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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 13 - Témoignages du 4 avril 2017


OTTAWA, le mardi 4 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 18 h 15, pour en examiner la teneur.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je m'appelle Fabian Manning et je représente Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Avant de céder la parole à nos témoins, je demanderais à tous les sénateurs de se présenter à tour de rôle, en commençant par ma droite.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du golfe, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je suis désolé pour ce retard, mais le Sénat vient tout juste de s'ajourner.

Le comité poursuit son examen du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

C'est avec plaisir que nous accueillons nos témoins. Je vais tout de suite leur demander de se présenter.

Naomi Rose, Animal Welfare Institute : Je suis une spécialiste des mammifères marins à l'Animal Welfare Institute, à Washington, D.C.

Rob Laidlaw, directeur, Zoocheck Inc. : Je représente un groupe qui s'appelle Zoocheck Inc. Nous sommes établis à Toronto et nous évoluons au Canada depuis près de 33 ans.

Le président : Je remercie nos invités de s'être libérés pour participer à notre discussion de ce soir.

Nous allons tout d'abord écouter vos déclarations, après quoi nous enchaînerons avec une période de questions. La parole est à vous.

M. Laidlaw : Bonsoir à tous. Tout d'abord, je tiens à dire que le projet de loi S-203, au bout du compte, reconnaît et codifie la situation actuelle au Canada et ce qui se profile à l'horizon immédiat.

Je trouve plutôt étrange que le projet de loi S-203 soit contesté par certains, y compris par mes collègues de l'industrie des aquariums, alors qu'il aura un effet minime sur leurs activités.

Comme vous le savez, le projet de loi S-203 propose de modifier trois textes de loi : le Code criminel du Canada, la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, communément appelée la WAPPRIITA.

Selon moi, les modifications proposées au Code criminel du Canada n'auront aucune incidence sur l'Aquarium de Vancouver ni sur Marineland, soit les deux établissements qui hébergent actuellement des mammifères marins au Canada, parce qu'ils bénéficient d'un droit acquis en vertu de la loi.

Il convient également de mentionner que l'Aquarium de Vancouver s'était engagé, en 1996, à ne plus acquérir de baleines capturées en milieu naturel et qu'il a récemment annoncé son intention de mettre fin, d'ici 2029, à son programme de captivité des cétacés, bien qu'un vote tenu récemment par la Commission des parcs de Vancouver visant à interdire cette pratique dans le parc Stanley pourrait accélérer le processus.

Dans le cas de Marineland, le parc garde actuellement plus de 45 bélugas, soit plus que tous les aquariums combinés aux États-Unis. Par conséquent, même s'il n'y a plus d'importation, il est fort probable que Marineland continue d'exposer des bélugas pendant encore 15 ou 20 ans avant que leur nombre ne commence à diminuer.

En outre, le propriétaire actuel de Marineland est âgé. Cela dit, lorsque l'établissement sera vendu, ce qui est inévitable, il est tout à fait possible qu'on prenne une autre direction, c'est-à-dire qu'on utilise la propriété pour d'autres activités et qu'on relocalise les baleines. C'est une possibilité.

En ce qui a trait aux modifications proposées à la Loi sur les pêches, il me semble que le projet de loi S-203 ne fait que codifier dans la loi une situation qui existe déjà au Canada depuis un certain temps.

On n'a pas capturé d'épaulards au Canada depuis les années 1970. Les dernières captures au Canada remontent à 1992, lorsque l'Aquarium John G. Shedd de Chicago avait capturé quatre bélugas. Par conséquent, si cela fait 25 ans qu'on n'a pas capturé de baleines, je pense qu'on peut maintenant reconnaître que cette pratique est belle et bien terminée et qu'elle ne reprendra pas.

Les modifications proposées à la WAPPRIITA sont tout à fait raisonnables et s'inscrivent dans la foulée d'une série de mesures prises en Amérique du Nord, notamment le refus du gouvernement américain d'accorder au Georgia Aquarium le droit d'importer les 18 bélugas capturés en Russie. Le gouvernement a aussi statué que la population de bélugas de la rivière Sakhalin Bay-Amur, en Russie, soit la population la plus exploitée par l'industrie des aquariums et, apparemment, l'origine de nombreux bélugas de Marineland, était épuisée. Cette désignation rend désormais illégale l'importation de bélugas provenant de cette population aux États-Unis.

Le parc SeaWorld a annoncé qu'il allait renoncer à la reproduction des épaulards, qu'il ne les utiliserait plus dans ses spectacles et qu'il les libérerait progressivement. L'État de la Californie a codifié dans la loi cette politique en interdisant la reproduction des épaulards et les spectacles les mettant en scène. L'Ontario a annoncé qu'elle interdirait la conservation et l'importation d'épaulards.

Le National Aquarium a annoncé qu'il relâcherait ses dauphins dans un sanctuaire en bord de mer, et l'Aquarium de Vancouver s'est engagé en 1996 à ne plus acquérir de baleines capturées en milieu naturel. L'aquarium a récemment annoncé qu'il n'exposera plus de bélugas d'ici 2029, et il y a quelques semaines, la Commission des parcs de Vancouver a décidé à l'unanimité d'interdire la captivité des cétacés dans le parc Stanley.

À mon avis, le projet de loi S-203 est un projet de loi très conservateur qui officialise simplement ce qui se fait déjà ou ce qui se prépare, et ne devrait pas être contraignant pour qui que ce soit.

Comme je l'ai dit, il n'y a que deux établissements au Canada qui gardent en captivité des cétacés aux fins d'exposition. Il s'agit de l'Aquarium de Vancouver, qui a déjà annoncé son intention de se retirer de cette entreprise, et la société privée Marineland, qui a suffisamment de baleines dans ses bassins pour garder cette population pendant encore des décennies. Étant donné les circonstances, je considère que le moment est bien choisi pour déposer un tel projet de loi.

En terminant, je dirais que c'est une chose facile à faire pour le Canada. Il n'y a aucun coût politique associé à l'adoption de ce projet de loi et il s'agit d'une mesure dont se réjouirait le monde entier, à l'instar des autres mesures semblables qui ont été prises par le passé. Tout le monde y gagne.

C'est donc pour ces raisons que je vous encourage à faciliter l'adoption du projet de loi S-203.

Le président : Madame Rose, la parole est à vous.

Mme Rose : Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Je suis une biologiste spécialisée dans les mammifères marins. Cela dit, je vais aborder le sujet à l'étude selon mon expérience.

À mon avis, ces espèces ne peuvent pas s'épanouir en captivité. En fait, toutes les espèces partagent certaines caractéristiques biologiques et écologiques qui ne leur permettent pas de s'épanouir en captivité.

Sachez que je m'occupe du bien-être des baleines et des dauphins en captivité depuis près de 25 ans. J'ai examiné le dossier d'un point de vue scientifique et j'ai formulé des arguments fondés sur la science contre la pratique qui consiste à présenter ces espèces dans des delphinariums.

Dans les premières années de ce débat, les arguments étaient largement éthiques, mais maintenant, nous en savons davantage sur ces mammifères grâce aux études qui ont été menées dans les années 1960 et 1970. On a fait beaucoup de progrès au XXIe siècle, en partie grâce à la technologie et l'utilisation de drones et d'étiquettes.

Nous en savons aujourd'hui beaucoup plus sur leur biologie et leur écologie que nous pouvons maintenant démontrer, à l'aide d'arguments fondés sur la science, que même dans les meilleures installations à la fine pointe, l'espace qu'ont ces animaux ne représente que le un dix-millième de 1 p. 100 de leur habitat naturel. Même avec la plus petite superficie du domaine vital pour un dauphin ou un épaulard, un dix-millième de 1 p. 100, c'est tout ce que nous pouvons leur donner en captivité.

Il n'y a pas que les données scientifiques pour nous confirmer que c'est une espèce qui ne peut s'épanouir en captivité; il y a aussi le gros bon sens.

Le milieu des zoos fait souvent valoir que les gens protègent et aiment seulement ce qu'ils connaissent. Selon eux, les gens doivent voir, entendre et même toucher un vrai animal pour l'apprécier et vouloir le protéger, d'où la nécessité d'exposer les animaux au public.

Toutefois, si cet argument favorable à l'exposition des animaux en captivité est juste, cela signifie qu'un très grand nombre d'espèces sont vouées à l'extinction. Cette logique ne tient pas la route. Les baleines à bosse ne sont pas gardées en captivité, et pourtant, les gens les adorent. La population est d'ailleurs en train de se rétablir; sur la côte Est de l'Amérique du Nord, on a constaté un rétablissement de la population, et pourtant, personne n'en a jamais vu en captivité. Visiblement, l'argument selon lequel il faut voir l'animal, le toucher et interagir avec lui n'est pas vrai, Dieu merci.

J'appuie entièrement le projet de loi S-203. Je considère que c'est une mesure législative très raisonnable et une approche très rationnelle. Il prévoit des droits acquis et accorde au milieu des zoos et des aquariums une longue période pour mettre fin à leurs activités. On ne leur demande pas de fermer leurs portes du jour au lendemain.

J'aimerais également souligner, comme M. Laidlaw l'a dit, que c'est une tendance qui se manifeste déjà. On ne fait que se laisser porter par la vague avec ce projet de loi.

Virgin Holidays, TripAdvisor et, plus récemment, Thomas Cook, ont cessé de faire la promotion des activités de baignade avec les dauphins dans les destinations de vacances. Le Costa Rica, l'Inde, la Californie et la Caroline du Sud, et même la province de l'Ontario, ont mis fin à l'exposition de ces espèces.

C'est déjà une réalité. Ce n'est rien de nouveau. Pour moi, c'est l'aboutissement de 25 années de travail, et je suis très emballée par ce que nous réserve l'avenir. Et je pense que dans l'avenir, il y aura des sanctuaires en bord de mer. Vous en avez déjà entendu parler.

À l'heure actuelle, il y a cinq projets viables en cours partout sur la planète : trois en Europe et deux en Amérique du Nord. Il y en a quatre qui sont pour les dauphins à gros nez, puis il y a un sanctuaire en eaux froides qui peut héberger des bélugas, des épaulards ou même des dauphins à flancs blancs du Pacifique, soit des espèces vivant en eaux froides.

