Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la Modernisationdu Sénat
Fascicule n° 8 - Témoignages du 7 décembre 2016
OTTAWA, le mercredi 7 décembre 2016
Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, auquel a été renvoyé le projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat), se réunit aujourd'hui, à 12 h 1, pour en faire l'examen.
Le sénateur Tom McInnis (président) occupe le fauteuil.
Le président : Chers collègues, cette séance du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat se déroulera en public.
Le Sénat nous a renvoyé le projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat). Il s'agit d'un projet de loi d'intérêt public proposé par un de nos collègues, l'honorable Terry Mercer, qui comparaît aujourd'hui devant nous.
Même si l'objectif général du projet de loi va dans le même sens que l'une des recommandations que notre comité a formulées dans son premier rapport, le mécanisme pour y arriver est très différent. Je suis sûr que mes collègues sont tout aussi impatients que moi d'entendre les explications du sénateur Mercer sur cette approche et sa vision concernant la mise en œuvre.
Sénateur Mercer, vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs auront, j'en suis sûr, des questions à vous poser.
L'honorable Terry M. Mercer, parrain du projet de loi : Merci, sénateur McInnis et chers collègues, de me recevoir. Je remercie le comité de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).
Permettez-moi de commencer par féliciter le comité des délibérations qu'il a tenues jusqu'à présent. Vos recommandations susciteront un débat sur la façon dont nous pouvons améliorer davantage le Sénat et son mode de fonctionnement pour que nous puissions, à titre de sénateurs, mieux servir tous les Canadiens. Même si je ne souscris peut-être pas entièrement aux recommandations, en tout ou même en partie, j'ai hâte que nous débattions de ces propositions. Je me garderai, pour l'instant, de commenter la plupart d'entre elles, à l'exception d'une, bien entendu. Cette proposition particulière porte sur la présidence du Sénat, à savoir l'idée de désigner jusqu'à cinq sénateurs dont la candidature serait soumise au premier ministre, qui ferait ensuite sa recommandation au gouverneur général. J'y reviendrai tout à l'heure.
J'aimerais passer en revue l'objet de mon projet de loi, puis faire quelques observations sur la raison pour laquelle nous devrions nous pencher sur la question. Je m'excuse à l'avance si mes propos sont répétitifs pour certains. J'espère pouvoir respecter les 15 minutes qui me sont imparties.
J'ai le plus grand respect pour le rôle du Président. Depuis que je suis au Sénat, j'ai siégé sous la direction de cinq Présidents différents : le sénateur Dan Hays, le sénateur Noël Kinsella, le sénateur Pierre Claude Nolin, le sénateur Leo Housakos et, bien sûr, l'actuel Président, l'honorable George Furey. Ils ont tous servi le Sénat avec dignité, beau temps, mauvais temps. Le Président est notre guide, notre gardien du décorum et notre conseiller en période de difficultés, et c'est exactement ce que tous nos Présidents ont fait.
Ce n'est pas la première fois que le Sénat est saisi d'un tel projet de loi. En mars 2003, un ancien collègue, le sénateur Oliver, un compatriote néo-écossais, a présenté un projet de loi qui visait à faire exactement la même chose que ce que je propose en ce moment. Il s'agit en fait de la cinquième réincarnation du projet de loi.
Selon la pratique actuelle, le Président est nommé par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre. À titre de précision, la nomination par le gouverneur général est inscrite dans la Constitution — plus précisément, à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 —, mais le rôle du premier ministre est une convention constitutionnelle; autrement dit, ce n'est pas codifié en droit. Au début de chaque session, le Comité de sélection nomme le Président intérimaire, qui, de facto, est le vice-président.
Honorables sénateurs, le projet de loi vise à modifier la Loi constitutionnelle de 1867 afin de prévoir l'élection du Président et du vice-président du Sénat. En outre, il modifie la Constitution afin d'instituer au Sénat une procédure de vote semblable à celle de la Chambre des communes et prévoit que le sénateur qui préside la séance n'a droit de vote sur une question qu'en cas d'égalité des voix.
Il modifie également la Loi sur le Parlement du Canada pour prendre des dispositions en cas d'absence du Président ou du vice-président. Comment? Eh bien, c'est là que débute la controverse pour certains sénateurs. Nous devons modifier la Constitution. Je n'ai pas peur de le dire, et je n'ai pas peur d'essayer de le faire non plus. Selon moi, cette modification se trouve dans les limites des pouvoirs du Parlement du Canada à lui seul, car elle porte exclusivement sur le pouvoir exécutif fédéral, au Sénat et à la Chambre des communes. Je fais allusion à l'article 44, à la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.
Je devrais vraiment m'arrêter là parce que, selon moi, cela nous donne le pouvoir d'élire le Président aux termes du projet de loi. Mais, bien entendu, je vais continuer.
Selon l'interprétation que nous en faisons, nous avons le pouvoir de modifier l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui, pour l'instant, dit ceci :
Le gouverneur-général pourra, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau du Canada, nommer un sénateur comme orateur du Sénat, et le révoquer et en nommer un autre à sa place.
Le projet de loi S-213 vise à remplacer cet article par ce qui suit :
34.(1) Le Sénat, à sa première réunion de la première session d'une législature, procède, avec toute la diligence possible, à l'élection par scrutin secret de deux de ses membres aux postes de président et de vice-président.
(2) En cas de vacance du poste de président ou de vice-président, pour cause de décès ou de démission ou toute autre cause, le Sénat procède, avec toute la diligence possible, à l'élection d'un autre de ses membres au poste vacant.
Le poste de Président intérimaire serait donc remplacé par un poste de vice-président, et c'est nous, les sénateurs, qui élirions le Président et le Président intérimaire.
Le projet de loi prévoit aussi une modification de l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit ceci :
Les questions soulevées dans le Sénat seront décidées à la majorité des voix, et dans tous les cas, l'orateur aura voix délibérative; quand les voix seront également partagées, la décision sera considérée comme rendue dans la négative.
Le projet de loi que je présente modifierait cette disposition de sorte que le sénateur qui préside la séance n'ait droit de vote sur une question qu'en cas d'égalité des voix. Je crois que cette modification améliorera davantage le caractère indépendant du poste de Président.
Le projet de loi modifie également la Loi sur le Parlement du Canada de façon à ce que le fauteuil ne soit jamais vide. Le Président doit d'abord demander au vice-président de le remplacer. Si le vice-président est absent, le Président peut choisir un autre sénateur qui agira comme vice-président temporaire. Par ailleurs, si le vice-président occupe le fauteuil et doit s'absenter, il peut se faire remplacer par un sénateur de son choix, qui devient pour l'occasion vice- président temporaire. C'est très semblable à la situation que nous connaissons actuellement, mais ce serait codifié en droit.
Donc, honorables sénateurs, voilà ce que prévoit le projet de loi S-213. Parmi les questions à examiner, le comité devrait se pencher sur le processus de sélection du Président par rapport à ce qui est en vigueur dans d'autres pays. Pouvons-nous apporter le changement proposé dans mon projet de loi? Et, bien franchement, devrions-nous le faire?
Nous devons également examiner comment nous entendons mettre en place ce processus à un moment donné. Comme je l'ai dit dans le discours que j'ai prononcé au Sénat à propos du projet de loi, mes recherches révèlent que dans 267 assemblées législatives réparties dans les 191 pays où il existe une assemblée législative nationale, le titulaire de la présidence n'est nommé que dans les parlements bicaméraux du Canada, d'Antigua-et-Barbuda et de Bahreïn. C'est tout. Voilà ceux qui nous tiennent compagnie. Quant aux pays où le Président de la Chambre haute est élu, en voici une liste : Australie, France, Allemagne, Italie, Japon, Mexique, Fédération de Russie, et j'en passe.
En fait, la professeure Meg Russell, directrice de la Dévision de la Constitution au Département de science politique à l'University College de Londres, a rappelé au comité que le Président de la Chambre des lords est encore élu par vote secret. Donc, même à Westminster, le Président se fait élire.
Nous avons les pouvoirs constitutionnels de procéder ainsi grâce à l'article 44. Une telle modification de la Constitution n'exige pas la règle des 7/50 ou le consentement unanime des provinces. La Constitution permet au Parlement du Canada de modifier la façon dont il choisit le Président du Sénat, et je crois qu'il devrait exercer ce droit.
