Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 58 - Témoignages du 4 avril 2019
OTTAWA, le jeudi 4 avril 2019
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 10 h 36, afin de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue ce matin pour la reprise de nos travaux sur notre étude du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.
Vous vous souviendrez que, au moment de l’ajournement hier, en fin d’après-midi, nous en étions à l’article 36 du projet de loi, à la page 25. Le sénateur Dalphond avait proposé un amendement et nous avons été informés que la sénatrice Ringuette avait également un amendement à proposer, qui recoupait les objectifs poursuivis par l’amendement du sénateur Dalphond. Je crois comprendre qu’il y avait également des amendements que la sénatrice McCoy voulait présenter à cet égard.
Je donnerai donc la parole à chacun d’entre vous, pour voir de quelle manière nous pouvons accélérer l’étude de cet article.
Le sénateur Dalphond : La nuit porte conseil et, après consultation, nous avons décidé ceci : mon amendement a été présenté au mois de mars. L’amendement qui est proposé par la sénatrice Ringuette au nom du gouvernement date d’avril; il est donc plus récent. Je crois qu’il fait consensus parmi les collègues, puisqu’il répond aux préoccupations que la sénatrice McCoy a soulevées à l’époque. Par conséquent, elle serait satisfaite des propositions du gouvernement. J’en serais moi-même très satisfait également. Je propose donc d’ignorer ma proposition et d’étudier les plus récentes qui répondent aux préoccupations.
[Traduction]
Le président : Acceptez-vous, mesdames et messieurs les sénateurs, que le sénateur Dalphond retire sa proposition?
Des voix : Oui.
Le président : D’accord.
[Français]
J’invite donc la sénatrice Ringuette à déposer officiellement son amendement et de l’identifier, pour que les sénateurs sachent de quel amendement il s’agit.
[Traduction]
Passons maintenant à l’amendement PR 11.1, proposé par la sénatrice Ringuette.
[Français]
Donc, il s’agit de l’amendement PR 11.1, qui correspond à la substitution de l’amendement du sénateur Dalphond. Est-ce que tous les honorables sénateurs ont la copie de l’amendement?
Il porte le numéro PR 11.1. Ça va? Sénatrice Ringuette, veuillez déposer officiellement cet amendement au comité.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : Voici ma proposition :
Que le projet de loi C-58, à l’article 36, soit modifié par substitution, à la ligne 14, page 25, de ce qui suit :
« pourrait porter atteinte au privilège parlementaire. ».
[Français]
Le président : Voulez-vous donner quelques précisions?
La sénatrice Ringuette : Je crois que des gens se sentaient moins à l’aise avec les mots « tel quel », à l’article 36, ligne 14.
L’ajout des mots « pourrait porter », à mon avis, rend les gens plus à l’aise. On laisse ainsi la discrétion telle qu’on la reconnaît dans le Règlement du Sénat.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Merci. Cela me rassure. Je craignais que la formulation de la loi ne laisse entendre que le Président du Sénat est investi d’un pouvoir qu’il n’a pas, et que le comité le tolérerait; ce n’est pas quelque chose que j’approuve ou que j’encourage. Cet amendement est une solution simple et élégante. Il fait plus ou moins écho à notre processus, dans lequel nous demandons au Président de se justifier. S’agit-il, comme le dit l’expression, d’un cas prima facie? Peut-être que le privilège parlementaire est vraiment en cause. Donc, je crois que cet amendement remédie bien à mes préoccupations.
Sénatrice Ringuette, vous avez négocié ce point au nom du Sénat avec le ministère de la Justice et les autres intervenants, n’est-ce pas? Je vous remercie d’avoir défendu notre point de vue.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Sénatrice Ringuette, je comprends que cet amendement à l’article 71.12 sera jumelé à un autre amendement qui portera sur l’article 71.14, autrement dit, sur le fait que la décision sera définitive. Cette fois-ci, la décision du Président du Sénat portera uniquement sur le fait que la publication de renseignements pourrait porter atteinte au privilège. C’est bien ce que je comprends?
La sénatrice Ringuette : Exactement.
La sénatrice Dupuis : Une chose doit être claire, à mon avis. Notre préoccupation était de faire en sorte qu’on ne cherche pas, par l’intermédiaire de ce genre de loi, à accroître les pouvoirs du Président du Sénat. En ce sens, cette solution n’est pas satisfaisante, et on devrait la réexaminer au moment de la révision de la loi. Autrement dit, je crois qu’il faudra suivre l’évolution des discussions au sujet de cette loi, parce que je continuerai d’être préoccupée par le fait que le Président a peut-être un nouveau pouvoir de juger que la publication de renseignements pourrait porter atteinte au privilège parlementaire.
[Traduction]
Le président : Puis-je me permettre de faire un commentaire?
[Français]
En ce moment, le Président a la responsabilité de déterminer si les quatre éléments doivent être réunis simultanément pour constituer une apparence de privilège et faire l’objet d’une décision positive du Président qui, par la suite, renvoie la question au Comité du Règlement, comme vous le savez.
La sénatrice Dupuis : Exactement.
Le président : Donc, le pouvoir du Président est très encadré selon les dispositions du Règlement du Sénat. La proposition, telle que formulée par la sénatrice Ringuette, ne reconnaît pas, comme le projet de loi le faisait auparavant, le pouvoir du Président de décider de la question de privilège. Le Président peut donner son opinion, à savoir si la question pourrait constituer une question de privilège. Il y a une nuance très importante, qui correspond, comme je le souligne, aux pouvoirs du Président tels qu’ils sont énoncés dans le Règlement du Sénat.
[Traduction]
C’est ce que je comprends. La sénatrice McCoy abonde fort probablement dans le même sens. Il est souvent arrivé que le Président ait à confirmer un cas prima facie, bien sûr, et à demander une enquête au Comité du Règlement.
Votre question est donc, selon moi, tout à fait appropriée, et pourrait être étudiée par le Comité du Règlement à un moment donné, bien sûr, quand ce comité et celui qui étudie actuellement les privilèges seront appelés à le faire. Ils pourront ensuite en aviser les honorables sénateurs. Toutefois je crois que l’ajout de cet amendement vient confirmer le libellé du Règlement de la Chambre.
[Français]
Le sénateur Carignan : C’est un peu le point que je voulais soulever par rapport à l’article 71.14. On vise à modifier l’article 71.14 pour introduire la notion de « pourrait porter ». Je comprends votre explication, sénateur Joyal, mais j’ai peur que, dans 10 ans, si elle est citée hors contexte, la loi soit interprétée comme étant définitive en ce qui a trait à la décision du Président du Sénat. La mémoire étant une faculté qui oublie, je ne suis pas certain que, lorsque le sujet sera soulevé dans 10 ans, les gens jugeront bon de revenir sur les débats en comité pour déterminer quelle était l’intention derrière cette modification. Je crois qu’on devrait compléter cet article avec la notion que cela ne porte pas atteinte à l’autorité souveraine du Sénat de prendre une décision. Je me demande si l’amendement atteindra l’objectif que nous visons actuellement.
[Traduction]
La sénatrice Batters : J’ai quelques questions sur l’amendement 12.1. Avant, par contre, à propos de l’amendement 11.1, je dirais que c’est un bon compromis et que j’en suis heureuse, car j’ai moi-même soulevé la question il y a six mois maintenant. J’ai vérifié, et Mme Gould, la ministre des Institutions démocratiques, a comparu devant nous il y a six mois de cela. Il était évident que la ministre et, bien franchement, que le haut fonctionnaire du Conseil privé qui l’accompagnait ce jour-là ne pouvaient pas faire la différence entre les rôles de Président du Sénat et de Président de la Chambre. Je suis donc heureuse que nous ayons pu mieux informer la ministre sur l’institution parlementaire importante qu’est le Sénat. J’estime que, à cet égard, notre contribution a été utile.
Sur l’amendement 11.1 en particulier, je tiens à remercier la sénatrice Ringuette. Je présume que son amendement est celui du gouvernement du Canada, si bien qu’il sera accepté par l’autre endroit. C’est bien cela, sénatrice Ringuette?
La sénatrice Ringuette : Oui.
La sénatrice Batters : Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je veux seulement être sûre de bien comprendre la nuance que présente l’amendement. Je comprends très bien votre explication, sénateur Joyal, sur ce qui se passe conformément au Règlement du Sénat actuellement. Quand on invoque la question de privilège, il y a, dans le Règlement du Sénat, une procédure bien définie. Ici, on veut ajouter quelque chose en dehors du Règlement du Sénat, qui nous dit que le Président, lorsqu’il examinera la question, à savoir que la publication des informations visées à l’article 71.12, qu’elles soient collectives et touchent tous les sénateurs, ou individuelles dans le cas d’un sénateur ou d’une sénatrice en particulier, prendra sa décision en fonction de cette loi en tenant compte du fait qu’elle pourrait porter atteinte au privilège parlementaire. On n’est pas dans le contexte du Règlement du Sénat, qui détermine s’il y a, à première vue, une situation d’atteinte à un privilège et si on doit se conformer à la procédure pour étudier la question au Comité du Règlement. Ce qu’on dit ici, c’est qu’un nouveau système s’installe en parallèle. Le Président aura l’autorité de conclure, après enquête, que la publication des renseignements pourrait porter atteinte au privilège.
Rien ne fait le lien entre cette décision selon laquelle on « pourrait porter » atteinte et la procédure parallèle du Règlement du Sénat. Lorsqu’on demande au Président de prendre une décision, est-ce qu’il y a une atteinte au privilège? La question est renvoyée au Comité du Règlement. Je veux juste m’assurer que l’objectif de ne pas ajouter de nouveaux pouvoirs au Président du Sénat soit atteint par l’amendement qui est devant nous.
Le sénateur Boisvenu : Dans la notion de « porterait » ou « pourrait porter », il y a une notion de doute. Dans « pourrait porter », il y a une notion de doute. Dans « porterait », il y a une notion de certitude. À mon avis, on ajoute un pouvoir au Président.
Le sénateur Carignan : On met sur un pied d’égalité le Président du Sénat et le Président de la Chambre, alors qu’on sait que leurs pouvoirs sont distincts. Quand on dit « est défini particulièrement », cela laisse sous-entendre que la décision du Président du Sénat serait définitive et qu’à la limite on devrait modifier notre Règlement pour les rendre conformes à la nouvelle loi. Je ne crois pas que ce soit l’intention de qui que ce soit ici. Je crois qu’il faudrait retravailler cet article.
