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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 54 - Témoignages du 6 décembre 2018


OTTAWA, le jeudi 6 décembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 10 h 39, afin de poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous vous souhaitons la bienvenue à notre séance matinale du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Traduction]

Nous reprenons notre étude du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.

Nous avons dû interrompre cette étude pour traiter en priorité du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada. Comme nous avons terminé l’étude de ce projet de loi, nous pouvons revenir à celui-ci.

Nous avons le plaisir d’accueillir ce matin des représentants du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada.

[Français]

Nous avons le plaisir d’accueillir M. Michael Olsen, directeur général des affaires corporatives du ministère. Il est accompagné de M. Simon Cardinal, directeur général du Secrétariat aux affaires générales.

[Traduction]

Je crois que vous connaissez notre façon de procéder, monsieur Olsen.

Avant de vous inviter à présenter votre exposé, je dois toutefois informer mes collègues sénateurs qu’ils ont en main des copies dans les deux langues officielles du rapport annuel de votre ministère relativement à l’administration de la Loi sur l’accès à l’information. Je suggère à chacun de le garder à portée de la main, car on y trouve toutes sortes de graphiques et de données très précises. Tout cela pourrait vous être utile dans votre analyse et vos échanges avec MM. Olsen et Cardinal. Monsieur Olsen, à vous la parole.

Michael Olsen, directeur général, Affaires corporatives, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Merci, monsieur le président. Bonjour à tous. Je m’appelle Michael Olsen et je suis directeur général des Affaires corporatives à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). Je suis accompagné de Simon Cardinal qui est directeur général du Secrétariat aux affaires générales de notre ministère. Je tiens à vous remercier de nous accueillir aujourd’hui.

J’aimerais d’abord vous parler du rendement de notre ministère quant à l’administration de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je traiterai ensuite du projet de loi C-58, avant de répondre aux questions des membres du comité.

Notre ministère a une division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) comptant quelque 107 employés et un réseau de 33 agents de liaison dans nos directions générales et nos bureaux régionaux.

[Français]

En 2012-2013, le ministère a reçu 30 124 demandes d’AIPRP. Depuis, le nombre de demandes a plus que doublé. Au courant de l’année 2017-2018, nous avons reçu plus de 77 602 demandes d’AIPRP, ce qui représentait une hausse de 23 p. 100 par rapport à l’année précédente. Pour l’année en cours, nous observons à nouveau une hausse de 23 p. 100 du nombre de demandes reçues. En 2017-2018, notre dernière année de déclaration, IRCC a reçu plus de demandes d’accès à l’information que toute autre institution fédérale. IRCC reçoit plus ou moins la moitié de toutes les demandes d’AIPRP adressées au gouvernement fédéral.

[Traduction]

Malgré cette hausse marquée du nombre de demandes, le ministère a pu maintenir un taux de conformité de 71,5 p. 100 pour l’accès à l’information et de 59 p. 100 pour l’accès aux renseignements personnels. La division de l’AIPRP a su faire montre de l’efficience nécessaire pour gérer ce volume croissant de demandes en respectant les délais prévus par la loi.

Le ministère a lancé différentes initiatives en vue d’améliorer son rendement et d’aplanir les difficultés qui se posent actuellement. Même si ces initiatives nous ont permis d’accroître notre productivité année après année, nous continuons d’élaborer des stratégies en vue d’augmenter notre efficience, ce qui nous permet de réduire notre arriéré de cas et d’améliorer notre taux de conformité.

Le ministère continue de collaborer avec les intervenants de l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada et de l’Association du Barreau canadien, lesquels sont à l’origine de plus de 60 p. 100 de toutes les demandes d’AIPRP que nous recevons. Notre division responsable de ces questions offre des séances d’information, communique ses pratiques les plus efficaces et travaille en étroite collaboration avec les parties prenantes.

La vaste majorité des demandes d’AIPRP reçues et traitées par notre ministère concernent des dossiers d’immigration. Le ministère détient des renseignements au sujet de millions de particuliers et recueille chaque année des quantités considérables de données personnelles via les demandes de citoyenneté, de passeport, et de visa de résident permanent et de résident temporaire. Tout cela a une incidence directe sur le nombre croissant de demandes d’accès à l’information que nous recevons.

Le ministère dirige un groupe de travail qui s’emploie à déterminer les causes profondes de l’augmentation du nombre de demandes d’accès à l’information, et à élaborer un plan d’action en vue d’améliorer le rendement de la division. Nous cherchons des moyens de faire en sorte que nos clients ressentent moins le besoin de formuler des demandes d’accès à l’information, ce qui se traduira en bout de ligne par un meilleur service à la clientèle.

Depuis le début du présent exercice financier, les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée ont reçu un total de 280 plaintes officielles, ce qui représente moins de 1 p. 100 de l’ensemble des demandes traitées durant cette période.

Notre ministère prend très au sérieux son obligation de prêter assistance. La division de l’AIPRP informe les demandeurs des retards possibles. Nous prenons en outre des mesures proactives en vue de minimiser le nombre de plaintes.

Le ministère offre ainsi différentes activités de formation, en personne et en ligne, y compris des ateliers, des cours obligatoires et facultatifs et des séances de sensibilisation. Ces activités de formation visent surtout à faire en sorte que les employés du ministère sachent notamment à quel point il est important de protéger la vie privée des clients et leurs renseignements personnels.

Le ministère adhère totalement au principe d’une transparence accrue et d’une plus grande accessibilité de l’information pour les Canadiens. De manière à répondre aux attentes de la population, nous nous préparons à assurer une mise en œuvre efficace des dispositions du projet de loi C-58 lorsqu’il aura été adopté.

[Français]

Monsieur le président, je tiens à vous remercier encore une fois de nous avoir invités à présenter le point de vue d’IRCC sur cet important sujet et de nous avoir accueillis aujourd’hui. C’est avec plaisir que nous répondrons maintenant aux questions des membres du comité.

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. Monsieur Olsen, vous nous parlez d’une hausse de 23 p. 100 des demandes d’accès à l’information pour l’année 2017 et, en ce qui concerne l’année 2018, il semble que vous surpasserez ce pourcentage. Y a-t-il un lien à faire entre ces hausses et l’augmentation du nombre d’immigrants illégaux qui entrent au pays?

[Traduction]

M. Olsen : La plupart des demandes d’accès à l’information concernent les visas de résident temporaire. Chaque année, le ministère traite plusieurs millions de demandes de visa de résident temporaire. Généralement, les gens auxquels on refuse un tel visa veulent savoir pourquoi.

Nous ne prévoyons pas une forte hausse du nombre de demandes d’accès à l’information en raison de l’immigration clandestine. Nous ne faisons pas nécessairement de suivi à cet égard. Il s’agit d’un nombre relativement faible de cas comparativement au volume total de demandes que nous recevons.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Comment justifiez-vous alors cette augmentation qui se produit plus ou moins en même temps que l’arrivée d’immigrants illégaux au Canada ?

[Traduction]

M. Olsen : Il y a peut-être une corrélation, mais je ne crois pas qu’il y ait de relation de cause à effet. Si je ne m’abuse, le nombre de demandes de visa de résident temporaire augmente actuellement de plus de 20 p. 100 par année. À ma connaissance, c’est le principal facteur à l’origine de la hausse du nombre de demandes d’accès à l’information.

Comme je l’indiquais, nous effectuons une analyse des facteurs qui incitent les gens à présenter des demandes d’accès à l’information. Dès que nous connaîtrons les résultats de cette analyse, nous mettrons en œuvre des initiatives en vue d’essayer de réduire le nombre de demandes d’accès à l’information que nous recevons. Nous verrons alors exactement lesquelles de ces initiatives portent fruit parce que nous sommes parvenus à bien cibler les facteurs qui amènent les gens à formuler de telles demandes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Comme ces gens qui entrent au Canada de façon illégale risquent d’être aux prises à un moment donné avec la possibilité d’être déportés, cela peut-il engendrer une recrudescence des demandes d’accès à l’information?

[Traduction]

M. Olsen : C’est possible. Je ne peux pas vraiment avancer d’hypothèses quant au nombre de demandes que nous avons reçues ou que nous pourrions recevoir dans de telles circonstances.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Quel type de clientèle est à l’origine de l’augmentation des demandes que vous connaissez à l’heure actuelle? Des avocats? Des agences gouvernementales? Des organismes de soutien aux immigrants? De quels secteurs de la société ces demandes proviennent-elles?

[Traduction]

M. Olsen : Comme je le disais, la vaste majorité de nos demandes concernent des dossiers d’immigration. Généralement, il s’agit de gens qui veulent savoir où en est rendue leur demande ou connaître les raisons pour lesquelles on a refusé leur demande de visa de résident temporaire, par exemple.

Je vous rappelle que le nombre de demandes de visa de résident temporaire augmente très rapidement.

Il suffit qu’une faible proportion de ceux qui essuient un refus à ce titre formulent une demande d’accès à l’information pour faire grimper très rapidement nos volumes de dossiers à traiter.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, messieurs Olsen et Cardinal, de votre présence. J’aimerais revenir aux statistiques que vous nous avez transmises. Selon les statistiques qu’on avait obtenues, 50 000 demandes avaient été faites au ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Cependant, on parle plutôt de 77 000 demandes, selon les chiffres d’aujourd’hui pour 2017. Je suis désolée, je ne veux pas vous induire en erreur. Les 50 000 demandes étaient liées à l’année 2016-2017. Les 23 p. 100 d’augmentation nous amènent à 77 000 demandes.

Lorsque vous dites que vous avez mis sur pied un groupe de travail pour amorcer une réflexion sur les raisons de cette augmentation, avez-vous dégagé des conclusions? Le groupe de travail a-t-il terminé sa réflexion ?

[Traduction]

M. Olsen : Le groupe de travail est à l’œuvre actuellement. Voilà plusieurs semaines déjà qu’il se réunit pour se pencher sur les causes profondes de cette augmentation du nombre de demandes. Nous devrions avoir sous peu en main — d’ici la fin du mois, je l’espère — le rapport d’analyse, et nous verrons ce qu’il en est. Nous aurons alors une meilleure idée des raisons pour lesquelles les gens présentent des demandes d’accès à l’information et des moyens que nous pouvons prendre pour mieux les renseigner au départ ou leur indiquer que leur demande n’est pas vraiment nécessaire, car on peut leur communiquer directement certains renseignements. Nous verrons.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Vous avez parlé des demandes de visa à titre de résidant temporaire. Des gens se demandent pourquoi leur demande de visa a été refusée ou ils veulent savoir où en est rendu leur dossier.

Estimez-vous que le processus lui-même est suffisamment clair pour les citoyens ou les aspirants citoyens? Y a-t-il des délais qui peuvent être moyens, mais qui permettent à quelqu’un qui attend un visa de savoir que son dossier est en cours de traitement? Le rapport annuel mentionne des tranches de délais de traitement qui vont de 15 jours à plus d’un an. Est-ce que ces délais sont connus des gens qui font une demande? Les citoyens peuvent-ils trouver aisément le rapport annuel du ministère afin de savoir comment leur demande est traitée en ce qui a trait aux délais, entre autres? Avez-vous ce type d’information? Est-ce que les citoyens qui passent par le système ont accès à ces informations?

