Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 65 - Témoignages du 12 juin 2019
OTTAWA, le mercredi 12 juin 2019
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, se réunit aujourd’hui, à 16 h 19, pour faire l’étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, c’est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue cet après-midi pour poursuivre notre étude du projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.
[Traduction]
Plaît-il au comité de procéder à cette étude?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : Le comité accepte-t-il de grouper les articles par groupes de 10 quand la situation s’y prête? Comme vous le savez, ce projet de loi est assez long; je proposerais donc de ne pas en examiner les articles l'un après l’autre, car ce serait très long.
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, honorables sénateurs.
Les articles 1 à 10 sont-ils adoptés?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Les articles 12 à 20 sont-ils adoptés? Avec dissidence.
L’article 11 est-il adopté? Il y a une répétition. Avec dissidence.
Les articles 21 à 30 sont-ils adoptés?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Les articles 31 à 40 sont-ils adoptés?
Des voix : Oui.
Le président : Les articles 41 à 50 sont-ils adoptés?
Des voix : Oui.
Le président : Les articles 51 à 60 sont-ils adoptés?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
[Français]
Le président : Est-ce que les articles 61 à 70 sont adoptés?
Des voix : Oui.
[Traduction]
Le président : Avec dissidence? J’attendais que...
[Français]
Est-ce que les articles 71 à 80 sont adoptés? Avec dissidence; formidable.
[Traduction]
Les articles 81 à 90 sont-ils adoptés? Oui.
Les articles 91 à 100 sont-ils adoptés? Oui.
[Français]
Les articles 101 à 110 sont-ils adoptés? Avec dissidence.
Les articles 111 à 120 sont-ils adoptés? Avec dissidence.
Les articles 121 à 126 sont-ils adoptés? Avec dissidence.
Est-ce que l’annexe 1 est adoptée? Avec dissidence.
Est-ce que l’annexe 2 est adoptée? Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
[Traduction]
Avec dissidence.
Plaît-il au comité d’envisager l’annexion d’observations au rapport?
[Français]
Oui, merci.
[Traduction]
Je demanderai donc aux sénateurs qui ont préparé des observations pour la greffière de les présenter.
[Français]
Je vais d’abord demander au sénateur Dalphond, qui est le parrain du projet de loi, de bien vouloir les présenter. Est-ce que tous les sénateurs ont un exemplaire de l’ébauche des observations que le sénateur Dalphond nous a envoyées?
Le sénateur Dalphond : Vous avez vu qu’il y a quand même trois pages d’observations. Voulez-vous que j’y aille section par section? J’avais mis des titres pour faciliter le travail.
Le président : Les honorables sénateurs en décideront. Nous avons du temps cet après-midi, puisque c’est la partie principale de notre programme. Vous pouvez y aller, sénateur.
Le sénateur Dalphond : J’y vais avec l’introduction? Je sais que vous et les membres du comité directeur allez rédiger, avec l’aide de nos analystes, un rapport qui sera dans les formes habituelles, mais voilà l’introduction de ma présentation.
[Traduction]
Le président : Sénateur, une fois que nous aurons examiné votre proposition et que nous en aurons débattu, je demanderai que les analystes, le comité directeur et moi-même examinions l’ébauche pour qu’elle soit conforme aux contraintes des règles que nous suivons lorsque nous préparons la présentation de la proposition sans en modifier la substance.
Le sénateur Dalphond : Cela me convient.
[Français]
Le président : Allez-y, sénateur.
Le sénateur Dalphond : Le comité accueille favorablement les modifications proposées dans le projet de loi C-78, qui visent à moderniser la Loi sur le divorce en remplaçant le libellé relatif à la garde et au droit de visite par un nouveau libellé axé sur la relation parent-enfant. Le projet de loi fournit en outre des orientations plus claires au magistrat et au parent en vue de déterminer ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant, en plus d’aborder la question de la violence familiale, de proposer un cadre en cas de déménagement important d’un enfant et de simplifier les processus de recalcul et de respect des obligations alimentaires.
La sénatrice Dupuis : Ma question au sénateur Dalphond est la suivante : à la première ligne, quand on dit que le comité accueille favorablement les modifications proposées dans le projet de loi C-78, avant de dire « qui visent à moderniser », pourrait-on ajouter « qui constituent la première mise à jour depuis vingt ans » et « qui visent à moderniser la loi », et on garderait le reste de votre texte tel quel?
Le sénateur Dalphond : Personnellement, cela me convient parfaitement; je m’en remets donc au comité.
[Traduction]
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires au sujet de la proposition de la sénatrice Dupuis?
La sénatrice Batters : Eh bien, mon commentaire ne concerne pas vraiment la sénatrice Dupuis. Je voulais formuler une remarque générale sur les observations. Il y a une introduction suivie de longs paragraphes; ce n’est pas ainsi que le comité a procédé au cours des six années où j’en été membre. La paragraphe indique que le comité accueille favorablement les modifications. C’est une évidence : nous venons de l’adopter avec dissidence. Habituellement, au lieu de prendre la forme d’énoncés à portée générale, les observations sont très brèves et portent sur des points précis que nous avons entendus dans les témoignages et qui doivent être portés à l’attention du gouvernement.
Le sénateur Gold : Je pense que ces commentaires ont un certain poids, car nous adoptons le projet de loi. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de faire part de nos sentiments à ce sujet. Pour avoir rapidement examiné le document, toutefois, je pense qu’un grand nombre d’observations et de recommandations sont importantes.
[Français]
Je pense qu’alléger un peu les choses serait souhaitable.
La sénatrice Dupuis : Pour répondre à la préoccupation de la sénatrice Batters, je pense que, d’une manière générale, on pourrait plutôt dire que ce qui est important, c’est de dresser un constat de ce que le comité a entendu. Il me semble qu’il s’agit d’une mise à jour importante qui ne s’était pas produite depuis une vingtaine d’années. Ce dont on veut rendre compte, c’est que plusieurs témoins ont souligné que c’était une réforme qui était absolument nécessaire et importante, sans se prononcer sur les modifications qui sont apportées.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Selon ce que je vois, il s’agit plus d’un rapport complet sur le projet de loi, et ce n’est généralement pas ainsi que nous faisons des observations. La Bibliothèque du Parlement nous fournit habituellement une ébauche de rapport — s’il est nécessaire de le faire pour un projet de loi, car elle n’en prépare pas toujours —, puis nous annexons des observations. Par exemple, nous pourrions formuler une observation sur l’ambiguïté de la définition de violence familiale, si le comité convient de le faire. Il est toutefois certainement inhabituel de formuler des commentaires généraux et de longues observations. C’est du jamais vu, et je ne suis pas certaine que ce soit nécessaire dans les observations. Je pense que cela aurait plus sa place dans un rapport complet, ce que les observations ne visent pas être.
La sénatrice Dasko : Même si je ne suis au Sénat que depuis un an, j’ai vu une variété de styles d’observations dans les divers comités. Je ne suis pas certaine si notre comité devrait adhérer à un style en particulier, mais je ferais remarquer que j’ai déjà vu le style des observations du sénateur Dalphond dans d’autres comités. Ce n’est qu’une observation de ma part. Ces observations cadreraient dans n’importe quelle situation où j’ai vu des observations être proposées.
Pour ce qui est du commentaire sur le fait que le comité accueille favorablement les modifications, c’est un passage que nous pourrions très facilement modifier. Nous pourrions simplement indiquer que le projet de loi C-78 modernise la Loi sur le divorce. Nous pourrions fort aisément retirer les mots qui pourraient laisser entendre que le projet de loi obtient plus de soutien qu’il n’en reçoit. S’il y a d’autres énoncés semblables, nous pourrions facilement les modifier si d’autres sénateurs se préoccupent de la question.
Le président : Cela permettrait certainement d’atténuer certaines des préoccupations de la sénatrice Batters. Si nous conservons ce récital, je propose que nous acceptions la proposition de la sénatrice Dupuis, qui a proposé l’ajout de « qui constituent la première mise à jour depuis vingt ans ». Je pense qu’il importe que ceux et celles qui lisent ces observations comprennent le temps qui s’est écoulé depuis la dernière mise à jour. C’est, bien entendu, la première fois en 20 ans que nous modernisons la Loi sur le divorce, et les gens s’attendent à une mise à jour exhaustive. Il ne suffit pas d’apporter des modifications par-ci par-là; il faut adopter une approche holistique — si je peux utiliser ce mot — afin d’aborder le phénomène ou la réalité du divorce.
[Français]
Y a-t-il des objections à ce qu’on ajoute ensuite ceci : « les modifications proposées dans le projet de loi C-78 qui constituent la première mise à jour visent à moderniser la Loi sur le divorce ».
[Traduction]
Ce serait dans la version française. En anglais, on dirait « amendments introduced by Bill C-78, which is the first review of the Divorce Act in 20 years ». Nous veillerons à employer les bons mots afin de bien rendre l’intention de la proposition.
Le sénateur Dalphond : La proposition me convient et je suis d’accord avec la sénatrice Batters. Nous éliminerons peut-être les premiers mots : « Le comité accueille favorablement », pour commencer par « Les modifications proposées dans le projet de loi ». Je ne voulais pas vous imposer ce commentaire. Vous verrez que c’est un bon projet de loi.
[Français]
La sénatrice Dupuis : — « le projet de loi C-78 qui constitue la première mise à jour vise à [...] ».
Le président : Oui, absolument. Comme je l’ai déjà souligné, nous nous assurerons d’en tenir compte dans le libellé, dans la terminologie que l’on utilise normalement dans les projets de loi. Cela pourrait être tout à fait comme la sénatrice Dupuis l’a mentionné, et mentionner que « le projet de loi C-78 qui constitue la première mise à jour vise à moderniser la loi [...] », puisqu’il s’agit d’amendements.