Il ne faut pas se leurrer; cela va exiger beaucoup d'efforts et beaucoup d'argent. Comme M. Laidlaw peut vous l'expliquer, on trouve des sanctuaires pour la faune terrestre partout dans le monde : les ours, les éléphants, les tigres. Ce concept n'est pas nouveau. Ce qui sera nouveau, c'est le fait d'avoir des sanctuaires en bord de mer.

Le financement de ce type d'initiative pour la mégafaune charismatique sera le même, tout comme le modèle de gestion. Nous ne proposons rien de radical. Ce sera un peu différent, évidemment, parce que ce sont des animaux marins, mais pour ce qui est du modèle de gestion, on parle d'un modèle déjà établi.

C'est donc l'orientation que nous aimerions prendre, mais ce projet de loi ne l'exige même pas. À ma connaissance, aucun projet de loi n'envisage sérieusement la création de ce type de sanctuaire. On protège les droits acquis de ceux qui gardent actuellement les animaux en captivité et on permet aux zoos et aux aquariums de se retirer graduellement de ce secteur.

Je considère que c'est raisonnable. J'appuie fermement le projet de loi et je vous remercie de l'étudier aussi attentivement. En tant qu'Américaine, je dois vous exprimer ma gratitude pour votre examen minutieux de ce projet de loi.

Le président : Nous allons passer à la période de questions.

Le sénateur McInnis : Comme vous le savez, c'est une question chargée d'émotions. Au sein du comité, nous entendons les deux côtés de la médaille. Le défi, pour nous, sera de rendre la bonne décision. Chose certaine, nous tiendrons compte des divers points de vue que nous aurons recueillis.

Sur le plan éducatif, si vous pouviez le quantifier, qu'est-ce que cela représente de voir ces mammifères en captivité, par rapport à ce que l'on peut voir dans leur milieu naturel? Dans quelle mesure les études peuvent-elles être réalisées dans la nature? Autrement dit, qu'est-ce qu'on perdrait, si on n'avait pas ces aquariums? Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Le Dr Marino a comparu devant le comité jeudi dernier et nous a parlé des sanctuaires en bord de mer. Pourriez- vous nous en parler un peu plus longuement? J'aimerais bien avoir un de ces sanctuaires au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas comment un tel sanctuaire pourrait fonctionner ni en quoi il pourrait remplacer les aquariums. Pourriez-vous nous en parler un peu?

Mme Rose : Vous allez peut-être me trouver drastique, mais je vais vous présenter la situation sous un autre angle. Lorsqu'on parle de certaines espèces, et selon moi, toutes les baleines et tous les dauphins appartiennent à cette catégorie, je crois que les zoos et les aquariums nuisent à l'éducation. À l'extrême, je les trouve carrément inutiles. Ce sont pratiquement tous des établissements commerciaux. Pas tous; il y a plusieurs établissements municipaux ou à but non lucratif.

Toutefois, cela coûte extrêmement cher de garder ces animaux en captivité, alors ces établissements doivent faire de l'argent. C'est pourquoi ils exigent des frais d'admission très élevés, même lorsqu'il s'agit d'un établissement à but non lucratif. Dans un établissement à but lucratif, cela coûte 100 $ par jour pour y passer la journée. C'est donc beaucoup d'argent pour une famille de quatre.

Cela dit, lorsqu'on recherche le profit, on peut douter du bien-fondé des programmes d'éducation. En tant que spécialiste des mammifères marins, je peux vous dire que Marineland en est un bon exemple. Ce n'est pas autant le cas de l'Aquarium de Vancouver. Ce qu'on entend au sujet de ces animaux une fois qu'on se retrouve sur le site est pratiquement toujours faux : la nageoire dorsale des épaulards, le comportement social des dauphins, la distance qu'ils peuvent parcourir et la profondeur à laquelle ils peuvent plonger. Les dauphins à gros nez peuvent plonger jusqu'à 1 300 pieds ou 450 mètres de profondeur. Le réservoir ou l'enclos le plus profond dans le monde n'a que 10 mètres.

Lorsqu'un enfant voit un dauphin briller durant un spectacle, il ne voit pas la réalité. Il ne voit qu'une façade. En fait, ce n'est que de la fumisterie. En tant que scientifique, défenseure et même éducatrice — j'offre beaucoup de conférences —, je trouve que cette transmission de fausses informations est très troublante. Je pense que c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles on a autant de mal à conserver notre environnement marin, car les gens fréquentent des endroits comme Marineland, SeaWorld ou nagent avec les dauphins dans les Caraïbes et croient que les baleines et les dauphins se portent à merveille : ils sont heureux, ils sautent et font des spectacles. Vous, qui avez les pouvoirs, n'autoriseriez pas cela s'il y avait quelque chose qui n'allait pas avec les océans. Vous ne le permettriez pas s'il y avait un problème avec les océans ou avec leurs populations alors qu'en fait, c'est le cas.

Je siège au comité scientifique de la Commission baleinière internationale et je suis au courant des enjeux concernant la conservation. Les océans ne vont pas bien. Et je considère que les zoos et les aquariums empirent les choses lorsqu'on parle de ces espèces. Ce ne sont pas toutes les espèces, évidemment, mais on se trouve à mentir au public en lui faisant croire que tout va bien et que c'est normal pour ces espèces de nager dans ce petit bassin d'eau et de plonger jusqu'à une profondeur maximale de 10 mètres.

C'est donc la réponse à votre première question. Je ne crois pas qu'on perdrait quoi que ce soit. En fait, je considère que ce serait même un gain si nous cessions d'exposer ces animaux en captivité. Je pense que les animations électroniques, l'observation des baleines et même un bon livre rempli de belles images peuvent remplacer un spectacle à Marineland. Je dirais même que c'est encore plus éducatif.

Pour ce qui est du sanctuaire en bord de mer, je siège au conseil d'administration du même sanctuaire dont Mme Marino vous a parlé. Nous proposons d'installer un filet autour d'une baie ou d'une anse pour laisser beaucoup plus d'espace aux animaux. Voilà le véritable objectif. Ce sont des prédateurs à distribution étendue dont les mouvements sont vraiment restreints. Puisque ces animaux sont très intelligents et sociaux, un tel confinement, s'il ne les mène pas à la folie, peut du moins provoquer une dépression et les empêcher de s'épanouir. Nous voulons donc les aider à s'épanouir même si leur espace demeure restreint et qu'ils sont encore soignés par des gens. Je peux vous garantir que la plupart de ces animaux ne pourraient pas survivre dans la nature. Nous continuerions à nous occuper d'eux dans un sanctuaire, mais ils auraient plus d'espace.

Sur le plan légal et logistique, nous apprenons au fur et à mesure étant donné qu'un tel sanctuaire n'a jamais été créé auparavant. Le modèle d'affaires a toutefois déjà été employé pour d'autres espèces. Il existe des sanctuaires pour la mégafaune charismatique, qui comprend des animaux sociaux et intelligents comme les éléphants, les tigres, les ours et les primates. Des sanctuaires ont été créés pour tous ces taxons, de sorte que nous ne partons pas de rien, mais que nous travaillons plutôt à partir de modèles établis.

M. Laidlaw : J'aimerais revenir sur l'argument pédagogique. Je ne peux pas me prononcer sur l'expérience de ceux qui observent des animaux dans la nature, mais mon organisation s'est penchée très récemment sur la question des zoos et des aquariums.

Nous avons examiné la littérature scientifique, c'est-à-dire les articles tirés de revues avec comité de lecture qui sont diffusés sur Google Scholar, sur Web of Science et sur ce genre de moteurs de recherche scientifique. Il y a un certain nombre d'articles à ce sujet, voire plusieurs dizaines. Pourtant, il y en a très peu, le cas échéant, qui soutiennent que les visiteurs ordinaires d'un zoo ou d'un aquarium, qui observent les animaux pendant un certain temps, apprennent quoi que ce soit sur eux, contrairement à ce que ces établissements prétendent. Il existe très peu de preuves à cet effet, tandis que de nombreux éléments de preuve démontrent que ces visiteurs n'apprennent rien du tout.

Qui plus est, les zoos et les aquariums prétendent faire naître des légions de protecteurs de l'environnement, qui iront ensuite sur le terrain et modifieront leur comportement dans l'intérêt des animaux et de l'environnement. Or, rien ne donne à penser que les visiteurs des zoos ou des aquariums qui observent les animaux et lisent les éléments d'information à proximité des cages, des piscines et des bassins, qu'ils ne rapportent pas chez eux, changent le moindrement leur comportement par la suite.

Lorsque nous observons ces animaux, il ne faut pas non plus oublier qu'ils sont complètement sortis de leur écosystème. Ces animaux ressemblent à des fragments de la nature, qui sont placés dans un milieu totalement étranger pour que les gens puissent les observer aisément.

Dans bien des cas, à peu près tout ce que vous pourrez voir au zoo est leur taille, leur forme et leur couleur. Et ce n'est pas toujours vrai. Si vous observez des animaux comme le cheval de Przewalski, vous constaterez que leur coloration change. De leur côté, les ours polaires prennent une forme de poire puisqu'ils perdent leur musculature. Ils n'ont rien à voir avec les ours polaires à l'état sauvage.

J'ai vu des tigres, des lions et d'autres grands félins dans leur milieu naturel. Or, les animaux en captivité deviennent obèses par manque d'activité physique. Ils ne peuvent rien faire comme ils en ont l'habitude lorsqu'ils sont dans la nature. Ils ne ressemblent vraiment pas aux animaux sauvages.

Au mieux, vous verrez un animal qui ressemble vaguement à ses cousins à l'état sauvage de par sa taille, sa forme et sa couleur. En revanche, vous n'apprendrez rien sur son domaine vital et son territoire; sur sa recherche de partenaire sexuel; sur les comportements maternels normaux; et sur ses interrelations avec les autres individus, avec sa famille élargie ou avec les autres espèces sur son territoire. Vous n'apprendrez absolument rien là-dessus.

Je défie quiconque de prouver que les visiteurs ordinaires apprennent quoi que ce soit grâce au temps qu'ils passent à observer les animaux, à tout le moins.

Nous avons réalisé des sondages au zoo de la communauté urbaine de Toronto et à d'autres établissements, qui montrent que les gens passent en moyenne 8 et 90 secondes à observer les animaux. Je défie donc quiconque de me convaincre de me démontrer qu'une personne peut vraiment apprendre quelque chose sur un animal en le regardant aussi peu de temps.