La sénatrice Ringuette : On devrait se reporter aux documents qui nous ont été transmis par écrit par le légiste et conseiller parlementaire du Sénat. Selon son analyse du projet de loi C-58 tel qu’il était rédigé, il ne modifiait pas la responsabilité du Sénat ou du Comité du Règlement du Sénat. De plus, il a témoigné devant nous. Je dépose cet amendement à la suite de la discussion qui a eu lieu autour de la table. Il est possible que cela retire la responsabilité définitive au Président, si vous voulez, telle qu’elle est décrite dans le Règlement du Sénat. Monsieur le président, je crois que nous avons un élément de solution — pour répéter les propos de la sénatrice McCoy hier soir — qui fait en sorte qu’on respecte la Loi sur le Parlement du Canada et le Règlement du Sénat par rapport aux pouvoirs du Président.
Le président : Je vais relire l’article du Règlement du Sénat qui reconnaît le pouvoir du Président. Il s’agit de l’article 13-5(5) : « Le Président décide si la question de privilège est, à première vue, bien fondée; il doit motiver sa décision en citant les articles du Règlement, les pratiques ou les autorités à l’appui de celles-ci ». Je poursuis :
13-6 (1) Si la question de privilège est jugée fondée à première vue, le sénateur qui l’a soulevée peut proposer sur-le-champ que le Sénat prenne des mesures de réparation ou que ce cas de privilège soit renvoyé au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour enquête et rapport.
[Traduction]
Je vais aussi vous les lire en anglais pour que nous puissions bien cerner la nature des pouvoirs du Président :
13-5 (5) The Speaker shall determine whether a prima facie question of privilege has been established. The Speaker shall give the reasons and cite any rules, practices or authorities on which the ruling is based.
13-6 (1) When a prima facie question of privilege has been established, the Senator who raised the matter may immediately move a motion to seek a remedy or to refer the case of privilege to the Standing Committee on Rules, Procedures and the Rights of Parliament for investigation and report.
Bref, le Président ne se prononce pas sur le fond. Il établit seulement si tous les facteurs sont réunis, c’est-à-dire si les quatre éléments convenus sont présents, et, le cas échéant, soumet la question de privilège au Comité du Règlement, qui doit trancher.
[Français]
Le sénateur Carignan : Aucune décision du Président n’est définitive. Aujourd’hui, on adopterait une loi qui dit que la décision prima facie qui serait la sienne serait définitive. Voilà le problème.
Le président : Je réfléchis à vos observations.
Le sénateur Carignan : On décide si une question de privilège doit être renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, même si cette décision peut actuellement faire l’objet d’un appel au Sénat.
Le président : Tout à fait.
Le sénateur Carignan : Selon le projet de loi, cette décision serait définitive, donc elle ne pourrait pas faire l’objet d’un appel.
La sénatrice Dupuis : Conformément au Règlement, pourriez-vous nous dire si le pouvoir du Président du Sénat, tel qu’énoncé à l’article 13-5, s’exerce dans le cas où une question de privilège a été soulevée par un sénateur? Ici, on parle quand même de quelque chose d’autre. Si le Président du Sénat ou de la Chambre, selon le cas, pourrait conclure que la publication de renseignements « pourrait porter atteinte » au privilège parlementaire. Personne n’a soulevé la question de privilège dans ce cas-ci. C’est le Président qui a l’autorité d’examiner la question, de son propre chef, et de conclure que la publication des informations « pourrait porter atteinte » au privilège. C’est dans ce sens que je dis que l’on sort du cadre défini dans le Règlement du Sénat. Si une question de privilège est soulevée pour aborder une situation plus générale en dehors du cadre du Règlement du Sénat, il faut traiter de cela dans le projet de loi C-58. Ce n’est pas la même chose.
Le président : Pas du tout.
La sénatrice Dupuis : Ce sont deux situations de droit qui seront différentes, au bout du compte.
Le président : Si le Président arrive à la conclusion que la publication pourrait porter atteinte au privilège, il rend une décision qui pourrait, théoriquement, être portée en appel par la personne visée ou par un autre sénateur qui pourrait estimer qu’elle ne porte pas atteinte au privilège et que l’information devrait être publiée. Je vois très bien dans quel genre de situation on pourrait se retrouver.
Le président : Par exemple, dans une procédure judiciaire où on présente une demande d’information et où le Président décide d’autoriser la publication, cela pourrait constituer une violation du privilège. Un autre sénateur pourrait être d’avis contraire. Alors, dans quel contexte va-t-on résoudre la difficulté entre deux opinions opposées. Je vous pose la question. Je ne veux pas vous donner la réponse tout de suite. Je veux, bien sûr, entendre les sénateurs.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Pour ce qui est de l’opinion de Michel Bédard, je rappelle qu’il n’était pas légiste du Sénat à l’époque — c’est peut-être l’interprète qui n’a pas tout dit. Il était légiste adjoint intérimaire du Sénat et travaille aujourd’hui pour la Chambre des Communes. Je voulais juste le souligner. Et, honnêtement, je n’étais pas d’accord avec lui, et pour plusieurs raisons, comme je l’ai dit ce jour-là.
Quand j’en ai parlé plus tôt aujourd’hui, je faisais directement référence à l’amendement PR 11.1. Mes préoccupations par rapport à l’amendement 12.1 sont probablement les mêmes que celles du sénateur Carignan. Je veux au moins obtenir des réponses à mes questions sur la décision définitive. Je voulais simplement préciser que, plus tôt, mes commentaires portaient uniquement sur l’amendement 11.1, car j’ai aussi des questions sur la portée de l’amendement 12.1, qui ne va peut-être pas assez loin.
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord avec la sénatrice Batters : nous traitons actuellement de l’amendement 11.1. Je crois que l’on comprendrait mieux si tous les amendements étaient lus en bloc, soit PR 11.1, PR12 et PR-12.1.
L’amendement PR-12.1 précise ce qui suit : « Pour l’application de la présente partie, est définitive la décision [...] portant que la publication pourrait porter atteinte au privilège parlementaire [...] ».
La décision définitive telle qu’elle est établie n’est valide qu’aux fins de la loi. Elle n’a aucune incidence sur les travaux du Sénat, sur Règlement du Sénat ou sur d’autres documents de référence. Sa portée se limite à l’accès à l’information.
Le sénateur Carignan : D’accord.
La sénatrice Batters : C’est bien.
Le sénateur Dalphond : Cela ne porte que sur l’accès conformément à ce texte de loi, et non sur l’accès établi par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ou encore par une décision du Sénat.
Le président : Je crois que les deux amendements doivent être lus simultanément.
[Français]
Le sénateur Pratte : Comme je ne suis pas légiste, je veux plutôt trouver une solution. Si je comprends bien, l’objectif de l’article 71.14 est de faire en sorte que les décisions en cette matière ne puissent pas faire l’objet d’un appel.
Si on disait, pour apaiser les craintes, quelque chose du genre « est définitive, sous réserve des règlements de chaque Chambre, la décision du président du Sénat et de la Chambre des communes ». Je répète que je ne suis pas légiste, mais l’esprit est là. En d’autres termes, si on inscrivait l’idée que c’est sous réserve du Règlement de chaque Chambre, à ce moment-là le Règlement du Sénat s’appliquerait. Les règles du Sénat, nous les connaissons.
Le sénateur Carignan : Étant donné qu’à la Chambre des communes le rôle du Président est différent de celui du Sénat, on devrait dire : « est définitive la décision du président de la Chambre des communes ou du Sénat, ou celle de son délégué ». Plutôt que de parler du Président du Sénat, on devrait parler du Sénat ou de son délégué. Si, dans le Règlement du Sénat, on prévoit que le Président joue un rôle et que le Comité de la régie interne fait une recommandation à la fin, cela respecte à tout le moins le processus.
Les deux Chambres ont un pouvoir distinct et, dans l’article du projet de loi, on les considère comme si elles étaient au même niveau, et c’est ce qui crée la confusion. Si ma mémoire est bonne, le légiste avait affirmé que son opinion valait celle d’un autre, dans le sens où la question peut être débattue entre deux avocats tant qu’elle n’est pas tranchée devant la Cour suprême.
La sénatrice Ringuette : Le Règlement de la Chambre des communes est celui de la Chambre des communes et le Règlement du Sénat est celui du Sénat. Toutefois, la Loi du Parlement précise bien que ce sont les Présidents des deux Chambres qui sont les gardiens du privilège parlementaire. Nous parlons ici de « proactive disclosure ». On ne parle pas de l’ensemble des privilèges des sénateurs et des députés de la Chambre des communes.
Tout en respectant le Règlement du Sénat, je suis d’avis que le fait d’ajouter « pourrait porter atteinte au privilège parlementaire » est une solution élégante, qui reconnaît l’existence d’un processus à l’intérieur de la Chambre afin que ce soit reconnu définitivement comme un privilège par le Sénat ou non.
Il faut comprendre aussi que, lorsqu’il y a prorogation, le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement ne siège pas. Il y a eu trois prorogations au cours des 10 dernières années. Dans un tel cas, que se passera-t-il si un sénateur croit que la diffusion de ses dépenses affecte ses privilèges parlementaires? Il faut prévoir cette flexibilité et laisser une porte ouverte au sénateur qui croit que le fait de publier ses dépenses affecte ses privilèges parlementaires.
On peut tourner en rond, si c’est ce que vous voulez faire durant les deux prochaines heures. Cependant, monsieur le président, j’aimerais que vous demandiez aux sénateurs de se prononcer.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : J’estime que l’amendement 11.1 est satisfaisant pour l’instant, puisque c’est ce qui est en vigueur. Il dit qu’il n’y a pas divulgation si le Président du Sénat juge qu’il peut y avoir atteinte au privilège parlementaire. Le problème réside plutôt à l’article 71.14 et, si nous traitons des deux en bloc, je crois qu’il serait utile d’y ajouter quelques mots, comme l’a d’ailleurs proposé le sénateur Dalphond si ma mémoire est bonne. Ces mots viendraient préciser que la décision est définitive uniquement aux fins de cette loi. Donc, à la lecture de la loi, tout le monde comprendrait que c’est une question administrative qui n’a aucune incidence sur les droits d’un sénateur ou encore une question de privilège et qu’elle n’affecte pas les pouvoirs du Président du Sénat en l’espèce. C’est ce que je recommande pour cet article quand nous l’aborderons. Je suis prête à proposer un sous-amendement quand nous traiterons de l’amendement 12.1 proposé par la sénatrice Ringuette.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je voudrais revenir sur les commentaires de la sénatrice Ringuette, qui nous prête ici des intentions. On parle des privilèges du Sénat et de ceux du Président du Sénat. Cette question est, à mon avis, suffisamment importante pour qu’on y consacre quelques minutes pour bien réfléchir aux conséquences. Je pense que c’est loin d’être clair. C’est pourquoi je demande à la sénatrice Ringuette de faire preuve de prudence dans son procès d’intention. Elle est supposément une sénatrice indépendante, elle appuie un projet de loi du gouvernement et elle le fait très bien. Toutefois, je ne voudrais pas qu’elle nous prête des intentions.