Y a-t-il d’autres commentaires, honorables sénateurs, en ce qui concerne le premier paragraphe?
[Traduction]
Y a-t-il d’autres remarques au sujet du premier paragraphe? Vous êtes d’accord?
[Français]
Les paragraphes qui se trouvent sous le titre « Violence familiale ».
[Traduction]
C’est le paragraphe sous le titre « Violence familiale ». Voudriez-vous commencer par le premier paragraphe?
Le sénateur Dalphond : Le paragraphe indique ce qui suit :
Le comité se réjouit que le projet de loi C-78 donne suite à la recommandation formulée par le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants dans son rapport de décembre 1997 intitulé Pour l’amour des enfants : « En raison de l’impact de la violence familiale sur les enfants, il y aurait lieu de structurer la médiation et les autres mécanismes décisionnels hors-instance de telle sorte qu’on puisse y déceler et identifier les cas de violence familiale. » Contrer la violence familiale est toujours au meilleur intérêt des enfants.
Le président : Je prendrai sur moi de déclarer que nous maintenons le processus proposé par la sénatrice Dasko en indiquant que le projet de loi C-78 donne suite aux recommandations. Nous n’avons pas à dire que nous nous en réjouissons ou non. Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs? Je ne veux pas prendre la chose à la légère, mais nous devons faire preuve de cohérence dans le cadre de notre approche. Êtes-vous d’accord? Oui.
Avez-vous des commentaires sur la substance? Puis-je en faire un, sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Bien sûr.
Le président : Quand nous avons entendu les témoins, un grand nombre d’entre eux ont fait référence à la Convention relative aux droits de l’enfant, dont les modifications doivent être le reflet. Si vous dites que le projet de loi donne suite aux recommandations formulées par le comité mixte spécial, il me semble que nous devrions faire référence aux deux conventions, car vous ne faites nulle mention de la Convention relative aux droits de l’enfant, alors qu’il s’agit du principe fondamental que le projet de loi enchâsse. Vous souvenez-vous que lors de son témoignage devant nous, le ministre a évoqué ces deux conventions?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Plusieurs témoins l’ont souligné et nous l’avons souligné au ministre, parce que le projet de loi fait référence et veut mettre en œuvre deux conventions internationales, mais il néglige complètement la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. Nous lui avions demandé pourquoi cela ne se trouvait pas dans le préambule, afin de préciser que cette convention est le cadre de référence. Je pense qu’il y a eu des choses très précises qui ont été soulevées par le comité et par des témoins. Nous aurions intérêt à en reparler quelque part ici.
[Traduction]
Le président : Je pense que c’est un élément important, car si les observations doivent, dans une certaine mesure, avoir une substance didactique, nous devrions en parler.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question à ce sujet. Est-ce que cela ne devrait pas faire l’objet d’un paragraphe distinct par rapport à la question de la violence familiale? L’intérêt de l’enfant — qui est au cœur de la réforme — devrait-il être mis à part, avant même de parler de violence familiale?
Le président : Comme premier paragraphe?
La sénatrice Dupuis : Comme premier paragraphe, sous l’introduction.
Le président : Sénateur Dalphond, comment réagissez-vous à ce commentaire?
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Nous pourrions en parler après le premier paragraphe. Comme le stipule la Convention sur les droits de l’enfant, le principe directeur devrait toujours être l’intérêt supérieur de l’enfant. Pourquoi ne ferions-nous pas référence au principe directeur, à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la convention?
Le président : La proposition de la sénatrice Dupuis d’en parler dans un paragraphe d’introduction sous l’intitulé « Violence familiale » a du bon. Cela semble être le contexte de la révision. L’évaluation de la violence familiale découle du fait qu’il y a deux conventions que le gouvernement du Canada a accepté d’intégrer dans ses lois, et quand on doit réviser la Loi sur le divorce, ce sont les paramètres qu’il faut suivre à cette fin. Je ne veux pas être trop logique, mais c’est une bonne idée d’en parler au début et non à la fin. Il me semble qu’il serait plus cohérent d’aborder la question au début, mais il revient aux honorables sénateurs d’en décider.
La sénatrice Dasko : C’est un bon argument, car l’intérêt supérieur de l’enfant constitue le principal point à considérer, et ce sont des facteurs dont il faut tenir compte. Nous avons donc une liste de facteurs, et la violence en fait partie.
Le président : Ce n’est pas une invention de ma part. C’est ce que le comité a entendu à maintes reprises.
[Français]
Ça va, sénateur Dalphond? Nous ferons...
La sénatrice Dupuis : On fera un paragraphe.
Le président : Oui, on fera un paragraphe de quelques lignes.
[Traduction]
Nous nous en tenons strictement aux faits. Nous ne parlons pas de la substance de la convention, sauf pour indiquer que cette dernière a inspiré le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant fait partie des éléments fondamentaux du projet de loi.
Nous ferons une déclaration neutre au sujet de la convention internationale.
Sénatrice Batters, vous semblez avoir des doutes. Je veux obtenir un assentiment.
La sénatrice Batters : Je tiens apparemment à mes habitudes. Les observations du comité des affaires juridiques ne prennent habituellement pas la forme d’un rapport exhaustif, mais de remarques précises qui visent à prodiguer des conseils au gouvernement sur ce que nous avons entendu dans des domaines que le projet de loi ne couvre peut-être pas. Il s’agit toutefois de points qui doivent être portés à son attention, peut-être dans le but d’élaborer de futures lois ou d’interpréter la loi. Ces observations peuvent également s’avérer utiles en cour.
Quand je vois un texte de quatre paragraphes, dont une bonne partie est enchâssée dans la loi depuis un bon bout de temps — comme l’intérêt supérieur de l’enfant et des principes semblables —, je constate que ce sont tous des énoncés effectivement importants. Je tiens peut-être trop à mes habitudes, mais ce n’est pas le genre d’observations que j’ai l'habitude de voir ici.
Le président : Merci.
Y a-t-il d’autres remarques au sujet du premier paragraphe? Nous sommes donc d’accord.
Le deuxième paragraphe sous l’intitulé « Violence familiale » deviendrait donc le troisième paragraphe avec l’ajout de l’introduction faisant référence à la convention internationale.
Le sénateur Dalphond : Dans une certaine mesure, ce serait légèrement redondant, car nous parlons maintenant de l’intérêt supérieur de l’enfant au début. Je vous lirai néanmoins ce paragraphe :
Pour être en mesure de promouvoir la sécurité et le bien-être de tous les membres de la famille, le régime canadien du droit de la famille, dont la Loi sur le divorce constitue la pierre angulaire, dépend d’orientations législatives claires qui, à leur tour, doivent s’appuyer étroitement sur la recherche et l’expérience. Les témoins ont salué dans l’ensemble la place accordée dans le projet de loi à la prise en compte unique de l’intérêt supérieur de l’enfant lors de la délivrance des ordonnances parentales ou des ordonnances de non-communication, soulignant du même souffle que la violence faite aux femmes est clairement liée aux problèmes de partage du temps familial, aux sévices causés aux enfants et à la sécurité des femmes et de leurs enfants pendant et après les procédures de divorce.
Comme vous le savez, j’ai tenté d’intégrer certains commentaires proposés par ma collègue, la sénatrice Dasko, et s’il a des questions, je lui laisserai le soin d’expliquer ce paragraphe. Je voulais faire un sommaire qui inclurait toutes les observations recueillies au cours de la semaine.
Le président : Est-ce que quelqu’un a des commentaires? Le sénateur Dalphond a indiqué qu’il s’est efforcé d’inclure vos...
La sénatrice Dasko : Je pense que c’est très clair, mais si quelqu’un a des commentaires à ce sujet...
Le président : Cela signifie-il alors que votre premier paragraphe, celui qui figure dans votre ébauche, pourrait être inclus dans celui-ci?
Le sénateur Dalphond : C’est exactement la même chose.
La sénatrice Dasko : C’est pareil.
Le président : Est-ce que quelqu’un a des commentaires à formuler au sujet de ce paragraphe?
Le sénateur Gold : Non. J’ai quelque chose à dire, mais je voudrais donner suite aux propos de la sénatrice Batters. Peut-être que je tiens un peu à mes habitudes moi aussi.
Je voulais proposer une manière qui permettrait peut-être de faire une place au nouveau style du comité, car il y a beaucoup de substance dans ce que nous avons lu jusqu’à maintenant, y compris dans le deuxième paragraphe, et c’est un contexte important. J’aimerais donc que nous conservions ce contenu. Il ne s’agit toutefois pas nécessairement d’observations. Par exemple, le troisième paragraphe comprend une observation importante. Nous pourrions l’écrire en caractère gras ou même indiquer « Par conséquent » ou « Ainsi, le comité observe » afin de la mettre en lumière. Nous voulons que le gouvernement tienne compte des observations et recommandations qui émaillent le texte, mais aussi du contexte. Le formatage pourrait nous permettre de faire ressortir les observations tout en fournissant le contexte qui est, selon moi, utile pour le lecteur.
Le président : Vos propos rejoignent ceux de la sénatrice Batters.
Le sénateur Gold : J’ai regardé et je n’ai pas vu la sénatrice Batters. Je conviens toutefois qu’il importe de mettre les observations en lumière pour qu’elles soient prises au sérieux. Toutefois, comme j’aime le contexte, j’avais pensé utiliser des caractères gras ou quelque chose de semblable.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Pourrions-nous nous entendre sur un texte pour que, par la suite, les analystes retravaillent ce qui fait partie du contexte et identifient clairement la partie qui dit « le comité observe que, considère que, prend acte que »? Autrement dit, l’idée ne serait pas de remettre les paragraphes en ordre cet après-midi.