C'est également ce que pensait le regretté sénateur Beaudoin, un constitutionnaliste, professeur de droit, doyen et auteur respecté. D'ailleurs, pendant mes premières années au Sénat, il occupait le fauteuil en face de moi. Voici ce qu'il a déclaré publiquement : « À mon avis, le Parlement peut modifier l'article 31 de la Loi constitutionnelle de 1867 en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. »
Honorables sénateurs, d'après mon examen des délibérations du comité, j'aimerais souligner quelques observations intéressantes faites par certains sénateurs et témoins. Je signale que le comité s'est vu confier le mandat d'étudier les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel. À ce titre, vos recommandations ont permis de dresser une liste de sénateurs dont la candidature a été soumise au premier ministre, mais cela ne modifie pas la Constitution comme le fait ce projet de loi.
Le sénateur Greene et le sénateur Massicotte ont souligné que, d'après les résultats des questionnaires remplis par les sénateurs au sujet de la réforme du Sénat, la proposition d'élire le Président jouit d'un appui massif. Le sénateur Joyal a également indiqué qu'il pourrait y avoir un moyen de contourner la sélection, au lieu de modifier la Constitution; ainsi, le Sénat pourrait sélectionner plusieurs candidats, plutôt qu'un seul, et recommander ces choix pour examen. C'est d'ailleurs, semble-t-il, la recommandation que vous avez formulée. Bien que je n'approuve pas le mécanisme évoqué par le comité, force est de constater que les sénateurs souhaitent élire le Président d'une manière ou d'une autre.
Ce qui m'embête toutefois dans cette recommandation du comité, c'est que le premier ministre n'est redevable à personne dans un tel système. Il peut toujours proposer au gouverneur général le candidat qu'il veut en vue de la nomination au poste de Président du Sénat. Cette idée ne garantit pas le choix des sénateurs, mais le projet de loi, oui. En fait, nous avons déjà vu des premiers ministres renoncer en général aux résultats des élections sénatoriales — en Alberta, par exemple —, même si la province avait voulu que ces personnes soient nommées au Sénat. Il s'agit là, en effet, d'un tout autre débat, qui pourrait nécessiter un important changement constitutionnel. Je n'irai pas plus loin sur cette question, mais je me contenterai de dire que plusieurs premiers ministres ont fait fi des résultats de ces élections en Alberta. En tout cas, cela montre que ce genre d'idées et de recommandations ne donnent aucune garantie qu'elles seront mises en pratique.
Comme l'a signalé le sénateur Eggleton, le Sénat, de par sa composition, agit de plus en plus comme un organisme entièrement indépendant, comme en témoignent les dernières séries de nominations au Sénat. Voilà qui met en évidence une différence fondamentale entre le projet de loi du sénateur Oliver et ma version. Je suis fermement convaincu qu'une indépendance accrue devrait également nous permettre de contrôler la façon dont notre Président est choisi.
Paul Thomas, professeur émérite à l'Université du Manitoba, a également dit quelque chose d'intéressant :
Le principal argument que je fais valoir, c'est que le Sénat doit changer et, pour ce faire, il faut qu'il passe d'une chambre composée de membres affiliés à des partis politiques à une chambre d'examen. Il y a un pacte politique implicite au cœur de cette transformation. Autrement dit, la modernisation du Sénat est principalement un processus politique.
Je suis d'accord. Il faut une volonté politique pour changer les choses. Avons-nous une telle volonté, honorables sénateurs?
Il a ajouté ceci :
Conformément aux principes selon lesquels les sénateurs devraient contrôler les affaires de l'institution, le Président devrait être élu au vote secret.
Errol Mendes, professeur à la section de common law de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, a affirmé :
Je trouve intéressant que le gouvernement actuel pense qu'il n'a pas besoin de modifier la Loi sur le Parlement du Canada pour que le leader du gouvernement au Sénat porte maintenant le titre de représentant du gouvernement. Si le Sénat décide unanimement de proposer d'élire le Président étant donné que le gouvernement est déjà prêt à renoncer à tout processus officiel d'amendement concernant la loi, il vous dira peut-être : « Allez-y. » Vous devriez essayer pour voir ce qui se passera.
Le sénateur Peter Harder, représentant du gouvernement au Sénat, a lui aussi parlé de la sélection du Président :
Je pense que le président doit avoir pour mandat précis de refléter l'indépendance et l'égalité des sénateurs, et de présider ou de diriger, de diverses façons, notre auto-administration à cet égard. Cela signifie probablement que nous devons examiner la notion d'un président élu pour qu'il ou elle ait la légitimité d'agir de cette façon au nom de l'institution.
Il a ensuite décidé de ne pas pousser plus loin cet avis, faute de temps pour discuter d'une modification constitutionnelle, mais je crois qu'il y a un sentiment favorable à l'idée d'élire le Président, et cela représente certainement les opinions des sénateurs.
Honorables sénateurs, je vous le demande : « Pourquoi ne pas prendre le temps? » Nous sommes toujours occupés par une foule de projets de loi, de motions, d'interpellations, et j'en passe. Pourquoi ne pas prendre le temps d'étudier cette mesure législative? Pourquoi ne pas prendre le temps de réfléchir à ces propositions, de faire preuve d'audace et d'apporter un changement réel?
Si le comité convient que le projet de loi devrait faire l'objet d'un débat supplémentaire, alors le Sénat prendra sa décision.
Cela m'amène à un dernier sujet de préoccupation que j'aimerais aborder : le consentement royal. Pendant le débat sur le projet de loi du sénateur Oliver, le sénateur Murray a exprimé sa réserve :
[...] la reine ou le gouverneur général du Canada doit accorder son consentement avant qu'un projet de loi touchant une prérogative de la reine ou du gouverneur général ne soit présenté au Parlement.
Cette idée a également été réitérée par la sénatrice Cools. Je tenais à ce que ce soit confirmé par une décision du Président. Comme l'un des objectifs du projet de loi à l'étude est le même que celui du projet de loi présenté par le sénateur Oliver, la décision du sénateur Hays continue de s'appliquer :
Cela mettrait fin effectivement au pouvoir du gouverneur général de nommer le Président. Il est clair qu'une telle mesure touche la prérogative exercée par le gouverneur général. Par conséquent, j'estime qu'il convient d'obtenir le consentement royal pour ce projet de loi.
Il a ajouté que cela n'empêcherait pas la tenue d'un débat aussi longtemps que nécessaire, c'est-à-dire jusqu'à l'étape préalable à l'adoption à l'étape de la troisième lecture.
Encore une fois, laissons l'effectif complet de sénateurs se prononcer sur le bien-fondé de ce projet de loi. Nous pourrons ensuite demander le consentement royal, avant que le projet de loi soit adopté à l'étape de la troisième lecture et envoyé à l'autre endroit. Je demande donc que nous mettions en branle le processus. Si la volonté du Sénat est de faire élire le Président, alors c'est ce que nous devons faire. Nous avons le temps. Nous avons simplement besoin du courage d'essayer.
Mesdames et messieurs, je vous remercie. Je me réjouis d'avance de vos questions et de la discussion.
Le président : Merci, monsieur Mercer. Nous avons ici une belle liste.
Le sénateur Joyal : Soyez le bienvenu, monsieur Mercer. Je vous le dis carrément, j'appuie totalement la sixième recommandation du rapport du comité à la Chambre, d'un processus de sélection qui, à mon avis, ce que la Constitution nous autorise à faire à cette étape pour avoir voix au chapitre dans la sélection du Président. Je tiens donc à souligner mon appui sans réserve à l'objectif de la participation directe des sénateurs au choix du Président. Voilà ma position, et je mets cartes sur table avant de formuler des observations et vous questionner.
Ma première observation concerne votre dernière observation, celle qu'a soulevée l'ancien sénateur Lowell Murray, sur la nécessité du consentement royal préalablement à l'étape de la troisième lecture du projet de loi. Ce consentement, comme vous l'avez bien fait remarquer et comme la décision du Président l'a exprimé, est nécessaire parce que nous changeons les pouvoirs de la Couronne. Comme vous le savez, l'article 34 est tout à fait limpide. Il dit :
Le gouverneur-général pourra, de temps à autre...
— les mots qui suivent sont des plus importants —
... par instrument sous le grand sceau du Canada...
— « par instrument sous le grand sceau du Canada » signifie par décision de la Couronne —
... nommer un sénateur comme orateur du Sénat, et le révoquer et en nommer un autre à sa place.
Il est ici question du pouvoir de la Couronne. Au plus tard avant la mise aux voix de l'adoption finale de votre projet de loi, à l'étape de la troisième lecture, nous aurions besoin du consentement royal. C'est la règle de procédure très bien établie.
