Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 15 - Témoignages du 9 mai 2017
OTTAWA, le mardi 9 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à à 17 h 5, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je m'appelle Fabian Manning et je suis sénateur de Terre-Neuve-et- Labrador. Je suis ravi de présider la séance de ce soir.
J'aimerais demander aux sénateurs de me permettre de prendre un moment pour mentionner une note que j'ai reçue de notre greffier principal, M. Blair Armitage; vous l'avez peut-être aussi reçue. Je pense qu'elle mérite d'être soulignée, car nous entendons souvent des histoires négatives.
Blair a envoyé une note au sujet d'une personne-ressource pour des témoins qui allaient participer à une séance sur le projet de loi S-203. Elle l'a appelé à l'improviste pour lui demander si la personne concernée, c'est-à-dire Blair, savait que M. Max Hollins, notre greffier, est la personne la plus serviable et la plus efficace avec laquelle elle a jamais eu affaire. Elle avait seulement travaillé avec des comités provinciaux auparavant et elle n'avait que de bonnes choses à dire sur sa patience et sur les éclaircissements qu'il lui a fournis au sujet de la comparution, étant donné que toute organisation n'est que rarement appelée à contribuer indirectement à une mesure législative ayant une incidence sur elle. En bref, le travail mystérieux que nous accomplissons peut sembler intimidant. Ce que vous faites pour démystifier le processus et rendre l'expérience moins intimidante est un exemple de l'impression que nous voulons faire sur tous les membres de la population.
Bon travail, Max.
Des sénateurs : Bravo!
Le président : Le comité poursuit son examen du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).
Je demanderais d'abord aux sénateurs de se présenter. Ensuite, nous recevrons notre premier témoin par vidéoconférence.
Le sénateur Munson : Sénateur Munson, de l'Ontario.
Le sénateur Sinclair : Sénateur Murray Sinclair, du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Don Plett. Je viens du Manitoba.
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci, messieurs les sénateurs.
Notre premier témoin ce soir est M. Michael Noonan, professeur en comportement animal, en écologie et en conservation, Canisius College.
Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire.
Michael Noonan, professeur, Comportement animal, écologie et conservation, Canisius College, à titre personnel : Merci, sénateur Manning.
Permettez-moi de louer aussi M. Max Hollins. Il représente magnifiquement votre comité.
Le président : Du calme, tout le monde. Il commence à avoir la grosse tête.
M. Noonan : Je n'en dirai pas plus.
Le président : Merci pour la remarque.
M. Noonan : C'est un privilège de pouvoir témoigner devant le comité sénatorial et de présenter mes observations sur le projet de loi.
Permettez-moi d'abord de vous féliciter pour la tenue des présentes délibérations. Je suis extrêmement impressionné et reconnaissant de voir que le débat s'est concentré presque exclusivement sur le thème du bien-être animal. Je trouve louable que le gouvernement du Canada débatte d'une question concernant la façon dont nous, les humains, devrions nous comporter avec les autres espèces. Je vous félicite donc de prendre ce dossier tellement au sérieux.
Néanmoins, même si j'appuie le mobile qui sous-tend le projet de loi S-203, je m'oppose à l'approche qu'on y adopte, et ce, pour trois raisons.
La première raison concerne la cohérence de la position adoptée dans le projet de loi, car cibler les cétacés en leur accordant une exception spéciale ne repose sur aucune justification scientifique.
Je suis d'accord avec M. David Rosen, qui a témoigné plus tôt devant votre comité. Rappelez-vous que le groupe qu'il dirige a effectué une étude exhaustive pour la province de l'Ontario et qu'il n'a trouvé aucune raison qui justifierait que l'on distingue les cétacés en créant une disposition applicable uniquement à eux.
D'autres témoins ont fait valoir que les cétacés sont uniques parce qu'ils sont aquatiques, intelligents et socialement complexes, mais nombre d'autres espèces peuvent être décrites de la même façon : les otaries et les morses, par exemple. De plus, en ce qui concerne ces deux derniers critères, un très grand nombre d'espèces carnivores et la quasi-totalité des primates sont eux aussi intelligents et socialement complexes. Est-ce que le Canada compte déclarer officiellement, avec ce projet de loi, qu'il est criminel pour un zoo d'avoir une population de dauphins en âge de reproduction, mais qu'il est acceptable de garder une population captive de loups, d'ours, de gorilles ou de chimpanzés?
Même si l'on acceptait l'argument selon lequel le projet de loi protégerait au moins certaines espèces, n'établirait-on pas un précédent en déclarant qu'à partir de maintenant, ce serait la présente institution qui trancherait de pareilles questions, en vertu du Code criminel du Canada? Est-ce que le Sénat compte ensuite entreprendre une étude sur chacune des autres espèces détenues par le Zoo de Toronto? Est-ce au présent ordre gouvernemental de décider quelle espèce peut être gardée en captivité?
Selon la classification évolutive, l'hippopotame est de la même famille que les baleines et les dauphins. Mon exemple n'a rien de gratuit. Si je parle de l'hippopotame, c'est parce qu'il est aquatique, qu'il communique de manière acoustique et qu'il est socialement complexe, et aussi parce qu'il est génétiquement apparenté aux baleines et aux dauphins. Sur quoi le gouvernement se fondrait-il pour déclarer qu'il est impératif sur le plan moral de mettre fin à la captivité des dauphins dans les zoos, mais pas des hippopotames? D'un point de vue extérieur, on pourrait dire que le projet de loi cible injustement deux zoos canadiens.
