrice Frum : Monsieur Perrault, durant la réunion du comité plénier du Sénat, le 6 novembre, vous avez dit que, pour avoir le droit de voter, une personne qui est expatriée « doit pouvoir donner une adresse au Canada où elle atteste avoir résidé au cours de sa vie ». Je veux préciser votre déclaration. Une telle personne peut-elle utiliser n’importe quelle adresse où elle a vécu au Canada ou seulement sa dernière adresse de résidence au Canada?
M. Perrault : Merci de me donner l’occasion de corriger le tir. Au titre du projet de loi C-76, il s’agit de la dernière adresse. En vertu des anciennes règles, il y avait une diversité d’options : il pouvait s’agir de l’adresse d’un époux ou encore d’une ancienne adresse. Il y avait une diversité d’options. En vertu du projet de loi C-76, le seul endroit où une personne pourrait s’inscrire pour voter en vertu des règles électorales spéciales proposées, c’est dans son dernier lieu de résidence au Canada. Vous avez raison.
La sénatrice Frum : Pouvez-vous nous expliquer le processus d’enregistrement? De quelle façon saurez-vous qu’une personne s’inscrit à son dernier lieu de résidence?
M. Perrault : Ce n’est pas fondamentalement différent du processus actuel. En ce moment, il y a une diversité d’options, mais il y a tout de même des limites. Il faut choisir une des diverses options offertes, et la loi prévoit que la personne qui veut s’inscrire en vertu des règles électorales spéciales de façon à pouvoir voter de l’étranger doit le faire tout simplement en présentant une déclaration. Le même processus s’appliquerait en vertu du projet de loi.
La sénatrice Frum : Il y a une différence. Actuellement, le droit est limité aux personnes qui ont vécu à l’étranger cinq ans ou moins. Et là, on ouvre le processus à des gens qui sont peut-être à l’étranger depuis 50 ou 60 ans.
M. Perrault : Absolument. Vous avez raison. Cependant, pour ce qui est du processus actuel, aucune preuve documentaire n’est requise, par exemple, quant à l’adresse au Canada, que ce soit pour prouver un lieu de résidence ou relativement aux autres options. La situation ne changera pas en vertu du projet de loi pour ceux qui veulent s’inscrire et voter.
La sénatrice Frum : Pour s’inscrire, une personne doit-elle se présenter dans une ambassade ou un consulat?
M. Perrault : Non. Elle peut présenter la demande en ligne.
La sénatrice Frum : Et alors, pour voter, de quelle façon ces personnes procéderont-elles? S’agirait-il d’un bulletin de vote postal?
M. Perrault : Une fois la demande remplie et traitée, nous enverrons une trousse par la poste traditionnelle. La trousse contient une enveloppe intérieure et une enveloppe extérieure ainsi que certaines instructions. Le tout doit être retourné par la poste.
La sénatrice Frum : Vous venez de décrire un scénario dans lequel un nouvel électeur potentiel pourrait ne jamais avoir eu de contact avec un être humain. Tout se fera par voie électronique ou par la poste.
M. Perrault : Comme c’est le cas actuellement, mais — et vous l’avez souligné — les nouvelles mesures viseront possiblement un plus grand nombre de Canadiens à l’étranger.
La sénatrice Frum : Vous enverrez des bulletins de vote à renvoyer par la poste aux adresses fournies par ceux qui se sont inscrits.
M. Perrault : Exact. Les gens qui vivent à l’étranger indiqueront leur lieu de résidence à l’étranger et où nous devons leur envoyer la trousse de vote.
La sénatrice Frum : Il faut envoyer la trousse de vote aux adresses qui figurent au dossier.
M. Perrault : C’est exact.
La sénatrice Frum : Je remarque que, aux dernières élections, plus de 1,6 million de cartes d’information de l’électeur ont été envoyées à la mauvaise adresse.
M. Perrault : C’est un registre différent.
La sénatrice Frum : C’est un registre. Dans ce cas-ci, vous envoyez non pas des cartes d’information, mais des bulletins de vote pour les élections canadiennes.
M. Perrault : C’est exact. Durant les dernières élections, 14 000 Canadiens vivant à l’étranger se sont inscrits pour recevoir un bulletin de vote spécial, et ces bulletins de vote ont été envoyés aux adresses qu’ils ont fournies. Dans ces cas, il y a eu une interaction pour valider l’adresse.
Le problème que nous rencontrons, au Canada, c’est que le registre qui est utilisé pour produire les cartes d’information de l’électeur ne prévoit pas nécessairement d’interaction avec les Canadiens enregistrés dans les mois précédant les élections. La personne figurait peut-être dans le registre, mais elle a déménagé. Il y a 3 millions de Canadiens qui déménagent chaque année. Dans de nombreux cas, ils procèdent aux changements d’adresse appropriés, mais, dans certains cas, ils ne le font pas ou encore ils le font en retard. Il n’y a pas nécessairement d’interaction.
Dans le cas du vote par bulletin spécial, nous écrivons à ces gens, de sorte que la confiance et l’exactitude sont beaucoup plus grandes.
La sénatrice Frum : Si je vous comprends bien, vous dites que la seule différence, c’est la quantité. Actuellement, il y a un beaucoup plus petit nombre de Canadiens expatriés qui ont droit de voter, et c’est la raison pour laquelle le nombre d’erreurs est plus petit que dans le cas des erreurs faites au Canada. Cependant, d’après ce que vous avez dit, nous allons maintenant augmenter le nombre d’électeurs à près de 3 millions.
M. Perrault : Je n’ai peut-être pas été clair dans ma réponse. Les erreurs que vous mentionnez découlent de changements d’adresse qui ne sont pas consignés dans le registre national des électeurs qui vivent au Canada. Il est question ici de Canadiens qui déménagent.
La sénatrice Frum : J’ai compris.
M. Perrault : Dans le cas des Canadiens qui vivent à l’étranger, pour préciser ma réponse précédente, en vertu des règles actuelles et conformément à la règle des cinq ans, nous ne récrivons pas nécessairement à chaque électeur. Dans les mois précédant les élections, nous allons maintenant récrire à toutes les personnes figurant dans le registre pour nous assurer qu’elles demeurent encore à la même adresse, et c’est à cette adresse que les gens recevront leur trousse. Il y aura une interaction.
La sénatrice Frum : Mais une interaction non personnelle.
M. Perrault : C’est vrai, une interaction non personnelle.
La sénatrice Frum : Pouvez-vous décrire les règles concernant les tierces parties qui peuvent cibler ce groupe de Canadiens expatriés et leur capacité d’agir? On peut les trouver. Un tiers canadien enregistré peut être situé à l’extérieur du Canada.
M. Perrault : Oui, c’est bien ainsi que je comprends la loi.
La sénatrice Frum : Et les nouvelles limites de dépenses prévues dans le projet de loi C-76 s’appliqueraient à ces tiers enregistrés aussi?
M. Perrault : Oui, selon qu’ils ciblent des circonscriptions locales ou nationales. Dans de tels cas, les règles s’appliqueront.
La sénatrice Frum : Disons que c’est ni l’un ni l’autre, parce qu’ils ciblent des millions de personnes qui vivent à l’étranger.
M. Perrault : Oui, c’est une possibilité.
La sénatrice Frum : Donc, les limites de dépenses...
M. Perrault : Ce serait la limite nationale.
La sénatrice Frum : De quelle façon pouvez-vous assurer un contrôle?
M. Perrault : C’est un régime d’autodéclaration et de plaintes. Il faut bien comprendre que nous ne pouvons pas contrôler toutes les activités dans le monde entier. Ce n’est pas réaliste, et ce n’est même pas possible au Canada. Nous ne contrôlons pas en temps réel toutes les activités des tierces parties. Il pourrait s’agir de n’importe qui au Canada, n’importe quelle association, n’importe quel groupe... Si une entité organise une réunion, une manifestation ou une activité, nous ne pouvons pas le contrôler.
La sénatrice Frum : Alors, vous n’allez pas surveiller tout cela. Vous venez de dire que vous n’allez pas surveiller les dépenses.
M. Perrault : Nous prêterons attention à ce que nous voyons dans les médias. Nous resterons attentifs et nous recevrons des plaintes. Le système est ainsi fait.
La sénatrice Frum : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le projet de loi est vraiment rigoureux et qu’il constitue une telle amélioration comparativement au régime précédent visant les tiers, mais vous venez quand même tout juste de dire que vous n’allez pas surveiller les dépenses des tiers à l’étranger.
M. Perrault : Nous allons examiner les rapports et réagir aux plaintes. Le principal changement, c’est que le régime actuel réglemente seulement la publicité, tandis que le projet de loi propose de réglementer aussi toute une gamme d’activités en plus de la publicité.
La sénatrice Frum : À quoi bon si vous n’examinez pas ce qui se passe?
M. Perrault : Il peut y avoir des plaintes. Le projet de loi propose clairement un élargissement des règles. La capacité d’appliquer la loi à l’extérieur du Canada en ce qui concerne les groupes qui peuvent cibler des électeurs à l’extérieur du pays est, comme je crois avoir entendu le commissaire le dire...
La sénatrice Frum : Avez-vous recommandé à la ministre d’interdire aux tiers enregistrés de mener des activités à l’extérieur du Canada? Était-ce là votre recommandation?
M. Perrault : Non, ce n’était pas ce que je recommandais.
La sénatrice Frum : Pourquoi pas?
M. Perrault : Ce n’est pas une préoccupation qui a été portée à mon attention ni quelque chose dont j’avais eu vent avant que vous en parliez.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci et bienvenue à nos invités. Dans ce projet de loi, on constate que le mandat du directeur général des élections sera de plus en plus complexe et que les enquêtes nécessiteront également des expertises beaucoup plus grandes en raison des réseaux sociaux, de la mondialisation et de l’interférence qui provient de l’extérieur.
Y a-t-il eu une augmentation de vos ressources ou avez-vous travaillé avec le même niveau de ressources par rapport aux mandats qui semblent beaucoup plus complexes?
M. Perrault : Au niveau des enquêtes, c’est le bureau du commissaire qui s’en charge, et non Élections Canada. Il est certain qu’on devra ajuster nos ressources pour répondre aux nouveaux programmes qui découleront du projet de loi. On a l’intention de demander, en temps et lieu, de faire une soumission au Conseil du Trésor, si le projet de loi est adopté, et de faire une demande pour obtenir des ressources additionnelles.
Dans la loi, une autorité législative nous permet de dépenser sans avoir à obtenir une autorisation parlementaire spéciale, mais cela ne concerne que l’embauche de personnel temporaire. Dans un premier temps, pour l’élection, on utilisera ce mécanisme pour répondre aux besoins et on fera ensuite une demande de financement permanent.
Le sénateur Boisvenu : J’aimerais revenir sur le paragraphe 482(1), qui porte sur l’utilisation non autorisée d’un ordinateur. On peut y lire le passage suivant : « avec l’intention d’influencer les résultats d’une élection ». Suivant cet article, un pirate qui agirait pour miner la crédibilité du processus électoral sans avoir l’intention de modifier le résultat serait-il à l’abri de la loi?
M. Perrault : C’est ma préoccupation. En exigeant cet élément lié à l’intention spécifique d’influer sur le résultat de l’élection, le projet de loi restreint indûment la portée de l’infraction. C’est ce que j’ai mentionné lors de ma comparution devant le comité plénier du Sénat. Je crois qu’il faudrait que cette disposition soit élargie pour qu’elle couvre toutes les tentatives d’interférer avec un système qui est utilisé dans le cadre d’une élection.
Cela nuit aussi à la capacité d’enquête. Ce n’est pas évident pour moi. Je ne veux pas parler au nom du commissaire, mais lors d’une enquête, on ne connaît pas nécessairement dès le départ tous les éléments intentionnels qui ont motivé l’activité. On sait qu’il y a eu une activité, on sait qu’elle a nui, mais était-ce dans le but de modifier le résultat ou tout simplement pour nuire? Si on demande un mandat de perquisition, à titre d’exemple, on doit établir les éléments de l’infraction pour laquelle on a des raisons de croire qu’il y a eu violation. Alors, cela restreint non seulement l’infraction, mais la capacité d’enquête également. Encore là, je préfère laisser le commissaire répondre à ces questions.
Le sénateur Boisvenu : J’ai suivi la lecture de votre mémoire attentivement. Faites-vous une proposition d’amendements pour rectifier ce flou, si je peux m’exprimer ainsi?
M. Perrault : J’ai dit que s’il y avait un amendement qui éliminait les aspects de la disposition qui concernent l’intention, je crois que ce serait une bonne chose, que ce soit maintenant ou ultérieurement. Je crois que cela doit être revu.
Le sénateur Boisvenu : En ce qui a trait à l’interférence dans le processus électoral, en ce qui concerne la comparution sommaire, on parle d’une amende maximum de 20 000 $ ou d’un an de prison et, lorsque c’est par accusation, il s’agit de 50 000 $ ou cinq ans de prison. Lorsqu’on intervient dans le but de changer les résultats d’une élection, ne croyez-vous pas que la somme de 20 000 $ est relativement minime comparativement aux gains qu’on pourrait obtenir si on ne se fait pas prendre?
M. Perrault : C’est relativement peu élevé. Évidemment, il y a la possibilité de demander l’emprisonnement. Il faudrait voir, en fonction des circonstances.
Le sénateur Boisvenu : Un an, avec libération au sixième de la peine, ce n’est pas beaucoup.
M. Perrault : Le Parlement doit faire un choix, et je serais certainement ouvert à ce que cette amende soit plus sévère, mais je crois qu’il faut tenir compte du fait qu’il y a une infraction et que, à la suite de cette infraction, il y a des pouvoirs d’enquête, soit les pouvoirs additionnels que l’on retrouve dans la loi ou les pouvoirs existants, tel un mandat de perquisition. Si on parle d’interférence étrangère, pouvons-nous aller jusqu’au bout? Je crois que le commissaire a parlé des difficultés liées à la tenue d’enquêtes à l’étranger à l’occasion. Pourrions-nous demander des dépôts d’accusation? Pourrions-nous avoir une condamnation? Il faut voir, mais le fait que les infractions donnent des outils d’enquête, je crois que c’est très important.
Le sénateur Gold : Bienvenue au comité. Je constate que, pour vous, il s’agit d’un projet de loi très important. Vous avez souligné le fait que plus d’une centaine de recommandations de la part de votre prédécesseur se retrouvent dans le projet de loi. Dans votre mémoire — j’ai la version anglaise devant moi —, je traduis que le projet de loi C-76 est une réforme essentielle et que vous souhaitez que cette loi soit sanctionnée le plus rapidement possible. Si le Sénat ou le Parlement n’adopte pas le projet de loi bientôt, pour quelque raison que ce soit, pouvez-vous nous exprimer vos craintes en ce qui a trait aux prochaines élections?
[Traduction]
Quelle serait votre principale préoccupation pour les prochaines élections si le projet de loi n’était pas adopté?
[Français]
M. Perrault : Il y a deux aspects à votre question. Si le projet de loi n’est pas adopté, on se priverait de beaucoup de pouvoirs et de mesures utiles, et pour cette élection-ci et pour le plus long terme.
Il y a des aspects dans cette loi qui apportent beaucoup de flexibilité. En raison du moment où on est rendu, je ne pourrai pas utiliser cette flexibilité dans tous les cas. Cependant, il s’agit d’avantages à long terme. Il y aurait des pertes à court et à long terme.
Je ne suis pas certain d’avoir bien compris l’autre partie de votre question. Désiriez-vous que je vous parle des impacts si l’adoption était retardée?
Le sénateur Gold : En fait, vous avez répondu à ma question, dans le sens où si la loi n’est pas adoptée, nous subirons des pertes.
M. Perrault : Des pertes importantes.
Le sénateur Gold : Si vous désirez commenter le choix du moment et les besoins, nous allons vous entendre avec plaisir.
M. Perrault : Au niveau des pertes, il y a des choses assez importantes dans le projet de loi, comme la flexibilité de l’administration du processus de vote.
Je parle aussi du régime de pénalités administratives; je sais qu’on s’en inquiète parfois, et à juste titre.
La loi est-elle assez sévère pour traiter les cas les plus graves? Il ne faut pas oublier que la vaste majorité, la très très vaste majorité de cas de non-conformité ne méritent pas de sanctions criminelles et tombent un peu dans l’oubli pour l’instant. On ne peut rien faire pour ces infractions, tandis qu’un régime de sanctions pécuniaires administratives permet d’apporter un redressement, une sanction, et d’assurer une meilleure conformité à la loi.
Aussi, un ensemble de dispositions dans le projet de loi visent à accroître l’accessibilité du vote pour les personnes handicapées. Bref, il y a beaucoup de mesures dans ce projet de loi qui sont très bonnes.
En ce qui a trait à la mise en œuvre du projet de loi, il est déjà très tard dans le cycle électoral. On aurait aimé que le projet de loi soit adopté au printemps dernier. C’est ce que j’avais dit. Le fait qu’on en soit rendu à ce stade-ci nous amène à faire un certain nombre de compromis.
D’abord, il y a des flexibilités dont je ne pourrai pas tirer profit pour améliorer le processus pour cette élection-ci. Deuxièmement, il y a des aspects du projet de loi qu’on va mettre en œuvre, mais de façon intérimaire; peut-être pas de façon optimale. À titre d’exemple, en ce qui concerne les rapports des tiers, les rapports financiers, un formulaire PDF pourra être consulté en ligne, mais on ne pourra pas faire de recherches horizontales historiques sur les donateurs. L’établissement d’une telle base de données, qui me semble importante, va devoir être reporté après la prochaine élection, pour l’élection suivante.
