Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la
Modernisation du Sénat
Fascicule n° 17 - Témoignages du 25 avril 2018
OTTAWA, le mercredi 25 avril 2018
Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat se réunit aujourd’hui, à 12 h 3, pour examiner les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel.
Le sénateur Stephen Greene (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Aujourd’hui, nous allons poursuivre notre examen des méthodes qui permettraient de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel. J’ai le plaisir d’accueillir la sénatrice Deacon ici aujourd’hui; elle remplace le sénateur Dean. J’ai aussi le plaisir d’accueillir l’honorable sénateur Yuen Pau Woo, cordonnateur pour le groupe des sénateurs indépendants, qui est notre témoin aujourd’hui. Le sénateur Woo est ici à l’invitation du comité pour répondre à la question suivante : est-ce que les lois applicables, les règles procédurales et administratives et les politiques du Sénat reflètent adéquatement la nouvelle réalité du Sénat?
Sans plus attendre, sénateur Woo.
L’honorable Yuen Pau Woo, cordonnateur, Groupe des sénateurs indépendants : Merci, honorables sénateurs, de m’avoir invité à comparaître devant votre comité. Comme le président vient de le dire, on m’a demandé de répondre à la question suivante : est-ce que les lois applicables, les règles procédurales et administratives et les politiques du Sénat reflètent la nouvelle réalité du Sénat? Permettez-moi de commencer en décrivant ce que j’entends par l’expression « nouvelles réalités ». La plupart des observateurs diraient que la nomination de sénateurs indépendants, depuis 2016, par un processus de nomination non partisan, est l’essence de la nouvelle réalité du Sénat. Bien que les nominations de sénateurs indépendants soient clairement un événement important dans l’histoire du Sénat, ce n’est que l’expression d’une nouvelle réalité plus fondamentale.
La nouvelle réalité, à mon avis, c’est le fait que la Cour suprême, en 2014, se soit exprimée sur les règles et les responsabilités de la Chambre haute. La clarté avec laquelle la Cour suprême a défini les pouvoirs et les responsabilités du Sénat, Chambre complémentaire qui assure un second examen objectif, de même que les limites que la Constitution impose à la réforme du Sénat, devraient être considérées par nous tous comme le feu vert qui nous permet de poursuivre la modernisation avec audace et confiance. C’est cela qui est au cœur de la nouvelle réalité, non pas une configuration quelconque de sénateurs ou de groupes de sénateurs survenue aux environs de 2018.
L’arrivée de sénateurs indépendants, non partisans, n’est qu’une des formes de la nouvelle réalité dont la Cour suprême a dessiné les grandes lignes. L’ajout de nouveaux groupes au sein du Sénat a changé la configuration binaire traditionnelle de cette Chambre, qui a maintenant plusieurs pôles. Ce qui est certain, c’est que les sénateurs siégeaient dans cette Chambre en tant que sénateurs non partisans ou indépendants bien avant la mise en place du nouveau processus de nomination et, en fait, le Groupe des sénateurs indépendants est même antérieur à l’arrivée des sénateurs non affiliés à un caucus, nommés par le gouvernement actuel.
Ce qui est nouveau, c’est le nombre sans précédent de sénateurs qui ne sont pas identifiés à un caucus politique et le désir de la plupart des membres du Sénat, voire de la majorité, de se réunir en tant que groupe reconnu au sein du Sénat.
Grâce aux efforts de votre comité et du Comité du Règlement, le Sénat a déjà reconnu l’existence du Groupe des sénateurs indépendants, le GSI, en tant que « groupe parlementaire ». Un certain nombre des règles administratives du Sénat ont déjà été modifiées pour refléter l’ajout du GSI en tant que groupe parlementaire et, je dois le souligner, des libéraux indépendants qui forment un parti reconnu.
Toutefois, les règles n’ont pas toutes été changées, et les changements ne reflètent pas entièrement la nouvelle réalité des groupes parlementaires non affiliés à un caucus qui se retrouvent au Sénat.
Permettez-moi de vous parler de cinq choses. La première a trait aux modalités procédurales et logistiques. Dans l’état actuel des choses, les décisions touchant le temps à accorder à une étape particulière de l’étude d’un projet de loi se font avec l’accord du représentant du gouvernement et du leader de l’opposition uniquement. De la même façon, les décisions sur le délai signifié par les sonneries, qui convoquent les sénateurs sont laissées aux whips du gouvernement et de l’opposition, et les membres des autres groupes du Sénat n’ont rien à y redire. De la même façon, encore une fois, les décisions sur le report des votes excluent tous les groupes qui ne font pas partie du gouvernement ou de l’opposition.
Ce n’est pas qu’une simple affaire d’équité et de cohérence administrative. Concrètement, le groupe qui compte le plus grand nombre de sénateurs devrait, on peut le soutenir, avoir son mot à dire sur toutes les décisions d’ordre logistique, par exemple les activités de la Chambre et les travaux des comités, justement parce que ces décisions concernent le plus grand nombre de sénateurs.
La deuxième chose a trait au traitement inéquitable des groupes parlementaires et des leaders des caucus. Les leaders des libéraux indépendants et du Groupe des sénateurs indépendants n’ont pas les mêmes droits ni les mêmes privilèges que les leaders du gouvernement et de l’opposition.
Pour ne donner qu’un exemple, seuls le représentant du gouvernement et le leader de l’opposition sont membres d’office des comités, selon le Règlement du Sénat. De la même façon, seuls le leader du gouvernement et le leader de l’opposition ont automatiquement un bureau près de la Chambre du Sénat. C’est le cas également, en passant, des leaders adjoints et des whips du gouvernement et de l’opposition.
La troisième chose concerne le rôle des porte-parole. La nomination des porte-parole sur les projets de loi est la responsabilité du gouvernement et de l’opposition seulement, et aucune disposition ne prévoit que d’autres groupes du Sénat puissent désigner un porte-parole en cette matière parmi leurs membres. La solution pourrait être que les autres groupes désignent eux aussi un porte-parole officiel, mais la nouvelle réalité d’un Sénat moins partisan ferait en sorte qu’il y aurait probablement de nombreux porte-parole pour chacun des projets de loi du gouvernement, et la nomination d’une seule personne pour jouer ce rôle ne serait probablement pas conforme à la nouvelle réalité.
Passons maintenant au prochain sujet, c’est-à-dire le budget des caucus et des groupes parlementaires. Bien que l’affectation des budgets au bureau de chaque sénateur soit strictement fondée sur le principe de l’égalité, on ne peut pas dire la même chose quand il est question de l’affectation de fonds destinés au dirigeant de la Chambre et des fonds de recherche des caucus et des groupes parlementaires. Le gouvernement et l’opposition disposent de budgets qui ne reflètent aucunement le nombre de leurs membres, et ces montants semblent arbitraires. Les libéraux indépendants et le GSI, au contraire, sont assujettis à une formule qui tient compte du nombre de leurs membres.
Dans les affectations du dernier budget, celui de l’exercice 2018-2019, on prévoyait, pour le gouvernement et pour l’opposition, une enveloppe fondée sur les affectations de l’année précédente, à quoi il faut ajouter un facteur d’inflation, mais il n’était jamais tenu compte du changement du nombre de leurs membres. Par contre, le budget des libéraux indépendants et du GSI a été établi en fonction du nombre de leurs membres au moment du calcul. En conséquence, les libéraux indépendants ont vu leur budget annuel diminuer par rapport à l’année précédente, parce qu’ils étaient moins nombreux. Dans le cas du GSI, malgré une hausse marquée du nombre de membres par rapport à l’année précédente, notre budget a été plafonné parce que nous faisons partie de la catégorie des groupes de 20 membres et plus.
Il y a une incohérence flagrante dans la manière dont les budgets sont affectés aux différents groupes, ce qui est à la fois injuste et, je crois, irresponsable sur le plan financier. Je crois que les groupes devraient tous travailler ensemble pour trouver un processus budgétaire qui serait transparent, responsable et équitable, et ce processus devrait être intégré à nos règles.
Passons maintenant à un autre sujet afin d’illustrer encore une fois la nécessité de modifier les règles pour refléter la nouvelle réalité de notre Sénat. Ça concerne la nomination des membres du Comité sur l’éthique des sénateurs. Le Règlement du Sénat prévoit que les membres du Comité sur l’éthique sont choisis uniquement par le gouvernement et l’opposition. Étant donné que ces deux groupes sont actuellement minoritaires, au Sénat, leur pouvoir exclusif touchant ce comité important est injuste, à mon avis, et témoigne d’une mauvaise pratique de gouvernance.
Chers collègues, permettez-moi maintenant de préciser que, même si le Règlement du Sénat qui s’applique aux aspects que je viens d’énumérer n’assure de toute évidence pas un traitement équitable des groupes parlementaires, par rapport à ceux du gouvernement et de l’opposition, le Sénat a, ces dernières années, apporté un certain nombre de modifications ponctuelles pour répondre aux besoins du GSI et à ceux des libéraux indépendants. Par exemple, le leader des libéraux indépendants ainsi que le facilitateur du GSI ont obtenu le statut de membre d’office de tous les comités du Sénat, statut que possèdent déjà les leaders de l’opposition et ceux du gouvernement. Toutefois, la désignation du sénateur Day en tant que membre d’office des comités, tout comme la mienne, ne vaudra que pendant la durée de l’ordre sessionnel, alors que la désignation du représentant du gouvernement et du leader de l’opposition est prévue par le Règlement du Sénat.
C’est la même situation dans le cas des membres du Comité sénatorial sur l’éthique qui représentent les libéraux indépendants et le GSI. Autrement dit, il a fallu s’adapter, ce qui fait que nous comptons un membre du GSI au sein de ce comité, même, si, à strictement parler, le Règlement ne permet pas de le faire de façon permanente.