La deuxième raison, c'est que le projet de loi semble avoir une vision trop générale. Personne ne remet en question les piètres bilans de survie des épaulards captifs, ici ou ailleurs dans le monde. Or, même à l'intérieur du taxon étroit des cétacés, les données montrent qu'il existe des différences marquées dans la façon dont les diverses espèces réagissent à la captivité. On a affirmé que le faible taux de survie des jeunes épaulards prouvait que les animaux réagissent mal à la captivité. Si tel est le cas, quelle conclusion devrait-on tirer du taux de survie élevé des jeunes bélugas de Marineland?
En outre, ma propre équipe de recherche a recueilli des mesures comportementales sur les bélugas de Marineland que l'on peut interpréter comme des preuves que les conditions sont relativement inoffensives par rapport à celles dans d'autres zoos. Devrions-nous mettre fin à la captivité des épaulards dans tout ce qui pourrait se rapprocher des conditions actuelles de captivité? Absolument, mais il n'est pas certain qu'on puisse en dire autant pour les bélugas.
Enfin, la troisième raison concerne le fait que le projet de loi ne tient aucunement compte des améliorations ou des corrections que le secteur des zoos pourrait apporter dans l'avenir. De toute évidence, le milieu est en pleine évolution. Il suffit pour le constater de comparer les conditions et les enclos dans lesquels les animaux de zoo vivaient il y a quelques dizaines d'années avec ceux d'aujourd'hui. C'est également vrai pour ce qui touche le sous-secteur des aquariums. Il n'y a pas longtemps, l'Aquarium de Vancouver a entrepris la rénovation de l'habitat de ses cétacés. De son côté, après avoir gardé ses cétacés dans de petits bassins, Marineland en a construit de nouveaux qui sont 20 fois plus gros que les anciens et qui comptent encore parmi les plus grands au monde. Ne devrait-on pas reconnaître dans ces améliorations la volonté et la capacité du secteur des aquariums de répondre aux préoccupations?
Même si l'on tenait toutes les allégations négatives pour vraies et que l'on déclarait qu'il y a encore des problèmes dans les aquariums aujourd'hui, pourquoi réagir en empêchant les organismes de s'améliorer? Pourquoi ne pas donner aux deux aquariums canadiens actuels la possibilité de continuer à évoluer?
En outre, supposons qu'un futur entrepreneur, peut-être dans les Maritimes ou sur la côte ouest de la Colombie- Britannique, concevait un nouveau type d'aquarium qui éloignerait pleinement les préoccupations concernant le bien- être animal et dont la mission porterait principalement sur l'éducation et la conservation. Pourquoi cela ne serait-il pas autorisé au Canada?
Mme Naomi Rose a parlé plus tôt de la possibilité de construire des enclos marins sur les côtes pour les cétacés à la retraite, un concept que j'approuve avec enthousiasme. Toutefois, supposons qu'un futur entrepreneur canadien proposait de construire un immense enclos marin ou une autre sorte de bassin, non pas pour la retraite des cétacés, mais comme un nouveau type d'aquarium évolué. Pourquoi faudrait-il bannir cela?
Comme solution de rechange, je recommande un système de réglementation basé sur des normes. Le gouvernement devrait conférer à un organe le pouvoir de fixer des normes qui s'appliqueraient à tous les animaux détenus dans les zoos, qu'ils soient terrestres ou aquatiques. Il donnerait ensuite à un autre organe le mandat et la capacité de faire respecter ces normes.
Les gouvernements ont depuis longtemps l'habitude de fixer des normes et de les imposer à des segments particuliers de notre société. C'est pour cela que nous n'avons pas des ponts branlants et des voitures dangereuses. Même dans nos diverses façons de nous comporter avec les animaux, par exemple dans les secteurs de l'alimentation et des animaux de compagnie, les gouvernements imposent des normes de sécurité et de bien-être qu'il faut respecter.
De la même façon, j'espère que vous insisterez pour que les zoos et les aquariums canadiens redressent la situation. Mettez de la pression sur tous les zoos canadiens pour qu'ils évoluent et qu'ils deviennent de meilleurs endroits. Le secteur des zoos, y compris les deux installations canadiennes qui gardent des cétacés, réagirait en allant dans la direction souhaitée. Je vous demande de leur permettre de ce faire et de ne pas couper l'herbe sous leurs pieds en les fermant sans leur donner la possibilité de s'amender.
Merci, messieurs les sénateurs, de m'avoir écouté attentivement et de m'avoir permis de vous présenter mes observations.
Le président : Merci pour votre exposé, monsieur. Nous allons passer aux questions.
Le sénateur Plett : Bienvenue, monsieur Noonan. Je suis ravi de vous revoir. Nous avons eu une très bonne rencontre à Marineland il y a environ un an, et je me rappelle nombre des remarques que vous avez faites à ce moment- là. J'aimerais revenir sur quelques-unes d'entre elles.
Vous avez déjà répondu à ma question, dans une certaine mesure, mais je vais la poser de manière précise et vous pourrez me fournir plus de détails. Quand j'ai visité Marineland, vous travailliez à une étude sur les bélugas. Vous m'avez dit, au sujet des animaux sous les soins des humains, que vous ne compreniez pas pourquoi les activistes ciblaient les cétacés puisque, parmi tous les animaux gardés en captivité, les cétacés font partie de ceux qui réagissent le mieux. Est-ce une bonne interprétation de ce que vous avez dit? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Noonan : Je suis ravi de vous revoir, sénateur Plett. Pour les autres, je précise que le sénateur Plett a visité Marineland pendant que j'y étais. Je mène activement des recherches à Marineland depuis 18 ans.