Ce premier obstacle, si vous me passez l'expression, me pose un problème quand le ministre LeBlanc se présente à notre séance du 24 février 2016 et que, questionné par le sénateur Massicotte sur l'éventuelle position du gouvernement concernant la modification du processus de nomination prévu à l'article 34, il a cette réponse que je tiens à lire, pour qu'elle figure dans le compte rendu, parce que le consentement royal ne peut être accordé que par un conseiller privé qui exerce les fonctions de ministre de la Couronne. Je suis conseiller privé, mais je ne peux pas donner ce consentement. Je dois être un conseiller privé exerçant ses fonctions. Seul un membre du cabinet peut octroyer le consentement de la Couronne.
Voici la réponse du ministre LeBlanc et la position du gouvernement relativement au projet de loi, lequel ne peut pas passer à la troisième lecture si le gouvernement ne l'approuve pas :
Je sais qu'il y a un projet public du Sénat sur la nomination du Président du Sénat. Nous avons reçu un avis constitutionnel et formel de la part du ministère de la Justice selon lequel le fait de changer le processus de nomination du Président du Sénat empiète sur la question constitutionnelle. Alors, pour le moment, je n'ai pas l'autorisation ou la capacité d'affirmer que nous pouvons envisager ce changement, dans le cadre d'une modification possible à la Loi sur le Parlement du Canada.
Pour le moment, selon l'avis formel que nous avons reçu, c'est le gouverneur général qui désigne le Président du Sénat. Est-ce l'idéal? Est-ce une façon de faire moderne? Probablement pas, mais on nous dit que la Constitution nous y oblige pour le moment. Il s'agit d'en discuter pour déterminer s'il y a une façon de débattre de la question à nouveau.
Autrement dit, le gouvernement dit que nous sommes corsetés par la Constitution. Il y a peut-être une autre solution; de là la recommandation que nous avons faite, la recommandation no 6.
Voilà le premier obstacle. Nous pouvons en discuter. Vous avez absolument raison. Nous pouvons l'étudier. Nous pouvons discuter du projet de loi à l'étape de la troisième lecture, mais le Président ne peut pas le mettre aux voix à la troisième lecture tant qu'il ne s'est pas fait octroyer le consentement royal par un ministre. C'est la procédure établie. C'est le premier obstacle. Dites-moi ce que vous en pensez avant que je ne passe à la prochaine question.
Le sénateur Mercer : Ce que vous dites, je l'ai exactement reconnu dans mes remarques. Nous pouvons nous rendre jusqu'au moment où nous sommes prêts pour la mise aux voix à l'étape de la troisième lecture, mais nous devons nous adresser à un membre du cabinet pour qu'il octroie ce consentement royal.
Je ne conseille pas le gouvernement actuel. Comme vous le savez, je ne suis plus membre du caucus. Ça m'est donc impossible. Mais je dirais que, dans le climat actuel, le gouvernement aurait beaucoup de mal à refuser de l'octroyer, parce que c'est lui qui a insisté sur le besoin d'indépendance et le besoin d'une réforme. Le grand nombre de nominations récentes le montre.
Je précise aussi que tout en goûtant la créativité de votre recommandation, c'est-à-dire proposer cinq noms au premier ministre, je dois dire, comme dans ma déclaration préliminaire, que cette recommandation ne vaut absolument rien.
Regardons vers l'avenir. Changeons de décor un court moment. Supposons que, dans 10 ans, le Sénat propose au poste de Président du Sénat un sénateur très controversé. Le premier ministre de l'époque pourrait dire : « Ce n'est pas mon poulain : je veux Mercer. » Je ne serai plus là.
Une voix : Avec dissidence.
Le sénateur Mercer : C'est là que survient la controverse. Le premier ministre pourrait ne rien savoir de nos discussions collectives. Nous pourrions, unanimement, les cent cinq, souhaiter le sénateur Joyal pour ce poste, mais si le premier ministre n'y veut pas Joyal, Joyal ne sera pas Président du Sénat.
Nous avons la possibilité d'informer le premier ministre de nos préférences. C'est important pour nous. Si nous continuons de discuter de réforme du Sénat, nous devons le réformer. Nous devons prendre les choses en main. Nous ne pouvons pas attendre qu'on nous dise : « À propos, chers sénateurs, maintenant que nous avons terminé notre tâche ici, vous pouvez choisir votre Président. » Nous devons lui forcer la main.
Nous avons l'occasion de tester le sérieux des intentions de réforme du Sénat. Affirmons que c'est un enjeu pour nous tous, les 105, que nous voulons choisir notre propre Président. Qui gagnera cette élection? Je n'en ai aucune idée. Je peux seulement vous assurer que je ne serai pas candidat.
Monsieur Joyal, tout en respectant la recommandation faite par votre comité, rien ne garantit que le choix des cent cinq sera retenu.
Le sénateur Joyal : Nous essayons d'aborder la question dans le cadre constitutionnel, qui nous est imposé par la loi du pays. Moi aussi, je préférerais une élection selon votre méthode, mais, comme vous le savez, les articles 34 et 41 de la Constitution imposent des contraintes.
Le gouvernement pourrait alléguer que le Parlement du Canada, c'est-à-dire la Chambre des communes et le Sénat, n'a pas la capacité de modifier le pouvoir du gouverneur général que lui confère l'article 34, parce que ça exige plus de pouvoirs que ceux qu'accorde l'article 44.
L'article 44, très court, dit :
Sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.
À la lecture, on a l'impression que c'est très général. Je le relis :
[. . .] Le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.
Votre raisonnement est simple : le Président du Sénat est un haut fonctionnaire de la Couronne dont l'autorité ne s'exerce qu'au Sénat. C'est donc la prérogative du Sénat de modifier les modalités de sa nomination. C'est ce que vous prétendez. Le problème est que le pouvoir de le nommer appartient au gouverneur général.
L'article 41 exprime très clairement la nature du pouvoir du gouverneur général. Il dit que toute modification de la Constitution du Canada portant sur la charge de reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur d'une province se fait uniquement avec le consentement de l'Assemblée législative de chaque province, du Sénat et de la Chambre des communes.
Autrement dit, c'est une règle de l'unanimité. Si on veut modifier la charge de gouverneur général et, de là la question et votre interprétation, quelle est cette charge? C'est la question à un million de dollars.
Tous les principaux constitutionnalistes ont prétendu que par « charge de gouverneur général », nous devons conclure que c'est essentiellement de servir de trait d'union. Dans sa dernière décision, la Cour supérieure du Québec, en février 2016, c'est-à-dire il y a moins d'un an, a conclu que sa « charge » correspond à des modifications portant sur les pouvoirs, le statut et le rôle constitutionnel de la Couronne. Bref : pouvoirs, statut et rôle constitutionnel.
Nul doute que le gouverneur général a un rôle dans la nomination du Président du Sénat. Ça fait partie de sa charge. Autrement dit, ça fait partie de son pouvoir, parce qu'il agit au nom de la Couronne. Quand il nomme un Président sur la recommandation du premier ministre, il le nomme par instrument sous le grand sceau.
J'ai bientôt terminé.
La charge de gouverneur général englobe le pouvoir de nommer le Président. Si nous voulons modifier le pouvoir de sa charge, il faut modifier la Constitution en application de l'article 41.
J'en conclus que le gouvernement n'octroiera jamais le consentement royal à ce que nous allions à l'étape de la troisième lecture — c'est-à-dire que nous mettions finalement aux voix votre projet de loi —, parce que, essentiellement, ce serait empiéter sur la charge de gouverneur général, ce qui relève de l'article 41. C'est-à-dire qu'il faut le consentement non seulement du Parlement fédéral, du Sénat et de la Chambre des communes mais aussi des 10 provinces.
Nous nous trouvons dans cet étau constitutionnel. Sur le plan politique, c'est un autre débat. Voilà pourquoi notre comité a recommandé que nous nous consultions, de notre propre chef, et que nous proposions au premier ministre au moins trois noms parmi lesquels il pourrait choisir le candidat qui lui semble le plus compétent pour la fonction dans le cadre constitutionnel actuel.
Voilà pourquoi nous disposons d'une mince marge de manœuvre pour modifier le système de nomination et avoir voix au chapitre dans le choix du Président du Sénat.
Le sénateur Mercer : Je ne suis pas en désaccord avec vous, parce que vous énoncez les faits, mais il reste que nous pouvons aller jusqu'au point où nous sommes prêts à passer à la troisième lecture et aller chercher le consentement. Nous pouvons aussi, en toute passivité, suivre les ordres, comme nous l'avons fait pendant tant d'années, en attendant seulement le messager de l'autre Chambre qui viendra nous autoriser à élire notre propre Président. Ce consentement, nous devrions plutôt aller le chercher.