[Traduction]
La sénatrice Batters : J’ai quelques éléments à mentionner sur les amendements 12.1 et 11.1. Les observations du sénateur Dalphond selon lesquels c’est pour l’application de la présente partie seulement ne me rassurent pas beaucoup. Je ne suis certainement pas une grande spécialiste de la procédure, mais je peux très bien imaginer qu’il y ait beaucoup de demandes d’accès à l’information visant ce parlementaire en particulier.
Nous devons être certains que le libellé est correct. Franchement, le problème ici, c’est que les rédacteurs du projet de loi, qui travaillent pour le gouvernement du Canada, semblent n’avoir aucune idée du fait qu’il y a des différences entre les deux Présidents. Il est bien que le gouvernement essaie de proposer une solution, mais nous devons nous assurer qu’elle respecte la situation propre au Sénat.
En fait, sur ce point, je préférerais la proposition du sénateur Pratte et qu’on écrive « conformément au Règlement du Sénat » ou quelque chose du genre, plutôt que « pour l’application de la présente partie » ou de cette loi. Cela permettrait de reconnaître que notre institution parlementaire, le Sénat, est maître de sa destinée, dans une certaine mesure, et que ce n’est pas le gouvernement du Canada qui nous dicte quoi faire.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je voudrais parler de l’alinéa 4b), la section qui traite des privilèges, immunités et pouvoirs dans la Loi sur le Parlement du Canada, et je cite :
4Les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes, ainsi que de leurs membres, sont les suivants :
a)d’une part, ceux que possédaient, à l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867 [...]
Cependant, c’est l’alinéa b) qui m’intéresse ici :
b) d’autre part, ceux que définissent les lois du Parlement du Canada, sous réserve qu’ils n’excèdent pas ceux que possédaient, à l’adoption de ces lois, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni et ses membres.
Le Sénat du Canada, par l’intermédiaire des travaux de son Comité du Règlement, est en train d’examiner cette question des privilèges parlementaires, et ce qui ressort clairement des travaux du comité et des témoignages que nous avons entendus, c’est que, si le Sénat ou le Parlement légifère sur les privilèges — et je ne conteste pas du tout l’autorité du Parlement de le faire —, on vient restreindre inévitablement les privilèges de la façon dont le prévoit le projet de loi en question aux articles 71.12, 71.13 et 71.14. C’est dans ce sens que je dis qu’il faut être conscient de ce que nous sommes en train de faire. C’est tout. Merci.
Le sénateur Pratte : Monsieur le président, je ferais de ma suggestion une proposition d’amendement formelle. Attendez un peu, il faut que j’amende l’amendement. J’annonce donc que je vais faire une proposition d’amendement à l’amendement PR-12.1. Il faut traiter les trois en même temps. Donc, on ajouterait après les mots « définitive, sous réserve des règlements dans chaque Chambre [...] ».
[Traduction]
Le président : En anglais, c’est écrit « subject to the standing rules of each chamber »...
[Français]
Voulez-vous répéter, s’il vous plaît?
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Cela a été revu depuis le temps où j’étais rédactrice législative, mais je pense qu’on écrit maintenant « les deux Chambres » plutôt que les Chambres, tout court, comme dans la Loi sur le Parlement du Canada.
La sénatrice Batters : Y a-t-il un rédacteur législatif ici?
La sénatrice McCoy : Y a-t-il un légiste parmi nous?
La sénatrice Batters : Comment est-ce possible?
La sénatrice McCoy : En anglais, je pense qu’on a écrit « Houses of Parliament ».
Le président : Nous regarderons dans la Loi d’interprétation.
[Français]
Le président : Est-ce qu’il y a un représentant du ministère de la Justice dans la salle? Je crois que nous avons Mme Adair Crosby, avocate-conseil et directrice adjointe, et Mme Sarah Geh, directrice et avocate générale, du ministère de la Justice Canada.
[Traduction]
Sont-elles dans la pièce? Avez-vous entendu la question, madame Geh?
Sarah Geh, directrice et avocate générale, ministère de la Justice Canada : Je n’ai pas entendu la question, je m’excuse. Je ne suis pas ici à titre de rédactrice législative, donc je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à la question.
La sénatrice McCoy : Pouvons-nous porter le libellé à l’attention du président, lorsqu’il fera ce que... Je ne sais pas trop comment nommer cela...
Le président : Bien sûr. Sénatrice, je vérifierai dans la Loi d’interprétation quel est le bon libellé. Comme je le disais, selon ce que m’a remis la représentante de la Bibliothèque du Parlement, à la page 48, vous comprendrez assez vite, voici le paragraphe 75(1) de la Loi sur l’accès à l’information, en anglais :
The administration of this Act shall be reviewed on a permanent basis by such committee of the House of Commons, of the Senate, or of both Houses of Parliament.
La sénatrice McCoy : C’est ce que je comprenais.
Le président : C’est ce qu’on trouve dans la loi elle-même, c’est la façon dont chaque Chambre est désignée.
La sénatrice McCoy : Et qu’est-il écrit en français?
Le président : Je m’excuse, sénatrice?
La sénatrice McCoy : Que dit le français?
[Français]
Le président : En français, on dit ce qui suit :
Le Parlement désigne ou constitue un comité soit de la Chambre des communes, soit du Sénat, soit mixte.
Le sénateur Pratte : Dans la Loi du Parlement, on parle des deux Chambres à plusieurs reprises. Dans cette expression, on dit « des deux chambres », et en anglais, c’est « both houses ».
Le président : Et dans la Loi d’interprétation?
[Traduction]
Je proposerai ceci, en anglais, et c’est donné en exemple :
If Parliament has not been sitting on any of the first 15 days next thereafter, that Parliament is sitting and shall not come into force unless and until it is affirmed by a resolution of both Houses of Parliament.
Bref, les mots « Houses of Parliament » se trouvent dans la Loi d’interprétation. Je pense que, en anglais, avec le terme « Houses of Parliament », on désigne très clairement les deux Chambres.
[Français]
En français, cette fois, ils n’ont pas utilisé le mot « mixte »; ils ont dit « les deux chambres ». Donc, en français, ce serait « les deux Chambres ». Je vais vérifier, si vous me le permettez, sénateur Pratte, si, en termes législatifs, on dit « rules or standing rules », parce que « standing rules » est plus précis.
[Traduction]
Shaila Anwar, greffière du comité : C’est « standing orders ».
Le président : « Standing orders ». Donc, en anglais, ce serait « subject to the rules and standing orders ».
Mme Anwar : « To the rules and standing orders of both ».
[Français]
Le président : En français, ce serait « sous réserve des règlements des deux chambres », et en anglais —
[Traduction]
— « Subject to the rules and standing orders of both Houses of Parliament », selon le vocabulaire qu’on trouve dans la Loi d’interprétation.
Sénatrice McCoy, je réponds à votre question.
La sénatrice McCoy : C’est très bien, mais je pense qu’il y a aussi des ordres sénatoriaux, qui ne font pas partie du Règlement. Certains en font partie. C’est ce qu’on appelle le Règlement du Sénat lui-même, mais il y a aussi les ordres, comme l’ordre de renvoyer le projet de loi C-58 au comité en 19... Je m’excuse, en 2018, on aurait dit que c’était 1918.
La sénatrice Batters : Je pense que ça aurait pu être le cas.
La sénatrice McCoy : Mais cela ne fait pas partie du Règlement en tant que tel.
Le président : C’est le vocabulaire que m’a remis la greffière. Si vous le voulez bien, avec votre autorisation, bien sûr, je lui demanderais d’essayer de répondre à cette question.
La sénatrice McCoy : Je pense que nous devons clarifier le libellé et vous donner ce pouvoir.
Le président : Je m’en occuperai, bien sûr. Je comprends très clairement que le procès-verbal est là pour nous guider, pour que nous puissions nous y référer, pour être certains d’utiliser le bon vocabulaire pour désigner les ordres ou les règles du Sénat.
[Français]
Les Règlements et les autres instruments du Sénat et de la Chambre des communes.
Pouvez-vous répéter, sénateur Pratte? J’aimerais identifier l’endroit où vous proposez d’insérer la phrase. Nous en tiendrons compte également. L’amendement PR-12.1 n’est pas encore sur la table. Je vais demander à la sénatrice Ringuette de le proposer, parce que c’est un sous-amendement à un amendement que nous n’avons pas encore devant nous.
La sénatrice Ringuette : Vous souhaitez qu’on traite les trois éléments en même temps.
Le président : Je demanderai le vote séquentiel pour nous assurer d’avoir une majorité, mais ce serait important de les avoir tous sur la table en même temps.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : Que le projet de loi C-58, à l’article 36, soit modifié par substitution, aux lignes 27 à 29, page 25, de ce qui suit :
Décision définitive 71.14 Pour l’application de la présente partie, est définitive la décision du président du Sénat ou de la Chambre des communes — ou celle de son délégué — portant que la publication pourrait porter atteinte au privilège parlementaire ou qu’elle
[Français]
Le président : Sénateur Pratte, si vous voulez bien déposer votre sous-amendement.
Le sénateur Pratte : Je vais le faire en français, parce que je ne sais pas où iraient les mots dans la version anglaise.
Le sénateur Carignan : C’est un droit constitutionnel.
Le sénateur Pratte : Oui, mais j’aurais voulu le dire en anglais également. Le texte de l’amendement dirait ceci :
71.14Pour l’application de la présente partie, est définitive la décision du président du Sénat ou de la Chambre des communes — ou celle de son délégué — portant que la publication pourrait porter atteinte au privilège parlementaire [...]
[Traduction]
Le président : « Sous réserve des règlements des deux chambres », après le mot « définitive ».
[Français]
Dans la version anglaise, on pourrait lire ce qui suit :
[Traduction]
Décision définitive 71.14 Pour l’application de la présente partie, est définitive, sous réserve des règlements des deux chambres, la décision du Président du Sénat ou de la Chambre des communes — ou celle de son délégué — portant que la publication pourrait porter atteinte au privilège parlementaire ou qu’elle
Le sénateur Gold : Je pense que je mettrais les mots « ... for the purposes of this Part, subject to » à la fin, en anglais.
[Français]
Le sénateur Carignan : On parle des deux Chambres et de leur règlement respectif.