Je me rappelle notre conversation, sénateur. Ce que j'ai dit au début, c'est qu'il me semblait injuste de cibler précisément les cétacés et de les distinguer, en vertu de la loi, des autres espèces gardées en captivité, et non que je ne comprenais pas pourquoi les défenseurs du bien-être des animaux s'inquiétaient pour les animaux sous les soins des humains. Ils ont raison de s'inquiéter. Il y a de graves préoccupations. Je ne veux pas qu'il soit écrit quelque part que je m'oppose à ces préoccupations.
Concernant ce que j'ai dit exactement sur les cétacés, vous vous souviendrez, monsieur, que nous étions à côté des bassins des bélugas. Vous m'avez posé une question, et je parlais précisément de la signification des mesures que je recueille sur les bélugas. Mon intention n'était pas de généraliser pour l'ensemble des cétacés. Je reconnais — en fait, c'est indéniable — que le bilan relatif aux épaulards est très négatif. Je répète que la garde d'épaulards dans des installations comme celles qui existent non seulement au Canada, mais partout dans le monde devrait être abolie progressivement, et le processus est déjà en branle.
Je pense que nous nous entendons tous sur le fait que le projet de loi n'aura pas d'incidence à cet égard puisque l'Aquarium de Vancouver a déjà annoncé qu'il ne garderait pas d'épaulards et puisque Marineland fera une exception pour le dernier épaulard qu'il possède, après quoi on n'en gardera plus au Canada. Les États-Unis prennent aussi des mesures en ce sens.
Il devrait en être ainsi. Je parlais précisément des bélugas, monsieur.
Les mesures relatives au bien-être que nous avons obtenues dans mes recherches sont comparables à celles concernant d'autres espèces gardées, par exemple, au Zoo de Toronto ou dans d'autres zoos au Canada et aux États- Unis. C'est ce que je voulais dire, sénateur. Je parlais des bélugas et non des cétacés en général.
Le sénateur Plett : Vous avez parfaitement raison, bien sûr. La seule raison pour laquelle Marineland a un épaulard, c'est qu'il ne peut pas être déplacé. Le centre ne peut pas le faire sortir et il ne peut pas en faire entrer un autre; je comprends cela. Ma question aurait peut-être dû porter précisément sur les bélugas et les dauphins, et non sur les cétacés en général.
Nous avons reçu un représentant de l'Aquarium de Vancouver la semaine dernière. Des activistes et d'autres nous ont dit que les animaux sont misérables en captivité. Selon le témoin de l'Aquarium de Vancouver que nous avons accueilli la semaine dernière, en réalité, ils seraient très bien et très satisfaits. Encore une fois, je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais je me rappelle votre déclaration selon laquelle il n'y a aucune preuve — corrigez-moi si j'ai tort — qu'ils ne sont pas bien. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus, s'il vous plaît?
M. Noonan : Certainement. Je vais même aller plus loin.
Juste pour apporter une correction, sénateur Plett, vous avez introduit votre question en parlant des cétacés et des dauphins. J'ai étudié les dauphins de Marineland et d'ailleurs, mais je n'ai pas de données similaires sur leur bien-être. Mes connaissances portent principalement sur les bélugas. J'ai travaillé avec les épaulards qui étaient à Marineland, mais beaucoup moins avec les dauphins — j'ai mené un peu de recherches sur les dauphins, mais vraiment moins.
Nous utilisons de nombreux critères pour évaluer le bien-être des bélugas. La science du bien-être animal, une science très évoluée aujourd'hui, mesure le bien-être en fonction de l'absence de facteurs négatifs, et on vise certainement l'absence de facteurs négatifs : l'absence de blessures, de maladies et de signes de stress. Mon programme de recherche se penche sur ces facteurs, et les bélugas gardés dans les installations de Marineland montrent très peu de signes de stress.
J'ajouterais que normalement, l'évaluation du bien-être animal tient compte du taux de reproduction. Les animaux qui vivent dans des situations de stress extrême ne se reproduisent pas ou n'adoptent pas des comportements de reproduction. Or, le taux de reproduction élevé chez les bélugas montre qu'ils ne ressentent pas de stress extrême. Ils affichent une grande partie des comportements normaux, certainement pas tous, mais si on les compare à d'autres espèces gardées dans d'autres zoos, on voit un pourcentage assez élevé de comportements principalement sociaux dans les bassins.
Pour terminer, mes recherches ont révélé que les bélugas de Marineland jouent beaucoup. Les animaux jouent habituellement lorsqu'ils sont bien. Les défenseurs du bien-être animal considèrent habituellement que le bien-être des animaux est très bon lorsqu'ils jouent beaucoup. Ces bélugas jouent beaucoup — et pas seulement à l'occasion. Ils jouent très souvent.
[Français]
Le sénateur Forest : Merci beaucoup, professeur Noonan, pour votre très éclairante présentation. J'ai trouvé intéressante l'idée de déterminer des règles et des normes qui amélioreraient les conditions de détention dans ces établissements. À l'heure actuelle, on constate que les établissements se réglementent par eux-mêmes. On nous a dit que l'association faisait ses propres inspections. Ne trouvez-vous pas qu'il y a là une espèce de conflit d'intérêts? C'est la première partie de ma question.