Depuis que je suis allée dans la région de Charlevoix et que j’ai fait une recherche dans le dictionnaire sur le « toilettage », qui est un terme réservé à la question des animaux... Vous me permettrez de ne pas utiliser ce terme, mais je pense que cela ferait partie des demandes que nous pourrions faire au comité directeur, soit de revoir l’ordre des paragraphes.
Le président : Vous vous souviendrez que, lorsque j’ai utilisé ce mot pour la première fois, j’ai bien mentionné qu’il s’agissait d’un terme utilisé par les vétérinaires. Je comprends très bien le contexte dans lequel on utilise ce terme, sauf que la langue française évolue par l’usage, comme vous le savez, et le Québec réussit à faire évoluer la langue française par l’usage. Vous avez certainement vu les derniers mots qui ont été acceptés par l’Académie de la langue française. Cependant, je n’insiste pas pour utiliser ce mot, madame la sénatrice Dupuis.
La sénatrice Dupuis : Excusez-moi, monsieur le président, mais puisque vous soulignez cet état de fait, je suis presque déçue de voir que l’évolution du langage concernant les animaux avance plus rapidement que celle qui concerne les femmes. Merci.
Le président : Donc, il y aurait un accord pour que nous conservions le paragraphe, qui se lit comme suit :
[Traduction]
Le comité remarque que le libellé neutre sur le plan du genre employé dans le projet de loi n’élimine pas...
[Français]
Il faudrait également qu’il soit inscrit en caractère gras, pour bien faire ressortir les observations qui se rapportent essentiellement à une description du contexte ou de l’ensemble de la réalité sociologique à l’intérieur de laquelle existe le phénomène du divorce.
La sénatrice Dupuis : Parlant de l’évolution du langage en matière de droits des femmes, monsieur le sénateur Dalphond, j’ai une question pour vous. Dans ce troisième paragraphe, qui va devenir le quatrième, dans celui qui dit ce qui suit : « Le comité remarque que le libellé neutre... », seriez-vous d’accord pour qu’on ajoute, après « que le libellé neutre », « sur le plan du genre employé dans le projet de loi »? Cela ne devrait pas occulter le fait que les femmes sont, en très grande majorité, celles qui sont victimes de violence conjugale et familiale et que cette violence s’accroît après une séparation ou un divorce, comme le ministre l’a reconnu dans sa lettre du mois de juin et comme les témoins nous l’ont dit.
Le sénateur Dalphond : À mon avis, la suggestion convient, mais je vais en référer à ma collègue, la sénatrice Dasko, puisque c’est elle qui a proposé le texte que j’ai consulté, et l’on retrouve d’ailleurs, au paragraphe 3, deux de ses observations. Personnellement, je serais d’accord, mais je vais lui céder la parole.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Cela me semble adéquat, sénatrice Dupuis. Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je dois dire que j’ai lu vos observations, mais je n’étais pas certaine d’avoir vu cela dans le texte. J’aimerais que l’on fasse une précision — parce qu’on observe qu’il y a un langage neutre, alors que plusieurs témoins nous ont dit qu’ils avaient un problème avec le langage neutre. L’observation que l’on insérerait après « used in the bill » ne devrait pas occulter le fait qu’il a été passé sous silence que ce sont les femmes qui sont, en très grande majorité, victimes de violence conjugale ou familiale, et que cette violence s’accroît après une séparation ou un divorce.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Cela me convient. Il importe de faire une observation générale sur le fait que les femmes tendent à être victimes de violence. Le reste de vos propos me convient.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Je pense que c’est la nature des commentaires qu’a formulés le sénateur Boisvenu au comité. Cela me convient très bien et cela reflète ses propos.
[Traduction]
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires sur la proposition de la sénatrice Dupuis, que la sénatrice Dasko a intégrée dans le paragraphe? Non? Est-il nécessaire d’ajouter une référence aux statistiques relatives au fait que les femmes constituent les principales victimes de la violence?
[Français]
Je répète : n’y aurait-il pas lieu de faire référence à des statistiques qui illustrent succinctement le fait que ce sont surtout des femmes qui sont victimes de violence familiale?
La sénatrice Dupuis : Il faudrait, à ce moment-là, citer la... Est-ce dans l’annexe 2 de la lettre du ministre, soit l’analyse comparative entre les sexes?
Le président : Est-ce que vous faites référence à l’annexe 2 de la lettre du ministre?
La sénatrice Dupuis : Je crois que oui. Nous avons des statistiques sur la séparation, la situation familiale, le revenu, les pensions alimentaires, et le fait que les femmes sont plus désavantagées, qu’elles sont plus susceptibles de subir des violences plus graves ou des blessures plus graves.
Le président : Allons directement à l’annexe 2 de la lettre du ministre.
[Traduction]
Comme elle a été annexée au procès-verbal du comité, il s’agit d’un document public. Nous pourrions y faire référence dans l’observation pour que tout le monde ait un portrait détaillé de la réalité. Êtes-vous d’accord, sénateurs?
Des voix : Oui.
Le président : Convenons-nous d’accepter ce paragraphe avec les modifications proposées? C’est accepté.
Veuillez nous lire le paragraphe suivant, sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond : Il indique ce qui suit :
En effet, comme plusieurs témoins l’ont fait valoir, toute violence familiale directe ou indirecte équivaut à de la violence faite aux enfants susceptible de causer un stress psychologique et de nuire au développement de l’enfant. Autrement dit, la violence conjugale est plus qu’un simple conflit entre conjoints; il s’agit d’une forme de violence familiale. Le ministre de la Justice l’a reconnu dans sa lettre du 11 juin 2019 dans les termes suivants : « Dans le cas d’un enfant, le fait d’être exposé à la violence familiale constitue en soi de la violence familiale; autrement dit, l’exposition à la violence familiale est une forme de maltraitance des enfants. »
Le président : Les sénateurs ont-ils des commentaires ou des suggestions à formuler au sujet de ce paragraphe?
Le sénateur McIntyre : À l’appui de ce paragraphe, monsieur le président, nous avons entendu de solides témoignages à ce sujet. Par exemple, Mme Del Rizzo s’est montrée très claire quand elle a affirmé que la violence familiale est un facteur très pertinent à prendre en compte quand on détermine l’intérêt supérieur de l’enfant, et nous nous réjouissons qu’elle fasse partie des facteurs figurant dans le projet de loi.
Mme Linda C. Nelson, professeure émérite de l’Université du Nouveau-Brunswick, a tenu des propos semblables. Quand à M. John Paul Boys, qui a témoigné à titre personnel, il a indiqué qu’il est plus que temps que la loi fédérale traite de la violence familiale de manière aussi exhaustive.
Nous avons également entendu Mme Suki Beavers, directrice de projet pour l’Association nationale Femmes et Droit.
[Français]
Serge Bernier, vice-président de la Chambre des notaires du Québec, appuie particulièrement les critères concernant la violence conjugale.
[Traduction]
Le président : Je proposerais de dire « Que le comité constate que, comme plusieurs témoins l’ont souligné, l’exposition directe ou indirecte à la violence familiale constitue une forme de maltraitance d’enfant » si nous voulons maintenir une certaine cohérence entre les paragraphes, car habituellement, c’est 1, 2, 3, 4.
Comme je l’ai indiqué au sénateur Dalphond, nous nous assurerons — avec l’aide des analystes, bien entendu — que les premiers mots de chaque paragraphe témoignent de l’approche que nous avons adoptée pour énumérer les éléments d’observation.
Cela vous convient-il, honorables sénateurs?
Des voix : Oui.
[Français]
Le président : Si vous voulez poursuivre, sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond : Je vais poursuivre en français, étant donné la nature de l’amendement. Vous vous rappellerez que le sénateur Boisvenu et la sénatrice Dupuis avaient souligné la difficulté liée à l’interprétation de certaines définitions en français, notamment celle qui concerne la violence familiale. J’ai donc pensé qu’une observation serait appropriée à ce propos.
Le comité insiste sur l’importance de lever toute ambiguïté entre les deux versions des lois fédérales, surtout dans les lois qui sont d’une grande importance pour les Canadiens, comme la Loi sur le divorce. Les membres du comité se sont demandé si les définitions anglaise et française de la violence familiale ont toutes deux le même sens. Dans l’annexe 1 de sa lettre du 11 juin 2019, le ministre de la Justice affirme, et je cite:
L’intention législative derrière la définition est que la référence au mot « pattern » en anglais et à « aspect cumulatif » en français s’applique uniquement à une conduite coercitive et dominante. Elle ne vise pas à s’appliquer à une conduite violente ou menaçante, ou qui porte quelqu’un à craindre pour sa sécurité. Cette intention est importante, puisqu’il est clair qu’un acte unique peut constituer de la violence familiale si la conduite est violente ou menaçante ou qu’elle engendre la crainte.
Les versions anglaise et française de la définition expriment bien cette intention législative. Pour ce qui est de la version française, la répétition de « qui » avant chaque type de conduite, ainsi que l’utilisation du mot « ou » entre chacun, indique clairement que « l’aspect cumulatif » s’applique uniquement à un comportement familial coercitif et dominant.
L’explication est simple. Le ministre a été informé de nos discussions et de l’ambiguïté de la définition par les représentants du ministère qui étaient présents, et il a choisi d’expliquer pourquoi il n’y avait aucune ambiguïté. Je pense qu’il serait important, si jamais il y avait un problème d’interprétation, de noter que le comité a bien pris acte que ce n’était pas l’intention du législateur de faire naître cette ambiguïté.
[Traduction]
Le président : Si nous faisons référence au ministre, je pense que nous devrions être plus précis. Si le ministre a répondu qu’il n’y avait pas d’ambiguïté en répondant à une question — et je me souviens fort bien de la discussion qui a eu lieu entre le sénateur Boisvenu, la sénatrice Dupuis, d’autres sénateurs et vous, sénateur Dalphond —, je pense que nous devrions faire référence à son témoignage dans le procès-verbal du comité. Ainsi, comme vous le dites, si un problème d’interprétation survient en cour et que le tribunal veut vérifier l’intention du législateur, il pourra consulter directement la réponse du ministre. Nous pourrions faire directement référence à la réponse du ministre.