Vous êtes l'un des membres les plus respectés de notre Chambre. Vous êtes aussi l'un des membres les plus respectés du Barreau et vous avez comparu de nombreuses fois devant la Cour suprême. Cependant, vous savez qu'on n'y comparaît que si on le demande. Frappons, et on nous ouvrira. Ce n'est pas parce que nous attendons sans rien faire qu'on daignera nous accorder une audience.
L'autre affaire, à ne pas négliger, c'est, bien sûr, de continuer à discuter de notre Sénat comme un rejeton du système de Westminster. Voyons ce système de Westminster et voyons les Lords, à qui on nous compare si souvent. Ils élisent eux-mêmes leur Président.
Le sénateur Joyal : Il n'y a pas là-bas de constitution écrite.
Le sénateur Mercer : Effectivement. Je le comprends et le respecte. Cependant, ça nous offre à nous la chance d'évoluer sans être révolutionnaire à ce point. Immédiatement avant d'être prêts à mettre ce projet de loi aux voix, à la troisième lecture, allons demander, mais pas en quémandeurs, pas la corde au cou, pas avec un ton soumis, son consentement au premier ministre pour qu'il daigne nous l'accorder. Je pense plutôt à nous présenter devant lui et à lui demander, après l'avoir informé de nos intentions, qu'il signe le document qui nous permettra d'agir. Fin de la rencontre.
Le président : J'inscris votre nom, monsieur Joyal, pour une deuxième série d'interventions. Ç'a été une entrée en matière grandiose.
Le sénateur Joyal : Merci.
La sénatrice McCoy : Monsieur le sénateur Mercer, j'aime vraiment votre style et je n'ai pas de question pour vous.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup. Je me donne un point.
Le sénateur McIntyre : Sénateur Mercer, je vous remercie de votre exposé. À la Chambre, le Président possède des pouvoirs et des devoirs, et je remarque que votre projet de loi ne renferme aucune disposition qui accorde à notre Président de pouvoirs et de devoirs touchant l'administration du Sénat semblables à ceux du Président de la Chambre. Votre projet de loi ne donne à notre Président qu'une voix prépondérante, ce qui, visiblement, limitera sa participation aux travaux de notre Chambre.
Avez-vous songé à la possibilité de lui accorder des pouvoirs et des devoirs supplémentaires?
Le sénateur Mercer : Non, pour la très bonne raison que je crois que c'est le sujet d'une discussion séparée que nous devrons mener entre nous-mêmes et, probablement, par le truchement d'un ou de plusieurs de nos excellents comités. Je n'ai pas voulu m'arroger le droit de concevoir les règles et les procédures du Président. Je pense que nous devons en discuter aussi, mais que c'est une question distincte de celle de sa sélection.
Le sénateur Eggleton : J'appuie l'idée de l'élection de notre propre Président. Comme vous l'avez fait remarquer, la Chambre des lords le fait. L'autre Chambre, au bout du corridor, aussi. J'y ai passé un bon nombre d'années, et, d'après moi, le processus se déroulait bien et respectait la démocratie. Pourquoi nous en priver? Entretemps, j'appuie provisoirement la recommandation de notre comité, parce que s'il y a amendement constitutionnel, on ne sait jamais combien de temps ça prendra.
Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas y aller d'une disposition inspirée de l'article 44 qui accorde au gouvernement fédéral la compétence exclusive. Je vois bien que le processus de nomination par le gouverneur général est touché, ici, ce qui pourrait nous mener, comme le sénateur Joyal l'a dit, à un amendement sur le modèle de l'article 41, qui commande l'unanimité. Il y a aussi le mode de révision 7/50, mais aucun ne convient ni est souhaitable dans ce contexte particulier.
Je ne crois pas que le gouverneur général, son bureau ou le gouvernement sera très contrarié par cet amendement. Le fait que ce ne soit pas le gouverneur général qui nomme un sénateur au poste de Président du Sénat, sur la recommandation du premier ministre, n'est pas un gros problème, selon moi, alors nous ne devrions pas nous enliser dans ce genre de détails.
À mon avis, il serait bon de s'engager dans cette voie. D'après les décisions rendues par les Présidents antérieurs, il faudrait, semble-t-il, obtenir le consentement royal avant la troisième lecture, et je réalise que possiblement aucun gouvernement n'était disposé à le faire par le passé, mais aujourd'hui, le gouvernement modifie toute la nature du Sénat et reconnaît que nous avons besoin de nouveaux modes de fonctionnement. C'est d'ailleurs la raison d'être du comité : apporter des changements et s'adapter aux nouvelles réalités. Cela dit, je ne vois pas pourquoi il ne nous reviendrait pas de choisir notre propre Président.
Je pense que nous devrions aller de l'avant avec cette mesure. Nous devrions également maintenir la mesure provisoire, mais à long terme, celle-ci est plus logique et nous devrions l'adopter. Qu'en pensez-vous? Voilà ma question.
Le sénateur Mercer : Je me doutais que cela se terminerait par une question. La mesure provisoire est certes une bonne mesure, selon moi, mais je pense que bon nombre d'entre nous conviendront que ma mesure est une meilleure solution. Pourquoi opter pour une mesure temporaire alors que nous avons une solution? Adoptons-la. Si elle ne fonctionne pas — si on la rejette —, à ce moment-là, nous aurons toujours la solution provisoire recommandée par le comité dans le cadre de son excellent travail. Cette option sera toujours là. Je suis d'avis que cela demeure problématique, mais j'espère que nous ne nous rendrons pas là et que ma recommandation sera acceptée.
La sénatrice Lankin : J'ai deux questions à vous poser. Tout d'abord, je vous remercie de votre travail sur le sujet. Dans un premier temps, qu'entendez-vous exactement lorsque vous dites que nous devrions aller de l'avant avec cette mesure? S'agit-il ici d'un projet de loi qu'on demande au comité d'examiner afin de convoquer des témoins et d'en discuter? Qu'est-ce que cela signifie à ce stade-ci?
Le sénateur Mercer : Je laisse le soin au président et au comité de décider de ce qu'il veut faire. Si vous souhaitez l'examiner et en débattre avec d'autres gens, à ce moment-là, vous devriez vous empresser de le faire. Toutefois, ce que j'entrevois, c'est que le comité adopte ma recommandation d'aller de l'avant avec le projet de loi et qu'il le renvoie au Sénat pour que nous puissions en débattre, en sachant que lorsque nous arriverons à la fin de la troisième lecture, au moment de passer au vote, nous demanderons probablement au Président actuel ou au représentant du gouvernement d'obtenir le consentement royal et de s'adresser à un membre du Conseil privé, idéalement le premier ministre, à cette fin.
Je dirais qu'au fil du débat, nous recueillerons des commentaires, officiellement ou officieusement, sur l'orientation à prendre. Si ma proposition est rejetée, nous avons déjà une position de repli, recommandée par le comité.
Je propose que nous réglions ce problème d'emblée afin de couper court à tout conflit potentiel entre les sénateurs et le gouverneur en conseil si nous lui donnons l'option de sélectionner un sénateur à partir d'une liste de cinq candidats. Qu'arrive-t-il si, dans le cadre du processus de sélection, il n'y a pas cinq candidats? Il se peut très bien qu'il n'y ait pas cinq personnes parmi nous qui souhaitent assumer le rôle de Président. C'est un travail difficile qui demande beaucoup d'énergie. « Ce n'est pas un travail pour les faibles », comme je le dis souvent. Il se peut qu'on se retrouve avec une liste de trois candidats et non pas de cinq. Qu'advient-il s'il n'y a qu'une seule personne intéressée? Qu'est-ce que va faire le gouverneur en conseil à ce moment-là?
Nous avons la possibilité de clore le dossier une fois pour toutes. J'espère que le comité renverra le projet de loi au Sénat, en lui recommandant d'aller de l'avant puis en soulignant qu'il faut obtenir le consentement royal avant le vote à l'étape de la troisième lecture.
La sénatrice Lankin : J'ai une autre question, mais je voudrais tout d'abord faire une observation. Je n'étais pas ici lorsqu'on a débattu de la recommandation du comité concernant le processus de sélection d'un Président, alors il se peut qu'on ait pleinement examiné les options qui s'offrent à nous, y compris celle-ci, et les raisons pour lesquelles on les a rejetées. Si c'est le cas, je vais tenir pour acquis que cette discussion a eu lieu et je vais me renseigner.
Toutefois, si ce n'est pas le cas, j'aimerais avoir l'occasion d'entendre des gens se prononcer sur les différences entre les deux modèles et nous parler des problèmes constitutionnels et des moyens d'y remédier, et cetera, de sorte que lorsque ces mesures seront présentées à la Chambre, tous les sénateurs comprendront parfaitement ce dont nous sommes saisis. C'est simplement une question de procédure, monsieur le sénateur. C'est ce que j'aimerais.