Permettez-moi de dire les choses autrement : la nouvelle réalité du Sénat, que notre comité commence à saisir, permet déjà de reconnaître que, mis à part le gouvernement et l’opposition, tous les groupes se retrouvent sur le même pied. Concrètement, le Sénat reconnaît que tous les groupes sont égaux, mis à part le gouvernement et l’opposition. Il est donc plus que temps de modifier le Règlement du Sénat en conformité avec les pratiques actuelles qui reflètent davantage la nouvelle réalité.
Honorables collègues, l’inégalité du traitement des groupes parlementaires par rapport à ceux du gouvernement et de l’opposition a pour origine le fait que ces groupes ne sont pas reconnus en bonne et due forme dans la Loi sur le Parlement du Canada. Actuellement, la loi reconnaît uniquement l’existence d’une entité du gouvernement et d’une opposition, au Sénat, ainsi que l’existence connexe des leaders de ces deux groupes; elle ne reconnaît rien de plus. Une révision complète des règles et procédures, qui tiendra compte de la nouvelle réalité du Sénat, supposera de modifier la Loi sur le Parlement du Canada, non pas seulement le Règlement du Sénat. Toutefois, ce n’est pas parce que la refonte de la loi ne relève pas directement ou exclusivement de la compétence du Sénat que nous devrions retarder les changements au Règlement du Sénat qui perpétuent encore le traitement injuste des groupes parlementaires et que nous sommes tout à fait autorisés à changer.
Dans le contexte de notre projet de modernisation, je demande à revoir le Règlement et les pratiques dans un souci de justice et d’égalité. Dans certains cas, il faudra modifier le Règlement pour donner aux groupes non affiliés le même statut que les groupes du gouvernement et de l’opposition, ce qui revient, si vous voulez, à leur donner plus d’importance.
Dans d’autres cas, toutefois, il faudra modifier le Règlement pour supprimer les privilèges accordés uniquement au gouvernement et à l’opposition, puisque ces privilèges ne correspondent plus à notre nouvelle réalité.
J’aimerais préciser que ce que nous réclamons, c’est la justice et l’égalité, non pas nécessairement d’être traités en tous points comme le gouvernement, l’opposition et les leaders connexes sont traités aujourd’hui.
D’une façon ou d’une autre, que nous donnions plus ou moins d’importance — et ce n’est aucunement péjoratif — à un groupe ou à un autre, nous devrions le faire dans le respect des principes de la justice et de l’égalité.
Encore une fois, merci de m’avoir donné l’occasion de vous faire part de mes réflexions. J’attends vos questions avec impatience.
Le président : Merci beaucoup. J’aimerais maintenant donner la parole au sénateur Joyal, membre du comité directeur et membre de longue date de notre comité.
Le sénateur Joyal : Merci, monsieur le président, bienvenue, sénateur Woo. Je ne conteste pas les principes de justice et d’égalité que vous établissez, mais j’aimerais l’appliquer à l’un des exemples que vous avez donnés, celui du Comité sur les conflits d’intérêts, auquel je suis directement intéressé. Je suis membre de ce comité depuis sa création, et j’en suis d’ailleurs toujours membre.
À l’heure actuelle, voici comment le comité est composé : il y a deux indépendants, c’est-à-dire deux sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, le sénateur Wetston et le sénateur Sinclair; deux sénateurs de l’opposition officielle, la sénatrice Andreychuk et le sénateur Patterson; enfin, il y a moi.
Pensez-vous que, étant donné le principe, le comité est formé de manière juste et équitable, à votre avis? Pensez-vous au contraire que la composition actuelle pourrait être intégrée au Règlement ou encore êtes-vous critique de la façon dont le comité est composé à l’heure actuelle?
Je ne commenterai pas votre déclaration, selon laquelle c’est injuste et que cela témoigne de mauvaises pratiques de gouvernance. Je ne crois pas qu’il faut juger ainsi les membres de ce comité.
Le sénateur Woo : Pas du tout.
Le sénateur Joyal : J’aurais aimé que vous fassiez ce commentaire supplémentaire, parce que je me suis senti un peu mal à l’aise d’entendre un collègue critiquer si librement ses collègues qui sont membres de longue date de ce comité. Vous pouvez me croire, ce n’est pas un rôle que je laisserais quiconque jouer avec désinvolture, parce qu’il consiste à juger nos collègues et, comme vous le savez, quand il faut le faire, il faut le faire en toute justice, et, comme vous le dites, avec un souci d’égalité que nous devons à cette institution. Notre rôle est tellement lié à l’intégrité de l’institution que j’estime devoir l’envisager avec, pour utiliser un terme juridique, une certaine déférence. Je ferme la parenthèse. J’aurais aimé entendre ce commentaire. Cela dit, je préfère le dire publiquement que de ruminer sur l’arrière-ban.
J’en reviens à ma question : pensez-vous que la composition actuelle du comité devrait être intégrée au Règlement? Auriez-vous un autre arrangement à proposer?
Le sénateur Woo : Merci, sénateur Joyal, de cette question. Je respecte énormément et j’admire le travail du Comité sénatorial sur l’éthique, tellement essentiel à notre bon fonctionnement, mais je n’aimerais pas avoir à l’assumer moi-même, car il est très difficile.
J’aimerais clarifier ce que j’ai dit plus tôt en parlant de la justice et de l’égalité et mon commentaire selon lequel l’approche actuelle n’est pas juste. Je ne parlais pas du tout de la composition actuelle du Comité sénatorial sur l’éthique, et certainement pas non plus de son travail; je faisais plutôt allusion à la façon dont le Règlement du Sénat prévoit le processus de nomination des membres.
Le Règlement donne le privilège de la nomination des membres du Comité sénatorial sur l’éthique uniquement aux représentants du gouvernement et de l’opposition. Nos dirigeants, il faut l’admettre, ont eu la sagesse de reconnaître l’existence de deux autres groupes, ce qui a fait que le comité comprend maintenant un libéral indépendant et deux membres du GSI. C’est une pratique que j’approuve beaucoup.
Je voulais tout simplement dire que le Règlement doit s’accorder à la pratique. J’aimerais que ce soit plus clair encore : mes commentaires sur l’absence de justice concernaient uniquement la façon dont le Règlement est rédigé; ils ne concernaient pas la pratique.
Cela m’amène à la deuxième partie de votre question, la configuration particulière du comité, deux, un et deux. Cette configuration existait déjà avant ma nomination. Je présume qu’elle s’appuie sur l’idée de proportionnalité. C’est à coup sûr un principe qu’il faut appliquer, mais ce n’est pas l’objectif de mon témoignage d’aujourd’hui. Mon objectif, c’est d’harmoniser le Règlement du Sénat et la nouvelle réalité. Lorsque le Règlement est harmonisé — par exemple, si on le modifie pour trouver une façon de nommer les membres qui reflète mieux les désirs de l’ensemble du Sénat —, il restera la question secondaire de la nomination au sein des différents groupes. Honnêtement, je ne sais pas comment répondre à cette question.
Le sénateur Joyal : Seriez-vous satisfait si le Règlement était modifié de manière à refléter la composition actuelle du comité?
Le sénateur Woo : Cela consoliderait la formule qui a été utilisée, disons à la fin de 2016 ou au début de 2017. Si cette formule était fondée sur la proportionnalité, cela veut dire que les proportions resteraient les mêmes au cours des années à venir.
Non, je ne veux pas intégrer pour de bon la proportionnalité dans le Règlement. Je préférerais réécrire le Règlement de manière que le Sénat dans son ensemble, ou une majorité des membres du Sénat, ait un moyen de choisir les membres de ce comité essentiel. Le choix qui sera fait au bout du compte devient donc une question secondaire.
Tout ce que j’essaie de dire, c’est que, si nous devions intégrer pour toujours les proportions actuelles du comité dans le Règlement, la composition serait presque certainement immédiatement asymétrique, lorsque la composition du Sénat dans son ensemble changera.
Le sénateur Joyal : Merci.
La sénatrice Frum : Comme vous le savez, étant donné que nous avons modifié les règles, un groupe reconnu est formé de neuf personnes. L’un des problèmes que nous avons, je crois, c’est que — et vous venez de le dire — nous ne voulons pas intégrer pour toujours une formule qui refléterait la réalité d’avril 2018, qui ne sera peut-être pas celle d’avril 2019 ou d’avril 2010. Nous ne connaissons que la réalité d’aujourd’hui. En théorie, toutefois, nous pourrions nous retrouver avec 11 groupes, puisque les règles le permettent.
C’est pour cette raison que j’ai de la difficulté à saisir les changements que vous proposez au Règlement, par exemple, en ce qui concerne la nomination d’office. Faudrait-il qu’un membre de chaque groupe soit nommé d’office? Est-ce que c’est possible?
Le sénateur Woo : C’est certainement possible, mais ça ne me plairait pas. Et c’est pourquoi j’ai suggéré, à la fin de mon exposé, des solutions qui viseraient à donner autant d’importance à tous les groupes, c’est-à-dire à accorder les mêmes privilèges à tous les groupes reconnus — dans votre scénario hypothétique, aux 11 groupes qui auraient un statut d’office — ou encore à réduire les privilèges et nous débarrasser du statut de membre d’office.
J’aimerais souligner que l’ordre sessionnel qui me désigne en tant que membre d’office, tout comme le sénateur Day, supprime dans les faits ce statut, sans dire qu’il le supprime, étant donné qu’il élimine le droit de vote, non seulement celui du leader du gouvernement et de celui de l’opposition, mais également celui des deux autres leaders ou facilitateurs. C’est pour cette raison que nous devons aller au-devant des coups et réfléchir à la nouvelle réalité sans tenir compte de la configuration actuelle.
Quel sera le Sénat de l’avenir? Comment voulons-nous que le Sénat de l’avenir se présente, et quelle structure convient le mieux à cet objectif? Dans ce cas particulier, je serais davantage enclin à supprimer les nominations d’office plutôt que de nommer un membre d’office dans tous les groupes.