Il y a déjà eu un certain nombre de compromis. Nous sommes maintenant rendus au noyau essentiel. Là où nous devons faire des modifications, j’ai parlé des systèmes de TI, mais il n’y a pas que cela, car nous devons revoir l’ensemble des manuels pour les fonctionnaires électoraux. Il s’agit de procédures complexes qui sont touchées par le projet de loi. Nous devons revoir la formation et tester cela. Nous devons aussi revoir toute l’information, les manuels pour les entités politiques, les partis, les candidats, les candidats à l’investiture et les tiers. Ces manuels doivent tous être revus à la lumière des nouvelles catégories de dépenses, et, pour la plupart, cela se fait dans le cadre d’un processus de consultation avec les partis politiques. Nous devons donc faire les nouveaux manuels dans les deux langues officielles, les rendre accessibles pour les personnes handicapées; il y a 45 jours de consultation. On reçoit les commentaires et on les étudie, on les traduit, on les publie et on répond à chacun des commentaires. Très souvent, nous amendons nos manuels en fonction des commentaires des partis et nous devons les afficher en ligne. Cela doit être fait à temps, afin que les entités politiques fassent leur propre formation avec leur personnel. On ne peut pas faire cela dans les semaines ou les mois qui précèdent une élection. Ça prend du temps. Il y a donc des impacts importants.
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les plateformes en ligne. Combien y a-t-il de plateformes en ligne qui respectent le critère établi à l’article 325.1 de la loi? Je comprends qu’il doit s’agir d’une plateforme qui existe depuis plus d’un an; 13 ou 14 mois à cause de la période électorale. C’est 12 mois avant le début de la période électorale et avec un niveau moyen de visites — en français, c’est un million par mois en moyenne. Connaissez-vous le nombre de plateformes qui respectent ce critère?
M. Perrault : Je ne l’ai pas. Je présume qu’une analyse a été faite par le gouvernement lors de la préparation du projet de loi, mais je n’ai pas cette information.
Le sénateur Carignan : Donc, on ne sait pas qui surveiller. On ne saura pas quelles sont les plateformes qui doivent tenir un registre et qu’on devra vérifier. On ne sait pas à quel endroit elles se trouvent. Elles peuvent être à l’extérieur du pays. J’ai lu quelque part qu’il y avait 7 600 plateformes numériques en Europe. Techniquement, en France, il y en a beaucoup. Il y a eu aussi des lectures qui touchent le Canada français, par exemple. On pourrait facilement atteindre le million, et ces gens-là seraient assujettis au registre, mais on ne pourra pas les contrôler.
M. Perrault : À ce stade-ci, je ne le sais pas. Cela fait partie du travail préparatoire qu’on doit faire, à savoir mieux comprendre l’environnement réglementaire auquel s’appliquent ces règles et donner des informations pour les aider à comprendre leurs obligations en vertu du projet de loi. C’est du travail qui doit se faire.
Le sénateur Carignan : Il y a celles qui sont connues, mais il y en a beaucoup de petites qui vont passer entre les mailles du filet, soit parce qu’on ne les connaît pas, soit parce qu’elles sont à l’extérieur du pays, soit parce qu’elles reçoivent moins d’un million de visites moyennes en français.
M. Perrault : Oui.
Le sénateur Carignan : Il y a comme une double application de la loi. Si, comme candidat, je fais paraître une publicité dans le feuillet paroissial, je vais le déclarer, je vais devoir le soumettre. C’est facilement accessible pour vous et contrôlable comme dépense électorale, car une valeur y est attribuée, tandis que sur le plan du numérique, c’est la jungle. Ce sera assez difficile à contrôler, non?
M. Perrault : Je vous dirais que ce n’est pas fondamentalement différent. Votre exemple du feuillet paroissial est bon. On ne suit pas tous les feuillets paroissiaux à l’échelle du Canada. C’est un système qui est basé sur les rapports. Les adversaires dans une campagne électorale se suivent et ont vent des activités pour lesquelles ils ont des interrogations et ils portent plainte. C’est fondamentalement comme ça que fonctionne le régime de la loi électorale, et le commissaire intervient sur la base de plaintes.
Le sénateur Carignan : Vous serez d’accord avec moi que, pour l’adversaire, il est plus facile de trouver le feuillet paroissial de la paroisse de Sainte-Marguerite que de savoir si la plateforme numérique X est inscrite et que cette dépense a été déclarée. C’est quasi impossible pour un candidat.
M. Perrault : Ça peut être difficile, effectivement. Il faudra voir quels sont les défis. C’est le commissaire qui a la responsabilité d’assurer l’exécution de la loi. Mon rôle, c’est d’abord et avant tout d’expliquer aux personnes qui sont susceptibles d’être touchées par la loi quelles sont leurs obligations et leurs responsabilités.
Le sénateur Carignan : À la Chambre des communes, vous avez fait quelques suggestions. Vous avez parlé d’une espèce de règle anti-évitement, si un tiers donne de l’argent et qu’il ne peut pas le dépenser ou obtient de l’argent de différentes façons et le donne à quelqu’un d’autre qui, lui, pourrait le faire, comme une sorte de prête-nom de tiers. Vous avez proposé des amendements. Je comprends que votre suggestion n’a pas été complètement retenue.
M. Perrault : Elle est incluse. Il y a une disposition anti-évitement qui a été ajoutée à la suite de ma recommandation.
Le sénateur Carignan : Est-ce qu’elle répond à votre préoccupation entièrement?
M. Perrault : Oui, elle répond à la préoccupation que j’avais soulevée.
Le sénateur Carignan : D’accord.
M. Perrault : Aucun régime n’est parfaitement étanche, l’argent est fongible et fuyant. L’idée d’une étanchéité absolue, évidemment, on n’y arrive pas. Est-ce qu’on pourrait avoir un régime plus ou moins sévère? Oui. Il y a des choix de politiques qui appartiennent au Parlement. Il faudra voir, avec l’expérience, s’il y a lieu d’être plus sévère à l’avenir que ce que propose le projet de loi.
Le projet de loi est un changement assez majeur. Il resserre considérablement les mailles du filet pour ce qui est du financement étranger et des activités des tiers.
Le sénateur Carignan : Dans votre témoignage, vous semblez souhaiter que des améliorations soient apportées au projet de loi, mais c’est comme si vous dites : « Je ne vous les révélerai pas, je n’irai pas plus loin, car je ne veux pas retarder l’adoption du projet de loi parce que ce sera trop serré. »
M. Perrault : Il y a un mélange d’hésitations. Effectivement, il faut se demander s’il vaut mieux avoir ou non un projet de loi. Je suis préoccupé par l’idée qu’il pourrait ne pas y avoir de projet de loi. C’est une chose qu’on ne l’ait pas en temps opportun.
L’autre chose, c’est qu’il y a aussi des choix de politique législative qui appartiennent au Parlement. Mon rôle, c’est de vous présenter le régime qui est proposé et de tracer une ligne. Elle est beaucoup plus haute que par le passé. Vous pourriez aller plus loin. Cela soulèverait des enjeux liés à la liberté d’association pour certains groupes, par exemple. Il appartient aux parlementaires de tenir ces discussions. Je ne pense pas qu’il y ait une ligne objective qui soit nécessairement la bonne ligne.
Le sénateur Carignan : Le Parlement, c’est nous. Quelles sont les suggestions d’amendements, en tant que directeur général des élections, qui faciliteraient votre travail et qui limiteraient l’intervention étrangère pour assurer une plus grande transparence?
M. Perrault : Si on veut un régime plus étanche pour ce qui est de l’argent qui provient de l’étranger, il faut adopter un régime plus complet des contributions qui vont au tiers. Cela n’est pas proposé dans ce projet de loi. Alors, si on permet à des groupes de contribuer eux-mêmes, l’argent étant fongible et amassé au fil des années, il est difficile de déterminer si c’est leur argent. Il s’agit de déterminer si une personne qui décide de participer aux élections a donné son argent à des fins partisanes ou si elle prend l’argent qu’elle a accumulé au fil des ans. Il est sûr qu’il peut y avoir de l’argent qui provient de l’étranger. Ce n’est pas fondamentalement différent des personnes qui ont des revenus, qu’il s’agisse d’un fonds de retraite ou de placements à l’étranger. C’est leur argent.
Le sénateur Carignan : Aux États-Unis, il y a, par exemple, les PAC dans lesquels un employeur peut contribuer à une campagne électorale. L’employé a une limite de contribution dans le PAC afin d’éviter qu’un groupe en particulier soit avantagé. Si un groupe participe comme tiers, la contribution du membre de ce groupe-là devrait être légiférée, réglementée et limitée de façon à éviter de dépasser indirectement les limites de contribution.
M. Perrault : C’est un volet qui tient compte du montant des contributions. L’autre volet, c’est la source, dans la mesure où on accepte que les entités qui ne sont pas des individus utilisent leurs revenus généraux. Il s’agit des revenus qu’ils ont accumulés au fil des ans. Il peut y avoir de l’argent étranger. Est-ce que c’est illégitime si ce sont des revenus qu’ils ont accumulés de différentes façons? Quelles sont les contraintes qu’on imposera à la liberté d’association des groupes pour faire valoir leur point de vue? Ce sont des choix qui appartiennent aux parlementaires. Le régime accroît considérablement les niveaux de contrôle et enlève un certain nombre de failles dans la loi actuelle, mais ne va pas au maximum des contrôles. Alors, je le porte à votre attention à titre de parlementaires. Il y a un équilibre à faire avec une certaine étanchéité, qui n’est jamais absolue, et la liberté des individus et des groupes de participer à un débat électoral.
Le sénateur Dalphond : J’ai deux questions qui sont différentes. La première porte sur la date limite en ce qui concerne la mise en vigueur de cette loi.
Nous savons tous que l’élection sera en octobre 2019. C’est le point de chute terminal. Vous dites que vous devez faire des tests à compter de janvier, mars et avril. Vous devez même faire des simulations de résultats de vote, et cetera. Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit. Vous pourriez peut-être nous donner des explications à ce sujet.
M. Perrault : Oui.
Le sénateur Dalphond : Par exemple, si le Sénat devait recommander un ou deux amendements à la loi, est-ce que cela aurait un impact sur votre préparation? Devez-vous attendre la sanction royale pour commencer la préparation? Si le débat se poursuit en janvier, allez-vous faire la simulation comme si vous teniez pour acquis que la loi entrerait en vigueur? Certains amendements pourraient être liés aux systèmes que vous devez tester, mais si on fait l’amendement et qu’on enlève l’intention d’influencer le vote dans l’infraction criminelle — comme vous le suggérez —, cela n’aura aucun impact sur vos systèmes.
M. Perrault : C’est exact. Cela dit, on a toujours une préférence. Je vais parler de la simulation pour ensuite revenir aux échéanciers. La simulation est importante. Outre les amendements dans le cadre du projet de loi C-76, on a apporté une quantité bien plus importante de modifications aux systèmes pour les moderniser et les sécuriser, et pour mieux servir les fonctionnaires électoraux. Donc, il y a une quantité assez impressionnante de changements qui ont été apportés. On teste ces systèmes dans des environnements artificiels à Ottawa.
Ce qu’on fait avant l’élection, ce sont des tests intégrés en simulant une élection de 36 jours en 30 jours. On va former des fonctionnaires électoraux, on va faire des scénarios, on va tester tous les systèmes, on va faire de la simulation de crise sur tous les modules sur une période de 30 jours, pour tester, de façon intégrée, tous ces systèmes.
Je pense qu’avec la complexité des systèmes de TI, il est de plus en plus important de le faire à l’avance, sans présumer qu’il n’y aura aucune amélioration à apporter, que tout va fonctionner parfaitement. On termine donc ces tests à la mi-avril, mais il se peut que l’on doive apporter des ajustements.
Comme je l’ai dit au printemps dernier, quand le projet de loi a été déposé, l’avoir déposé à ce stade a exigé, pour nous, en contrepartie, que l’on commence à faire des changements. En ce moment, on en est à finaliser les changements au système de TI en prévision du projet de loi.
On est prêt à livrer une élection avec la loi actuelle; il y a d’ailleurs une élection partielle en ce moment, et si le projet de loi n’est pas adopté, l’élection partielle sera faite selon la loi actuelle. On prépare des systèmes, on prépare des manuels pour un autre modèle électoral. On a donc commencé les travaux.
Je précise que c’est un petit changement à une disposition qui ne touche ni nos systèmes, ni nos manuels, ni la formation. Cela a moins d’impact. Ce qui est difficile pour moi, c’est que, là où je suis, je ne connais pas l’étendue des changements que vous pourriez vouloir apporter et je ne sais pas s’ils auraient un impact sur la formation du personnel ou sur les systèmes.
Vous dites que l’élection aura lieu en octobre — je ne veux pas lancer de rumeur, mais je crois que c’est probable —, mais la loi n’est pas constitutionnellement contraignante; l’élection pourrait avoir lieu à un autre moment. On a donc une date de préparatifs qui est prévue pour le printemps, pas parce qu’on spécule qu’il y aura une élection au printemps, mais plutôt parce qu’on pense que, pour différentes raisons, c’est la chose prudente à faire. Il est donc difficile de donner une date plus précise que cela.
Le sénateur Dalphond : Je reviendrai peut-être avec un autre sujet plus tard, vu sous un autre angle.
M. Perrault : Avec plaisir.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Dans votre réponse au sénateur Carignan, vous avez dit qu’aucun système ne peut être parfaitement protégé. À mon avis, le projet de loi C-76 est très loin de nous protéger parfaitement et il comporte de très grandes lacunes. Vous lui avez aussi dit qu’il était préférable d’avoir un projet de loi qui n’est pas parfait ou qui constitue une amélioration que de ne pas avoir de projet de loi du tout. Eh bien, nous sommes le Sénat, et notre travail consiste à perfectionner les projets de loi. C’est un peu notre rôle.
Permettez-moi de vous parler de deux ou trois lacunes que j’ai constatées dans le projet de loi. L’alinéa 282.4(3)c) du projet de loi C-76 permettrait à un gouvernement étranger ou à une entité étrangère d’encourager des électeurs à voter pour ou contre un parti canadien ou un candidat donné au moyen de la transmission d’une déclaration officielle. Un tel message pourrait être imprimé dans son intégralité dans un journal distribué au Canada et pourrait même être diffusé en sol canadien. Dans quelle mesure le fait d’ouvrir grand la porte à ce genre d’influence étrangère vous préoccupe-t-il?
M. Perrault : Je ne suis pas en position de répondre à ce scénario précis. Je serai heureux d’y réfléchir et de vous fournir une réponse plus tard.
La sénatrice Batters : Êtes-vous préoccupé par le fait qu’un gouvernement étranger ou une autre entité puissent influer sur les élections canadiennes?
M. Perrault : Je crois, bien sûr, qu’il est important que les élections canadiennes soient menées au Canada et que seuls les Canadiens y participent. Je crois aussi que les gouvernements étrangers ne devraient pas se mêler de nos élections. Évidemment, c’est quelque chose que je crois fermement.
La sénatrice Batters : Recommanderiez-vous qu’on élimine cette exemption précise du projet de loi?
M. Perrault : Il faudrait que j’examine attentivement la disposition.
La sénatrice Batters : Pouvez-vous le faire, s’il vous plaît, et nous revenir là-dessus?
M. Perrault : Certainement.
Le président : Je vois que Mme Lawson a l’air préoccupée.
Anne Lawson, sous-directrice générale des élections, Affaires régulatoires, Bureau du directeur général des élections : Pouvez-vous répéter la disposition, s’il vous plaît?
La sénatrice Batters : L’alinéa 282.4(3)c).
Permettez-moi de parler d’une autre importante lacune que j’ai constatée. Lorsque vous avez témoigné devant le comité plénier du Sénat, la sénatrice Frum vous a posé une question sur l’enjeu de l’influence étrangère, plus précisément sur le parrainage canadien d’un événement pour des Canadiens dans un pays étranger à l’aide de fonds étrangers gagnés en leur nom. Elle vous a demandé s’il y avait là, selon vous, quelque chose d’illégal.
Voici votre réponse :
Beaucoup de Canadiens gagnent de l’argent en faisant des investissements, notamment dans des fonds de retraite. Il peut être question de fonds étrangers dans ce cas-là, car l’actif des fonds de retraite était investi dans des actions cotées sur les marchés boursiers américains. Un Canadien qui vit au Canada qui se sert de ses revenus de retraite provenant d’actions cotées sur les marchés boursiers américains au Canada aurait le droit de se servir de son argent pour faire la promotion...
Cependant, monsieur Perrault, lorsque nous parlons de ce type d’influence étrangère, nous ne parlons pas de tante Martha, qui passe maintenant l’hiver en Floride, et de son REER de 50 000 $. Il pourrait s’agir d’une vedette de rock multimillionnaire qui est née au Canada, mais qui vit aux États-Unis depuis une décennie, qui hait les pipelines et qui décide de financer un concert gratuit, une manifestation antipipeline, au Madison Square Garden, afin, possiblement, de pousser des milliers de Canadiens non résidents à voter d’une certaine façon durant les élections. Au titre du projet de loi C-76, le fait que tante Martha décide de piger dans ses revenus de retraite pour faire un don de nature politique de 100 $ équivaut, essentiellement, à la situation de la vedette de rock multimillionnaire qui organise une importante manifestation et un concert. Dans les deux cas, on ne considérerait pas qu’il s’agit là d’influence étrangère en vertu du projet de loi C-76. Comme l’a souligné le directeur général des élections, pourquoi n’êtes-vous pas préoccupés par cette énorme échappatoire dans ce projet de loi?
M. Perrault : Je ne suis pas sûr si ce qui vous préoccupe dans l’exemple que vous soulevez, ce sont les montants ou le fait que les deux personnes vivent aux États-Unis.
