Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la Modernisationdu Sénat
Fascicule n° 9 - Témoignages du 15 février 2017
OTTAWA, le mercredi 15 février 2017
Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, auquel a été renvoyé le projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat), se réunit aujourd'hui, à 12 h 2, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Thomas Johnson McInnis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. La réunion d'aujourd'hui est publique; veillons à avoir une réunion efficace et productive.
Le Sénat nous a renvoyé le projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).
Il s'agit d'un projet de loi d'intérêt public proposé par un de nos collègues, l'honorable Terry Mercer, qui comparaît aujourd'hui devant nous. C'est l'homme à l'allure distinguée que vous voyez là, au centre.
Comme vous le savez, l'objectif général du projet de loi va dans le même sens que l'une des recommandations que notre comité a formulées dans son premier rapport. Il vise à modifier le processus de sélection du Président du Sénat.
Toutefois, le projet de loi va bien au-delà de la recommandation du comité, qui visait la création de mécanismes permettant au Sénat d'établir une liste de candidats à la présidence du Sénat, liste qui serait ensuite présentée au premier ministre. Le projet de loi du sénateur Mercer vise plutôt à modifier la Constitution pour que le processus de sélection relève pleinement du Sénat lui-même.
En décembre dernier, le sénateur Mercer a comparu au comité à titre de parrain du projet de loi. La semaine dernière, nous avons accueilli notre collègue de longue date et ancien Président du Sénat, l'honorable Dan Hays. Pour commencer la semaine, nous accueillons la professeure Kate Glover, une experte en droit constitutionnel et administratif.
La professeure Glover s'intéresse particulièrement à la réforme constitutionnelle. En 2013, elle a agi comme amicus curiae aux côtés du professeur Daniel Jutras lors du Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 CSC 32. Depuis, elle a rédigé plusieurs articles sur la décision de la Cour suprême et ses conséquences.
Ensuite, nous entendrons le professeur Benoît Pelletier, qui est aussi un expert en droit constitutionnel. Il s'intéresse en particulier au fédéralisme, à la réforme constitutionnelle et aux relations intergouvernementales. Il est l'auteur de La modification constitutionnelle au Canada, et a publié en 2013 son analyse des procédures de modification dans le contexte de la réforme du Sénat. Ces deux publications sont maintes fois citées dans les motifs de la Cour suprême.
Professeure Glover, je vous invite à présenter votre exposé, puis ce sera au tour de M. Pelletier. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.
Kate Glover, professeure, faculté de droit, Université Western Ontario, à titre personnel : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je suis heureuse d'être ici et j'espère pouvoir aider le comité dans son étude du projet de loi S-213.
Je crois comprendre que j'ai été invitée aujourd'hui pour traiter des enjeux liés aux modifications constitutionnelles découlant du projet de loi et en particulier des questions liées à l'application de la procédure de révision de la Constitution du Canada établie dans la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Par conséquent, je vous présenterai dans mon exposé d'aujourd'hui une analyse sur l'application de la partie V dans le contexte du projet de loi.
Je suis consciente que je m'adresse à des experts en la matière, mais permettez-moi d'abord de vous décrire certains aspects fondamentaux. Ensuite, c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Comme vous le savez, le projet de loi S-213 comporte deux dispositions qui modifieraient la Constitution. Mon analyse sera axée sur ces deux dispositions.
Premièrement, l'article 1 du projet de loi modifierait l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 en retirant au gouverneur général le pouvoir de nommer et de démettre le Président du Sénat. L'article 1 autoriserait également le Sénat à procéder à l'élection de sénateurs aux postes de président et de vice-président.
Deuxièmement, l'article 2 du projet de loi remplacerait l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867, en remplaçant la voix délibérative dont dispose actuellement le Président par un droit de vote pouvant être exercé uniquement en cas d'égalité des voix.
Ces deux dispositions du projet de loi auraient deux effets principaux sur l'ordre constitutionnel existant. Premièrement, elles élimineraient le rôle du gouverneur général —et par conséquent le rôle du pouvoir exécutif — quant à la sélection et la destitution du Président. Deuxièmement, elles entraîneraient une refonte des caractéristiques constitutionnelles de la charge de Président.
Les changements proposés transformeraient le rôle du Président, d'un rôle de représentant partisan du pouvoir exécutif avec un droit de vote égal à celui de représentant élu sans voix délibérative.
En gardant ces effets du projet de loi à l'esprit, la question fondamentale qui se pose alors sur le plan du droit constitutionnel consiste à savoir quelle procédure utiliser pour mettre en œuvre les dispositions du projet de loi. Une analyse en deux étapes est requise pour en arriver à cette détermination.
La première étape consiste à déterminer si les procédures de modification établies dans la partie V s'appliquent. Si oui, on passe à la deuxième étape, qui est de déterminer quelle procédure de modification utiliser. Permettez-moi de prendre quelques minutes pour parler de chacune de ces étapes.
Premièrement, la partie V s'applique-t-elle? Il y a parfois des incertitudes à cet égard, particulièrement dans le cas de propositions qui ne modifient pas le libellé des textes constitutionnels, mais plutôt des parties de la Constitution non écrite. Le projet de loi S-213 n'entraîne pas une telle incertitude. Il modifie explicitement le texte de la Loi constitutionnelle de 1867, ce qui signifie évidemment que la partie V s'applique. La question dont nous sommes saisis est manifestement liée aux procédures de modification de la Constitution.
Sachant que la partie V s'applique, nous pouvons passer à la deuxième étape de l'analyse, qui consiste à déterminer quelle procédure de modification utiliser. Comme nous le savons, la partie V nous offre diverses options. Dans le cas de ce projet de loi, trois options pourraient s'appliquer. La première est le pouvoir du Parlement de modifier unilatéralement les dispositions de la Constitution relatives au pouvoir exécutif, à la Chambre des communes et au Sénat. La deuxième possibilité est la procédure d'unanimité, qui s'applique aux modifications liées à la charge de Reine et à celle de gouverneur général. La troisième option est la procédure du 7/50, qui est la procédure normale de modification.
À mon avis, l'application des modifications proposées dans le projet de loi S-213 nécessite un consentement multilatéral. Plus précisément, j'estime que la procédure d'unanimité est requise pour retirer au gouverneur général le pouvoir de nommer et de destituer le Président.
En outre, je considère que la procédure du 7/50 s'appliquerait probablement dans le cas des modifications proposées à l'article 2 du projet de loi. Modifier le droit de vote du Président et créer une procédure d'élection à la présidence pourraient avoir une incidence sur les intérêts des provinces; par conséquent, le consentement multilatéral est nécessaire.
Permettez-moi d'expliquer mon raisonnement. Lorsqu'on cherche à déterminer quelle procédure de modification utiliser pour toute proposition, il faut d'abord tenir compte du principe sous-jacent de la partie V qui guide l'interprétation des dispositions relatives aux procédures de modification constitutionnelle. La partie V est essentiellement une forme d'expression du fédéralisme. Plus précisément, elle est l'expression d'une forme coopérative du fédéralisme, qui vise à maintenir l'égalité entre le Parlement fédéral et les provinces prévue dans le cadre constitutionnel canadien.
Cette égalité est l'essence même du principe fondamental du processus de modification de la Constitution canadienne selon lequel tout ordre de gouvernement doit avoir un rôle appréciable et protégé à jouer pour toute modification constitutionnelle mettant en cause ses intérêts. La règle générale de modification constitutionnelle du Canada, la règle du 7/50, constitue l'expression de ce fédéralisme coopératif. Cette règle prévoit, de manière générale, que tout changement constitutionnel exige à la fois le consentement du Parlement et le consentement d'un nombre appréciable d'assemblées législatives provinciales.
Cette règle reflète l'objectif ultime de la partie V, qui est de favoriser le dialogue entre les interlocuteurs provinciaux et fédéraux sur les questions liées aux modifications constitutionnelles, tout en protégeant le statu quo constitutionnel au Canada jusqu'à ce qu'une entente soit conclue. Le principe du fédéralisme coopératif est au centre de la règle de modification générale, la procédure du 7/50, mais il sous-tend également toutes les exceptions à cette règle.
La première exception est le pouvoir unilatéral de modification du Parlement. La portée plutôt réduite de ce pouvoir unilatéral découle du principe du fédéralisme coopératif. Ce pouvoir ne s'applique qu'aux modifications qui ne mettent pas en cause les intérêts des provinces. On protège ainsi le principe selon lequel les provinces doivent avoir un droit de regard significatif pour les questions constitutionnelles qui les concernent.
La deuxième exception à la règle générale est la procédure d'unanimité. Encore une fois, le principe du fédéralisme coopératif explique la raison d'être de cette exception, en ce sens que les modifications liées à des aspects fondamentaux de la Constitution exigent le consentement unanime des parties.
Je vais maintenant examiner les dispositions précises du projet de loi en gardant ces principes à l'esprit pour déterminer quelles procédures doivent être suivies pour mettre en œuvre les réformes proposées. Je vais commencer par le premier enjeu découlant de l'article 1 du projet de loi S-213, soit le transfert du pouvoir du gouverneur général de nommer le Président.
L'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982 exige le consentement unanime du Parlement et de toutes les provinces pour apporter des modifications liées à la charge de Reine ou à la charge du gouverneur général. La question qui se pose est alors la suivante : l'article 1 du projet de loi entraîne-t-il une modification de la charge de gouverneur général? À mon avis, la réponse est probablement « oui ».