La sénatrice Frum : L’un des premiers points que vous avez soulevés concernait le fait que le GSI pouvait se prononcer sur la durée de la sonnerie d’appel ou sur la désignation des porte-parole en matière de projets de loi. Je vais d’abord parler de la durée de sonnerie d’appel. Il est ici question du fait que vous n’avez pas de whip officiel, un whip reconnu. Une bonne partie des rôles que vous avez décrits comme des rôles qui vous sont refusés, par exemple l’attribution des bureaux, et cetera, sont des rôles relevant de la prérogative des whips. Je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas avoir de whip, mais je crois que cela irait à l’encontre de l’un des principes avec lesquels votre groupe est d’accord, je crois, à savoir que vous pouvez fonctionner sans whip et que vous n’avez pas à vous faire dire quoi faire. Comment ces deux notions peuvent-elles coexister?
Le sénateur Woo : Merci de poser la question. Il n’y a aucune contradiction ici. Le GSI est d’avis que notre première responsabilité, ici — vous êtes d’accord, je le sais, mais nous devons réfléchir aux devoirs qui sont les nôtres —, c’est de légiférer, ce qui veut dire que nous devons nous trouver à la Chambre le plus souvent possible. Quand un vote doit se tenir, nous devons être présents. Il y aura toujours des conflits d’horaire étant donné les travaux des comités, les déplacements, et tout le reste, mais il est important pour nous de pouvoir décider avec les autres à quel moment un vote se tiendra, parce que nous voulons nous assurer que nos membres pourront être présents pour le vote; il ne s’agit pas de leur dire comment voter, ce à quoi vous faisiez peut-être allusion quand vous avez dit « se faire dire quoi faire ». Ce à quoi je fais référence, quand je dis « whip », c’est à la possibilité de déterminer pour le vote un moment où la plupart de nos membres peuvent être présents. C’est notre tâche principale. Ne vous en déplaise, nous en avons autant besoin que les autres groupes politiques. Il n’y a là aucune contradiction dans mon esprit.
La sénatrice Lankin : Je voulais parler du troisième point que vous avez soulevé, qui concerne les budgets des caucus ou des groupes. Je note que vous voulez que nous travaillions de concert à l’élaboration d’une formule et que vous n’avez pas présumé de ce que cette formule donnerait, et j’en suis ravie. Toutefois, je ne crois pas que la proportionnalité simple soit la bonne manière de structurer ces budgets. En passant, j’aimerais que ce que nous recevons centralement de la Bibliothèque du Parlement, entre autres, soit de meilleure qualité. Je sais qu’il y a toujours du travail à faire en fonction des intérêts des gens, ou des intérêts des groupes politiques, peu importe, mais j’aimerais une meilleure qualité. Pensons à la capacité de recherche des différents groupes : nous ne devrions pas dépasser un certain montant pour cette capacité de recherche. Le montant devrait être le même dans chaque groupe. Ce n’est pas parce que les sénateurs sont plus nombreux qu’il faut faire davantage de recherche sur un projet de loi particulier; par contre, si quelqu’un peut offrir du soutien, assurer la coordination, un soutien quelconque, le nombre de membres d’un groupe a une certaine pertinence. Une partie de ce travail pourrait être déterminée en fonction de la proportionnalité, mais je crois que d’autres aspects doivent être fondés sur la tâche ou le contenu.
J’aimerais, après avoir fait cette observation, dire que je suis d’accord sur le fait qu’il faudrait en discuter. Bien sûr, j’ai discuté deux ou trois fois déjà avec le sénateur Wells et le sénateur Tannas de la question de savoir si la proportionnalité simple avait du bon sens. Mais je ne le crois pas. Je crois qu’en l’occurrence — étant donné que les membres de l’opposition jouent un rôle particulier, en ce qui concerne la recherche, dans notre configuration actuelle — il est important pour nous de faire avancer les choses sans donner aux gens l’impression que nous les privons d’une capacité de procéder à des analyses politiques ou partisanes d’un sujet donné. J’approuve ces analyses car elles témoignent de la diversité des opinions. Je dis cela en espérant que vous commenterez.
En ce qui concerne ce que le sénateur Joyal a dit à propos du Comité sur l’éthique, je comprends très bien que vous vouliez souligner l’injustice du Règlement, non pas celles de l’ordre sessionnel actuel. Mais je crois que cela devrait nous amener à étudier à court terme des règles concernant, disons, la proportionnalité, de façon à savoir à peu près quelle est la situation actuelle et ce que nous pourrions changer ultérieurement. L’une des grandes questions est celle de savoir ce que nous réserve l’avenir. Je crois que la sénatrice Frum en a parlé, aujourd’hui et à d’autres occasions. Nul ne sait à quoi nous allons aboutir. Cela fait deux ans maintenant que je suis ici. Certains aspects de notre fonctionnement semblent coulés dans le béton. Il faudrait régler cela. Si nous comptons un jour 11 groupes, je ne crois pas que nous voudrions qu’un comité sur l’éthique comprenne 11 personnes, n’est-ce pas? Nous devrions peut-être faire la lumière sur nos besoins, et, si nous devons régler le problème à l’aide d’un ordre sessionnel, puis d’un changement du Règlement, nous pourrons le faire en étant informés. J’ose espérer que ce n’est pas là une raison, comme vous l’avez dit, sénateur Woo, de ne pas modifier le Règlement pour qu’il reflète à tout le moins ce que nous faisons aujourd’hui. Je crois donc que nous avons assez de latitude pour apporter des changements qui tiendront quand même compte des préoccupations soulevées, mais qui reconnaissent également que la réalité d’aujourd’hui est différente.
Le sénateur Woo : Vous l’avez très bien dit. Vos commentaires sur le processus d’allocation budgétaire reflètent beaucoup ma pensée.
Lorsque nous avons négocié les budgets des divers groupes avec le Comité de la régie interne — il y a seulement quelques mois —, le GSI aurait pu demander un budget proportionnel à ses membres, en utilisant, par exemple, les conservateurs comme point de référence. Nous aurions ainsi pu obtenir un budget de près de 2 millions de dollars, mais nous n’avions pas besoin de 2 millions de dollars. S’accrocher à un principe qui est expéditif purement par souci de rapidité ou pour obtenir plus d’argent n’est pas une bonne pratique. Par conséquent, ce que nous avons plutôt fait, c’est que nous avons établi un budget à base zéro. Essentiellement, nous nous sommes demandé ce dont nous avions besoin. Nous avons additionné les montants, ajouté un peu d’argent pour les imprévus, et nous sommes arrivés à environ 1,2 million de dollars. C’est ce que nous avons demandé. Sachez que 1,2 million de dollars, c’est moins que ce que le gouvernement et les conservateurs obtiennent. Je ne m’en prends pas au fait que nous obtenons moins, toutes proportions gardées, parce que je ne crois pas à la proportionnalité dans le cadre des budgets. Cependant, je crois que quelque chose ne va pas avec le processus budgétaire lorsque, pour notre part, nous utilisons une formule pour établir notre budget, et que, d’autre part, je ne comprends pas les formules utilisées par le gouvernement ou l’opposition.
L’autre raison évidente pour laquelle l’attribution des budgets ne peut pas être fondée sur la règle de la proportionnalité, c’est parce que le gouvernement — qui compte trois membres — serait extrêmement mal servi s’il avait droit à un budget proportionnel à ses effectifs, tandis que notre groupe, ne serait-ce qu’il y a cinq mois, aurait obtenu plus d’argent qu’il n’en a besoin. Imaginez si, dans six mois, nous sommes rendus 50 ou peu importe le nombre. Nous aurions droit à plus de la moitié du budget de dépenses de recherche du Sénat. Ce n’est absolument pas logique.
Je crois vraiment que, dans ce cas-ci, nous devons prendre du recul ou réévaluer tout le processus budgétaire en tenant compte de certaines des choses qu’a dites la sénatrice Lankin. Il y a des fonctions centrales au sein du Sénat — la Bibliothèque du Parlement, en particulier — qui doivent servir tous les groupes. En outre, tous les groupes — peu importe leur taille — ont certaines tâches de base à réaliser. Qu’on soit 30 ou 11, on a besoin d’une base d’employés de soutien et ainsi de suite. Il faut le prévoir.
De plus, la formule doit être différente. La proportionnalité peut en faire partie, mais ce ne peut pas être l’unique critère. Je suis content que vous vous soyez attachés à la question touchant le Comité sénatorial sur l’éthique aussi, parce que la proportionnalité a vraiment été la règle utilisée pour l’attribution des places au sein du comité dans le cadre des dernières négociations et qu’elle le restera, ou devrait le rester, dans un avenir prévisible, lorsqu’il y a un petit nombre de groupes qui ont des visions très différentes sur l’orientation que doit prendre le Sénat. Cependant, à long terme, la proportionnalité n’est peut-être pas la formule appropriée lorsqu’il y a cinq, six ou sept groupes différents.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma question porte sur un point technique, sénateur Woo. Votre document est-il disponible pour les membres?
[Traduction]
Le sénateur Woo : Ce sera dans les délibérations, mais, si vous voulez y avoir accès différemment, mon bureau sera heureux de le fournir dans les deux langues officielles.
Le président : Nous avons actuellement une copie en anglais, mais pas de copie en français. Nous allons faire traduire le document et le distribuer.
[Français]
Le sénateur Maltais : Justement, la première règle au Sénat, puisque nous sommes dans un pays bilingue, est que les documents doivent être produits dans les deux langues officielles. Pour nous, francophones, ce n’est pas acceptable.
Le sénateur Woo : Bien sûr.
Le sénateur Maltais : Si je produisais des documents uniquement en français, vous seriez le premier à crier.