[Traduction]

M. Olsen : On peut trouver sur notre site web des précisions quant aux délais d’attente prévus ou au temps de traitement moyen pour différentes catégories. Les gens peuvent ainsi un peu mieux savoir à quoi s’en tenir. Le bien-fondé de chaque demande doit bien sûr être évalué. Un temps de traitement moyen de X jours ne veut pas nécessairement dire qu’une demande donnée sera traitée à l’intérieur de ce délai. Nous faisons de notre mieux. Je ne participe pas au traitement à proprement parler, mais tous les employés du ministère font de leur mieux pour s’assurer que les demandes sont traitées aussi rapidement que possible. C’est vrai aussi bien pour les demandes d’accès à l’information que pour les demandes de visa.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Donc, il y a de l’information sur le site web, mais dans le cadre du processus lui-même, aucune information directe et précise sur ces questions n’est transmise aux personnes qui font une demande de visa.

[Traduction]

M. Olsen : Pas directement, mais Simon pourrait peut-être vous répondre mieux que moi à ce sujet. Il vient d’arriver au Secrétariat aux affaires générales en provenance du secteur des opérations.

[Français]

Simon Cardinal, directeur général, Secrétariat aux affaires générales, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Le ministère examine diverses possibilités, à savoir comment on pourrait fournir plus d’information sur les différents processus aux clients qui font une demande. Cela permettrait de diminuer le nombre de questions qui sont envoyées au Service d’accès à l’information ou par d’autres moyens. Cela prend du temps sur le plan technique. Il faut déterminer comment on peut partager l’information. C’est définitivement une solution que le ministère envisage.

La sénatrice Dupuis : Donc, la réponse à ma question pour l’instant est non. Aucune information précise n’est fournie à un demandeur de visa.

M. Cardinal : Non. Par contre, il y a des services téléphoniques et d’autres services au sein du ministère.

La sénatrice Dupuis : J’ai une question accessoire. J’aimerais avoir votre analyse de la situation. On parle de 77 000 demandes d’accès, assorties d’un nombre relativement petit de plaintes officielles. Parmi les 77 000 demandes et les 280 plaintes, y a-t-il des plaintes qui ont été réglées? Quelles sont vos relations avec le Commissariat à l’information en ce qui concerne les plaintes? Comment se fait-il que beaucoup de gens fassent une demande, mais que peu de plaintes soient déposées? Y a-t-il une explication à cela?

[Traduction]

M. Olsen : Je comprends votre question. Je ne sais pas pourquoi les gens ne formulent pas davantage de plaintes. Je suppose que c’est parce qu’ils sont satisfaits de l’information qui leur est fournie, même s’il faut davantage de temps que ce que prévoit la loi pour traiter certains cas.

Nous avons d’excellentes relations avec le commissariat à l’information. Nous n’avons ménagé aucun effort pour établir une relation de collaboration permettant de régler les plaintes aussi rapidement que possible. À toutes les deux semaines, nous tenons des téléconférences pour leur demander leur avis quant aux plaintes que nous devrions traiter en priorité. Pour nous, toutes les plaintes sont prioritaires. Nous les traitons toutes sur le même pied.

Une plainte, c’est déjà une de trop. Nous voulons toutes les traiter de la même façon, et ce, dans les plus brefs délais. Les gens du commissariat à l’information peuvent nous dire que telle ou telle plainte leur apparaît davantage problématique, et nous faisons alors le nécessaire. Selon moi, nous nous tirons très bien d’affaire. Je crois que les responsables du commissariat conviendraient avec moi que notre gestion des plaintes a été très efficace cette année.

Vous savez peut-être que pour officialiser le processus de plainte, le commissariat à l’information peut envoyer au ministère une lettre établie en vertu de l’article 35. Si la situation ne se règle pas, il peut envoyer par la suite une lettre établie en vertu de l’article 37. Au cours du présent exercice, nous avons reçu du commissariat une seule lettre en vertu de l’article 35 et aucune en application de l’article 37. L’an dernier, il y avait eu 10 lettres établies en vertu de l’article 35 et une pour l’article 37. C’était d’ailleurs la seule dans l’histoire du ministère.

Nous travaillons très efficacement avec le commissariat à l’information. Nous avons su établir une relation constructive et collaborative, et je suis fier d’y avoir contribué.

Le sénateur Gold : À la page 2 de votre rapport annuel, vous décrivez les trois unités de la division de l’accès à l’information en plus du rôle des 34 agents de liaison qui doivent coordonner ces activités. Nous avons entendu le témoignage de la commissaire à l’information qui nous a notamment indiqué à quel point il pouvait être difficile de recruter et de maintenir en poste du personnel qualifié dans ce domaine. Elle espère qu’une culture plus axée sur l’accès permettra d’attirer et de retenir davantage de personnel compétent.

Pouvez-vous nous dire comment vous vous en tirez en matière de dotation, de formation et de rétention du personnel pour les demandes d’accès à l’information? Est-ce que vos délais de réponse souffrent du fait que certains postes sont vacants? Croyez-vous que les dispositions du projet de loi C-58 vous autorisant à rejeter notamment les demandes vexatoires pourraient améliorer le contexte de travail dans ce domaine?

M. Olsen : Les demandes d’accès à l’information nous tiennent très occupés. De fait, nous recevons plus de la moitié de toutes les demandes semblables qui sont adressées au gouvernement.

Il est difficile de recruter le personnel nécessaire pour répondre à toutes ces demandes.

Des gens nous quittent pour accéder à d’autres postes. Il s’agit parfois d’employés très expérimentés que l’on doit souvent remplacer par d’autres qui le sont un peu moins. Il y a, par contre, beaucoup de gens qui veulent travailler à notre ministère, parce qu’ils savent que nous sommes le groupe le plus occupé du gouvernement pour ce qui est des demandes d’accès à l’information et qu’ils souhaitent vivre cette expérience.

Ma directrice ici présente et son équipe arrivent très bien à recruter du personnel qualifié pour travailler à la division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels. Cela dit, il peut y avoir un délai entre le départ d’un employé et l’embauche de son remplaçant, ce qui a des répercussions sur la charge de travail. Nous nous efforçons sans cesse d’accroître notre productivité et de réaliser des gains d’efficience au sein du système pour en arriver à traiter les demandes plus rapidement. Nous avons accru notre productivité de plus de 30 p. 100 cette année en revoyant simplement nos modes de fonctionnement et la manière dont nous répondions aux demandes. À mes yeux, une hausse de productivité de 30 p. 100, c’est excellent.

Les postes vacants ont un impact à court terme et aussi dans une certaine mesure à long terme, lorsque les employés qui partent sont très expérimentés. Lorsque ceux-ci se retirent ou décident d’aller travailler ailleurs au gouvernement, ils sont remplacés par des gens qui ne connaissent pas notre ministère, ce qui peut avoir des incidences à court terme, mais généralement pas à long terme. Quant à la possibilité de rejeter les demandes vexatoires, je pense que c’est pour nous un bon outil, mais j’espère ne pas avoir à l’utiliser. Nous disposons actuellement d’une certaine marge de manœuvre dans nos relations avec un demandeur. On peut lui indiquer par exemple que sa demande nous obligerait à produire plusieurs millions de documents, et que ce n’est pas nécessairement ce qu’il souhaite obtenir. Nous pouvons alors l’inviter à mieux cibler sa requête. Il arrive souvent que nous puissions nous entendre avec les demandeurs de cette manière. Parfois, ce n’est pas possible. Dans ces cas très rares, il pourrait être utile, autant pour nous que pour les contribuables canadiens, qu’une telle disposition soit prévue dans la loi. Je ne peux, bien sûr, pas prédire l’avenir. J’ose espérer que nous n’aurions recours que très rarement à cette disposition.

Le sénateur Pratte : J’aimerais poursuivre dans le sens des questions posées par la sénatrice Dupuis afin de mieux comprendre comment tout cela peut fonctionner. Lorsqu’une personne fait une demande de visa, je suppose qu’elle reçoit une réponse écrite. Lui explique-t-on dans cette réponse les raisons pour lesquelles sa demande de visa a été rejetée?

M. Olsen : Oui. C’est ce que nous appelons une lettre de refus. On y indique les raisons pour lesquelles un visa de résident temporaire n’a pas été accordé.

Le sénateur Pratte : Si tel est le cas, pourquoi les gens ressentent-ils le besoin de présenter une demande d’accès à l’information? Pour obtenir de plus amples détails? Faut-il en conclure que l’information fournie au départ n’est pas suffisante pour leur permettre de comprendre ce qui leur arrive?

M. Olsen : Tout à fait. Nous ne savons pas comment cela s’explique exactement. Nous présumons que c’est parce qu’ils voudraient en savoir plus long que ce que leur indique la lettre de refus. Il y a certains éléments que nous ne pouvons pas inclure dans une lettre de refus, car cela pourrait causer des problèmes du point de vue de la sécurité, de l’intégrité du programme, des risques de fraude ou de la protection des renseignements personnels. Il y a certaines informations que nous ne pouvons pas nécessairement communiquer aux gens. Nous essayons de mettre en place un processus qui nous permettra de leur en dire plus long. Nous préparons pour ce faire un projet pilote dans le cadre duquel nous allons joindre davantage d’information à la lettre de refus. Nous voulons déterminer s’il y aura une incidence sur la suite des choses. En attendant les résultats de l’analyse des causes profondes, nous présumons que les gens portent plainte parce qu’ils ne reçoivent pas autant d’information qu’ils le souhaiteraient. Nous saurons bientôt mieux à quoi nous en tenir. Nous ferons ensuite le nécessaire pour voir quels renseignements supplémentaires on peut communiquer d’emblée à nos clients en vue de diminuer les risques qu’ils présentent par la suite une demande d’accès à l’information, ce qui est préférable pour tout le monde.

Le sénateur Pratte : Merci. Vous avez indiqué que les gens qui souhaitent simplement connaître l’état d’avancement de leur dossier sont à l’origine d’une autre portion importante des demandes d’accès à l’information. Pourquoi doivent-ils passer par le processus d’accès à l’information pour savoir à quoi s’en tenir? Une personne ne peut-elle pas simplement vous appeler et demander où en est rendue la demande qu’elle a soumise il y a cinq mois?

M. Olsen : C’est effectivement possible. Nous avons un centre de soutien à la clientèle. Il n’est pas rare que des gens nous appellent pour connaître la situation de leur demande. Il arrive que certains ne croient pas ce qu’on leur dit, et nous ne pouvons rien y faire. Je pense qu’ils peuvent se fier à la réponse qu’ils reçoivent, mais certains ne sont pas de cet avis. Ils veulent alors en avoir le cœur net en présentant une demande d’accès à l’information. Une telle demande ne coûte que 5 $, ce qui n’est pas un obstacle pour la plupart des gens. Le client est ainsi convaincu d’avoir accès à toute l’information disponible. Je vous rappelle encore une fois qu’environ 60 p. 100 de nos demandes d’accès à l’information proviennent d’avocats ou d’autres représentants de nos clients. Soucieux d’offrir un service complet à leur client, ils soumettent une demande d’accès à l’information simplement pour s’assurer de n’avoir rien négligé, et c’est très bien comme ça.