Maintenant, êtes-vous à l'aise avec le fait que le projet de loi contient une disposition qui permet de garder les individus déjà en captivité, mais d'interdire la capture d'individus sauvages dans leur milieu naturel à des fins d'exposition ou de spectacle? Êtes-vous d'accord avec cette partie du projet de loi?
[Traduction]
M. Noonan : Pardonnez-moi, sénateur Forest, je suis désolé, mais quelle était la dernière partie de votre question à deux volets?
[Français]
Le sénateur Forest : C'est que le projet de loi contient une disposition qui interdit la capture d'individus en milieu naturel pour les garder en captivité; êtes-vous d'accord avec cette partie du projet de loi?
[Traduction]
M. Noonan : Oui, c'est le but. L'un des problèmes que j'ai avec le projet de loi, c'est le fait que c'est dans le Code criminel et non pas dans la législation civile.
Les zoos dans le monde, et surtout en Amérique du Nord et en Europe, sont principalement créés en capturant des animaux sauvages en vue de les garder en captivité. Ce n'est pas comme si cette pratique n'existe plus à l'heure actuelle, mais presque tous les zoos se sont donné comme objectif de ne plus capturer d'animaux dans la nature.
Je suis impressionné par la façon dont ce projet de loi s'applique rétroactivement dans toutes les installations existantes. Si l'on bannissait ou éliminait progressivement ces installations, ce serait une façon de le faire très en douceur. Je suis également impressionné par le fait qu'il n'exclut pas la possibilité de prendre soin d'animaux blessés, fragilisés ou rescapés. Je pense que c'est très avisé.
En ce qui concerne la première partie de votre question, j'ai beaucoup de respect pour l'AZAC en tant qu'institution, mais vous avez raison de dire que c'est l'organisation de l'industrie et qu'il y a une autoréglementation. Aux États-Unis, nous avons l'AZA plutôt que l'AZAC, et elle fait de l'excellent travail. Les normes établies par l'AZAC et ses énoncés de mission sont très stricts et ambitieux. C'est une organisation en croissance. Elle s'améliore sans cesse avec les années. Elle manque de personnel et doit prendre de l'expansion, mais il ne devrait pas y avoir que l'AZAC. Il devrait y avoir des normes législatives provinciales, mais je serais ravi s'il y avait des normes législatives fédérales.
Je peux confirmer que les États-Unis ont déjà quelque chose de ce genre en place. Le système n'est pas parfait, alors je ne dirais pas que le système américain est idéal, mais il y a la U.S. Animal Welfare Act au niveau fédéral, puis il y a bien entendu la réglementation sous-jacente des États.
[Français]
Le sénateur Forest : En fait, c'est un peu ce que vous proposez dans votre présentation, lorsque vous nous suggérez de fixer des règles et des normes pour régir cette activité, qui seraient mises en application par l'AZAC.
[Traduction]
M. Noonan : C'est exactement ce que je propose. L'AZAC a déjà ses propres normes et doit simplement continuer d'évoluer pour les faire respecter plus rigoureusement. Mais je ne propose pas que le gouvernement fédéral devrait fixer des normes et autoriser une entité fédérale qui ferait appliquer ces normes. Ce pourrait être le Conseil canadien de protection des animaux, le CCPA, mais je ne le sais pas. J'espère que je n'ai pas causé de stress à quiconque parce que j'ai proposé de nouveaux travaux que l'organisation pourrait effectuer.
Aux États-Unis, c'est l'USDA, le département de l'Agriculture, qui fait appliquer l'Animal Welfare Act dans les laboratoires, l'industrie alimentaire, les zoos et ailleurs. Là encore, je ne dis pas que c'est un modèle à suivre. Je pense que le système américain comporte des lacunes.
Mais non, sénateur, il faudrait proposer des normes pour une organisation gouvernementale canadienne, et non pas pour l'AZAC.
Le sénateur Gold : Monsieur Noonan, je vous suis très reconnaissant de vos déclarations très ciblées et modérées. Je vous en remercie. Ce débat est assez polarisé à l'occasion, et nous vous remercions du ton de vos interventions et de votre contribution.
Nous avons entendu les arguments des deux côtés au sujet de l'incidence de la captivité sur les cétacés, de façon générale, et sur une espèce en particulier. Parfois, on dit qu'il y a d'un côté, les scientifiques, et de l'autre, les activistes. J'aimerais savoir s'il y a des recherches crédibles pour étayer l'argumentaire des deux côtés — à savoir que la captivité peut nuire à certains aspects du bien-être des animaux.
M. Noonan : Sénateur Gold, cela ne fait aucun doute. Je suis ravi de voir que tous les sénateurs et vous reconnaissez que la question est très polarisée et qu'il y a d'excellents arguments des deux côtés. J'adore le fait que tous les arguments sont axés sur le bien-être des animaux. La réponse à votre question est sans contredit que la captivité entraîne des problèmes pour le bien-être des animaux.
Le thème central sur lequel je veux insister ne touche pas seulement les cétacés. La captivité ne nuit-elle pas au bien- être de tous les animaux au zoo de Toronto? Pis encore, n'a-t-elle pas une incidence sur tous les animaux dans l'industrie alimentaire? Ne nuit-elle pas au bien-être des animaux dans l'industrie des animaux de compagnie? Nous savons qu'il y a toutes sortes de préoccupations liées au bien-être en lien avec les gens qui sont de mauvais propriétaires d'animaux et des propriétaires d'animaux mal informés. Pensez à l'équitation et à toutes les répercussions sur le bien- être des animaux, ou aux cirques.