Cela dit, lorsque le premier ministre a décidé de mettre de côté les sénateurs libéraux en en faisant des sénateurs indépendants, il a créé un précédent extraordinaire. Lorsque M. Trudeau est devenu premier ministre, il a dit qu’il allait nommer ses sénateurs, le représentant, son adjoint, son whip et son Président. Grand bien lui fasse, mais il a oublié qu’en nommant des sénateurs indépendants, il vous a placés dans une situation difficile. Je n’aime pas utiliser l’expression « non partisan » parce que ce n’est pas vrai. Si vous passez quelques jours à la Chambre des communes, vous verrez que la non-partisanerie n’existe pas. Vous êtes une quarantaine de sénateurs indépendants maintenant. Vous n’avez pas reçu la formation nécessaire à votre arrivée. Aujourd’hui, vous nous demandez de modifier le Règlement pour que vous soyez exactement comme les partis politiques. Donc, si vous êtes indépendants, vous n’avez pas besoin de cela. Cependant, si vous n’êtes pas indépendants, vous en avez besoin.
Je suis tout à fait d’accord avec vous sur un point. Que fait le whip du gouvernement? Ne fait-il que sonner des cloches? Il ne peut rien imposer au leader ni à son adjoint.
Pour ce qui est du reste, vous nous demandez de modifier les règlements pour que vous deveniez un parti politique, finalement. Je n’en vois pas la raison. Je crois que le nombre est suffisant, mais il faudra vous donner une identité et vous n’en avez pas actuellement. Au moment où vous aurez une identité, je crois que c’est vous qui imposerez les règles, puisque vous serez en majorité.
Je comprends que la situation actuelle est difficile pour vous et nous pouvons le constater avec les nouveaux sénateurs. J’ai beaucoup de sympathie pour eux, et je collabore énormément avec les nouveaux sénateurs au sein des comités, car ils ne peuvent pas tout connaître dès le départ, et c’est normal. Je leur donne la chance.
Comme groupe, deux choix s’offrent à vous : soit vous restez indépendants, alors vous n’avez pas besoin de règles, soit vous vous regroupez sous une identité, et là, vous menez la barque.
Voilà, monsieur le président.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Merci, sénateur Maltais, et permettez-moi de dire d’entrée de jeu que vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez de la bonne aide que vous avez fournie aux nouveaux sénateurs. Je suis un membre du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Vous le présidiez, avant, et c’est maintenant une des membres du GSI qui occupe le fauteuil. Je sais que vous lui avez offert beaucoup de soutien et que vous l’avez aidée à apprendre les rouages du métier, à gérer les réunions et à planifier nos audiences et ainsi de suite. Je sais qu’elle vous a été très reconnaissante, et je le suis aussi beaucoup.
Je ne vais pas parler, sauf si vous croyez vraiment que je dois le faire, des questions qui sont liées au G3. Je ne peux pas parler au nom des membres de cette équipe, et il ne serait pas approprié pour moi d’essayer de deviner les pensées ou les motivations du sénateur Mitchell quant au rôle que doit jouer le G3 vis-à-vis du Groupe des sénateurs indépendants, pour la simple et bonne raison que je ne relève pas de cette équipe et que je n’assure aucune coordination avec elle, à part ce qu’elle fait avec le reste de nous en ce qui concerne la présentation des projets de loi émanant du gouvernement et ainsi de suite.
Ce que je dirai, cependant, en réponse à votre question sur les conditions en vertu desquelles nous pouvons et devrions modifier le Règlement du Sénat, vous nous avez donné deux ou trois conditions. La première c’est que, pour commencer, nous devons obtenir une formation suffisante afin de comprendre adéquatement ce qui se passe; nous pourrons ensuite proposer des amendements. La deuxième chose dont vous avez parlé concernait les modifications en vertu de la Constitution. Le troisième point que vous avez soulevé, c’est la possibilité de modifier le Règlement lorsque nous aurons une nouvelle identité et que nous formerons la majorité. J’espère avoir bien résumé bien vos propos.
En ce qui concerne le premier point, le fait de devenir de meilleurs sénateurs, c’est un processus d’apprentissage continu. Si je peux me permettre de le dire, le sénateur McInnis est venu me voir tout juste avant le début de la réunion, et je lui ai dit à quel point j’apprends encore. Il a dit qu’on continue d’apprendre, même après 10 ans. Je crois qu’il a raison. Je n’affirme aucunement bien connaître le Sénat.
Cependant, j’espère que vous allez évaluer ce que je vous propose en fonction du mérite de ma présentation et du mérite de la position. Même si je suis un nouveau sénateur — qui enfreint souvent les règles en raison de mon ignorance —, si ce que je propose est sensé, si c’est conforme à vos objectifs au sein du Comité sur la modernisation, et si c’est acceptable et souhaitable du point de vue de l’avenir du Sénat et que cela reflète les nouvelles réalités, alors je crois que ce que je dis mérite qu’on s’y attarde.
Deuxièmement, pour ce qui est de la question de modifier le Règlement en vertu de la Constitution, cela n’a absolument rien à voir. Rien de ce que j’ai dit n’exige un changement constitutionnel. Comme vous le savez très bien, le comité a été créé précisément pour examiner uniquement les changements et les modifications au Règlement qu’il est possible d’apporter sans modification constitutionnelle, ce qui établit les paramètres de votre travail et de ma proposition.
Le troisième élément est aussi le plus important. Je crois qu’il y a beaucoup de vrai, sénateur Maltais, dans votre argument selon lequel, lorsque nous deviendrons majoritaires — et si jamais nous le devenons — nous pourrons tout simplement utiliser notre poids pour faire adopter nos changements au Règlement. C’est peut-être le cas, mais les membres de mon groupe m’ont répété que ce n’est pas ce qu’ils veulent. Cela peut arriver, mais ce n’est pas ce qu’ils veulent parce que nous devrons continuer à travailler avec un très grand nombre de sénateurs qui pourront nous en vouloir d’avoir tout simplement utilisé notre grand nombre pour imposer des modifications.
Je suis peut-être idéaliste, mais je vous demande tous de réfléchir au Sénat, pas à celui de 2018, qui compte 43 sénateurs indépendants, mais celui de 2019, 2020 et 2021, lorsque les nouvelles réalités avec lesquelles nous composons déjà seront encore plus présentes et réelles, plus manifestes dans la façon dont nous travaillons. Je suis tout à fait convaincu que le Règlement actuel n’est pas adapté à la nouvelle réalité qui nous attend dans deux ou trois ans.
Si nous nous fions à la force du groupe parlementaire majoritaire pour apporter les changements, la nouvelle réalité sera minée, selon moi, par la rancune. En outre, la règle de la majorité est l’antithèse de tout ce que nous faisons au Sénat. Nous avons été créés comme contrepoids à la règle de la majorité. Si nous procédons de cette façon, je crois que ce sera bien malheureux, mais, cela dit, le Règlement doit être changé, et nous devons tous trouver la meilleure façon d’apporter les changements.
Le sénateur McInnis : Eh bien, il est évident que c’est une nouvelle réalité, et je crois que le comité a été fondé sur les principes de justice et d’équité. Lorsque le Sénat a approuvé la recommandation 7 du rapport sur la modernisation, créant ainsi des groupes, il a aussi fourni un mécanisme et suggéré un cadre de financement pour ces groupes. L’idée, c’était de les financer de façon juste et équitable.
Et, maintenant, vous proposez une formule fondée sur le besoin, et je veux passer à autre chose, mais je veux être clair : vous voudriez qu’on revoie tout cela, la façon dont le gouvernement et l’opposition sont financés?
Le sénateur Woo : J’aimerais qu’on revoie l’ensemble du processus d’affectation budgétaire de tout le Sénat en ce qui concerne les caucus et les groupes parlementaires, ce qui inclut, bien sûr, le gouvernement et l’opposition.
Le sénateur McInnis : Oui, exactement. Et là, je sais que c’est un sujet qui tient tout le monde en haleine et une réalité que tout le monde attend. Ils veulent le mentionner. Quel est votre avis au sujet d’une opposition reconnue au Sénat?
Le sénateur Woo : Sénateur McInnis, de façon générale, selon moi, le Sénat est l’endroit où il faut s’opposer aux projets de loi mal conçus, qui peuvent avoir d’importantes conséquences inattendues, qui constituent une violation claire de la Constitution ou qui traitent de façon injuste les minorités. Par conséquent, je crois qu’il y aura toujours des coalitions de sénateurs qui feront ainsi connaître leur opposition. Vous n’avez qu’à regarder nos délibérations au cours des 6 à 12 derniers mois pour voir qu’il y a bel et bien toujours des coalitions de sénateurs, et ce, quel que soit le projet de loi, qui s’opposent à ce qui est proposé, à la législation gouvernementale, pour les motifs que j’ai décrits. Ils ne s’y opposent pas parce qu’ils sont libéraux ou conservateurs ni parce qu’ils n’aiment pas tel ou tel dirigeant. C’est ma vision de l’opposition.
Je crois que l’opposition au sein du Sénat est à géométrie variable et qu’elle change en fonction des projets de loi. Je crois aussi que c’est quelque chose que nous devons encourager parce que le rôle du Sénat — comme nous le savons tous —, c’est d’examiner les textes législatifs produits dans la Chambre, d’offrir un second examen objectif du point de vue du cadre constitutionnel, reconnaissant par le fait même le rôle de la Chambre élue, et, parfois, proposant des amendements pour améliorer les projets de loi. J’appuie fortement cette vision de l’opposition au sein du Sénat.
Le sénateur McInnis : D’accord. Êtes-vous satisfait actuellement du système de fonctionnement, d’administration et de gestion du Sénat? À l’heure actuelle, les dirigeants se réunissent et établissent le calendrier, et certains ont suggéré que, peut-être, il fallait mettre en place un mécanisme différent, une approche d’équipe différente en matière de gestion des affaires du Sénat. Y avez-vous réfléchi? Vous en avez entendu parler, j’en suis sûr, mais avez-vous réfléchi au mécanisme que vous voudriez mettre en place?