Le sénateur Pratte : Dans votre rapport annuel, il est indiqué qu’un nombre réduit, mais tout de même non négligeable de demandes obtiennent une réponse dans un délai de plus de 121 jours. La proportion est de 7 p. 100 pour les demandes d’accès à l’information et de 15 p. 100 pour les demandes d’accès aux renseignements personnels. Qu’est-ce qui distingue ces demandes auxquelles vous mettez davantage de temps à répondre?

M. Olsen : Généralement, les demandes qui exigent plus de temps sont celles où des informations de nature délicate sont en cause. Nous devons alors consulter nos partenaires au sein du gouvernement du Canada, comme l’Agence des services frontaliers du Canada ou la GRC. Nous devons nous assurer qu’ils ne voient aucun problème à ce que nous communiquions l’information en notre possession. Les retards sont généralement causés par cette nécessité de consulter d’autres instances pour nous assurer que la communication des renseignements demandés ne nous place pas dans une situation problématique.

Le sénateur Pratte : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je comprends que 37 000 demandes proviennent du secteur commercial ou du secteur privé. C’est près de la moitié du nombre de demandes. En majorité, ces demandes proviennent-elles de firmes de consultants ou de firmes de professionnels qui représentent des clients?

[Traduction]

M. Olsen : Oui, c’est exact.

[Français]

Le sénateur Carignan : Si je comprends bien, cela fonctionne un peu comme le plumitif à la cour; c’est traité comme une demande au plumitif. Vous le traitez comme une demande d’accès à l’information.

[Traduction]

M. Olsen : Si je vous ai bien compris, c’est bien cela.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je comprends aussi que c’est pour cela que vous avez un taux extrêmement élevé de communications électroniques, car près de 95 p. 100 des communications sont faites par voie électronique et non pas sous format papier.

[Traduction]

M. Olsen : Tout à fait. La vaste majorité des demandes nous arrivent par voie électronique. C’est aussi de la même manière que nous communiquons par la suite avec le demandeur. Nous recevons encore une proportion importante de demandes sur papier. Il est toujours possible pour les gens de nous faire parvenir leur demande par la poste. En pareil cas, nous leur répondons de la même façon.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis surpris du nombre d’exceptions ou de refus : 16 447 pour la question des exceptions liées à des enquêtes criminelles, plus 12 000 pour des exceptions relatives à la défense ou aux activités subversives; c’est tout de même 30 000 cas. Vous refusez donc près de la moitié des demandes d’accès à l’information en fonction du critère selon lequel le dossier se présente sous forme d’enquête criminelle ou d’activité subversive. Qu’est-ce que je dois comprendre de ces statistiques?

[Traduction]

M. Olsen : Les chiffres que vous citez sont exacts. Il peut toutefois y avoir plus d’une exception invoquée pour un même cas. Il ne s’agit pas nécessairement de tout cumuler. Il se peut par exemple que les trois exceptions possibles s’appliquent dans un même dossier.

[Français]

Le sénateur Carignan : N’y a-t-il pas moyen d’améliorer le système en ce qui concerne les demandes faites par voie électronique? Avez-vous transféré, par exemple, le statut de la demande ou de l’analyse de la personne sur support électronique afin que la personne puisse faire le suivi du dossier ou obtenir les copies de dossiers qui la concernent? Avez-vous un portail où les gens peuvent obtenir copie de leur dossier ou des informations liées à la communication de leur dossier?

[Traduction]

M. Olsen : Parmi les priorités bien établies de notre ministère, il y a la volonté d’améliorer l’expérience vécue par tous les clients qui soumettent une demande touchant les différents programmes d’immigration. Nous avons pris de nombreuses mesures à cette fin, mais elles n’en sont qu’à l’étape préliminaire. Comme chacun le sait sans doute, notre ministère a connu une croissance rapide au cours des dernières années. Nous avons pris des mesures pour améliorer l’expérience client et faire en sorte que chacun obtienne l’information dont il a besoin ou qu’il souhaite obtenir dans les plus brefs délais, sans avoir à formuler une demande d’accès à l’information.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je n’ai donc pas la possibilité, avec mon numéro de dossier, de consulter le site Internet pour savoir où en est rendue son analyse. Sur le site web de Postes Canada, avec mon numéro, je suis en mesure de suivre le colis que j’ai envoyé et de savoir où il est rendu sur le territoire, mais dans le cas de mon dossier d’immigration, c’est quelque chose que je ne peux pas faire.

[Traduction]

M. Olsen : Malheureusement, les choses ne fonctionnent pas de cette manière pour l’instant. C’est pour nous un idéal à atteindre. Nous n’en sommes toutefois pas encore là. Il y a différentes raisons, notamment d’ordre technique, qui font en sorte que cela est difficile. Cela dit, l’expérience client est une priorité pour nous et nous voulons que les gens puissent obtenir l’information dont ils ont besoin. Quand je paie pour obtenir un nouveau passeport, je voudrais moi-même pouvoir savoir où en est rendue ma demande. Nous prenons certaines mesures en ce sens. Nous ne sommes pas encore arrivés à ce point, mais nous espérons y parvenir bientôt.

Le président : Pour ce faire, il faudrait que vous apportiez des changements considérables à votre système informatique, n’est-ce pas?

M. Olsen : C’est exact.

Le président : Avez-vous les fonds nécessaires?

M. Olsen : C’est hors de mon domaine. Je sais qu’on apporte souvent des changements essentiels à nos systèmes informatiques. Nous accordons la priorité à ces modifications.

Le président : Bienvenue à votre première séance du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, sénatrice Simons.

La sénatrice Simons : Je remplace quelqu’un aujourd’hui, mais le dossier m’intéresse beaucoup. Jusqu’à il y a six semaines, j’étais journaliste. J’ai déposé plus que ma part de demandes d’AIPRP et de demandes d’accès à l’information en vertu de la loi de l’Alberta. Je sais que le processus peut être long et compliqué, qu’il faut avoir des discussions sur la portée et qu’il faut bien connaître les échéances.

J’ai remarqué que des journalistes relativement nouveaux et des citoyens déposent des demandes d’accès à l’information. Or, la vaste majorité des demandes proviennent de consultants et d’avocats, qui facturent fort probablement ce service à leurs clients. Avec tout le respect que je dois aux nombreux avocats ici présents, je ne peux m’empêcher de me demander combien d’avocats ne font que déposer des demandes pour pouvoir les ajouter aux factures pro forma de leurs clients, en particulier des clients qui cherchent à obtenir un visa de travail. Je ne parle pas des réfugiés ou des gens qui font des demandes de réunification des familles, mais des personnes qui peuvent se permettre de payer un avocat, ou même si elles ne le peuvent pas, qui reçoivent une facture de la part de leur avocat.

J’ai l’impression que vous avez créé une situation qui permet aux avocats de simplement continuer à déposer des demandes d’AIPRP et à facturer ce service à leurs clients, que ce processus puisse véritablement mettre au jour de nouveaux renseignements ou non.

M. Olsen : Je ne peux pas parler des services que les avocats facturent. Je ne sais pas. Je n’ai pas de renseignements à ce sujet. Notre objectif est de rendre l’information accessible aux personnes. Ce sont leurs informations; elles leur appartiennent. Nous aimerions qu’elles puissent y avoir accès. Cela dit, nous devons prendre les mesures nécessaires pour qu’elles les obtiennent sans porter atteinte à la vie privée, à la sécurité et à tout le reste. Si les gens veulent avoir recours à un avocat ou s’ils sentent le besoin d’avoir recours à un avocat, c’est une question que nous voulons examiner. J’aimerais que tous puissent se rendre sur le site web de l’immigration ou des passeports et accéder à l’information qui s’y trouve. Nous ne sommes pas encore rendus là.

La sénatrice Simons : Si c’était le cas, je présume que vous recevriez beaucoup moins de demandes de la part d’avocats et de consultants. Il y a d’énormes problèmes au Canada posés par les consultants en immigration qui font payer à leurs clients des services auxquels ils pourraient facilement accéder eux-mêmes. Or, nombre d’entre eux n’ont pas la confiance ou les compétences linguistiques nécessaires pour ce faire.

J’ai une question complémentaire. Votre taux de règlement des plaintes est beaucoup plus élevé pour les demandes d’accès à l’information que pour les demandes de renseignements personnels. Pouvez-vous nous expliquer la différence? Pourquoi les demandes de renseignements personnels prennent-elles plus de temps à régler et pourquoi semblent-elles être plus difficiles à traiter?

M. Olsen : Franchement, je ne sais pas.

Nous pouvons vérifier et vous transmettre la réponse, monsieur le président.

Le président : Merci. Nous attendrons ces renseignements supplémentaires.

La sénatrice Boniface : Merci. Je m’intéresse particulièrement à la section de votre rapport qui porte sur les plaintes abandonnées ou ayant fait l’objet d’un désistement. Je pense que vous dites qu’il y en a eu 52. J’aimerais savoir si vous avez fait des analyses pour déterminer pourquoi les plaintes sont abandonnées ou les plaignants se désistent.

M. Olsen : Nous n’apprenons pas nécessairement pourquoi elles sont abandonnées ou pourquoi les plaignants se désistent. Parfois, les gens sont très mécontents, et, dans un accès de dépit, ils décident de déposer une plainte. Puis, après quelque temps, ils se disent que cela ne vaut pas la peine, qu’ils ne veulent pas poursuivre le processus parce qu’ils ont d’autres choses à faire. Cela peut arriver. Dans d’autres cas, ils trouvent de l’information, ou ils peuvent décider, pour des raisons diverses, qu’il ne vaut pas la peine de continuer.

La sénatrice Boniface : Vous avez dit qu’un groupe de travail examinait un certain nombre de dossiers. Cette question en fait-elle partie ou est-ce simplement de l’information qui est difficile à obtenir?

M. Olsen : Il faudrait que nous parlions à chacun des demandeurs. Certains pourraient nous dire que la raison pour laquelle ils se sont désistés ou ils ont abandonné leur plainte ne nous concerne pas, et c’est leur droit. Nous voulons traiter les plaintes très rapidement et assidûment.

Nous voulons faire en sorte de traiter les demandes aussi rapidement que possible; nous voulons transmettre l’information aux gens ou prendre les mesures nécessaires pour qu’ils ne sentent pas le besoin de déposer une demande. Si les gens n’avaient pas à faire une demande, la probabilité qu’ils portent plainte diminuerait.

Notre priorité est de prendre des mesures à l’égard de l’augmentation annuelle de 23 p. 100 du nombre de demandes d’accès à l’information. Nous croyons que si nous arrivons à réduire ce pourcentage et à le faire passer à 10 p. 100, notre taux de conformité augmentera et le nombre de plaintes diminuera.