Mme Anwar : En anglais, à la Chambre des communes, on dit « Standing Orders of the House of Parliament ». En français, on dit Règlement de la Chambre des communes et, au Sénat, on dit Règlement du Sénat, « Rules of the Senate ».
Le sénateur Carignan : Il faut que ce soit leur règlement respectif. Il ne faut pas que ce soit interprété comme les deux ensemble.
Mme Anwar : C’est pourquoi, en anglais, on dit « Rules and Standing Orders », alors qu’en français le mot « Règlement » suffit pour les deux.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Nous vous laisserons le soin de déterminer ce qu’il en est du règlement de la Chambre des communes, mais au Sénat, je serais prête à dire qu’il faudrait plutôt écrire « les règles et ordres du Sénat ». Je vous laisse le soin de vérifier ce qu’il en est pour la Chambre des communes.
Le président : Je vous proposerai une solution à la question qui reste en suspens dans l’esprit des honorables sénateurs, pour que ce libellé soit bien exact. Je soumettrai le tout au légiste pour m’assurer que le libellé choisi corresponde exactement à ce que nous avons en tête.
La sénatrice Batters : J’ai quelques questions à poser à la sénatrice Ringuette. Comme c’est un amendement à ce que le gouvernement propose, savez-vous ou pourriez-vous vérifier si le gouvernement du Canada est prêt à l’accepter? Il serait un peu ridicule de nous astreindre à tout cela, que le Sénat l’adopte, puis que la Chambre des communes nous tourne le dos et le rejette, sans aucune raison. Nous voudrions savoir si le gouvernement du Canada trouve cet amendement acceptable, ou si au moins, il ne le trouverait pas inacceptable, quelles que soient ses raisons.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de cette question, sénatrice Batters. Je ne prétendrai pas pouvoir y répondre pour la Chambre des communes. Ses membres nous donneront les réponses qu’ils voudront. Je comprends. Je marraine le projet de loi, c’est moi qui en pilote l’examen législatif.
J’ai l’impression que c’est, en fait, une précision supplémentaire apportée par le sous-amendement du sénateur Pratte. Si cela rassure les membres du comité en ce qui concerne les règles applicables au Sénat et nos pratiques pour l’établissement du privilège parlementaire, vous savez, je ne le verrais pas comme un grand obstacle. Je ne vois pas pourquoi c’en serait un, mais je répète que je ne peux pas parler au nom de la Chambre des communes. Je ne peux que vous faire part de mon impression. La loi vise à donner accès à plus d’information, et cette partie porte sur la divulgation proactive. Elle se fonde sur la Loi sur le Parlement et la responsabilité dont les Présidents des deux Chambres sont investis en tant que gardiens du privilège, sous réserve des règlements en vigueur dans chaque Chambre. Je ne vois pas là de grand problème.
[Français]
Comme le sénateur Joyal l’a dit, il « fera la toilette » de ce qui s’impose.
[Traduction]
Le président : La principale chose qui pourrait porter le gouvernement à refuser cette modification — je parle bien du gouvernement et non de la Chambre des communes — serait que ce libellé augmente l’incertitude quant à l’interprétation du sens de la loi. Je ne pense pas que cela augmente l’incertitude quant à la façon dont un tribunal ou l’administration interprétera cette partie de la loi.
La sénatrice Batters : Je pense au contraire que l’amendement augmente la certitude, ce qui est préférable.
Le président : Exactement.
La sénatrice Batters : Je me demande s’il y a quelqu’un ici, peut-être un représentant du ministère de la Justice, qui pourrait nous dire, d’un point de vue juridique, si le libellé dont nous sommes en train de discuter semble acceptable. Nous pourrions peut-être demander à un fonctionnaire de s’avancer pour venir répondre à cette question?
Le président : Madame Geh, pourriez-vous revenir à la table, s’il vous plaît, si vous pouvez répondre à la question de la sénatrice Batters? Avez-vous entendu la question de la sénatrice Batters?
Mme Geh : Non, je suis désolée. Pouvez-vous la poser de nouveau?
La sénatrice Batters : Oui. Nous sommes en train de discuter de cet amendement 12.1, modifié par le sous-amendement du sénateur Pratte, qui viserait y ajouter les mots... Qu’est-ce que c’était encore? « Sous réserve du Règlement de la Chambre des communes et du Règlement du Sénat » — quelque chose du genre — « pour l’application de la présente partie ». Ce sont les mots que nous y ajouterions, pour que tout cela soit sous réserve du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes. Est-ce que ce serait approprié, d’un point de vue juridique?
Mme Geh : Je m’excuse. Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question, parce que ce n’est pas notre partie du projet de loi. C’est le BCP qui en a la responsabilité. Je ne connais pas bien le vocabulaire juridique...
La sénatrice Batters : Y a-t-il quelqu’un, dans cette mer de fonctionnaires, qui pourrait répondre à ce genre de questions?
Le président : Madame Mary Rassi, Institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé. Vous avez entendu la question?
Mary Rassi, Institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé : Oui. Je ne suis pas avocate. Je ne peux pas me prononcer sur cet aspect d’un point de vue juridique.
La sénatrice Batters : Puis-je simplement demander pourquoi, pendant notre étude article par article, il n’y a personne ici qui puisse répondre à ce genre de questions? N’invitons-nous pas habituellement des fonctionnaires habilités à répondre à ce genre de questions? Je siège à ce comité depuis cinq ou six ans, et nous y invitons habituellement des personnes qui peuvent répondre à ce genre de questions.
Le président : Vous ne pouvez donc pas nous répondre. Y a-t-il quelqu’un d’autre ici qui puisse le faire?
Mme Rassi : J’allais ajouter une chose. Nous essayons de vous fournir les meilleurs conseils possible, et il y a un autre amendement qui a été proposé à l’article 71.14, par la sénatrice McCoy, dont le libellé est très similaire. Nous espérions, si c’est permis, que la sénatrice Ringuette le lise. Je peux vous le lire aussi. C’est exactement ce dont vous êtes en train de discuter.
Le président : Sénatrice McCoy, pouvez-vous mentionner votre amendement? Je pense qu’il s’agit du numéro EM4.
La sénatrice McCoy : Je ne l’ai pas déposé. C’est une option que je n’ai pas jugé bon de proposer, mais si vous voulez vraiment envisager toutes les options possibles avant le vote, on pourrait ajouter une autre disposition pour que ce soit « entendu ». Je suis toutefois satisfaite de l’amendement du sénateur Pratte, et je fais confiance au président pour veiller à ce que la rédaction législative reçoive le sceau du légiste.
Le président : À titre d’information pour tous les sénateurs...
La sénatrice McCoy : C’est un sceau et une étoile. Je mélange les choses.
Le président : L’amendement de la sénatrice McCoy dont parle le témoin est le suivant : « Il est entendu que l’article 71.14 n’a pas pour effet d’empêcher un sénateur de soulever au Sénat, conformément à ses règles et à ses ordres, toute question de privilège. » C’est le libellé exact de la motion.
La sénatrice McCoy : C’est la formulation « ses règles et ses ordres » qui est intéressante ici.
Le président : « Ses règles et ses ordres ». Comme je le disais, c’est ce que nous avons ajouté avec l’amendement du sénateur Pratte, et nous vérifierons s’il faut y ajouter le mot « standing » ou non, en anglais, selon l’appellation d’usage.
Je retiens votre suggestion que le président, avec la collaboration du comité de direction, examine le libellé final pour s’assurer qu’il reflète bien les préoccupations exprimées par les honorables sénateurs.
La sénatrice Batters : Je serais bien heureuse si nous pouvions régler la question. Ce serait excellent.
Ma question demeure, toutefois : pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas ici de représentants présents pour répondre à ce genre de question sur un projet de loi d’une telle envergure, alors que lui-même y soumet autant d’amendements à la dernière étape de l’examen par un comité sénatorial? Ce projet de loi a été longtemps à l’étude à la Chambre des communes, et le Sénat en est saisi depuis longtemps lui aussi. Il propose maintenant des amendements à la toute dernière étape. Pourquoi n’y a-t-il pas ici de personnes compétentes pour répondre à nos questions?
Le président : Je vois que Mme Naylor, du Conseil du Trésor, s’avance.
Ruth Naylor, directrice exécutive, Division des politiques de l’information et de la protection des renseignements personnels, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Merci. Je comprends la question, comme je comprends que les sénateurs souhaitent terminer l’étude de ce projet de loi.
Il est toujours difficile pour nous d’inviter toutes les personnes compétentes nécessaires. Bien sûr, ce n’est pas tout le monde qui peut répondre à chaque question pointue. Dans ce cas-ci, je pense que vous nous demandiez une confirmation immédiate ou que vous nous demandez de vous garantir qu’un libellé que vous êtes en train de proposer ici même est correct sur le plan juridique. Pour pouvoir répondre à ce genre de question, nous aurions besoin des compétences d’un rédacteur législatif, entre autres, pour que ce genre de consultation puisse se faire sur-le-champ, en effet.
Nous comprenons l’intention des sénateurs, mais nous devrons consulter ceux et celles qui ont travaillé à ce projet de loi, puisque l’équipe qui y a travaillé est très grande, mais les rédacteurs législatifs ne comparaissent pas devant le comité, ils n’assistent pas aux séances du comité et ne le conseillent pas en matière de procédure. Nous comparaissons plutôt devant le comité avec notre expérience et nos compétences en matière de politique — et, dans mon cas, j’ajouterais « de tout ce qui concerne l’administration de la loi » —, mais nous ne sommes pas nécessairement en mesure de fournir des conseils juridiques au comité aujourd’hui.
La sénatrice Batters : Je vous dis simplement que, à ce comité en particulier, selon mon expérience des dernières années, nous n’arrivons habituellement pas à obtenir ce genre de réponses. Il y a normalement des fonctionnaires du ministère de la Justice qui peuvent s’avancer pour répondre à certaines questions, pour que nous sachions si les amendements, proposés principalement par le gouvernement du Canada, avec quelques ajustements ici et là, sont conformes aux principes juridiques tels qu’ils s’appliquent. C’est malheureux, et cela retarde notre travail. Merci.
Le président : Si je peux oser un commentaire, je ne voudrais pas avoir l’air de défendre les représentants des divers ministères, mais vous comprendrez que ce projet de loi est tellement complexe qu’il faudrait une armée de conseillers juridiques de chaque ministère dans la pièce, puisqu’il touche beaucoup d’éléments à chaque niveau de l’administration.