Le sénateur Woo : Merci de la question. On va ici un peu plus loin que la portée de ce que j’ai proposé, alors je ne veux pas trop approfondir cette question, à part pour dire que les nouvelles réalités avec lesquelles nous composons, le fait que plus de groupes parlementaires pourraient être reconnus, exigeront la modification des voies habituelles — c’est l’expression convenue, si je ne m’abuse —, y compris, possiblement, la structure de la réunion des dirigeants. Cependant, nous n’en sommes pas encore là. Je sais que le comité a particulièrement à cœur de ne pas proposer des changements avant que l’heure de ces changements soit venue. Ce n’est pas non plus quelque chose que je proposerais. Cependant, il n’est pas difficile pour nous d’imaginer un avenir pas si lointain où l’organisation de notre travail, le Feuilleton, les décisions quant au moment où les différents projets de loi sont soumis aux voix et le moment où on procède aux différentes parties de la lecture, ne seront plus déterminés par deux, trois ou quatre dirigeants qui représentent les deux, trois ou quatre groupes, ici.
C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à la discussion que nous avons lancée et que je la soutiens. Je ne suis pas nécessairement d’accord avec les conclusions, mais je suis favorable à ce que cette discussion ait été lancée par nos collègues, par exemple, le sénateur Harder, et son second examen objectif sur le Feuilleton. Le sénateur Gold a publié quelques articles. Des collègues de l’opposition ont aussi proposé certaines idées.
Je crois que nous devons encourager plus de discussions sur la façon dont le nouveau Sénat évoluera plutôt que de freiner toute discussion par réflexe en disant que le statu quo fonctionne ou qu’un modèle précis fonctionne. Nous ne sommes plus dans notre zone de confort, mesdames et messieurs.
Le sénateur McInnis : Merci beaucoup de votre réponse. Peu importe ce que nous ferons, il faut réfléchir aux résultats à plus long terme. Il ne serait pas approprié de revenir ici aux deux ans pour changer des choses. Il y aura toujours des changements, mais nous devons tenter de mettre en place un système qui fonctionne plus à long terme qu’à court terme.
Le sénateur Woo : De façon générale, je suis d’accord avec votre proposition, mais j’ai dit très clairement dans mon exposé qu’il y a certains problèmes actuels qu’il faut régler, parce que les pratiques ont déjà changé, et qu’il n’est pas approprié que le Règlement ne suive pas les pratiques. Dans un même ordre d’idées, la pratique, qui est fondée sur l’équité et l’égalité, doit être reflétée dans le Règlement administratif du Sénat, les règles financières et d’autres conventions qui régissent le Sénat, de façon à ce que, au moins, ces principes soient bien reflétés dans la façon dont nous travaillons.
Le sénateur McInnis : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vous remercie pour tous vos commentaires qui sont très pertinents. Il y a deux éléments que j’aimerais ajouter quant aux principes qui doivent guider les modifications aux règles et aux pratiques.
Je suis d’accord avec le fait qu’il faille être guidé par la justice et l’équité. C’est fondamental. Cependant, au Sénat, la justice et l’équité se déclinent de deux façons. Il y a la justice et l’équité dans le fonctionnement des groupes et il y a la justice et l’équité pour chacun des sénateurs.
Il ne faudrait pas perdre cela de vue, parce que la composition duale qui prévalait à l’époque, où il n’existait que deux groupes, c’était pour les sénateurs indépendants qui n’étaient que de trois ou quatre, dépendamment des périodes. Les sénateurs indépendants n’étaient pas traités de façon aussi équitable qu’on aurait pu le souhaiter. Par exemple, ils devaient faire partie d’un groupe pour pouvoir siéger à un comité. Rappelons-nous la bataille qu’a menée le sénateur Wallace lorsqu’il est devenu indépendant.
Depuis, les règles ont été modifiées afin de permettre aux sénateurs non affiliés, les sénateurs complètement seuls, d’être pris en compte dans le processus de sélection des comités, mais on n’a pas tenu compte de cette modification en ce qui a trait à l’ordre sessionnel. On a peut-être oublié, je n’en sais rien. Quoi qu’il en soit, chaque fois qu’on modifie une règle, on doit se poser la question à savoir si c’est équitable pour les groupes et aussi pour les individus.
L’autre élément dont je voulais parler concerne les budgets. À titre d’économiste, vous avez reçu vous aussi une formation à ce chapitre. On sait très bien qu’il y a toujours des coûts fixes et des coûts variables. Dans le cas des coûts fixes, c’est le principe des dépenses fixes pour les groupes, peu importe leur taille. On doit aussi tenir compte des dépenses variables qui sont parfois soumises à des rendements décroissants. Donc, pour de grands groupes, à partir d’un certain seuil, la proportionnalité peut être assez marginale.
En d’autres mots, je vous soumets le tout pour les débats à venir.
Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Vous avez soulevé de très bons points. J’ai beaucoup pensé à la distinction que vous faites entre, d’un côté, l’équité et l’égalité au sein des groupes et entre les groupes et, de l’autre, des conditions équitables et égales pour les différents sénateurs.
Il est très important que toutes les modifications aux règles qui sont favorables à la première notion, c’est-à-dire, l’équité et l’égalité au sein des groupes et entre les groupes, ne mine pas trop l’égalité entre les sénateurs ou n’entraîne pas de discrimination à cet égard. C’est la raison pour laquelle, dans mon exposé, j’ai souligné que, selon moi, le traitement des sénateurs individuels — pour ce qui est des budgets destinés à leur bureau — semble devoir être fondé uniquement sur l’égalité et l’équité. Tout le monde obtient exactement la même chose. C’est un principe très important.
Cependant, cela n’inclut pas l’appartenance aux comités, ce que vous avez souligné. C’est la raison pour laquelle, lorsque le GSI négociait avec les conservateurs et les libéraux au sujet des places au sein des comités, nous avons dit explicitement que le GSI acceptait d’assumer la responsabilité à l’égard des sénateurs indépendants et non affiliés. Il n’y en a pas beaucoup, mais, selon nous, il est important de penser à eux, afin qu’ils puissent siéger eux aussi à un comité. C’est tout simplement la chose juste à faire, même si ces sénateurs ne font pas partie de notre groupe.
Par ailleurs, ça n’a finalement pas fonctionné dans le cadre des négociations, mais c’est un bon exemple de la façon dont le fait de lutter pour son propre groupe d’intérêt aura des conséquences inattendues. C’est un problème classique avec lequel compose constamment le Sénat. On se bat pour les trois ou quatre groupes d’intérêt, et le quatrième groupe, qui n’est pas organisé, est puni ou désavantagé. C’est donc quelque chose qu’il faut garder à l’esprit.
La réalité, c’est qu’il y a actuellement des groupes organisés. Personnellement, je crois qu’il y a une logique et une justification relativement au fait que le Sénat soit organisé en groupes, et ce, pour divers motifs de nature logistique, administrative ou de fond, et il est donc raisonnable que, d’une certaine façon, le Sénat privilégie les groupes. Par conséquent, nous avons cette formule, vous comprenez, faisant en sorte que, si une personne fait partie d’un groupe, elle obtient un budget de recherche et un bureau à la Chambre. Je crois que c’est une proposition logique. C’est purement là une question d’équilibre. Je suis d’accord avec vous : il faut faire attention de ne pas aller trop loin en ce qui a trait à l’exclusion des membres non affiliés.
Pour ce qui est de vos propos sur les coûts fixes et les coûts variables, je crois avoir dit précédemment — et je le répète — que, lorsque je parle d’un nouveau processus budgétaire, je ne dis pas que le GSI doit obtenir, toutes proportions gardées, les fonds qu’obtiennent les autres caucus. Je ne dis pas qu’il faut réduire les budgets des conservateurs et du gouvernement. Je demande un processus plus rationnel qui tient compte des coûts fixes de tous les caucus. Il y a des coûts spéciaux pour le gouvernement. Nous reconnaissons tous que le Sénat peut seulement fonctionner si le gouvernement a une façon de présenter ses projets de loi, de faire passer ses projets de loi par les diverses étapes et ainsi de suite. Des ressources spéciales sont requises à cette fin.
Nous pouvons tenir une discussion raisonnable au sujet de tout ça.
Le sénateur Wells : Merci, monsieur le sénateur Woo, de votre comparution. Vous avez mentionné deux ou trois changements que vous aimeriez voir au titre de la Loi sur le Parlement du Canada, des changements qui refléteraient les volontés de votre leadership ou de votre groupe et, peut-être, aussi, d’autres intervenants. Avez-vous réfléchi à un projet de loi précis pour y arriver? C’est ainsi que nous modifions les lois. C’est ma première question, à laquelle vous voudrez peut-être répondre.
Le sénateur Woo : Je ne sais pas exactement de quelle façon la Loi sur le Parlement du Canada peut être changée ni comment elle le sera. Je crois que l’initiative doit venir du gouvernement, même si je crois que le processus sera seulement crédible si nous pouvions participer de façon importante à la rédaction des modifications. Il doit y avoir un processus sur lequel le gouvernement s’appuie pour nous faire part de son intention et de son désir de modifier la Loi sur le Parlement du Canada, et il doit ensuite y avoir un processus nous permettant à nous tous de travailler sur la nature des changements à apporter. Tant qu’on ne reçoit pas un tel avis, c’est un peu prématuré pour moi de travailler sur un libellé précis.