La sénatrice Boniface : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’aimerais tout d’abord remercier à nouveau nos invités. Récemment, une victime a contacté mon bureau parce qu’elle n’arrivait pas à savoir si un criminel avait été expatrié après sa sortie de prison.

Est-ce qu’il est facile pour les victimes de savoir, grâce à l’accès à l’information, si ces individus qui ont, dans bien des cas, assassiné un proche ont été extradés ou est-ce qu’il faut prévoir des années et des années avant d’obtenir l’information?

[Traduction]

M. Olsen : Nous ne sommes pas responsables des déportations. Elles relèvent de l’ASFC. Je n’ai pas ces renseignements. Nous pouvons essayer de les obtenir, mais l’ASFC serait mieux placée que nous pour répondre à votre question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je suis désolé, je n’ai pas adressé ma question au bon ministère.

J’ai une autre question, par contre. La bureaucratie fédérale est plutôt éloignée des citoyens, si on la compare à la bureaucratie municipale ou même provinciale. Est-ce que l’absence de proximité entre les citoyens et l’administration fédérale et la lourdeur de la bureaucratie fédérale ne sont pas des causes de l’augmentation presque fulgurante des demandes d’accès à l’information?

[Traduction]

M. Olsen : Si vous parlez du processus d’AIPRP en tant que tel, la réponse est non. Désolé.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Non, de l’accès en général. Pour les citoyens, l’administration fédérale, c’est Montréal ou Ottawa, c’est très loin des régions, et les demandes d’information peuvent provenir de partout. Toutefois, le fait qu’il n’y ait pas de proximité entre l’administration fédérale, les divers ministères et les citoyens, n’est-ce pas là l’une des causes principales des nombreuses demandes d’accès à l’information? C’est souvent le seul moyen pour les citoyens d’avoir accès à leur dossier.

Je fais référence à ce que le sénateur disait plus tôt, à savoir qu’il n’est pas normal qu’un citoyen qui se voit refuser une demande de visa doive passer par l’accès à l’information. Il devrait y avoir une communication entre les fonctionnaires et le citoyen pour que ce dernier ne soit pas obligé de faire une demande d’accès à l’information. Sinon, cela ne fait qu’alourdir la bureaucratie. Au lieu d’établir une bonne communication de personne à personne, on a recours à la Loi sur l’accès à l’information. Une loi ne devrait pas servir à des communications entre citoyens et fonctionnaires. Elle devrait servir à des dossiers plus importants. C’est comme si l’administration créait son propre problème. J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

[Traduction]

M. Olsen : Je suis d’accord avec vous. Si une demande de visa est refusée, les raisons du refus devraient être communiquées clairement au demandeur. Il ne devrait pas être nécessaire de déposer une demande d’accès à l’information. Nous essayons de trouver des façons de faire en sorte qu’une personne qui veut connaître les motifs du refus de sa demande de visa et qui ne les trouve pas dans sa lettre de refus ne pense pas qu’elle pourra en savoir plus en déposant une demande d’accès à l’information.

Nous essayons de faire en sorte que la demande d’accès à l’information ne soit pas nécessaire, que la personne qui reçoit la lettre de refus déclare : « Ma demande a été refusée. C’est dommage, mais je comprends exactement pourquoi. Il serait inutile pour moi de déposer une demande. » C’est l’idéal que nous tentons d’atteindre. Nous ne sommes pas encore rendus là, mais nous espérons y arriver. Je ne peux pas vous dire exactement quand, car ce genre de chose prend du temps. Toutefois, c’est notre objectif.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je ne pense pas que le projet de loi corrigera cette situation, parce que le problème à la base est une bureaucratie très lourde au niveau de la communication qui est établie avec les citoyens.

La sénatrice Dupuis : Monsieur Olsen, j’aimerais comprendre les 23 p. 100 des demandes. Vous dites que la même tendance s’observe pour 2018. Est-ce une augmentation ponctuelle pour une raison X, Y, Z — il peut y avoir toutes sortes de raisons — ou est-ce une augmentation que vous observez systématiquement depuis cinq, sept ou neuf ans? Selon vous, y a-t-il un lien entre cette augmentation et le nombre qui est fixé dans la politique d’immigration, quant aux demandeurs potentiels?

[Traduction]

M. Olsen : Nous observons une augmentation annuelle de 23 p. 100 depuis plusieurs années. C’est difficile d’établir la cause exacte de cette augmentation. Nos systèmes informatiques ne nous permettent pas d’explorer les données en profondeur pour expliquer pourquoi le nombre de demandes augmente et pour établir qui dépose des demandes et dans quelles circonstances. Nous voulons apporter des améliorations sur ce plan.

Y a-t-il un lien avec les niveaux d’immigration? Les niveaux d’immigration auraient une certaine incidence. Je ne connais pas les chiffres exacts. Il y a différentes raisons de déposer des demandes d’accès à l’information. Les demandes peuvent être liées à la résidence permanente, ce qui concerne les niveaux d’immigration. Elles peuvent aussi être liées à la résidence temporaire, à la citoyenneté et aux passeports. Les demandes d’accès à l’information sont motivées par différentes causes. Les exemples que je viens de vous donner ont tous rapport aux dossiers. D’autres personnes nous demandent tous les renseignements concernant telle ou telle décision stratégique. C’est un autre type de demandes d’AIPRP.

Ce qui est intéressant, c’est que dans les dernières années, il est devenu beaucoup plus facile de déposer une demande d’accès à l’information. Nous avons fait l’essai des demandes électroniques. Jusqu’à il y a cinq ou six ans, toutes les demandes devaient être faites sur le papier. Il fallait envoyer un chèque ou un mandat. Aujourd’hui, en 30 secondes, on peut aller en ligne, jour et nuit, et faire une demande d’accès à l’information. C’est beaucoup plus facile, et je suis tout à fait pour.

Or, ce n’est pas nécessairement plus facile de traiter les demandes d’accès à l’information. Il y a un écart entre les deux. Les demandes d’accès à l’information ont différents moteurs, y compris la hausse du nombre de demandes d’AIPRP et la facilité avec laquelle les gens peuvent déposer des demandes. C’est pourquoi le nombre continue à augmenter. Dans les autres ministères, l’augmentation n’est peut-être pas aussi rapide, mais puisque notre point de départ est un grand pourcentage d’un grand nombre, le chiffre est élevé.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si j’ai bien compris, environ 60 p. 100 des demandes étaient faites par des employeurs, des avocats ou des représentants de demandeurs.

[Traduction]

M. Olsen : Oui, environ.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ce qui m’intéresse, c’est le 40 p. 100 restant. Connaissez-vous les caractéristiques de ces demandeurs? Par exemple, si je fais une demande pour renouveler mon permis de conduire, je peux le faire en ligne ou l’envoyer par la poste. Je peux le faire un mois à l’avance. Donc, je peux jouer sur la demande. C’est moins engageant dans ma vie de citoyenne que pour quelqu’un qui fait une demande de résidence temporaire et qui est inquiet parce que sa demande pourrait être refusée. Parmi ces 40 p. 100, quel pourcentage de gens ne maîtrisent ni l’anglais ni le français au moment où ils font leur demande?

[Traduction]

M. Olsen : Les 40 p. 100 restants seraient divisés en quatre groupes différents. Les demandes seraient déposées par des individus, des universitaires et des journalistes. Il y aurait aussi un groupe de demandeurs ne s’étant pas identifiés.

[Français]

La sénatrice Dupuis : C’est-à-dire?

[Traduction]

M. Olsen : Une personne qui fait une demande peut choisir d’identifier à quel groupe elle appartient, par exemple, au secteur universitaire ou aux médias, ou encore si elle est avocate. Or, c’est facultatif : elle peut aussi choisir de ne pas s’identifier, ce qui laisse la case vide. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je peux les obtenir et vous les transmettre. Les 40 p. 100 seraient répartis entre ces différentes catégories.

Par rapport à l’anglais et au français, nous ne vérifions pas la langue. Nous ne demandons pas aux gens quelle est leur langue maternelle. Nous ne contrôlons pas cette donnée.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Dans votre rapport annuel, le refus de s’identifier est lié à 2 593 sur 64 000, ce qui est un nombre relativement petit.

J’aimerais revenir aux propos de la sénatrice Boniface au sujet des demandes abandonnées. Ce qui m’a frappée, c’est que le nombre de demandes abandonnées entre 16 et 30 jours après la demande, soit 732, est à peu près le même que le nombre de demandes qui ont été abandonnées plus d’un an après la demande. Donc, 817, c’est le nombre le plus élevé de demandes abandonnées après plus d’un an. Par conséquent, ce n’est pas nécessairement parce que les gens trouvent que vous avez mal géré les délais de traitement. Il semble y en avoir presque autant, soit 732, en ce qui concerne les demandes qui ont été faites récemment. Est-ce que je me trompe?

[Traduction]

M. Olsen : Oui. La similitude serait une simple coïncidence.

Le sénateur Gold : Des témoins nous ont dit qu’ils aimeraient que la Loi sur l’accès à l’information contienne une disposition de primauté de l’intérêt public, en vertu de laquelle une institution pourrait divulguer de l’information qui, autrement, serait exemptée, si elle estime qu’il est dans l’intérêt public de le faire. Une telle disposition serait-elle pertinente ou utile en ce qui concerne votre travail ou le travail de votre ministère?

M. Olsen : Merci. La notion d’intérêt public est difficile à définir. Elle n’a pas vraiment de définition, à ma connaissance, et elle n’est certainement pas définie dans la loi. Souvent, quand les gens parlent de l’intérêt public, ils veulent dire leur intérêt personnel. L’information les intéresse, et comme ils font partie du public, ils déclarent que c’est dans l’intérêt public. J’ai mon opinion personnelle à ce sujet, mais je ne crois pas qu’elle devrait faire partie de la discussion. Je ne veux pas éluder la question, vraiment pas, mais en même temps, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas certain qu’on peut réellement défendre le principe de l’intérêt public dans de nombreux dossiers. Beaucoup des renseignements sont personnels, surtout dans notre cas. Je le répète, le public est curieux de connaître ces renseignements, mais ce n’est pas nécessairement dans l’intérêt public de les divulguer.

Le sénateur Gold : Ai-je bien compris que, d’après vous, quand vous décidez, après avoir consulté d’autres partenaires, que l’information ne devrait pas être divulguée pour des raisons quelconques, si une loi contenait une disposition de primauté de l’intérêt public, il n’y a pas de circonstances dans lesquelles le recours à cette disposition pourrait être de mise? Ma question porte principalement sur la pertinence d’une telle disposition par rapport aux types de demandes que vous recevez.

M. Olsen : Le Secrétariat du Conseil du Trésor offre déjà des directives par rapport à ce qui constitue l’intérêt public, et nous suivons ces directives très assidûment. Or, à mon avis, une disposition de primauté de l’intérêt public peut donner lieu à des interprétations diverses. Comment pourrait-on veiller à ce que l’interprétation soit la même dans tous les ministères et en tout temps? Je ne veux pas donner mon opinion sur la mesure législative, mais j’ai un peu de difficulté à approuver cette idée.