Le sénateur Dalphond : Je pense que la réponse a été fournie, peut-être pas par le ministre à strictement parler, mais par un fonctionnaire du ministère. Le sénateur McIntyre, qui semble mieux se souvenir des témoins que moi, le saura. Je cite toutefois ici un passage de la lettre du ministre, que le comité a accepté de joindre au compte rendu, je présume.
Le président : Elle est déjà avec le procès-verbal de la séance, donc, si on y fait référence dans l’observation, elle se trouve avec le procès-verbal.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je suis tellement d’accord que je recommanderais, si vous me le permettez, que la lettre soit citée textuellement, c’est-à-dire la réponse du ministre en date du 11 juin, le premier paragraphe, à la page 2. Cela aurait été trop simple de le faire comme il l’a écrit dans sa lettre. Dans la version anglaise, on dit : « or, or, or »; dans la version française, on dit : « qui », après une virgule, et qui vient introduire... C’est la raison pour laquelle j’avais parlé de l’aspect pédagogique d’une définition. Dans sa lettre, le ministre dit ceci :
Toute conduite qui 1) est violente; ou 2) est menaçante; ou 3) dénote, par son aspect cumulatif, un comportement coercitif et dominant; ou 4) porte un membre de la famille à craindre pour sa sécurité ou celle d’une autre personne constitue de la violence familiale.
Je pense que, pour la pédagogie, on a exactement l’explication que l’on souhaitait. Je citerais la lettre du ministre, le premier paragraphe, à la page 2.
Le président : Cela correspond également à votre préoccupation, sénateur Dalphond?
Le sénateur Dalphond : Absolument.
Le président : D’accord.
[Traduction]
Nous allons intégrer la substance de la lettre dans le haut de la page 2 de la version française.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Naturellement, nous avons la lettre du ministre en ce qui a trait à l’ambiguïté de la définition française de la violence familiale, mais d’autres témoins ont également fait des commentaires à ce sujet. Par exemple, je me rappelle que Mme Laberge avait dit que le barreau préférerait que l’on trouve un terme qui soit davantage l’équivalent du mot « pattern », ou alors que l’on élimine toute référence à l’aspect cumulatif. Le fait qu’une personne tente ou non d’exercer un comportement coercitif et dominant à l’égard d’un membre de la famille serait, effectivement, un facteur dont le tribunal devrait tenir compte. Nous avons entendu les inquiétudes de la sénatrice Dupuis et du sénateur Boisvenu. M. Fafard a d’ailleurs affirmé ceci : « Pour compléter ce que les représentants du Barreau du Québec ont mentionné, le mémoire de la Chambre des notaires fait également état des problèmes liés à l’emploi des termes “aspect cumulatif”. »
[Traduction]
Le président : Si nous avions eu amplement l’occasion de modifier la loi, nous l’aurions probablement fait. Je vois les mots « note marginale maximum » et ainsi de suite. Nous connaissons tous le sujet.
Comme nous aurons ce projet de loi devant nous pendant un certain nombre de mois, il est préférable de nous fonder sur l’interprétation du ministre, signifiant ainsi aux tribunaux, aux avocats et aux professionnels du droit du divorce de s’en tenir à cette compréhension ou à cette interprétation du mot « cumulatif » plutôt que d’espérer un meilleur mot. Il n’y en aura pas de meilleur d’ici à ce que le projet de loi soit amendé.
Je propose que nous nous en tenions à la définition du concept telle que le ministre l’a énoncée dans sa lettre, qui revêt un caractère officiel. Ce n’est pas une information que nous lui avons soutirée au cours d’une période de questions. Nous savons tous que lorsqu’un ministre signe une lettre dans un pareil contexte, cette lettre a l’aval du ministère, dont elle exprime la position officielle. C’est la définition qui serait utilisée en cour, comme le sénateur Dalphond le saura. Je propose donc que nous conservions cette lettre, qui constitue l’élément essentiel en ce qui concerne l’incertitude entourant le mot « cumulatif ».
[Français]
Le sénateur McIntyre : C’est une bonne façon de procéder, monsieur le président, je suis d’accord avec vous, mais, comme Mme Laberge et le sénateur Boisvenu, je trouve que le terme « aspect cumulatif » n’est pas l’équivalent du terme anglais« pattern ».
Le président : Absolument pas. Je suis francophone et je maîtrise un peu l’anglais, et si je demande à mes réflexes anglais de réagir devant les termes « pattern » et « aspect cumulatif », je n’obtiens pas du tout la même réaction.
La sénatrice Dupuis : Je me résignais à l’accepter parce que, dans sa lettre, à la page 2, au troisième paragraphe, le ministre mentionne, et il nous l’a dit quand il est venu témoigner devant nous, que la recherche en sciences sociales a constaté — le ministre s’est exprimé dans ces termes — qu’un comportement familial coercitif et dominant correspond à de la violence familiale. Ce sont des concepts maîtrisés et courants auxquels on fait maintenant référence dans les procès. Il ne faut pas nécessairement reprendre la rédaction de ce concept. S’il fallait dire quelque chose, et je ne suis pas sûre que nous devons le faire, c’est que la jurisprudence est claire, et que le harcèlement discriminatoire contre les femmes peut être seulement un incident, mais que l’on doit alors faire l’interprétation des termes « qui dénote dans son aspect cumulatif ». Autrement dit, nous ne savons pas comment ces termes seront interprétés. Le comportement coercitif et dominant est un concept qui est maintenant reconnu dans les sciences sociales, et on doit respecter cela. S’il fallait mentionner quelque chose, c’est que nous souhaitons que l’interprétation des tribunaux n’ajoute pas à la difficulté de prouver qu’un individu exerce un comportement coercitif et dominant, alors que l’on reconnaît déjà que le harcèlement est une forme de discrimination contre les femmes, et qu’un seul événement suffit à le qualifier de harcèlement discriminatoire. Par contre, je ne suis pas sûre que l’on doive aller jusque-là.
[Traduction]
Le président : Nous faisons référence à la lettre du ministre, qui admet que c’est un fait. C’est déjà indiqué.
[Français]
« L’aspect cumulatif s’applique uniquement à un comportement familial coercitif et dominant, qui, selon ce qu’a démontré la recherche, est le plus souvent utilisé par les hommes contre les femmes. » À mon avis, il y a, dans la lettre du ministre, suffisamment d’explications pour les praticiens du droit du divorce et les tribunaux, ce qui leur fournit une source d’interprétation correcte, qui est celle que le législateur a à l’esprit lorsqu’il propose ces termes ou les utilise dans le contexte du projet de loi.
La sénatrice Dupuis : Je fais référence au troisième paragraphe, à la page 2.
Le président : Ce que je vous suggère de faire pour faire face à cette difficulté.
[Traduction]
Cela vous convient-il, honorables sénateurs? Je suis désolé pour nos collègues qui trouvent peut-être que la discussion entre les sénateurs francophones est très sémantique — même si notre collègue, le sénateur Carignan, semble être d’accord avec nous —, mais je pense que c’est un moyen de résoudre la question.
Sénateur Dalphond, le paragraphe suivant est intitulé « Note accompagnant le paragraphe 16(6) ».
Le sénateur Dalphond : Voici ce qu’il indique :
Plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations au sujet de la note marginale « Maximum de temps parental » qui accompagne le nouveau paragraphe 16(6) proposé de la Loi sur le divorce. Bien que la disposition elle-même soit axée sur l’intérêt supérieur de l’enfant, les témoins redoutent que cette note donne l’impression de créer une présomption de partage égal du temps parental. Le comité prend acte de l’engagement formulé par le ministre de la Justice dans sa lettre du 11 juin 2019, dans laquelle il promet de supprimer les termes « maximum de temps parental » et de les remplacer par un libellé du genre « temps parental compatible avec l’intérêt de l’enfant ». Le comité est d’avis que cette note refléterait plus fidèlement le libellé du paragraphe et l’esprit de l’article 16.
Le président : Êtes-vous d’accord?
La sénatrice Dasko : C’est un excellent paragraphe, à mon avis.
Le président : Est-il de vous?
La sénatrice Dasko : Non.
Le sénateur Dalphond : Non, mais il transmet l’idée que le problème a été soulevé par de nombreux témoins, et j’ai pensé que le ministère...
Le président : Si vous voulez, je reformulerai le début du paragraphe avec les analystes. Au lieu de dire « Plusieurs témoins », nous indiquerons que le comité a une préoccupation au sujet de l’implication de la note marginale ou quelque chose comme cela. Cette phrase tiendrait lieu d’introduction.
[Français]
Poursuivons, car j’entends une cloche qui sonne. Pourriez-vous me dire à quelle heure se tient le vote? À 17 h 42? Nous pouvons donc poursuivre, car nous sommes dans le même édifice.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Le paragraphe suivant se lit comme suit :
Le comité prend note du fait que plusieurs modifications apportées par le projet de loi C-78 visent à encourager le recours aux mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends familiaux. Nous accueillons favorablement cette approche.
Cependant, plusieurs témoins se sont dits préoccupés par le recours aux mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends familiaux dans les situations de violence familiale, car les parents victimes de violence pourraient être forcés de coopérer avec un conjoint violent et contraints d’accepter des compromis dangereux. Comme le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants l’indique dans son rapport de 1997, lorsqu’il y a de la violence de la part d’un parent envers l’autre ou envers les enfants, des arrangements ne peuvent être pris au moyen d’un mécanisme de règlement extrajudiciaire des différends que si la sécurité de la victime de violence n’est pas menacée et que le risque de violence est passé.