Le sénateur Wells : D’accord. Étant donné qu’il n’y a rien de concret pour l’instant relativement à la modification de la Loi sur le Parlement du Canada, le système du Sénat — et je crois que nous avons un bon système en place, un système qui fonctionne depuis longtemps — permet d’apporter des changements ponctuels, comme vous l’avez dit dans votre déclaration préliminaire. Nous avons apporté de tels changements ponctuels, mais tout ça fait partie du système au sein duquel nous fonctionnons. On dirait donc que cette partie du système fonctionne, la partie qui permet la consultation et le changement, que ce soit durant une session ou à plus long terme. Les changements qui sont maintenus au-delà des sessions individuelles, eh bien nous les appelons des conventions. Ces conventions ne sont pas écrites dans le Règlement du Sénat, mais elles représentent les pratiques que nous adoptons et qui nous permettent de travailler efficacement. Le système actuel, qui est bien implanté, permet d’apporter des modifications, qu’elles durent le temps d’une session ou plus longtemps.
Je voulais formuler un commentaire à ce sujet. Notre système n’est pas mauvais — et il y a eu des changements importants apportés au cours des deux dernières années — parce qu’il nous permet de nous adapter à ces changements importants et à la volonté des gens, ici. C’est quelque chose que je tenais à souligner.
Et maintenant, il y aura une question au terme de ce que je m’apprête à dire, mais lorsqu’on regarde les changements qu’il faut apporter — comme le sénateur McInnis l’a bien dit —, il faut réfléchir aux conséquences… Toutes les choses auxquelles nous réfléchissons, nous espérons qu’elles se passeront comme prévu, mais bien sûr, il peut y avoir des conséquences inattendues, des choses qu’on ne voit pas venir. Il est raisonnable de présumer que deux ou trois choses ressortiront des prochaines élections, l’an prochain. Il est raisonnable de présumer que le gouvernement actuel restera au pouvoir et que notre système et notre structure seront maintenus. C’est une hypothèse raisonnable sur ce qui nous attend peut-être. Il est aussi raisonnable d’envisager un gouvernement conservateur.
De quelle façon envisagez-vous la structure de toutes ces choses en ce qui a trait au gouvernement, à l’opposition, aux autres intervenants et autres groupes, dans une telle hypothèse, soit qu’il est raisonnablement possible que les conservateurs forment le gouvernement au Canada et que les conservateurs du Sénat représentent le gouvernement, le BRG selon la nomenclature actuelle? De quelle façon envisageriez-vous la structure en ce qui a trait à l’opposition officielle au titre du Règlement? J’imagine que les libéraux du Sénat deviendraient l’opposition officielle. De quelle façon verriez-vous tout ça se dérouler en vertu de cette possibilité raisonnable?
Le sénateur Woo : Merci, monsieur le sénateur Wells, de vos deux très bonnes questions.
Premièrement, pour ce qui est des changements ponctuels, votre question sous-entend que nous avons déjà fait ce que nous pouvons faire, que nous sommes allés aussi loin que nous pouvions et que les choses semblent bien fonctionner, alors il n’est pas nécessaire d’en faire plus. Je ne suis pas d’accord.
Le sénateur Wells : Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je dis que c’est ce que nous avons fait pour tenir compte de la réalité, pour nous adapter dans le cadre du système actuel et que ce dernier semble fonctionner. Je ne dis pas que je ne suis pas favorable à d’autres changements non plus, mais je dis que des accommodements ont été faits.
Le sénateur Woo : Alors, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que les changements ponctuels ont tous été des pas dans la bonne direction, mais il reste du chemin à parcourir. C’est un peu, en gros, ce que je dis en ce moment. La pratique a évolué plus vite que les changements ponctuels qui ont été apportés. Essentiellement, je demande qu’on codifie les changements ponctuels apportés afin de rattraper le système tel qu’il fonctionne, maintenant, et qui s’est adapté à la présence du Groupe des sénateurs indépendants. Nous pouvons apporter beaucoup de changements sans modifier la Loi sur le Parlement du Canada. Nous ne pouvons pas laisser la Loi sur le Parlement du Canada être une excuse ou une raison de ne pas travailler sur nos propres règles, sur les domaines où nous sommes maîtres.
Je ne veux pas trop spéculer sur les modèles postélectoraux, mais je dirai ce qui suit : la réalité de notre Sénat multipolaire, c’est-à-dire un Sénat où un nombre important — peut-être même une prépondérance — de sénateurs affirment être non partisans — c’est-à-dire soit des libéraux indépendants, soit des membres du Groupe des sénateurs indépendants —, est là pour de bon dans un avenir prévisible en raison de la durée des mandats. Il faut s’adapter à cette réalité, que les libéraux ou les conservateurs l’emportent. Bien sûr, le style nomination sera différent, je comprends. M. Scheer a exprimé une certaine préférence pour l’ancien modèle, mais la réalité d’un Sénat multipolaire est là pour de bon, et nous devrons modifier le Règlement et nos pratiques en conséquence.
Le sénateur Wells : Une fois tous ces changements apportés, à quoi les choses ressembleront-elles? Je comprends que nous devons réfléchir à ces changements, mais, ma question, c’était de savoir quelles seront les conséquences et si le système fonctionnera.
Le sénateur Woo : La conséquence, c’est de permettre…
Le sénateur Wells : Pouvez-vous envisager le GSI en tant qu’opposition officielle dans une telle situation?
Le sénateur Woo : Au sein du GSI, nous sommes très loin d’avoir tenu ce genre de discussion, alors je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Le GSI existera, et ses membres représenteront une proportion importante des sénateurs, mais qu’on soit dans un monde où les nominations partisanes reprennent du service ou que nous maintenions le processus de nomination indépendant, il n’en demeure pas moins qu’il faudra tenir compte de l’existence d’un groupe organisé réunissant de 40 à 50 sénateurs indépendants dans notre façon de fonctionner. Cette réalité ne disparaîtra pas.
Le sénateur Wells : Je suis tout à fait d’accord avec vous. Nous faisons des prévisions afin de pouvoir réfléchir aux conséquences auxquelles nous devrons peut-être être confrontés. Selon vous, serait-il raisonnable de s’attendre à ce que le plus important groupe qui ne forme pas le gouvernement forme l’opposition officielle?
Le sénateur Woo : Je peux vous proposer une situation hypothétique différente. Il n’y a peut-être pas de groupe — c’est purement hypothétique — réunissant des sénateurs qui ne sont pas d’allégeance conservatrice dont les membres se considèrent comme l’opposition officielle de la façon que vous le décrivez.
Le sénateur Wells : D’une façon conventionnelle.
Le sénateur Woo : C’est un scénario qui pourrait très bien se produire et cela exigerait en retour d’autres types de rajustements au sein du Sénat.
Je veux revenir à ce qui est, selon moi, la nouvelle réalité fondamentale. Je l’ai dit au début de mon exposé : la décision de la Cour suprême, qui nous aiguille dans la direction d’un Sénat mettant beaucoup plus l’accent sur son rôle vis-à-vis de la Chambre et sur sa capacité d’adopter un point de vue moins partisan à plus long terme si, bien sûr, nous croyons vraiment que c’est là la nouvelle réalité. Je crois que cette nouvelle réalité peut persister malgré un changement de gouvernement et le rétablissement des nominations partisanes, parce qu’il restera beaucoup de sénateurs qui souscrivent à ce point de vue.
Le sénateur Wells : Merci.
[Français]
La sénatrice Verner : Je vous remercie, sénateur Woo, de votre présentation. D’abord, j’ai quelques commentaires avant d’aller plus loin. Je crois que le fait de relier l’identité d’un sénateur indépendant à une obligation de faire partie d’une formation politique est simpliste et ne reflète pas la réalité actuelle. Je ne suis pas d’accord avec les commentaires de mon collègue qui vous a pressé de vous trouver une identité avant de venir réclamer quoi que ce soit. Je crois que le fait de relier le pouvoir à une majorité ou à une opposition officielle, c’est d’aller à l’encontre de la modernisation. Je crois qu’il y aura plusieurs façons de voir le pouvoir et l’opposition lorsqu’on sera rendu là.
Vous avez dit, à juste titre, qu’il était bien difficile de prévoir l’avenir. Il se pourrait que les libéraux soient encore au pouvoir ou que ce soient les conservateurs, mais vous avez bien raison de dire qu’il n’en demeure pas moins qu’un nombre très important de sénateurs indépendants se sont regroupés auxquels on a accordé à ce moment-ci certains droits, entre autres le droit de se former. Maintenant, passons de la parole aux actes. Il faut continuer de reconnaître que le plus grand groupe est le Groupe des sénateurs indépendants. On ne peut pas donner juste une roue de la bicyclette; il faut donner les deux roues à partir du moment où on a accordé une reconnaissance à ce groupe.
Pour les fins de la discussion, on a parlé d’allocation de budgets. Je siège au sein du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, et j’ai trouvé pathétiques les efforts que vous avez dû déployer pour venir non pas quémander, mais simplement demander ce qui vous avait été accordé de droit par une majorité de sénateurs au Sénat. Il y a une résistance au changement qui ne correspond pas au mandat du Comité sur la modernisation. La modernisation, je m’excuse, ce n’est pas vivre dans le passé. Il faut reconnaître qu’il y a un groupe important ici, et à partir du moment où on a déjà accordé la reconnaissance à ce groupe — et il en aura d’autres, j’en suis convaincue —, il faut essayer de se donner une formule suffisamment souple, non pas pour prévoir l’imprévisible, mais certainement pour vivre de façon démocratique en toute justice et en toute équité.
Vous avez proposé un certain nombre de choses dans votre texte. J’imagine que vous avez un échéancier idéal, et j’aimerais que vous m’en parliez.
Le sénateur Woo : Je vous remercie, sénatrice Verner, de votre question très importante.
[Traduction]
Je vous remercie tout spécialement d’avoir souligné la question de l’identité des sénateurs indépendants, et le fait qu’il n’est pas nécessaire de leur attribuer une affiliation politique ou partisane. Dans mon cas, mon identité en tant que sénateur indépendant, c’est celle d’une personne indépendante qui veut tout de même s’efforcer de poursuivre le processus de modernisation du Sénat aux côtés de beaucoup de ses collègues et aux côtés aussi de bon nombre d’entre vous.