Le sénateur Pratte : Le projet de loi C-58 donne au commissaire à l’information le pouvoir de rendre des ordonnances. Si le projet de loi est adopté tel quel, cette disposition aura-t-elle une incidence sur votre relation avec le commissaire à l’information ou sur la façon dont vous traitez les plaintes, par exemple?

M. Olsen : Je ne peux pas prédire l’avenir, mais je crois que la réponse est non. Comme je l’ai déjà dit, nous travaillons en étroite collaboration avec le CIC. Je m’efforcerais de faire en sorte que jamais une ordonnance visant IRCC ne soit rendue. Ce serait mon objectif, et je crois qu’il serait réalisable. Selon moi, il est toujours possible de trouver une solution acceptable en discutant et en négociant. Je ne peux pas prédire l’avenir, bien sûr, parce que c’est une longue période de temps, mais je m’efforcerais de faire en sorte que le pouvoir de rendre des ordonnances n’ait aucune incidence sur nous.

Le sénateur Pratte : Merci.

La sénatrice Simons : J’aimerais revenir, si vous me le permettez, sur le fait que 60 p. 100 des demandes d’accès à l’information sont déposées par des avocats et des consultants. Dans le cadre de votre analyse des causes profondes, tentez-vous de déterminer si des cabinets d’avocats ou des cabinets-conseils particuliers congestionnent le système en déposant fréquemment des demandes? Avez-vous un algorithme qui permet de voir si des personnes précises font des demandes multiples d’accès à l’information, peut-être pas de manière vexatoire, mais presque? Car quand vous me dites que le nombre de demandes d’accès à l’information que vous recevez est tellement disproportionné par rapport aux autres ministères, et quand je vois qu’une si petite partie des demandes émanent de journalistes et d’universitaires, et que relativement peu d’entre elles proviennent des personnes directement touchées, je ne peux m’empêcher de me demander s’il y a un moyen pour vous de contrôler la provenance des demandes afin de déterminer combien d’entre elles émanent de quelques intervenants particulièrement actifs.

M. Olsen : Ce qui est intéressant, c’est que les groupes que j’ai mentionnés dans ma déclaration préliminaire, ceux avec lesquels nous travaillons, ne sont pas heureux d’être les auteurs de 60 p. 100 des demandes d’accès à l’information. Ils veulent faire en sorte d’offrir un service de qualité à leurs clients. Je ne peux pas parler au nom de chaque avocat ou de chaque consultant en immigration, mais ce que je peux vous dire, c’est que les dirigeants de ces domaines veulent collaborer avec nous. De fait, nous avons très bien travaillé ensemble pour déterminer quelles mesures pouvaient être prises pour redresser cette situation.

Au lieu de faire des demandes qui requièrent la divulgation de plusieurs centaines de pages, s’ils demandent seulement deux pages d’information, c’est très bien.

Je pense que tout le monde essaie d’améliorer le processus, d’en accroître l’efficacité et la rapidité. C’est l’objectif à tous. Concernant le 60 p. 100, normalement, c’est impossible de déposer une demande pour un client sans son consentement. L’avocat ou le consultant propose ou recommande de faire une demande, et le client doit donner son accord. Il faut obtenir le consentement de la personne avant de déposer une demande.

Je pense que toutes les demandes sont faites de bonne foi. Nous aimerions arriver à un point où il n’est pas nécessaire de déposer une demande. C’est notre objectif.

La sénatrice Simons : Avez-vous l’intention d’exercer un contrôle pour déterminer si des cabinets d’avocats ou des cabinets-conseils particuliers déposent plus de demandes que d’autres?

M. Olsen : Je ne sais pas si nous avons cette information. Je peux vérifier pour voir si nous le faisons. Je ne sais pas si c’est vraiment une priorité pour nous, si je peux le dire ainsi. Je serai ravi de vérifier si nous pouvons vous trouver l’information.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’ai une question qui fait suite à celle de la sénatrice Simons. Je suis avocat. Si un demandeur vient me voir à mon bureau, la première chose que je fais, c’est transmettre une demande à vos services afin d’obtenir copie du dossier. Toutes les demandes provenant d’avocats sont effectuées afin qu’ils puissent obtenir copie du dossier pour être en mesure de conseiller leurs clients et de déterminer les preuves et les documents qui manquent à la demande. Ai-je bien compris comment cela fonctionne ?

[Traduction]

M. Olsen : Je ne peux pas être contre cela. Je ne comprends pas exactement pourquoi quelqu’un le serait.

[Français]

Le sénateur Carignan : S’il ne fait pas cela, il y a un problème. J’ai effectué des demandes d’accès à l’information auprès du gouvernement pour chaque dossier de droit administratif sur lequel j’ai travaillé.

Ma prochaine question concerne les médias et le refus de s’identifier. Y a-t-il un processus d’accès plus rapide ou un système de traitement différent lorsqu’une demande provient des médias pour des raisons de publication rapide? De plus, si un journaliste effectue une demande d’accès à l’information, il s’agit généralement d’une question d’intérêt public plutôt que d’intérêt privé. Y a-t-il un processus accéléré pour traiter une telle demande?

[Traduction]

M. Olsen : Pour les demandes d’AIPRP, non, les demandes des journalistes ne sont pas traitées plus rapidement, ni moins d’ailleurs. Je tiens à le souligner. S’il y a un problème immédiat, les journalistes peuvent communiquer avec la direction des communications d’IRCC ou des autres ministères, je suppose, qui pourra peut-être leur fournir l’information dont ils ont besoin plus rapidement. Le processus de demande d’AIPRP est prescrit par la loi et prévoit plusieurs étapes obligatoires. Nous ne traitons aucune demande en priorité par rapport à une autre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Dois-je donc comprendre que, dans un cas de refus d’identification, vous ne pouvez pas savoir si ce sont des journalistes qui refusent de s’identifier de façon à éviter un traitement politique? D’autres témoins nous ont dit, au début des audiences sur ce projet de loi, qu’ils refusaient de s’identifier comme étant membres des médias afin d’éviter que le dossier se rende au niveau politique et soit traité différemment. Pouvez-vous nous confirmer, en cas de refus d’identification, la nature de ces personnes? Avez-vous fait des sondages?

M. Olsen : Non.

[Traduction]

Le président : Avant d’avoir le plaisir de vous remercier, monsieur Olsen et monsieur Cardinal, j’ai deux questions à vous poser. Elles portent sur le même sujet.

Avez-vous évalué le temps qu’il faudra au ministère pour absorber l’arriéré de demandes?

Avez-vous une idée du temps qu’il faudra au ministère pour pouvoir afficher des statistiques comparables à la moyenne des institutions gouvernementales pour ce qui est du traitement de ces demandes ou réduire considérablement son arriéré?

M. Olsen : Monsieur le président, cela dépend des ressources mises à notre disposition pour amoindrir l’arriéré. Ce n’est pas tout, nous devons aussi nous demander jusqu’à quel point nous pouvons améliorer nos façons de faire et comment nous pourrions gagner en efficacité. Chaque petite chose peut aider.

Je n’ai pas d’estimation à vous fournir aujourd’hui du temps qu’il nous faudra pour atteindre un degré de conformité de 80 p. 100, disons, tant pour l’accès à l’information que pour la protection des renseignements personnels. Il nous faudra plusieurs choses différentes. Il nous faudra du temps. En ce 6 décembre, je ne peux pas vous dire que nous y arriverons d’ici telle ou telle date. Nous nous efforçons d’améliorer notre taux de conformité tous les jours. Nous prenons toutes les mesures possibles pour accélérer et gagner en efficacité. Chaque jour ces efforts portent fruit.

En même temps, notre volume augmente d’environ 2 p. 100 tous les mois, si bien que chaque augmentation d’efficacité de 2 p. 100 disparaît avec l’augmentation du volume. C’est notre réalité. Nous composons avec cela. Nous essayons de nous améliorer.

Le président : C’est ma principale préoccupation, compte tenu de tout ce que vous avez dit et des statistiques que vous nous avez présentées. Si les chiffres augmentent de 23 p. 100 chaque année, permettez-moi l’image, mais votre chargement, celui dont vous devriez vous décharger au fil des ans, ne fait que s’alourdir et devenir de plus en plus grand. En tant que parlementaire, bien sûr, je cherche surtout à déterminer s’il y aurait moyen pour vous de changer vos façons de faire ou si c’est une question de budget seulement? Est-ce une question de procédure ou de mode de fonctionnement? De quel genre d’orientation stratégique auriez-vous besoin pour que cet arriéré diminue et se stabilise plus près de la moyenne, à un seuil acceptable, à un moment donné?

M. Olsen : Nous avons la même préoccupation que vous. Je ne souhaite rien de plus que de voir notre taux de conformité très, très élevé. Je serais ravi qu’il soit de 100 p. 100. Pour une multitude de raisons, ce n’est pas possible en ce moment. Notre augmentation, en pourcentages, est tellement grande que le nombre de demandes d’AIPRP que nous traitons double tous les trois ans. Nous en aurons probablement reçu presque 100 000 cette année. Dans trois ans, nous en recevrons près de 200 000 si la tendance se maintient. J’espère que nous n’en aurons pas autant, mais ce serait très possible.

Il y a différentes choses que nous devons examiner, et le ministère analyse très attentivement comment nous pouvons gérer toutes ces demandes et les traiter dans les délais prévus par la loi.

Le président : Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi C-58 qui vous aiderait à réduire cet arriéré? C’est peut-être une question difficile, je le sais, mais nous devons voter sur ce projet de loi. Nous examinons la situation de votre ministère. Nous pourrions examiner celle de la GRC. Je pense que vos arriérés sont à peu près comparables.

Y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui vous aiderait à remédier à la situation?

M. Olsen : Le ministère appuie le projet du gouvernement ouvert. Nous souhaitons y participer et nous croyons que le projet de loi C-58 permettra de donner plus d’informations aux gens. Je ne peux pas prédire si le projet de loi C-58 permettra de diffuser plus d’information, par exemple en accordant aux gens l’accès aux titres des notes et des documents d’information. Nous ne savons pas s’il suscitera un plus grand nombre de demandes d’AIPRP, mais c’est possible, et nous avons un plan pour y réagir. Ces éléments pourraient devenir comme de petits amuse-bouches qui pousseront les gens à vouloir lire les notes du gouvernement et soumettre une demande d’accès à l’information pour les obtenir.

Nous ne savons pas si ces dispositions seront adoptées : nous devons rester prudents, mais convenir que c’est une possibilité, donc nous devons nous y préparer.

Dans quelle mesure le nombre de demandes pourrait-il diminuer grâce au projet de loi? Je ne suis pas certain que nous y voyions quoi que ce soit qui susciterait une diminution du nombre de demandes. Cela reste possible. Les choses ont souvent des conséquences involontaires. Nous serions bien contents s’il menait à une baisse du nombre de demandes d’accès à l’information que nous recevons. Comme je l’ai dit, le nombre de demandes que nous recevons dépend surtout du nombre de personnes qui demandent la résidence temporaire ou permanente. Il est indéniable qu’il y a beaucoup de consultants et d’avocats en matière d’immigration qui nous demandent des documents pour diverses raisons.