J'ai une autre question, qui découle probablement de mon manque de connaissances au sujet du poste de Président et de son rôle en dehors de l'administration de la Chambre du Sénat et des travaux du Sénat — c'est-à-dire son rôle diplomatique et protocolaire. Je ne sais pas tout ce que cela implique.
Je sais qu'il y a un ordre de préséance qui vient de la Couronne, y compris du gouverneur général, du Président du Sénat et du Président de la Chambre des communes. Je pense qu'il y a un important aspect extrasénatorial qui accompagne le rôle du Président, qui est nommé par le bureau du gouverneur général à titre d'agent de la Couronne.
D'un côté, je comprends que l'on veuille moderniser le Sénat et prendre le contrôle de nos procédures, de l'administration et de nos travaux. D'un autre côté, il y a cet autre aspect dont beaucoup de gens ont parlé, c'est-à-dire le respect du système de Westminster et des Parlements. Je ne sais pas dans quelle mesure ces deux éléments sont pris en compte. Ce n'est pas un commentaire; c'est une question.
Le sénateur Mercer : Madame la sénatrice, je vous dirais que les autres responsabilités associées au poste de Président du Sénat, particulièrement l'ordre de préséance, et cetera, sont très importantes. Je dirais même qu'au moment où nous sélectionnerons notre Président et que nous débattrons de ce que nous comptons faire, lorsque les personnes auront manifesté leur intérêt à l'égard du rôle de Président du Sénat, les gens qui devront se prononcer fonderont leur décision sur la capacité du candidat à s'acquitter non seulement du rôle de Président en Chambre, mais aussi du rôle qui est dicté par la présence de la personne dans l'ordre de préséance. Vous avez parfaitement raison : il y a un rôle diplomatique. C'est un poste très important.
Le sénateur Wells et moi-même nous sommes rendus récemment en République tchèque et en Slovénie en compagnie du Président actuel. On a tout de suite constaté l'importance de son rôle diplomatique. C'est quelque chose dont il faudra tenir compte au moment de choisir entre deux candidats. D'une part, est-ce que ces candidats seront en mesure de diriger les travaux du Sénat efficacement, et d'autre part, seront-ils capables de s'acquitter du rôle du Président du Sénat au sein du gouvernement du Canada qui est de représenter les Canadiens? C'est une question très légitime, et c'est ce qu'il conviendra de se demander lorsque le projet de loi sera adopté et qu'on devra se prononcer.
Le sénateur Tannas : J'aimerais revenir à ce qui a été dit au sujet de la troisième lecture et de la prérogative royale. Comme le sénateur Joyal l'a fait remarquer, le gouvernement nous a en quelque sorte déjà informés qu'il avait reçu l'avis que nous ne voulons pas entendre, selon lequel les provinces devront donner leur approbation. Je pense que c'est ce que le sénateur Joyal essayait de nous faire comprendre.
Supposons que ce n'est pas le cas, mais que le moment venu, il s'agit de l'opinion des avocats du gouvernement, que nous n'accepterons probablement pas, parce que nous ne l'acceptons pas aujourd'hui. Cela dit, pourquoi ne pourrions- nous pas en faire fi et envisager un renvoi à la Cour suprême pour régler la question à l'avance? Est-ce que vous seriez en faveur, si un tel mécanisme existait?
Le sénateur Mercer : Je suis ravi que vous posiez la question. C'est peut-être ce qui va arriver au bout du compte, alors il faut aller de l'avant. Le statu quo ne réglera pas les choses...
Le sénateur Tannas : Exactement.
Le sénateur Mercer : ... cela vaudrait peut-être la peine de renvoyer la question à un juge en chef ou à la Cour suprême. Je préférerais que ce soit fait autrement, mais il se peut fort bien qu'on en arrive là de toute façon. Il y a toujours des contestations, puis on se retrouve devant la Cour suprême.
Il nous est même arrivé de contester nous-mêmes des mesures. Le sénateur Joyal en est un bon exemple; il s'est souvent présenté devant la Cour suprême concernant des enjeux dont a été saisi le Sénat. Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais nous ne pourrons pas y parvenir si nous n'adoptons pas le projet de loi. Si nous ne remettons pas en question la structure existante, les choses vont rester les mêmes.
Le sénateur Tannas : Je suis peut-être complètement à côté de la plaque, mais il me semble qu'on peut demander un renvoi sans nécessairement que quelqu'un nous poursuive.
Le sénateur Mercer : En effet, et c'est que nous pourrions faire. Si nous passons à l'étape de la troisième lecture et qu'avant le vote, nous demandons au Président ou au représentant du gouvernement d'obtenir le consentement royal, et qu'à ce moment-là, personne ne sait si on peut aller de l'avant, cela va forcément se retrouver devant la Cour suprême.
Le sénateur Tannas : Tout à fait.
Le sénateur Mercer : Et on renvoie la question à la Cour suprême afin qu'elle prenne une décision et c'est tout. Soit dit en passant, je ne suis pas avocat.
Le sénateur Tannas : Moi non plus.
Le sénateur Mercer : Et, selon moi, la dernière chose dont on a besoin, c'est d'avoir plus d'avocats.
Le sénateur Tannas : Pourquoi ne pas adopter la mesure provisoire et, en même temps, demander un renvoi à la Cour suprême?
Le sénateur Mercer : Je ne suis pas entièrement contre cette idée, mais si vous voulez réellement faire avancer les choses, mon projet de loi y parvient très bien. Il oblige quelqu'un à répondre à la question qui lui a été posée. Tant qu'à rester les bras croisés à attendre, nous pourrions suivre les recommandations du comité, car je sais qu'il a fait de l'excellent travail, et je vous suis reconnaissant pour bon nombre des recommandations que vous avez formulées, mais dans ce cas-ci, je crois que ma recommandation viendrait combler quelques lacunes, et si elle est rejetée, au moins, nous avons d'autres avenues.
Le sénateur Tannas : Très bien. Le sénateur McIntyre a parlé des fonctions supplémentaires. Envisagez-vous un renforcement du rôle du vice-président, qui découle du fait qu'on élit cette personne? Y a-t-il quelque chose que l'on peut faire à cet égard, selon vous, ou est-ce uniquement pour remplacer le Président lorsqu'il le faut?
Le sénateur Mercer : À l'heure actuelle, je pense que nous avons l'occasion d'élargir le rôle du vice-président. Au fil de notre évolution — car nous évoluons toujours, pour le meilleur ou pour le pire, mais de façon générale, je crois que c'est pour le mieux —, le vice-président pourrait vraisemblablement jouer un plus grand rôle. J'estime qu'il pourrait en faire davantage.
Les sénateurs McIntyre et Lankin ont soulevé la question des autres fonctions qui incombent au Président du Sénat, de nature diplomatique, et c'est peut-être ce qui justifie ce rôle accru du vice-président. Je n'y vois pas d'inconvénient, mais je pense que cela doit être décidé en consultation avec le Président et les 104 sénateurs.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vous remercie pour votre projet de loi qui donne vraiment matière à réflexion. Il se trouve que je suis assez ignorante à ce sujet, pour être honnête, c'est pourquoi je vais vous poser une question. Du point de vue du sénateur Joyal, peu importe qui fait la recommandation au gouverneur général, pourvu que ce soit le gouverneur général qui nomme le Président, je ne vois pas en quoi c'est un problème constitutionnel.
L'autre chose que j'aimerais savoir, c'est pourquoi nous devons demander la permission à un membre du Conseil privé pour aller de l'avant. Si on suit votre réflexion, on va de l'avant et on élit un Président, puis on en fait mention au gouverneur général directement ou on demande au premier ministre de le faire.
La sénatrice Cools : Cela ne fonctionne pas comme ça.
La sénatrice Stewart Olsen : Je ne comprends pas pourquoi il faut obtenir toutes ces permissions. Par conséquent, si vous pouviez répondre à cette question, ce serait très apprécié.
Le sénateur Mercer : Je suis de votre côté. Je ne vois pas pourquoi il faut demander la permission à tout le monde. Il y a des usages à respecter, mais je dirais que si on adoptait mon projet de loi et qu'on en arrivait à ce processus, le seul petit problème, c'est qu'à la toute fin, le Sénat devrait recommander qu'un tel sénateur soit nommé Président. Nous transmettrions ensuite ce message à Son Excellence en disant : « Voici qui nous voulons comme Président. » Ainsi, nous ne ferions pas intervenir la Chambre des communes ni nos collègues de l'autre côté. Nous nous adresserions directement au gouverneur général en lui disant : « Votre Excellence, voici qui nous avons élu comme Président », puis le gouverneur général répondrait : « Je nomme la sénatrice Stewart Olsen Présidente du Sénat. » Et ce serait à ce moment-là une simple formalité. Le gouverneur général accepterait la recommandation des sénateurs.