Pour ce qui est de la question de l’échéancier, je dirais qu’il faut le faire le plus rapidement possible, parce que je ne soulève pas des situations hypothétiques : les pratiques ont déjà changé, et il faut maintenant passer de la parole aux gestes.
Nous avons déjà apporté un certain nombre de changements dans les ordres sessionnels. D’une certaine façon, ces changements reconnaissent mon rôle et celui du sénateur Day. La sénatrice Verner a raison. C’est un peu dégradant que j’aie à redemander toujours la même chose, tous les trois ou quatre mois, comme si c’était par pure générosité que le Sénat permettait au plus important groupe de la Chambre d’avoir, par exemple, un statut de membre d’office ou n’importe quel autre privilège. Je demande que ces changements soient apportés non seulement pour des motifs d’équité et d’égalité, mais pour assurer l’efficience du Sénat.
Lorsque j’ai parlé du rôle que peut jouer le GSI au moment de prendre les décisions sur les sonneries d’appel, les déplacements des comités ou n’importe quelle autre décision qui, actuellement, reviennent exclusivement — du moins, d’un point de vue technique — au gouvernement et à l’opposition, je parle du besoin pragmatique de gérer les déplacements du plus important groupe de sénateurs de la Chambre. S’il n’y a personne pour parler de cette question, alors, la Chambre ne fonctionnera pas bien. Merci encore de votre question.
La sénatrice Lankin : Je veux formuler des commentaires sur deux ou trois choses qui ont été dites et j’ai aussi une question.
En ce qui a trait aux questions posées par le sénateur Wells sur la Loi sur le Parlement du Canada et la rédaction d’un projet de loi, je crois que, lorsqu’on pense à tout ça, le processus que vous proposez est le bon, c’est-à-dire qu’il faut travailler ensemble.
Cependant, je ne crois pas qu’on ait à attendre que le gouvernement nous dise qu’il apportera des changements. Si nous estimons que les changements A, B et C sont fondamentaux à la réalisation de notre programme de réforme et répondent à toutes ces questions, nous devrions travailler, ensemble, sur le libellé et aller rencontrer le gouvernement. Il n’est pas logique de demander au gouvernement de travailler sur quelque chose si nous sommes ensuite pour nous y opposer. Pourquoi le ferait-il? J’aimerais que nous le fassions nous-mêmes. Je crois qu’il y a une façon pour nous d’aller de l’avant dans ce dossier.
Sénateur Wells, pour ce qui est de la question que vous avez posée sur les changements ponctuels et les ordres sessionnels — ce qui a fonctionné, dans une certaine mesure, dans certains cas —, j’ai un problème fondamental avec l’idée de s’appuyer sur ces mesures. Ce pourrait toujours être une solution lorsqu’il y a d’autres situations sensibles avec lesquelles il faudra composer à l’avenir sans apporter des modifications immédiates au Règlement.
Je vais vous donner un exemple. Sénateur Woo, vous avez participé aux négociations du présent ordre sessionnel.
L’une des choses qui se sont produites, c’est que, la première fois où les sénateurs indépendants ont pu soumettre leur candidature pour obtenir un certain nombre de places au sein des comités, nous nous sommes réunis et nous avons invité tous les sénateurs indépendants à venir — qu’ils soient membres du GSI ou non —, et nous avons mis en place un processus démocratique, qui, selon nous, était juste, pour essayer de tenir compte des souhaits de tous et de permettre la négociation entre les sénateurs lorsqu’ils étaient trop nombreux. Mais nous avons inclus tout le monde.
La deuxième fois, ça ne s’est pas produit, monsieur le sénateur Wells, et c’est en raison d’un de vos collègues, qui a dit ouvertement durant une réunion du comité que, s’il avait su que le GSI allait faire de la place et que la sénatrice Bellemare et le sénateur Mitchell allaient pouvoir être là et être nommés à un comité, ils ne l’auraient pas permis. Et, franchement, nous n’avons pas pu procéder de la même façon durant la deuxième série de négociations. Il faut parfois faire de tels compromis.
Je ne suis pas sûr qu’il s’agissait là d’un compromis raisonnable. Je vais même dire qu’on prive des sénateurs indépendants de leurs droits en raison de la décision d’une seule personne. Je me trompe peut-être, mais on dirait bien que la forte réaction d’une personne l’a emporté ce jour-là.
Chaque fois qu’il faut négocier les ordres sessionnels, il y a des jeux de pouvoir durant les négociations. Franchement, pour arriver à une fin, il faut souvent céder quelque chose. Lorsque nous disons vouloir inscrire dans la pratique ce qui est déjà là, je ne crois tout simplement pas que nous devrions avoir à renégocier chaque aspect de ces questions à chaque fois et accepter aussi de faire tous ces compromis. Il y aura toujours de nouveaux compromis à faire.
Pour ce qui est de l’opposition, sénateur Woo, vous avez fait bien attention de ne pas répondre à la question que vous a posée le sénateur McInnis quant à savoir si vous étiez d’accord avec l’opposition officielle. Je crois que ce sont les mots que vous avez utilisés. Un jour, j’aimerais bien qu’on précise cet…
Le sénateur McInnis : L’opposition reconnue.
La sénatrice Lankin : L’opposition reconnue, d’accord. Les gens utilisent « officielle », maintenant, et on m’a très souvent répété, à mon arrivée, ici, qu’on dit « opposition officielle » dans la Chambre des communes, et seulement « opposition », au Sénat. Je crois que la signification de ces mots joue un rôle dans la nature des tensions et des conflits et que nous devrions déterminer ce que tout cela signifie.
C’est le défi personnel que je vous lance au moment de réfléchir à tout ça. Ce n’est pas un enjeu lié au GSI, parce que nous n’y avons pas encore réfléchi. Je crois qu’il y a de la place pour un caucus libéral ou un caucus conservateur. Si on réforme suffisamment le Sénat, le NPD pourrait peut-être même se retrouver avec quelques représentants, ici, et ils voudront peut-être eux aussi un caucus. Je suis une indépendante, soit dit en passant. Je le suis depuis longtemps et je le suis toujours, mais il existe des possibilités pour l’avenir.
Rappelons-nous que, à l’autre endroit, il y a très longtemps eu une dualité, et ce n’est plus le cas, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête pour autant. Ça pourrait se produire ici. Je crois qu’il s’agit de savoir si on a droit à des ressources ou à des droits spéciaux ou à quoi que ce soit d’autre lorsqu’on est membre d’un caucus partisan qui représente, soit l’opposition, soit le gouvernement à l’autre endroit. Il faut prouver les situations où des ressources spéciales sont nécessaires ou lorsqu’il y a des exigences spéciales, cette harmonisation ascendante ou descendante dont le sénateur Woo a parlée.
Sénateur McInnis, j’ai bien aimé la question que vous avez posée sur la possibilité de créer un comité de gestion, comme on l’a appelé, si je ne m’abuse. J’espère qu’on mettra bientôt ça à l’ordre du jour, parce que, selon moi, c’est très important.
Je ne vais pas approfondir cette question aujourd’hui, parce que ce n’est pas la réalité actuellement, mais ce que j’ai compris en parlant à des personnes au sujet de la modernisation télévisuelle dans le Sénat et la Chambre, au nouvel endroit — et c’est passé par le comité, aussi —, eh bien j’ai entendu dire qu’une des choses qui seront possibles et probables, c’est qu’on pourra réunir tous les discours qui ont été prononcés sur un projet de loi, par exemple le projet de loi C-45, et les visionner. Cela ne serait-il pas merveilleux? Le problème, c’est qu’on ne peut pas avoir ce genre de débat dans la Chambre en tant que telle, où, en quelques jours, nous entendons beaucoup de points de vue différents.
Je me demande si, lorsque nous envisagerons d’apporter des changements au Règlement, nous pourrons avoir ce genre de discussion quant à savoir s’il y a des façons d’accommoder l’opposition. Plutôt que de se battre pour savoir s’il devrait y avoir une opposition et de définir les façons de s’adapter afin de réunir des personnes qui ont une diversité de points de vue à la table. Vous savez, notre travail ne sera que meilleur si nous misons sur une diversité de points de vue. Y a-t-il une façon de procéder qui met l’accent sur la question des ressources et des droits spéciaux ou je ne sais quoi d’autre dont un groupe a besoin ou non pour faire son travail efficacement?
Le sénateur Woo : Merci, madame la sénatrice Lankin. En ce qui a trait à la Loi sur le Parlement du Canada, permettez-moi de dire, pour le compte rendu, que j’espère qu’il sera changé le plus rapidement possible pour tenir compte de notre nouvelle réalité. Ce serait merveilleux si le comité formulait la recommandation et que le Comité du Règlement relève le défi de rédiger des modifications possibles qui, selon nous, devraient être mises en place. Cependant, je crois que la Loi sur le Parlement du Canada est une prérogative royale et que, par conséquent, tout doit commencer par le gouvernement, mais il pourrait être très utile d’exercer certaines pressions.
Le point de vue que j’ai formulé quant au besoin et à la qualité intrinsèque d’une opposition au Sénat composée de coalitions volontaires — pour ainsi dire — à géométrie variable, de groupes d’opposition différents selon les projets de loi comme je l’ai décrit — l’examen exhaustif, l’attention aux minorités et la validité constitutionnelle — toutes les mesures que nous utilisons habituellement… Je crois que tout ça répond à votre question. Si c’est le genre d’opposition que nous avons au Sénat, alors nous avons besoin d’une façon différente de nous organiser, parce que les coalitions sont fluides. Cependant, nous voulons que les coalitions puissent exprimer leur opposition d’une façon que le reste d’entre nous pouvons comprendre de façon systématique et intelligible, sans oublier le public, qui nous regardera à la télévision.