M. Cardinal : Je pense que c’est la raison pour laquelle il est important que nous cherchions à déterminer les causes profondes de l’augmentation du nombre de demandes d’accès à l’information. Qu’est-ce qui les motive? Pourquoi les gens sentent-ils le besoin d’en présenter?

Nous aimerions pouvoir analyser la situation sous cet angle pour déterminer si, à la place de chercher à augmenter notre capacité de traiter les demandes d’accès à l’information, il ne vaudrait pas mieux fournir plus d’information en amont pour réduire le nombre de demandes d’accès à l’information présentées à notre ministère.

Le président : Je vous remercie infiniment. Je pense que ce seront des renseignements utiles dans la réflexion des honorables sénateurs sur ce projet de loi.

[Français]

Merci beaucoup, messieurs Olsen et Cardinal, de vous être rendus disponibles ce matin.

[Traduction]

Cela nous a beaucoup aidés.

C’est avec plaisir que j’accueille maintenant notre deuxième groupe pour l’examen du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence. Je suis heureux d’accueillir, par vidéoconférence, M. Ron Kruzeniski, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan au Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan. Nous vous sommes très reconnaissants de vous être libéré pour nous aider dans notre étude du projet de loi C-58.

Je vous invite à commencer votre exposé, après quoi il y aura une période de questions pour les sénateurs ici présents. Vous avez la parole.

Ron Kruzeniski, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan, Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan : Je vous remercie de m’avoir invité, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Dans son invitation, la greffière du comité a indiqué qu’il y a sept enjeux susceptibles de vous intéresser. Je serai ravi de répondre à toutes les questions des membres du comité sur ma déclaration.

Premièrement, je veux préciser mon mandat. Il y a trois lois principales en Saskatchewan qui régissent l’accès à l’information et la protection de la vie privée. La première est la Freedom of Information and Protection of Privacy Act, dont l’abréviation est FOIP. Elle repose sur deux principes centraux. D’abord, les citoyens ont le droit d’obtenir des documents du gouvernement, sous réserve de toute une série d’exceptions, bien sûr. Puis le gouvernement doit protéger les renseignements personnels des citoyens. Cette loi s’applique aux ministères, aux sociétés d’État, aux commissions et aux agences, dont certaines doivent être désignées par le Cabinet pour devenir des institutions gouvernementales.

Outre l’éducation et la recherche, nos deux fonctions principales sont les suivantes : si quelqu’un présente une demande d’accès et que le ministère la rejette, il peut se plaindre à notre bureau et demander une révision; ensuite, en cas de non-respect de la protection des renseignements personnels, une personne peut porter plainte à notre bureau, et nous enquêterons.

Il y a une deuxième loi, qui s’intitule Local Authority Freedom of Information and Protection of Privacy Act, dont l’abréviation est LAFOIP. Elle s’applique aux autorités locales. Les principes et les fonctions qui s’appliquent sont les mêmes, mais les autorités locales visées sont les villes, les villages et les municipalités, de même que les universités et les collèges. Elle comprenait aussi les régions sanitaires, avant, mais il n’y en a plus qu’une seule maintenant. Elle pourrait aussi viser d’autres entités.

Le domaine d’application de ces deux lois évolue. Quand le gouvernement crée une nouvelle entité, il prend habituellement un règlement pour en faire une institution gouvernementale ou une autorité locale. Comme je l’ai dit, cette loi a les mêmes fonctions que la FOIP.

Il y a aussi une troisième loi qu’on appelle la Health Information Protection Act. Elle vise les renseignements personnels sur la santé. Elle s’applique surtout dans le domaine de la santé. Ses principes de base sont que les patients ont le droit d’accéder aux dossiers médicaux les concernant et qu’il y a une obligation de protéger leurs renseignements personnels sur la santé.

Il y a enfin une quatrième loi, qui n’est pas encore en vigueur et qui s’intitule la Data Matching Agreements Act. Elle permettra aux entités, principalement aux entités gouvernementales, de faire du couplage de données. Elle n’est pas encore en vigueur. Nous sommes en train d’examiner le règlement qui pourrait l’accompagner. Elle permettra à mon bureau de se prononcer sur les projets de couplage de données.

J’aborderai maintenant les sept thèmes mentionnés. Le premier concerne les échéances. Si une personne présente une demande d’accès, l’institution gouvernementale a l’obligation d’y répondre dans les 30 jours. Elle peut essentiellement demander une prolongation ou indiquer au demandeur qu’elle lui répondra au-delà de la période prescrite. Pour quelles raisons? Parce qu’il y a un grand nombre de documents visés ou qu’il y a un grand nombre de demandes qui créent des difficultés opérationnelles.

La deuxième question était : y a-t-il des frais imposés dans notre province? Il y en a aux termes de la FOIP et de la LAFOIP. En gros, il y a différentes catégories de frais, soit pour la recherche de documents, la préparation des documents, le caviardage et, enfin, la reproduction, c’est-à-dire les photocopies ou l’enregistrement sur un dispositif électronique portable.

Certaines dispositions réglementaires sont plus précises que d’autres au sujet des frais. S’il n’y a pas de frais particuliers qui s’appliquent, nous facturerons habituellement un tarif horaire. Le règlement prescrit un tarif de 15 $ la demi-heure. Selon ce règlement, en gros, les deux premières heures sont gratuites. Des frais sont par contre facturés pour les heures supplémentaires.

Il y a aussi une disposition qui permet au dirigeant de l’entité d’accorder une dispense dans diverses circonstances. Elle peut être accordée pour des raisons de difficultés financières ou d’intérêt public ou parce le besoin de savoir l’emporte. Nous pouvons également dispenser des frais toute personne qui touche des prestations d’aide sociale.

Une institution gouvernementale n’a pas à préparer d’estimation des frais s’ils sont en deçà de 100 $. Dans une certaine mesure, la règle générale est que si les frais sont moins de 100 $, l’institution gouvernementale ne les facturera pas, le plus souvent. Ce n’est pas indiqué dans le règlement. Je pense que quand les institutions évaluent les coûts administratifs et voient qu’ils sont moins de 100 $, elles ne veulent pas ralentir le processus. Elles procèdent simplement pour fournir l’information.

La question suivante est : la FOIP s’applique-t-elle aux cabinets du premier ministre et de ses ministres? La FOIP s’applique aux cabinets des ministres pour les documents qui touchent les obligations du ministère, ce qui est en leur possession et leur contrôle. Tout dépend de l’objet du document, qui doit être lié au travail du ministre. Bien sûr, les ministres sont membres de l’assemblée législative, comme ils sont des personnes. La loi ne s’applique pas de manière générale à leur circonscription, ni à leur travail politique.

En date du 1er janvier 2018, une nouvelle disposition modifiant la loi est entrée en vigueur et dicte que les documents conservés dans le bureau d’un ministre ou d’un député sont assujettis à la partie 4 de la loi. La partie 4 de la loi prescrit essentiellement l’obligation de protéger ces documents. Cette modification ne s’applique pas aux dispositions sur l’accès, de manière générale. Comme je l’ai déjà mentionné, si les documents d’un ministre portent sur les fonctions du ministère, alors, selon mon interprétation, ils y seraient assujettis.

Y a-t-il des obligations de déclaration proactive dans la loi? Il y en a. Les trois lois dictent essentiellement que, en cas d’atteinte à la sécurité de l’information, l’institution publique est obligée d’en informer les personnes touchées. Elle n’est toutefois pas contrainte de signaler la chose à mon bureau. Elle peut le faire sur une base volontaire, toutefois, et beaucoup le font, pour la simple raison que cela leur permet de dire qu’elles travaillent avec notre bureau pour régler le problème.

Si une institution signale une violation aux personnes touchées, certaines peuvent ensuite faire appel à notre bureau.

Le cas échéant, nous intervenons et menons enquête.

Pour que l’obligation de déclarer une violation aux victimes s’applique, il doit y avoir un véritable risque de préjudice important. Qu’est-ce que cela signifie? Sur notre site web, nous présentons un document qui décrit un peu en quoi consiste un véritable risque de préjudice important. La cour de la Saskatchewan n’a pas statué sur la signification de ce terme. L’un des risques qui me vient immédiatement à l’esprit est celui du vol d’identité. Quand la protection de l’information est compromise, l’aptitude d’autres acteurs à créer une identité augmente d’autant.

La question suivante consiste à déterminer s’il y a une disposition prévoyant une révision de la loi? Il n’y en a pas dans ce projet de loi. Mon bureau l’a déjà recommandé. Cette mesure n’a pas été retenue par l’assemblée législative. Je pense que ce serait une disposition importante à inclure dans ce genre de loi. Par exemple, la Freedom of Information and Protection of Privacy Act a été adoptée en 1992. De petites retouches y ont été apportées, mais elle n’a pas été modifiée en profondeur avant le 1er janvier 2018. Il peut facilement s’écouler plus de cinq ans sans une nouvelle révision attentive d’un texte de loi. Une disposition de révision a donc son importance dans la loi.

Il faut dire aussi que, depuis 10 ou 20 ans, les choses ont beaucoup changé. Nous sommes passés d’un monde axé sur le papier au monde numérique. Cela nous force vraiment, nous les défenseurs de l’accès à l’information et de la vie privée, de même que les législateurs et les fonctionnaires, à repenser presque tout sous l’angle de l’accès à l’information et de la protection de la vie privée. Pratiquement tout se trouve aujourd’hui dans des bases de données plutôt que dans des classeurs.

On m’a demandé de vous parler du rôle de mon bureau et de notre procédure d’examen. Notre façon de procéder est assez simple. Nous avons publié sur notre site web les règles qui décrivent notre procédure. Quand nous recevons une demande, nous commençons par essayer de voir s’il y a possibilité de parvenir à un règlement par médiation informelle. Dans la négative, nous émettons un avis d’examen et demandons à l’organisme public d’y répondre dans les 14 jours. Cette période peut être prolongée après discussion.

Nous demandons alors une copie du dossier, de même que les arguments et la position de l’organisme. Nous en faisons notre analyse. Nous rédigeons un rapport qui est ensuite envoyé à l’organisme public, qui est tenu d’y répondre dans les sept jours, puis de commenter les faits et les recommandations qu’il contient. Nous ne lui demandons pas de refaire valoir ses arguments. Il en a déjà eu l’occasion. Il peut demander une prolongation de délai au besoin.

Une fois ces sept jours écoulés, nous produisons un rapport final, qui est envoyé à la personne ayant porté plainte, ainsi qu’à l’organisme public, puis aux autres personnes qui ont pu avoir leur mot à dire et exercer de l’influence en vue des recommandations. Environ trois jours plus tard, le rapport est publié sur notre site web. Il arrive parfois, selon le contexte, que nous ne le publiions pas. Nous le faisons toutefois dans 98 ou 99 p. 100 des cas.