Je comprends toutefois ce que vous voulez dire. Nous devrions avoir accès à quelqu’un du Conseil privé qui ait les compétences nécessaires pour répondre à une question juridique. Je verrai à ce que nous invitions un représentant ayant les compétences nécessaires à la prochaine réunion.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pour rassurer les membres du comité au niveau du langage utilisé, j’ai discuté avec beaucoup d’intérêt de ce que la sénatrice McCoy avait produit dans son amendement EM4 et, effectivement, les mots « in accordance with its rules and orders » atteignent les objectifs.
Alors, je crois que, selon les objectifs que vous et le sénateur Pratte avez décrits dans le sous-amendement, il n’y aurait pas de problème.
Le président : Le président et les deux vice-présidents s’engagent également à employer, avec l’aide des légistes, les mots les plus précis possible sur le plan juridique pour atteindre l’objectif que nous partageons autour de la table. Nous nous assurerons, conformément à l’engagement du comité, que les expressions retenues soient les plus appropriées.
Madame la sénatrice Dupuis, nous revenons à l’amendement à l’article 71.12, puisque je devrai demander le vote sur le sous-amendement au moment où nous en serons à l’article 71.14.
La sénatrice Dupuis : Sénatrice Ringuette, je suis d’accord pour dire que les expressions « conformément à ses règles et ses ordres » en français et « in accordance with its rules and orders » en anglais sont acceptables. Est-ce que l’on peut s’entendre pour laisser au comité directeur le soin de déterminer où cela doit être inscrit aux articles 71.12, 71.13 et 71.14, puisque l’amendement qui est proposé par la sénatrice McCoy pour modifier l’article 71.15 visait à s’appliquer aux trois articles précédents?
Je ne suis pas certaine que c’était à l’article 71.14. J’ai l’impression que, si on apportait l’amendement à l’article 71.12 au départ, tout le reste en découlerait. Est-ce qu’on peut s’entendre pour que le comité directeur, quand il fera le « toilettage » — pour reprendre l’expression qui est devenue la tradition ici — de l’article de cette section, pourra le...
Le président : L’inclure là où les légistes suggéraient qu’il soit inséré.
La sénatrice Dupuis : J’aimerais dire aux représentants des différents ministères qui sont ici aujourd’hui que nous sommes reconnaissants de leur présence, mais je pense que la mention qui a été faite au sujet de la présence d’avocats qui pourraient aider le comité à faire son travail est extrêmement importante. D’abord parce qu’on est ici pour discuter de projet de loi. Vous comprendrez qu’on peut imaginer que cela demanderait une bonne équipe de légistes assez variés et nombreux et nous avons aussi à faire ce travail pour chacune des sections de ce projet de loi. Je pense que c’est important qu’ils soient présents pour nous aider.
[Traduction]
Le président : Je comprends que les points de vue exprimés ont mis au clair la responsabilité du comité de direction relativement à ces amendements.
Sur ce, je vais enchaîner, honorables sénateurs. Êtes-vous d’accord pour adopter l’amendement proposé par la sénatrice Ringuette, le premier, qui porte sur l’article 71.12?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté.
Passons à l’amendement suivant de la sénatrice Ringuette, qui porte le numéro PR-12.1. C’est l’amendement qui est « pour l’application de la présente partie » et auquel s’ajoute le sous-amendement du sénateur Pratte. J’invite les honorables sénateurs à prendre position sur les sous-amendements du sénateur Pratte à l’amendement de la sénatrice Ringuette. C’est la façon de procéder.
Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour adopter le sous-amendement du sénateur Pratte?
Des voix : D’accord.
Le président : Plaît-il aux honorables sénateurs que l’amendement proposé par la sénatrice Ringuette soit adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Nous parlons du PR-12.1, qui se lit comme suit :
Décision définitive71.14 Pour l’application de la présente partie, est définitive la décision du président du Sénat ou de la Chambre des communes — ou celle de son délégué — portant que la publication pourrait porter atteinte au privilège parlementaire ou qu’elle
C’est l’amendement de la sénatrice Ringuette modifié par le sénateur Pratte. Plaît-il aux honorables sénateurs que l’amendement modifié soit adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Adopté.
Passons maintenant à l’amendement de la sénatrice Ringuette, qui porte ne numéro PR12. Sénatrice Ringuette, pouvez-vous proposer votre prochain amendement, s’il vous plaît? Je pense qu’il est assez simple, si je comprends bien. C’est l’amendement PR12. Il concerne le délégué, dont la mention avait été omise en français. C’est la raison pour laquelle je dis que c’est un amendement assez simple, parce qu’il ne vise qu’à arrimer la version française à la version anglaise. Je me rappelle que la sénatrice Batters avait soulevé la question.
Sénatrice Ringuette, pouvez-vous proposer l’amendement, s’il vous plaît?
[Français]
La sénatrice Ringuette : Que le projet de loi C-58, à l’article 36, soit modifié par substitution, aux lignes 27 à 29, page 25, de ce qui suit : « [...] de la Chambre des communes — ou celle de son délégué — portant que la publication [...] ».
C’est pour apporter la correction à la version française de cet article.
[Traduction]
Le président : Les honorables sénateurs ont-ils des questions à poser avant que je ne demande le vote? Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter l’amendement de la sénatrice Ringuette afin de modifier la version française pour qu’elle soit semblable à la version anglaise?
Des voix : D’accord.
Le président : Adopté.
[Français]
Le sénateur Carignan : Juste une précision. Tous les amendements de la sénatrice Ringuette portent la mention « document confidentiel du Conseil privé de la Reine, secret ». Donc, j’imagine que cela ne fait pas partie des secrets du Conseil privé. Est-ce secret ou non?
La sénatrice Ringuette : Cela n’a pas été secret avec moi, en tout cas.
Le président : Ils ne sont plus secrets à partir du moment où ils sont déposés.
Le sénateur Carignan : Ils sont secrets jusqu’à ce qu’il y ait plus de deux personnes qui en parlent. Je voulais simplement être sûr.
Le président : Merci, sénateur, de détendre l’atmosphère.
Nous poursuivons avec l’amendement suivant. J’ai un amendement de la sénatrice McCoy.
[Traduction]
C’était l’amendement EM4 de la sénatrice McCoy. Ai-je bien compris que vous avez retiré cet amendement?
La sénatrice McCoy : Je ne l’ai pas déposé.
Le président : Mais je vous ai...
La sénatrice McCoy : Non, nous pouvons passer à autre chose.
Le président : Merci, sénatrice McCoy.
Nous allons donc passer à l’article 36 tel que modifié. Les honorables sénateurs sont-ils d’accord pour adopter l’article 36 modifié?
Des voix : Avec dissidence.
Des voix : D’accord.
Le président : D’accord.
Passons alors à l’article 37. J’ai un amendement — je ne l’ai pas devant moi —, mais le sénateur Carignan en propose un. Pourriez-vous nous le lire, sénateur Carignan? Nous sommes à l’article 37 de la page 26. Nous en sommes à l’amendement C-12.
[Français]
Le président : Pouvez-vous le distribuer? Merci. C’est l’amendement C-12, selon la nomenclature.
La sénatrice Dupuis : Puis-je demander au sénateur Carignan si cela veut dire qu’il y en à 11 à venir, si nous en sommes à l’amendement C-12 et qu’il procède par ordre décroissant?
Le sénateur Carignan : Non.
Le président : Donc, je vais inviter le sénateur Carignan à présenter l’amendement, à l’article 37 de la page 26, après la ligne 24. Voulez-vous déposer formellement l’amendement, sénateur?
Le sénateur Carignan : Que le projet de loi C-58 soit modifié, à l’article 37, à la page 26, par adjonction, après la ligne 24, de ce qui suit :
« b.1) dans les trente jours suivant le mois au cours duquel est rendue publique une décision prise par un ministre, les documents d’information, ou les parties de ces documents, utilisées aux fins de cette décision lorsque les renseignements contenus dans ces parties sont autrement accessibles au public; ».
L’objectif est de rendre publics les renseignements qui ont servi à un ministre pour prendre une décision, lorsque ces renseignements ou documents sont autrement publics. On vient d’en voir un bon exemple. Nous avons les documents de la sénatrice Ringuette, qui portent la mention « confidentiel, secret du Cabinet », et ils étaient probablement un secret du Cabinet jusqu’à ce qu’elle les dépose. Maintenant, ils sont devenus publics. Ce que l’on propose, c’est que, lorsqu’il y a des décisions qui sont prises au Cabinet ou par un ministre et qu’elles se basent sur des renseignements ou des documents autrement accessibles et publics, on devrait être en mesure d’y avoir accès.
Pour avoir siégé au Cabinet, j’ai vu beaucoup de documents, de mémos, de sommaires exécutifs qui venaient du Bureau du Conseil privé, qui contenaient beaucoup de renseignements publics et auxquels, sous le couvert du secret du Cabinet, il était impossible d’avoir accès, alors que c’étaient pourtant des renseignements publics.
Le président : Je crois que vous aviez posé cette question au représentant du Conseil privé, si je me souviens bien.
Le sénateur Carignan : Oui.
La sénatrice Dupuis : Pour comprendre la proposition d’amendement, est-ce que vous pouvez m’expliquer, puisqu’on parle de modifier l’article 74 de la loi... L’article 74 porte sur des documents qui sont entre les mains des ministres, et vous avez parlé de documents du Cabinet et des ministres. Donc, est-ce que votre amendement porte sur des documents qui sont en possession du ministre?
Le sénateur Carignan : Du ministre, oui, mais on sait que, souvent, ces documents ont été consultés au Cabinet avant.
La sénatrice Dupuis : Dans votre proposition de modification, vous voulez ajouter un alinéa b.1). Quelle différence faites-vous entre ce qui est dans le projet de loi C-58, à la page 26, à la ligne 17, à l’alinéa a) de l’article 74, et ce que vous voulez ajouter dans l’alinéa b.1)?
Le sénateur Carignan : Je pense que ce qui est prévu à l’alinéa 74a), c’est ce qu’on appelle les notes de breffage. Lorsqu’un ministre est nommé, dans les 120 jours suivant sa nomination, le ministre reçoit des notes de breffage au début de son mandat sur les différents dossiers. Mon amendement, lui, touche toute décision d’un ministre et les documents qui ont servi à prendre une décision et qui sont autrement publics.
La sénatrice Dupuis : Lorsque vous dites qu’ils sont « autrement accessibles au public »...
Le sénateur Carignan : C’est ce qui est public.
La sénatrice Dupuis : Ce qui est rendu public.
Le sénateur Carignan : C’est donc une information qui n’est pas secrète.
La sénatrice Ringuette : Si elle n’est pas secrète, pourquoi proposez-vous cet amendement? Pourquoi le sénateur Carignan propose-t-il cet amendement, étant donné que les documents sont déjà rendus publics?