La loi permet aux citoyens canadiens — dans votre exemple, on parle bien de deux citoyens canadiens —, de faire des contributions à des partis politiques ou de participer en tant que tiers. S’ils choisissent de participer en tant que tiers, ils sont assujettis aux mêmes règles que tous les autres Canadiens — même s’ils vivent à l’étranger — et ils doivent respecter les limites et les obligations redditionnelles.
La sénatrice Batters : Mais ce serait permis; on pourrait organiser ce genre de manifestation et de concert rock de grande envergure, une manifestation antipipeline, qui serait financé par un citoyen canadien n’ayant plus aucun lien avec le pays depuis peut-être 25 ans?
M. Perrault : C’est exact. C’est ce que la loi prévoit actuellement, et les règles ne changeront pas en vertu du projet de loi C-76. Cependant...
La sénatrice Batters : Même si le projet de loi C-76 propose de s’attaquer à l’influence étrangère, cela ne changerait pas en vertu du projet de loi. Est-ce exact?
M. Perrault : En vertu du projet de loi C-76, ce qui changerait, c’est que cette activité — dans votre exemple, un concert rock à des fins partisanes — serait considérée comme une activité partisane réglementée tandis que, en vertu de la loi actuelle, s’il ne s’agit pas de publicité — et un concert rock n’est pas de la publicité — ce n’est pas réglementé du tout, ce qui signifie que non seulement le Canadien en question pourrait utiliser son argent, mais les étrangers pourraient même financer le concert rock.
La sénatrice Batters : La différence étant que la vedette de rock pourrait potentiellement s’adresser à deux millions de personnes, tandis que, actuellement, on parle de beaucoup moins de personnes.
La dernière question que je veux vous poser, monsieur Perrault, concerne la déclaration dont vous avez parlé sur le vote des Canadiens non résidents. S’agit-il d’une déclaration sous serment devant un commissaire à l’assermentation, d’un notaire public ou quelque chose du genre, ou est-ce simplement un bout de papier signé par le demandeur?
M. Perrault : C’est une déclaration écrite qui est associée à des infractions, et nous veillons bien à ce que les gens comprennent que demander un bulletin de vote lorsqu’on n’a pas le droit de voter constitue une infraction. Il y a des infractions dans la loi...
La sénatrice Batters : Lorsque vous parlez d’une « déclaration écrite », cependant, c’est seulement un bout de papier sur lequel il y a un nom, une adresse et une signature. La déclaration n’est pas assermentée devant quiconque? Ce n’est rien de plus qu’un bout de papier avec une signature?
M. Perrault : Comme la déclaration de l’ARC, lorsque vous produisez votre déclaration de revenus, vous jurez que les renseignements sont complets et exacts autant que vous le sachiez. Dans le même ordre d’idées, ce serait un formulaire dans lequel la personne affirme que, effectivement, tous les renseignements fournis sont exacts. Le document préciserait les infractions si la personne...
La sénatrice Batters : Bien sûr, oui. Sur le formulaire en tant que tel, tout juste au-dessus de la signature. On y préciserait les infractions?
M. Perrault : Nous allons nous pencher là-dessus. Le document n’est pas encore rédigé en ce moment.
La sénatrice Batters : La déclaration n’est pas rédigée, mais vous êtes en train de préparer tout le reste pour les élections qui arrivent à grands pas?
M. Perrault : Il y a beaucoup de choses que nous préparons pour le projet de loi. Nous examinons tous les formulaires. Cela fait partie du processus.
La sénatrice Batters : À mon avis, c’est quelque chose qu’il faudrait faire.
La sénatrice Frum : Dans l’exemple de la sénatrice Batters concernant l’événement au Madison Square Garden contre les pipelines, vous avez dit que tout ça faisait partie d’une activité. Cependant, l’article 349 exclut de la définition d’activité partisane le fait de prendre une position sur une question à laquelle un tel parti ou une telle personne sont associés. Je ne suis pas sûre que vous considéreriez ce qu’elle a décrit comme une activité partisane. Selon moi, c’en est une, mais je ne pense pas que vous abonderiez dans le même sens.
M. Perrault : Je n’ai peut-être pas compris que le scénario faisait intervenir la question des pipelines. Je pensais à une manifestation pour un parti précis. Si c’est simplement pour promouvoir un dossier auquel un parti précis est associé, c’est exclu. Je crois que vous avez raison.
La sénatrice Frum : Alors, il n’y a pas de restrictions. Vous avez dit que la restriction, c’était lorsqu’il s’agissait d’une activité partisane, mais, en fait, tout ça ne serait pas considéré comme une activité étrangère, et ce ne serait pas une activité assortie de limites de dépenses.
M. Perrault : Eh bien, la liste des activités qui sont actuellement réglementées est très limitée. Toutes les activités dont on propose la réglementation dans le projet de loi... Je ne dis pas que le projet de loi est parfait, mais je souligne qu’il y a beaucoup plus d’activités visées.
La sénatrice Frum : Je pensais vous avoir entendu dire que c’est un projet de loi parfait.
M. Perrault : Et le fait que ce sont des activités réglementées déclencherait l’application d’une série de règles concernant le financement, y compris le financement étranger, ce qui n’est pas le cas actuellement. À l’heure actuelle, si une entité s’adonne à une quelconque activité qui n’est pas de la publicité électorale, ce n’est pas réglementé...
La sénatrice Frum : Ce n’est pas différent en vertu du projet de loi C-76. Vous venez de le dire. C’est la même chose. Les choses qui n’étaient pas visées avant ne le sont toujours pas.
[Français]
Le sénateur Pratte : Au sujet de l’article 91 sur les fausses déclarations concernant le candidat, vous avez dit à plusieurs reprises que l’article actuel était difficile à appliquer, sinon inapplicable, et que c’était pour cela qu’on avait choisi de le remplacer par un article qui est beaucoup plus précis, mais qui est aussi beaucoup plus restreint quant aux types de fausses déclarations. Or, les gens ne manquent pas d’imagination, donc de fausses déclarations, on peut en faire sur toutes sortes de sujets.
Quand vous dites que l’article 91 actuel est très difficile à appliquer, basez-vous cette affirmation sur des expériences réelles? Est-ce que ça a déjà été testé devant les tribunaux?
M. Perrault : Il y a eu quelques cas devant les tribunaux, effectivement, où on a donné une interprétation très restrictive de cela, au nom d’une liberté d’expression, au nom d’une conception de la joute électorale, peut-être. On n’en a pas donné une interprétation très large. Ça devient très difficile d’application. Alors, je pense que c’est très bien de le clarifier. Est-ce que c’est trop étroit? Je sais que le commissaire a, de son côté, proposé des amendements qui, possiblement, présenteraient un compromis; ils augmenteraient la clarté tout en assurant une couverture un peu plus large, et, si c’est possible, je l’appuierai.
Je préfère quelque chose de clair, et que l’on peut faire appliquer, à quelque chose qui fait peur à tout le monde, peut-être pour de mauvaises raisons, qui n’est pas applicable et qui crée des attentes qui sont déçues en fin de compte.
Le sénateur Pratte : Est-ce que le critère de l’intention, dans le cas de cet article, pose problème, quand vous parlez de cause devant les tribunaux?
M. Perrault : Je pense à un cas en particulier, où on alléguait qu’un candidat avait des liens avec l’IRA.
Le sénateur Pratte : En Irlande?
M. Perrault : Effectivement. Le juge n’était pas satisfait de la preuve. Il convenait qu’on voulait nuire à la réputation de l’individu, mais pas nécessairement nuire à sa réputation aux fins d’influencer l’élection.
Le sénateur Pratte : D’accord, merci.
[Traduction]
La sénatrice Pate : La semaine dernière, nous avons accueilli Jean-François Morin, conseiller principal en politique au Secrétariat des institutions démocratiques. Il était question de la prise de certaines des mesures, particulièrement pour aider les Autochtones et s’assurer qu’ils peuvent voter. Il a parlé d’un certain nombre de langues, des documents produits afin d’expliquer aux gens de quelle façon ils peuvent être mieux soutenus dans le cadre du processus électoral. J’aimerais savoir si, de votre point de vue, vous avez en fait modifié votre stratégie? Quelle est la stratégie actuelle, et que prévoyez-vous modifier, le cas échéant, si le projet de loi est adopté et qu’il a une incidence sur les prochaines élections?
M. Perrault : Nous apportons certains changements indépendamment du projet de loi. Ce que nous ne changeons pas, c’est le nombre de langues. Actuellement, notre matériel est accessible dans 42 langues, y compris 11 langues autochtones. Notre matériel publicitaire est produit et publié. La publicité se fait en français, en anglais et en inuktitut, mais nous avons d’autres documents que nous pouvons fournir à des collectivités locales, et nous l’avons fait, en langues autochtones, pour 11 d’entre elles.
Nous avons aussi eu et continuerons d’avoir ce que nous appelons un programme visant les aînés. Dans les collectivités autochtones et dans les réserves, en particulier, nous essayons d’embaucher un aîné et un jeune, et ils sont là pour aider les électeurs, y compris une aide linguistique ou un soutien pour comprendre le processus. C’est quelque chose que nous avons fait par le passé.
Ce que nous faisons maintenant, c’est que nous augmentons les budgets et les mesures incitatives pour les directeurs de scrutin. Nous les encourageons à embaucher plus de ce que nous appelons des agents de relations communautaires, pour créer des liens avec des collectivités autochtones et, plus particulièrement, recruter des gens dans ces collectivités. Bien sûr, tout cela aidera aussi du point de vue linguistique.
Si je ne me trompe pas, dans 92 collectivités réparties dans, si je ne m’abuse, 26 circonscriptions électorales, nous réalisons un projet pilote où nous embauchons des agents des relations communautaires avant les élections. Nous avons demandé aux directeurs de scrutin dans ces circonscriptions de nous présenter un plan pour mobiliser les collectivités. Ils commencent à mettre en œuvre ces plans et ils ont commencé, dans certains cas, à embaucher des gens à l’échelle locale bien avant les élections, parce que si on se présente tout simplement au moment des élections, souvent, il est très tard. Il s’agit d’un projet pilote qui visera 92 collectivités, et le travail commence avant les élections. Encore une fois, l’un des objectifs, c’est, dans un premier temps, de concevoir le service de façon à refléter les attentes, mais aussi à embaucher plus de personnes dans ces collectivités. À la lumière de la réussite du projet pilote, nous déterminerons après les élections s’il faut le faire davantage à l’échelle nationale, au-delà de ces 92 collectivités.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup.
La sénatrice Boniface : Bienvenue au comité.
Nous avons reçu un mémoire de l’Association du Barreau canadien. L’une des recommandations consistait à accorder au Commissariat à la protection de la vie privée le pouvoir d’enquêter dans le cadre de plaintes liées à la collecte, à l’utilisation et à la communication de renseignements personnels par des partis politiques. Plutôt que de confier cette fonction de surveillance à votre bureau, la recommandation prévoyait que vous travailliez en tandem avec le Commissariat à la protection de la vie privée. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cette recommandation?
M. Perrault : Absolument. C’est une proposition que je soutiens et que j’ai moi-même formulée.
Je tiens à préciser que le projet de loi ne prévoit pas vraiment de surveillance de l’application des politiques des partis. Il faut plutôt vérifier qu’ils ont une politique et qu’elle est publiée. Cependant, il est difficile de voir de quelle façon, au-delà de tout cela, on pourrait assurer une surveillance de l’application de la politique en question, sauf s’il s’agit d’une politique complètement fausse qui n’est jamais appliquée. Le fait qu’un parti ne respecte pas toujours la politique ne signifie pas qu’il n’en a pas ou que ce n’est pas vraiment la sienne. Par conséquent, je crois que le niveau de surveillance qu’on envisage dans le projet de loi est quasiment nul. Je crois qu’il devrait y avoir une surveillance, et je crois que le commissaire à la protection de la vie privée — avec son expertise en ce qui concerne la protection de renseignements personnels — serait mieux placé et je crois que c’est ce qu’il estime aussi. Il l’a dit publiquement. Nous sommes tous les deux d’accord pour dire que ce serait un arrangement préférable, c’est évident, à ce qui est proposé.
La sénatrice Boniface : Merci.
Le président : Merci de votre réponse franche à cette question.
La sénatrice Dasko : Merci d’être là de nouveau pour nous parler du projet de loi.
Je déteste m’attarder sur ce point, mais j’aimerais revenir sur la question des sénateurs Gold et Dalphond au sujet de l’échéancier. Disons — c’est une hypothèse — que la sanction royale est retardée d’un mois ou deux, puis-je conclure, à la lumière de ce que vous avez dit, que vous pourriez mettre en place certains aspects du projet de loi, mais pas d’autres? Laisser tomber les amendements à venir, laisser tout cela de côté pour l’instant? « Si le retard est causé par des amendements, laissons-les de côté. » Est-ce bien ce que vous avez dit pour ce qui est de l’échéancier?
M. Perrault : Je serais très préoccupé par ce genre de retard. Ce qui est essentiel pour moi, ce n’est pas tant la sanction royale que la certitude quant au contenu de la législation, parce que nous avons besoin de cette certitude pour terminer non seulement les systèmes de TI, mais aussi la formation des préposés au scrutin et des manuels. Tout doit être préparé et mis à l’essai avant les élections, donc tout changement tardif qui influence notre préparation en vue des élections est quelque chose qui me préoccuperait beaucoup.
La sénatrice Dasko : Donc, le retard influerait sur certains processus, mais pas sur d’autres? Par exemple, si le retard que je viens de décrire survenait, seriez-vous tout de même en mesure de procéder à la mise en œuvre de l’utilisation des cartes d’identité, des dispositions pour aider les Canadiens handicapés, des aspects liés aux répondants qui figurent dans le projet de loi et du registre des jeunes, par exemple? Les aspects du projet de loi portant sur l’accessibilité pourraient-ils aller de l’avant si vous accusiez un tel retard, de façon hypothétique?
M. Perrault : Il est difficile de répondre à la question sans savoir quels changements le retard entraînerait dans le projet de loi. Il vient aussi un certain moment où nous devons mettre ces systèmes en production, et ça veut dire qu’ils sont là et prêts à être déployés et mis à l’essai. À un certain moment, nous créons plus de risques si nous utilisons ces systèmes durant une élection. Notre but était d’avoir une législation en avril. Nous avons dit que nous ne pouvions pas faire moins et tout de même procéder à la mise en œuvre. Nous voilà maintenant rendus à un moment où, je crois, il devient plus risqué de retarder les choses davantage.
Je ne dis pas que n’importe quel changement aurait des répercussions, mais il nous faut un moment où nous aurons assez de certitude pour terminer le travail sur les manuels. Par exemple, en ce qui concerne les manuels pour les directeurs du scrutin et les préposés au scrutin, nous embaucherons des gens dans le cadre de la simulation, nous les formerons, puis nous les renverrons chez eux pendant une semaine, comme cela se produit en temps réel durant une élection, et les ramènerons une semaine plus tard et passerons en revue les scénarios avec eux. Puis, nous saurons ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans notre matériel de formation.
Plus nous retardons ces choses, plus nous prenons des risques avec l’élection.
La sénatrice Dasko : C’est surtout un processus qui comporte des risques, plutôt que de mettre en œuvre certaines choses et de ne pas mettre en œuvre d’autres choses dans le projet de loi. Merci.
J’ai une question de plus. Il y a environ deux ou trois semaines, j’ai lu un reportage par rapport à un homme d’affaires à Toronto. Je ne vais pas nommer de noms, mais j’essaierai de décrire la situation sans...
Le président : Vous êtes protégée par le privilège.
La sénatrice Dasko : En fait, il s’avère que j’ai oublié le nom du monsieur, ce qui est probablement une bonne chose. Quoi qu’il en soit, cet homme d’affaires de Toronto aurait mis sur pied plusieurs organisations à but non lucratif pour soutenir un candidat et un député pour un parti politique. Il n’est pas clair si cette personne était ou non un citoyen. C’était peut-être un résident du Canada, mais pas un citoyen; ce n’était pas clair. Apparemment, une organisation ou plusieurs auraient fait une réelle campagne de financement pour ce parti politique particulier. Combien de ces choses sont légales en ce moment? L’une de ces situations entraînerait-elle un résultat différent en vertu du projet de loi? J’ai essayé de le décrire comme vous l’avez fait, sénateur Gold. Merci.
M. Perrault : C’est difficile de se prononcer sur des scénarios, mais je dirais que, en ce moment, la loi comporte des règles qui empêchent tout groupe de se diviser pour créer d’autres entités afin de contourner les limites de dépenses pour un tiers.
En ce qui concerne l’organisation de campagnes de collecte de fonds, c’est peut-être une contribution à un parti ou à une entité si vous participez à une activité, dont les coûts seraient normalement une dépense de cette entité, et vous reportez ces frais et faites ce qu’on appelle une contribution monétaire. Nous devons voir ce qui se passe exactement là. La façon dont vous décrivez les choses ne semble pas bien en vertu de tout...
La sénatrice Dasko : Aucune de ces circonstances ne semble possible.
M. Perrault : Non, mais je ne veux pas me prononcer sur quelque chose que je ne connais pas.
La sénatrice Dasko : En fait, je connais une organisation à but non lucratif à Toronto qui appuie déjà un parti politique différent juste dans la façon dont elle exerce ses activités, sans le financer. Vous dites qu’il n’est peut-être pas légal de mettre sur pied des organisations à but non lucratif aux fins de soutenir le...
M. Perrault : Non, désolé. Je veux être clair. Une organisation à but non lucratif pourrait être mise sur pied. Je ne vais pas parler des règles fiscales et de ces aspects qui sont à l’extérieur de mon mandat.
La sénatrice Dasko : Pas un organisme de bienfaisance, bien sûr.