La sénatrice Stewart Olsen : J’essaierai d’être brève. J’ai écouté votre exposé avec grand intérêt, parce que je ne suis pas sûre de la façon dont tout ça peut fonctionner parce qu’il y a une quantité limitée d’argent, et nous ne pouvons pas nous tourner vers les contribuables et dire : « Nous voulons plus d’argent afin d’accommoder nos intérêts spéciaux. » C’est ce que je pense.
Cependant, l’autre chose qui me préoccupe un peu, dans votre exposé, c’est que je n’ai rien entendu sur l’une des prémisses fondamentales et l’un des fondements de base du Sénat : le fait que nous représentons nos régions. Nous venons de nos régions. Nous représentons nos régions. Nous représentons les gens du Canada. Je représente les gens du Nouveau-Brunswick.
Lorsque le premier ministre a créé son nouveau comité de nomination, je ne suis pas sûr qu’il y ait pensé. Si on invite beaucoup de personnes qui s’intéressent à un seul enjeu à se présenter devant vous, devant le Sénat, ne croyez-vous pas qu’il est de votre devoir, en tant que chef du GSI de, peut-être, commencer à sensibiliser les gens au fait que ce n’est pas le genre d’endroit où faire valoir des enjeux précis. Ce n’est pas un endroit pour le militantisme; c’est plutôt un endroit où l’on vient pour examiner des projets de loi, réaliser des travaux en comité, et tout ça, à travers le regard des gens qu’on représente.
Cette approche fonctionne avec les partis parce qu’il y a un équilibre. Je regrette que le NPD ne puisse pas participer autant. Je ne sais pas exactement comment les choses fonctionnent au sein du GSI, mais je crois que peut-être — n’êtes-vous pas d’accord — que c’est quelque chose à quoi vous devriez réfléchir.
Le sénateur Woo : Je vais vous répondre très rapidement. Je crois que notre groupe, en fait, a bel et bien l’impression de représenter ses régions, et le compte rendu montre clairement que des membres précis du GSI ont très bien représenté leur région. Si, en réalité, le fait de représenter sa région est un vecteur de nos tâches et de nos responsabilités, cela renforce vraiment mon idée selon laquelle l’opposition au Sénat est un ensemble de coalitions changeantes. Parfois, les coalitions sont de nature régionale. Parfois, elles sont fondées sur un enjeu précis et parfois, elles sont fondées sur la philosophie politique. C’est pour le bien du Sénat.
Pour ce qui est de la quantité limitée d’argent, vous avez tout à fait raison. C’est la raison pour laquelle le GSI n’a pas demandé un budget proportionnel à celui des conservateurs. Nous aurions dépassé le budget. Nous aurions demandé 500 000 $ de plus que ce que nous obtenons actuellement. Cependant, il est tout à fait possible de composer avec une quantité d’argent limitée et d’assurer une répartition au sein de tous les groupes de façon rationnelle à la fois juste et équitable.
La sénatrice Stewart Olsen : Si je peux vous demander des précisions, alors, devriez-vous prendre l’argent qui est disponible et le redistribuer? Je ne sais pas exactement de quelle façon vous voulez procéder. Je crois que c’est mon…
Le sénateur Woo : On en a parlé. La « redistribution » semble être quelque chose de terrible, mais c’est ce que nous faisons chaque année lorsque nous examinons le budget.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci, sénateur.
La sénatrice Deacon : Merci. Cet après-midi, j’ai essayé de regarder les choses de votre point de vue lorsque vous parlez d’égalité et d’équité et de changement de règles. J’ai essayé de voir l’impact que tout cela pourrait avoir sur la quantité limitée d’argent à laquelle nous avons accès. Je vais accélérer beaucoup les choses, ici. J’ai l’impression que la question que je voulais vous poser se trouvait quelque part entre les interventions de la sénatrice Lankin et du sénateur Wells, alors je vais passer mon tour pour ce qui est de poser une question officielle. J’ai l’impression que vous y avez déjà répondu.
La sénatrice Frum : Toutes ces questions d’élections me poussent à vous poser la question suivante : prévoyez-vous voter durant les élections de 2019?
Le sénateur Woo : J’ai voté durant les élections précédentes, et oui, j’ai l’intention de voter.
La sénatrice Frum : Vraiment? D’accord. Ce n’est pas la réponse à laquelle je m’attendais. Vous croyez qu’il est approprié pour une personne qui se présente elle-même au public canadien comme étant non partisane de faire un choix partisan durant les élections?
Le sénateur Woo : C’est le devoir et la responsabilité de tous les citoyens canadiens d’exercer librement leur droit de vote, et je suis tout à fait à l’aise à l’idée de voter pour le Parti conservateur, par exemple, et de m’opposer à un de ses projets de loi qui pourrait se retrouver à l’étude à la Chambre.
Le sénateur Joyal : Je vous ai écouté très attentivement, monsieur le sénateur, et j’aimerais que vous réfléchissiez à ce que je m’apprête à vous dire : si le Sénat est composé de 105 indépendants, ne vous rendez-vous pas compte que vous réduisez le pouvoir de chaque sénateur nommé, puisqu’un sénateur devient plus vulnérable aux pressions gouvernementales par l’intermédiaire de discussions en tête-à-tête avec un ministre de la Couronne ou un sous-ministre ou quiconque a de l’influence au sein du gouvernement, surtout lorsqu’il vient tout récemment d’être nommé et qu’il a l’impression d’avoir une dette envers quelqu’un, quelque part? Lorsqu’on siège à l’opposition, dans la Chambre, le système permet, jusqu’à un certain point, d’exprimer des points de vue différents et de remettre en question la volonté du gouvernement quant au bien-fondé de sa position. Au moins, cette capacité est un peu mieux protégée. Vous pouvez tout de même rencontrer le ministre, des hauts fonctionnaires ou des représentants d’un organisme d’État — un président ou un directeur général —, mais, au moins, le groupe auquel vous appartenez offre un genre de zone tampon, si je peux utiliser cette expression non parlementaire. S’il n’y a que des indépendants qui agissent en fonction de leurs croyances, honnêtement, et avec toute leur expérience et leur dévouement — personne ne remet ça en question —, on ne peut tout de même pas affirmer que cette personne est sur un pied d’égalité avec la puissante machine gouvernementale.
J’ai l’impression qu’il y a un certain bien-fondé à l’idée de réfléchir au fait que, tandis que — comme vous le dites — nous rajustons la structure institutionnelle, nous allons, alors que nous voulons la rendre plus indépendante, eh bien, nous allons plutôt, en fait, la rendre plus vulnérable au gouvernement. Je crois donc qu’il y a là matière à réflexion. C’est ce que je voulais vous dire aujourd’hui.
Le sénateur Woo : Si vous me permettez une réponse rapide, je vais y réfléchir, mais je vais tout de même vous répondre de façon préliminaire, à brûle-pourpoint. Votre supposition est fondée sur deux hypothèses très importantes. La première, c’est que les 105 sénateurs de la Chambre seront tous indépendants. Selon moi, il est beaucoup plus susceptible qu’il y ait plusieurs groupes — je ne sais pas combien — qui s’organiseront par eux-mêmes, comme le GSI, et comme les caucus des conservateurs, des libéraux et peut-être, du NPD. Tout ça permettra une solidarité de groupe et le soutien mutuel dont vous parlez.
La deuxième supposition, c’est que l’organisation en fonction des partis politiques offre je ne sais pas trop comment une meilleure protection que lorsqu’on s’organise d’autres façons, comme le GSI. Je peux vous dire, d’après mon expérience au sein du GSI, que les sénateurs du groupe n’ont aucun problème à repousser le gouvernement. Ils ont l’impression d’être soutenus par leurs collègues — pas par tous leurs collègues, tout le temps, mais par différentes coalitions de collègues — et ils peuvent recevoir du secours, des conseils et du soutien moral et un appui afin de s’opposer au gouvernement de la façon que j’ai décrit précédemment dans mon témoignage.
Le président : Merci beaucoup, voilà qui conclut notre session, aujourd’hui. Je tiens à féliciter et remercier le sénateur Woo et tous les intervenants de leur très bon travail.
Avant que nous partions, le greffier a quelque chose à dire.
Blair Armitage, greffier du comité : Le président m’a demandé de souligner que le comité directeur m’a demandé de parler au légiste de la possibilité de préparer une note d’information sur la Loi sur le Parlement du Canada et là où il y a peut-être des lacunes. Le document sera distribué, lorsqu’il sera prêt, à titre de document d’information à l’intention des membres du comité.
Le président : Un dernier point du sénateur Massicotte?
Le sénateur Massicotte : Le sénateur Joyal le sait mieux que moi, mais, il y a environ deux ans — probablement une année et demie après l’arrivée au pouvoir des libéraux —, j’ai discuté avec le ministre responsable des institutions parlementaires au sujet d’une possible modification de la Loi sur le Parlement du Canada. Les intervenants étaient ouverts à l’idée de travailler en collaboration avec nous pour modifier la loi, de pair avec la présidence sur l’enjeu des salaires, mais ils ont reçu un avis juridique indiquant que ce n’était pas aussi simple que ça. Il ne faut pas uniquement que les deux Chambres s’entendent. Les experts juridiques croyaient qu’il fallait peut-être même faire intervenir les provinces. C’est l’avis juridique qu’ils ont obtenu, et ils ont fait marche arrière. Nous voulons tous une solution, mais ce n’est pas facile. Ce n’est pas une question de coopération entre nous et la Chambre des communes, laquelle est ouverte à apporter des modifications. Ce n’est pas évident.
Le président : Nous attendrons le document du greffier.
Le sénateur Mockler : Quand pouvons-nous nous attendre à le recevoir, monsieur le président?
M. Armitage : Ce n’est pas sûr pour l’instant.
Le président : Ce sera durant la vie du comité, c’est tout ce que je peux vous promettre. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)