Le sénateur Carignan : L’idée est de savoir à partir de quels renseignements le décideur ou le ministre a pris sa décision, donc quels sont les renseignements qu’il a considérés pour prendre sa décision. Dans son processus décisionnel, le ministre va baser son raisonnement décisionnel sur un ensemble de renseignements ou de documents. Si, pour prendre sa décision, il s’est basé sur des renseignements ou des documents qui sont publics, pourquoi ne pourrait-on pas y avoir accès?
Actuellement, même si le renseignement ou le document est public, on invoque le secret du Cabinet. D’ailleurs, vous avez pu noter, quand j’ai posé des questions assez simples sur plusieurs sujets au ministre de la Justice, que ses réponses étaient des réponses de convenance, à savoir que tout était un secret du Cabinet.
La sénatrice Ringuette : En tout cas.
La sénatrice Dupuis : J’aurais une question à poser au sénateur Carignan. À l’alinéa 74b) du projet de loi C-58 qui est devant nous, on dit que les ministres font publier ce qui suit, et je cite :
b) dans les trente jours suivant le mois au cours duquel elles ont été reçues à leur bureau, les titres et les numéros de référence des notes préparées à leur intention par une institution fédérale; [...]
Théoriquement, cela comprendrait les titres et les numéros de référence des documents d’information qui ont servi d’appui, si on veut, ou qui ont été consultés par un ministre lorsqu’il a pris sa décision.
J’essaie de voir ce que cela ajoute, ici. Autrement dit, un ministre, dans l’exercice de ses fonctions, a un certain nombre de décisions à prendre et un certain nombre de choses à examiner. Quand on parle d’une décision, j’essaie d’imaginer comment on pourra administrer ce nouvel alinéa que vous proposez.
Le sénateur Carignan : Ce n’est pas nous qui allons l’administrer.
La sénatrice Dupuis : Non, je le sais très bien, mais ce que je veux dire, c’est que je comprends que vous ne voulez pas avoir seulement les titres et les numéros de référence, ce que prévoit l’alinéa 74b).
Le sénateur Carignan : Exactement.
La sénatrice Dupuis : À ce moment-là, ce que vous demandez, n’est-ce pas plutôt de remplacer « les titres et les numéros de référence » par « les documents qui ont été préparés pour le ministre »?
On vient ainsi beaucoup réduire la portée de tout cela, en disant que c’est « au cours duquel est rendue publique une décision prise par un ministre ». L’alinéa 74b) semble plus large dans le sens où, dans l’ensemble de l’exercice des responsabilités d’un ministre, il y a quelque chose qu’il va devoir publier, c’est-à-dire les titres et les numéros de référence des notes préparées à son intention pour prendre une décision; c’est donc ce que l’on sous-entend, pas exclusivement, mais aussi pour prendre une décision. C’est pour cela que je me posais la question.
Le président : Il y a une distinction entre les deux.
La sénatrice Dupuis : Évidemment, il y a une distinction entre les titres et les numéros de référence.
Le sénateur Carignan : Pas seulement entre « titres » et « numéros de référence », mais aussi par rapport au document demandé.
La sénatrice Dupuis : C’est pour cela que je demande si ce que vous voulez avoir, c’est, au lieu des titres et références...
Le sénateur Carignan : Non, ce n’est pas « au lieu ». Cela ne m’empêche pas d’avoir les titres et les références, car l’alinéa 74b) continue de s’appliquer.
La sénatrice Dupuis : Autrement dit, est-ce qu’on n’ajoute pas inutilement un alinéa, alors qu’on pourrait ajouter « titres, numéros de référence et documents d’information » à l’alinéa 74b) qui existe actuellement? Là, on vient faire une distinction, et je ne suis pas sûre qu’on ait besoin de distinguer quelque chose de spécial pour appuyer une décision.
Le sénateur Carignan : C’est parce qu’on va plus loin que les titres et les références. On parle du contenu du document. Je vous donne un exemple; les mémoires au Cabinet pour prendre une décision peuvent compter, disons 10 pages et, dans ces 10 pages, on peut faire état, par exemple, des positions des différentes parties prenantes sur tel élément. À ce moment-là, on peut parler de sondages. On peut parler de différents éléments qui vont amener le ministre ou le Cabinet à prendre une décision. Ces informations relèvent toutes du domaine public. Lorsqu’on fait une demande d’accès à l’information sur le mémoire au Cabinet, par exemple, qui aurait été utilisé pour décider d’émettre un décret afin d’autoriser l’exploitation d’un pipeline, par exemple, à ce moment-là, on aurait au moins le raisonnement ou une partie du raisonnement de la décision du Cabinet ou du conseil des ministres, parce qu’on saurait sur quelles informations publiques s’est basé ce dernier.
L’information privée, secrète, elle, sera élaguée ou enlevée, mais au moins on aura une partie des renseignements publics qui ont servi à prendre la décision.
Le sénateur Dalphond : Ma question s’adresse au sénateur Carignan. Sénateur Carignan, vous voulez qu’ils publient des documents qui sont publics? Parce que, à la fin de la phrase, on dit ce qui suit, et je cite :
« [...] lorsque les renseignements contenus dans ces parties sont autrement accessibles au public; ».
Est-ce qu’il manque les mots « ne sont pas autrement accessibles au public », ou veut-on que ce qui est déjà autrement accessible au public soit rendu public?
Le sénateur Carignan : Public ou autrement accessible au public. On peut enlever le mot « accessible », si vous voulez, mais que ce soit autrement public; l’idée est que, si c’est une information qui n’est pas un secret, qui n’est pas confidentielle et qui a déjà été dans le domaine public, on puisse y avoir accès.
Le sénateur Dalphond : Il faut donc qu’il publient ce qui est déjà public, mais, si l’information n’a pas été rendue publique, ils peuvent la garder confidentielle?
Le sénateur Carignan : Exactement.
Le sénateur Dalphond : Alors, quelle est la transparence atteinte ici? Je ne comprends pas l’objectif recherché, qui veut qu’on rende public ce qui est déjà public et qu’on ne veut pas rendre public ce qui n’a pas été rendu public.
Le sénateur Carignan : Je veux savoir quel est le raisonnement du ministre. Je veux savoir sur quoi il s’est basé pour prendre sa décision. Ce pourrait être des motifs externes. Je veux comprendre le raisonnement de la décision. Je veux voir quels sont les documents publics et les renseignements sur lesquels il s’est basé pour prendre sa décision.
Le sénateur Dalphond : Vous voulez seulement connaître les documents publics sur lesquels s’est basé le ministre?
Le sénateur Carignan : Eh bien, je ne peux pas connaître les documents secrets.
Le sénateur Dalphond : Mais si le ministre s’est basé essentiellement sur des documents confidentiels et sur une partie de documents publics...
Le sénateur Carignan : Il va en manquer.
Le sénateur Dalphond : Il va vous montrer la pointe de l’iceberg, mais il ne vous montrera pas l’iceberg.
Le sénateur Carignan : Eh bien, si vous voulez suggérer qu’on lève complètement le secret du Cabinet, faites une proposition et je verrai, mais...
Le sénateur Dalphond : J’essaie de comprendre quel est l’objectif.
Le sénateur Carignan : Dans certaines situations, on va voir la pointe de l’iceberg, et dans d’autres situations on aura l’iceberg, et il manquera peut-être une pointe. Cela dépendra de la nature de la décision qui a été prise.
Le sénateur Dalphond : Bien. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Gold : J’ai du mal à comprendre la nécessité de cette démarche. Si le public a déjà accès à cette information, et que quelqu’un veut savoir sur quels documents accessibles au public le ministre s’est fondé pour prendre sa décision, il peut le lui demander à la Chambre des communes. Un journaliste peut poser la question au ministre.
Je suis préoccupé. Nous avons adopté un certain nombre d’amendements; j’en ai approuvé certains parce que je pense qu’ils ajoutaient vraiment quelque chose au projet de loi. C’est notre travail. Cependant, je pense que l’apport d’amendements qui ne sont pas nécessaires ralentit notre processus législatif, et j’ai de la difficulté à voir la valeur ajoutée dans ce cas précis, alors je suis tenté de le rejeter.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je ne suis pas d’accord avec ce que dit le sénateur Gold, parce qu’il y a une logique, avec A et B. B me semble être la période préalable à la décision, la proposition du sénateur Carignan; la décision est prise, et on ne rend pas seulement la décision, mais les documents qui ont servi de base à la réflexion en vue de rendre cette décision, ce qui est rarement public. La décision sera publique, mais les documents qui ont servi à prendre la décision ou qui ont servi à la réflexion qui a précédé la décision sont rarement publics.
Le sénateur Gold : Si je comprends bien, seuls les documents accessibles au public peuvent être publiés. Donc, par définition, ils sont publics.
Le sénateur Carignan : Oui, mais savoir que l’information est publique est une chose, alors que savoir que l’information publique a servi au ministre et au Cabinet pour prendre une décision, c’est pertinent. Vous dites qu’il faudrait demander au ministre. J’espère que vous avez vu, par rapport à toutes les questions que l’on pose aux ministres au sujet des « talking points », que c’est comme essayer de faire couler de l’eau d’une roche. Vous n’aurez pas l’ensemble des éléments sur lesquels se sont basés le ministre ou le Cabinet pour prendre une décision, à moins d’être naïf.
Le sénateur Boisvenu : Je vais donner au sénateur Gold un exemple pratique pour qu’il comprenne bien. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de gérer les espèces menacées et vulnérables ou en voie de disparition. Dans la ville de La Prairie, il y a un lotissement magnifique qui est en construction. J’avais une option sur une maison, mais je n’ai pas pu l’acheter à cause d’une décision du gouvernement. Le promoteur a investi 1 milliard de dollars dans les infrastructures. Il s’agit de maisons de milieu de gamme. À un moment donné, on a noté la présence de grenouilles. C’était la rainette faux-grillon, que je connais bien. J’ai contacté le ministère de l’Environnement et j’ai eu des problèmes dans ce secteur pendant trois ans. Les groupes environnementaux se plaignaient parce que la construction de ce nouveau lotissement exerçait une pression sur les milieux humides. À un moment donné, le gouvernement fédéral a déclaré que la rainette faux-grillon était menacée et en voie de disparition. Le projet immobilier s’est alors arrêté alors qu’il en était à 80 p. 100 de son développement.
On a su que le gouvernement avait pris une décision, mais on n’a pas su pourquoi. Les documents qui ont servi à prendre cette décision n’ont pas été rendus publics. La ville, qui se chamaillait avec les groupes environnementaux, et les citoyens qui étaient prêts à investir n’ont pas su pourquoi le gouvernement fédéral avait pris cette décision. Celui-ci a seulement dit que cette espèce était vulnérable et qu’elle était maintenant en voie de disparition.