Je veux que les zoos évoluent et continuent d'évoluer et accorde une grande priorité au bien-être des animaux, mais cela ne s'applique pas seulement aux zoos. Mon argument principal est qu'il n'y a pas que ces deux organisations canadiennes qui seront touchées par ce projet de loi. J'ai l'impression d'être incohérent en disant que c'est une importante préoccupation et que c'est criminel pour ces espèces, mais pas pour d'autres animaux au zoo de Toronto, dans l'industrie alimentaire, et cetera.
Le sénateur Gold : Je serais tenté de dire, « Il ne faut pas laisser la perfection être l'ennemie du bien », mais je vais laisser passer cela. Le projet de loi dont nous sommes saisis — qui n'est pas un projet de loi d'initiative ministérielle, mais plutôt un projet de loi d'initiative parlementaire — met l'accent sur les cétacés, et c'est la question dont nous sommes saisis.
En ce qui concerne le bien-être, vous avez dit dans vos remarques et avez laissé entendre dans votre mémoire que le succès de la reproduction des bélugas en captivité est un indicateur du bien-être de l'animal. Je me trompe peut-être, mais je sais que les chiens dans les usines à chiots se reproduisent à un taux relativement élevé. Ai-je tort? Je ne vous demande pas d'être un expert des chiots, mais j'aimerais comprendre un peu mieux pourquoi c'est une mesure du bien- être, alors que cela ne semble pas être le cas pour d'autres espèces.
M. Noonan : Vous avez tout à fait raison, en matière de science du bien-être des animaux, les gens préconisent et utilisent deux dizaines d'indices du bien-être différents, mais il est vrai que la reproduction et le comportement reproducteur constituent l'un de ces indices.
L'exemple que vous avez donné est excellent. Même les animaux qui vivent dans des conditions assez mauvaises peuvent se reproduire, mais dans des conditions de stress extrême, ils ne le peuvent pas. La reproduction est un indicateur pour prouver l'absence de stress extrême.
J'ai soulevé ce point, car j'ai eu l'occasion d'entendre quelques-uns des témoignages présentés devant votre comité, dans le cadre desquels on a signalé le piètre bilan de la reproduction chez les épaulards. Je ne remets pas cela en question. Le piètre bilan est très préoccupant. Les épaulards en captivité nous inquiètent grandement, et à juste titre. Nous nous soucions aussi des autres animaux, mais on ne peut pas soutenir que le piètre bilan de la reproduction des épaulards importe, mais pas le succès du programme de reproduction à Marineland. Cela semble être injuste. Cela ne semble pas être justifié.
Le sénateur McInnis : C'était un excellent exposé.
À quel point l'espace est-il important dans la captivité de ces cétacés? J'ai lu que vous suggérez d'opter pour des activités littorales. Or, dans la lettre que vous avez rédigée le 16 février concernant Marineland, vous avez dit que les mammifères ne sont pas du tout stressés et se portent bien psychologiquement. Je me rappelle avoir lu que vous suggérez d'opter pour des activités le long des rives probablement parce que les animaux seraient dans un habitat beaucoup plus naturel. Voulez-vous faire des observations à ce sujet?
M. Noonan : J'aimerais beaucoup, oui. Merci, sénateur. Tout d'abord, je suis ravi d'entendre que quelqu'un a lu l'une de mes publications. Je m'en réjouis. J'ai un lecteur.
Sénateur, l'espace est évidemment important. Dans la lettre que j'ai présentée en date de février, et dans les remarques liminaires que j'ai faites ce soir, je n'ai pas abordé la question de l'espace. Je dis que certains indices que j'ai mesurés à Marineland m'ont amené à tirer certaines conclusions, mais je n'ai pas mesuré l'espace. En fait, je ne suis au courant d'aucune étude qui a été menée sur la dimension des enclos et le bien-être des cétacés. Cependant, en toute logique, les animaux ont besoin d'espace, et un enclos plus grand est habituellement préférable. Je suis en faveur d'installations beaucoup plus grandes.
Je suis également d'accord avec M. Whitehead, qui a témoigné devant vous. La dimension des bassins occupés par les baleines et les dauphins ne représente qu'une petite fraction de leur habitat naturel. Je ne veux pas avoir l'air d'un disque rayé, mais regardez l'enclos des loups au zoo de Toronto. Les enclos dans les zoos canadiens ne représentent qu'une petite fraction de l'espace de l'habitat naturel du loup ou du bison. Ce n'est pas un problème qui touche seulement les deux aquariums qui sont visés par ce projet de loi.
L'espace a fait l'objet d'études exhaustives chez les animaux de la ferme et de laboratoire pour évaluer leur bien-être. On a conclu que l'espace a une incidence, mais c'est peut-être le facteur le moins important parmi tous les facteurs importants.
Qu'est ce que la complexité environnementale signifie? Supposons que nous doublons ou décuplons la dimension des bassins à Marineland ou à l'aquarium de Vancouver, mais ne changeons rien d'autre. C'est une autre solution de rechange. L'autre solution consiste à les laisser tels quels, mais à les rendre plus complexes sur le plan environnemental, comme on le fait dans les zoos modernes tels que le zoo de Toronto, qui rend ses bassins beaucoup plus naturels. Les avantages de rendre les enclos plus naturels chez les animaux de la ferme et de laboratoire sont plus grands que si l'on augmente la dimension de leurs enclos, mais qu'on les laisse stériles.