Le sénateur Greene : Quand je suis entré dans cette pièce, je voyais votre projet de loi comme une contestation de notre recommandation, et je croyais qu'il fallait choisir entre votre projet de loi et notre recommandation, mais je me rends que nous n'avons pas nécessairement à choisir entre les deux. Il pourrait y avoir une solution provisoire comme le sénateur Eggleton l'a dit, ou pas. Notre recommandation est peut-être le mieux que l'on puisse faire si votre projet de loi ne survit pas.
Chose certaine, j'appuie notre recommandation, car je pense que c'est ce qu'on peut faire de mieux dans les limites de la Constitution, selon notre interprétation, mais je l'appuie aussi au motif que toutes les recommandations que nous avons formulées sont le résultat de compromis difficilement atteints, et c'est quelque chose que j'appuie énormément. J'ai moi-même fait beaucoup de compromis.
Si je peux résumer cela à une seule question — et à bien des égards, ce n'est pas vraiment une question — ce que vous dites, en gros, c'est que cela ne peut pas nous faire de tort de poser la question, n'est-ce pas? Cela ne peut pas nous nuire de donner cours à votre projet de loi. En l'absence de votre projet de loi, supposons qu'on doive voter en Chambre sur la recommandation du comité, allez-vous appuyer notre recommandation et votre projet de loi à la fois?
Le sénateur Mercer : Je n'ai pas pris connaissance des débats sur les changements recommandés. Évidemment, j'ai lu les changements recommandés. Vous me demandez de prendre une décision que j'aurais préféré prendre plus tard ou ne pas prendre du tout.
Je crois qu'une mesure intérimaire vaut mieux que rien du tout.
Le sénateur Greene : Oui.
Le sénateur Mercer : Toutefois, à mon avis, mon projet de loi mène à une décision définitive plutôt qu'à une décision intérimaire. Une décision intérimaire serait mieux que ce que nous avons en ce moment, mais en tant que parlementaire ou Canadien qui tente de changer la façon dont fonctionne le Sénat, cela ne me satisfait guère. Je ne crois pas que cela changerait le Sénat.
Je peux entrevoir un conflit entre un homme ou une femme marchant près du siège du premier ministre et de cette Chambre-ci... cela s'est déjà produit. Lors de mon arrivée au Sénat, la très grande majorité des sénateurs appartenaient à un parti en particulier, mais avant mon arrivée, c'était le contraire, même si le gouvernement était différent. Même si les partis sont temporairement relégués au siège du passager, je crois qu'il pourrait y avoir un conflit entre le premier ministre et le Sénat. Ce projet de loi élimine tout conflit avec le premier ministre. Le premier ministre peut ne pas aimer le Président du Sénat, mais c'est notre Président, et non le sien.
À mon avis, en fin de compte, pour l'élection du Président du Sénat, il faudrait faire une recommandation au gouverneur général qui suivrait notre recommandation, comme il suit celle du premier ministre à cet égard. On ne ferait que retirer le premier ministre de l'équation.
Le sénateur Greene : Donc, si j'ai bien compris, vous appuierez à la fois la recommandation du Sénat et votre projet de loi?
Le sénateur Mercer : J'aimerais mieux que l'on ne retienne que mon projet de loi, mais s'il faut soutenir les deux options, je préfère de loin un verre à moitié plein qu'un verre à moitié vide.
Le sénateur Greene : Je suis d'accord avec vous. Merci.
La sénatrice Frum : Sénateur Mercer, de façon générale, je comprends ce que vous tentez de faire, mais je suis d'accord avec le sénateur Joyal que la meilleure façon de procéder, c'est de respecter les recommandations qui figurent dans le sixième rapport plutôt que d'adopter un projet de loi qui exige des modifications constitutionnelles.
J'aimerais mieux comprendre pourquoi, selon vous, cette réforme est si importante. J'ai entendu votre réponse aux questions du sénateur Greene, mais si l'objectif est d'accroître l'indépendance du Président du Sénat par rapport au gouvernement au pouvoir... Vous dites également que le rôle diplomatique et l'ordre de préséance du Président du Sénat devraient demeurer inchangés. Je ne comprends pas comment le Président du Sénat pourrait jouer un rôle diplomatique qui ne correspondrait pas à la position du gouvernement, du premier ministre et du ministre des Affaires étrangères. Ce rôle et cette position doivent être en harmonie.
Le sénateur Mercer : Sénatrice, au cours des 10 dernières années, jusqu'à l'an dernier, nous avions au pouvoir un gouvernement avec lequel je n'étais pas d'accord. Vous connaissez mes allégeances politiques et j'ai une opinion à partager sur beaucoup de choses. Toutefois, lors de mes déplacements dans le cadre d'affaires parlementaires, par exemple avec diverses associations parlementaires — notamment dans le cadre de mes nombreux voyages aux États- Unis pour le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis pour y rencontrer sénateurs et membres du Congrès, notamment —, je représentais le Canada. Le fait d'aimer ou non la politique de l'heure — dans ce cas, celle du gouvernement Harper — n'avait pas d'importance; mon travail était de proposer et de soutenir cette politique. Ce n'était pas toujours facile. Je me souviens d'une rencontre en particulier avec un sénateur américain, à Washington. Nous étions trois : moi, un député néo-démocrate et un sénateur conservateur qui n'était pas un grand partisan de M. Harper. Donc, trois représentants qui n'étaient pas de grands partisans du gouvernement au pouvoir. Toutefois, nous devions respecter la politique établie, car c'est notre responsabilité.
Lorsque le sénateur Wells et moi nous sommes rendus en Slovénie et en République tchèque, nous ne nous entendions pas sur toutes les questions politiques, mais nous étions là pour faire notre travail. Si les sénateurs ne sont pas disposés à faire cela, ils ne devraient pas accepter de faire ce travail.
La sénatrice Frum : Je crois que vous adoptez une position très honorable, et c'est la bonne, à mon avis. Merci. Toutefois, vous dites que dans leur réflexion sur le choix du Président du Sénat, les sénateurs devraient tenir compte — je ne me souviens pas de vos paroles exactes — du rôle diplomatique du Président et comment celui-ci pourrait jouer ce rôle. Cela me dit que, selon vous, les sénateurs devraient choisir quelqu'un apte à travailler étroitement avec le gouvernement.
Le sénateur Mercer : Non. Je dirais plutôt que nous devrions choisir quelqu'un capable de bien représenter le Sénat et les Canadiens. Si nous nommons un Président, que le gouvernement tombe et qu'il est remplacé par un nouveau gouvernement dans les 30 jours, nous aurions le même Président.
La sénatrice Frum : Vraiment?
Le sénateur Mercer : En respectant le processus établi, nous pourrions avoir le même Président avec un gouvernement différent au pouvoir. Selon moi, le Président doit être capable de s'adapter au système pour soutenir la politique diplomatique canadienne sur une question donnée, quelle que soit cette politique diplomatique.
Nous nous rendons partout dans le monde. Je me suis entretenu récemment avec un des participants à une réunion de l'OTAN. Une de ses responsabilités était d'échanger sur la question de l'OTAN, mais aussi de discuter du vote de leur pays quant à la candidature du Canada à un siège au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Certains de nos collègues — peut-être même vous, je l'ignore — n'aiment peut-être pas cela, mais cela fait partie de notre travail. Nous nous exprimons au nom du Canada.
La sénatrice Frum : C'est largement une position de principe, mais, en réalité, les gens devront soumettre leur candidature au poste. Par définition, il y aura un processus d'autosélection. En raison du rôle diplomatique très important que joue le Président du Sénat, les candidats potentiels doivent comprendre qu'une partie du travail consiste à promouvoir les positions du gouvernement en matière de politique étrangère. Dans quelle mesure cette mesure législative constitue-t-elle une réforme? Quelle que soit la façon dont nous procédons, le Président doit respecter la position du gouvernement au pouvoir.
Le sénateur Mercer : Oui, mais c'est une responsabilité que nous partageons tous, sinon, nous ne devrions pas proposer notre candidature.
La sénatrice Frum : D'accord. Cela signifie que certains ne se présenteront pas.
Le sénateur Mercer : J'aurais eu tort, au cours des 10 dernières années, de faire la promotion de la politique du Parti libéral lors des réunions Canada-États-Unis. Je peux le faire autour d'un verre après la réunion, mais en présence d'un sénateur ou d'un membre du Congrès américain, je dois tenir compte de notre objectif — nous discutons toujours de nos objectifs avant de participer à ces réunions — et faire la promotion du gouvernement au pouvoir. C'est le gouvernement que les citoyens ont élu et c'est lui qui dicte la politique.