Le président : Est-ce que quelqu’un souhaite formuler un commentaire? Êtes-vous d’accord avec cette observation?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Sénateur Dalphond, auriez-vous objection à ce que l’on dise « only if and when »?
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Cette proposition me convient. L’idée est certainement la même, seulement plus forte.
Le président : Nous apporterons cette modification.
Les analystes m’ont fait remarquer qu’il faudrait mettre un point quelque part dans le paragraphe. Le comité pourra ensuite s’assurer d’établir un lien entre l’introduction et le développement afin de mieux respecter notre approche. Prenez-en note, et nous réviserons le document.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Nous avons plusieurs témoignages pour l’appuyer.
Le président : Oui, absolument. C’est la raison pour laquelle nous suggérons d’inclure une observation et de revenir devant le comité. Vous poursuivez? Je ne veux pas vous presser, honorables sénateurs. J’essaie de voir si nous pouvons faire avancer les choses avant d’aller voter.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Voici ce qu’indique le paragraphe suivant :
Des membres du comité ont soulevé des questions au sujet du bijuridisme et de la conformité du projet de loi C-78 aux règles, aux principes et aux concepts de la common law et du droit civil. Le comité est rassuré par la lettre du ministre datée du 11 juin 2019 selon laquelle le projet de loi dans sa version actuelle ne soulève aucun problème de rédaction bijuridique.
[Français]
La sénatrice Dupuis : L’annexe 3 de la lettre?
[Traduction]
Le président : J’ai l’impression que la sénatrice Batters a une préoccupation.
La sénatrice Batters : Il est très inhabituel que nous disions que « Le comité est rassuré par la lettre du ministre [...] selon laquelle le projet de loi [...] ne soulève aucun problème... » Cela ne correspond pas à la norme que nous suivrions normalement pour les observations. Je ne suis pas très à l’aise avec ce passage.
Le sénateur Dalphond : Pouvons-nous éliminer les premiers mots, « Le comité est rassuré... », et commencer par « La lettre du ministre datée [...] indique que le projet de loi dans sa forme actuelle... »?
Le sénateur Gold : « Le comité prend note que... »
Le sénateur McIntyre : « Le projet de loi dans sa forme actuelle... »
Le président : D’accord. Merci. C’est ce que nous ferons.
Le sénateur Dalphond : « Le comité prend note que les fonctionnaires du ministère... »
Le président : Nous ne nous sommes pas occupés de cela. Nous reformulerons ce passage.
Le sénateur Dalphond : Le prochain paragraphe indique ce qui suit :
Le comité est également rassuré par le fait que les fonctionnaires du Ministère lui ont confirmé que les facteurs relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant énoncés au paragraphe 16(3) proposé correspondent à ceux qui figurent au paragraphe 10(3) proposé du projet de loi C-92 (Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis), où il est question de l’intérêt supérieur des enfants autochtones au moment de prendre des décisions ou des mesures dans un contexte de prestation de services à l’enfance et à la famille. Aux dires des fonctionnaires du Ministère, les projets de loi C-78 et C-92 ont été rédigés en tandem et les facteurs qu’ils énoncent se recoupent, même si ceux du projet de loi C-92 ont été adaptés au contexte de la protection de l’enfance.
Ce paragraphe résout également un problème soulevé par certains témoins.
Le président : Y a-t-il des commentaires? Cette observation vous convient-elle?
Des voix : Oui.
Le président : Merci. Nous reformulerons la première phrase pour qu’elle soit plus conforme à la procédure habituelle.
[Français]
Sénateur Dalphond, poursuivez-vous avec le paragraphe suivant, intitulé « Education » en anglais et « Sensibilisation » en français?
Le sénateur Dalphond : Le comité estime qu’il y a lieu de mettre en œuvre une campagne de sensibilisation à l’intention des parents et de tous les intervenants en droit de la famille. Le comité invite le gouvernement fédéral à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour faire connaître les principaux changements proposés par le projet de loi C-78, notamment pour indiquer comment utiliser l’outil de dépistage de la violence familiale mis au point par le ministère de la Justice à l’intention des professionnels du droit, comme le décrit le ministre dans sa lettre du 11 juin 2019.
Le président : Y a-t-il des commentaires?
La sénatrice Dupuis : Sénateur Dalphond, auriez-vous objection à ajouter dans ce paragraphe, « comme l’a développé le ministère de la Justice »? Une des choses les plus intéressantes dans la réponse du ministre, c’est justement le fait qu’il a développé cet outil avec l’organisme communautaire Luke’s Place. Je crois qu’il vaudrait la peine de le souligner.
Le sénateur Dalphond : Mis au point par le ministère de la Justice avec l’assistance de Luke’s Place?
La sénatrice Dupuis : En collaboration avec le...
Le président : Plutôt que l’assistance.
Le sénateur Dalphond : C’est un anglicisme, je m’en excuse.
Le président : Vous pouvez poursuivre avec le paragraphe suivant?
Le sénateur Dalphond : Le comité est conscient de l’importance d’envisager la violence familiale comme un facteur décisif au moment de répartir le temps et les responsabilités parentales et de rendre des ordonnances de non-communication. C’est pourquoi il invite de nouveau respectueusement le Conseil canadien de la magistrature à intégrer les questions liées à la violence entre partenaires intimes, à la violence fondée sur le sexe et à la situation particulière des femmes autochtones dans ses colloques de formation des juges sur le droit familial.
Ce deuxième paragraphe est dans la logique de ce que nous avons fait comme observation relativement au projet de loi C-337.
[Traduction]
La sénatrice Batters : Pourquoi dites-vous « invite de nouveau »? Le comité a-t-il discuté de cette question précise ou a-t-il fait une invitation semblable en d’autres occasions? Pourriez-vous m’expliquer ce passage, je vous prie?
Le sénateur Dalphond : Je pense que certains témoins ont indiqué, particulièrement quand vient le temps de déceler la violence, que de nombreux intervenants, comme les avocats et les juges, n’étaient pas adéquatement informés ou sensibilisés à ce sujet, et qu’il fallait leur offrir de la formation. La lettre du ministre aborde également la question. J’ai aussi pensé que le projet de loi C-337, que nous avons étudié la semaine dernière, porte également sur le sujet. Il m’a semblé que ce rapport est plus susceptible que l’autre d’être annexé à une loi officielle du Parlement.
La sénatrice Batters : Vous pensiez donc au projet de loi C-337, mais ce passage est formulé comme s’il s’agissait de l’examen de ce projet de loi ou de cette question précise.
Le président : Je partage la préoccupation de la sénatrice Batters, car le projet de loi n’a pas encore été adopté. S’il ne l’est pas — ce n’est pas ce que je souhaite et je tiens à ce que cela figure au compte rendu —, alors il restera dans les limbes. Voilà pourquoi les mots « de nouveau » posent problème à ce moment-ci. Si le projet de loi avait été adopté, alors cela ferait partie...
Le sénateur Dalphond : Je comprends. Les mots « de nouveau » devraient être retirés.
La sénatrice Batters : Nous pourrions peut-être simplement indiquer que « Le comité demande respectueusement au Conseil canadien de la magistrature ».
Le président : C’est ce que je proposerais.
Le sénateur Dalphond : Une fois encore, je suis tout à fait d’accord avec la sénatrice Batters.
Le président : Au point 6, sénateur Dalphond, si vous voulez bien continuer avec le paragraphe intitulé « Révision périodique de la Loi sur le divorce ».
Le sénateur Dalphond : C’est une question dont la sénatrice Dasko et d’autres membres du comité ont discuté avec l’avocat principal du ministère. Voici ce qu’indique ce paragraphe :
Le comité est d’avis que le droit de la famille doit refléter la réalité des structures familiales dans la société et que l’évolution constante de la cellule familiale exige une révision périodique de la Loi sur le divorce. Le comité invite le gouvernement fédéral à prendre des mesures pour que le prochain examen de la Loi sur le divorce ait lieu dans les cinq années suivant l’adoption du projet de loi C-78 et convient qu’une Commission du droit pourrait contribuer de manière importante à cette entreprise.
La référence à la commission du droit est, selon moi, une question de cohérence avec les rapports précédents du comité, qui ont également mis l’accent sur le besoin d’une commission de réforme du droit.
Le président : Je soulève une objection à ce sujet, sénateur, car dans notre rapport sur le projet de loi C-75, lequel a été déposé et adopté à la chambre hier — et je regarde le sénateur Carignan à ce sujet —, nous parlons d’un groupe d’experts. Nous ne voulions pas nous prononcer officiellement sur le rétablissement, car la commission du droit fait actuellement l’objet d’un débat.
Je proposerais que nous restions plus neutres, parce que nous savons qu’une commission du droit... cela ne signifie pas que je suis contre cette proposition, au contraire. J’ai d’ailleurs pris position à ce sujet sur d’autres tribunes.
Compte tenu de ce que nous avons conclu au sujet du projet de loi C-75, je propose que nous employions des termes neutres pour parler de la question, si vous êtes d’accord.
Le sénateur Dalphond : Cela me convient très bien, et c’est cohérent avec les rapports précédents.
La sénatrice Batters : La référence à la commission de réforme du droit me préoccupe. Je me sentirais plus à l’aise si elle était éliminée.
Le président : Nous nous entendons à ce sujet. C’est la position commune des membres du comité. Si vous êtes d’accord, honorables sénateurs, nous apporterons ces changements. Merci.
Le sénateur Dalphond : C’est ce qui conclut mes propositions.
Le président : Nous allons maintenant examiner celles de la sénatrice Dasko.
La sénatrice Dasko : Monsieur le président, j’ai décidé de tenter de faciliter grandement la tâche à tout le monde, puisque le sénateur Dalphond a déjà utilisé quelques paragraphes du document que vous avez reçu.