Lorsque nous tentions de sortir les éléphants du zoo de Toronto, des sondages internes ont été effectués à l'établissement. Nous avons nous-mêmes pris le pouls des gens. Nous avons formé deux échantillons de 500 personnes, et avons constaté que les gens passaient en moyenne 77 secondes à regarder les éléphants. Il s'agit pourtant d'une attraction prisée et des animaux les plus charismatiques du zoo. On aurait pu s'attendre à ce que tous les visiteurs accourent à ces animaux, puis attendent pour les observer, mais ils y restaient en moyenne 77 secondes.

Selon le sondage réalisé au zoo, les gens ne se préoccupaient pas vraiment de savoir si les éléphants étaient là ou non. Ils voulaient simplement passer une belle journée à observer des animaux. Il en va de même pour les aquariums.

Même en considérant le temps que les visiteurs passent aux expositions, il est manifestement déraisonnable de croire qu'ils apprennent quoi que ce soit, mis à part peut-être la taille, la forme et la couleur de certains animaux.

Si vous examinez la littérature scientifique du milieu de la zoologie, et je parle de documents publiés par les gens du milieu, vous constaterez qu'ils reconnaissent l'inutilité des présentations graphiques et factuelles de l'information, de même que de la narration des spectacles, qui est généralement réductrice et factuelle. Il suffit d'examiner la littérature pour le constater.

Ces gens se sont donc rabattus sur l'idée qu'ils servent de pont entre les visiteurs et la nature sauvage. Ils estiment que lorsque vous regardez un gorille ou un béluga dans les yeux, vous vous transformez comme par magie. Lorsqu'un visiteur quitte le zoo, ils croient que sa vie sera changée à tout jamais et qu'il s'empressera d'aller à la rescousse de la nature sauvage. Il n'y a toutefois aucune preuve en ce sens.

Le milieu de la zoologie a même une expression pour désigner le phénomène. Cette connexion aléatoire que les visiteurs sont censés vivre s'appelle la proposition du zoo. Voici ce que j'en dis : d'une part, il n'y a aucune preuve à cet effet et, d'autre part, il existe de bien meilleures façons d'établir un lien avec la nature sauvage.

J'écris des livres pour enfants. Je suis d'ailleurs en train de rédiger mon dixième, qui porte sur les chauves-souris. Il y a des milliers d'écoles et de bibliothèques en Amérique du Nord et ailleurs. J'ai littéralement pu m'adresser à des dizaines de milliers d'enfants d'un océan à l'autre, et je peux vous garantir qu'ils n'ont nullement besoin de voir un animal en cage.

Nous entendons souvent dire qu'un enfant, que l'enfant d'un voisin ou qu'un aîné a eu un sourire aux lèvres après être allé au zoo, et que cette connexion s'est établie. Lorsque les gens ne connaissent absolument rien de l'expérience des animaux, de l'écologie comportementale et de l'histoire de la nature des animaux, et qu'ils pensent que tout est correct puisque les animaux sont protégés, ils repartent avec un sourire aux lèvres. En revanche, si la totalité des renseignements est divulguée et que les gens comprennent ce qu'ils sont en train d'observer et la façon dont ces animaux vivent dans la nature, leur sourire s'estompe rapidement.

Peu importe que les gens aient 7 ou 70 ans. Lorsque l'ensemble de l'information est dévoilée dans son intégralité, cette connexion et ce sourire s'évanouissent. Je l'ai constaté à maintes et maintes reprises. Il y a de meilleures façons de sensibiliser les gens.

Le président : Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre, mais nous avons une longue liste d'intervenants. J'hésite toujours à couper les témoins. Je n'aime pas le faire, mais je vais devoir commencer à imposer des limites de temps étant donné que nous avons un peu de retard et qu'il reste un grand nombre d'intervenants.

Le sénateur McInnis : Je serai très bref. Vous avez tous les deux fait valoir des arguments convaincants, et vous connaissez évidemment bien la question. Nous allons entendre le témoignage d'un vétérinaire qui a travaillé 45 ans à Marineland.

Permettez-moi de citer ce qu'il a dit devant l'Assemblée législative de l'Ontario à propos de l'épaulard Kiska, lors du dépôt du projet de loi 80 : « [...] elle a été observée par quelque 30 millions de personnes, à qui elle a transmis un enseignement sur les orques et la vie marine... C'est un hommage au fait que Marineland a réussi à sensibiliser la population sur ces animaux remarquables. » Les mammifères qui vivent là-bas sont libres de stress, ont une bonne santé mentale et ont généralement une bonne santé physique aussi. Cette remarque provient d'un vétérinaire qui a travaillé là-bas. Voilà la dichotomie qui oppose les gens, et c'est la discussion qu'il faut engager. C'est donc l'envers de la médaille.

Mme Rose : Je comprends très bien. Malheureusement pour vous, cela ressemble un peu à ce qui a été dit, mais il suffit d'examiner les données et la littérature pour constater que Kiska est un exemple éloquent. Je sais que vous parlez du Dr Lanny Cornell et que Kiska est tout à fait anormale. Elle n'a rien de normal. Il est vrai qu'elle a été observée par 30 millions de personnes. Or, chacun de ces visiteurs qui ont passé une belle journée à Marineland est reparti avec une fausse image des épaulards.

Je suis moi-même une biologiste spécialisée dans les épaulards. J'ai passé des années à étudier ces animaux sur le terrain en Colombie-Britannique, c'est-à-dire ici même au Canada. Or, Kiska n'a rien d'une orque normale. J'ai moi aussi passé des heures à l'observer. Il n'y a rien dans son comportement qui puisse dresser un portrait adéquat des épaulards à un enfant.

J'aimerais revenir sur ce que je viens de dire. À vrai dire, je pense même que Kiska nous empêche de montrer aux jeunes à quel point ces animaux ont besoin de nous pour assurer leur survie, leur protection et leur conservation dans la nature. Avec tout le respect que je dois au Dr Cornell, il ne fait que défendre sa propre carrière. Il est faux d'affirmer que ces 30 millions de personnes ont appris quoi que ce soit.

Le sénateur McInnis : Merci.

Le président : Je vous rappelle que le temps presse, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Eh bien, monsieur le président, j'espère aussi que la longueur des réponses sera ajustée en conséquence, car c'est ce qui a posé problème lors de la dernière question; la faute n'était pas chez l'intervenant.

Pour commencer, j'ai une série de questions à poser à Mme Rose. Monsieur le président, je vous invite à m'interrompre lorsque vous souhaiterez passer au prochain tour.

J'aimerais tout d'abord parler quelque peu de votre accréditation. Je serai très concis, et je doute que nous ayons besoin de réponses longues. Êtes-vous une vétérinaire détentrice d'un certificat de spécialiste?

Mme Rose : Absolument pas.

Le sénateur Plett : Quel était le sujet de votre thèse de doctorat?

Mme Rose : La dynamique sociale des épaulards en Colombie-Britannique.

Le sénateur Plett : Quand avez-vous publié votre dernier article révisé par les pairs à propos des baleines et des dauphins, et sur quoi portait-il?

Mme Rose : Je dirais que c'était l'année dernière ou l'année précédente, et je travaille désormais principalement sur des enjeux politiques. Je ne suis évidemment plus sur le terrain.

Le sénateur Plett : Mais vous avez bel et bien publié un article révisé par les pairs.

Mme Rose : Bien sûr, j'en ai publié plus de 40.

Le sénateur Plett : Pourriez-vous les faire parvenir à notre comité?

Mme Rose : Avec plaisir.

Le sénateur Plett : Tout d'abord, je demande au président de m'excuser. Il se passe trop de choses aujourd'hui. Nous sommes sortis en retard de la chambre, et je m'excuse de mon retard.

Madame Rose, vous souhaitez placer des baleines et des dauphins dans des enclos marins. Parlez-vous de sanctuaires ou d'enclos marins? De quoi s'agit-il?

Mme Rose : Il existe déjà des enclos marins partout dans le monde. C'est ce qu'on appelle des delphinariums, qui sont des établissements de présentations publiques qui servent surtout aux programmes de nage avec les dauphins. Si vous connaissez les enclos dans lesquels les thons ou d'autres espèces sont élevés, c'est ce dont il s'agit. Ce sont des cages en filet placées en mer, habituellement près du rivage.

Ce que nous voulons faire dans le cas des sanctuaires en bord de mer, c'est fixer un filet autour d'une baie ou d'une anse qui serait, au bas mot, 50 à 100 fois plus vaste qu'un enclos marin.

Le sénateur Plett : C'est semblable à ce que notre témoin précédente a dit à propos des sanctuaires.

Mme Rose : Oui, c'est exact.

Le sénateur Plett : Vous défendez les enclos marins et avez déjà dit que l'idée que ces enclos soient dangereux est totalement ridicule.

Mme Rose : C'est vrai que je l'ai dit.

Le sénateur Plett : C'est donc ce que vous en pensez.

Mme Rose : C'était en réponse à une affirmation des représentants de SeaWorld, qui disaient que les cages marines — c'est le terme qu'ils ont employé — sont dangereuses. C'est eux qui l'ont dit. Je répondais à leur allégation selon laquelle les cages marines sont dangereuses. De prime abord, cette remarque n'est fondée sur rien.

Le sénateur Plett : J'aimerais dire une chose, mais je devrais peut-être m'abstenir. J'ai été voir l'épaulard dont il est question, et elle m'a semblé tout à fait normale. Je ne suis pas un professionnel, mais elle m'a paru plutôt normale et m'a souri lorsque je l'ai touchée.

Mme Rose : Les épaulards sourient même lorsqu'ils sont morts.

Le sénateur Plett : C'est juste. C'est aussi vrai pour les humains, à l'occasion.

Où prendrez-vous les baleines de votre sanctuaire?

Mme Rose : Dans le milieu des spectacles publics.

Le sénateur Plett : Comment en ferez-vous l'acquisition? Les importerez-vous?

Mme Rose : Tout dépend de l'emplacement du sanctuaire et des animaux. Certains pourraient être importés alors que d'autres pourraient traverser la frontière d'un seul pays.

Le sénateur Plett : Êtes-vous d'accord avec le passage suivant du projet de loi?

Il est interdit d'importer au Canada ou d'exporter du Canada un cétacé, notamment une baleine, un dauphin ou un marsouin, mort ou vivant, ou du sperme, des cultures tissulaires ou des embryons de cétacés.

Êtes-vous en faveur de cette disposition?

Mme Rose : Je crois savoir que certaines pratiques font l'objet d'exceptions.