M. Perrault : Pas un organisme de bienfaisance, mais si un groupe peut être mis sur pied et peut mener des activités favorables à un parti ou à un candidat ou en opposition à un parti ou à un candidat, c’est la définition d’un tiers. En vertu des règles actuelles, ce qu’il ne peut pas faire, c’est se diviser en plusieurs groupes pour multiplier les limites de dépenses. Il ne peut pas se diviser en un plus grand nombre d’entités. C’est déjà vrai en vertu des règles actuelles, mais ils peuvent le faire en ce moment.
Or, ils seraient réglementés pour ce qui est de leurs activités publicitaires. Je ne vais pas parler de collecte de fonds pour cette entité, mais la publicité électorale durant la période électorale est réglementée. Cela veut dire que le financement connexe est réglementé. À l’extérieur de la période électorale, ce n’est pas le cas.
Le projet de loi augmenterait la portée de ces activités réglementées d’un certain nombre de façons. Il engloberait la publicité préélectorale à compter de la fin juin. Il engloberait non seulement la publicité électorale, mais aussi les activités partisanes, qui comprennent la publicité préélectorale, mais aussi d’autres activités qui soutiennent le candidat ou le parti. La sénatrice Frum a toutefois mentionné la publicité qui ne porte pas sur des enjeux, qui est exclue. Il y a donc un éventail de nouvelles règles s’appliquant à ces activités qui limitent le montant qui peut être dépensé, mais ont aussi un effet sur la façon dont c’est financé.
La sénatrice Dasko : Durant la période préélectorale?
M. Perrault : Et la période électorale.
La sénatrice Dasko : Pas durant la période qui précède?
M. Perrault : Exact.
La sénatrice Dasko : C’est donc juste la vie normale.
M. Perrault : Exact.
Le président : Avant de passer au deuxième tour, j’aimerais poser une question rapide à M. Perrault. Cela concerne la mention que vous avez faite à la page 3 de votre exposé, où vous soulevez la possibilité d’ingérence étrangère et mentionnez que ce que le projet de loi contient est, en français, appréciable. Selon mon propre vocabulaire, cela veut dire que c’est bon, mais ce n’est pas la fin du monde. Ce qui me préoccupe, c’est que, quand j’examine ce qui s’est produit aux États-Unis et à quel point a retenu l’attention du Congrès et du Sénat, je m’interroge sur la façon dont nous, collectivement, en tant que pays et système avec vous, en tant que directeur général des élections, considérons l’ingérence étrangère.
Permettez-moi seulement de vous dire à quel point les États-Unis ont pris cela au sérieux. Il y a au Sénat et au Congrès six comités qui ont essayé de comprendre les répercussions de l’ingérence étrangère. Le comité sénatorial des forces armées a tenu des audiences sur les cybermenaces étrangères qui pèsent sur les États-Unis. Le comité sénatorial des affaires étrangères a étudié les répercussions de l’ingérence étrangère pour la sécurité nationale américaine. En troisième lieu, le comité sénatorial du renseignement a enquêté sur l’évaluation de la communauté du renseignement des activités et des intentions russes lors des récentes élections américaines. Le comité judiciaire du Sénat a examiné l’enquête sur les circonstances entourant l’ingérence au cours des dernières élections. Le comité permanent restreint du renseignement de la Chambre a étudié les recommandations visant à resserrer le système électoral aux États-Unis. Enfin, le comité sur la sécurité intérieure de la Chambre s’est penché sur le progrès du département de la Sécurité intérieure pour ce qui est de sécuriser le système électoral et d’autres infrastructures essentielles. Cela s’est produit au cours de la dernière année environ.
Quand j’ai lu tout cela, je me suis dit qu’ils étaient vraiment très préoccupés par rapport à ce qui se passait. Quand je vous écoute et que je lis votre exposé, et après avoir entendu la ministre et le commissaire, nous avons l’impression d’être des petits scouts au Canada. Nous faisons ce qui nous semble bon et croyons que, par un acte de Dieu, les choses continueront d’évoluer à notre avantage, de façon générale.
Faites-vous partie d’un comité interorganisme qui regrouperait les Affaires étrangères, le MDN, le SCRS, la GRC, vous et tous les acteurs concernés par l’intervention étrangère de sorte que vous surveillez la situation? Personne ne nous a parlé de cela. Vous nous avez dit que le projet de loi est une disposition importante ou, comme je l’ai dit en français, qu’il est appréciable, mais cela ne nous rassure pas vraiment par rapport au fait que nous, en tant que pays, faisons ce que nous devrions faire pour protéger l’intégrité du système électoral canadien. Pourriez-vous nous en dire plus que ce que vous avez dit dans votre exposé?
M. Perrault : Certainement. Il est juste de dire qu’il y a encore beaucoup plus de choses en cause que ce projet de loi. Je ne suis pas sûr que c’est quelque chose dont nous devrions nous réjouir, mais nous avons l’avantage d’avoir vu ce qui s’est passé dans d’autres administrations, et il y a au Canada un niveau de conscientisation qu’on n’avait pas en 2016, j’en suis sûr, durant l’élection présidentielle ou même durant le Brexit. Nous en tirons des avantages.
J’aimerais mentionner le travail du Comité de l’éthique à l’autre endroit, comme vous le dites, qui s’est penché sur ces questions, et ce n’est donc pas seulement le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Pour ce qui est de la surveillance de l’environnement au Canada, il y a un groupe de travail à l’échelon des sous-ministres, un groupe de travail des SMA et un groupe de travail des DG qui comprend les partenaires de sécurité canadiens. J’en fais partie, tout comme le commissaire aux élections fédérales. Il comprend le SCRS, le Bureau du Conseil privé, la Sécurité publique et la GRC. Nous avons établi un réseau de collaboration et, comme je l’ai dit plus tôt, nous sommes en train d’examiner des scénarios. Nous procédons à l’établissement de processus d’échange de renseignements pour nous faire une bonne idée de ce qui se passe.
Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec le Centre de la sécurité des télécommunications Canada. Au cours des deux dernières années, une des choses que nous avons faites, c’est investir de l’argent et des efforts importants pour moderniser nos positions de cybersécurité à Élections Canada. Beaucoup des systèmes que nous utiliserons sont de nouveaux systèmes ou des systèmes mis à niveau. Nous avons refait l’architecture de nos systèmes de TI, nous avons récemment migré vers une plateforme nuagique qui est beaucoup plus sécurisée que les centres de données que nous avons utilisés par le passé. Nous avons fait ce travail grâce aux conseils et au soutien du Centre de la sécurité des télécommunications. Les gens là-bas sont les experts et nous fournissent les services. C’est ma responsabilité de m’assurer de prendre les mesures nécessaires, à la lumière de ces conseils, pour améliorer nos systèmes.
Je ne vais pas affirmer, sous quelque forme que ce soit, qu’un système est inviolable. Ce ne serait pas responsable. Toutefois, en fonction du travail des communautés de renseignement et de sécurité, nous avons apporté des améliorations importantes. La législation est un aspect des efforts, mais vous avez raison de dire que beaucoup d’autres choses doivent être faites, et je peux dire qu’on en fait davantage.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question accessoire à celle que le président de notre comité, le sénateur Joyal, vous a posée. Vous avez fait référence à ce qui relève des parlementaires que je distinguerais de ce qui relève du gouvernement, car le gouvernement peut faire ses propres choix.
Lorsque vous disiez qu’il y a des choses qui relèvent des parlementaires, est-ce que vous nous dites que les parlementaires devraient s’intéresser davantage, dans le contexte électoral, aux questions de cybermenaces et d’informations fausses? On parle de plus en plus d’un gouvernement transparent. De manière générale et dans la volonté d’être plus transparent pour un gouvernement, est-ce que les sénateurs ont une responsabilité particulière?
Je veux faire le lien avec le fait que la Chambre des communes fournit de la formation aux députés sur les cybermenaces et que le Sénat ne le fait pas. Autrement dit, on examine des projets de loi déposés par un gouvernement, qui est de temps en temps libéral ou conservateur et qui peut avoir des intérêts propres et des craintes particulières, par exemple envers les tiers qui sont contre ces options.
Est-ce que, d’une manière générale, le Sénat en entier, et non seulement ce comité, devrait trouver le moyen de faire une analyse sérieuse des risques de cybersécurité, qu’il s’agisse de la sécurité nationale, de la préservation des données recueillies par les agences gouvernementales ou des élections?
M. Perrault : Cela va bien au-delà de mon propre mandat. J’hésite à vous répondre. La question des cybermenaces et de la désinformation qu’on trouve dans les médias sociaux et sur Internet sont des enjeux globaux de plus en plus importants. Je dirais qu’Élections Canada, comme institution, ne peut pas régler tous ces problèmes. Elle a un mandat très précis. Nous devons assumer nos responsabilités dans le cadre de ce mandat.
La santé de la démocratie dépend des interventions et de l’attention prêtée à ces enjeux par d’autres intervenants qu’Élections Canada.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
Le président : Nous pourrions peut-être en faire une recommandation à annexer au projet de loi.
Le sénateur Gold : J’aimerais poursuivre sur cette série de questions et essayer de vous aider à respecter votre mandat. Je vous remercie de votre discrétion.
Vous avez parlé du Centre de la sécurité des télécommunications qui, en vertu de la loi actuelle, peut fournir et fournit effectivement des conseils à des établissements gouvernementaux, et il a d’autres mandats. Comme vous le savez sûrement, le Sénat est saisi d’un projet de loi qui renforcerait les pouvoirs du CST de prendre des mesures plus vigoureuses pour protéger nos établissements contre la menace étrangère, y compris la menace à nos institutions démocratiques. Notre système électoral et son intégrité seraient-ils mieux protégés si le gouvernement ne recevait pas simplement des conseils du CST et était informé de ce que le CST nous dit, mais s’il demandait en fait au CST de prendre — avec la surveillance ministérielle appropriée, bien sûr — des mesures actives pour combattre, par exemple, les fausses nouvelles étrangères à l’étranger qui ciblent des électeurs au Canada? Notre système serait-il mieux protégé si le CST pouvait fournir une plus grande aide à vous et à vos collègues devant les menaces provenant de l’étranger?
M. Perrault : J’aimerais juste préciser une chose dès le début. Le CSTC fournit des conseils, et il nous en a fournis. Il fournit aussi un certain soutien technique. Notre entente et nos demandes supposent une activité de surveillance de tout le trafic qui passe par notre nouveau centre de données. C’est une technologie très avancée. Il y a un pipeline entre les bureaux de scrutin, les ordinateurs et nos systèmes, et ce pipeline est sécurisé par l’intermédiaire du CSTC. Ce ne sont pas juste des conseils; en réalité, il fait du travail technique pour nous.
Le sénateur Gold : Oui, mais son mandat est limité et, en ce moment, du moins, il ne lui permet pas de prendre nécessairement des mesures plus proactives ou vigoureuses pour aller à la source du problème qui pourrait attaquer nos institutions démocratiques au moyen de fausses nouvelles, par l’intermédiaire de sites web à l’étranger et d’autres choses du genre.
M. Perrault : Je ne vais pas répondre à cette question. Je crois qu’il y a un témoin du CSTC qui s’en vient, et il serait mieux placé pour répondre. Toute la question des fausses nouvelles est vaste. Au sein de mon mandat, il y a des infractions particulières, mais j’ai aussi la responsabilité de m’assurer que les Canadiens reçoivent des renseignements exacts sur le processus électoral; je dois aussi assurer une surveillance, répondre et repousser rapidement l’information en cas de désinformation. La question vaste de la désinformation, si importante qu’elle puisse être, et les discours haineux et la division sont quelque chose qui dépasse Élections Canada.
La sénatrice Frum : :Monsieur Perrault, à votre connaissance, y a-t-il eu une ingérence russe dans les élections de 2015?
M. Perrault : Je ne suis pas au courant de quelque ingérence que ce soit. Je n’ai pas été mis au courant de quelque preuve de cette nature que ce soit.
La sénatrice Frum : Notre premier ministre a dit publiquement qu’il n’y avait pas eu beaucoup d’ingérence. Il n’a pas dit qu’il n’y en avait pas eu du tout. S’il sait qu’il n’y en a pas eu beaucoup, comment se peut-il que vous n’en sachiez rien?
M. Perrault : Une des choses sur lesquelles nous travaillons avec les partenaires de sécurité, c’est établir des protocoles pour l’échange de renseignements dans l’avenir. Certainement, s’il y avait eu atteinte à nos systèmes de TI, je l’aurais su par le CSTC. De manière plus générale, par le passé, les ententes n’auraient peut-être pas englobé — et je ne sais pas si, en fait, il y en avait ou n’en avait pas. Je ne sais juste pas...
La sénatrice Frum : N’êtes-vous pas intéressé à le savoir?
M. Perrault : Oui, bien sûr, je le suis, mais je n’ai pas ce renseignement.
La sénatrice Frum : Dans le but de promouvoir une plus grande transparence et une plus grande sécurité aux États-Unis, la Commission électorale fédérale délivre des numéros d’identification uniques à tous les candidats, partis et tiers inscrits, ce qui lui permet de suivre plus facilement qui fait de la publicité et qui paie pour celle-ci. Selon ce que je comprends, Google et Twitter vous ont approché et ont dit à votre bureau que ce serait très utile pour promouvoir la transparence et la sécurité dans le régime des publicités des médias sociaux au Canada, et votre bureau a rejeté l’idée d’entités individuelles uniques pour les publicitaires.
M. Perrault : Madame la sénatrice, c’est la première fois que j’en entends parler. Je m’intéresse à la notion, mais ce n’est pas quelque chose qui a été porté à mon attention. Ce n’est peut-être pas une réponse complète à votre question, mais je crois certainement que, aux États-Unis, les exigences en matière de titres d’appel étaient étroites ou n’englobaient pas la publicité sur les médias sociaux, par exemple. Ce n’est pas le cas au Canada, et on se penche peut-être sur d’autres difficultés. C’est peut-être le mérite de cette notion. Je n’en ai pas entendu parler.
La sénatrice Frum : S’agit-il peut-être de domaines où vous accueilleriez un amendement? Je sais que les plateformes de médias sociaux sont impatientes de proposer un tel amendement. Cela leur faciliterait la tâche, car elles doivent assumer de lourdes exigences dans le projet de loi C-76 pour ce qui est de l’enregistrement de renseignements au sujet des publicitaires. Elles demandent de l’aide à votre bureau pour qu’on attribue aux publicitaires des numéros d’identification uniques. C’est ce qu’elles aimeraient voir.
M. Perrault : Je ne voudrais pas fermer la porte à quelque chose qui pourrait être utile, mais je ne peux pas l’appuyer sans savoir de quoi il s’agit exactement. Il me faudrait examiner l’affaire.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : C’est un sujet très intéressant. Monsieur Perrault, ma question est peut-être simpliste. Les problèmes d’intrusion dans le processus judiciaire sont planétaires, il n’y a presque plus de frontière à ces intrusions. Avez-vous des échanges avec vos collègues des États américains pour mettre à jour votre carnet des intrusions qui peuvent guetter le Canada lors de la prochaine élection?
M. Perrault : On a des échanges avec des homologues d’un peu partout dans le monde. Il y a des relations plus privilégiées que d’autres, parce qu’on a des structures semblables, comme les relations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Aux États-Unis, c’est un autre univers. Je serai à Philadelphie dans les prochaines semaines, et j’aurai l’occasion de faire des rencontres et des échanges à ce niveau. C’est plus compliqué aux États-Unis. Cela fait partie de leurs défis. Ils ont une structure extrêmement décentralisée.
Le sénateur Boisvenu : Dans les États.
M. Perrault : Ce sont les États qui font les élections fédérales. On m’a dit que 60 p. 100 des administrateurs électoraux servent moins de 5 000 électeurs aux États-Unis. Ça fait des micro-organisations qui ne sont pas nécessairement coordonnées et n’ont pas nécessairement les ressources. Cela crée un certain nombre d’enjeux qu’on n’a pas, heureusement.
Lorsqu’il s’agit de comprendre ce qui se passe, c’est davantage par l’intermédiaire du renseignement canadien qu’on peut le savoir. Par contre, j’ai des relations et je rencontre des gens de partout afin de comprendre ce qu’ils font ainsi que leurs enjeux.
Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi va prolonger la période d’admissibilité aux expatriés. On va passer de cinq ans à vie. Cela amènera un bassin d’électeurs beaucoup plus grand. Le projet de loi ne prévoit pas d’interdire aux ministres en période électorale de voyager et d’avoir des activités politiques dans des pays étrangers. Est-ce qu’il ne devrait pas y avoir une disposition dans ce projet de loi qui interdirait ce type de promotion ou de magasinage?
M. Perrault : Les candidats et les partis qui auraient des activités pour faire de la promotion au Canada ou à l’étranger sont et seront réglementés dans leurs dépenses. La loi ne distingue pas les dépenses faites au Canada ou en dehors du Canada.
Le sénateur Boisvenu : Vous comprendrez qu’un ministre qui voyage pour affaires et qui participe en même temps à des activités politiques sera dans une zone grise.
M. Perrault : La question des voyages des ministres est un enjeu plus large qui existe au Canada aussi. On peut avoir la même discussion avec les députés. Il y a des chevauchements de rôles et de fonctions qui offrent des occasions promotionnelles. C’est un problème de longue date et on essaie de distinguer entre les activités légitimes. Ce problème ne se distingue pas à l’échelon national de l’échelon international. Il y aura peut-être des occasions additionnelles. Par contre, les règles sur les dépenses qui sont des dépenses partisanes liées à la promotion d’un candidat vont s’appliquer, qu’elles soient faites au Canada ou auprès d’électeurs à l’étranger.