Pour terminer, vous me demandiez si l’on pouvait faire appel des décisions contenues dans mon rapport ou des recommandations. La réponse est oui. Voici comment cela s’effectue : le rapport est remis à l’organisme public et au demandeur. Le dirigeant de l’organisme public a 30 jours pour nous indiquer s’il répondra à nos recommandations. S’il décide de ne pas s’y conformer, une lettre est envoyée au demandeur. Le demandeur a alors 30 jours pour interjeter appel à la Cour supérieure. C’est ce qu’on nomme un appel de novo, c’est-à-dire que le juge peut se pencher sur toutes les questions soulevées le moment venu. Les gens peuvent alors présenter de nouveaux arguments qu’ils n’avaient pas présentés à mon bureau. Le juge peut examiner tous les documents que nous avons examinés et recommencer à zéro.

Voilà les sept éléments qui me semblaient susceptibles de susciter l’intérêt du comité. Je suis prêt à répondre à toutes les questions des membres du comité dans le cadre de leur étude du projet de loi C-58.

Je vous remercie infiniment de m’avoir écouté. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Kruzeniski. C’était très utile. Votre exposé était efficace et systématique. J’ai l’impression que vous avez déjà été enseignant, parce que vous avez vraiment réussi à nous fournir l’information que nous cherchions.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie de votre présentation. Est-ce que votre province a connu, au cours des dernières années, la même croissance des demandes d’accès à l’information qu’on constate à l’échelle du gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Je ne connais pas très bien les statistiques du gouvernement fédéral. Je vous dirais que le gouvernement a connu une croissance du nombre de demandes d’accès. De même, nous avons constaté, depuis quelques années, une augmentation considérable du nombre de révisions demandées quand une personne n’obtient pas l’information souhaitée ou l’information qu’elle s’attendait à recevoir.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : De quelle façon vous êtes-vous attaqués au problème pour réduire le nombre de demandes ou pour répondre dans des délais acceptables pour les citoyens?

[Traduction]

M. Kruzeniski : C’est une question qui relève en partie de l’exécutif du gouvernement. Je pense que le nombre de personnes qui traitent ces demandes a augmenté. Ce sont là des personnes qui travaillent au sein du gouvernement. Quand je communique avec elles, elles me mentionneront un manque de ressources, un volume élevé et ce genre de choses.

Avec mon bureau, j’essaie de fournir le plus de ressources possible aux demandeurs et aux institutions gouvernementales, dans l’espoir que tous comprennent mieux le processus. Quand des gens demandent des révisions à notre bureau, nous avons des échéances à respecter pour leur répondre, comme nous nous imposons une limite de temps pour terminer notre rapport.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Avez-vous pris connaissance du contenu du projet de loi C-58 que propose le gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Je n’ai pas lu tout le texte du projet de loi. J’en ai lu le résumé. J’ai lu les déclarations, les positions et les propositions présentées à votre comité par la commissaire à l’information et le commissaire à la protection de la vie privée.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi C-58 va-t-il aussi loin que votre loi provinciale en ce qui a trait à l’accès aux informations liées au Cabinet, au conseil exécutif, donc au premier ministre et aux ministres?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Je ne suis pas sûr de pouvoir vous fournir une réponse complète. D’après ma lecture des résumés et des critiques des commissaires qui ont témoigné devant vous, je vois qu’il contient certaines améliorations, mais que les commissaires ont également dénoncé des reculs.

Par ailleurs, je n’ai probablement pas toute l’information concernant les documents des cabinets du premier ministre et des ministres. En Saskatchewan, nous faisons des progrès pour assurer l’accès aux documents émanant des cabinets des ministres et du premier ministre et accroître leur volonté de respecter la loi. Cela ne signifie pas que quand une question survient, la première réaction sera nécessairement de dire que nous n’avons pas vérifié les documents conservés dans le cabinet du ministre ou que nous n’avons pas besoin de vérifier ces documents. Je répondrai plutôt que si ces documents portent sur le travail du ministère, nous considérerons qu’ils font partie des documents pouvant faire l’objet d’une demande d’accès. Il y a encore un peu d’éducation à faire. Notre loi pourrait probablement être un peu plus claire. La prochaine fois, nous pourrions le demander. Je pense que nous cheminons dans la bonne direction et qu’il y a une acceptation générale du fait que le processus englobe désormais les dossiers conservés dans les cabinets des ministres.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Monsieur le commissaire Kruzeniski, merci d’être avec nous aujourd’hui. J’aurai deux questions à vous adresser. J’ai constaté, en lisant votre rapport annuel de juin dernier, qu’il s’agit de votre quatrième rapport annuel. Selon votre expérience, quels sont les avantages de cumuler les deux responsabilités de commissaire à l’information et de commissaire à la protection des renseignements personnels, ce que vous faites, je crois, depuis quatre ans?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Je m’attendais un peu à cette question. Avant, j’étais tuteur et curateur public en Saskatchewan, fonctions qui sont séparées en Alberta. Dans les conférences fédéro-provinviales, on semblait toujours, dans chaque province, s’accommoder tout à fait de leur union ou de leur séparation. Les Albertains sont satisfait de leur séparation; les Saskatchewanais et mes interlocuteurs d’autres provinces où les deux fonctions n’ont qu’un titulaire, croient que ça fonctionne bien ainsi et, à huis clos, peut-être même mieux.

Je constate la même dynamique ici, à la sauce fédérale. Je pèse mes mots, pour bien m’entendre avec vos commissaires. Cela dépend de la culture en place. À l’échelon fédéral, après un bon nombre d’années, la culture de deux commissariats a prévalu. En préparant mon exposé d’aujourd’hui, j’ai constaté la dynamique et les échanges entre les deux, quand ils sont chargés du même dossier. Quelles sont les répercussions sur la protection de la vie privée d’une ordonnance du commissaire à l’information et qu’en pense le commissaire à la protection de la vie privée?

Dans mon quotidien, dans presque tous les dossiers, nous cherchons constamment à concilier l’accès à l’information et la protection de la vie privée. Notre bureau ne verra presque jamais un simple document que chacun considère comme public. Nous n’examinons que les documents qui, pour la collectivité publique, posent un enjeu de protection ou renferment des renseignements personnels à ne pas divulguer. Ces dossiers nous obligent à une conciliation constante, à l’interne et, dans une certaine mesure, puisque le dossier atterrit finalement sur mon bureau, dans mon for intérieur. Dans une dynamique qui compliquera la tâche d’examen de votre comité, les commissaires s’occupent des moyens pour établir le juste équilibre. Il me semblait, à mesure que je prenais connaissance des options et des difficultés, que l’opération devenait plus bureaucratique et susceptible de ralentir le processus.

Je pense que ça dépend de ce qui met les autorités à l’aise, et les gens se contenteront peut-être de ce qu’ils ont eu pendant 10 ou 20 ans. J’y ai vu une complication possible pendant que je préparais mon témoignage d’aujourd’hui.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ma deuxième question porte sur les revendications particulières des Premières Nations. Dans le cadre de vos fonctions de commissaire à l’information, recevez-vous à l’occasion des demandes d’accès à l’information de la part de Premières Nations qui souhaiteraient avoir accès à la partie de leur dossier historique qui serait dans les mains du gouvernement provincial, par exemple le ministère des Terres et des Forêts? Je ne connais pas le titre de ce ministère en Saskatchewan, mais avez-vous déjà reçu ce genre de demande?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Pendant les quatre années d’exercice de mes fonctions, je n’ai même pas reçu une demande qui ait ressemblé à ça. Cela me semble intéressant. Je suppose, à première vue, que l’administration fédérale pourrait détenir davantage de ce genre de renseignements. Cela n’a pas été porté à mon attention.

La question a été soulevée dans le secteur de la santé, où des organisations autochtones ont créé des cliniques de santé et des organisations sanitaires, qui doivent interagir avec des hôpitaux et des organisations du réseau de la province. Nous avons entamé une réflexion et un dialogue, à l’échelon fédéral et provincial, et fait des représentations, ici, aux groupes autochtones. J’ai entendu parler d’un exemple où, près de Whitehorse, une assez bonne entente avait été conclue entre les groupes autochtones et le secteur de la santé du territoire. Je m’attends à une évolution dans ce domaine. Pour répondre directement à votre question, nous n’avons pas reçu ce genre de demande.

Le sénateur Gold : Je veux m’assurer d’avoir bien compris : vous avez parlé de divulgation proactive. Ai-je bien compris que, après qu’il y a eu une sorte de violation du secret, on divulgue l’élément d’information? Ai-je raison de penser que le genre de divulgation proactive que le gouvernement fédéral promeut est inconnu de vos lois? Si j’ai vu juste, j’ai une question ensuite.

M. Kruzeniski : Nous avons peut-être un problème de terminologie. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, fédérale, parle essentiellement de divulgation obligatoire. Elle serait entrée en vigueur le 1er novembre. Si vous appelez ça de la divulgation proactive obligatoire, ça reste de la divulgation. Ici, il faut la faire aux personnes touchées ou lésées par la violation, mais à moi, ce n’est pas obligatoire. En temps utile, à la faveur d’examens et de modifications ultérieurs, je recommanderai qu’elle me soit faite. Franchement, nous voyons comment ça marche et nous finissons de toute manière par le savoir, soit par les médias, soit par la victime qui apprend que ses renseignements personnels ont été violés et qui, irritée, appelle notre commissariat pour connaître ses recours. Nous lui répondons qu’elle peut porter plainte. Notre régime diffère un peu du régime fédéral. Je pense que vous faites la divulgation aux personnes touchées et au commissaire.

Le sénateur Gold : Permettez-moi de poser ma question en termes plus généraux. À leur comparution, la ministre et ses adjoints ont parlé de l’initiative de divulgation proactive, au public, de l’information appartenant aux catégories les plus recherchées — frais de déplacement et d’accueil, contrats, ce genre de choses — pour supprimer la nécessité de formuler des demandes particulières d’accès à l’information.

D’après vous, ce modèle augmenterait-il l’accès du public à l’information ou, paradoxalement, le diminuerait-il en permettant au gouvernement de répondre qu’il a déjà fourni ce genre de renseignement?

M. Kruzeniski : Nous avons recommandé, ce qui a conduit aux modifications actuelles, des dispositions pour la transparence. J’avais discuté avec le ministre de la Justice de façons d’augmenter la transparence. Je suis d’accord avec ce que vous dites. Je pense que ça rendrait le système beaucoup plus efficace. Dans la loi entrée en vigueur le 1er janvier 2018, une disposition accorde au ministre le pouvoir de désigner une catégorie de documents que son ministère peut publier sur un site web, ouvert au public. Comme la modification est nouvelle, peu de changements sont survenus. J’espère qu’il y en aura. C’est peut-être maintenant une question de sensibilisation ou de changement de culture. Le cadre juridique en place le permet. Pour le mieux.

Le seul avertissement à formuler est que les documents que je demanderai au ministère provincial de la Santé renfermeront des renseignements ou des renseignements sur ma santé qui m’appartiennent en propre. Cela ne se publie pas sur un site web. Il faut des vérifications et un examen pour éviter la publication de renseignements personnels.