Le président : Il en a retenu quelques-uns.
La sénatrice Dasko : Oui, et il a effectué un excellent choix. Dans son document, il aborde également certaines des préoccupations que j’avais et dont j’ai parlé dans mon document.
Pour rendre les choses très faciles pour tout le monde, j’ai présenté une version écourtée de mes observations qui n’inclut que les points dont le sénateur Dalphond n’a pas traité dans ses observations. Nous n’aurons pas à faire le tri, puisqu’il n’y a pas le moindre doublon.
Mon document porte sur quelques points supplémentaires. Vous n’avez donc pas à lire le long document, seulement la version abrégée.
Le président : Le français et l’anglais se suivent?
La sénatrice Dasko : Ils sont dans le même document.
Le président : Avant que vous ne commenciez, je regarde l’heure, car il y a un vote à 17 h 42. Nous suspendrons donc la séance dans cinq minutes.
Vous pouvez continuer, sénatrice Dasko.
La sénatrice Dasko : Ce serait des observations supplémentaires. Si elles sont acceptées, nous déciderions ou quelqu’un déciderait où elles iraient, que ce soit à la fin ou au milieu de l’autre document. Permettez-moi de vous en lire la teneur :
D’un point de vue pratique, il n’était pas souhaitable que le comité apporte des modifications au projet de loi. C’est pourquoi il demande au ministre de la Justice de modifier la Loi dès que possible afin d’y inclure des indications claires sur l’application du projet de loi.
Le comité recommande que l’alinéa 16(3)c) soit éliminé, car son application s’avère injuste, voire dangereuse, dans les cas impliquant de la violence familiale. Il se fonde sur la forme actuelle de l’article 16(10) de la Loi sur le divorce. Cette disposition donne préséance à la volonté parentale plutôt qu’à une considération plus importante encore, soit celle de déterminer si l’enfant entretient une bonne relation avec le parent et s’il souhaite la maintenir. Bien des facteurs font en sorte qu’il n’est pas nécessairement dans l’intérêt de l’enfant de maintenir une telle relation après un divorce. De plus, et ce sont des faits documentés, la disposition réduit les femmes et les enfants au silence (car la violence familiale a un sexe). En effet, quand elles dénoncent un comportement parental non souhaitable, les femmes sont à leur tour accusées de monter les enfants contre leur père ou d’empêcher les contacts entre eux. À défaut d’éliminer la disposition, le comité recommande de la réviser afin qu’elle s’articule autour de ce qui est le plus important, c’est-à-dire que le maintien de la relation est dans l’intérêt de l’enfant.
Ce paragraphe et les deux suivants sont le résultat de nombreuses observations et des propos de nombreux témoins qui ont comparu pour exprimer leurs préoccupations quant à l’alinéa 16(3)c). Il est proposé ici d’éliminer cette disposition le plus tôt possible. Ce n’est évidemment pas un amendement, car nous n’apportons pas d’amendement. Cette proposition a le statut d’une observation.
Tous les membres étaient présents lorsque de nombreux témoins se sont dits préoccupés par cette disposition de l’article 16. C’est donc à nous de décider si nous voulons inclure cette proposition dans les observations. C’est une recommandation qui a beaucoup de force, et je m’en tiendrai là.
Le président : Dans le dernier paragraphe adopté, nous pourrions ajouter une phrase d’introduction disant : « En ce qui concerne la Loi sur le divorce... ». Le paragraphe suivant pourrait faire part des préoccupations du comité en attendant l’examen de la loi afin de mettre en lumière certains des problèmes qui devraient être examinés. Ce que vous proposez, en fait, c’est essentiellement d’éliminer ou de reformuler cette disposition. Cela s’inscrirait donc dans le cadre de l’examen et de l’analyse.
La sénatrice Dasko : Cela pourrait faire partie de l’examen quinquennal, mais il serait, bien entendu, préférable que cet examen ait lieu plus tôt. L’objectif consiste ici en partie à tenter de mettre le problème en lumière et, si possible, de modifier la loi avant la tenue de l’examen quinquennal.
Je laisse le comité examiner cette possibilité.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Le comité ne devrait-il pas mentionner, dans une observation, qu’il est préoccupé du fait que plusieurs témoins ont parlé de ce problème? Ils l’ont souligné pour les alinéas 16(3)c), 16(3)j) et 16(3)i). Ne pourrait-on pas inclure une observation plus générale qui dirait que nous sommes préoccupés des commentaires que nous avons entendus sur l’interprétation qui sera faite, et reprendre ce qui est dans le texte pour dire que l’on invite le ministère à reconsidérer cette question? On peut, ou non, faire le lien avec la révision de la loi. Nous devrions au moins mentionner que nous avons entendu des commentaires et qu’il était très clair que des gens s’inquiétaient de tous les critères dont on parle au paragraphe 16(3), et plus particulièrement aux alinéas 16(3)c), 16(3)j) et 16(3)i), qui sont particulièrement problématiques dans les cas de violence familiale. À cet égard, nous pourrions indiquer que nous invitons le ministère à...
[Traduction]
Le président : Nous accorderons la parole à la sénatrice Batters, puis nous suspendrons la séance.
La sénatrice Batters : Je peux attendre après notre retour.
Le président : Vous serez donc la première à intervenir après notre retour.
Nous garderons en réserve une proposition de la sénatrice Dupuis. J’invite les sénateurs à revenir le plus tôt possible pour que nous ayons le temps de discuter des observations et d’autoriser la présidence à déposer le rapport au nom du comité.
Honorables sénateurs, nous suspendrons la séance pour participer au vote.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, si vous voulez bien reprendre place, nous allons donc poursuivre l’étude des observations que nous comptons ajouter au projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi. Au moment de suspendre la séance, madame la sénatrice Dupuis avait fait une suggestion.
[Traduction]
Peut-être que la sénatrice Dasko pourrait répéter cette partie. Lorsque nous nous sommes interrompus, la sénatrice Dupuis proposait que nous regroupions ces trois observations. Elles portent toutes sur le paragraphe 16(3) de la loi. Il s’agit essentiellement d’exprimer les préoccupations du comité qui souhaite que des amendements soient apportés ou que l’on procède tout au moins dès que possible à un examen de ces dispositions pour en clarifier l’incidence et l’interprétation.
Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette idée de regrouper ces trois recommandations portant sur le paragraphe 16(3) à l’endroit qui convient dans la liste des observations que nous avons acceptées.
La sénatrice Dasko : Désolée, je croyais que vous parliez à la sénatrice Dupuis.
Vous voulez aller de l’avant?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Non, non, pas du tout.
[Traduction]
La sénatrice Dasko : Je suis désolée, mais je pensais que c’est à elle que vous parliez.
Le président : J’essayais simplement de reformuler sa proposition dans mes termes afin de relancer la discussion après l’interruption due au vote. C’est à vous que je m’adressais.
La sénatrice Dasko : Merci.
Je vous ai déjà présenté ma première recommandation, et je ne sais pas s’il y a des commentaires à ce sujet. Nous avons discuté des ajustements qui pourraient y être apportés, comme vous venez de le suggérer, monsieur le président.
Voici ma deuxième recommandation :
Le comité recommande que l’alinéa 16(3)j), notamment le sous-alinéa 16(3)j)(i), soit révisé pour que la priorité soit donnée à l’intérêt de l’enfant. Encore là, faire référence à la « volonté » d’un parent ayant eu recours à la violence familiale de prendre soin de l’enfant et de répondre à ses besoins donne préséance aux revendications parentales au détriment de la considération à privilégier. Les antécédents d’un parent en matière de violence familiale devraient être ce qui permet de déterminer sa capacité à remplir son rôle parental. La « volonté » est l’argument avancé pour contrôler l’enfant et ainsi contrôler la famille.
Il s’agit encore là de considérations qui nous ont été exposées par différents témoins.
Je vous lis enfin le paragraphe suivant :
Le comité recommande que l’alinéa 16(3)e) soit modifié de façon à être entièrement conforme à la formulation précise de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, qui donne du poids à l’opinion de l’enfant, plutôt qu’à son âge et degré de maturité.
Il faudrait ainsi apporter un léger changement pour reprendre le libellé exact de la convention des Nations Unies.
Le président : Merci.
La sénatrice Batters : Je ne sais pas s’il pourrait être utile d’expliquer dans le premier paragraphe de cette section pourquoi on indique qu’il n’était pas souhaitable d’un point de vue pratique que le comité apporte des modifications au projet de loi. Afin de situer les choses dans leur contexte, nous pourrions par exemple indiquer que nous avions un nombre limité de séances à consacrer à cette étude et que nous sommes rendus au mois de juin.
Comme j’ai moi-même pratiqué le droit de la famille un bon moment, je me pose de sérieuses questions lorsque je vois ces articles et ces références à la volonté, tout particulièrement dans ce sous-alinéa 16(3)j)(i) dont la sénatrice Dasko vient de nous parler. Je trouve vraiment malheureux que nous soyons pressés à ce point par le temps. Il est tout à fait évident qu’un amendement s’impose, car je n’arrive absolument pas à croire que le gouvernement ait pu faire référence ainsi à la volonté d’une personne ayant recours à la violence familiale de prendre soin de l’enfant et de répondre à ses besoins. Je trouve que c’est ahurissant.
Je voulais surtout parler de la dernière recommandation portant sur l’alinéa 16(3)e). Dans les causes semblables, il est, en fait, bien établi dans la jurisprudence que l’âge et la maturité de l’enfant sont des facteurs importants pour les tribunaux canadiens. Je serais hésitante à faire en sorte ou à donner l’impression que nous souhaitons faire en sorte que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ait préséance sur cette jurisprudence. Dans les causes semblables, il est arrivé tellement de fois au cours des 20 dernières années qu’un tribunal canadien s’appuie en grande partie sur ces facteurs pour rendre sa décision, et ce, tout à fait à juste titre. Sans en connaître plus long au sujet de la convention des Nations Unies, j’hésiterais à lui accorder la préséance sur une jurisprudence aussi bien établie.