Le sénateur Plett : Non, aucune exception n'est prévue ici. L'article 4 du projet de loi est très clair.

La Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial est modifiée par adjonction, après l'article 7, de ce qui suit...

Et c'est justement ce que j'ai cité. Appuyez-vous cet article du projet de loi?

Mme Rose : J'ai participé à l'adoption du projet de loi en Californie. Ce texte, qui a maintenant force de loi, contient une disposition permettant le transport des animaux jusqu'à des sanctuaires en bord de mer.

Le sénateur Plett : Notre projet de loi ne contient aucune disposition semblable. Êtes-vous favorable à cet article du projet de loi?

Mme Rose : Je voudrais avoir cette possibilité.

Le sénateur Plett : Vous n'appuyez donc pas ce passage.

Mme Rose : Je l'appuie s'il est modifié.

Le sénateur Plett : Mais vous n'êtes pas en faveur.

Mme Rose : Oui, j'appuie la disposition si elle est modifiée pour inclure cette exception. Tous les projets de loi comportent des exceptions, monsieur.

Le sénateur Plett : Dans ce cas-ci, le parrain du projet de loi a dit qu'il allait proposer quelques amendements, mais certainement pas celui-là.

Monsieur Laidlaw, votre organisation a-t-elle participé au processus réglementaire de deux ans du gouvernement ontarien? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous parler du degré de participation de la province et des étapes qu'elle a suivies pour étudier la question du nouveau règlement sur les cétacés en captivité?

M. Laidlaw : Le gouvernement de l'Ontario a lancé un processus de consultation accéléré auprès d'un certain nombre d'intervenants. Il a invité trois groupes de parties intéressées : des acteurs gouvernementaux à l'interne, des groupes de protection des animaux et des membres de l'industrie. D'autres personnes ont aussi participé au processus.

La consultation accélérée a donné lieu à divers projets de règlement qui ont été distribués aux différents intervenants pour qu'ils les commentent, après quoi le gouvernement s'est penché sur les remarques recueillies, puis a établi les normes qui ont ensuite été distribuées.

Par la suite, tous les intervenants ont à nouveau pu commenter les normes, qui ont fini par être intégrées au règlement 60/09 de la Loi sur la Société de protection des animaux de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Le gouvernement de l'Ontario a-t-il tenu compte des besoins des bélugas en captivité au moment de rédiger le règlement? Je sais que l'Ontario a statué qu'il n'y aurait plus d'épaulards élevés en captivité ou transférés afin d'être gardés en captivité dans la province. Pouvez-vous nous dire ce que l'Ontario a décidé d'inscrire dans le règlement pour ce qui est des bélugas?

M. Laidlaw : Les groupes de protection des animaux qui ont participé à la consultation ont convenu à l'unanimité que tous les cétacés devaient être considérés sur un pied d'égalité aux termes de la loi.

Le gouvernement a énuméré certains critères ayant servi à adopter sa position sur les épaulards, et ces critères s'appliquent également aux autres cétacés. Tous les groupes de protection des animaux ont préconisé que l'interdiction soit élargie de manière à englober les autres cétacés.

Je ne connais pas parfaitement les motivations du gouvernement de l'Ontario, mais je suppose qu'on a essayé de trouver un terrain d'entente entre tous les intervenants et décidé de ne pas procéder ainsi. Il y avait également des considérations politiques. On savait que l'interdiction des épaulards était chose facile. Il était improbable que d'autres épaulards soient acheminés vers la province. On a accordé des droits acquis pour le seul épaulard dans la province et on savait que le gouvernement serait présenté sous un jour très favorable dans ce dossier, et c'est exactement ce qui est arrivé.

Plusieurs choses se sont produites. On a cherché un terrain d'entente. On ne voulait pas aller très loin dans ce dossier, même si la tendance à l'échelle continentale et mondiale se confirmait sans aucun doute. Le gouvernement a réussi à paraître sous un jour favorable et à cocher ainsi une case sur la liste de ses objectifs politiques.

Le sénateur Plett : Ma question était la suivante : quelle décision a-t-on prise concernant les bélugas?

M. Laidlaw : La décision consistait à demander à la SPCA ontarienne d'essayer d'apaiser les inquiétudes concernant la captivité des bélugas au moyen du règlement 60/09.

Le sénateur Gold : Ma question est pour vous, madame Rose. Vous avez fait allusion à l'artificialité de l'environnement dans lequel les cétacés sont gardés en captivité et vous avez parlé des dommages psychologiques et des autres torts qu'ils sont susceptibles de subir.

En puisant dans vos travaux de recherche, pouvez-vous en dire plus long sur les préjudices, qu'ils soient physiques ou autres, dont souffrent les cétacés en captivité?

Mme Rose : Oui. Le gouvernement américain a récemment mis en branle un processus réglementaire pour mettre à jour ses règles sur les soins et la protection des mammifères marins captifs, de l'ensemble de mammifères marins, et il y a eu une période de consultation publique.

J'ai donc passé beaucoup de temps à parcourir la documentation pour essayer de trouver les connaissances écologiques et biologiques les plus récentes sur ces animaux. Ces connaissances portaient sur les baleines, les dauphins, les phoques, les lions de mer, les ours polaires et les lamantins.

Quelle est l'étendue de leur territoire? À quelle profondeur plongent-ils? Quelle est la taille de leurs groupes? Quelle est leur espérance de vie? De quelles maladies souffrent-ils?

J'ai demandé l'aide de deux ou trois stagiaires, et nous nous sommes plongés dans la littérature scientifique. J'ai fini par écrire une lettre de 60 pages, dans laquelle figurent 140 références, pour essayer d'exprimer mes préoccupations concernant les règles américaines sur les soins et la protection, qui sont considérées dans le monde comme étant conformes à la norme, et pour dire ce que je voulais qu'elles soient.

Il est normal que j'essaie d'utiliser le système pour améliorer le bien-être de ces animaux, en sachant qu'ils ne se retrouveront pas tous dans une réserve naturelle demain. Cette pratique ne disparaîtra pas du jour au lendemain. On porte actuellement atteinte à leur bien-être, et j'essaie de recourir au système pour qu'ils soient mieux traités.

Qu'est-ce qui leur cause du tort? L'une des études que j'ai consultées a été menée au Mexique. Elle a établi que lorsque les dauphins à gros nez sont détenus dans des cages marines plutôt que dans des réservoirs en béton, ils nagent davantage et se laissent moins flotter à la surface dans un état léthargique. C'est exactement comme ce que je viens de décrire, à savoir des cétacés qui flottent comme une bûche sans bouger. Il est extrêmement rare de voir un tel comportement dans la nature, mais c'est extrêmement répandu en captivité. Dans les cages marines, ils nagent davantage, se laissent moins flotter à la surface et ont un niveau de cortisol moins élevé. Le cortisol est une hormone liée au stress chronique, et la détention dans une cage marine influe sur le niveau observé. C'est ce qui se produit, contrairement à ce qui est observé dans les réservoirs en béton, dans lesquels les dauphins sont plus stressés, nagent moins et se laissent davantage flotter à la surface.

Trouver cette étude n'a pas été chose facile. En Amérique du Nord, à l'exception du Mexique, on ne fait pas ce genre de travaux scientifiques de base sur le bien-être des animaux. On ne s'est pas penché sur la question en Europe. Aucune étude ne porte là-dessus à l'exception de celle que j'ai trouvée au Mexique.

Ce que j'ai appris à propos des animaux gardés dans un milieu naturel — si je devais deviner en tant que biologiste —, c'est que leur bien-être est autant lié à l'espace qu'à l'acoustique, car les cages marines sont plus grandes que les réservoirs et l'acoustique y est plus naturel. Il est extraordinaire de constater à quel point ces animaux se servent de leur ouïe. Ils écoutent et entendent beaucoup mieux que nous, jusqu'à de très hautes fréquences, et lorsqu'ils sont dans des réservoirs, qui ne changent pas d'un jour à l'autre, ils cessent d'utiliser leur écholocalisation. Ils peuvent encore s'en servir. Cela fonctionne parfaitement bien, mais ils ne s'en servent pas très souvent. On a étudié la question. Ils utilisent moins souvent l'écholocalisation lorsqu'ils sont en captivité dans un réservoir, mais ils écoutent des bruits de pompes à longueur de journée et toutes sortes de vibrations à basse fréquence dérangeantes provenant des murs de béton. C'est un peu comme vivre près d'un aéroport, si vous voulez. C'est déjà assez difficile pour des êtres humains. Pour les animaux qui utilisent davantage leur ouïe que leur vision, c'est pire.

Au moins, dans une cage marine, ils n'ont pas de murs en béton qui transmettent tout, et ils ne sentent pas les vibrations dans la colonne d'eau. Ils vivent dans un milieu plus naturel acoustiquement, ce qui les aide. C'est apparemment visible dans les niveaux de cortisol salivaire, dans leur comportement natatoire et dans leur tendance à ne pas se laisser flotter immobile à la surface.

J'ai également découvert une autre chose que je ne voulais pas entendre, mais je vais là où les données me mènent. La marine américaine garde en captivité 70 dauphins à gros nez dans des cages marines au port de San Diego. Je n'aime pas ce programme. C'est une utilisation à des fins militaires d'animaux sauvages. Je n'aime pas vraiment cela, mais les données indiquent que ces animaux vivent plus longtemps que les dauphins gardés dans des réservoirs.

Le programme existe depuis environ 1955. La marine avait beaucoup de données sur un grand nombre d'individus et sur leur longévité. Elle a établi qu'ils survivaient plus longtemps parce qu'ils étaient gardés dans des cages marines et qu'on leur faisait faire des promenades dans l'océan. Ceux qui connaissent un peu le programme de la marine savent qu'on leur fait faire des promenades, qu'ils extraient des munitions et qu'ils plongent en eaux profondes. Ces animaux plongent en eaux profondes, ce qui semble accroître leur longévité.

Il me reste juste un point. Ils semblent également souffrir d'un plus grand nombre de maladies. Les niveaux de cortisol révèlent qu'ils sont peu stressés, ce qui explique pourquoi ils ont beaucoup plus souvent tendance à contracter une pneumonie, une septicémie ou l'érysipèle que ce que l'on observe chez les individus échoués, les animaux sauvages et ainsi de suite.

Le sénateur Gold : Pouvez-vous nous faire parvenir les références de ces études?