Les médias y sont une partie intéressée. En Colombie-Britannique un peu plus qu’ailleurs. Dans cette province, on publie, sur le Web, des renseignements que les journalistes d’enquête se plaignent d’avoir travaillé d’arrache-pied à mettre au jour et que tous les médias ont obtenus. Peut-être que le législateur s’en soucie peu, mais, si c’est important, nous devons apprendre à récompenser ces journalistes tout en étant transparent pour le public dans un délai de 48 ou 72 heures, selon le cas.

Le sénateur Gold : Un certain nombre de témoins ont prétendu que le projet de loi C-58 devait supprimer tous les frais pour les demandeurs, que ces frais étaient difficiles à supporter pour certaines catégories de demandeurs et que les recettes ainsi perçues étaient vraiment insignifiantes par rapport aux coûts et autres charges de ce genre. Votre système impose des frais divers, on le comprend. Que pensez-vous, en général, des frais et que pensez-vous aussi de la recommandation de les supprimer?

M. Kruzeniski : En général, je considère que certains frais servent à quelque chose. Je pense qu’ils confèrent rigueur et discipline au système. Nous constatons que beaucoup de demandes d’accès à l’information sont rédigées de façon extrêmement générale. Nous avons reçu des demandes de plus de 4 000 documents. D’autre part, comme chacun de nous est un contribuable, une certaine fraction des renseignements devrait être gratuite. Dans l’ensemble actuel de règlements, les deux premières heures sont essentiellement gratuites. Une autre pratique est de ne pas facturer la première tranche de 100 $. J’ai exercé des pressions pour la gratuité jusqu’à 200 $. Je ne m’en ferais peut-être pas si la première tranche de 500 $, en temps, en efforts ou en énergie était gratuite. Il faut, je pense, de la discipline pour demander à quelqu’un qui réclame 5 000 documents de préciser l’objet de sa recherche, pour, peut-être, en réduire le nombre à 1 000 ou à 500 parce que, sinon, sa facture sera astronomique.

C’est ici que nous passons du monde du papier au monde numérique. Certains ont demandé des courriels archivés sur bandes depuis longtemps. On leur a fait des devis de 169 000 $. Bien sûr, les demandeurs deviennent fous furieux et considèrent que c’est de l’obstruction, et cetera. Nous devons établir une façon de maintenir ces frais, dans le monde numérique, à un niveau toujours raisonnable et abordable.

Je remarque que le gouvernement, ici, tente des mesures pour faciliter la recherche dans de très vieux courriels et, par conséquent, de la rendre moins coûteuse. L’extraction de renseignements stockés sur des supports électroniques qui ne sont plus utilisés devient très coûteuse.

La sénatrice Batters : Je vous remercie, monsieur Kruzeniski. Je suis vraiment ravie de vous parler. Vous êtes un fonctionnaire de notre province tenu en haute estime. Je suis Denise Batters, de la Saskatchewan. Aucun membre de mon comité ne sera étonné de m’entendre exprimer ma fierté pour ma Saskatchewan natale.

Le président : Nous nous y attendions.

La sénatrice Batters : Oui, cette province est un chef de file de ce domaine depuis un bon bout de temps. Quand, un peu plus tôt, vous disiez que vous étiez à la fois commissaire à l’information et à la protection de la vie privée, je dirais que c’est peut-être parce que les Saskatchewanais sont réputés pour leur grande efficacité. Quand j’étais une jeune avocate, j’ai travaillé pour le premier commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan, dans les années 1990. C’était alors dans le cabinet de Gerald Gerrand. Je l’ai aidé dans certains de ses dossiers. Il était aussi, à l’époque, le commissaire aux conflits d’intérêts. Cette fonction est maintenant séparée, en Saskatchewan, des deux autres.

Je me demande, vu votre expérience du système saskatchewanais et vos compétences considérables dans ce domaine, si vous pourriez nous conseiller des façons particulières pour proposer ce projet de loi et nous en indiquer des éléments qui pourraient être renforcés pour le système fédéral?

M. Kruzeniski : Je ne peux songer qu’à une seule chose et c’est un peu ce que nous avons essayé de faire ici. J’ignorais qu’en vous parlant à vous, je m’adressais à une telle somme de compétences, si vous avez collaboré avec M. Gerrand. J’aurais dû abréger mon exposé.

La sénatrice Batters : Pas du tout. Il était excellent.

M. Kruzeniski : À mon arrivée à mon poste, les rapports étaient publiés deux à trois ans après la formulation de la plainte à mon commissariat. Ma réaction a été que ce délai ne rendait pas service aux citoyens. Nous nous sommes vraiment efforcés de liquider le travail en retard. Désormais, nous publions essentiellement les rapports en trois à quatre mois. Je voudrais comprimer davantage le délai. Il faut accorder aux organismes publics le temps de chercher les dossiers, de les préparer, de faire toutes ces sortes de travaux.

En prenant connaissance des résumés et des délais, je pense m’être dit que ce serait un très long processus. Tous les amendements que votre comité pourrait proposer pour comprimer les délais seraient utiles aux citoyens. La publication des renseignements un an plus tard ne satisfait tout simplement pas à mes critères, à plus forte raison deux ans plus tard ou n’importe quoi d’autre. Les publier au bout de trois mois leur arracherait peut-être des plaintes, mais je dirais que, pour les organismes publics qui doivent envisager un processus juste ou raisonnable, ouvert à tous, il est difficile de comprimer beaucoup plus les délais. Tout ce que votre comité pourrait faire en ce sens serait utile à tous les Canadiens.

La sénatrice Batters : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur le calcul. Qu’est-ce qui entre dans le calcul d’une demande d’accès à l’information? À titre d’exemple, en Saskatchewan, si une demande d’accès à un dossier est faite à l’égard de la Saskatchewan Workers’ Compensation Board, est-ce considéré comme étant une demande d’accès à l’information?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Essentiellement, la Loi de la Saskatchewan sur l’indemnisation des travailleurs a créé, à partir des articles 172 à 174, son propre processus pour faire accéder les travailleurs blessés à leur propre dossier. La commission avait un processus pour communiquer ces renseignements.

Par exception, mon commissariat ne pouvait pas examiner certains aspects découlant des articles 172 à 174. Le gouvernement vient d’introduire l’amendement du projet de loi 165, qui autorise dans une certaine mesure mon commissariat à examiner les dossiers dans le monde de l’indemnisation des travailleurs. J’espère que la Workers’ Compensation Board continuera de suivre la pratique antérieure par laquelle on n’aura pas besoin de demander l’accès à l’information. L’information saisie sur un formulaire enclenche un processus, dont le premier effet est de donner à la commission ou à toute autre institution un délai de 30 jours pour communiquer les renseignements aux intéressés. Si vous êtes un travailleur blessé, vous risquez d’avoir besoin de l’information dès que vous l’obtenez.

Comme vos témoins antérieurs, si nous pouvons faciliter aux blessés l’accès à l’information simplement parce qu’ils la demandent plutôt que par un processus législatif, nous les aidons peut-être tous à accélérer la résolution de leur dossier.

[Français]

Le sénateur Carignan : Les organismes ont-ils l’habitude de traiter les demandes des médias différemment de celles du public ou des chercheurs, compte tenu de la nature de la demande d’un membre des médias, qui est davantage une question d’intérêts publics que d’intérêts privés? J’imagine que, dans les cabinets politiques, on y voit aussi un potentiel d’impact politique. Y a-t-il un traitement différent lorsqu’un membre des médias présente une demande à des organismes?

[Traduction]

M. Kruzeniski : Il m’est difficile de parler de l’exécutif. À ma connaissance, des demandes au gouvernement n’ont pas été mises sur la voie rapide parce qu’elles provenaient des médias. En fait, les médias, de temps à autre, se plaignent à moi d’avoir l’impression d’un traitement plus lent de leurs demandes. Je distingue toujours les demandes ordinaires d’accès, qui suivent plutôt bien leur cours dans le système, et les demandes sur un dossier chaud de l’actualité, où les choses se compliquent un peu, vu l’afflux d’avocats et de journalistes. Cette affluence, dans une certaine mesure, ralentit le système.

À ma connaissance, il n’existe aucun moyen officiel d’accélérer ou de ralentir le traitement de la demande. Chez nous, si nous sommes à l’étape où un journaliste a essuyé un refus, nous envoyons essentiellement sa demande d’examen à la fin de la file, comme celle de tout le monde, parce que, sinon, la mise sur une voie rapide se traduit simplement par un traitement plus lent d’une autre demande. On espère que les médias sont traités exactement comme tout le monde.

Le sénateur Pratte : Je comprends que, lorsqu’on émet une recommandation à l’intention d’un organisme public, si l’organisme la rejette, le demandeur peut interjeter appel à la Cour supérieure. Cet appel devient un procès de novo. C’est en quelque sorte semblable à ce que propose le projet de loi C-58. Croyez-vous que l’état de novo cause des difficultés? Est-ce que, d’une certaine façon, ça complique la tâche au demandeur pour obtenir une décision favorable de la Cour supérieure?

M. Kruzeniski : D’après mes observations, le procès de novo semble ralentir le processus. Des avocats me demandent quelle est exactement la procédure. Dans une certaine mesure, ils sont plus à l’aise dans un processus d’appel, où vous auriez la recommandation no 4 et où ils interjetteraient appel et affirmeraient que le commissaire a erré en droit en formulant telle recommandation. Du point de vue de la procédure, je pense que ça pourrait être plus rapide.

D’autre part, nous avons dans cette loi, depuis 1992, un appel de novo, qui permet aux parties d’examiner l’affaire de plus près et d’invoquer tous les arguments qu’ils veulent, ce qui les fait recommencer à zéro. Cela m’irrite. En entendant leur nouvel argument, je me demande pourquoi ils ne l’ont pas invoqué devant moi? Le procès de novo leur permet en effet de soulever tout ce qui accroche leur attention pendant l’analyse et la préparation de leur dossier.

Je pense que, à mesure que la jurisprudence du domaine s’enrichira, le processus pourra s’accélérer. Une décision rendue la semaine dernière a permis de dissiper quelques incertitudes. Une fois le processus fixé, j’espère que les choses iront plus vite. Encore une fois, pour le citoyen qui attend toujours, dont la demande d’accès a été rejetée, qui s’est adressé à mon bureau il y a trois ou quatre mois, il a 30 jours pour y réfléchir, puis vient l’appel, et il faut se présenter devant le juge. C’est long et fastidieux.

Le sénateur Pratte : Merci.

Le président : Monsieur Kruzeniski, j’admire votre maîtrise du dossier. Cela nous a été très utile pour les questions qui nous tracassent. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir pu vous libérer ce matin. Merci beaucoup. Nous conserverons votre nom sur notre liste d’experts en d’autres questions que nous pourrions devoir maîtriser en cours de route. Merci beaucoup, monsieur.

M. Kruzeniski : Je vous remercie de votre invitation.

(La séance est levée.)

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