Le sénateur Dalphond : Mes questions portent sur les concitoyens canadiens non résidents. Vous avez parlé de 14 000 à la dernière élection qui ont été enregistrés. Combien ont voté? Avez-vous des données pour savoir quel était le nombre le plus élevé de non-résidents dans une circonscription électorale? Je présume que les 14 000 ont voté dans les 300 circonscriptions et quelques-unes du Canada, mais, en réalité, davantage à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Est-ce qu’on a des données à ce sujet?
M. Perrault : Je n’ai pas de données publiques à ce sujet. Je pourrais les obtenir. Il faut faire attention dans certains cas à la confidentialité du vote. On a des résultats électoraux serrés sur quelques votes. Alors, on rapporte les résultats des gens qui sont à l’international ainsi que les militaires. On essaie de protéger la confidentialité du vote. Il y a 11 000 électeurs qui ont voté à la dernière élection parmi les électeurs étrangers enregistrés.
Le sénateur Dalphond : Sur les 14 000.
M. Perrault : Oui.
Le sénateur Dalphond : Lorsqu’ils votent, que reçoivent-ils comme bulletin de vote dans ce que vous avez appelé le « kit »? C’est un bulletin blanc dans lequel ils inscrivent le nom du candidat pour lequel ils veulent voter?
M. Perrault : Cela dépend du moment de l’envoi. Avant la période de confirmation, un Canadien peut voter par bulletin spécial au Canada au bureau du directeur de scrutin, par la poste ou à l’étranger. Lorsqu’un vote est fait avant la fin de la période de confirmation ou de clôture des nominations, l’électeur doit inscrire le nom du candidat. Il ne peut pas, comme dans d’autres juridictions, simplement mentionner un parti. À l’international, ce sont typiquement ces bulletins qu’ils reçoivent.
Le sénateur Dalphond : On ne vote pas pour des partis, parce qu’il n’y a pas de représentation proportionnelle, alors on vote dans une circonscription où il faut mettre le nom d’un candidat.
M. Perrault : On ne peut pas dire qu’on choisit n’importe quel candidat de tel parti. Il faut avoir un nom.
Le sénateur Carignan : Je lisais l’article 91, et je comprends que l’article actuel a pour objectif d’éviter que quelqu’un discrédite faussement un candidat, avec l’intention de nuire, et on a voulu préciser certains types de fausses informations. En le lisant, je m’aperçois que cela peut aussi s’adresser à un candidat.
M. Perrault : Oui.
Le sénateur Carignan : À un candidat qui, faussement, dirait qu’il est né dans tel pays plutôt que tel autre.
M. Perrault : Ou qu’il est de telle profession.
Le sénateur Carignan : C’est vraiment l’intention que vous avez perçue, comme celle d’un candidat qui bonifierait ses études. Nous avons vécu cela, car, à chaque campagne électorale, des gens bonifient leur CV et y ajoutent certains diplômes qu’ils n’ont pas. Ce n’est pas quelque chose de courant, mais à chaque campagne électorale, on entend cela. Je comprends qu’un tel candidat serait susceptible d’être poursuivi en vertu de l’article 91.
M. Perrault : J’en déduis comme vous, d’après le texte, que « toute personne » inclurait le candidat dans la disposition. Je ne sais pas pourquoi on voudrait permettre à un candidat de faire ce que les autres ne peuvent pas faire. Si vous ne pouvez pas promouvoir artificiellement un candidat, je ne vois pas comment il pourrait le faire lui-même. Je n’ai pas d’objection à ce que cela couvre un candidat, mais je le constate comme vous.
Le sénateur Carignan : C’est un élargissement.
M. Perrault : Mais ce sont des catégories de fausses déclarations très spécifiques.
Le sénateur Carignan : Oui. On a vu une ministre, à la dernière élection fédérale, dire qu’elle était née dans un pays en particulier. Ce n’était pas faux, car je comprends que Mme Monsef croyait être née dans ce pays, mais qu’elle était née dans un autre pays. Ce n’était pas dans l’intention de fausser les renseignements. Si elle l’avait fait de façon intentionnelle, cela aurait pu être une infraction.
M. Perrault : Avec l’intention d’influer sur les résultats. Il faut en faire la preuve.
Le sénateur Carignan : Vous n’avez pas peur que cela ouvre un certain élément de liberté de presse? Parce que l’on voit souvent les médias fouiller les CV des candidats et les critiquer. S’ils sont susceptibles d’être trouvés coupables d’une infraction pénale, ils vont peut-être se garder une petite gêne avec de critiquer. N’y a-t-il pas un risque? C’est un tout autre débat que celui de l’article 91.
M. Perrault : Est-ce que le journaliste a l’intention d’influencer les résultats de l’élection ou a-t-il l’intention de divulguer une vérité sur un candidat qui ment?
Le sénateur Carignan : Cela peut être d’intérêt public.
M. Perrault : Je vous renvoie la balle, car c’est tout ce que je peux faire. Voudrait-on permettre à des candidats de mentir, alors qu’on ne permettrait pas à d’autres de le faire? La réponse semble évidente.
Le sénateur Carignan : C’est un tout autre domaine, et c’est quelque chose de tout à fait nouveau. Cette disposition est beaucoup plus large que l’autre.
M. Perrault : Dans ce sens, oui. Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, les mensonges portent sur des sujets spécifiques.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Pour répondre au sénateur Dalphond, je ne sais pas bien pourquoi vous croyez que le fait de savoir dans quelles circonscriptions particulières les 14 000 Canadiens non résidents ont voté en 2015 serait confidentiel. Le fait de savoir si une circonscription était proche ne nous indique pas pour qui ces personnes particulières ont voté. Bien franchement, je ne crois pas que cela devrait avoir quelque importance que ce soit.
La circonscription dans laquelle j’ai travaillé très fort durant la dernière campagne était celle de Regina-Lewvan. Son résultat ne comportait qu’une centaine de votes de différence. Le NPD a remporté cette circonscription. Elle était fortement ciblée par Leadnow. Compte tenu de ses liens avec une influence étrangère, je dirais que c’est très pertinent de savoir combien de Canadiens non résidents ont voté dans cette circonscription particulière.
M. Perrault : Je suis d’accord avec vous. Il n’y a pas de problème, jusqu’à ce que cela revienne à un vote qui serait déposé.
La sénatrice Batters : Mais vous ne savez pas pour qui cette personne a voté ni qui est cette personne, donc comment cela pourrait-il être confidentiel?
M. Perrault : Je serais prêt à revenir en arrière et, si je peux fournir des renseignements à ce sujet, je serai heureux de le faire.
La sénatrice Batters : On dirait que vous ne pouvez pas deviner.
Pour répondre à la question de la sénatrice Frum durant le deuxième tour, vous parliez d’échange de renseignements dans l’avenir. Le premier ministre Trudeau a reçu de l’information par rapport à « pas beaucoup » d’ingérence russe durant les élections de 2015, mais, en tant que directeur général des élections pour le Canada, vous n’avez pas reçu ce renseignement?
M. Perrault : Je n’étais pas le directeur général des élections du Canada à ce moment-là.
La sénatrice Batters : Non, mais depuis ce moment? Avant d’être nommé, vous avez aussi agi pendant une période assez importante.
M. Perrault : Exact. Je ne sais pas de quels renseignements nous parlons et si cela serait pertinent.
La sénatrice Batters : Le premier ministre a dit qu’il n’y avait pas beaucoup d’ingérence russe au cours des dernières élections. Je ne le sais pas non plus, mais il me semble que vous devriez le savoir. N’êtes-vous pas d’accord avec moi?
M. Perrault : Comme je l’ai dit, nous travaillons avec des partenaires de sécurité pour établir des protocoles concernant l’échange de renseignements dans l’avenir, et c’est tout ce que je peux dire. J’ignore quelle était cette information et s’il serait pertinent que j’aie cette information.
La sénatrice Batters : Merci.
Le président : Monsieur Perrault et madame Lawson, j’ai le privilège de vous remercier. Comme vous le voyez, le niveau d’intérêt autour de la table est très élevé.
J’aimerais informer les sénateurs que je possède une liste des comités américains que j’ai mentionnés ainsi que le mandat et les conclusions de ces comités. C’est seulement en anglais, donc bien sûr, je ne peux pas distribuer le document, mais il sera traduit. Vous le recevrez peut-être demain ou avant la fin de la semaine et aurez chacun l’occasion d’examiner ce que nos voisins du Sud ont fait pour prévenir l’ingérence étrangère au cours des prochaines élections là-bas. Je suis sûr que nous pouvons tirer des leçons de leur expérience.
Encore une fois, je vous remercie, monsieur Perrault et madame Lawson. Je suis sûr que nous pourrons vous accueillir après l’élection pour nous entretenir sur ce qui ce sera produit avec le projet de loi et sur le succès qu’il aura connu en essayant de combler plus de lacunes dans le système électoral.
Honorables sénateurs, j’ai maintenant le privilège d’accueillir Scott Jones, dirigeant principal, Centre canadien pour la cybersécurité, Centre de la sécurité des télécommunications. Il est accompagné de Patrick Clow, directeur, Gestion des incidents et coordination opérationnelle. Nous recevons également, à titre personnel, M. Ian Lee, de l’Université Carleton. Monsieur Jones, la parole est à vous.
Scott Jones, dirigeant principal, Centre canadien pour la cybersécurité, Centre de la sécurité des télécommunications : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Merci de nous avoir gentiment présentés et de nous avoir invités ici aujourd’hui dans le cadre de votre étude du projet de loi C-76.
[Français]
La sécurisation du système électoral canadien est absolument cruciale et le CST est fier de pouvoir y participer. Bien sûr, la présente discussion porte sur des enjeux plus larges que ceux auxquels le CST et le Centre canadien pour la cybersécurité sont appelés à répondre. C’est pourquoi mes propos porteront principalement sur la façon dont le Centre de la sécurité des télécommunications apporte son soutien au mandat du ministère des Institutions démocratiques qui consiste à défendre le processus électoral canadien contre les cybermenaces.
[Traduction]
Comme c’est la première fois que des représentants du CST ont l’occasion de s’exprimer devant votre comité, permettez-moi d’abord de présenter brièvement le mandat du CST. Depuis plus de 70 ans, le CST est chargé de fournir du renseignement et de protéger l’information la plus sensible du Canada.
[Français]
En plus d’exercer des mandats relatifs aux renseignements électromagnétiques étrangers et à la prestation d’assistance, le CST assure la direction du Centre canadien pour la cybersécurité, que l’on appelle aussi le Centre pour la cybersécurité.
Établi le 1er octobre 2018, le Centre pour la cybersécurité constitue l’autorité nationale du Canada en matière de cybersécurité et d’intervention en cas de cybermenaces. Conformément à la Stratégie nationale de cybersécurité du Canada, le Centre pour la cybersécurité mise désormais sur une approche unifiée pour assurer la cybersécurité du Canada.
[Traduction]
Le Centre pour la cybersécurité poursuit le mandat du CST en matière de sécurité des TI. En l’occurrence, il fournit des conseils, des avis et des services aux ministères et organismes fédéraux relativement aux systèmes d’importance pour le gouvernement du Canada.
De plus, suivant l’intégration de ressources provenant de Sécurité publique et de Services partagés Canada, le Centre pour la cybersécurité assurera la continuité des efforts investis par nombre de ministères dans le but de favoriser la collaboration entre les différents ordres de gouvernement, le secteur privé et les universitaires. Le Centre pour la cybersécurité aide aussi à garantir la sécurité des Canadiens dans le cyberespace en fournissant, à l’État et aux citoyens, une source d’information unique, claire et fiable touchant à la cybersécurité. Pour donner un exemple, mentionnons la campagne Pensez cybersécurité.
[Français]
Conformément à sa lettre de mandat, la ministre des Institutions démocratiques a été priée de demander au CST d’analyser les risques que posent les pirates informatiques qui ont juré de s’en prendre aux activités politiques et électorales du Canada. C’est donc en juin 2017 que nous avons déposé notre rapport d’évaluation portant sur les cybermenaces qui pourraient peser sur le processus démocratique du Canada.
[Traduction]
Le rapport révèle notamment que le système électoral canadien n’est pas à l’abri des cybermenaces. Et même s’il conclut que les menaces auxquelles le Canada s’expose sont plus perfectionnées, il n’en demeure pas moins que les partis politiques, les politiciens et les médias demeurent vulnérables aux cybermenaces et aux opérations d’influence. Depuis la publication de ce rapport, le CST a tenu nombre de réunions productives avec les partis politiques, les parlementaires et les responsables des élections pour discuter des conclusions de l’évaluation des cybermenaces et leur offrir des conseils et une orientation en matière de cybersécurité.
[Français]
En prévision des élections de 2019, la ministre des Institutions démocratiques a demandé au CST de procéder à l’analyse continue des risques de cybermenace à l’endroit du processus électoral du Canada. Forts de la récente unification des ressources au sein du Centre canadien pour la cybersécurité, nous continuerons d’analyser l’évolution des menaces et des technologies. Cela nous permettra de caractériser et de comprendre les menaces réelles auxquelles le processus démocratique du Canada pourrait s’exposer.
[Traduction]
Le projet de loi C-76 ne modifie ni le mandat du CST ni celui du Centre canadien pour la cybersécurité, mais il contribue à l’effort global visant à gagner et à maintenir la confiance des Canadiens à l’égard de nos processus démocratiques. Pour ce qui concerne les cybermenaces, on constate que certains aspects du projet de loi C-76 portent sur l’ingérence étrangère et sur la perturbation des activités en ligne. Il va de soi que ces mesures sont tout à fait à propos.
[Français]
En quelque sorte, la cybersécurité est un sport d’équipe. La collaboration est de mise lorsqu’il s’agit de sécuriser les procédures et les systèmes électoraux du Canada pour maintenir l’intégrité de tous les aspects du processus démocratique, notamment les élections, les partis politiques ainsi que les médias traditionnels et sociaux. La cybersécurité doit être prise en compte dans toutes les activités principales et connexes.
[Traduction]
Merci. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
Ian Lee, professeur agrégé, Université Carleton, à titre personnel : Je remercie les sénateurs de me donner l’occasion de comparaître devant votre auguste comité sur ce projet de loi très important.
Je me rends compte qu’il y a ici aujourd’hui un certain nombre de sénateurs indépendants. J’espère que vous reconnaîtrez que j’ai été professeur indépendant pendant de nombreuses années, car je ne consulte personne ni quelque instance que ce soit ailleurs dans le monde, même si j’ai enseigné dans de nombreux pays du monde, et je n’appartiens pas non plus ni ne donne de l’argent à un parti politique.
À titre de dernière information, dans ma vingtaine, dans les années 1970, j’ai travaillé dans le secteur bancaire, et j’ai eu l’extraordinaire chance de recevoir une formation de première qualité dans le domaine des banques, de l’économie et de la gestion de la part de banquiers britanniques, y compris sur un des plus importants enjeux dans le secteur bancaire, soit la question de l’identité et de l’identification — qui est le client? Connaissons-nous notre client — des dizaines d’années avant que d’autres personnes en parlent.
En 2014, après avoir étudié intensément pendant six semaines des systèmes d’identité et d’identification au Canada, en examinant de multiples lois du Parlement du Canada et des assemblées législatives de l’Ontario et de l’Alberta, qui sont mes deux mandataires et des organismes clés dans ces trois administrations, j’ai écrit un article publié dans le Globe and Mail le 9 mai 2014. Le titre disait tout : « Canadians who can’t vote because they lack any ID? Don’t believe it. »
Permettez-moi de citer le paragraphe le plus important de mon article :
En me fondant sur des recherches empiriques et exhaustives sur le système d’identification du gouvernement, j’ai conclu qu’il est légalement et factuellement impossible aujourd’hui d’être numériquement invisible sans aucune identité de quelque sorte, que ce soit consigné dans quelque base de données gouvernementale que ce soit n’importe où au Canada.
Pour ces raisons, je ne suis pas en faveur de l’édulcoration de l’identification utilisée partout ailleurs dans tous les milieux du Canada, y compris quand on monte à bord d’un avion, quand on pénètre dans l’enceinte parlementaire, quand se rend à une banque et quand on rédige des examens dans des universités afin de permettre des cartes d’information de l’électeur — je ne les appelle pas cartes d’identité des électeurs, car ce ne sont pas des cartes d’identification; ce sont des cartes d’information — ou le fait de se porter garant, qui, je crois, va miner la confiance envers l’intégrité des élections au Canada, comme cela s’est régulièrement produit aux États-Unis, et ce, des deux côtés, avec les démocrates et les républicains.
Quelles sont les preuves de ce que je dis au sujet de l’identité? Commençons au tout début, soit aux origines de chacun d’entre nous : notre naissance. La Loi sur les statistiques de l’état civil de chaque province et territoire oblige et impose l’enregistrement de chaque naissance et décès dans son administration, et c’est la base de données qui est la source des certificats de naissance pour chaque personne née au Canada.
De plus, un NAS, ou numéro d’assurance sociale, doit être délivré peu après la naissance en raison de la Loi de l’impôt sur le revenu, prisée par vous, les parlementaires, qui impose un NAS à quiconque veut recevoir des prestations du gouvernement et exige que chaque citoyen dépose auprès de l’ARC une déclaration de revenus s’il reçoit des prestations fédérales, provinciales ou municipales, comme des prêts étudiants, même s’il ne doit pas d’impôt. L’an dernier, en 2017, plus de 5 millions de déclarations de revenus où des particuliers ne recevaient aucun remboursement ni ne devaient d’argent ont été produites. On estime que ce sont les personnes qui produisent simplement une déclaration de revenus parce qu’elles touchent une prestation.
Puis, il y a l’ACFC, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, créée par vous, les parlementaires, qui signale que 99 p. 100 des Canadiens ont un compte bancaire en 2018. Vous pouvez dire : « Et alors? » La Loi sur les banques adoptée par vous, les parlementaires, impose un minimum de deux pièces d’identité délivrées par le gouvernement, qu’on précise dans la Loi, pour ouvrir un compte bancaire.