Mme Rose : C'est avec plaisir que je vous ferai parvenir ma lettre qui contient toutes les références, ainsi que les documents PDF disponibles.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Ma question porte davantage sur les réserves marines. Y en a-t-il certaines qui peuvent contenir un béluga?

Mme Rose : Je vous demanderais de ne pas trop vous attacher au concept des réserves marines, car, premièrement, le projet de loi n'aborde pas la question et, deuxièmement, il n'en existe toujours pas.

Nous travaillons là-dessus, mais il n'y en a toujours pas une seule. À l'heure actuelle, ce n'est qu'un concept que nous essayons de concrétiser.

Nous ne demandons à aucun établissement au Canada d'acheminer ses animaux vers des réserves marines. Nous pensons que ce sera le cas si nous en construisons une, mais ce projet de loi leur donne des droits acquis et leur permet d'exposer ces animaux et d'en tirer un profit, comme l'a dit M. Laidlaw.

Le sénateur Enverga : Pour ce qui est des baleines et des cétacés qui se trouvent actuellement dans des réservoirs, vous avez dit que la solution serait de les acheminer vers des réserves marines.

Mme Rose : C'est une solution que nous aimerions proposer, mais nous ne pouvons pas forcer les choses.

Le sénateur Enverga : Le problème, c'est que l'efficacité de ces réserves n'a pas encore été prouvée, n'est-ce pas?

Mme Rose : Cela n'a jamais été fait concrètement, mais le concept s'est révélé fructueux pour ce qui est des mammifères terrestres.

Le sénateur Enverga : Techniquement, il serait bon, en théorie, de les mettre dans des réserves marines.

Mme Rose : C'est la théorie sur laquelle nous nous penchons, oui. Je souligne toutefois, comme l'a mentionné le sénateur, que les cages marines existent. Il y a des delphinariums. Il s'agit d'aquariums dans lesquels on peut se baigner avec les dauphins. On les retrouve surtout dans les Caraïbes et en Israël. Les aspects techniques concernant la façon de travailler auprès des animaux dans des cages marines ont été définis. Nous n'aurions pas à réinventer la roue du tout au tout.

Le sénateur Enverga : Ces cages marines sont plus petites, n'est-ce pas?

Mme Rose : Elles sont beaucoup plus petites que ce que nous envisageons, tout à fait.

Le sénateur Enverga : Ce qui me préoccupe au sujet de la création de grandes réserves marines, c'est qu'il faut installer le filet dans une anse ou une énorme étendue d'eau. Je crains que les prédateurs qui y seraient confinés de façon permanente ne perturbent l'écosystème de toute la zone fermée. Ce serait différent et difficile pour les animaux qui sont déjà là.

Mme Rose : Nous aurions des critères à satisfaire, notamment des évaluations environnementales qu'exigeraient la plupart des gouvernements. Des critères devraient être satisfaits dans notre propre intérêt en ce qui a trait au débit d'eau et aux marées. Le renouvellement de l'eau serait essentiel.

Le sénateur Enverga : Avez-vous trouvé un endroit?

Mme Rose : Nous y travaillons. Je ne veux pas tourner autour du pot, mais nous nous penchons là-dessus.

Le sénateur Enverga : Il ne sert à rien d'approuver cette mesure législative, car il n'y a pas d'autre solution pour les cétacés qui sont déjà en captivité.

Mme Rose : Sauf votre respect, de toute façon, ce n'est pas là-dessus que porte le projet de loi. Il accorde des droits acquis pour ces animaux, qui resteront où ils sont. Ils passeront leur vie dans les installations où ils se trouvent. Ils continueront d'être exposés. Le parc thématique continuera d'avoir des montages russes, et cette espèce ne sera plus détenue au fil du temps.

Il est raisonnable de proposer une élimination progressive au fil du temps. Les responsables du parc auront ainsi amplement le temps de passer à un nouveau modèle d'entreprise.

Le sénateur Enverga : Mais à l'heure actuelle, ce n'est pas une solution de rechange.

Mme Rose : Ce n'est actuellement pas une option. Cette façon de procéder est tout simplement logique, oui.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous ce soir pour partager vos connaissances avec nous. Vos arguments concernent spécifiquement les cétacés, compte tenu de leur sensibilité acoustique. Selon votre diagnostic, pour un animal sauvage, qu'il s'agisse d'un ours, d'un lion, d'un éléphant ou d'un cétacé, s'il se trouve en captivité, ce n'est pas idéal pour lui. Or, le projet de loi concerne spécifiquement les cétacés.

Les lois de la nature sont justes, sans pitié et sans préférences. Un animal blessé, si on le laisse dans la nature, peut être attaqué par des prédateurs. Dans certains cas, pour les animaux comme pour les humains, on doit les garder en lieu sûr pour leur bien, même s'ils préfèrent vivre en liberté. Existe-t-il des cas où le fait de les garder dans des conditions décentes contribue au mieux-être de ces individus?

[Traduction]

Mme Rose : Les données indiquent exactement le contraire. Plusieurs méta-analyses ont été faites sur de grands prédateurs carnivores qui parcourent de vastes distances, notamment les tigres, les ours polaires et quelques autres espèces. Ce qui semble essentiel, c'est l'étendue de leur territoire, les grandes distances qu'ils parcourent. Les prédateurs carnivores qui ont un petit domaine vital s'adaptent relativement bien à la captivité. Lorsque leur écosystème est vaste, ils s'adaptent très mal à la captivité. La méta-analyse portait sur de nombreuses espèces.

Je dirais que les prédateurs qui parcourent les plus grandes distances sont les cétacés. Les épaulards parcourent des dizaines de milliers de milles par année ou des centaines de milles par jour. Pour ce qui est des dauphins à gros nez, le plus petit domaine vital que j'ai trouvé était de 600 000 mètres carrés. C'était le plus petit. La plupart d'entre eux ont un domaine vital qui couvre des centaines de kilomètres. Ce sont par définition des prédateurs qui parcourent de grandes distances.

Cette méta-analyse a été publiée dans la revue Nature, l'une des plus prestigieuses qui soient. Il est indiqué que ces animaux vivent moins longtemps, s'accouplent avec moins de succès, ont des taux de natalité plus faibles qu'à l'état sauvage et présentent plus souvent des stéréotypies comme des mouvements de va-et-vient et des névroses.

Je reviens au sénateur Plett, qui a mentionné que Kiska semble parfaitement normale sur la photographie qu'il a prise d'elle. En fait, il s'agit d'une position qu'on ne voit jamais dans la nature. Ce sont les animaux captifs qui sortent la tête de l'eau et qui ouvrent la bouche. Ils ne font jamais cela à l'état sauvage. Elle sourit pour demander de la nourriture. C'est une chose qu'on ne voit jamais dans la nature.

J'ai passé des centaines d'heures à observer ces animaux à l'état sauvage — une chose que le Dr Cornell n'a jamais faite, en passant —, et ils n'ont pas ce comportement. Pour être logique, il faut y réfléchir. En captivité, la nourriture tombe du ciel. Dans la nature, elle se trouve sous la surface de l'eau.

Ces animaux ont besoin des caractéristiques de leur habitat. Ils ont besoin d'espace. Ils ont besoin de proies. À défaut de quoi, ces troubles se manifestent.

[Français]

Le sénateur Forest : La question que je posais était la suivante. Je suis de Rimouski, qui est situé dans le golfe du Saint-Laurent, où il y a une forte concentration de bélugas et de baleines migratoires. Si je comprends bien, dans le cas d'un individu blessé, votre préférez le laisser dans la nature face aux prédateurs.

Mme Rose : D'accord, je comprends.

Le sénateur Forest : N'existe-t-il pas des cas où, comme pour les humains, on doive garder certains individus dans des lieux sûrs pour leur propre bien? N'y a-t-il pas certains cas, dans l'ensemble de la population, où, pour leur propre bien, malgré les contraintes et si les normes sont adéquates, on puisse les garder dans un endroit? Le milieu naturel est sans doute le meilleur endroit. Toutefois, on dit que la nature ne fait pas de distinction, qu'elle est sans pitié et sans préférences. Dans un tel contexte, j'imagine que pour certains individus, il puisse être préférable de les maintenir en captivité.

[Traduction]

Mme Rose : Je ne pense pas que la mort est préférable à la captivité. Lorsque des animaux s'échouent ou sont secourus à cause de blessures ou d'une maladie, surtout lorsque c'est de la faute des humains, je crois qu'il nous incombe de les sauver et d'assurer leur réadaptation. Certains de ces animaux ne pourront pas être relâchés. Le cas échéant, ils seront toujours à la disposition des chercheurs, que ce soit à un endroit où ils sont exposés au public ou dans une réserve marine.

Je ne pense pas que nous allons manquer un jour de cétacés à étudier en captivité compte tenu de ceux qui s'échouent ou qui sont secourus. Ce que nous voulons faire grâce à nos réserves marines, c'est offrir une autre option. Il n'y en a pas encore, mais nous travaillons pour que cela se concrétise.

M. Laidlaw : À propos des animaux qui sont blessés ou qui ont besoin d'une autre sorte d'aide, il faut procéder au cas par cas. Dans le milieu de la réadaptation des animaux terrestres, des règles d'éthique encadrent l'euthanasie sans cruauté. Lorsqu'un animal ne peut pas être placé dans un milieu qui satisfait ses besoins biologiques, sociaux ou comportementaux, l'euthanasie doit être considérée comme une option selon les règles d'éthique.

Il faut procéder au cas par cas. La satisfaction des besoins de l'animal doit être au cœur de la décision qui est prise, peu importe ce qu'il en est. Sinon, il faut prendre la décision difficile qui consiste à faire la bonne chose en ne plaçant pas l'animal dans un milieu inadéquat.

[Français]

Le sénateur Forest : Vous prétendez que la fonction éducative de ce type d'installation peut être discutable. Moi, je crois qu'il y a clairement une fonction de sensibilisation qui permet aux gens d'entrer en contact avec ce type de faune. Cependant, je ne crois pas qu'il y ait une fonction éducative.

[Traduction]

M. Laidlaw : J'ai quelques observations au sujet de la sensibilisation.

Le sénateur Forest : Soyez bref.

M. Laidlaw : Je vais essayer. En fait, je vais terminer ma réponse précédente. Il y a toutes sortes de moyens de s'y prendre. Il y a des installations de tous genres. Il y a des centres spécialisés, des centres d'interprétation, des centres de conservation, des réserves et toutes sortes d'autres exemples d'endroits qui n'ont pas d'énormes répercussions sur les animaux proprement dits et dans lesquels les animaux sont présentés d'une façon totalement différente que ce que l'on voit dans les zoos, où les gens peuvent les regarder sans restriction.