Le ministre prend une décision qui est connue publiquement. Cependant, les documents, qui sont disponibles sur le plan informatique pour que le citoyen les cherche et puisse comprendre cette décision du ministre ne sont pas rendus publics dans bien des cas.
Le président : Ce n’est pas ce que l’amendement du sénateur...
Le sénateur Boisvenu : C’est ce que dit l’amendement.
Le président : Oui, mais dans la mesure où les études sur lesquelles le gouvernement a fondé sa décision, pour conclure que l’espèce était en voie de disparition, étaient publiques.
Le sénateur Carignan : Oui, il y a quand même un test et un certain niveau. Par exemple, il peut y avoir un rapport d’un organisme ou d’un biologiste et le gouvernement a pu se baser sur ce rapport, et ce rapport est du domaine public. Au moins, le processus est transparent.
Le sénateur Boisvenu : On comprend la décision.
Le sénateur Carignan : On comprend la décision et, si quelqu’un veut contester la crédibilité de cette étude, il a un outil à sa disposition.
Le président : Oui, mais l’étude n’est pas nécessairement rendue publique.
Le sénateur Carignan : Non, mais elle est autrement accessible au public.
Le président : J’essaie de lier cela à l’objectif que vous avez...
Le sénateur Carignan : Je vais vous expliquer tout de suite; je comprends votre question. Prenons un biologiste, un professeur qui serait dans une situation comme celle-là et qui ferait cette étude.
Le président : Oui, d’accord.
Le sénateur Carignan : On pose la question suivante : est-ce que cette information est autrement accessible au public? Donc, c’est un document qui est accessible. Alors, si la personne, le biologiste ou le professeur d’université publie le document ou a l’intention de le publier et qu’il n’en fait pas un secret, ou que le document n’est pas confidentiel parce qu’il n’est pas couvert par le secret professionnel, il est autrement accessible au public.
Le président : Cette étude aurait pu être commandée par le ministre de l’Environnement, un biologiste ou un laboratoire, à une institution sur la base d’un contrat conclu avec le ministère de l’Environnement, si on suppose qu’on parle de ce ministère. C’est donc une étude qui a été commandée et qui appartient au ministère.
Le sénateur Carignan : Alors, à ce moment-là, l’information n’est pas facilement accessible.
Le président : Il peut y avoir une clause de confidentialité, une étude menée par ce biologiste ou cette institution qui fait qu’en pratique, la décision a été prise, mais l’étude n’est pas rendue publique.
Le sénateur Carignan : C’est exact; à ce moment-là, cette étude n’est pas autrement accessible au public et je n’obtiendrai pas de copie.
La sénatrice Dupuis : Donc, vous n’aurez pas atteint l’objectif que vous poursuivez, qui est d’apprendre quel est le fondement de la décision et sur quoi elle repose parce qu’on peut imaginer qu’un ministre qui veut examiner un éventail de toutes les positions « pour » et « contre » une question commandera alors une étude qui ne sera pas rendue publique. Il vous donnera donc l’information à partir de laquelle il a étudié toutes les études qui existent, les rapports internationaux, locaux et nationaux, mais sa décision sera fondée sur une ou des études qui vont être rester secrètes — et vous ne saurez pas qu’elles sont restées secrètes — et qui seront à la base de la décision.
Le sénateur Carignan : Dans certaines décisions, on pourrait y avoir accès et dans d’autres, non. Si on parle d’une étude spécifique commandée avec une clause de confidentialité, elle ne sera pas accessible au public, mais si c’est une opinion générale qu’un biologiste a exprimée dans les médias et a décidé de publier dans une revue universitaire, le ministre pourra dire que l’information est autrement accessible au public. Donc, il dit qu’il a pris cette décision et qu’il a considéré telle étude dans sa prise de décision.
Le sénateur McIntyre : L’amendement veut plus de transparence et de responsabilités du gouvernement. Je pense qu’il faut garder à l’esprit que l’amendement fait partie de la disposition. En fait, cela concerne la partie 2, la publication proactive des renseignements et plus précisément ce qui touche les documents d’information que les ministres font publier sur support électronique. Je comprends très bien l’amendement du sénateur Carignan. Il veut plus de transparence et de responsabilités du gouvernement. C’est à peu près tout.
Le sénateur Boisvenu : Mon collègue a fait un bout de chemin par rapport à ce que je voulais dire et ajouter, sauf pour les éléments liés à la sécurité nationale. Je vous parlais plus tôt d’ un projet domiciliaire. J’ai travaillé pendant 15 ans au ministère de l’Environnement et de la Faune. Nous avons dû renverser des décisions par rapport à un niveau de prélèvement de chevreuils, d’orignaux et de quotas de pêche.
Avant que le ministre prenne des décisions, c’étaient des documents confidentiels, parce qu’on ne savait pas si le ministre prendrait une décision à tel ou tel niveau. Donc, pour ne pas effrayer les chasseurs et les pêcheurs, on gardait... Toutefois, une fois que la décision était prise et que le ministre devait la justifier, il rendait publics ces documents scientifiques sur la base desquels une décision politique avait été prise. Lorsqu’on parle de sécurité nationale, ces documents doivent rester confidentiels, top secrets, même. Lorsqu’on est dans la vie de tous les jours, où le ministre prend des décisions qui ont une influence sur la vie des citoyens et le développement économique, dans la majorité des cas, ces documents devraient être publics mais, quand ils le sont, mais ils ne sont pas toujours rendus publics.
Ils sont de nature publique, mais on ne les publie pas à cause de la bureaucratie, notamment. Cet amendement fera en sorte que l’information sera davantage disponible lorsqu’une décision sera prise afin que les citoyens la comprennent.
Le sénateur Carignan : L’idée est de promouvoir une plus grande transparence. Sénateur Joyal, vous avez déjà siégé au Cabinet.
Le président : C’est exact.
Le sénateur Carignan : Pour avoir moi aussi siégé au Cabinet, il y a peu de renseignements qui sont purement confidentiels et secrets. La majorité des renseignements sont des faits ou proviennent de documents publics. Selon moi, si on veut un gouvernement ouvert et transparent, on doit, en 2019, prendre des décisions rationnelles pour le bien-être des citoyens. En ce sens, le gouvernement a décidé de publier les lettres de mandat des ministres. Ce projet de loi prévoit également d’inclure les notes de breffage, toutes les questions qui sont posées durant la période des questions, toute la documentation qui sert à appuyer le ministre durant la période des questions. On se dirige donc vers cet objectif.
Le président : Est-ce que je peux me faire encore une fois l’avocat du diable, sénateur? J’imagine une situation où il y a une fuite d’informations confidentielles qui révèlent un certain nombre d’éléments liés à une décision. J’ai des exemples en tête, et peut-être que vous en avez aussi. Qu’est-ce qui amènerait le ministre ou le premier ministre à rendre publiques les informations sur la base desquelles une décision a été prise, mais dont une partie seulement a été rendue publique?
Le sénateur Carignan : Cela demeure sa décision.
Le président : Vous comprenez.
Le sénateur Carignan : Oui. Je pense c’est une question de jugement. Si l’information est devenue accessible au public à cause d’une fuite ou de la violation d’une règle...
Le président : Par exemple, une violation du serment de confidentialité.
Le sénateur Carignan : Exact. Si j’étais responsable de l’application de la loi, je ne transmettrais probablement pas cette information. À ce moment-là, les tribunaux décideront si l’information sera publiée ou non. C’est pourquoi il y a un processus de révision, et les tribunaux appliqueront la jurisprudence à cet égard.
Le président : Seriez-vous d’accord pour qu’on demande aux représentants du Conseil du Trésor et du Conseil privé ce qu’ils pensent de cette proposition?
Le sénateur Carignan : Ils peuvent toujours nous le dire, mais je pense que c’est plutôt une question d’orientation politique dans le sens large du mot plutôt que dans son sens technique ou juridique.
[Traduction]
Le président : Les représentants du Conseil privé ou du Conseil du Trésor seraient-ils en mesure de se prononcer sur la proposition en ce qui concerne l’orientation politique de la question, comme le sénateur l’a dit?
Mme Naylor : Merci. Vouliez-vous que je me penche sur une question précise concernant la façon dont cet amendement cadrerait avec les autres aspects du projet de loi ou la façon dont il fonctionnerait en pratique?
Le président : Oui, la façon dont il fonctionnerait en pratique. Pas le fonctionnement quotidien, mais le processus de rendre accessible au public l’information déjà publique, de quelque manière que ce soit.
Mme Naylor : À la lecture de ce document, quelques points me viennent à l’esprit. Le premier est que, à l’alinéa 74b), il n’y a actuellement que le titre des notes d’information et les numéros de référence qui seront publiés. Certaines institutions ont commencé à le faire. L’intention qui sous-tend cette disposition est qu’il est plus facile aux demandeurs d’ensuite solliciter les documents d’information eux-mêmes. Dans le cadre de ce processus, les documents d’information ou une partie de ceux-ci dont on se sert, tous les documents d’information qui sont remis à un ministre, sont ensuite publiés. En application de la loi, en tenant compte, entre autres, de ses exceptions et de ses exclusions. En gros, le résultat est le même sans que les documents soient publiés proactivement. La liste des notes d’information sera maintenant toujours publiée dans les 30 jours; un particulier peut ensuite demander ces renseignements, quel que soit le contenu des documents d’information.
Si j’envoie, par exemple, une note d’information au président du Conseil du Trésor pour demander l’autorisation d’approuver un amendement du Sénat, alors tous les renseignements que nous fournissons dans cette note d’information pourraient être obtenus en présentant une demande pour voir la note en question. Voilà pourquoi nous suggérons la publication des numéros de référence. C’est ce que le particulier recevrait. S’il y a des références à des documents confidentiels du Cabinet, ces derniers seraient exclus comme ils le sont conformément à la loi en vigueur. Certains conseils pourraient être exclus, mais l’intention est de publier les renseignements factuels dans cette situation. Aucune exclusion ne s’y appliquerait.
Voilà ce qui est actuellement prévu, et je crois savoir que l’intention est de faire en sorte que les notes d’information en tant que telles soient publiées proactivement. Je peux vous dire que nous avons envisagé cette approche et que c’est peut-être un point que nous aurions pensé à réexaminer à l’avenir.