La Cour suprême du Canada n'a pas encore eu l'occasion d'interpréter la notion de « charge de gouverneur général » dans le contexte des formules de modification. Toutefois, dans une affaire récente, la Cour supérieure du Québec a soutenu que la « charge de Reine », qui figure également à l'article 41 de la partie V, définit le pouvoir, le statut et le rôle du monarque dans l'ordre constitutionnel canadien.
La Cour supérieure du Québec a jugé que l'inclusion de cette phrase dans la partie V vise à s'assurer que les pouvoirs, le statut et le rôle conférés à la Couronne, en tant qu'institution, dans notre ordre constitutionnel, ne peuvent être modifiés sans l'accord du Parlement et des provinces.
Ce raisonnement donne à penser que l'interprétation de « charge de gouverneur général » ira dans le même sens et ne se limitera pas à l'existence ou aux caractéristiques du poste de gouverneur général, mais qu'elle portera plutôt sur les pouvoirs constitutionnels, le statut et le rôle qui caractérisent la charge de gouverneur général et qui en font partie intégrante.
Cette interprétation qualitative — une évaluation élargie et qualitative — est conforme à l'approche adoptée par la Cour suprême dans son interprétation de la partie V, qui tend à être axée sur le fond plutôt que sur la forme.
En outre, cette interprétation qualitative du terme « charge » s'inscrit dans la logique de la partie V. Protéger la charge de gouverneur général par l'intermédiaire d'une procédure nécessitant l'unanimité sans protéger également tous les pouvoirs liés à cette charge permettrait le retrait de ces pouvoirs. Cela pourrait avoir pour résultat de créer une coquille vide, essentiellement, ce qui serait contraire aux objectifs et aux principes qui sous-tendent les modifications constitutionnelles au Canada.
Comme je l'ai indiqué précédemment, la procédure d'unanimité vise à protéger les fondements de l'ordre constitutionnel canadien. Il serait contraire à la logique de la partie V d'exiger une procédure d'unanimité pour une charge qui aurait un rôle symbolique ou qui serait simplement une coquille vide.
On peut donc déduire que la charge de gouverneur général telle qu'établie à l'article 41 englobe nécessairement les pouvoirs d'exécution du gouverneur général inscrits dans la Constitution. Cela engloberait le pouvoir du gouverneur général de nommer et de destituer le Président du Sénat, tel qu'énoncé actuellement à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867. Dès lors que ce pouvoir est inclus dans la définition de la charge de gouverneur général énoncé à l'article 41, il ne peut être retiré qu'avec le consentement unanime du Parlement et des provinces.
Je souligne également qu'il convient de ne pas sous-estimer l'importance du pouvoir du gouverneur général de nommer et de destituer le Président. L'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 garantit la représentation du pouvoir exécutif au Sénat, représentant que le gouverneur général a le pouvoir de nommer et de destituer. Remplacer le pouvoir dont dispose le gouverneur général par la tenue d'une élection au Sénat entraîne l'élimination de la représentation du pouvoir exécutif. La question n'est pas de savoir si c'est lié ou non à la partie V, mais plutôt de savoir s'il s'agit d'un changement important. Je dirais que c'est le cas.
Je vais maintenant passer à l'article 2 du projet de loi, qui modifierait le droit de vote du Président. La première question qu'il convient de se poser est de savoir si cette proposition est visée par l'une des exceptions à la règle générale. Dans la négative, la procédure générale de modification — la règle du 7/50 — s'applique.
L'argument le plus solide pour l'application d'une exception consiste à dire que le Parlement peut modifier unilatéralement le droit de vote du Président parce que ce changement ne modifie en rien les nature et rôle fondamentaux du Sénat. On fait valoir qu'il s'agit plutôt d'une question de régie interne liée aux opérations du Sénat et que par conséquent, selon cet argument, la proposition satisfait aux critères de la compétence du Parlement de modifier unilatéralement les dispositions de la Constitution relatives au Sénat.
La simplicité de cet argument est certes séduisante. Éliminer l'obligation d'obtenir le consentement multilatéral pourrait être la façon la plus facile de mettre en œuvre le projet de loi S-213, mais je vous invite à la prudence. À mon avis, cet argument ne reflète pas l'approche qualitative préconisée par la Cour suprême. Il ne tient donc pas compte des diverses répercussions que pourrait avoir le projet de loi sur l'ordre constitutionnel existant.
Dans sa forme actuelle, la Constitution est peu restrictive quant au rôle du Président. Elle comporte très peu de règles applicables au Président, ce qui permet une grande latitude quant à l'évolution de son rôle. Cela dit, la Loi constitutionnelle de 1867 comprend une vision précise du rôle du Président; il s'agit d'une charge partisane, et le Président représente le pouvoir exécutif à la Chambre haute. Cette conception du rôle du Président se traduit concrètement par le pouvoir qui est accordé au gouverneur général de nommer un Président à la suggestion du pouvoir exécutif et le pouvoir de le destituer, et par la voix délibérative accordée au Président.
Sur le plan qualitatif, le rôle du Président imaginé et proposé dans le projet de loi S-213 est très différent du statu quo. La vision présentée dans le projet de loi S-213 est que le Président est élu par les membres du Sénat et qu'il n'a droit de vote qu'en cas d'égalité des voix. Le projet de loi se trouve donc à modifier considérablement le rôle du Président, qui aurait désormais une certaine indépendance par rapport au pouvoir exécutif.
De plus, la limitation du droit de vote du Président réduirait sa capacité d'agir de façon partisane. Il semblerait également acquérir une certaine légitimité pour jouer un rôle plus actif dans l'administration des activités institutionnelles du Sénat, étant donné qu'il aurait l'appui et la confiance des membres du Sénat. En outre, en raison de cette nouvelle conception du rôle du Président, une des régions représentées au Sénat se trouverait à perdre une voix délibérative, celle du sénateur élu à la présidence.
La portée et la nature de ces changements contredisent les affirmations selon lesquelles les modifications proposées au rôle de la présidence sont soit mineures, soit d'ordre administratif. Il semble plutôt que des modifications proposées dans le projet de loi S-213 visent à transformer considérablement le rôle du Président inscrit dans la Constitution. Le projet de loi modifierait les nature et rôle fondamentaux du Président lui-même, son rôle fondamental au sein de l'une des institutions nationales les plus essentielles et les plus représentatives du Canada. Une telle transformation met en cause des intérêts provinciaux; elle ne peut donc être mise en œuvre unilatéralement par le Parlement.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Je serai heureuse de répondre à vos questions après l'exposé du professeur Pelletier.
[Français]
Benoît Pelletier, professeur, faculté de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel : Distingués sénateurs et sénatrices, merci de m'accueillir aujourd'hui pour discuter de cette question qui concerne la modernisation du Sénat.
[Traduction]
J'ai préparé un document en anglais seulement, mais j'aimerais pouvoir le faire circuler parmi les sénateurs si c'est possible.
Le président : C'est aux membres du comité de décider. Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
M. Pelletier : Je serai heureux de répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
J'ai préparé ce document en me basant sur une analyse de la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982 et du Renvoi relatif à la réforme du Sénat, une décision importante rendue par la Cour suprême du Canada en 2014. Ce document se veut un résumé des conclusions de mon analyse de la situation juridique globale.
J'en suis venu à la conclusion que les modifications proposées à la Loi sur le Parlement du Canada sont constitutionnelles. Les modifications proposées à l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867 pourraient être apportées en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Je vous rappelle que l'article 44 énonce que, sous réserve des articles 41 et 42, le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au Sénat.
J'en suis aussi venu à la conclusion que les modifications proposées à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 au sujet de l'élection du vice-président du Sénat pouvaient être apportées en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 puisqu'elles ne sont pas visées par l'article 41 ou l'article 42 de cette loi. Cela signifie que le Président intérimaire peut être élu par un vote secret des sénateurs, sans le besoin d'une modification constitutionnelle complexe.
J'en suis également venu à la conclusion que les modifications proposées à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 relatives à l'élection du Président du Sénat n'altèreraient ou n'affecteraient pas la nature fondamentale et le rôle du Sénat ni ses caractéristiques essentielles.
À ce titre, elles ne seraient pas visées par la formule du 7/50 prévue à l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982. Je fonde cette analyse sur le Renvoi relatif à la réforme du Sénat dont j'ai parlé au début de mon exposé.
Toutefois, il se peut que les modifications relatives à l'élection du Président du Sénat soient visées par la procédure d'unanimité prévue à l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982, puisqu'elles modifieraient la charge du gouverneur général, c'est-à-dire ses pouvoirs, son statut et son rôle constitutionnel. Je fais référence à la décision rendue en 2016 par la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Motard.
[Français]
À mon avis, les changements à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne l'élection du Président du Sénat n'affectent pas les caractéristiques essentielles du Sénat, de sorte que l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 ni l'article 38 de cette même loi ne s'appliqueront pas à ces dispositions-là.
Toutefois, j'en viens à la conclusion qu'il est possible que les changements proposés concernant l'élection du Président du Sénat touchent au rôle du gouverneur général au sens de l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982. Si tel devait être le cas, il y aurait application de la procédure de l'unanimité.