Maintenant, établissons les liens. Au total, 99 p. 100 des Canadiens possèdent un minimum de deux pièces d’identité du gouvernement, comme l’exige la Loi sur les banques, parce que 99 p. 100 des Canadiens ont un compte bancaire, comme le signale l’ACFC.
Passons maintenant aux soins de santé. Personne ne peut accéder à un médecin ou à des services hospitaliers sans fournir une carte de santé provinciale. Je le sais d’expérience. Mes médecins ont refusé de me voir quand j’ai oublié ma carte santé quelques fois. J’ai dû retourner la chercher à la maison.
Dans sa base de données annuelle, Transports Canada signale maintenant au Parlement qu’il y a 33 millions de voitures et de camions au Canada. Chacun doit détenir un certificat de propriété et un certificat d’assurance distinct qui divulgue le nom et l’adresse. Ce sont 66 millions de pièces d’identité.
Passons maintenant à la légende urbaine selon laquelle des personnes à faible revenu et des personnes marginales n’ont pas de pièces d’identité. Un examen du programme Ontario au travail, mon organisme mandataire — et j’en ai examiné quelques autres à l’échelon provincial — révèle les exigences remarquablement strictes et lourdes en matière d’identification pour demander de l’aide sociale et d’autres formes d’aide gouvernementale qui dépassent largement l’ouverture d’un compte bancaire ou l’obtention d’un passeport. Dans le programme Ontario au travail, selon mes calculs, vous avez besoin de six pièces d’identité distinctes, en plus du permis de conduire régulier, de la carte du régime d’assurance-maladie de l’Ontario et ainsi de suite.
Enfin, nous examinons l’hypothèse que le fait d’exiger une pièce d’identité réduit le nombre de votes. La logique de l’hypothèse, c’est que l’acte qui consiste à exiger une pièce d’identité réduit le comportement qui exige la pièce d’identité. Pourtant, les universités exigent que les étudiants possèdent une pièce d’identité avec photo pour passer des examens. J’ai surveillé mes examens pendant 30 ans, à raison de cinq fois par année pour cinq cours, et l’idée selon laquelle la participation a diminué dans les universités est absurde. D’après Statistique Canada, le nombre d’inscriptions à l’université augmente chaque année. Pour monter à bord d’un avion, on doit présenter trois fois une pièce d’identité, mais cela n’a pas éliminé les vols, selon les chiffres actuels au Canada.
Des témoins comme moi-même doivent présenter un permis de conduire ou un passeport pour accéder à l’enceinte parlementaire. La carte d’information de l’électeur n’est pas acceptée, soit dit en passant, et rien ne montre que cela a éliminé la volonté des témoins de témoigner devant le Sénat ou la Chambre des communes.
Pour ce qui est de la preuve la plus concluante, examinons la raison ultime : l’élection générale canadienne de 2015. Plusieurs personnes des médias ont affirmé avant cette élection que l’identification la plus stricte ferait baisser la participation électorale durant les élections. Qu’est-ce qui s’est produit? Je suis allé à Élections Canada. Je suis un empiriste et j’utilise tout le temps les rapports empiriques du gouvernement. Élections Canada signale que la participation électorale a atteint son plus haut niveau en un quart de siècle. Pour conclure, reprenons les propres mots d’Élections Canada :
À l’élection de 2015, le taux de participation des électeurs âgés de 18 à 24 ans s’est accru de 18,3 points de pourcentage et a atteint 57,1 p. 100 (il s’élevait à 38,3 p. 100 en 2011). Il s’agit de la plus importante augmentation pour ce groupe d’âge depuis qu’Élections Canada a commencé à publier les données démographiques sur la participation en 2004. [...] Le taux de participation des électeurs âgés de 25 à 34 ans s’est accru de 12,3 points de pourcentage et a atteint 57,4 p. 100 [...]
Je suis facétieux quand je le dis, mais si nous voulons augmenter le taux de participation électorale, il semble que nous devions augmenter les exigences relatives à l’identification, car regardez les répercussions que celles-ci ont eues sur la participation.
Pour terminer, voici une phrase latine connue : res ipsa loquitur, ou les faits sont éloquents. Merci.
Le président : Merci beaucoup, messieurs, de vos exposés.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci à vous trois d’être ici aujourd’hui. Je vais commencer avec vous, monsieur Jones. Pouvez-vous nous préciser la nature du soutien que vous fournissez à Élections Canada en préparation aux élections de 2019?
M. Jones : Merci pour la question. Au début, nous travaillons ensemble avec Élections Canada.
[Traduction]
Vraiment, le soutien que nous offrons provient de quelques éléments différents. Le premier, ce sont des directives et des conseils généraux lorsque nous nous préparons à des choses comme la conclusion de marchés, en aidant l’organisme sur le plan de la conception, en travaillant avec lui dans le cadre de l’architecture globale. Un des principes fondamentaux de la cybersécurité est de renforcer la sécurité dès le début. Nous travaillons avec Élections Canada depuis bien avant les dernières élections sur ces types de choses. C’est le mandat traditionnel de l’organisation.
Le deuxième élément, c’est que, à mesure que l’environnement des menaces évolue, nous travaillons constamment avec Élections Canada pour nous assurer qu’il est également conscient de ce que nous voyons. À mesure que nous voyons des changements se produire dans le monde, que ce soit de notre côté du renseignement ou de notre côté de la cybersécurité, nous nous assurons qu’il est conscient de la menace en constante évolution, de manière à ce qu’il puisse continuer de perfectionner ses processus.
Le troisième élément, c’est le travail à la défense active des systèmes eux-mêmes, que ce soit le système qu’Élections Canada utilise dans le cadre de son administration, mais aussi quand nous cherchons à assurer une défense au moment des élections, la façon dont nous collaborons pour nous assurer de défendre activement ces systèmes.
La cybersécurité commence au début par la conception. Vous travaillez pour vous assurer de comprendre la menace. Enfin, vous assurez une défense au fur et à mesure que la menace évolue à l’égard des systèmes que vous possédez et des systèmes en ligne que vous possédez aujourd’hui.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je tiens à souligner que c’est la première fois que des représentants du centre ont l’occasion de s’exprimer devant ce comité. Je souhaite personnellement que ce soit la première d’une série de comparutions, qui nous permettront de mieux apprécier, en tant que parlementaires, l’étendue des cybermenaces et l’existence de fausse information lors des élections.
Dans votre esprit, le risque d’influence indue de la part d’étrangers et d’organisations étrangères est-il plus grand que l’influence du financement étranger d’organisations locales ou nationales, donc à l’intérieur du Canada?
M. Jones : La question est un peu complexe pour moi, car mon champ d’expertise est la cybermenace.
[Traduction]
J’étudie vraiment les cybermenaces étrangères pour ce qui est des activités d’influence; je ne m’attache pas nécessairement à l’aspect financier; je laisse cela aux experts d’Élections Canada et d’autres lieux. Ce que nous examinons vraiment, c’est comment vous pouvez manipuler cet environnement en ligne pour ce qui est de façonner l’opinion publique, mais aussi appliquer des divisions et la façon dont cela pourrait être utilisé par un pays étranger qui vise le Canada.
Il s’agit vraiment de sensibiliser les gens. C’est pourquoi lorsque nous avons publié notre rapport l’an dernier, nous avons vraiment essayé de parler non pas nécessairement de ce qui pourrait être fait, parce qu’il faudra un bon nombre d’entre nous, mais de la façon dont nous pouvons commencer à parler de ce sujet dans le seul but de sensibiliser les gens. C’est vraiment ce sur quoi nous nous concentrons ici. Puis, bien sûr, nous examinons l’aspect étranger des choses pour ce qui est de savoir ce qui pourrait être l’objectif, parce que notre mandat nous limite. Nous ne dirigeons pas nos activités vers les Canadiens; nous les dirigeons à l’extérieur du Canada.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Selon votre expérience avec les élections de 2015, que pouvez-vous nous dire sur la nature des risques que vous avez observés, que ce soit de la part d’États étrangers ou d’organisations, peu importe leur statut juridique, qui se trouvaient à l’extérieur du Canada et qui ont tenté d’influencer les élections?
[Traduction]
M. Jones : D’abord, l’élection elle-même est très robuste du point de vue de la cybersécurité, étant donné qu’elle repose encore beaucoup sur le papier. Les processus qu’Élections Canada a en place pour les bureaux de scrutin, étant donné que tout repose sur le papier, font en sorte qu’ils résistent beaucoup aux menaces à la cybersécurité. Avec les médias en ligne, les médias sociaux, la capacité de les manipuler, je dirais que, à l’échelle mondiale, nous avons été très naïfs par rapport à ce qui pouvait être fait. Je ne crois pas que nous avions considéré les médias sociaux comme un outil pouvant être utilisé pour nous influencer. Nous les considérions comme une façon de communiquer.
En 2015, l’outil n’avait pas vraiment pris de telles proportions. Lorsque nous avons regardé en arrière, nous n’avons pas vu beaucoup d’efforts visant à nous influencer. Nous avons certainement vu l’outil utilisé davantage pour communiquer, mais pas nécessairement de la façon malveillante que nous avons vue dans d’autres pays, quoique pas dans la même mesure.
L’année 2019 est une nouvelle ère, et nous devons nous y préparer. Comment faisons-nous pour lutter contre l’influence, particulièrement celle des médias sociaux, et contre la vitesse qu’elle exige des médias traditionnels en ce qui concerne la manipulation en ligne, les fausses nouvelles, qu’il s’agisse de propagande ou de documentation absolument fausse. C’est un environnement technique très compliqué.
La sénatrice Frum : Monsieur Jones, vous dites que le mandat de votre organisation est de maintenir la confiance des Canadiens envers nos processus démocratiques. Nous nous retrouvons dans une situation comique. Je le dis en tant que Canadienne et parlementaire. On nous dit que, pour des raisons de sécurité nationale, on ne peut pas savoir quelle ingérence, intervention ou ingérence étrangère s’est produite durant l’élection de 2015. Comment le fait de cacher cette information des Canadiens rehausse-t-il notre confiance à l’égard de notre processus?
M. Jones : Tout d’abord, nous avons vraiment essayé de nous concentrer sur la façon de parler de la résilience globale de l’élection elle-même. Pour ce faire, nous avons notamment publié le rapport public l’été dernier, et nous le mettrons à jour au début de l’année prochaine. Selon notre point de vue, dans l’optique des élections de 2015 en ce qui concerne les moyens cybernétiques, notre expertise, nous n’avons pas vraiment vu d’activité concrète, mais il y a certainement toujours des gens sur les médias sociaux. Il est difficile d’établir la distinction entre ce qui est une influence étrangère et ce qui est juste quelqu’un qui essaie de faire valoir une opinion. Nous n’avons pas vu d’activités que nous signalerions en ce qui concerne les cybermoyens, mais dans certains des autres services de renseignement de sécurité, on a peut-être vu d’autres activités. Je crois qu’il convient probablement mieux de les laisser se pencher sur les restrictions opérationnelles ou les restrictions de sécurité; quant à nous, nous essayons de faire preuve d’ouverture.
La sénatrice Frum : J’ai été encouragée par le point que vous avez soulevé, soit que nos élections reposent toujours sur le papier et que cela n’a pas de répercussions en matière de cybersécurité, en plus d’aider à protéger la sécurité et l’intégrité de nos élections. Cela m’a fait penser à ce nouveau système et au nouveau monde dans lequel nous sommes sur le point d’entrer, où on nous a dit que près de 3 millions de personnes vivent à l’étranger, des expatriés canadiens. Ils peuvent s’inscrire à l’élection en ligne et ils n’auront jamais à rencontrer un être humain. Cela sonne-t-il l’alarme pour vous?
M. Jones : Eh bien, je crois que le nœud du problème, quand vous examinez ces types de systèmes tient à la façon dont vous vérifiez l’identité. Nous le faisons chaque jour, que ce soit pour nos opérations bancaires en ligne, et cetera. Quelle est la forme de l’identification numérique? Nous examinons toujours toute question de cybersécurité en nous fondant sur trois aspects. Il y a la confidentialité de l’information, l’intégrité de l’information et la disponibilité du système. L’identité est très importante. La façon dont vous confirmez votre identité et les mesures que vous devez prendre sont essentielles dans ce cas-ci.
La sénatrice Frum : Quel soutien fournirez-vous à Élections Canada pour faire ce travail? Car s’il est submergé par des enregistrements en ligne, nous croyons comprendre qu’il va juste les accepter sans réserve, à moins que cela soit contesté. Ou bien jouez-vous un rôle en ce moment?
M. Jones : Nous jouons un rôle en ce qui concerne des aspects de ses systèmes. Nous travaillons en étroite collaboration avec lui. Pour ce qui est d’un système particulier, il me faudrait aller vérifier les détails. Nous jouons un rôle important dans tout son travail d’architecture, dans tout son travail de conception, dans le fonctionnement de ses systèmes.
La sénatrice Frum : Est-ce que je mets le doigt sur un domaine qui a été une source de préoccupations pour vous ou s’agit-il de quelque chose de nouveau?
M. Jones : En général, nous sommes toujours préoccupés par tous les aspects du cyberenvironnement, particulièrement par l’influence de l’extérieur, donc toute capacité des acteurs extérieurs de manipuler le système et toute capacité de maintenir l’intégrité de l’information dans le système. Nous fournissons des conseils sur tout cela.
La sénatrice Frum : Pour moi, c’est une préoccupation évidente. Vous avez des millions de personnes qui vivent dans des pays comme la Chine, la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite, des pays qui, nous le savons, sont des acteurs dans cet espace infâme. Vous avez des citoyens canadiens qui vivent dans ces pays et à qui on demande de s’inscrire en ligne. Si j’étais responsable de la cybersécurité, je serais très préoccupée par cela. Je vous pose juste la question : êtes-vous très préoccupé à ce sujet?
M. Jones : Ce qui me préoccupe toujours, c’est comment nous nous assurons de vérifier l’identité de la personne, les mesures que l’on prend pour intégrer un système qui confirme que la personne qui se trouve à l’autre bout de l’ordinateur est effectivement cette personne. C’est l’une des choses que nous examinons toujours lorsque nous nous occupons de la cybersécurité. Cela fait partie du système global que nous examinons.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’ai deux questions relativement courtes. La première s’adresse à M. Jones. La loi compte rendre illégale l’intention d’influencer le résultat d’une élection. Si on influence le processus, on n’enfreint pas la loi. Il n’en demeure pas moins que le fait de tenter d’influencer un processus électoral peut être aussi grave qu’influencer le résultat. La loi ne devrait-elle pas être un peu plus large en termes d’interdiction?
[Traduction]
M. Jones : Je n’essaie pas d’éluder la question. C’est vraiment en dehors de mon domaine d’expertise en ce qui concerne la mise en application de ce type d’activité. Je laisserais probablement cela à mon collègue.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : En termes de cyberactivité, quelqu’un peut vouloir influencer le déroulement sans nécessairement influencer le résultat. Or, la loi est plutôt molle sur ce point. Dès que quelqu’un tente d’influencer le déroulement d’une élection, ne devrait-on pas prévoir un minimum d’interdictions?
[Traduction]
M. Jones : Si nous étions témoins de ce type d’activité, je pense que nous chercherions à informer Élections Canada ou le commissaire afin que la loi puisse être appliquée, mais je pense qu’il est préférable que ce soit le commissaire ou Élections Canada lui-même qui explique comment il serait possible d’optimiser ses pouvoirs d’application de la loi. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, je suis désolé.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Lee, vous ne semblez pas être en faveur d’un minimum d’identification pour voter. Du moins, c’est ce que j’en déduis à la lecture de votre mémoire. Ce qui me surprend, c’est qu’il n’y aurait pas d’obligation pour un électeur de présenter une pièce d’identité avec photo pour confirmer que le nom qui figure sur le document est bien celui de la personne qui se présente. Cet aspect ne risque-t-il pas d’enlever une certaine crédibilité au processus électoral? Sans un minimum d’identification, certains pourraient considérer que c’est là une porte d’entrée pour la fraude électorale.
[Traduction]
M. Lee : J’aurais dû le préciser dans ma déclaration préliminaire. Oui, je suis d’accord. Encore une fois, je regarde d’autres domaines. Nous avons tous des expériences dans d’autres sphères de la société. Nous montons à bord d’avions. Vous devez avoir une pièce d’identité avec photo pour monter à bord d’un avion. Je sais que vous ne pouvez pas monter à bord d’un avion au Canada, aux États-Unis ou en Europe sans pièce d’identité avec photo.
Nous exigeons, et nous l’avons toujours exigé dans les universités, pour la surveillance d’examens, une pièce d’identité avec photo. Nous ne disons pas que ce doit être seulement une carte d’étudiant. Il peut s’agir d’une carte de la RAMO, d’une carte d’assurance maladie provinciale ou d’un permis de conduire — quelque chose avec le nom et la photo — et, bien sûr, un passeport. Nous ne sommes pas aussi préoccupés au sujet de l’adresse; nous nous demandons si la personne qui passe l’examen est celle qu’elle prétend être.
Il y a énormément d’institutions qui utilisent une pièce d’identité avec photo, et il ne s’agit pas d’une atteinte à la vie privée. Ce n’est pas de la répression. Nous nous y attendons dans une société moderne, vaste et complexe. Nous ne vivons plus dans un village. J’ai grandi dans une petite ville, sur une ferme. Je connaissais tout le monde dans les environs, car les voisins n’étaient qu’à un kilomètre l’un de l’autre, mais il n’y avait personne entre les deux. Maintenant, je ne connais même plus les personnes qui se trouvent littéralement à 50 mètres de chez moi. Nous ne pouvons pas nous attendre à connaître tout le monde; nous avons donc besoin d’une pièce d’identité avec photo.