Comme l'a dit Mme Rose, il y a de nouvelles technologies extraordinaires. À vrai dire, j'ai récemment pris connaissance de deux d'entre elles. La première est l'observation des baleines à l'intérieur dans le cadre de la présentation LightAnimal au Japon. J'ai communiqué avec l'inventeur de ces projections grandeur nature de dauphins et de rorquals à bosse sur les murs d'auditoriums ou d'immeubles. Ce qui est vraiment intéressant, c'est que les enfants peuvent participer étant donné que c'est interactif. Si vous vous approchez pour les toucher, les animaux vont interagir avec vous.

Il y a toutes sortes de technologies novatrices du genre. Au Japon, il y a de fantastiques installations flambant neuves, le zoo ORBi, où l'on propose une immersion dans l'univers d'animaux sauvages. Il ne s'agit pas de bêtes vivantes; c'est purement technologique.

Il existe toutes sortes d'exemples de façons d'apprendre au sujet des animaux et de se rapprocher d'eux. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que les gens apprennent seulement en regardant les animaux. Je pense qu'il y a de meilleures façons d'apprendre qui ne nuisent pas aux animaux.

Le sénateur Watt : Je vais parler uniquement des bélugas parce que je ne connais pas assez bien les autres espèces qui semblent vous préoccuper.

Je crois que les bélugas ont leurs propres besoins. Convenez-vous que les bélugas sont une espèce migratrice?

Mme Rose : Oui.

Le sénateur Watt : Vous êtes d'accord.

Mme Rose : Oui, ils sont une espèce migratrice.

Le sénateur Watt : Chaque mois, ils se rendent dans une zone différente durant leur migration dans l'océan le long de la côte, n'est-ce pas?

Mme Rose : Oui.

Le sénateur Watt : Chaque mois, ils peuvent avoir un besoin particulier que nous ne connaissons pas parfaitement pour l'instant parce que nous ne disposons pas de la technologie nécessaire. Êtes-vous d'accord?

Mme Rose : La technologie progresse, mais vous avez raison de dire qu'il est difficile d'étudier les bélugas en raison de leur habitat marginal. Étant donné qu'ils n'ont pas de nageoire dorsale, il est difficile notamment de les marquer.

Le sénateur Watt : Exactement. Il vient un temps où les bélugas doivent se rendre dans des eaux douces pour pouvoir se nettoyer.

Mme Rose : Oui, car les bélugas muent.

Le sénateur Watt : Oui, ils changent de peau.

Mme Rose : En effet.

Le sénateur Watt : En tant qu'Autochtone et chasseur, je n'ai pas le droit de les chasser lorsqu'ils se rendent dans des eaux douces pour muer.

Mme Rose : Cela exige beaucoup d'énergie et les fatigue, alors je crois que c'est un bon principe de gestion.

Le sénateur Watt : Il est important que les Autochtones et les chasseurs protègent cette espèce en veillant à ce qu'elle puisse effectuer sa migration comme il se doit.

Je suis ravi d'entendre que des gens qui se concentrent sur les animaux en captivité comprennent cela. Il en va de même pour tous les animaux. Qu'il s'agisse d'oiseaux migrateurs, de mammifères marins ou d'animaux terrestres, peu importe. Cela me trouble de constater qu'on ne connaît pas bien le niveau de stress des espèces en captivité et que nous ne sommes pas en mesure de comprendre qu'elles réclament un changement. Nous ne disposons pas de la technologie nécessaire pour comprendre qu'une espèce réclame un changement. Êtes-vous d'accord?

Mme Rose : Oui, je suis d'accord. Comme il s'agit d'une espèce arctique, je suis d'autant plus préoccupée par son maintien en captivité. C'est une espèce qui est extrêmement bien adaptée à son environnement, mais il est impossible de recréer cet environnement en captivité.

Ce qu'on a appris récemment à propos des bélugas, c'est qu'ils peuvent plonger jusqu'à 900 mètres.

Le sénateur Watt : C'est exact.

Mme Rose : Je le répète, le bassin le plus profond à ma connaissance a 10 mètres de profondeur.

Le sénateur Watt : Cela en soi contribue à accroître énormément le niveau de stress de ce mammifère.

Mme Rose : Tout à fait. Il doit être extrêmement stressant de ne pas pouvoir plonger comme on peut le faire.

Le sénateur Watt : C'est vrai. Imaginons-nous, en tant qu'êtres humains, en captivité, dans une boîte, emprisonnés. Les bélugas se comportent de la même façon lorsqu'ils ressentent du stress dans leur propre milieu.

Si un animal était relâché, j'ai des doutes quant à sa capacité de survivre après avoir été maintenu en captivité pendant un certain nombre d'années. Je ne crois pas qu'il survivrait, car je ne pense pas qu'il saurait comment survivre.

Mme Rose : Je suis d'accord. Ce sont des animaux intelligents qui apprennent par la transmission de la culture. Si leur culture c'est la captivité, ils ne sauraient pas comment survivre en liberté. C'est précisément pour cette raison que nous essayons de créer des sanctuaires, c'est-à-dire parce qu'ils ne peuvent pas et ne devraient pas, pour leur propre protection, être relâchés.

Le sénateur Watt : Si je vous ai bien compris, madame Rose, vous recommandez notamment qu'on fasse mieux en les mettant dans un habitat plus naturel au lieu de les garder en captivité.

Je pense à ce qu'on fait dans certains pays. Je pense que nous ne faisons pas encore cela au Canada, sauf peut-être à Terre-Neuve, où on garde le saumon et d'autres poissons en captivité, mais dans l'océan.

Mme Rose : Oui, la pisciculture.

Le sénateur Watt : Il y a aussi un aspect négatif attribuable au fait que certaines maladies peuvent se développer, comme c'est le cas chez les saumons élevés en mer.

Est-ce que quelqu'un possède suffisamment d'expérience dans ce domaine pour savoir s'ils sont exposés à des bactéries ou s'ils développent des symptômes même s'ils vivent dans un espace plus grand qui leur convient mieux que l'endroit où ils vivent en ce moment? Quels sont les symptômes ou les problèmes décelés qui sont associés à ce mode de captivité?

Mme Rose : Il y a quelques points à mentionner. Je le répète, nous ne sommes pas en train de réinventer la roue en ce qui a trait aux cages marines. Elles existent déjà. La marine américaine garde 70 dauphins dans une cage marine dans le port de San Diego. Les fondements de la gestion des maladies, par exemple, ont déjà été établis. Certains des meilleurs vétérinaires spécialisés en mammifères marins au monde ont travaillé pour le programme de la marine américaine et se sont penchés sur cette question.

Le véritable problème en ce qui concerne les piscicultures est le surpeuplement. Il est certain que nous allons éviter le surpeuplement, car nous essayons de donner davantage d'espace à chaque animal. Le surpeuplement est le principal problème dans les cages marines, car lorsqu'il y a surpeuplement dans les prisons ou lorsque trop d'animaux vivent dans un même espace, les maladies se propagent. Nous allons éviter cela.

En outre, il faut tester les animaux pour vérifier l'exposition active et inactive à des pathogènes. Nous ne voulons pas qu'il y ait une épidémie. Nous voulons aider les animaux et non leur nuire, alors nous allons assurément prendre ces éléments en considération et retenir les services des meilleurs vétérinaires spécialisés en mammifères marins.

Le sénateur Watt : Qu'en est-il des déchets? Où iront-ils?

Mme Rose : J'ai parlé du renouvellement de l'eau. Il faut voir à cela. Il doit y avoir un bon renouvellement de l'eau.

Un certain nombre de cages marines, de delphinariums et d'installations utilisées à des fins d'exposition publique sont très mal situés. L'endroit a été choisi pour des raisons commerciales et non écologiques. La circulation de l'eau dans ces cages marines est très mauvaise. Il y a donc formation d'algues en trop grande quantité, ce qui tue les coraux. C'est un problème. Les dauphins produisent beaucoup de déchets, à l'instar des autres cétacés. Il doit y avoir un renouvellement de l'eau et aucun surpeuplement. L'endroit choisi est primordial.

Le sénateur Watt : Il faut aussi penser que d'autres espèces peuvent s'introduire.

Mme Rose : Tout à fait.

Le sénateur Watt : C'est un autre facteur. Je vous remercie.

Le sénateur Sinclair : Je suis intrigué par les sanctuaires marins, particulièrement après la discussion que vous avez eue avec le sénateur Plett. Je m'interroge au sujet de la disposition de la loi sur le commerce interprovincial dont il a parlé et au sujet de laquelle vous pensiez qu'il y avait une exemption.

Est-ce que vous pensiez à l'exemption prévue dans le projet de loi qui concerne les cétacés actuellement en captivité et ceux qui sont mis en captivité parce qu'ils ont notamment besoin d'aide?

Mme Rose : Il y a deux points. Premièrement, je croyais qu'il y avait une exemption pour le sauvetage et la réadaptation. Au Canada, vous avez un bon nombre de bélugas, par exemple 45 ou plus, qui pourraient devoir être transférés dans un sanctuaire. Ils ne seraient pas envoyés dans un autre pays. Ils resteraient au Canada.

Le sénateur Sinclair : Vous ne laissez pas entendre qu'on capturerait davantage de cétacés pour les mettre dans le sanctuaire.

Mme Rose : Non, monsieur. Ce n'est pas le but. Le but ultime d'un sanctuaire, qu'il s'agisse d'un sanctuaire pour des ours, des tigres ou des éléphants, est de devenir inutile.

Le sénateur Sinclair : Vous semblez proposer un projet utile, alors je me demandais comment vous comptiez le mener à bien. Il est question des animaux qui sont actuellement en captivité.

Mme Rose : Oui, des animaux qui sont actuellement en captivité. Il n'y aura pas de reproduction, d'importation ou de capture.

Le sénateur Sinclair : Sauf dans les cas de sauvetage.

Mme Rose : Exactement.

Le sénateur Christmas : Monsieur Laidlaw, je ne suis pas certain de vous avoir bien compris, alors je vais vérifier avec vous.