[Traduction]
Si l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique vraiment, ce qui est possible et même probable — et je suis d'accord avec ma collègue sur ce point —, alors il y aura un risque que les décisions prises sous la présidence du Sénat qui contreviennent à cette disposition soient inconstitutionnelles. Si le Président n'est pas nommé conformément aux dispositions de la Constitution et si l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique et n'est pas respecté, alors il y aura un risque que les décisions prises sous la présidence inconstitutionnelle du Sénat soient elles-mêmes jugées inconstitutionnelles.
La raison pour laquelle je ne suis pas certain à 100 p. 100 que l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1867 s'applique, c'est que le Québec a réussi à abolir unilatéralement son conseil législatif en 1968. L'article 77 de la Loi constitutionnelle de 1867 est donc caduc.
[Français]
Enfin, l'article 77 de la Loi constitutionnelle de 1867 est devenu périmé en raison de l'abolition par le Québec de son Conseil législatif en 1968.
[Traduction]
Toutefois, l'article 77 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que :
Le lieutenant-gouverneur pourra, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau de Québec, nommer un membre du conseil législatif de Québec comme orateur de ce corps, et également le révoquer et en nommer un autre à sa place.
On peut voir qu'il s'agit de l'équivalent pour le Québec de ce qui est prévu à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867.
L'abolition unilatérale du conseil législatif du Québec montre que l'article 77 était considéré à ce moment-là comme étant associé à la constitution du Québec et non comme nécessitant une modification par le Parlement du Royaume-Uni. En d'autres termes, l'article 77 a été rendu non exécutable sans une modification constitutionnelle complexe.
Si tel était le cas, alors pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas modifier unilatéralement l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867, puisque cette disposition est l'équivalent fédéral de l'article 77 de la même loi?
[Français]
En d'autres termes, monsieur le président, s'il a été possible pour le Québec de rendre périmé l'article 77 de la Loi constitutionnelle de 1867 unilatéralement, pourquoi serait-il impossible pour le Parlement du Canada de modifier l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 unilatéralement, puisque l'article 34 est l'équivalent, au niveau fédéral, de l'article 77 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Plus tard, je m'attendrai à avoir des questions qui porteront sur les différences qui existent entre le Sénat du Canada et le Conseil législatif du Québec. J'aimerais ajouter qu'en raison de l'abolition du Conseil législatif du Québec en 1968, je ne peux pas être entièrement certain que c'est la procédure de l'unanimité de l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui s'applique, même s'il y a de bonnes chances que ce soit le cas.
[Traduction]
Dans son rapport d'octobre 2016 intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant, le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat proposait d'établir un processus au début de chaque législature pour la nomination d'au plus cinq sénateurs dont la candidature serait examinée par le premier ministre à des fins de recommandation au gouverneur général pour la nomination du Président du Sénat. Cette idée pourrait être mise en pratique sans une modification constitutionnelle.
Il importe de souligner que, dans le contexte que j'ai décrit plus tôt, les cinq candidats pourraient même être choisis par vote secret sans qu'on ait recours à une modification constitutionnelle officielle.
[Français]
Les sénateurs pourraient être élus par scrutin secret et, par la suite, les noms pourraient être proposés au premier ministre pour une nomination officialisée par le gouverneur général du Canada.
[Traduction]
La convention constitutionnelle actuelle exige du gouverneur général qu'il suive les recommandations du premier ministre du Canada. L'idée que le Sénat fasse une recommandation directe au gouverneur général relativement à la nomination du Président du Sénat irait à l'encontre de la convention constitutionnelle établie et pourrait placer le gouverneur général dans la position difficile de choisir entre les recommandations du Sénat et celles du premier ministre.
Enfin, les modifications proposées à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 au sujet de l'élection du Président du Sénat auraient une incidence sur les prérogatives du gouverneur général et devraient donc recevoir la sanction royale avant qu'on ne tienne un vote à la troisième lecture du projet de loi étudié. À mon avis, ce consentement doit être signifié par un ministre d'État. Merci.
Le président : Nous avons reçu le document du professeur Pelletier à 8 h 30 ce matin et nous l'avons immédiatement envoyé à la traduction. Je n'aime pas distribuer des documents unilingues. Nous avons fait tout en notre pouvoir pour le faire traduire et nous vous le remettrons dès que possible. Merci.
Le sénateur Joyal : Je souhaite la bienvenue à nos témoins. C'est un plaisir de vous revoir, madame Glover, non pas devant le tribunal, mais bien au Parlement.
Professeur Pelletier, votre raisonnement en ce qui a trait à l'abolition du conseil législatif du Québec est déjà établi au paragraphe 92(1) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère aux provinces le pouvoir de modifier leur constitution interne :
[Français]
L'amendement de temps à autre, nonobstant toute disposition contraire énoncée dans le présent acte, de la Constitution de la province, sauf les dispositions relatives à la charge de lieutenant-gouverneur;
[Traduction]
Si vous abolissez le conseil législatif et que vous êtes autorisé à le faire, les pouvoirs du lieutenant-gouverneur au sein du conseil législatif seront également abolis. Sinon, il serait ridicule de permettre à la province d'être le maître de sa constitution interne sans pouvoir ajouter le pouvoir connexe du lieutenant-gouverneur de nommer les conseillers législatifs, par exemple.
Je ne crois pas que vos arguments changent le raisonnement selon lequel on modifie la charge du gouverneur général. À mon avis, c'est le cœur de la question. Si, comme l'a fait valoir Mme Glover, la nomination du Président fait partie de la prérogative du gouverneur général selon l'instrument du grand sceau, ce qui en fait un pouvoir royal, alors la modification du gouverneur général telle qu'elle est proposée dans le projet de loi du sénateur Mercer relèverait du gouverneur général et déclencherait la formule de l'unanimité.
Cela ne fait aucun doute, à moins que, contrairement à ce qu'a dit Mme Glover, vous suggériez qu'il ne s'agit pas d'une modification à l'architecture de la Constitution selon la définition de la Cour suprême dans le renvoi de 2014. Le tribunal a tenu compte non seulement du texte, mais aussi de l'incidence du pouvoir dans l'ensemble de la structure de la Constitution. Autrement, c'est le paragraphe 41(1) — qui est essentiellement le bureau du gouverneur général — qui s'applique, ce qui déclenche la formule de l'unanimité.
M. Pelletier : Le sénateur Joyal a raison. Le paragraphe 92(1) existait avant le rapatriement de la Constitution canadienne. L'équivalent fédéral, le paragraphe 91(1), permettait au Parlement du Canada de faire la même chose que les provinces. Le paragraphe 92(1) accordait aux provinces le pouvoir de modifier leur constitution provinciale de façon unilatérale, tout comme le paragraphe 91(1) permettait au Parlement fédéral de modifier la constitution interne.
Si une modification n'était pas visée par le paragraphe 92(1) ou le paragraphe 91(1), alors elle devait être faite par le Parlement de Westminster. Le fait que le Québec a aboli unilatéralement son conseil législatif est une indication qu'il était considéré comme faisant partie de la constitution interne du Québec. Il ne s'agissait pas seulement de la nomination du Président par le lieutenant-gouverneur. Il s'agissait de l'abolition complète du Sénat.
Le sénateur Joyal : Toute l'institution.
M. Pelletier : Exactement. On considérait qu'elle faisait partie de la constitution interne du Québec.
Je dis seulement qu'on pourrait faire valoir un tel point. On pourrait appliquer le même raisonnement pour l'élection du Président du Sénat du Canada. On pourrait dire que cela fait partie de la constitution fédérale interne. Si tel était le cas, alors aujourd'hui, après le rapatriement, elle serait visée par l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Comme je l'ai dit, ce changement aura probablement une incidence sur le rôle du gouverneur général. Il est aussi probable que les modifications proposées soient visées par le paragraphe 41(8) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Je crois qu'il était de mon devoir de vous faire part de cet argument de poids. Il pourrait être avancé par quiconque ne serait pas d'accord avec l'application de l'alinéa 41a) à la situation actuelle.
Le sénateur Joyal : Je vous rappelle que lorsque le Québec a décidé d'abolir le conseil législatif en 1968, ce n'était pas la première fois qu'on utilisait ce pouvoir en vertu de la Constitution canadienne.
Le Nouveau-Brunswick a aboli son conseil législatif avant le Québec. En vertu du paragraphe 92(1), les provinces ont toujours eu le pouvoir de prendre les décisions relatives à leur constitution interne, mais le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir d'abolir son conseil législatif, c'est-à-dire le Sénat. La Cour suprême a été très claire là-dessus. Elle a décidé à l'unanimité que le gouvernement fédéral n'avait pas le pouvoir d'abolir son Sénat comme les provinces avaient le pouvoir d'abolir leur conseil législatif. On ne peut pas établir un parallèle clair entre les deux.
[Français]
Comme on dit en droit : « l'accessoire suit le principal ». Si le principal, c'est l'abolition du Conseil législatif, les pouvoirs du lieutenant-gouverneur qui sont reliés à l'existence du Conseil législatif tombent également.
Je ne crois pas que l'on puisse se fonder sur les pouvoirs du lieutenant-gouverneur de nommer le président du Conseil législatif et utiliser cela comme étant un précédent que l'on pourrait parallèlement adopter au sein de notre institution qu'est le Sénat. Le Sénat est une institution fédérale, et vous l'avez vous-même plaidé dans d'autres circonstances. Par conséquent, il ne revient pas au Parlement de déterminer à lui seul les dispositions du Sénat qui sont précisées dans la Loi constitutionnelle de 1867.