Oui, je pense que c’est l’idéal que nous puissions la demander. À propos, il y a toute une liste de pièces d’identité avec photo que l’on pourrait inclure dans la Loi électorale et que nous avons tous, collectivement. Pour revenir un instant à la Loi sur les banques, je suis sûr que tout le monde le sait, mais au cas où vous ne seriez pas au courant de cet article, l’ACFC répertorie les pièces d’identité recommandées. La liste est longue, et il s’agit en grande partie d’une pièce d’identité avec photo. Ce n’est pas une exigence insurmontable, exagérée ou excessive. Dans tous les autres domaines de la société canadienne, nous fournissons une pièce d’identité avec photo.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que l’absence de ce type d’identification claire et nette représente pour vous une source de tricherie par rapport au droit de voter?
[Traduction]
M. Lee : Non, pas du tout. Il peut sembler que je vous présente un argument très paradoxal. Je dis que je ne crois pas qu’il y ait un risque de fraude. J’ai aussi lu le rapport européen sur ce sujet, et je ne pense pas qu’il y ait de risque, car il y a beaucoup de gens qui votent.
Mon problème ne tient pas à la fraude; c’est la confiance d’un grand nombre de Canadiens dans le système. Nous parlons de confiance tout le temps. Avons-nous confiance en Élections Canada? Avons-nous confiance dans l’intégrité de tout système dont nous parlons? C’est la confiance que nous acquérons. Je sais que toutes les personnes avec lesquelles je voyage ne sont pas des terroristes et ne feront pas exploser mon avion d’Air Canada, mais je me sens beaucoup mieux du fait qu’on demande une pièce d’identité, à trois reprises, pour monter à bord de l’avion. Cela me fait me sentir vraiment bien. Cela m’inspire confiance dans l’intégrité du transport aérien au Canada et aux États-Unis. Je n’ai pas peur de voyager en avion. J’ai très peur dans d’autres parties du monde où je voyage. Je n’ai pas confiance dans l’intégrité de leur système, car je pense que leurs processus de sécurité et d’identification sont bâclés.
Le sénateur Gold : Bienvenue. Je suis d’accord avec ma collègue, la sénatrice Dupuis; nous espérons vous revoir ici.
Vous avez bien décrit l’assistance que vous fournissez actuellement à Élections Canada dans le cadre de votre mandat : des conseils et avis à l’organisme, l’analyse de la nature de la menace et, bien sûr, le plus important, la défense contre les menaces que vous avez repérées.
Puis-je vous donner un scénario hypothétique? Il renferme une question qui viendra ensuite. Imaginez qu’il existe un site web ou un réseau quelque part à l’étranger. Ce pourrait être la Chine, l’Iran ou n’importe où à l’étranger, à l’extérieur du Canada. Il alimente un certain nombre de choses dans les foyers ou les téléphones des Canadiens : de fausses nouvelles concernant un candidat, dans le but d’influencer l’élection — cette personne est un criminel —, ce qui constitue une infraction, ou de faux renseignements ciblés, parce qu’on peut le faire, au sujet des heures ou des lieux de vote, ou des changements ou des choses du genre, ou simplement de fausses nouvelles pour créer une discorde sociale et diviser les Canadiens les uns contre les autres, et cetera.
En raison de la réputation internationale des talents au sein de votre organisation, je vais présumer que vous disposez de la capacité technique, mais pas du mandat requis, pour vous adresser à ces entités étrangères. Vous pourriez éliminer l’un de ces robots, vous pourriez mettre une bannière clignotante indiquant qu’il s’agit d’un faux, ou quelque chose du genre, mais vous ne pouvez pas le faire pour le moment.
Dans quelle mesure le fait de disposer de vastes cyberpouvoirs, comme ceux envisagés par un projet de loi qui n’a pas encore été adopté, mais qui est devant le Sénat, améliorerait-il notre capacité d’aider Élections Canada à protéger l’intégrité de notre système électoral?
M. Jones : Dans cet exemple, assurément avec le projet de loi C-59, actuellement examiné par le Sénat, le CST dispose de pouvoirs qui seraient inclus dans ce que je pense être le domaine le plus pertinent dans ce cas, soit les opérations de cyberdéfense. C’est la capacité de tendre la main quand il n’y a pas d’autres options pour mettre fin à des activités qui ciblent le Canada. C’est l’un des domaines qui ont été approuvés par le ministère de la Défense, mais également après consultation auprès d’Affaires mondiales. Ce serait probablement le domaine le plus pertinent.
Actuellement, si nous constations ce type d’activité, il faudrait demander au pays d’origine d’arrêter. Il y a très peu de choses qui pourraient être faites. Vous pourriez essayer de bloquer l’activité, mais l’Internet canadien est ouvert. Nous n’avons pas un grand pare-feu du Canada qui nous permettrait de bloquer le contenu. Nous sommes une société libre et ouverte. À l’heure actuelle, notre seule option serait probablement de demander au pays de démanteler l’opération. Nous pourrions peut-être faire d’autres choses, mais c’est probablement la meilleure option. Dans le projet de loi C-59, il y a le côté des opérations de cyberdéfense si ces dispositions sont adoptées, mais c’est quelque chose que nous devrions examiner : quelle incidence nous aurions à cet égard.
Le sénateur Gold : Lors de vos consultations avec Élections Canada — et nous en resterons au sujet étudié par le comité, bien sûr — et des relations que vous entretenez avec d’autres entités gouvernementales, dans quelle mesure ces gens vous demandent-ils de jouer un rôle de protection plus musclée à leur endroit? Pouvez-vous parler de leur ouverture au fait que vous puissiez fournir ce genre d’assistance?
M. Jones : Absolument. Les relations avec Élections Canada sont solides et franches, mais les responsables sont également francs quant à leur rôle d’arbitre indépendant. En tant qu’entité gouvernementale, nous respectons le fait qu’ils sont indépendants. Ils ont un rôle à jouer pour préserver l’indépendance dans cette sphère par rapport au pouvoir exécutif. C’est là un aspect de la relation, ils diront que c’est quelque chose qu’ils n’envisagent pas.
Nous discutons ouvertement des menaces auxquelles nous sommes confrontés, de la technologie utilisée, de l’architecture et de ce qu’ils essaient de réaliser à l’avenir. C’est la raison pour laquelle il s’agit de relations de longue date. Malheureusement, la cybersécurité met des années à se concrétiser. Toutefois, c’est un échange franc. Lorsque nous faisons des choses comme établir des contrats, nous travaillons avec eux sur l’application de dispositions appropriées en matière de sécurité. Le secteur privé est un partenaire important de la cybersécurité. Cela fait partie de tout ce que nous faisons. C’est une relation globale dans laquelle nous cherchons toujours à déterminer ce qui va suivre et ce sur quoi nous devrions travailler. L’avenir laisse entrevoir des aspects intéressants, mais l’essentiel est que ce soit une relation robuste et critique. Dans le cadre de notre mandat, je pense qu’il est essentiel non seulement d’aider Élections Canada, mais également de respecter son indépendance et de lui donner certains des outils qu’il peut utiliser pour protéger lui-même les élections.
Le président : Merci. Nous pourrions avoir d’autres questions à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’ai l’impression que nous sommes à la merci de la bonne volonté des plateformes numériques, des Facebook, Google et Twitter de ce monde. Facebook disait qu’il y avait parmi ses membres environ 200 millions de faux profils et que 7 500 personnes, des modérateurs, tentaient d’identifier tous ces comptes problématiques.
Nous avons entendu la ministre dire qu’il y a des discussions et une collaboration avec les géants du monde numérique. Malgré cela, je ne sens pas du tout que nous maîtrisons la situation. Avez-vous vos propres algorithmes ou vos propres logiciels d’identification de faux comptes ou sommes-nous devenus complètement dépendants des systèmes de vérification interne de Facebook et autres plateformes numériques de ce monde?
[Traduction]
M. Jones : C’est une question difficile, car il y a tellement d’utilisateurs dans le monde, y compris des Canadiens. Les renseignements qui seraient nécessaires sont entre les mains des entreprises de médias sociaux. Nous devons vraiment compter sur celles-ci pour modérer la plateforme qu’elles ont créée et qu’elles permettent de faire fonctionner de cette manière.
L’un des éléments clés pour nous est le suivant : pouvons-nous commencer à voir les liens avec l’étranger? Nous nous concentrons beaucoup sur les efforts étrangers et les organisations étrangères qui pourraient essayer de cibler le Canada, et nous tentons de devancer la menace de cette façon. C’est là qu’il est essentiel que notre mandat sur le renseignement étranger et notre mandat de cyberdéfense se rejoignent.
Au final, les entreprises de médias sociaux sont propriétaires de leurs plateformes. Ce sont les données de leurs clients, et nous comptons sur elles pour prendre des mesures contre les faux comptes, les comptes factices et la fausse information. Le dilemme actuel dans l’espace des médias sociaux est de savoir qui est responsable de cette plateforme quand il s’agit d’une plateforme internationale très répandue dans le monde qui permet aux utilisateurs d’afficher ce qu’ils veulent.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce qu’on devrait apporter des amendements qui pourraient servir de bras de levier? Cela nous permettrait, d’une part, étant donné que nous n’avons pas la collaboration de ces plateformes, d’agir nous-mêmes en les poursuivant et, d’autre part, de travailler avec l’information pour développer et utiliser nos propres algorithmes.
J’imagine qu’avec tous ces gens qui travaillent dans vos bureaux, vous avez vos propres algorithmes et vos logiciels de reconnaissance de mots clés et d’identification des menaces. Avec tous vos outils, vous êtes probablement mieux équipés que les gens de Facebook, mais vous ne pouvez pas les utiliser.
[Traduction]
M. Jones : Pour le moment, nous nous attachons à essayer de travailler avec l’une ou l’autre de ces entreprises du secteur privé dans le cadre de certains des partenariats que nous avons conclus avec d’autres ministères en vue d’améliorer leur connaissance de ce que nous observons. Nous n’examinons pas le contenu de Twitter pour ce qui est du contenu en temps réel; nous devons compter sur les entreprises de médias sociaux afin qu’elles s’en chargent. Pour faire face au volume des entreprises de médias sociaux, nous devons leur demander de regarder leurs plateformes et de voir comment elles peuvent gérer ce type d’activité et les outils requis pour le faire. Je pense qu’il vaut probablement mieux laisser cela entre vos mains. Je ne suis pas sûr que mon organisme soit le mieux placé pour offrir une protection à cet égard.
[Français]
Patrick Clow, directeur, Gestion des incidents et coordination opérationnelle, Centre de la sécurité des télécommunications : Notre approche comprend aussi une campagne de sensibilisation qui vise à éduquer les Canadiens sur le genre de mesures qu’ils peuvent prendre pour comprendre le problème et possiblement identifier de l’information qui n’est pas nécessairement bien contrôlée ou bien soumise à travers certaines plateformes que vous avez mentionnées.
Au mois d’octobre dernier, nous avions une campagne de sensibilisation sur notre site intitulée « Pensez cybersécurité », avec des articles qui traitaient de ce genre d’activité.
Comme M. Jones l’a dit, c’est une situation complexe. Les compagnies contrôlent leurs plateformes et puis, oui, il est important de travailler avec elles sur ce problème. Nous essayons d’offrir plusieurs rubriques d’information qui peuvent aider à contourner le problème de façon plus efficace.
Le sénateur Carignan : Je comprends le bien-fondé de votre campagne de sensibilisation. Par contre, lorsque nous faisons cela, les gens peuvent douter de l’information légitime qu’ils reçoivent. Dans un tel cas, c’est terrible, parce que les gens ne savent plus à qui faire confiance.
M. Clow : Lorsque nous développons du matériel pour nos campagnes de sensibilisation, nous offrons une information générale qui contient des étapes à suivre qui vont aider, dans un premier temps, à identifier la source d’information et à vérifier une autre source pour confirmer et voir si la même information est diffusée dans d’autres sites qui offrent ce genre d’information.
Le sénateur Carignan : Une des réponses, tout à l’heure, indiquait que, si l’information provient d’un pays étranger, il s’agit de contacter le pays pour lui demander de fermer le compte. Est-ce que nous avons des ententes de réciprocité avec les pays pour faire en sorte que nous ayons le pouvoir de le faire et qu’ils aient l’obligation de fermer ce compte, comme cela se fait, par exemple, dans des dossiers d’extradition?
[Traduction]
M. Jones : En tant qu’équipe d’intervention en cas d’urgence informatique nationale au pays, nous avons conclu plusieurs accords internationaux, mais chaque pays prend des mesures. Nous chercherions aussi à collaborer avec nos partenaires de la GRC en ce qui concerne le recours au processus juridique également. Vous apportez tous les outils à utiliser à ce moment-là, y compris nos partenaires du Service canadien du renseignement de sécurité, car nous voulons essayer de tirer parti de tous les outils. Il n’y aurait aucune obligation. Toutefois, dans de nombreux cas, certainement avec les pays alliés, nous agissons tous dans le cyberespace. Si nous pensons que quelque chose provient de notre pays, nous travaillerons pour tenter d’agir.
[Français]
Le sénateur Carignan : Nous n’avons pas d’entente avec la Russie ou avec la Chine.
[Traduction]
M. Jones : Pas à ma connaissance.
La sénatrice Batters : Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui.
Monsieur Lee, lorsque notre comité a été saisi de la Loi sur l’intégrité des élections en 2014, vous avez comparu et fourni de précieux renseignements sur l’identification. Vous y avez fait référence rapidement aujourd’hui, mais je voulais vous donner l’occasion d’en parler davantage, puisque c’est une des raisons pour lesquelles le gouvernement actuel dit que nous devons utiliser les cartes d’information de l’électeur, qui sont truffées d’erreurs, comme pièce d’identité afin de déterminer l’adresse. Selon ce que je me souviens de votre témoignage en 2014, les démunis et les plus vulnérables de notre société possèdent en réalité beaucoup plus de pièces d’identité que les autres Canadiens. Vous avez mentionné brièvement cela aujourd’hui, mais je voulais vous donner la possibilité d’en dire plus sur ce sujet parce qu’il s’agit d’un véritable mythe dans ce domaine. Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
M. Lee : Merci de la question. C’est un mythe, et il est profondément ancré chez nombre de Canadiens qui croient que, si une personne est marginale, elle le sera dans toutes les dimensions, y compris le fait de ne pas avoir de pièce d’identité.
Je ne vous ai pas raconté toute l’histoire. J’ai travaillé pendant quatre ans dans une société de financement qui s’occupait de beaucoup de gens à faible revenu avant d’être recruté par la Banque de Montréal. Les sociétés de financement étaient en quelque sorte les prédécesseures des sociétés de prêt sur salaire dans les années 1970, et c’est là où j’ai acquis mon expérience en matière de pièce d’identité. Dans une institution financière, c’est absolument essentiel.
Comme je l’ai dit, j’ai fait des recherches là-dessus et ce que j’ai découvert, c’est que certaines personnes pensent que c’est facile d’obtenir de l’argent du gouvernement en présentant une demande de prestation, mais, en règle général, nos fonctionnaires font preuve de diligence, alors on ne peut pas seulement se présenter dans une institution et demander un chèque de pension de vieillesse sans présenter une pièce d’identité. Ça ne fonctionne pas comme cela. Si on veut obtenir de l’aide sociale ou gouvernementale, peu importe la façon dont vous le dites, en Ontario, la demande sera scrutée à la loupe. Il est vraiment difficile d’obtenir de l’aide sociale. Certaines personnes disent que c’est facile, mais ce n’est pas le cas. J’ai été très surpris lorsque j’ai consulté la liste. On doit présenter ses comptes bancaires, son loyer, des chèques annulés et ses déclarations de revenus. Je n’ai jamais eu à présenter cela à qui que ce soit. Je n’ai jamais reçu d’aide gouvernementale quelconque. Cette liste s’ajoute au permis de conduire ordinaire, si la personne en a un, et ainsi de suite. C’est vraiment remarquable que les gens doivent prouver leur identité et fournir des pièces d’identité afin d’établir qui ils sont et, j’imagine, démontrer un certain besoin financier.
Un autre élément déclencheur pour moi, c’est lorsque je discute de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, qui fait des déclarations formidables à l’occasion; une de ses déclarations, il y a quatre ans, c’était que les étudiants n’avaient pas de pièces d’identité. C’est tout simplement faux. Je suis dans le secteur universitaire depuis 30 ans, ce qui représente un tiers de siècle. Je surveille tous les examens depuis 30 ans. Je dis aux étudiants que j’accepte toutes les pièces d’identité avec photographie. Je ne suis pas difficile : apportez votre passeport, votre carte d’étudiant ou votre permis de conduire. Peu importe le document, du moment qu’il s’agit d’une pièce d’identité avec photographie délivrée par un gouvernement. Les étudiants apportent toutes les formes imaginables de pièces d’identité. L’idée qu’ils n’ont pas de pièce d’identité est une légende urbaine.
Au cours des six semaines où j’ai analysé la question, je savais qu’il y avait nombre de pièces d’identité, beaucoup plus que lorsque j’étais jeune dans les années 1970. À cette époque, il y en avait beaucoup moins. Aujourd’hui, il en existe toute une pléthore, en partie parce que les gouvernements sont plus gros, plus complexes et plus sophistiqués, et ils sont plus diligents, ce qui est une bonne chose.
On fait preuve aujourd’hui de beaucoup plus de diligence raisonnable pour délivrer un passeport qu’il y a 30 ou 40 ans, ou même pour émettre une carte d’étudiant. Nous sommes beaucoup plus exigeants quant aux pièces d’identité que les étudiants doivent nous montrer pour leur inscription qu’il y a 30 ans. L’idée que nous avons moins de pièces d’identité, ou très peu, en quelque sorte, est simplement contraire à l’évolution des économies de pointe des derniers 40 ou 50 dernières années. Nous avons beaucoup plus de pièces d’identité complexes et sophistiquées, allant du passeport jusqu’au numéro d’assurance sociale en passant par les cartes d’assurance-maladie provinciales, les permis de conduire et ainsi de suite. La tendance s’accentue au lieu de se renverser.