Le président : Me permettez-vous de commenter, madame la sénatrice?
Vous avez sans doute lu dans mes pensées, car j’allais également suggérer que nous mentionnons le fait que le comité n’a eu que peu de temps à sa disposition pour étudier ce projet de loi étant donné que nous sommes en fin de session, comme vous l’avez indiqué. Il faudrait que nous expliquions que cela a incité le comité à ne pas proposer de modifications au projet de loi relativement à des préoccupations d’ordre juridique liées à l’interprétation de certaines de ces dispositions. Nous pourrions indiquer de quelles dispositions il s’agit dans l’introduction de nos observations.
Comme je l’ai déjà souligné — et vous en conviendrez certes — en pensant à ces gens ou à ces juristes qui vont lire ces dispositions, il serait bon de préciser que nous aurions sans l’ombre d’un doute modifié cette loi si le calendrier parlementaire nous avait permis de le faire. Si nous n’affirmons pas sans équivoque notre volonté de proposer des amendements dans ces circonstances, nous réduisons la portée juridique des observations que nous formulons.
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord avec les points de vue que vous avez exprimés, sénatrice Batters et sénateur Joyal. Ces deux paragraphes me posent problème. Je vais commencer par le plus facile, le dernier qui propose que « le comité recommande que l’alinéa 16(3)e) soit modifié de façon à être entièrement conforme à la formulation précise de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies ».
En réalité, la Loi sur le divorce et la convention disent exactement la même chose, car la Loi sur le divorce prend sa source dans la convention elle-même. Voici ce que prévoit l’article 12 de la convention :
Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Cela correspond exactement au concept que nous retrouvons à l’alinéa 16(3)e) du projet de loi :
Pour déterminer l’intérêt de l’enfant, le tribunal tient compte de tout facteur lié à la situation de ce dernier, notamment [...] e) son point de vue et ses préférences, eu égard à son âge et à son degré de maturité, sauf s’ils ne peuvent être établis;
On retrouve la même chose dans le Code civil du Québec. C’est plus précisément dans le Code de procédure civile du Québec. Je crois qu’il est bien établi dans la jurisprudence que ces dispositions prennent leur source dans la convention des Nations Unies. Nous l’avons mise en œuvre au Canada.
Le libellé ne suit pas nécessairement le même ordre, mais l’idée exprimée est exactement la même.
La recommandation suivante concerne l’alinéa 16(3)j) et le sous-alinéa 16(3)j)(i) en indiquant qu’ils doivent être « [...] révisé[s] pour que la priorité soit donnée à l’intérêt de l’enfant ». C’est déjà prévu ailleurs dans le projet de loi. Ainsi, le paragraphe 16(1) stipule que : « Le tribunal tient uniquement compte de l’intérêt de l’enfant à charge [...] » Sous la rubrique Considération première, le paragraphe 16(2) prévoit ce qui suit :
Lorsqu’il tient compte des facteurs prévus au paragraphe (3), le tribunal accorde une attention particulière au bien-être et à la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l’enfant.
Cette notion est donc effectivement prise en compte. Comme nous l’a indiqué un de nos témoins dont j’oublie le nom, mais qui représentait le ministère, les facteurs énumérés au paragraphe 3 de l’article 16 sont tous pris en considération dans les causes d’ordonnances parentales touchant le partage du temps et des responsabilités, et qu’ils s’appliquent à tous les couples qui divorcent, qu’il y ait eu violence ou non. C’est dans ce contexte qu’il convient d’affirmer en principe que l’on doit encourager et favoriser une relation avec les deux parents.
Il arrive que la violence s’ajoute à tous ces facteurs. Le sous-alinéa 16(3)j)(i) traite de la violence familiale et de ses effets sur, notamment, la notion de volonté et la pertinence de rendre une ordonnance. Il y a donc une ouverture permettant d’affirmer qu’en cas de violence familiale, ces principes généraux seraient écartés, ce que confirme même le paragraphe (4) qui dresse une liste des facteurs à considérer en pareil cas. Selon ce paragraphe : « lorsqu’il examine, au titre de l’alinéa (3)j), les effets de la violence familiale, le tribunal tient compte des facteurs suivants : [...] la nature, la gravité et la fréquence de la violence familiale [...] » Ce sont donc les facteurs pris en compte par les tribunaux. Je crois d’ailleurs avoir moi-même rédigé des jugements en m’y référant. En tout cas, d’autres juges l’ont assurément fait. Dans les cas de violence, l’intérêt de l’enfant passe souvent par l’interdiction de tout contact avec le parent violent.
Je constate que cela suscite certaines préoccupations, mais je crois que celles-ci découlent d’une méconnaissance du libellé de la Loi sur le divorce et de la façon dont les tribunaux l’appliquent au quotidien. Je comprends que l’on puisse s’inquiéter, mais je pense que les législateurs ont fait le nécessaire à cet égard en précisant les facteurs à considérer aux paragraphes 2 et 3 et les facteurs additionnels relatifs à la violence familiale au paragraphe 4.
Je comprends les préoccupations exprimées, mais je ne crois pas qu’elles soient formulées de façon adéquate.
Le sénateur Gold : Je dois avouer que je connais très peu la jurisprudence dans ce domaine du droit. Je n’ai jamais eu le courage de m’y attaquer.
Le président : Il n’est jamais trop tard pour bien faire, sénateur.
Le sénateur Gold : Je me connais trop bien; il est trop tard.
Je me demandais s’il n’était pas possible de trouver un terrain d’entente. Ces observations et recommandations sont exprimées dans des termes bien sentis. Plutôt que d’exhorter, d’insister ou même de recommander, nous avons souvent opté pour une approche consistant à inviter le gouvernement à envisager certaines options. Je ne suis pas certain que ce soit assez musclé au goût de la sénatrice Dasko, mais je me sentirais pour ma part plus à l’aise compte tenu de mon ignorance des détails. Comme les détails ont leur importance dans ces domaines, c’est simplement une possibilité que je vous soumets.
Soit dit en passant, je suis d’accord avec la dernière recommandation concernant la convention des Nations Unies. J’ai jugé satisfaisante l’explication donnée à ce sujet.
La sénatrice Dasko : Je pense que c’est simplement une question de formulation.
Le sénateur Gold : C’est possible.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma question touche le dernier paragraphe des observations de la sénatrice Dasko. Dans le paragraphe où l’on fait référence à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ne pourrait-on pas souligner l’article de la convention qui évoque le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant? On pourrait aussi dire que, dans l’article 12, cette convention, quand elle fait référence à l’âge et au degré de maturité, place les enfants dans un contexte qui leur donne un droit de parole pour exprimer leur opinion. C’est une chose que l’on devrait faire. Cela pourrait nous amener à faire une observation selon laquelle il n’y a pas d’incompatibilité, selon nous, avec l’alinéa 16(3)a) du projet de loi, qui parle de tenir compte des besoins de l’enfant, y compris son besoin de stabilité, compte tenu de son âge et du stade de son développement. Il va sans dire que les tribunaux doivent entendre l’enfant quand il est question des ordonnances parentales.
Pour ce qui est des deux premiers paragraphes, il me semble que, pour le paragraphe 16(3), on aurait intérêt à faire ressortir un point à partir de ce que le sénateur Dalphond vient de dire.
Selon les explications du ministre, on part d’un principe général, qui est l’intérêt de l’enfant. On donne des facteurs qu’il faut absolument prendre en considération et on précise qu’il y a des facteurs à considérer en général. On ajoute quatre facteurs particuliers dans les cas de violence familiale et on dit qu’on ne doit pas tenir compte de la conduite antérieure. Je pense que ce serait une occasion de resituer l’article 16 plus clairement de manière générale, pour ceux que j’appelle le lecteur ou la lectrice profane. Je crois qu’il y a peut-être eu un manque de travail pédagogique de la part du gouvernement dans ce projet de loi, parce que son interprétation laisse place à des doutes. Notre contribution vise peut-être à soulever des questions, mais aussi de dire ce que nous avons entendu comme explication sur les questions qui ont été soulevées.
[Traduction]
Le président : Sénatrice Dasko, avez-vous des commentaires concernant la suggestion du sénateur Dalphond qui voudrait que l’on supprime le dernier paragraphe?
La sénatrice Dasko : Je crois que je suis d’accord avec lui. D’après ce que vous nous avez indiqué, sénateur Dalphond, c’est simplement l’ordre des mots qui est changé, si bien que je serais d’accord avec ceux que vous suggérez.
Pour ce qui est des deux autres recommandations, il s’agit de considérations plus importantes qui ont été soulevées par de nombreux témoins. Il est bien certain que je ne suis pas moi-même juriste en droit familial, mais on m’a convaincue qu’il y avait tout lieu de se préoccuper de ces dispositions, d’autant plus qu’il ne nous est pas possible de proposer des amendements. Ce sont des éléments qui ne doivent pas passer sous silence. Il y a peut-être moyen, comme le sénateur Gold le suggérait, d’exprimer ces préoccupations de façon un peu plus claire.
On nous a fait valoir à maintes reprises à quel point il était préoccupant d’imposer un tel fardeau, aux femmes tout particulièrement, dans les situations de violence familiale en leur donnant l’impression de devoir exprimer leur volonté de maintenir la relation entre l’enfant et l’ex-conjoint. C’est revenu sans cesse sur le tapis, jusqu’à la toute fin du processus. Il y a ainsi des gens qui m’ont dit au cours des derniers jours qu’il serait bon que nous puissions apporter des correctifs relativement à cet alinéa 16(3)c).