[Traduction]
M. Pelletier : C'est une grande question, monsieur le président; permettez-moi donc d'y répondre avec précision. Dans mon exposé, j'ai parlé de la différence entre le conseil législatif du Québec et le Sénat du Canada.
Dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, la Cour suprême du Canada a fait valoir que les caractéristiques essentielles du Sénat canadien avaient trait aux intérêts des provinces. Par conséquent, ces caractéristiques essentielles ne pouvaient pas être changées de façon unilatérale par le Parlement du Canada.
Comme l'a fait valoir la Cour suprême, pour modifier ces caractéristiques ou le rôle fondamental du Sénat, il faut appliquer la formule du 7/50 et même la formule de l'unanimité pour abolir le Sénat.
La question est la suivante : est-ce que l'élection du Président du Sénat fait partie des caractéristiques essentielles du Sénat? Ma réponse est non. Elle fait certainement partie des caractéristiques essentielles du Président du Sénat, comme l'a dit ma collègue, Mme Glover, il y a quelques minutes. Je ne crois pas qu'elle fasse partie des caractéristiques essentielles du Sénat en tant qu'institution, en ce sens que l'élection du Président du Sénat n'est pas liée aux intérêts des provinces.
C'est pourquoi j'en suis venu à la conclusion que l'article 38 ne s'appliquerait pas à la situation actuelle. Si l'élection du Président n'a pas d'incidence sur les intérêts des provinces, alors on pourrait faire valoir qu'elle fait partie de la constitution interne du Parlement fédéral, d'où ma comparaison entre le conseil législatif du Québec et le Sénat du Canada.
En conclusion, je conviens qu'il y a une grande différence entre le conseil législatif du Québec et le Sénat du Canada. Le conseil législatif du Québec ne vise que les intérêts du Québec tandis que le Sénat du Canada vise les intérêts du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.
Les intérêts des provinces ne sont pas en cause lorsqu'il s'agit de l'élection du Président du Sénat. Cela ne changerait pas la vocation, la mission ou le rôle du Sénat. Tout ce qui changerait, c'est la façon dont le Président est nommé. C'est pour cette raison que je me suis permis d'établir un parallèle entre les deux institutions.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais en revenir à l'esprit des objectifs que l'on vise dans le cadre des travaux de ce comité, soit de moderniser le Sénat sans trop toucher à la Loi constitutionnelle de 1867.
Par ailleurs, je comprends que le projet de loi à l'étude vise à modifier la Loi constitutionnelle de 1867 afin d'élire le Président du Sénat. Selon vous, pensez-vous qu'il serait possible de trouver une formulation pour modifier la Loi du Parlement du Canada afin d'élire le Président sans toucher à l'architecture de la Loi constitutionnelle de 1867 et sans toucher aux pouvoirs du gouverneur général, lequel pourrait conserver son pouvoir de nomination et exercer un veto si la personne choisie ne lui convient pas?
En d'autres mots, est-ce qu'il existe un moyen d'accommoder les objectifs que l'on vise dans cette Chambre en ce qui a trait au choix de notre Président, tout en respectant l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867?
[Traduction]
Mme Glover : Je comprends tout à fait votre préoccupation au sujet des difficultés émanant de la conclusion que la partie V s'applique. Votre question est la suivante : que pouvons-nous faire à la lumière de l'objectif du comité? Je vais vous parler des façons de contourner ou de ne pas déclencher la partie V.
Les tribunaux n'ont pas exprimé clairement ce qui déclencherait la procédure de modification. Nous savons avec certitude que les propositions législatives déclencheront la partie V si elles constituent des modifications à la Constitution du Canada. C'est vrai si ces propositions modifient le texte ou l'architecture de la Constitution.
Nous ne savons pas si d'autres propositions ou changements de règles informels comme ceux proposés par le comité pourraient vraiment déclencher la partie V. L'interprétation et la conception de la partie V ne visaient pas à cristalliser la Constitution de manière à ce qu'il soit presque impossible de la changer.
La Constitution change de nombreuses façons. La partie V ne vise pas tout et n'a pas été rédigée à cette fin; il y a donc place à une certaine souplesse en ce qui a trait aux modifications étudiées par le Sénat.
Il faut toutefois faire attention à un point, soulevé par le professeur Pelletier. Certains des changements de règles envisagés par le Sénat, bien qu'ils ne déclenchent pas la partie V, pourraient tout de même enfreindre la Constitution d'une certaine façon.
Par exemple, si l'on changeait la règle afin que le Sénat reconnaisse uniquement le Président qu'il a élu — ce qui revient essentiellement à dire que le Sénat élirait son propre Président, sans égard à la nomination faite par le gouverneur général —, on ne modifierait pas le pouvoir de nomination du gouverneur général. Toutefois, on enfreindrait tout de même la Constitution parce qu'elle prévoit que le gouverneur général nomme le Président et l'habilite à le faire.
Le comité doit considérer deux choses. La partie V serait-elle touchée par un projet de loi ou une modification de règle? Par ailleurs, il faut se demander si notre proposition visant à modifier les règles s'écarte d'une certaine manière de la Constitution. Même si une mesure ne touche pas la partie V, elle doit tout de même se conformer à ce que dit la Constitution au sujet de la présidence.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Actuellement, c'est toujours le gouverneur général qui procède à la nomination, mais sous la recommandation du premier ministre. Or, cela n'est pas non plus écrit dans la Loi constitutionnelle de 1867; il s'agit d'une convention.
[Traduction]
Mme Glover : Tout à fait, c'est une convention de la Constitution. Cela ne fait aucun doute. On propose entre autres de modifier les règles pour que le Sénat recommande quelqu'un au premier ministre, aux fins d'examen. On pourrait facilement faire valoir que rien n'empêche le Sénat de faire des suggestions au premier ministre pour l'aider à prendre des décisions. Le premier ministre en tiendrait ensuite compte dans sa recommandation au gouverneur général. La partie V ne serait pas concernée.
[Français]
M. Pelletier : Je vais me permettre de diviser votre question en deux. Il y a les changements qu'on souhaite apporter à l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le vote. À mon avis, ces changements peuvent être apportés unilatéralement par le Parlement du Canada.
Il y a aussi les changements qu'on souhaite apporter à l'article 34 concernant l'élection du Président et du Président intérimaire. À mon avis, on peut élire le Président intérimaire unilatéralement. Toutefois, il est loin d'être clair qu'on puisse élire le Président unilatéralement, puisqu'il est tout à fait possible qu'il y ait application de la procédure de modification fonctionnelle de l'unanimité.
C'est ironique. Il y a très peu de dispositions constitutionnelles où on indique « par instrument sous le grand sceau du Canada ». Je pense qu'on n'en retrouve que quatre dans la Loi constitutionnelle de 1867.
[Traduction]
Nous sommes très près d'influer sur le rôle du gouverneur général étant donné qu'on insiste à dire « par instrument sous le grand sceau du Canada ».
[Français]
On parle beaucoup, dans la Loi constitutionnelle de 1867, du gouverneur général, on parle du gouverneur général en conseil. Or, on ne retrouve que quatre endroits où on dit « sous le grand sceau du Canada ». Encore là, je vais vous donner des exemples. On l'applique pour la nomination des lieutenants-gouverneurs, et aussi, de mémoire, pour la nomination des sénateurs. Alors, on parle vraiment de pouvoirs très proches de ce qu'on peut considérer comme étant la fonction première du gouverneur général.
Si votre question était de savoir s'il y a une façon de contourner une modification à l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 en passant par une modification à la Loi sur le Parlement du Canada, la réponse est non.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Je m'aventure sur un terrain que je ne connais pas très bien, mais j'ai deux questions.
Premièrement, étant donné qu'il s'agit d'une convention, le Sénat peut-il contourner le premier ministre en présentant directement au gouverneur général sa recommandation de candidat à la présidence?
Deuxièmement, comme le premier ministre a brisé la convention en créant un comité consultatif, ce qui revient à modifier la convention en matière de nominations, quel mal y aurait-il à changer la convention?
Mme Glover : À propos de la convention, les conventions constitutionnelles sont considérées comme des règles et des normes de la Constitution qui n'entrent pas dans le contexte juridique. Ces normes et ces règles politiques de la Constitution ne sont pas appliquées par les tribunaux, car elles sont plutôt l'apanage de la sphère politique.
Dans ce contexte, lorsqu'une convention est brisée ou modifiée, ce n'est donc techniquement pas une chose que les tribunaux cherchent à faire respecter. Cela relève plutôt du monde politique.
M. Pelletier : Pour ce qui est de savoir s'il est possible de donner les noms directement au gouverneur général, la réponse est oui, le Sénat peut procéder ainsi. Est-ce souhaitable? Je crois que non, car le gouverneur général pourrait recevoir des recommandations du Sénat et d'autres recommandations du premier ministre. Il aurait donc à choisir entre les deux.
Il existe une convention constitutionnelle de longue date qui ne figure pas dans la Constitution canadienne. Les conventions constitutionnelles sont modifiées par les politiciens, et je ne peux donc pas dire que c'est impossible.
Dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, qui portait en partie sur la question de pourvoir les postes vacants au Sénat, la Cour suprême du Canada dit ceci au paragraphe 50 :
En pratique, lorsqu'il comble les vacances au Sénat, une convention constitutionnelle oblige le gouverneur général à suivre les recommandations du premier ministre du Canada
La sénatrice Stewart Olsen : Autrement dit, la Cour suprême s'est risquée à modifier ou à soutenir la convention?
M. Pelletier : Non, elle l'a confirmée.
La sénatrice Stewart Olsen : Cela ne veut pas dire grand-chose si nous disons que la convention ne s'applique pas. Je me contente de le souligner.
M. Pelletier : Vous avez raison. Toutefois, la cour se prononce très clairement en faveur de la convention actuelle.
La sénatrice Stewart Olsen : Oui.
M. Pelletier : En passant, on dit la même chose au paragraphe 51 du renvoi.
La convention actuelle est claire. Les politiciens pourraient-ils la changer à l'avenir? La réponse est oui, mais le gouverneur général se retrouverait dans une situation très délicate, celle que je viens tout juste de décrire.
La sénatrice Stewart Olsen : C'est bon.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci à vous deux d'être parmi nous. Le sujet est très intéressant. J'ai une question technique, et une question plus large.
Professeur Pelletier, dans votre document, au paragraphe 6, vous parlez précisément de ce conflit potentiel. Si nos recommandations sont données directement au gouverneur général, cela le met dans une position un peu délicate. La solution serait donc de remettre les cinq nominations directement au premier ministre.
M. Pelletier : Oui.
Le sénateur Massicotte : Cela ne pose aucune difficulté?
M. Pelletier : Je crois que la recommandation no 6 du rapport d'octobre 2016 du Sénat est tout à fait réalisable sans modification constitutionnelle. Étant donné les risques, si l'article 41 s'applique, la règle de l'unanimité s'applique, et cela me semble être une mesure prudente.
Le sénateur Massicotte : Au paragraphe 7, vous dites ce qui suit, quant à l'élection du Président.
[Traduction]
Vous avez dit que cela nuirait aux démarches du gouverneur général et qu'une sanction royale serait donc nécessaire.
[Français]
Vous y avez fait référence plus tôt. Pour la gouverne du comité, que veut dire la « sanction royale »? On entend par là l'approbation du ministre. Toutefois, ce dernier n'a pas l'autorité de signer sans obtenir une autre approbation, n'est-ce pas?
M. Pelletier : C'est clair. En réalité, il s'agit de l'autorisation du premier ministre. Cela confirme l'autorité que le gouvernement a voulu conserver sur ce qui concernait la monarchie en 1867. Très nettement, le gouvernement a voulu avoir le dernier mot, à toute époque pertinente, par rapport à ce qui était susceptible de toucher, de près ou de loin, la monarchie, sous réserve du fait que des changements constitutionnels puissent être apportés par le Parlement britannique. Il n'en reste pas moins que le gouvernement du Canada a voulu garder le haut du pavé sur ces questions.
[Traduction]
Le sénateur Massicotte : Madame Glover, vous n'arrivez pas aux mêmes conclusions que votre collègue, M. Pelletier. Pourriez-vous résumer pour les profanes en quoi vos conclusions diffèrent? Je sais que c'est fondamentalement une question de jugement, mais pourriez-vous résumer ce qui distingue vos deux points de vue pour que nous sachions exactement en quoi ils diffèrent?
Mme Glover : Nous semblons être sur la même longueur d'onde en ce qui a trait au rôle du gouverneur général et à la probabilité de recourir au principe de l'unanimité ou à la procédure de consentement unanime pour modifier le pouvoir de nomination du gouverneur général.
C'est à propos de l'article 2 du projet de loi et de la modification du droit de vote que nous ne sommes pas d'accord. M. Pelletier a laissé entendre qu'il est possible que ce soit mis en œuvre au moyen de la procédure unilatérale. Pour ma part, je pense qu'un consentement multilatéral est nécessaire.
Nous ne voyons pas l'analyse de la même façon. Je regarde l'ensemble de réformes constitutionnelles prévues dans le projet de loi, qui visent par exemple à ce que le nouveau Président soit élu et à ce qu'il dispose d'un droit vote différent. Je dis que cet ensemble de réformes confère essentiellement un nouveau rôle au Président, qui diffère du statu quo constitutionnel.
Je suis d'accord avec M. Pelletier. Il n'est pas nécessairement question de la nature et du rôle fondamentaux du Sénat en tant qu'institution. Dans le Renvoi relatif à la réforme du Sénat, la Cour suprême ne se contente pas de parler de la différence entre le pouvoir unilatéral et le pouvoir multilatéral ou de la nature et du rôle fondamentaux du Sénat. Le principe de base renvoie à toute modification qui fait intervenir le principe fédéral ou qui touche les intérêts provinciaux.
Quand il est question de modifier la nature d'un rôle protégé par la Constitution et imaginé par elle dans son fondement, surtout dans nos corps législatifs, cette modification concerne les intérêts provinciaux, touche le principe fédéral et ne peut donc pas être mise en œuvre au moyen d'une mesure unilatérale.
Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, vous convenez tous les deux que la nomination du Président par le Sénat représenterait un changement constitutionnel. Certains changements constitutionnels ne nécessitent que l'approbation de provinces ou d'assemblées législatives, mais dans ce cas-ci, l'approbation des provinces et d'au moins 51 p. 100 de la population canadienne serait nécessaire. Vous êtes tous les deux d'accord.
Mme Glover : Il faut que ce soit approuvé à l'unanimité, oui.
M. Pelletier : Nous avons tous les deux dit que c'était possible. Nous avons employé le même terme.
Le sénateur Massicotte : Sans parler du droit de vote, la première partie, qui concerne la présidence, doit être approuvée à l'unanimité par toutes les provinces.
M. Pelletier : C'est possible.
Mme Glover : Oui.
M. Pelletier : Si vous le permettez, monsieur le président, je vais ajouter que l'approche de ma collègue est conforme au renvoi sur le Sénat. Dans ce renvoi, la Cour suprême du Canada examine le Sénat dans son ensemble, littéralement. De plus, comme l'a dit le sénateur Joyal, la cour a également considéré comme un tout l'architecture de la Constitution canadienne.
Dans mon analyse, sans ignorer cet aspect, je me suis penché sur les moyens de moderniser unilatéralement le Sénat sans toucher directement les intérêts des provinces. Il ne faut pas changer la règle voulant que les décisions soient prises par la majorité des sénateurs, mais plutôt la façon de faire le calcul, ce qui évite d'aller à l'encontre des intérêts des provinces. S'il existe un moyen de moderniser unilatéralement le Sénat, c'est peut-être celui-là.
[Français]
La sénatrice Tardif : Merci de votre présence ici aujourd'hui. Tous les deux, vous avez exprimé très clairement le fait que le projet de loi S-213 modifie la nature et le rôle du gouverneur général et déclenche la partie V de la Constitution. Mme Glover, vous avez indiqué qu'il n'y a pas nécessairement de clarté. Il y a clarté d'interprétation, mais la partie V n'est pas cristallisée, c'est-à-dire qu'il y a toujours des nuances dans l'interprétation de cette partie.
Serait-il préférable pour le Sénat de transmettre la question à la Cour suprême du Canada avant de commencer à faire des changements? Serait-il bon d'attendre une décision de sa part avant d'aller plus loin?
M. Pelletier : D'après moi, oui, car je crois à la modernisation du Sénat et je crois qu'un renvoi permettrait de mieux saisir les tenants et les aboutissants ou les paramètres d'une telle modernisation. Alors, dans ce contexte, je suis plutôt favorable à un renvoi, même si les questions constitutionnelles sont toujours très controversées. Il n'en reste pas moins que les risques que des décisions soient prises par le Sénat alors que la Constitution n'est pas respectée sont grands, parce qu'ils entraînent des conséquences sur la qualité même des décisions qui sont prises, sinon même sur leur constitutionnalité. Alors, dans ce contexte, je suis en faveur d'un renvoi.
[Traduction]
Mme Glover : Je reconnais qu'un renvoi a l'avantage d'apporter d'entrée de jeu une plus grande certitude avant que des décisions définitives soient rendues ou que des mesures concrètes soient prises. Nous avons déjà pas mal de balises attribuables au Renvoi relatif à la réforme du Sénat et au renvoi de la Cour suprême concernant l'interprétation de la partie V.
Un renvoi peut offrir d'entrée de jeu une plus grande certitude et une analyse juridique, mais nous voulons faire preuve d'une certaine prudence en demandant toujours des réponses à la Cour suprême chaque fois que nous envisageons une sorte de changement constitutionnel. Nous pouvons obtenir des réponses claires dans les textes constitutionnels et les interprétations de la jurisprudence. Nous ne devrions demander l'avis de la Cour suprême que lorsque nous ne savons vraiment pas à quoi nous en tenir.
La sénatrice Tardif : Je ne pense pas que nous soyons certains de quoi que ce soit aujourd'hui.
Mme Glover : Je comprends.
M. Pelletier : S'il y avait un renvoi, il pourrait aborder beaucoup plus de questions que celles dont nous sommes maintenant saisis.
La sénatrice Tardif : Je comprends.
[Français]
Le sénateur Pratte : J'aimerais poursuivre dans ce même ordre d'idées. Comme je ne suis pas avocat, malgré les souhaits de mon père, je vais vous poser une question plus politique.