Je crois que chaque Canadien ou chaque Canadienne sait combien il y a de pièces d’identité dans son portefeuille ou dans son sac à main ou peu importe l’endroit où elles sont conservées. J’ai tellement de pièces d’identité que je ne les garde pas toutes sur moi parce que mon portefeuille n’est pas assez grand pour toutes les contenir, sinon il serait tellement énorme qu’il déchirerait la poche de mon pantalon. Je ne me munis que des cinq ou six pièces d’identité essentielles, et ce sont celles-là que je conserve sur moi parce que j’en ai trop. Encore une fois, je ne suis pas une personne hors du commun. Je crois que nombre de Canadiens vivent cette réalité.
La sénatrice Batters : Il y a un épisode de Seinfeld qui porte sur ce type de portefeuille.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse aux gens du domaine de la sécurité. Si vous relevez une source étrangère qui essaie de s’ingérer au Canada, sous forme de trolls ou d’autres moyens pour communiquer des messages, mais que vous avez une indication claire qu’elle provient de l’extérieur du Canada et qu’elle peut être liée à un pays étranger, avez-vous la capacité de la neutraliser et de vous assurer qu’elle n’atteigne plus les Canadiens?
M. Jones : Actuellement, les pouvoirs du CST sont limités. Nous serions en mesure de faire rapport à ce sujet. Nous transmettons l’information à d’autres organismes, comme des partenaires de la GRC ou des services de sécurité étrangers, qui peuvent être en mesure de faire quelque chose à l’échelle internationale sur le plan de la criminalité. Il faudrait demander au pays étranger de prendre des mesures, mais, à l’heure actuelle, nous n’avons pas le pouvoir d’agir de quelque façon que ce soit dans les pays étrangers pour neutraliser la menace.
Le sénateur Dalphond : Ce projet de loi ne changera pas la situation.
M. Jones : Le projet de loi C-76 ne modifie aucun pouvoir du Centre de la sécurité des télécommunications.
Le sénateur Dalphond : Nous avons vu, aux États-Unis, des altercations éclater entre des groupes qui manifestent et des groupes opposants qui se trouvent de l’autre côté de la rue. De telles manifestations pourraient être organisées ici et vous ne pourriez pas les empêcher?
M. Jones : S’il s’agissait de groupes étrangers, nous ne pourrions rien faire en vertu du projet de loi C-76. Les pouvoirs proposés dans le projet de loi C-59 modifieraient l’ensemble des pouvoirs du CST, mais c’est un projet de loi distinct du projet de loi C-76.
Le sénateur Dalphond : Si le projet de loi C-59 entrait en vigueur, vous pourriez-vous empêcher ces types de choses de se produire?
M. Jones : Il donnerait au CST le pouvoir, avec l’approbation du ministre de la Défense et après avoir consulté le ministère des Affaires étrangères, de déployer des cyberopérations défensives s’il s’agissait de la mesure nécessaire pour obtenir le résultat voulu pour l’activité défensive.
Le sénateur Dalphond : J’ai peut-être une petite question pour monsieur Lee. Je prends souvent le train et je n’ai besoin que d’une pièce d’identité. À votre avis, pourquoi une seule pièce d’identité ne suffit-elle pas pour voter?
M. Lee : S’il s’agissait d’une pièce d’identité avec photographie délivrée par un gouvernement, ce serait plus que suffisant. Selon moi, un permis de conduire ou un passeport sont des pièces d’identité avec photographie. L’adresse ne me préoccupe pas. Idéalement, on veut une adresse et une photographie, et les permis de conduire provinciaux affichent ces renseignements. Toutefois, vous avez tout à fait raison, nous n’avons pas besoin d’exiger quatre, cinq ou six pièces d’identité.
Le sénateur Dalphond : Les Canadiens ont besoin de deux pièces d’identité pour voter.
M. Lee : Une pièce d’identité suffit.
Le sénateur Dalphond : Et la carte que reçoit l’électeur d’Élections Canada qui comporte l’adresse et deux pièces d’identité qui vous identifient avec votre nom suffiraient.
M. Lee : Vous en demandez maintenant deux en ajoutant la carte d’information de l’électeur.
Le sénateur Dalphond : La loi en exige deux.
M. Lee : Mon problème avec la carte d’information de l’électeur, c’est que ce n’est pas une pièce d’identité. On ne fait pas preuve de diligence raisonnable lorsqu’on délivre cette carte. N’importe qui peut mettre son nom. On peut inscrire « Père Noël » et personne ne dira : « Attendez un instant. Vous n’êtes pas le père Noël. » On ne fait pas preuve de diligence raisonnable.
Le sénateur Dalphond : Vous avez une carte avec photographie, mais l’adresse n’y figure pas, alors avec la carte d’information de l’électeur, c’est suffisant.
M. Lee : On croirait parler d’une invention de Rube Goldberg, quelque chose d’indûment complexe alors qu’on peut en venir à l’essentiel et exiger une seule pièce d’identité avec photographie délivrée par un gouvernement; cela réglera ces problèmes.
Le sénateur Dalphond : Avec l’adresse?
M. Lee : Laissez-moi vous lancer quelques chiffres. J’ai fait des recherches à cet égard. Le nombre de permis de conduire dépasse de loin le nombre d’électeurs enregistrés. Ce sont les chiffres de Transports Canada, et je peux les fournir au comité par la suite, mais, même si on ne tient pas compte des personnes âgées de 16 à 18 ans qui n’ont pas le droit de vote, il y a encore beaucoup plus de personnes de plus de 18 ans qui possèdent un permis de conduire au Canada que de personnes admissibles à exercer leur droit de vote. Je ne peux pas démontrer qu’il existe une parfaite concordance et que chaque électeur possède un permis de conduire, mais c’est assez proche.
Le sénateur Dalphond : Saviez-vous que, au cours de la dernière élection, 49 000 personnes qui disaient être canadiennes se sont vu refuser le droit de vote parce qu’elles n’avaient qu’une seule pièce d’identité?
M. Lee : Non, je ne le savais pas.
Le président : Monsieur Jones, j’aimerais revenir sur la portée de votre mandat afin que les sénateurs et les téléspectateurs canadiens le comprennent bien. À la page 3 de votre exposé, vous affirmez que le CST, qui est votre organisme, a tenu nombre de réunions particulièrement productives avec les responsables des élections pour discuter des conclusions du rapport, dans un premier temps, et leur offrir des conseils en matière de cybersécurité. Par conséquent, vous êtes un chien de garde relativement à ce qui se passe dans le monde virtuel pour ce qui est du processus électoral et, en même temps, vous êtes le conseiller du directeur général des élections en ce qui a trait à la menace qui pèse sur le système et vous lui donnez des conseils quant à ce qu’il doit bloquer ou empêcher. Est-ce une bonne description de votre rôle dans la protection générale de l’intégrité du système?
M. Jones : Absolument. Nous nous assurons que le directeur général des élections est au fait des menaces et nous l’aidons à prendre des décisions en matière de cybersécurité et, lorsque ces décisions sont prises, à les mettre en œuvre de la meilleure façon qui soit. Il s’agit d’appuyer sa capacité de renforcer le système dont il a besoin pour tenir l’élection.
Le président : La prochaine élection fédérale doit se tenir le 21 octobre prochain, soit dans moins d’un an, alors je parie que vous communiquez souvent avec le directeur général des élections pour lui signaler ce qui se passe dans le monde virtuel en ce qui concerne l’élection.
M. Jones : Nous collaborons avec Élections Canada et parlons de l’élection de 2019 depuis avant l’élection de 2015.
Le président : Cependant, vous renforceriez certainement votre surveillance parce que, compte tenu de ce que nous avons appris de l’intervention russe dans le cadre de laquelle 50 000 comptes ont été créés au cours de l’année précédant l’élection aux États-Unis — nous savons la date, comme nous connaissons maintenant celle de l’élection au Canada —, on veut que le Canada soit en mesure de surveiller ce qui se passe 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
M. Jones : Nous sommes toujours à l’affût des activités qui pourraient actuellement cibler le Canada, selon les priorités du gouvernement, mais nous examinons également l’évolution de la menace. Nous avons aussi conscience de la manière dont la technologie progresse et de la façon dont les gens commencent à modifier et à manipuler le système.
Je me rappelle les tout débuts des médias sociaux. Je pense qu’aucun d’entre nous n’aurait pensé, le jour où il a ouvert son tout premier compte Facebook ou Twitter, que ces plateformes deviendraient des outils de manipulation du processus démocratique. Je me disais simplement que c’était une façon agaçante pour les gens de nous dire ce qu’ils avaient mangé pour souper. Ensuite, nous avons publié des photographies de famille. C’est à cette fin que nous utilisions Facebook quand j’ai ouvert mon premier compte. Je n’aurais jamais prévu cela. En tant qu’informaticien et ingénieur, je n’aurais jamais prédit que c’est dans cette direction qu’iraient ces plateformes. Je pense que c’est ce qui nous cause des difficultés.
Il s’agit toujours de regarder comment évolue la menace et où elle se dirige, et c’est l’un des domaines dans lesquels l’espace technologique évolue très rapidement. Nous devons toujours suivre cette évolution de très près. Nous devons toujours être à l’affût de ce que seront les nouveaux vecteurs et tenter de penser comme le fait un adversaire au sujet de la façon de manipuler une société ouverte comme la nôtre au moyen de la technologie et de l’environnement en ligne.
Le président : Avez-vous un lien avec les plateformes, comme l’a mentionné le sénateur Carignan, telles que Google, Facebook et Twitter? Si elles sont de bonne foi, elles ont l’intérêt commun de prévenir ces occurrences. Y a-t-il un point de rencontre entre votre organisme et les plateformes vous permettant, lorsque vous vous rendez compte de l’existence d’un risque, de les alerter, après quoi elles réagissent?
M. Jones : Nous entretenons des relations avec un grand nombre d’entreprises, y compris des médias sociaux. Je pense que l’élément clé, en ce qui nous concerne, c’est que ce sont des experts de leur plateforme et que nous sommes des experts en matière de menaces, alors c’est ainsi que nous pouvons échanger ces renseignements.
Nous travaillons également avec nos alliés de partout dans le monde. Nous faisons face aux mêmes types de menaces, alors comment pouvons-nous tous travailler ensemble, collectivement, comme il faudra le faire, dans la cadre de notre préparation à tous les processus démocratiques que nous nous attendons à voir au sein de tous nos pays? C’est là que nous mettons à profit les partenariats internationaux, principalement avec nos partenaires de base aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie. C’est ainsi que nous pouvons tous travailler ensemble sur ces types de choses.
Nous parlons aux responsables des plateformes. Nous tentons d’expliquer comment nous mettons à profit toutes les choses qui se passent afin de mieux pouvoir accroître la sécurité du Canada et des Canadiens. Toutefois, le fait est qu’il s’agira en partie pour nous tous, en tant que consommateurs d’informations, de porter un regard critique. Comme l’affirmait Pat, il est essentiel que nous soyons également des consommateurs d’informations prudents. C’est très difficile, et nous l’admettons. Voilà pourquoi nous tentons de donner des outils, des techniques et des connaissances générales.
Le président : Quelle est la taille de votre organisme? Combien de personnes travaillent avec vous?
M. Jones : Le centre pour la cybersécurité, en soi, compte environ 700 personnes, mais cela comprend les responsables de tous les produits cryptographiques que le gouvernement utilise ainsi que les employés qui répondent aux appels des personnes aux prises avec un cyberincident et qui fournissent les services connexes, en plus de tous ceux qui se trouvent entre les deux et de tous les experts en matière de technologie.
Le président : Combien se consacrent aux élections?
M. Jones : Il est difficile pour moi de les répartir ainsi parce que certains de nos employés donnent des conseils et des consignes sur la prise de mesures. Le système électoral ressemble à ceux qui sont utilisés ailleurs, alors il s’agit de la façon dont nous appliquons les connaissances générales à des cas précis. Le nombre fluctue en fonction de ce sur quoi nous travaillons à un moment donné.
Comme nous effectuons la transition vers les élections générales de 2019, les systèmes sont en place, alors il n’est pas question de donner des conseils ou des consignes et de se préparer pour l’avenir. Notre travail se transforme en une mission de défense cybernétique. Comment pouvons-nous protéger les systèmes et leur intégrité? Comment pouvons-nous travailler avec les fournisseurs de services commerciaux? Soudainement, on passe des architectes aux défenseurs et aux responsables des partenariats qui travaillent avec les entreprises du secteur privé, les sociétés de communication, afin de sécuriser tout l’environnement. Cela change au fil du temps.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’aurais une sous-question pour faire suite à celle que vous venez de poser, monsieur le président.
Vous nous avez parlé d’une formation que vous offrez à des parlementaires. J’aimerais en savoir davantage à ce sujet. Il me semble, si je comprends bien la nature de votre mandat, que vous devez soutenir le directeur général des élections ainsi que le commissaire aux élections dans leurs autorités respectives et qu’il leur revient d’intervenir et d’exercer le maximum de leur pouvoir à partir du soutien que vous leur fournissez. Avez-vous une responsabilité plus large, d’une certaine manière, pour couvrir les cybermenaces en général et non seulement celles qui concernent le processus électoral dans le sens le plus étroit?
Vous nous avez dit que vous vous intéressez aux parlementaires, monsieur Clow, mais vous avez parlé également d’une campagne de sensibilisation auprès des Canadiens. Incluez-vous les sénateurs dans ces Canadiens? En fait, vous dites que la cybersécurité est un sport d’équipe; s’agit-il de hockey ou de nage synchronisée? Je crois que les sénateurs font partie de l’équipe qui devrait s’intéresser à la cybermenace et à la cybersécurité. La preuve, c’est que certains sénateurs sont victimes d’interférence sur leur site. Avez-vous un mandat de cet ordre avec les sénateurs? Êtes-vous prêt à le considérer dans le cadre de votre mandat actuel?
[Traduction]
M. Jones : Absolument. À mes yeux, notre mandat inclut une vaste campagne de sensibilisation auprès de tous les Canadiens, mais, ensuite, on arrive aux activités adaptées sur mesure.
Premièrement, l’un des aspects que nous examinons, c’est la façon de soutenir tout candidat à une fonction politique et de lui donner des conseils concrets qu’il pourra appliquer afin d’assurer sa propre cybersécurité. Le même principe s’applique aux parlementaires, qui font face à une menace unique en tant que représentants du peuple. Nous travaillons de quelques manières différentes. Nous serons toujours heureux de parler de cybersécurité et de la façon dont les gens peuvent prendre des mesures pour se protéger en ligne. Il peut s’agir d’une séance à huis clos. Je serai ravi de le faire et de répondre aux questions.
Deuxièmement, nous publions sur notre site web beaucoup de documents qui présentent seulement de simples conseils que nous pouvons tous appliquer. Nous tentons de les formuler de manière à ce que des gens ordinaires puissent les utiliser. Cela n’a pas toujours été notre point fort. Nous avions tendance à rédiger les choses d’une manière très technique, alors nous avons tenté d’en faire un document pratique pour les gens.
Troisièmement, il y a les séances d’information personnalisées. L’une des choses que nous avons faites quand nous avons publié Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada a été de venir en faire un compte rendu, d’expliquer notre réflexion et sa signification. Nous avons tenté de le faire de façon détaillée. Nous serions heureux de faire cela.
Quatrièmement, nous travaillons avec les responsables de la Cité parlementaire afin de fournir tous les documents dont nous disposons. Je sais que les parlementaires sont dotés d’un programme de sécurité très solide, alors nous tentons de leur fournir du soutien relativement à ce que nous produisons.
Le président : Avant que j’aie le plaisir de vous remercier, monsieur Jones, dans votre exposé, vous avez mentionné que vous aviez publié en juin 2017 une évaluation non classée des cybermenaces pour le processus démocratique du Canada. Si je vous ai bien compris, vous avez affirmé être en train de la mettre à jour. Auriez-vous l’obligeance de communiquer aux sénateurs ce rapport à jour de l’évaluation, ce que vous pouvez publier, bien entendu, pour notre information et pour que nous sachions ce qui se passe?
M. Jones : Concernant le rapport en tant que tel, actuellement, nos évaluateurs sont seulement en train de parcourir le document. Nous disposons du rapport qui avait été publié en 2017, l’été dernier. Nous faisons maintenant un survol de toute la recherche afin de la mettre à jour, alors il n’y a pas encore de rapport à publier. Pour l’instant, les évaluateurs examinent toutes les données dont nous disposons, ce que nous avons observé, le changement dans l’environnement de menace. Nous allons commencer à rédiger ce rapport. Notre but est qu’il soit terminé et mis à jour le plus près possible de la date des élections, mais avant le début des véritables activités électorales, simplement pour le mettre à jour en fonction de l’environnement de menaces qui pèse sur le processus le plus près possible de la date des élections, alors au premier trimestre de 2019.
Le président : D’ici le mois d’avril, nous devrions y avoir accès?
M. Jones : C’est le but.
Le président : Nous pourrions peut-être vous inviter à nous le présenter à ce moment-là.
M. Jones : J’en serais tout à fait ravi.
Le président : Alors, vous avez une deuxième invitation.
Merci beaucoup, messieurs Jones, Clow et Lee. Comme vous le voyez, on s’intéresse de près à tous les enjeux qui sont liés à la protection de l’intégrité du processus démocratique au Canada.
Merci beaucoup.
(La séance est levée.)