Il y a d'autres facteurs, comme la complexité sociale. Je n'ai pas d'étude là-dessus, car il est impossible d'étudier ce facteur, mais j'imagine que le succès important que Marineland connaît avec son programme est attribuable au fait qu'il compte un grand nombre de bélugas. Dans la nature, les bélugas vivent en groupe nombreux, et ils sont nombreux à Marineland. Je dirais que le bien-être d'un béluga seul dans un grand bassin serait moins bon que le bien-être d'un béluga dans un plus petit bassin — je ne parle pas d'un bassin de petite taille, mais bien d'un plus petit bassin — qui vit avec de nombreux autres bélugas dans un groupe complexe à Marineland.
Les articles sur le bien-être des animaux de la ferme mettent l'accent sur un dernier facteur, à savoir la compassion, la formation et le dévouement de la personne qui prend soin des animaux. Ce facteur importe beaucoup plus que l'espace.
De nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans le bien-être des animaux. Il y a l'espace. Si je le pouvais, je transférerais les animaux dans des installations beaucoup plus grandes, mais pas seulement à Marineland. Je le ferais pour tous les animaux au zoo de Toronto.
Soit dit en passant, pour mes collègues avec qui je travaille et que je respecte grandement au zoo de Toronto, je m'excuse d'utiliser sans cesse leur zoo à titre d'exemple. Sénateurs, vous devriez savoir que j'ai visité plus de 200 zoos dans le cadre de mes études, et le zoo de Toronto est parmi les 10 meilleurs zoos dans le monde. C'est un excellent zoo. C'est pourquoi je mentionne sans cesse le zoo de Toronto.
Ils répondront immédiatement qu'ils aimeraient doubler ou décupler la taille de leurs enclos. Je suis certain que le zoo de Toronto aimerait bien pouvoir le faire, à l'instar de tous les zoos. L'espace compte, mais ce n'est pas le principal problème, selon ce que révèlent les études scientifiques.
Le sénateur McInnis : Merci.
Le sénateur Christmas : Je vous remercie de votre travail, monsieur Noonan, sur le bien-être des animaux. Je vous remercie également des observations que vous avez faites pour permettre à l'industrie d'évoluer. Dans vos remarques, vous parlez d'un aquarium en mer nouveau ou mieux avisé.
J'aimerais savoir, puisque j'ai quelques instants avec vous, quelle est votre vision d'avenir pour l'évolution de l'industrie? Comment une installation pourrait-elle devenir la meilleure installation pour assurer le bien-être des cétacés?
M. Noonan : Ma vision ne s'appliquerait pas seulement aux cétacés; elle s'appliquerait aux zoos en général.
Je connais bien les parcs. Je reviens de l'Alberta, où j'ai visité le parc national Elk Island. Le bison est dans un enclos de centaines d'acres. Si je ne m'abuse, c'est peut-être 1 000 acres. C'est un espace fermé. J'ai récemment amené l'une de mes classes au zoo de Toronto, et l'enclos qui abrite la même sous-espèce est d'environ cinq acres. Pardonnez-moi si je fais fausse route concernant l'une ou l'autre de ces installations.
La majorité des gens soutiendraient que les animaux qui sont gérés par des êtres humains dans un parc national en Alberta sont quand même dans des espaces clos dans une certaine mesure. Leur situation est la même, d'une certaine manière, que celle des animaux au zoo de Toronto. La situation des animaux au parc national Elk Island est meilleure, selon la majorité des indices de mesure du bien-être, mais pas tous. Les animaux au zoo de Toronto ont moins de maladies et sont mieux protégés des prédateurs et des éléments.
Pour les cétacés, ce serait peut-être une cage marine en bordure du littoral. J'aimerais qu'une cage marine mesure des kilomètres plutôt que des mètres, mais ce n'est pas nécessaire. Avec les avancées dans les technologies et les sciences de l'architecture, qui sait ce qui se passera — il y aura peut-être des possibilités plus complexes et pertinentes sur le plan social pour mettre en place des environnements de semi-captivité où les animaux auront beaucoup plus de choix. J'espère que j'ai fourni une réponse à votre question, sénateur Christmas. J'espère que j'ai su exprimer ma pensée.
Le sénateur Christmas : Vous l'avez certainement fait, monsieur Noonan, et je vous remercie de vos observations.
Le sénateur Sinclair : Merci, monsieur Noonan, de votre présence ici aujourd'hui et de votre témoignage.
Je n'ai jamais entendu parler du collège Canisius, mais lorsque j'ai fait quelques recherches et découvert que Gerry Meehan est l'un de vos diplômés, vous avez gagné en prestige. Il a été l'entraîneur des Sabres de Buffalo.
Dans la lettre du 16 février à laquelle le sénateur McInnis a fait référence, vous parlez de quatre catégories de données qui sont colligées dans le cadre de votre programme de recherche. Votre premier argument est que les indices comportementaux du stress chez les bélugas à Marineland sont très bas. Cette conclusion figure-t-elle dans un article que vous avez publié?
M. Noonan : Sénateur Sinclair, premièrement, pardonnez-moi, mais je suis au courant du travail que vous faites avec la CRV du Canada, et je dois dire que c'est un privilège de faire votre connaissance aujourd'hui.
Deuxièmement, je suis ravi que vous ayez mentionné le collège Canisius. Pour votre gouverne, honorables sénateurs, le collège Canisius est situé à Buffalo, dans l'État de New York. Aux États-Unis, les collèges sont essentiellement des universités. C'est une université d'arts libéraux de petite taille à Buffalo, dans l'État de New York, située à quelques kilomètres de la frontière avec le Canada, où je suis chercheur. Mes étudiants et moi traversons au Canada presque un jour sur deux et allons en Ontario pour cette raison.