Si le comité décidait de mener une étude sur les répercussions du projet de loi S-203 sur l'Aquarium de Vancouver et Marineland, vous seriez d'avis que les répercussions seraient minimes ou nulles. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Laidlaw : C'est ce que je veux dire. Étant donné que Marineland garde 45 bélugas, il est inévitable qu'il y ait un changement à un moment donné dans un avenir assez rapproché, qu'il s'agisse d'un changement de propriétaire ou autre. Il y aura encore des animaux dans les bassins pendant possiblement 15 ou 20 ans ou même plus, et leur nombre correspondra probablement au nombre viable que gardent d'autres installations vouées à l'exposition publique.

Il y aura une diminution graduelle au fil du temps, à mesure que les décès dépasseront les naissances, mais étant donné la situation des 10 dernières années environ, je m'attends à ce que Marineland garde des animaux pendant très longtemps encore, s'il décide de continuer dans la même voie.

En ce qui concerne l'Aquarium de Vancouver, il y a des facteurs atténuants. Le conseil d'administration des parcs de Vancouver vient d'adopter une motion visant l'adoption d'un règlement municipal pour interdire les cétacés dans le parc Stanley. Nous ne savons pas quelle sera la situation pour les cétacés qui ont été sauvés et qui s'y trouvent actuellement.

Pour ce qui est des nouveaux animaux ou même de ceux prêtés qui se trouvent actuellement à SeaWorld, il semble qu'ils seraient également interdits. C'est un facteur atténuant.

Immédiatement après cette annonce, l'Aquarium de Vancouver a affirmé qu'il comptait de toute façon cesser ses activités dans ce domaine en 2029. Étant donné cette déclaration et la promesse qu'il avait faite en 1996 de ne pas acquérir d'animaux capturés dans la nature, on peut croire qu'il va effectivement cesser ses activités dans ce domaine. Si tel est le cas, je dirais qu'une loi de ce genre aura des répercussions minimes sur l'aquarium. Bien entendu, il continuera de sauver des animaux et poursuivra certaines de ses activités.

Le sénateur Christmas : J'avais bien compris. Vous avez aussi mentionné qu'on n'a pas capturé de cétacés depuis 25 ans.

M. Laidlaw : En 1992, l'Aquarium John G. Shedd avait envoyé des sous-traitants et des membres de son personnel à Churchill, au Manitoba, précisément dans l'estuaire de la rivière Churchill. Ils ont capturé quatre bélugas. Deux d'entre eux sont morts au cours du premier mois. Je crois que c'est parce qu'on leur avait administré un vermifuge qui ne convenait pas. Par la suite, John Crosbie, le ministre des Pêches et des Océans à l'époque, avait interdit, par la voie d'un décret ministériel, les captures destinées à des aquariums aux fins d'exposition publique.

C'est une politique qui a été adoptée il y a 25 ans. Pour les orques, il faut remonter plus loin, précisément dans les années 1970. Il n'y a pas eu de captures depuis longtemps.

Le sénateur Christmas : C'est ce que je croyais vous avoir entendu dire, monsieur Laidlaw. J'essaie de comprendre le problème.

Le sénateur Watt : La personne qui les capturait était John Hicks.

M. Laidlaw : Oui, je l'ai rencontré. Je l'ai bien aimé.

Le sénateur Christmas : Il ne semble pas qu'il y ait un problème.

M. Laidlaw : C'est ce que je crois. Je crois que c'est une tempête dans un verre d'eau, car tout ce qu'on prévoit est déjà en cours ou va se produire dans un avenir assez rapproché.

La sénatrice Raine : Je n'avais pas vraiment de questions, mais je commence à en avoir.

J'aimerais obtenir vos commentaires au sujet d'un organisme californien qui s'appelle Last Chance for Animals et des tactiques qu'il utilise, je dirais, pour attaquer Marineland depuis quelques années. J'aimerais savoir si vous avez des liens d'une quelconque manière avec cet organisme.

Mme Rose : Non, je n'en ai pas. L'organisation pour laquelle je travaille, l'Animal Welfare Institute, n'en a pas non plus. C'est tout ce que je peux dire. Nous n'avons aucun lien avec cet organisme.

La sénatrice Raine : Pouvez-vous formuler des commentaires au sujet des tactiques qu'il utilise?

Mme Rose : Mon organisme vise essentiellement à obtenir des changements dans les politiques. Nous nous employons à faire modifier des lois, des règlements et des politiques d'entreprise. Nous ne prenons pas des mesures d'action directe. Nous sommes tous des titulaires de doctorat, des avocats et des vétérinaires, et nous travaillons tous pour faire modifier des politiques.

L'action directe que privilégie un bon nombre d'activistes ne constitue pas notre modus operandi; ce n'est pas notre façon de faire. Je préfère vraiment ne pas formuler de commentaires. Ce n'est pas ce que nous faisons. Je ne suis certes pas en faveur de la violation des lois ni de la violence. C'est mon opinion personnelle. C'est également le point de vue de mon organisation et le mien aussi.

Je ne sais pas précisément ce qui s'est passé à Marineland. Je sais que M. Holer a agi avec violence. Je l'ai constaté personnellement, mais cela n'excuse pas le fait qu'un activiste agisse avec violence pour mettre fin à ce qui se passe là- bas.

La sénatrice Raine : Qui est M. Holer?

Mme Rose : Le propriétaire de Marineland.

M. Laidlaw : Je peux faire des commentaires au sujet de mon organisation. Depuis un certain nombre d'années, nous nous consacrons davantage à des recherches d'enquête, à l'élaboration de politiques et aux litiges concernant le sauvetage d'animaux. Nous n'avons jamais axé nos activités sur la protestation ou l'action directe.

J'ai entendu parler de l'organisme Last Chance for Animals. Il est actif depuis de nombreuses années. Je n'ai jamais eu de liens avec cet organisme. J'ai seulement lu ce qu'on en dit dans les journaux. Je ne peux donc pas vraiment commenter sur ce qu'il a fait. Je sais que c'est une enquête secrète qui a donné lieu à des poursuites intentées par Marineland. C'est tout ce que je sais à propos de cette situation particulière.

La sénatrice Raine : Je dois dire que cela fait quelques années que je suis préoccupée par ces groupes d'action directe.

Je m'y suis d'abord intéressée lorsque j'ai vu qu'on s'attaquait à l'industrie du phoque, car je sais à quel point cette industrie est importante pour le bien-être des Inuits. Lorsque des groupes d'action directe se sont attaqués à cette industrie et qu'ils ont bloqué le marché pour les produits du phoque, cela a causé un tort incommensurable au peuple inuit.

Je n'aime pas ces groupes qui recueillent des fonds, mais qui dépensent très peu d'argent pour le bien-être des animaux et qui consacrent des sommes importantes à l'activisme. Je crois que c'est une façon très négative de susciter des changements, alors je suis ravie de vous entendre dire que vous n'avez pas de liens avec cet organisme.

Mme Rose : J'aimerais aussi dire que ce sujet revient souvent dans ce genre de rencontre. Même si d'une certaine façon je crois que nous sommes le gardien de notre frère, nous ne pouvons pas constamment répondre des actions des autres. Ce ne sont pas nos actions. Je trouve préoccupant qu'on revienne toujours là-dessus au lieu de se pencher sur les questions qui nous occupent. Je voulais seulement formuler ce commentaire. Nous ne faisons pas partie de ces organismes.

La sénatrice Raine : Je comprends, mais je crois que vous conviendrez que les politiques publiques correspondent habituellement à l'opinion publique, et ce type d'activisme influence l'opinion publique.

Mme Rose : Ce que je veux dire c'est que nous ne pouvons pas les empêcher d'agir ainsi. Nous ne pouvons pas gérer leurs actions. Nous ne sommes pas leurs gardiens, leurs parents ni leurs patrons. Nous ne pouvons pas les contrôler. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas besoin d'être contrôlés; je dis seulement que nous ne pouvons pas le faire.

Le sénateur Plett : J'ai quelques brefs commentaires à formuler. Bien sûr, M. Holer comparaîtra devant le comité pour se défendre contre l'accusation que vous venez de formuler à son endroit, madame Rose, et j'ai certes hâte de l'entendre.

Mme Rose : C'est mon expérience personnelle, monsieur.

Le sénateur Plett : Je trouve un peu préoccupant que vous formuliez une accusation à l'égard d'une personne qui n'est pas ici pour se défendre.

Quoi qu'il en soit, vous avez dit que l'épaulard à Marineland doit sortir la tête de l'eau pour prendre un poisson plutôt que d'aller au fond de l'eau pour l'attraper lui-même. Je crois qu'on nous a dit l'autre jour qu'on voulait humaniser les épaulards. J'ai tendance à croire que c'est ce que font les gens. Ils vont là où se trouve la nourriture. Si elle est en bas, ils vont en bas; si elle est en haut, ils vont en haut. Je vais m'asseoir à table à 18 heures. Je crois que tout le monde fait la même chose. Nous allons où se trouve la nourriture, et il en va de même pour les épaulards, qu'elle se trouve au fond de l'océan ou en dehors de l'eau, dans les mains de la personne qui le nourrit.

Permettez-moi d'être clair. L'Animal Welfare Institute ne sauve pas d'animaux.

Mme Rose : Nous sommes un organisme axé sur les politiques. Nous travaillons pour faire modifier des politiques, monsieur.

Le sénateur Plett : Oui ou non? Est-ce que vous sauvez des animaux?

Mme Rose : Est-ce que cela fait une différence?

Le sénateur Plett : Oui. Je vous pose une question, madame. Ce sont nous qui posons les questions. Je crois que nous méritons des réponses. Est-ce que vous sauvez des animaux?

Mme Rose : Non. Nous ne sommes pas propriétaires d'un refuge et nous n'en exploitons pas.

Le sénateur Plett : Alors vous ne sauvez pas d'animaux.

Mme Rose : Non, ce n'est pas ce que nous faisons, monsieur.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. Monsieur Laidlaw, vous avez dit que c'est une tempête dans un verre d'eau, car Marineland ne fermera pas ses portes. Alors, est-ce que cela ne va pas dans les deux sens? Pourquoi avons-nous besoin de ce projet de loi s'il n'aura pas de répercussions positives ou négatives? Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle nous avons besoin de ce projet de loi?

M. Laidlaw : Tout à fait, parce que nous sommes tournés vers l'avenir et que nous suivons la tendance vers un changement de l'éthique sociétale.

Le sénateur Plett : Qu'arrivera-t-il dans 15 ou 20 ans lorsque Marineland fermera ses portes en raison de cette loi?