Compte tenu de ce qui a été dit jusqu'à présent, ne devrait-on pas plutôt s'en tenir au mandat du comité qui était de proposer des changements qui ne sont pas de nature constitutionnelle? Il y a des changements qui ont été proposés par le comité jusqu'à présent, et on a deux avis qui concordent avec le point selon lequel il y aurait une forte chance que le changement proposé par le projet de loi S-213 requiert l'unanimité, ce qui n'est pas sans importance. Ne devrait-on pas toucher à cette question, comme on dit, avec une perche de 10 pieds et tout simplement s'en tenir loin ou s'en tenir à des changements qui ne sont pas constitutionnels? Monsieur Pelletier, vous êtes juriste, mais vous avez aussi une bonne expérience politique.
M. Pelletier : J'ai compris que c'était sur une base politique que vous vouliez aborder la question. Je dois vous dire que j'ai été très impressionné par le rapport du Comité sur la modernisation. Il y a là plusieurs avenues qui sont tout à fait intéressantes et qui méritent d'être explorées davantage par cette institution, y compris la recommandation no 6 qui, pour le moment, règle la question.
Toutefois, je garde toujours en tête le fait que j'aimerais qu'un jour les sénateurs puissent élire leur propre Président ou Présidente. Pour moi, il s'agit d'une aspiration extrêmement légitime, mais pour le moment, il est plus prudent, à défaut d'un renvoi — s'il n'est pas opportun ou souhaité par le gouvernement, puisque c'est lui qui soumet les renvois —, de s'en tenir à cette recommandation qui permet d'accomplir un certain nombre de choses sans qu'il faille procéder par une modification constitutionnelle formelle, y compris la possibilité d'élire les candidats dont vous suggérerez les noms au premier ministre. Cela veut dire que ces candidats auront au départ une légitimité institutionnelle, et il serait très difficile à un premier ministre d'ignorer une telle légitimité institutionnelle dans le choix qu'il fera par la suite, d'un sénateur ou d'une sénatrice. Alors, ce pourrait être une façon de progresser qui serait intéressante.
Le sénateur Pratte : Si la cour nous dit que telle formule d'amendement s'applique, disons à l'unanimité, on n'est pas tellement plus avancé. On se retrouve dans la même situation, c'est-à-dire que pour apporter un changement constitutionnel, il faut l'unanimité.
M. Pelletier : Oui, dans la mesure où ce serait la seule question qui serait posée. J'avais en tête plusieurs questions concernant la possibilité de moderniser davantage le Sénat, ne serait-ce que sur la question du vote. Vous formulez deux opinions contradictoires en ce qui concerne l'article 2 du projet de loi. Ma collègue est d'avis que c'est la procédure 7/50 qui s'applique, et moi je crois que c'est unilatéral, ne serait-ce que sur cette question-là. Plus vous allez progresser dans vos interrogations, plus il y aura des questions difficiles à résoudre. J'avoue que le rapport du comité m'a beaucoup plu lorsqu'il a été rendu public.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : La dernière heure a été très intéressante. Madame Glover, vous avez fait allusion au fait qu'il est possible que l'élection d'un sénateur à la présidence mette en place une culture qui consiste à changer le rôle du Président et à accroître ses pouvoirs administratifs ou son influence au Sénat. Ce serait bien pour le Président, mais pas pour les sénateurs.
Je veux entrer dans le vif du sujet. La seule personne élue qui participe à ce processus est le premier ministre. Il me semble que nous devrions, en tant que sénateurs, nous battre pour que la personne élue demeure responsable du fonctionnement du Sénat.
Nous avons tous été nommés et nous parlons d'élire quelqu'un et d'en faire part à une autre personne qui a elle aussi été nommée, ce qui me semble étrange. Si le premier ministre souhaite vraiment réformer le Sénat, ne serait-il pas plus simple pour lui de dire aux sénateurs qu'il suivra leurs conseils au sujet de la présidence.
On ne parle pas d'abandonner le pouvoir de nomination du premier ministre, mais de donner au Sénat le droit de formuler des recommandations. Les sénateurs feraient donc une recommandation au gouverneur général; c'est d'ailleurs ce que je pensais que le premier ministre allait faire. Il serait ainsi plus facile de se sortir de cette situation plutôt que de soumettre cinq nominations.
Mme Glover : Je ne peux pas dire s'il est souhaitable d'élire...
Le sénateur Tkachuk : Non, mais je peux le faire.
Mme Glover : En effet. Je m'en remets à vous.
Pensons à ce que le premier ministre peut faire. Sur le plan constitutionnel, rien ne semble nécessairement empêcher le Sénat de recommander au premier ministre un candidat ou une liste de candidats à la présidence aux fins d'examen.
Le premier ministre détient alors le pouvoir décisionnel de recommander une nomination au gouverneur général, ce qui renvoie encore une fois à la question délicate d'obtenir une orientation claire de la part des tribunaux quant à savoir si la Constitution serait modifiée dans l'éventualité où le premier ministre déclarerait qu'il est tenu de respecter un certain point de vue. Dans l'éventualité où une loi qui prévoit que le premier ministre doit toujours accepter la recommandation du Sénat était adoptée, nous devrions nous demander si cela donnerait lieu à des formules de modifications constitutionnelles. S'agirait-il d'une modification de la Constitution?
Si le premier ministre accepte la recommandation du Sénat et estime, à l'avenir, que nous n'avons rien qui indique clairement que ce n'est pas une modification constitutionnelle, il est probable que cette décision rendue par un premier ministre ne soit pas contradictoire ou ne donne pas lieu à une formule de modification.
Le sénateur Tkachuk : Il me semble que si le premier ministre procédait ainsi et que le Sénat élisait le Président, il reviendrait au premier ministre de trancher. Si le premier ministre est d'accord, je ne pense pas qu'il faudrait mettre quoi que ce soit par écrit. Aucune loi ne serait nécessaire. Cela deviendrait une coutume. Il s'agirait ensuite d'une décision politique, comme ce devrait être le cas. La décision devrait revenir aux électeurs, pas à nous ou aux tribunaux.
Si les électeurs ne sont pas d'accord, ils peuvent faire tomber le gouvernement et le premier ministre devrait alors se demander s'il doit maintenir la pratique ou assumer les conséquences politiques de ne pas continuer dans cette voie. Au moins, il ne reviendrait plus aux tribunaux de trancher, ce qui serait une très bonne chose, et pas plus à nous, ce qui serait une autre bonne chose.
C'est ce que je propose. Je suis conservateur. Je n'aime pas beaucoup le changement, mais le Sénat semble vouloir changer. J'essaie de trouver une manière de se sortir d'une situation très difficile.
M. Pelletier : C'est effectivement un aspect très politique de la question pour lequel je ne vous blâme pas, en passant.
Supposons que le Sénat va de l'avant avec la recommandation no 6 et soumet au premier ministre trois, quatre ou cinq candidats qui pourraient être nommés par le gouverneur général. Disons que le premier ministre s'engage personnellement à respecter les propositions qui émanent du Sénat. Ce serait un beau geste de sa part de dire que si vous proposez trois, quatre ou cinq noms, il respectera au moins votre point de vue.
Ce genre d'engagement politique est possible. Ce serait pour le Sénat un très bon signal du premier ministre dans le cadre de son initiative qui consiste à moderniser l'institution.
La sénatrice Lankin : C'est une déclaration importante. Mis à part ce qu'il a dit à propos d'être conservateur et de ne pas aimer le changement, je suis assez d'accord avec le sénateur Tkachuk. À vrai dire, je conviens qu'il est conservateur et qu'il n'aime pas le changement, mais cela ne s'applique pas à moi.
Je reviens à la question de la convention pour m'assurer de bien comprendre à quel point elle est importante dans le processus décisionnel et pour comprendre quelle est la pratique.
La sénatrice Stewart Olsen a dit que le premier ministre a changé la convention relative à la nomination des sénateurs. Je ne pense pas que ce soit le cas. Il soumet des noms au gouverneur général, qui se charge de la nomination. C'est la convention.
Quant à savoir où il obtient les noms, que ce soit auprès d'un collègue de longue date qui lui chuchote à l'oreille, en se fiant à sa connaissance des gens, dans le cadre de conversations discrètes ou auprès d'un comité de recommandation, c'est une pratique qui a été mise en place.
Je ne sais pas s'il s'agit d'une convention, car je ne pourrais pas vous dire quelle était la convention que respectaient tous les autres premiers ministres pour obtenir des noms. Je pense que cela varie. C'était très différent pour diverses personnes à différents moments. Comment Paul Martin en est-il arrivé à nommer la sénatrice Nancy Ruth? C'est intéressant, mais ce n'est pas une convention.
Ce que le sénateur Tkachuk a décrit est une recommandation présentée au premier ministre par le Comité sur la modernisation. Si le premier ministre choisit de la respecter et qu'il a l'occasion de le faire après la prorogation et peut-être quelques fois pendant le mandat du gouvernement, s'agirait-il toujours d'une pratique? La convention serait-elle encore de recommander un nom au gouverneur général, qui nomme le Président, ou est-ce que cela finirait par faire l'objet d'une véritable convention après un certain temps? Est-ce facile de changer une convention? Cela pourrait être hautement politique, mais serait-il facile de modifier une convention à l'avenir si un autre premier ministre ne veut pas se servir des noms présentés par le comité consultatif ou le Sénat?