Jusqu'à maintenant, dans le cadre de mes travaux à Marineland, j'ai fait 46 présentations à des conférences et rédigé quatre publications évaluées par des pairs. Mes travaux les plus récents, ces dernières années, portent sur les bélugas. Auparavant, je me suis principalement concentré sur les épaulards, à Marineland. Donc, un seul des articles que j'ai publiés porte sur les bélugas, soit sur leur reproduction et non sur le stress.
Sénateur, je tiens aussi à préciser que mes recherches ne sont pas précisément axées sur le stress, mais plutôt sur les comportements sociaux. Cependant, les mesures comportementales que j'ai colligées m'ont amené à vous présenter les quatre points que j'ai mentionnés plus tôt. Mes recherches ne portent pas spécifiquement sur le stress chez les bélugas. Je dirais sans ambages que lorsque j'examine l'aspect du jeu chez les animaux, y compris chez l'humain, je constate qu'ils n'ont pas tendance à jouer en situation de stress. J'entends par là que les bélugas de Marineland ont en moyenne quatre ou cinq périodes de jeu par heure. La population de bélugas à Marineland est assez importante; nous observons donc environ 200 périodes de jeu par heure dans cette population.
Pensez-y; imaginez un animal dans une condition horrible. Lorsqu'un animal est en détresse — lorsqu'il n'interagit pas avec des humains, pendant qu'on le nourrit, peu importe —, on constate souvent qu'il a le regard fixe, qu'il semble maussade, qu'il fixe ou gratte la porte de l'enceinte. Il ne joue pas. Les représentants de sociétés de protection des animaux ont souvent mentionné ce point.
Observez les animaux lorsqu'ils ne sont pas conscients qu'on les regarde, lorsqu'on ne tente pas de les distraire. Que font-ils? Un animal ramasse un caillou avec sa gueule et l'envoie à un autre, qui l'attrape et le recrache. Ils s'adonnent à des jeux de passes; ils forment des bulles en forme d'anneau et les pourchassent. Bref, ils créent des jeux; ils forment des anneaux, les pourchassent et prennent manifestement plaisir à les déformer, ou encore à nager à travers.
Je tiens à être clair : je ne dis pas que les conditions à Marineland sont idéales. J'aimerais apporter une série de changements, mais vous conviendrez, mesdames et messieurs les sénateurs, que des animaux qui jouent autant ne semblent pas être des animaux dont le bien-être est si menacé.
Le sénateur Sinclair : Les informations que nous avons consultées nous portent à croire que la majorité des bélugas de Marineland ont été achetés auprès d'une source russe. Je n'ai pas les chiffres. Avez-vous des renseignements à ce sujet?
M. Noonan : Je ne travaille pas pour Marineland et je ne suis pas membre de l'équipe de gestion, mais je crois savoir que les individus adultes ont été capturés dans les eaux territoriales russes. Cela ne fait aucun doute. Je pense que la majorité... Je ne sais pas si c'est encore la majorité; on a peut-être atteint un point de bascule étant donné le grand nombre de bélugas nés en captivité. Il y a peut-être plus de bélugas nés en captivité que de bélugas capturés en milieu naturel. Si vous me donnez une minute, je vais consulter mes notes.
En ce qui concerne la Russie, la réponse est oui, du moins à ma connaissance, puisque mes activités ne touchent pas cet aspect, mais je ne sais pas s'ils forment toujours la majorité.
Le sénateur Sinclair : Ma question visait à savoir si vous avez observé des différences comportementales entre les animaux capturés qui étaient en santé et les animaux rescapés qui ont été amenés à l'aquarium. Vos recherches ont-elles permis de déceler des différences comportementales entre les deux groupes?
M. Noonan : Je n'ai pu observer les comportements de ces deux groupes, sénateurs, car je n'ai pas étudié les animaux rescapés. En outre, il n'y a aucun animal rescapé à Marineland. Je peux uniquement comparer les animaux capturés en milieu naturel aux animaux nés en captivité ainsi qu'aux descendants des animaux capturés en milieu naturel.
Je n'ai pas remarqué de différences à cet égard, mais je souligne que dans mon groupe-sujet, les individus capturés en milieu naturel sont tous des adultes, tandis que ceux qui sont nés en captivités sont des juvéniles. Il y a des différences entre les adultes et les juvéniles. Le groupe que j'ai étudié à Marineland ne comprend pas d'adultes nés en captivité; je n'ai donc pu établir une comparaison avec les adultes nés en milieu naturel. Certains individus nés en captivité à Marineland arrivent maintenant à l'âge adulte.
Ma réponse était trop longue, sénateur; j'aurais dû répondre que je n'ai rien à dire sur cette question précise.
Le sénateur Sinclair : Je vous remercie de cette précision.
Le sénateur Munson : Je vous remercie d'être venu, monsieur. J'ai une question simple. Vous avez fait allusion au principe de criminalisation sous-jacent à l'ensemble des dispositions du projet de loi du sénateur Moore. Pourrait-on adopter des mesures non pénales pour les installations qui ne fourniraient pas les soins appropriés aux animaux? Vous y avez fait allusion, mais pourrait-on arriver à ces fins sans utiliser le mot « criminel »?