Nous travaillons depuis de nombreux mois à préparer les institutions à franchir la première étape — les titres des notes d’information et les numéros de référence — et à essayer de mettre les systèmes en place. Cette démarche est, en quelque sorte, plus complexe que ce que nous avions nous-mêmes prévu, en fait, mais les institutions sont presque prêtes à les amorcer. Il faut engager des dépenses pour ce faire, et il a fallu en tenir compte. Il nous faudrait assurer le respect de la Loi sur les langues officielles; même si la note d’information était fournie à un ministre dans une langue, elle devrait être traduite pour pouvoir être publiée dans les deux langues officielles. Il y a aussi la question de veiller à ce qu’elle soit affichée en ligne dans un format accessible, ce qui est assez coûteux. Nous l’avons appris pendant les préparatifs de mise en œuvre des dispositions de ce projet de loi. C’est ce qui explique pourquoi, lorsque nous avons abordé la question au départ, la proposition portait sur les titres de notes d’information et les numéros de référence de manière à ce que les particuliers puissent facilement accéder à l’information qui les intéresse.
Le président : Merci, madame Naylor. Si vous voulez bien quitter la table. Je vais mettre l’amendement aux voix.
Que tous les sénateurs en faveur de l’amendement proposé par le sénateur Carignan lèvent la main.
Que tous ceux qui s’y opposent en fassent autant.
Il y a égalité. L’amendement est donc rejeté. Merci.
Je crois comprendre qu’il y avait peut-être un amendement corrélatif. Y a-t-il d’autres amendements, mesdames et messieurs les sénateurs, en rapport avec l’article 37?
[Français]
Le sénateur McIntyre : J’aimerais déposer un amendement. À moins que le sénateur Carignan ne souhaite déposer un amendement avant moi?
Le sénateur Carignan : Non. Je ne sais pas si le mien passe avant le vôtre.
Le président : Sur ma liste, j’ai déjà les amendements de la sénatrice Ringuette à l’article 37. Il s’agit de l’amendement PR13.
[Traduction]
L’amendement PR13 est celui qui nous intéresse.
[Français]
Nous sommes toujours à l’article 37, à la page 28, soit deux pages plus loin.
Le sénateur Boisvenu : Je pense qu’il y a d’autres amendements dont nous devons discuter avant celui de la sénatrice Ringuette.
Le président : C’est la raison pour laquelle j’ai fait appel de votre côté.
Le sénateur Carignan : Je n’ai pas d’amendements, mais le sénateur McIntyre en a.
Le sénateur McIntyre : Oui.
Le président : Très bien.
Le sénateur McIntyre : Je suis à la page 26.
Le président : Oui, bien sûr. Est-ce qu’on peut distribuer le texte de l’amendement? C’est la raison pour laquelle j’avais fait appel de ce côté.
Nous sommes à la page 26, toujours à l’article 37.
Le sénateur McIntyre : L’article 37, à la page 26.
Le président : Le texte de l’amendement est distribué en ce moment.
Le sénateur McIntyre : Il est proposé que le projet de loi C-58 soit modifié, à l’article 37, à la page 26, par adjonction, après la ligne 36, de ce qui suit :
« 74.1 Dans les 30 jours suivant la date du mois au cours duquel le ministre, un de ses conseillers ministériels ou un membre de son personnel ministériel assistent, dans le bureau du ministre, à une réunion à laquelle assiste une personne qui n’est ni fonctionnaire ni titulaire de charge publique au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les conflits d’intérêts, le ministre fait publier sur support électronique les renseignements suivants :
a) le nom de toutes les personnes qui ont assisté à la réunion;
b) la date de la réunion;
c) le sujet de la réunion. ».
Le président : Pouvez-vous expliquer l’amendement?
Le sénateur McIntyre : Oui, bien sûr. L’amendement concerne la partie 2, qui traite de la publication proactive des renseignements, et plus spécifiquement des documents d’information.
Monsieur le président, cet amendement vise à avoir davantage de transparence et à tenir responsables les personnes, organismes et institutions qui rencontrent des groupes d’intérêt dans les bureaux des ministres. Cet amendement est d’ailleurs directement lié à la question que j’avais posée au ministre Lametti le 27 février dernier, et qui portait sur les rencontres entre le personnel et les lobbyistes.
Ma question était la suivante :
Monsieur le ministre, comme vous le savez, le registre des lobbyistes ne précise pas quel lobbyiste a rencontré un titulaire de charge publique. Seriez-vous favorable à un amendement visant à inclure, dans le cadre des déclarations proactives, toute rencontre entre un lobbyiste et un titulaire de charge publique?
Le ministre a répondu ce qui suit :
Comme je l’ai dit au début de mon intervention, la partie du projet de loi qui porte sur la justice concerne la magistrature, l’indépendance des juges, et cetera. Je peux transmettre votre question à ma collègue, qui est responsable de cette partie du projet de loi.
Par la suite, je n’ai pas reçu de réponse significative de la part du ministre Lametti. Il faut comprendre qu’il venait tout juste d’être assermenté. Cela étant dit, je pense que c’est un outil qui va permettre aux Canadiens et aux Canadiennes d’avoir accès à une information rapide et de mieux comprendre les rouages du monde du lobbying, qui est un monde plutôt mal connu. Il s’agit d’assurer qu’il y a de la consistance, de déterminer s’il n’y a pas eu de faille au niveau du registre des lobbyistes, de combler les trous si justement il y a eu des failles. Grosso modo, c’est à peu près cela.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Pour répondre à la question — alors que je n’ai pas la Loi sur les conflits d’intérêts sous les yeux —, une personne qui n’est ni fonctionnaire ni titulaire de charge publique pourrait comprendre la belle-mère d’un attaché politique, je présume. Je présume que les définitions dont vous parlez visent à définir les termes « fonctionnaire » et « titulaire d’une charge publique ». Toute autre personne dans l’univers qui se rend au bureau d’un ministre et s’entretient avec un membre du personnel ou le ministre même cadrerait dans cette définition. Je pense qu’elle est peut-être un peu large et un peu indiscrète. Qu’en est-il des soirées électorales passées à regarder les résultats à la télévision dans le bureau du ministre, ce que nous faisons tous et prenons plaisir à faire?
La sénatrice Batters : Nous le faisons?
La sénatrice McCoy : Oui, nous le faisons. Je suis certaine que oui. Allez, avouez.
La sénatrice Batters : Je ne le ferai peut-être pas cette année.
La sénatrice McCoy : Je vous taquine un peu sur ce point.
Le sénateur McIntyre : Le terme « réunion » est peut-être discutable. Peut-être qu’on pourrait le modifier. L’idée, je pense, est de régler la question des lobbyistes. Ils sont partout, tant au provincial qu’au fédéral. Ils semblent fonctionner en secret sans arrêt. C’est important et crucial, pour le public canadien, d’identifier ces personnes et savoir ce qu’elles cherchent. Nous pourrions citer nombre d’exemples. Nous savons ce qui est ressorti de la situation avec SNC-Lavalin.
[Français]
Un exemple qui, selon moi, est assez inquiétant concerne le témoignage de l’ancien greffier du Conseil privé, M. Michael Wernick. Nous avons appris, lors de son témoignage, qu’il avait reçu un appel téléphonique d’un certain Kevin Lynch. Comme vous le savez, M. Lynch est un ancien greffier du Conseil privé. Il est aujourd’hui président du conseil d’administration de SNC-Lavalin. Nous savons que son nom n’a jamais été enregistré au registre des lobbyistes. Nous savons également que, si M. Wernick n’avait pas divulgué cette information, nous ne l’aurions jamais su. D’ailleurs, M. Duff Conacher, cofondateur de Democracy Watch et professeur auxiliaire à l’Université d’Ottawa, va porter plainte au Commissariat au lobbying du Canada concernant M. Kevin Lynch. Il s’agit donc d’une faille au registre des lobbyistes. Je pourrais vous donner d’autres exemples.
La sénatrice Ringuette : Justement, pour reprendre les mots de mon honorable ami du Nouveau-Brunswick, il s’agit ici du registre des lobbyistes, qui contient déjà toutes ces informations. Je crois que l’amendement du sénateur McIntyre est déjà inclus dans la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes.
Le sénateur McIntyre : Les noms ne sont pas divulgués.
La sénatrice Ringuette : Le registre des lobbyistes divulgue les noms.
Le sénateur McIntyre : Non. Lorsque des lobbyistes rencontrent des titulaires de charge publique fédérale, je comprends que les noms des représentants de ces compagnies ne sont pas divulgués, et nous ne savons pas quelle personne rencontre tel député ou tel parlementaire. C’est là où se situe le problème.
La sénatrice Ringuette : Si le problème se situe au niveau de l’enregistrement des lobbyistes, c’est à la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes qu’il faut apporter des changements.
Le sénateur McIntyre : J’ai de la difficulté à comprendre votre argument. Il s’agit du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence. Je pense que c’est assez clair.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Premièrement, je pense que ce qui se passe avec ce registre précis, le registre des lobbyistes, dans sa forme actuelle, est qu’il ne contient que le nom. À titre d’exemple, dans le cas de SNC-Lavalin, c’était Neil Bruce, qui n’était peut-être pas le lobbyiste qui a assisté à ces réunions en particulier, mais le registre n’est pas plus précis. Il ne fait que donner le nom de la personne qui est enregistrée par cette société. On tente de déterminer qui a vraiment assisté à la réunion. C’est une partie appropriée parce qu’elle porte sur cette partie de l’information, et cet article de la loi aborde cette question.
De plus, pour répondre à l’argument de la sénatrice Ringuette selon lequel le registre des lobbyistes couvrirait ces types de choses, le représentant du ministère de la Justice a dit, pendant son témoignage, que l’appel que M. Wernick a reçu de M. Lynch ne figurait pas sur le registre des lobbyistes. Voilà donc un exemple clair qui illustre que le registre ne tient pas toujours compte de cette information. C’est tout ce que je voulais dire. Merci.
Le président : Merci. Je suggère, honorables sénateurs, que nous gardions les amendements à l’étude. La soirée d’hier a été utile, alors je vous inviterais à en tenir compte et, bien sûr, nous continuerons à étudier cet amendement à notre prochaine rencontre.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Est-ce que le comité de direction du comité se réunira au cours des prochains jours?
Le président : Il se réunit au besoin, selon la pratique courante. Nous nous consultons constamment.
La sénatrice Ringuette : J’aimerais discuter de la possibilité de siéger en dehors des heures de séance du Sénat pour poursuivre l’étude article par article de ce projet de loi.
Le président : Nous aurons l’occasion de consulter les membres du comité en ce qui a trait à l’ordre du jour. La semaine dernière, il y a eu une consultation et nous avons demandé la permission de siéger mercredi après-midi une heure plus tôt, ce que le Sénat nous a accordé. Je vais certainement consulter les membres du comité à ce sujet. Merci d’avoir soulevé la question.
(La séance est levée.)