M. Pelletier : Cette question du respect d'une convention est très complexe même si elle paraît simple au premier coup d'œil. Dans le renvoi sur la réforme du Sénat, l'un des scénarios envisagés par la Cour suprême voulait que les sénateurs soient élus pour être ensuite recommandés par le premier ministre aux fins d'une nomination par le gouverneur général. La convention serait ainsi respectée, mais les sénateurs seraient tout de même d'abord élus.
La Cour suprême a jugé cette option inacceptable, car elle modifierait le mandat ou le rôle du Sénat. Le Sénat cesserait ainsi d'être une assemblée dont les membres sont nommés pour devenir une Chambre élue.
Il n'y a aucun problème tant et aussi longtemps que l'on respecte la convention de manière à ne pas modifier le rôle fondamental du Sénat et l'architecture constitutionnelle du Canada. Il a été question tout à l'heure de la possibilité que le Sénat propose des noms en sachant que le premier ministre s'est engagé à respecter les propositions qui lui sont ainsi faites. Cette façon de faire ne change pas la vocation essentielle du Sénat. Elle serait acceptable, mais il ne faut pas en conclure qu'il suffit que la convention soit respectée pour que n'importe quelle option devienne valable.
La sénatrice Lankin : Vous faites une distinction très importante. Nous devrons sans doute y revenir dans la poursuite de nos délibérations.
Il est aussi question de la façon dont nous aménageons les délibérations du Sénat, notamment quant à son rôle de second examen objectif. Il s'agit de savoir s'il convient de conserver une structure partisane avec l'apport d'une opposition officielle un peu comme cela se fait à la Chambre des communes. Notre Sénat a toujours mis en scène des représentants du gouvernement suivant une formule où quelqu'un propose quelque chose et se heurte à une opposition. C'est ce que nous essayons de déterminer. Est-ce que la modification de cette formule change de façon fondamentale notre vocation?
Notre comité cherche à voir s'il est possible de faire les choses différemment, mais aucune décision n'a encore été prise.
La sénatrice Stewart Olsen : J'invoque le Règlement. Tout cela est fort intéressant, mais nous sommes ici pour discuter du projet de loi. Nous devrions nous en tenir à ce qui était prévu de manière à pouvoir aller de l'avant. Comme vous le dites si bien, nous pourrions convoquer de nouveau ces deux témoins.
La sénatrice Lankin : Je pourrais me plier à votre requête, mais vous ne savez pas où je veux en venir. Si la chose vous intéresse, j'essayais de voir jusqu'où peut aller une convention, une question que vous avez-vous-même soulevée. Je vais toutefois en rester là pour l'instant, par simple courtoisie.
Le sénateur Gold : Merci pour cette excellente analyse constitutionnelle à la fois concise et très lumineuse. Tout cela m'a un peu donné la nostalgie d'une vie antérieure.
J'allais vous poser une question au sujet de l'aspect politique, mais nos échanges m'ont amené ailleurs. J'aimerais toutefois m'assurer que je suis encore capable de comprendre ce qu'est exactement une convention, car il semble régner un peu d'incertitude à ce sujet.
Il y a certaines choses que nous faisons et que nous pouvons qualifier d'usages, voire de coutumes. C'est différent d'une convention. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais je vois une convention constitutionnelle comme une règle devant présenter au moins deux caractéristiques. Une convention doit être mise en œuvre de manière uniforme et considérée comme étant d'application obligatoire. Voilà pour l'aspect normatif.
Nous pourrions adopter la recommandation 6 et le premier ministre pourrait décider de s'y conformer dès maintenant. Il pourrait fort bien annoncer qu'il choisira dorénavant les sénateurs à partir de cette liste de candidatures, et le faire pendant les semaines et les mois qui suivent sans que l'on puisse nécessairement en conclure qu'il s'agit d'une convention. Si celui ou celle qui lui succède poursuit dans la même veine pendant un certain temps, on pourrait prétendre que la pratique s'est cristallisée, et les tribunaux pourraient être appelés à trancher à ce sujet sans que leur jugement n'ait force exécutoire. Cependant, si un éventuel successeur décidait de faire fi de la convention et d'en revenir aux façons de faire antérieures pour récompenser ses amis par exemple, il enfreindrait tout simplement la convention. Il y aurait alors levée de boucliers.
Ce n'est pas plus compliqué que cela. Il n'y aurait pas d'autres conséquences. Si je comprends bien, un tribunal qui serait saisi de la question dirait que ce n'est pas son problème. Est-ce que c'est à peu près cela?
Si tel est le cas, nous ne devrions pas craindre d'établir de nouvelles conventions ou, oserai-je dire, de préconiser le respect de celles qui existent déjà. Nous devons accorder de l'importance aux conventions parce qu'une certaine sagesse en émane mais, cette considération mise à part, nous devons simplement être prêts à en assumer les conséquences. Est-ce que je fais fausse route?
Mme Glover : Pas du tout. Je reviens à une question posée précédemment ainsi qu'à la vôtre quant à savoir ce qu'est exactement une convention. Les tribunaux ont statué qu'une convention constitutionnelle est une création politique qui présente trois caractéristiques. Premièrement, elle s'appuie sur un précédent. Deuxièmement, elle doit être considérée comme normative ou obligatoire par les acteurs de la scène politique. Troisièmement, il y a une justification pour la règle ou la pratique visée.
La cour a établi ce critère dans le renvoi sur le rapatriement de la Constitution. En l'espèce, il a été déterminé qu'il existait une convention suivant laquelle le gouvernement fédéral doit toujours chercher à obtenir le consentement des provinces pour apporter un amendement constitutionnel d'importance. S'il est tout à fait vrai qu'il est possible pour les tribunaux de déterminer s'il y a une convention, ce sont tout de même les intervenants politiques qui appliquent cette convention au bout du compte.
Vous avez raison. Si un premier ministre devait décider un jour qu'il va choisir le Président du Sénat en utilisant une certaine méthode, rien ne permettrait de conclure à ce moment-là que cette façon de faire deviendra ou non une convention. Il faudrait un certain temps pour le déterminer.
Il est aussi bien vrai qu'un premier ministre pourrait enfreindre une convention et devoir assumer les conséquences qui pourraient varier en fonction de la réaction de la population et des autres intervenants de la scène politique. Il est alors difficile de déterminer s'il s'agit simplement d'une déviance ponctuelle qui n'empêcherait pas la convention de s'appliquer par ailleurs, ou si cela marquerait plutôt un changement complet d'orientation.
[Français]
La sénatrice Gagné : Je n'ai pas les mêmes expertises que mon collègue à ma gauche, le sénateur Gold. Il y a des éléments dans votre présentation, professeure Glover, que je n'ai pas saisis. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi les intérêts des provinces seraient affectés par le changement du rôle du Président. Je ne comprends pas exactement pourquoi leurs intérêts seraient affectés.
[Traduction]
Mme Glover : Je dis simplement que le projet de loi propose deux changements au rôle du Président du Sénat. Le Président serait désormais élu et ses droits de vote seraient modifiés.
On s'écarte ainsi de la façon dont la Constitution perçoit actuellement le rôle du Président. On modifie en fait les deux caractéristiques principales de son rôle tel que prescrit actuellement par la Constitution. C'est une transformation fondamentale par rapport à la perception actuelle de la fonction de Président qui est enchâssée dans la Constitution.
Nous pourrions soutenir que les questions relatives à la perception de la fonction de Président et à la nature de son rôle devraient être réglées à l'interne par le Sénat lui-même. Si l'on considère les différents rôles prévus dans la Constitution, et plus particulièrement les rôles importants de ceux qui exercent des pouvoirs au sein de nos institutions nationales, centrales et représentatives, on doit conclure que la nature fondamentale du rôle de ces acteurs constitutionnels au sein de ces grandes institutions a nécessairement des répercussions sur les intérêts des provinces.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J'ai une question concernant l'article 2 du projet de loi S-213, qui se propose de modifier l'article 36 portant sur le droit de vote du Président du Sénat. J'essaie de bien comprendre le projet de loi. Je n'ai pas assisté suffisamment aux séances du Sénat pour maîtriser complètement les règles. Si je comprends bien le projet de loi, à l'article 2, on veut changer la situation actuelle selon laquelle le Président a un droit de vote, comme chacun des sénateurs et, en cas d'égalité des voix, la proposition est considérée comme rejetée.
Est-ce que cela correspond à la situation actuelle? Ai-je bien compris?
M. Pelletier : Oui.
La sénatrice Dupuis : Ayant été nommée au Sénat le 15 novembre 2016, j'essaie de comprendre les règles un peu mieux chaque jour. Si on change le système pour adopter l'article 36, proposé ici à l'article 2 du projet de loi, le Président du Sénat aurait droit de vote uniquement s'il y a égalité des voix. Est-ce que cela ne change pas fondamentalement le rôle du Président par rapport aux autres sénateurs dans l'exercice du droit de vote?
M. Pelletier : Dans le renvoi relatif au Sénat, la Cour suprême du Canada dit que le Sénat devait être une Chambre indépendante, qui examine de façon sereine les projets de loi fédéraux; ce devait être une Chambre qui, en soi, est moins partisane que la Chambre des communes.