La même règle s'applique au Président du Sénat, mais ce dernier a un rôle d'influence de plus haut niveau sur des sujets qui ne sont pas aussi controversés : continuer de nouer des amitiés et de former des alliances entre le Canada et d'autres pays. Je crois que le Président du Sénat tente, bien souvent, d'éviter les conflits. C'est une sage décision et cela facilite les choses, mais nous n'avons connu aucun conflit important dernièrement.
La sénatrice Cools : Merci, sénateur Mercer, d'avoir accepté notre invitation. Merci également pour tous les efforts que vous avez déployés pour préparer ce projet de loi. Cependant, je dois vous dire que j'ai de la difficulté avec cette mesure législative, car je crois qu'elle met de côté — en fait, elle passe outre — de nombreux principes de longue date. Comme vous le savez, le Président du Sénat est en fait un vice-royal. Le Président du Sénat peut représenter Sa Majesté partout dans le monde.
Le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes sont très différents. Le Président de la Chambre des communes s'exprime au nom des députés, alors que le Président du Sénat s'exprime au nom de la reine. C'est la raison pour laquelle c'est lui qui convoque les gens concernés à l'ouverture du Parlement pour leur dire que Sa Majesté —, enfin, son représentant, le gouverneur général — vient s'adresser à eux. C'est l'une des seules fois où tous les membres du Parlement sont réunis, et ce, dans la Chambre du Sénat, et non ailleurs. Ils ne peuvent être réunis dans la Chambre des communes.
On parle beaucoup des juges de la Cour suprême, mais vous oubliez que ces juges sont des représentants de Sa Majesté et qu'ils sont députés du gouverneur général lorsqu'ils viennent donner la sanction royale. Si le gouverneur général devait tomber malade ou mourir, par exemple, c'est le juge en chef de la Cour suprême qui prendrait sa place — je crois qu'on l'appelle alors l'administrateur — et qui occuperait les fonctions de gouverneur général.
Comme je l'ai dit, le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes sont très différents. Le Président de la Chambre des communes s'exprime au nom des députés, alors que le Président du Sénat s'exprime au nom de la reine. N'oublions pas que le Sénat est la Chambre haute, la Chambre royale. C'est le Sénat. Lorsqu'elle nous rend visite, la reine vient dans la Chambre royale. C'est la même chose pour le gouverneur général. C'est la raison pour laquelle la Chambre du Sénat est rouge, et non verte.
Je n'arrive pas à voir comment nous pourrions ignorer ces principes. Même aux États-Unis, où il y a toujours eu une attitude antimonarchiste, la Constitution reconnaît que le Président du Sénat américain est un vice-royal. Le vice- président des États-Unis est le Président du Sénat américain. Les Américains ont conservé cette tradition. C'est ce qu'il y a d'étrange, quand on considère la révolution américaine et la Constitution des États-Unis. Les Américains sont très radicaux, mais, dans de nombreux cas, ils sont remarquablement terre-à-terre et loyaux envers les anciennes coutumes.
Le Sénat canadien n'a pas de vice-président; il a un Président intérimaire. Le poste de Président du Sénat n'est jamais, au grand jamais, député au Président intérimaire.
Le sénateur Joyal : C'est un officier de la Couronne et il ne peut être député.
La sénatrice Cools : Exactement. Il représente la Couronne au Sénat. Selon notre système, c'est ainsi que nous devons procéder en tout temps. La Chambre des communes s'appuie sur la représentation selon la population. Les Pères de la Confédération l'ont proposée, ils ont établi le format et l'ont respecté. La Chambre des communes s'appuie sur la représentation selon la population. C'est la raison pour laquelle les députés peuvent élire le Président de la Chambre des communes. C'est différent au Sénat.
Le Sénat est une institution complètement différente. Nous ne pouvons pas décider soudainement que la formule actuelle ne convient plus et qu'il faut essayer quelque chose d'autre. Les constitutions ne sont pas établies en essayant des choses. D'ailleurs, les constitutions n'aiment pas les nouveautés.
J'ai de la difficulté à concevoir comment nous pourrions faire ce que vous proposez. J'ai pensé soulever la question, mais je ne voulais pas vous offenser. D'abord, toute question qui concerne ce que nous appelons la loi de la prérogative ou qui demande un consentement royal — le sénateur Joyal et moi avons soulevé beaucoup de questions semblables et avons eu raison sur bien des points. Ce projet de loi ne devrait pas être soumis au vote du Sénat avant que le gouverneur général ne l'autorise. Seul un ministre de la Couronne peut accorder une telle autorisation dans les deux Chambres.
Le sénateur Mercer : Sénatrice Cools, nous en avons parlé cet après-midi. Je sais qu'un consentement est nécessaire, mais il a été proposé de poursuivre l'étude de ce projet de loi jusqu'à l'étape du vote à la troisième lecture. Nous demanderons le consentement à ce moment et j'imagine que nous l'obtiendrons.
La sénatrice Cools : Le consentement de qui?
Le sénateur Mercer : Vous dites que nous devons obtenir le consentement d'un des membres du Conseil privé. Je propose...
La sénatrice Cools : Pas d'un membre du Conseil privé, d'un représentant de Sa Majesté. Il faut le consentement d'un ministre d'État; seul un ministre d'État peut donner un consentement royal dans l'une ou l'autre des Chambres.
Le sénateur Mercer : D'accord, mais même dans le système Westminster, ce sont les lords qui élisent le Président de la Chambre des lords.
La sénatrice Cools : C'est une Chambre différente.
Le sénateur Mercer : Qu'on le veuille ou non, notre Sénat est en train de changer. Nous devons évoluer. Ce que propose mon projet de loi, c'est de procéder à une élection et de recommander à Sa Majesté d'accepter le choix des membres, comme vous l'avez souligné.
La sénatrice Cools : Non, on ne peut pas. On ne peut pas faire cela.
Le sénateur Mercer : Et pourquoi pas? Pourquoi ne pouvons-nous pas essayer?
La sénatrice Cools : Parce que cela dépasse la portée de la loi que nous devons respecter.
Le président : Le sénateur Mercer présente son projet de loi. Les points que vous soulevez sont bien notés. N'oubliez pas qu'il y aura l'étude article par article et que nous devrons ensuite faire rapport. Toutes ces étapes seront respectées.
La sénatrice Tardif : Merci, sénateur Mercer, d'être ici. Comme bon nombre de mes collègues, j'appuie ce projet de loi sur l'élection du Président du Sénat. Toutefois, je tente de faire un rapprochement entre les commentaires du sénateur Joyal concernant la nécessité d'obtenir un consentement royal et cette mesure législative. Si j'ai bien compris, nous devons obtenir un consentement pour modifier les pouvoirs du bureau du gouverneur général. Ainsi, nous aurions besoin du consentement des provinces, d'une façon ou d'une autre. Si ce projet de loi est adopté, quel serait, selon vous, le rôle des provinces?
Le sénateur Mercer : Nous évitons cette question, car nous recommandons au gouverneur général un candidat au poste de Président du Sénat, comme le fait le premier ministre. Le Président du Sénat est nommé par le gouverneur général, sur la recommandation du Conseil privé et du Cabinet, donc, du premier ministre. Je propose de maintenir ce processus de nomination, sauf qu'au lieu que ce soit le Cabinet qui propose un candidat, je propose que ce soit les sénateurs qui s'en chargent. Nous retirons le Cabinet de l'équation.
Je ne recommande pas de retirer le pouvoir de nomination à Sa Majesté ou au gouverneur général, mais bien au premier ministre. Je propose que ce soit les sénateurs qui recommandent un candidat à la présidence du Sénat plutôt que le premier ministre. C'est de cela qu'il est question. Cela ne concerne ni Sa Majesté ni le gouverneur général, mais bien le premier ministre. Je propose de retirer au premier ministre le pouvoir de recommandation et de donner ce pouvoir aux sénateurs.
Le sénateur Joyal : Sur ce point, vous mettriez fin à 200 ans de convention constitutionnelle voulant que le premier ministre soit la seule personne autorisée à faire une recommandation au gouverneur général en ce qui concerne l'exercice du pouvoir royal.
Permettez-moi de terminer mon explication. Conformément à l'article 34 actuel, seul le premier ministre peut recommander au gouverneur général de nommer le Président du Sénat. La convention constitutionnelle n'autorise pas le gouverneur général à demander conseil à une personne autre que le premier ministre, car il s'agit d'un pouvoir de la Couronne.