M. Laidlaw : Je crois que Marineland changera peu importe. Je crois que c'est inévitable. C'est un très grand parc situé à 5 minutes des chutes. Son propriétaire est âgé. Je m'attends tout à fait à ce que la dynamique change lorsqu'il y aura un nouveau propriétaire. Je crois que ce ne sera plus un parc d'attractions à l'image des années 1950 ou 1960, où on pourra y voir des épaulards.

Le sénateur Plett : C'est très bien, mais vous dites que cette mesure n'aura pas de répercussions, car dans 15 ou 20 ans, M. Holer va mourir, et personne ne lui succédera, alors le parc sera vendu à la ville de Niagara Falls.

Vous n'avez aucune preuve pour justifier que cette mesure n'aura aucune répercussion négative pour le fils de M. Holer s'il souhaite lui succéder ou pour quiconque voudra prendre sa place.

M. Laidlaw : Si vous parlez des répercussions à long terme, il est certain qu'il pourrait y en avoir.

Le sénateur Plett : Pouvez-vous décrire le travail qu'effectue Zoocheck en ce qui concerne précisément la préservation des espèces, la protection de la faune, la sensibilisation et la recherche, et nous dire environ quel pourcentage de vos activités est consacré à chacune de ces catégories?

M. Laidlaw : C'est toute une question. Nos activités sont diversifiées. Je dirais que la majorité d'entre elles concernent la faune en captivité, que ce soit dans les zoos, les aquariums et ce genre d'endroits traditionnels où on expose les animaux. Elles concernent aussi le commerce des animaux exotiques de même que les animaux utilisés dans les cirques et d'autres genres de spectacles itinérants.

Nous faisons beaucoup de travail de gestion de la faune. En ce moment, nous travaillons à des questions de gestion des chevaux sauvages en Alberta. Nous travaillons avec le gouvernement du Manitoba afin d'établir dans cette province le tout premier centre de réadaptation pour les ours. Il s'agit d'un changement de politique récent. Nous travaillons à un bon nombre d'efforts de ce genre.

Nous travaillons aussi activement au financement de travaux de conservation sur le terrain. Il s'agit donc de divers éléments d'un continuum, de la délégation de scientifiques à d'importantes réunions internationales au financement de patrouilles aériennes visant à lutter contre le braconnage dans le Bas-Zambèze, en passant par l'achat d'armes et d'équipement pour les patrouilles de lutte contre le braconnage au Kenya. Ce sont diverses activités de ce genre.

Cela change avec le temps, mais il y a tout un continuum d'activités qui tournent pour la plupart autour du financement d'initiatives de conservation sur le terrain visant en fait à protéger la faune, de la modification des politiques de gestion de la faune au Canada et d'un éventail d'enjeux liés à la captivité des animaux sauvages.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur.

Le sénateur Enverga : Vous avez tous les deux mentionné que l'observation des cétacés dans leur milieu naturel n'apporte rien : les gens ne sont pas plus sensibilisés, fascinés ou éduqués par cela. Est-ce bien ce que vous avez dit, monsieur Laidlaw?

M. Laidlaw : Permettez-moi d'éclaircir cela. Il n'existe pas un important volume de données empiriques démontrant que cela se produit, malgré ce que ces entreprises soutiennent. Je serais ravi de fournir au comité des dizaines et des dizaines de documents, si c'est ce qu'il faut pour vous le démontrer. Selon les données qui existent, l'apprentissage que ces entreprises prétendent transmettre n'est en fait pas là, et il n'y a aucun changement de comportement au profit des animaux à la suite de telles visites.

Le sénateur Enverga : J'aimerais vous mentionner que nous connaissons une personne du nom de Laurenne Schiller. Elle termine en ce moment son doctorat en biologie marine, car à cinq ans, elle a été inspirée par un béluga nommé Qila.

En grandissant, elle a continué d'aller voir Qila, et cela a contribué fondamentalement à nourrir son amour de l'océan et sa passion pour la biologie marine. Maintenant, elle veut prendre soin de l'écosystème en entier et de tout ce qui touche les cétacés.

Que diriez-vous de cela? Diriez-vous que cela ne lui est pas venu de ces expériences?

Mme Rose : Je suis une biologiste spécialiste des mammifères marins. Je travaille au sein de la communauté scientifique. J'ai beaucoup d'amis qui ont été inspirés par une visite au zoo, alors votre anecdote est vraiment très courante, mais c'est une anecdote.

Je dirais que la personne dont vous parlez et mes amis, parce qu'ils ont été élevés par des parents qui les ont sensibilisés, ont été autrement inspirés. J'ai été inspirée par une excellente émission spéciale sur la nature. Je pourrais vous la relater, mais c'est très ennuyant.

Cela varie d'une personne à l'autre. Je crois honnêtement que si nous faisions vivre aux jeunes une expérience inspirante différente — ce dont nous parlons tous aujourd'hui — autant de jeunes seraient inspirés, et les animaux n'auraient pas à en souffrir. C'est ce que nous laissons tous entendre.

Le sénateur Enverga : Mais vous admettez que cela inspire certaines personnes, et que cela sensibilise certaines personnes, bien que cela ne corresponde pas à vos statistiques. C'est vrai?

Mme Rose : Tout ce que je dis, c'est qu'en effet, certaines personnes peuvent être inspirées par une visite au zoo ou à l'aquarium, mais les animaux souffrent, en même temps. J'aimerais trouver des façons d'inspirer les jeunes d'une façon qui serait plus à l'avantage des animaux. C'est tout.

Le sénateur Gold : Sur bien des sujets, idéologiques et politiques, on peut s'attendre à de grandes divergences d'opinions. Je suis sûr que c'est le cas dans bien des milieux, notamment chez les scientifiques.

En ce qui concerne les effets de la captivité sur le milieu de la biologie marine, nous connaissons votre position, madame Rose. Est-ce que cette question est source de controverse parmi les scientifiques, concernant cela ou l'enjeu connexe de la valeur éducative, si vous choisissez d'aller plus loin? Dans quelle mesure les gens sont-ils d'accord? Pourriez-vous nous décrire les points de vue de vos collègues pour nous, je vous prie?

Mme Rose : Je vous remercie de cette question fantastique. Oui, c'est source de controverse. Mon domaine est très jeune. Le domaine de la biologie des cétacés — portant sur l'étude de l'animal en entier — n'a vu le jour que dans les années 1950. Le domaine est récent.

Avant cela, vous vous en souviendrez, on attrapait une baleine, on la hissait à bord et on l'ouvrait. C'est ainsi qu'on l'étudiait. Avant les années 1950, on ne les étudiait pas vivantes, dans leur milieu naturel.

Certains des scientifiques précurseurs de ce domaine où l'on étudie l'animal en entier sont toujours vivants, mais il y en a beaucoup qui sont morts très récemment. J'en connaissais plusieurs. L'un d'eux a été un de mes mentors. Il a cofondé SeaWorld. Dans les années 1950 et 1960, les scientifiques estimaient que si vous vouliez vraiment vous approcher d'un animal vivant, il fallait le placer dans un réservoir, et c'est ce qu'ils ont fait.

Ils ont commencé à les étudier en captivité, à cette époque. Ce qu'ils ont appris, c'est que pour vraiment comprendre l'animal, il faut aller dans son milieu. Cet homme, qui a cofondé SeaWorld, a aussi été le pionnier du travail sur le terrain. Il a compris que si vous voulez vraiment savoir ce qu'est un dauphin, vous devez aller dans son milieu naturel. Il a été un pionnier pour les techniques permettant de le faire. Il s'appelait Kenneth Norris. Il est mort en 1994; j'ai commencé dans le domaine en 1985. Je l'ai côtoyé pendant neuf ans.

C'est très difficile pour le milieu scientifique de manquer en quelque sorte de respect pour nos aînés. C'est donc une grande source de controverse. Malgré cela, même si on a tendance à respecter nos géants du domaine qui ont étudié ces animaux dans les réservoirs de béton au cours des années 1950 et 1960, notre milieu se dirige vers un consensus, comme vous le dites : en effet, ce que vous voyez dans un réservoir, ce n'est en fait pas une image très juste d'une vraie baleine ou d'un vrai dauphin. Si vous voulez vraiment savoir comment ils sont, vous devez aller dans leur milieu naturel, ce qui explique le développement intensif des nouvelles technologies.

J'ai mentionné précédemment les véhicules télécommandés, les drones et les étiquettes. Ce qui motive ces progrès technologiques, c'est que nous sommes réticents — je dis « réticents », parce que nous avons l'impression de manquer de respect envers nos aînés — à en venir à la conclusion que l'avenir de la science relative aux cétacés est dans leur milieu naturel.

Je ne trouve pas en fait que nous leur manquons de respect, car ils ne le savaient pas. La science apprend. La science évolue constamment. La science amène constamment de nouvelles connaissances. Nous ne sommes pas statiques. Ce n'est pas parce que c'était bien en 1950 que ce l'est toujours en 2017. Si c'était la seule façon de le faire en 1950, j'espère vraiment que ce n'est plus le cas en 2017.

On parle en ce moment de l'étude des cétacés. L'avenir de la science relative aux cétacés est dans la nature, et c'est parce que quand ces animaux sont dans des réservoirs de béton, ils ne sont pas vraiment représentatifs. Ils n'entendent pas de la même manière. Ils ne tombent pas malades de la même manière.

Nous ne pourrons pas vraiment comprendre les mortalités massives de dauphins à gros nez le long de la côte de l'Atlantique si nous les étudions dans des réservoirs de béton. Ces études peuvent être utiles, mais elles ne nous donnent pas une idée claire de ce qui se produit quand ils ont une maladie.

Un nombre croissant de scientifiques très respectés — les géants actuels du domaine — commencent à penser que la captivité compromet le bien-être des animaux et qu'il existe de meilleure façon de les étudier que de les garder en captivité.

Cela ne signifie pas que la captivité ne donne pas de bonnes données scientifiques. On en obtient encore de bonnes données. Notre but, dans mon milieu, est de faire en sorte que ces possibilités existent dans des environnements plus naturels, de sorte que les animaux correspondent davantage à ce qu'ils sont vraiment à l'état sauvage.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

Le président : Je remercie les honorables sénateurs et nos témoins pour cette discussion animée et intéressante. Cela ajoute beaucoup à notre étude. Nous vous remercions de nous avoir consacré votre temps ce soir. Je m'excuse encore pour notre retard du début.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous verrons jeudi matin. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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