Je vous dirais que l'idée que les sénateurs élisent eux-mêmes leur Président ou leur Présidente et l'idée que le Président ou la Présidente ne soit pas engagé dans chaque vote vont dans le sens de l'indépendance de l'institution et du caractère moins partisan de l'institution. À tout événement, on permet au Président ou à la Présidente d'avoir un rôle moins partisan et de maintenir une distance accrue par rapport au gouvernement lui-même.
Je crois que cela va dans le sens des caractéristiques essentielles du Sénat. C'est la raison pour laquelle je ne partage pas l'avis de ma collègue par rapport à l'application ou non de la procédure 7/50. Je crois que la plupart des changements proposés ici n'affectent pas le mandat essentiel du Sénat. Au contraire, ils vont dans le sens de l'accomplissement de ce mandat.
[Traduction]
Mme Glover : Je conviens avec vous que les articles 1 et 2 du projet de loi proposent des changements fondamentaux en prévoyant que le Président du Sénat sera élu et que ses droits de vote seront modifiés. Je crois comme M. Pelletier que cette modernisation du rôle du Président ne modifie pas nécessairement la nature et le rôle fondamentaux du Sénat en tant qu'institution fédérale, mais qu'elle change la nature de la fonction de Président.
Le Président assume un rôle de premier plan assorti d'importants pouvoirs au sein du Sénat lui-même. Même si nous convenons que la nature et le rôle fondamentaux du Sénat dans son ensemble demeurent inchangés, nous devons nous intéresser à la modification du rôle du Président. C'est pour aller de l'avant avec ce changement qu'il faudra obtenir un consentement multilatéral.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J'ai une question complémentaire. On pourrait imaginer le projet de loi S-213 avec seulement l'article 1, sans ajouter l'article 2. Ainsi, le Président du Sénat devient élu, il est plus indépendant, et cela permet une certaine distance par rapport à l'exécutif. Mon commentaire touche l'article 1.
Quand je pose la question au sujet de l'article 2, l'exercice du droit de vote de chacun des sénateurs me semble être profondément changé si on adopte l'article 2 par rapport à la situation actuelle.
[Traduction]
Mme Glover : Je suis d'accord. C'était ma réponse.
[Français]
M. Pelletier : C'est quand même l'article 1 qui me semble plus problématique sur le plan constitutionnel. Je poserais la question de la façon suivante. Est-ce que le fait d'élire le Président intérimaire du Sénat changerait la nature fondamentale du Sénat? À mon avis, la réponse est non. J'en arrive donc à la même conclusion en ce qui concerne le Président ou la Présidente.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : J'aimerais apporter un éclaircissement quant au vote du Président. S'il y a une question qui intéresse de près le sénateur assumant la présidence et la région qu'il représente, l'usage a toujours voulu qu'il laisse son fauteuil pour reprendre son siège habituel au milieu de nous tous. Il peut alors intervenir au sujet de n'importe quel projet de loi pour faire connaître ses points de vue et ceux de la province ou du territoire qu'il représente.
Je ne pense pas que cette façon de faire changerait. On continuerait à agir de la sorte. Un Président qui veut participer au vote laisse le fauteuil au vice-président et se prononce à partir de son propre siège. Je crois que c'est un usage tout à fait fondamental qui existait bien avant que j'arrive au Sénat.
Le sénateur Joyal : Pour revenir à la question soulevée par la sénatrice Dupuis, j'aimerais faire valoir un autre point que j'estime très important. Il nous faut bien comprendre le rôle fondamental du Sénat. Le Sénat est la voix des régions. C'est la raison pour laquelle il est structuré de cette manière. Il est censé pouvoir trouver un équilibre entre les différents intérêts régionaux de telle sorte qu'une majorité ne prenne pas les décisions au détriment d'une minorité. C'est pour cela que le Sénat existe. Sans cela, comme le disait George Brown, l'un des Pères de la Confédération, on ne s'entendrait pas sur la pertinence d'une Chambre dont les membres sont nommés et il n'y aurait pas de Confédération.
D'après le libellé actuel de l'article 36, la décision est considérée comme rendue dans la négative lorsqu'il y a égalité des voix. Ainsi, une région ne peut pas imposer son point de vue aux autres. En accordant un vote additionnel en cas d'égalité comme le fait le projet de loi, on touche un aspect vraiment fondamental de la structure du Sénat. C'est la raison pour laquelle la formule 7/50 prévue à la partie V devrait s'appliquer.
Rappelons-nous de l'égalité des votes au sujet de l'avortement en 1992. S'il n'y a pas de loi sur l'avortement au Canada, c'est parce qu'il y a eu égalité des voix au Sénat. Imaginez ce qui se passerait si le Président avait un vote prépondérant en pareil cas. Une seule personne devrait décider si le Sénat consent à ce que le projet de loi soit adopté par la Couronne.
Cet article est fondamental parce qu'il se rapporte à la structure même du Sénat. L'article 2 du projet de loi propose un changement constitutionnel majeur en ce sens qu'il modifierait la structure du Sénat et la manière dont il exerce ses pouvoirs.
[Français]
M. Pelletier : En fait, lorsque le Président vote, il sait aussi que la décision, dans certains cas, penchera vers la négative. Il prend alors une position qui sera déterminante par rapport à l'issue du vote et en ce qui a trait au rapport de force entre les différentes régions. Ce n'est pas comme si le vote du Président était neutre; en cas d'égalité, c'est interprété négativement. Je demeure persuadé que le fait que le Président puisse exercer son vote en cas d'égalité ne change pas la nature fondamentale du Sénat. Il faudrait voir quelles sont les interprétations historiques qui ont mené à l'adoption de cette disposition pour vraiment faire la lumière sur cette situation.
[Traduction]
Mme Glover : J'ajouterais que tout cela cadre avec les principes généraux énoncés à la partie V. Cela va dans le sens du respect des principes directeurs de la partie V et de la distinction établie entre les situations où des pouvoirs unilatéraux devraient s'exercer et celles où une dose de multilatéralisme est requise.
Une certaine forme de consentement mutuel serait donc requise lorsqu'il est question d'un changement aussi fondamental qui influe sur les modes de fonctionnement de l'une de nos institutions constitutionnelles.
Il ne faut pas que les pouvoirs unilatéraux d'amendement soient la règle générale et le multilatéralisme l'exception. Il convient plutôt que le principe 7/50 soit la règle générale et que tout le reste soit l'exception.
M. Pelletier : Tout dépend du sens que l'on peut donner à cette disposition d'un point de vue historique. S'il peut être établi que cela faisait partie du compromis qui a mené à la fédération et que cela avait un rôle bien particulier à jouer, c'est un bon point en faveur de votre argumentation. Dans le cas contraire, rien ne devrait nous empêcher de modifier cette disposition.
Le sénateur Massicotte : Si la sénatrice Stewart Olsen veut bien me le permettre, j'aimerais poser une question à nos deux experts concernant notre rapport d'octobre 2106 où nous recommandions que cinq candidatures soient soumises au premier ministre. Qu'advient-il si seulement deux candidatures sont proposées?
M. Pelletier : Le premier ministre a toujours l'option de ne pas nommer les candidats proposés. Plus le nombre de candidatures soumises est réduit, plus grands sont les risques que le premier ministre nomme quelqu'un d'autre.
Vous avez proposé cinq candidatures et j'ai entendu à un autre moment qu'il ne pourrait y en avoir que trois, mais ce serait vraiment le minimum. Je ne vois pas comment on pourrait soumettre moins de trois candidatures au premier ministre.
Mme Glover : Je ne pense pas que les chiffres ont nécessairement de l'importance.
Le sénateur Massicotte : S'il y avait seulement une candidature?
Mme Glover : Dans les règles qui établissent le fonctionnement du Sénat, rien ne l'empêche de recommander des candidats au premier ministre. Celui-ci n'est pas nécessairement tenu de donner suite à une telle recommandation, mais le simple fait pour le Sénat de s'exprimer relativement à la décision que le premier ministre doit prendre ne va pas clairement à l'encontre des procédures d'amendement ou de toute autre disposition de la Constitution.
Le sénateur Massicotte : Tout cela malgré le fait que le tribunal s'est prononcé contre l'élection des sénateurs parce qu'il y aurait en pareil cas un seul candidat en lice? Les juges ont indiqué que cela changeait la nature fondamentale du Sénat. Vous affirmez tout de même sans crainte que tout ce qui a été refusé à ce moment-là pourrait être accepté dans le cas qui nous intéresse.
M. Pelletier : Peu importe que l'on propose une, deux ou trois candidatures, il est certain que le Sénat va ressentir une grande humiliation si le premier ministre ne respecte pas ses choix. Tout l'exercice vise à faire en sorte que le Sénat soit mieux respecté. D'après moi, vous devez vous laisser une certaine marge de manœuvre de telle sorte que le premier ministre puisse accepter l'une de vos recommandations.
Mme Glover : Il y a aussi des distinctions à faire entre la proposition examinée dans le renvoi en question et ce qui est envisagé ici.
Le sénateur Massicotte : Oui.
Le président : Avant de lever la séance, je veux rappeler à mes collègues sénateurs que nous étions conscients des répercussions en matière de constitutionnalité et du fait que nous n'étions pas censés aborder ces questions dans le cadre de notre mandat de modernisation. Nous avons toutefois jugé important de tenir cette séance du fait que le sénateur Mercer avait présenté ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous avons procédé de cette manière.
Madame, monsieur, merci beaucoup pour vos excellents témoignages.
(La séance est levée.)