Ce n'est pas moi qui ai fixé cette règle. Il s'agit d'une pratique de longue date au titre de la convention constitutionnelle. Vous nous demandez de penser que nous allons être en mesure de modifier la convention constitutionnelle laïque voulant que seul le premier ministre fasse des recommandations au gouverneur général. J'estime que c'est tout un défi de prétendre que c'est quelque chose que le Sénat pourrait faire.
L'autre argument que j'aimerais faire valoir est que le Sénat ne peut pas soumettre la question à la Cour suprême pour vérifier la constitutionnalité du projet de loi que vous proposez. Seul le gouverneur en conseil, par le truchement d'une décision du gouvernement, peut déterminer la question qui sera soumise à l'examen de la cour. Si le gouvernement accueille favorablement votre proposition, il peut la renvoyer au gouverneur en conseil pour qu'une décision soit officialisée. La question sera ensuite envoyée à la Cour suprême. Cependant, l'article 53 de la Loi sur la Cour suprême prévoit que le Sénat n'est pas en position de soumettre un projet de loi sénatorial à la Cour suprême. Ce n'est pas moi qui en ai décidé ainsi; il s'agit de jurisprudence de longue date.
Le sénateur Mercer : Sénateur Joyal, c'est long, 200 ans de pouvoir constitutionnel, mais cela ne veut pas dire que ce soit approprié de nos jours. En 1982, vous avez participé au processus qui a aussi modifié certaines conventions dans ce pays, lorsque nous avons rapatrié la Constitution qui se trouvait à Westminster.
La Constitution a changé en 1982. Il n'y a absolument aucune raison qu'elle ne puisse pas le faire en 2017 ou en 2016. Rien ne nous empêche de la modifier. Alors, je ne me formalise pas de ces 200 années et vous ne devriez pas le faire non plus.
Le sénateur Eggleton : Je ne vois rien dans ce projet de loi qui dise que le résultat de l'élection du Président par les sénateurs serait ensuite soumis à l'approbation du gouverneur général.
Le sénateur Joyal : Ce n'est pas moi qui l'ai dit.
Le sénateur Eggleton : Ce n'est pas le projet de loi.
Le sénateur Joyal : C'est ce que le sénateur Mercer a dit.
Le sénateur Eggleton : Oui, mais il n'y a rien à ce sujet dans le projet de loi. Il s'agit d'une ébauche, et elle n'en fait pas mention.
Le sénateur Mercer : Cependant, si tel est le souhait de la Chambre haute, le libellé peut être modifié pour en tenir compte.
Le sénateur Eggleton : Je pense qu'il essaie de vous piéger.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Joyal ne me ferait jamais cela.
Le sénateur Eggleton : Le projet de loi original prévoit que nous choisissions notre propre Président, à l'instar des membres de la Chambre des lords. Personne n'est plus proche de la reine que les membres de la Chambre des lords. Ils élisent leur propre Président, et je ne pense pas que la reine trouve que ce soit répréhensible. Je ne vois pas pourquoi le gouverneur général s'opposerait à ce que le pouvoir repose entre les mains des sénateurs.
Je ne pense pas que les types de fonctions qu'assumerait le Président soient pertinents dans le contexte du présent projet de loi ou de la discussion d'aujourd'hui. Ils sont pertinents dans l'ensemble et devraient faire l'objet d'une discussion distincte.
Le présent projet de loi vise simplement à nous permettre de choisir notre propre Président, et je pense que nous devrions nous en tenir à cela. Si nous voulons nous pencher plus longuement sur son mandat et ses pouvoirs, nous pouvons le faire. Ce poste est non partisan. Le Président n'est pas le porte-parole du gouvernement, mais bien de la reine, si vous voulez, de la Couronne. Même le Président actuel se dit indépendant.
Je suis d'accord avec le sénateur Joyal pour dire que, abstraction faite des ramifications juridiques qui ne nous permettent pas d'envisager cette option, faire appel à la Cour suprême ne mènerait à rien. Je pense que l'opinion qu'elle nous donnerait probablement serait la même que le sénateur Joyal a formulée tout à l'heure.
Si nous croyons que c'est la bonne chose à faire, alors nous devrions insister. Nous devrions donner suite à ce projet de loi. La sanction royale est nécessaire, j'en conviens, si bien qu'on devrait prendre une pause quand le projet de loi quittera le comité avant la troisième lecture pour demander la sanction royale. Si on ne l'obtient pas, le dossier sera clos, mais si on l'obtient, on pourra donc continuer.
Je ne vois pas pourquoi les gens seraient contrariés en ce qui concerne le gouverneur général, et je ne pense pas que le gouverneur général soit vexé si on diminue, en quelque sorte, les pouvoirs de l'institution qu'il représente en faisait une légère modification, qui est conforme à ce qui se fait déjà à la Chambre des lords, la mère de tous les parlements, ainsi qu'à la Chambre des communes et dans les parlements du pays, lesquels, j'ajouterais, relèvent tous de la Couronne.
La prochaine étape dans cette démarche serait de trouver deux ou trois témoins pour en parler, mais pas du point de vue du cadre constitutionnel, car je pense que le sénateur Joyal l'a déjà couvert adéquatement, et j'accepte ce qu'il dit. Il faudrait obtenir la sanction royale avant la troisième lecture et ensuite une modification constitutionnelle au titre de l'article 44. J'en suis conscient. Cependant, si on choisit cette option, il pourrait être bon d'entendre deux ou trois intervenants concernant le côté pratique de cette option.
Le président : Sénateur Eggleton, c'est exactement ce que je me disais.
Premièrement, permettez-moi juste de citer la motion qui a été présentée par le sénateur Cowan en décembre 2015 :
Qu'un Comité spécial sur la modernisation du Sénat soit nommé pour examiner les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel.
C'était notre mandat.
Lorsque nous avons soumis cinq noms à l'examen du premier ministre pour qu'il les transmette au gouverneur général pour approbation, c'était déjà cela. Nous savions que nous touchions à des questions d'ordre constitutionnel, mais nous nous sommes dit que, de bonne foi, le premier ministre et le gouverneur général pourraient décider de suivre cette recommandation et de choisir parmi les cinq candidatures proposées.
Nous savions que le projet de loi était là. Nous voulions que vous ayez l'occasion de venir aujourd'hui et de le présenter. Vous l'avez fait, et nous allons le traiter, mais nous devrons obtenir un peu plus de renseignements, si bien que nous devrons peut-être faire appel à un ou deux témoins. Quoi qu'il en soit, nous finirions par procéder à l'étude article par article du projet de loi, le renvoyer et, à la troisième lecture, déterminer ce qui est ou non nécessaire.
Vous qui avez siégé à divers comités, sénateur Mercer, vous comprendrez que nous tenons à faire du mieux que nous pouvons pour déterminer ce qui est ou non correct. Au comité, nous avons un spécialiste doté d'une expérience considérable de la Constitution. Nous allons reporter l'étude article par article à plus tard. Nous reviendrons à ce projet de loi dans un avenir assez proche. Nous entendrons deux professeurs la semaine prochaine. Nous en traiterons. Cela ira peut-être après le congé des Fêtes.
Le sénateur Mercer : Chers collègues, je tiens à vous remercier de votre temps et de vos questions. Je me réjouis à la perspective d'obtenir votre appui au moment d'un vote du comité.
Le président : Merci d'être venu.
La semaine prochaine, nous accueillerons M. Philippe Lagassé, suivi de M. Andrew Heard, qui témoignera par vidéoconférence. Y a-t-il d'autres points urgents que vous aimeriez soulever? C'est incroyable que nous n'ayons pas manqué de temps.
La sénatrice Stewart Olsen : De quoi parleront les deux témoins de la semaine prochaine?
Le président : Du système de Westminster.
La sénatrice Stewart Olsen : Avons-nous à le faire la semaine prochaine alors que nous essayons de terminer les affaires émanant du gouvernement?
Le président : C'est pendant le déjeuner, et vous devez manger.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est une simple remarque. C'est une chose de plus à traiter alors que nous essayons de terminer d'autres choses.
Le président : L'ennui, c'est que c'est une question de temps. Aujourd'hui, je vais prendre la parole au Sénat et demander une prolongation jusqu'au 15 juin, car nous sommes censés déposer notre rapport définitif le 15 décembre au plus tard. Le 15 mai, nous voudrons déposer notre second rapport. Je ne veux pas vous dire combien de temps nous avons. Nous n'en avons pas beaucoup. Je comprends vos réserves, mais nous devons remettre cela la semaine prochaine.
La séance est levée.
(La séance est levée.)