Comme le soulignait la sénatrice Batters il y a quelques minutes à peine, il est assez particulier qu’il soit question de la volonté d’un individu coupable de violence familiale — et il peut s’agir aussi bien d’une femme — de voir aux intérêts de l’enfant.
J’espère simplement que nous serons en mesure de formuler des observations bien senties au sujet de ces deux aspects. Si le libellé proposé ici n’est pas parfait, je pense que nous pouvons trouver une façon d’exprimer ces préoccupations différemment pour pouvoir les inclure dans nos observations. Je crois que c’est primordial et j’ose espérer que tout le monde en conviendra.
Le sénateur McIntyre : Il y a ici quatre paragraphes. Je reprends à mon compte les remarques des autres sénateurs concernant les paragraphes 1 et 4. Je partage leur avis et je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit.
Je suis d’accord avec la sénatrice Dasko pour ce qui est des paragraphes 2 et 3. J’estime là qu’il s’agit de recommandations bien senties qui sont tout à fait justifiées. Cela s’explique du fait que l’alinéa 16(3)c) fait référence, comme vous l’avez indiqué, à la volonté d’assumer son rôle parental. Il s’agit là d’une référence cruciale qui peut avoir des effets dévastateurs pour des raisons qui sont bien connues. Il y a également l’alinéa 16(3)j) qui nous renvoie à la notion de « volonté ». Comme vous l’avez fait valoir avec beaucoup d’à-propos, c’est un levier utilisé pour avoir le contrôle sur un enfant, cela ne fait aucun doute.
La sénatrice Dasko : Ou sur un ex-conjoint.
Le sénateur McIntyre : Oui. Je suis donc d’accord avec ces deux recommandations, sauf que le paragraphe 2 gagnerait sans doute à être abrégé. Par contre, je ne toucherais pas du tout au paragraphe 3, qui est parfait dans sa forme actuelle.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Est-ce que je peux revenir à la proposition que j’avais faite, soit de travailler à partir des deuxième et troisième paragraphes des observations de la sénatrice Dasko et de dire quelque chose qui serait de l’ordre suivant : « Les membres du comité sont particulièrement préoccupés par les nombreux témoignages que le comité a entendus sur l’application des dispositions 16(3)c), 16(3)i) et 16(3)j) dans les cas de violence familiale et invite le ministre à suivre attentivement l’application de ces dispositions d’ici la révision de la loi »? Autrement dit, il serait bon qu’ils commencent à travailler maintenant et que l’on porte une attention particulière à ces questions et à la façon dont la loi sera mise en œuvre dans la vraie vie, d’ici à la révision de la loi. Il ne faut pas attendre le moment de la révision de la loi.
Le président : Cela exprime bien la préoccupation de la sénatrice Dasko.
[Traduction]
Les amendements devraient être apportés sur-le-champ ou tout au moins dans un avenir rapproché. C’est ce que vient de nous dire la sénatrice Dupuis.
[Français]
Au sujet du deuxième paragraphe.
Le sénateur Dalphond : Je suis assez d’accord avec la proposition de la sénatrice Dupuis, et je suis bien conscient du problème; j’ai entendu les témoins, et il y a une inquiétude réelle qui s’est manifestée relativement à une possible interprétation de l’ensemble des dispositions, qui favoriseraient le maintien des contacts malgré la présence de violence. Ce n’est pas l’interprétation que j’en fais, mais je comprends que certains en font cette interprétation et je respecte cela, même si je ne la partage pas. L’alinéa 16(1)j) ne commence pas au petit sous-alinéa (i), qui parle de la capacité et la volonté de celui qui a recours à la violence de répondre aux besoins de l’enfant. Il commence par les mots suivants : « la présence de violence familiale et ses effets sur, notamment [...] ». Autrement dit, ce que le législateur nous dit, c’est que, lorsqu’il y a présence de violence, le juge doit se demander s’il s’agit d’une indication de l’incapacité de s’occuper des besoins de l’enfant et, par conséquent, s’il doit décider de refuser le partage du temps parental. Il faut lire l’ensemble des dispositions; cependant, tout le monde n’est pas juriste et on verra l’interprétation que feront les tribunaux de ces dispositions. L’expression de l’inquiétude de certaines personnes découle d’une lecture de ces dispositions que je ne partage pas, mais que je comprends. En ce sens, une observation de la nature de celle que la sénatrice Dupuis suggérait ferait bien ressortir le fait que la présence de violence est une contre-indication à des arrangements relativement au partage du temps parental. C’est le principe qui s’en dégage, mais ce n’est peut-être pas évident à la lecture du projet de loi.
[Traduction]
Le président : Sénatrice Dasko, je jette un coup d’œil à l’horloge, car je crois que nous devons libérer la salle à 18 h 30.
La sénatrice Dasko : Sénateur Dalphond, vous dites que ce n’est peut-être pas assez clair. Reste quand même que c’est une grande source de préoccupation et que nous nous devons de dénoncer la situation.
Le sénateur Dalphond : Oui.
La sénatrice Dasko : Nous avons en effet entendu de nombreux témoignages allant dans le même sens. Vous avez été juge et vous pouvez considérer les choses dans une perspective très différente en vous fondant sur votre vaste expérience.
Le sénateur Dalphond : Je conviens qu’il y a lieu de s’inquiéter.
La sénatrice Dasko : Oui.
Le sénateur Dalphond : Je dis simplement que la solution n’est pas nécessairement celle qui est proposée.
La sénatrice Dasko : J’espère que nous pourrons exprimer en termes forts et clairs nos préoccupations véritables à ce sujet. Je suis très heureuse que nous ayons pu le faire à l’égard d’autres aspects. Je pense par exemple au maximum de temps parental et aux autres problématiques dont nous avons discuté, mais nous ne devrions pas négliger ces dispositions-ci. Le sénateur McIntyre s’est dit entièrement d’accord avec le libellé du troisième paragraphe. La sénatrice Dupuis suggère que l’on ajoute un commentaire au sujet des propositions du comité en indiquant qu’il faut le plus tôt possible revoir ces dispositions et leur mise en œuvre. C’est une excellente idée d’ici à ce que l’on procède à un examen en bonne et due forme de la loi.
Nous essayons de voir ce qu’il convient de faire avec le deuxième paragraphe et comment nous pourrions faire en sorte qu’il soit plus clair et mieux senti. L’observation est déjà relativement directe, mais nous pourrions clarifier un peu le tout pour nous assurer que nos préoccupations sont bien exprimées. J’espère vraiment que nous pourrons nous entendre à ce sujet.
Le président : Je veux prendre votre défense, sénatrice Dasko, sans toutefois m’inscrire en faux contre les arguments avancés par le sénateur Dalphond. Les juges ne sont pas les seuls à avoir un rôle à jouer dans le domaine du droit de la famille. Comme vous le savez, il y a des médiateurs et bien d’autres intervenants. Si nous nous inquiétons effectivement des doutes ou de l’incertitude pouvant découler de l’interprétation de ces dispositions, nous serions tout à fait justifiés de vouloir porter le tout à l’attention du ministère.
Sans vouloir contredire mon collègue, le sénateur Dalphond, j’essaie de vous aider à faire valoir ces arguments que des témoins ont soumis à notre comité.
J’ai pris note de la formulation suggérée par la sénatrice Dupuis. Nous allons voir ce qu’il est possible de faire pour tenir compte des deux aspects à considérer. Il faut d’abord surveiller de près la mise en œuvre de ces dispositions, puis voir à ce que les révisions nécessaires puissent être apportées dès que l’occasion se présentera.
La sénatrice Dasko : Il faut exprimer nos fortes inquiétudes relativement à ces dispositions.
Le président : Je pense que nous pourrons faire le nécessaire à cette fin.
La sénatrice Dasko : Les préoccupations découlent de l’essence même de ces dispositions et de leur signification. Il faut bien faire comprendre la nécessité de suivre la situation de près, car on ne sait pas comment les choses vont tourner. Il n’existe pas de formule indiquant la valeur relative en pourcentage à donner aux différents facteurs liés à l’intérêt de l’enfant.
Le président : Chaque cas est différent.
La sénatrice Dasko : Toutes les situations sont jugées au cas par cas — on ne sait pas trop comment. Quand j’analyse le tout en me demandant quelle importance relative est accordée à chacun de ces facteurs, je me dis que nous ne semblons pas le savoir. Est-ce que je me trompe?
Le président : Nous espérons que les choses se dérouleront pour le mieux. Nous devons veiller à ce que la formulation soit aussi claire que possible pour permettre une interprétation cohérente allant dans le sens des objectifs de la loi suivant lesquels l’intérêt de l’enfant doit primer. Comme vous l’avez souligné, c’est le principe fondamental qui sous-tend cette mesure législative. C’est une considération qui doit toujours demeurer présente à l’esprit du juge, du conciliateur ou de tout autre intervenant chargé de faire appliquer cette loi.
La sénatrice Dasko : Oui, on insiste beaucoup dans ce projet de loi sur l’importance de veiller à l’intérêt de l’enfant.
Le président : C’est ce que nous allons faire. Je peux constater qu’il y a consensus à ce sujet.
Sénateur Forest?
[Français]
Le sénateur Forest : Un fort consensus.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à donner son approbation à la version définitive des observations à annexer au rapport, en tenant compte des discussions d’aujourd’hui, et en apportant tout changement nécessaire lié à la forme, à la grammaire ou à la traduction?
Des voix : D’accord.
Le président : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi C-78, avec observations, au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, honorables sénateurs. Voilà qui termine notre travail. Un grand merci pour votre contribution. Je sais qu’un tel exercice de rédaction est souvent laborieux — pour ne pas dire pénible. Je vous suis reconnaissant pour votre esprit de coopération et le dévouement dont vous avez fait montre dans l’accomplissement de ce travail très important dans le contexte des responsabilités de notre comité.
(La séance est levée.)