M. Noonan : Je suis désolé, mais n'est-ce pas là une question d'ordre juridique? Je n'ai pas la prétention d'être un spécialiste dans quelque domaine que ce soit, et surtout pas en droit. N'est-il pas courant de traiter des problèmes de cruauté envers les animaux comme des infractions criminelles? Je crois même que vous avez entendu des témoignages en ce sens. D'autres enjeux relèvent davantage de la réglementation au civil.
Cela me semble inhabituel et, pour parler franchement, inapproprié. Qu'avons-nous entendu lors des séances précédentes? J'ai écouté les délibérations. Il a été indiqué que le Code criminel doit refléter nos valeurs morales. On y établit des balises pour les choses que nous considérons comme répréhensibles. Nous disons qu'il est moralement répréhensible de tuer ou d'agresser une autre personne, mais qu'invectiver quelqu'un ou lui envoyer des lettres désobligeantes ne l'est pas. Nous reflétons nos jugements moraux. Nous disons qu'il est moralement répréhensible de garder des dauphins en captivité et d'en faire l'élevage. Pour moi, il est totalement incohérent et indéfendable de dire que c'est un crime moralement répréhensible pour les dauphins, mais pas pour les loups ou les chimpanzés.
Votre question vise à savoir si je crois qu'il est possible de le faire hors du cadre du Code criminel. Tout à fait. Je dirais — si je saisis bien la différence entre les codes criminel et civil — que j'adopterais une loi relevant du droit civil afin de créer un organisme gouvernemental ou fédéral chargé d'établir des normes. Ces normes ne seraient pas établies par le Sénat. Il s'agirait plutôt de confier l'établissement des normes à un organisme dûment constitué ayant l'expertise nécessaire. Cet organisme devrait en outre comporter un organe d'application de la loi disposant des pouvoirs nécessaires pour que ces mesures ne se limitent pas à de simples souhaits.
Savez-vous ce qui se passe lorsqu'on construit des ponts de piètre qualité? On n'empêche pas la construction de ponts. On adopte des règlements et on indique aux gens de l'industrie qu'ils ne seront pas payés ou que le pont ne pourra pas être ouvert à la circulation s'il ne satisfait pas aux exigences de l'inspection de conformité. Les véhicules non sécuritaires ne peuvent être vendus au Canada. Voilà le modèle que je préconise.
Je voudrais mettre quelque chose au clair : j'espère que mes collègues qui militent activement pour le bien-être des animaux préconiseront l'adoption de normes extrêmement élevées. C'est ce qu'a fait mon collègue David Rosen et la commission qu'il dirige en Ontario. Ces normes pourraient et devraient être plus élevées. Elles devraient être modulées de façon à favoriser l'évolution continue de l'industrie des parcs zoologiques.
J'ai récemment assisté à un colloque international sur le bien-être des animaux de zoo, où toutes les discussions étaient axées sur l'évolution continue et les progrès de la science en matière de bien-être animal. Selon moi, il faut participer à ce processus, à le mettre en œuvre et à poursuivre ces efforts. Je vous invite à insister. Je félicite le Canada de s'attaquer à cet enjeu et je vous exhorte à faire tout ce qui est en votre pouvoir pour l'adoption de normes rigoureuses en matière de bien-être animal.
Le sénateur Munson : Merci beaucoup de cette réponse extrêmement claire.
J'ai une petite question d'ordre philosophique. J'ai constaté que le cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey a évolué pendant ses 146 années d'existence. Dans 12 jours, l'entreprise mettra fin à ses activités en raison de la chute de son chiffre d'affaires, notamment. Après 146 ans, l'entreprise n'est plus rentable. Ce ne sont pas des zoos, mais plutôt des cirques avec des animaux.
D'un point de vue philosophique, lorsqu'on regarde les travaux menés à Marineland et à l'aquarium de Vancouver Aquarium, est-il nécessaire d'organiser des spectacles pour permettre aux gens de prendre connaissance de vos recherches scientifiques sur ces animaux marins? N'y aurait-il pas, sur le plan philosophique, une meilleure façon d'aborder ces études, ou encore une façon pratique de mener ces recherches dans un contexte plus privé, dans des installations plus vastes, comme vous l'avez souligné, des installations où l'on prend soin de ces animaux? Les gens pourraient peut-être avoir l'occasion de les observer dans ce milieu plus sauvage, de temps à autre, mais il ne convient pas nécessairement d'organiser des spectacles payants pour que les gens puissent voir des bébés bélugas faire des tours et tourner en rond dans un petit bassin. Je m'interroge sur la nécessité d'avoir de telles activités.
M. Noonan : J'adore cette question, car elle nous amène au cœur de cet enjeu, sans égard au projet de loi S-203, au Code criminel ou à toute autre mesure qui peut en avoir traité. Cela se rapporte essentiellement à nos lois et à nos comportements. Le cas du cirque Ringling Bros. reflète l'attitude plus évoluée et avisée de la population à l'égard d'autres espèces. Cela me réjouit et je compte suivre le mouvement, avec vous tous, au fil de son évolution.
Je crois, sénateur, qu'il pourrait y avoir là une fausse dichotomie entre les zoos ou les aquariums d'aujourd'hui et ce que vous avez décrit, c'est-à-dire des enclos marins en milieu plus sauvage. À mon avis, cela fait partie d'un même continuum; on parle de zoos différents, dans un contexte semi-sauvage.
Je vais utiliser le parc national du Canada Elk Island comme exemple, puisque j'y suis allé il y a quelques semaines. C'est un espace sauvage de petite superficie. Le parc d'animaux sauvages de San Diego — pas le zoo — est un enclos de très grande taille. J'y ai même observé un rhinocéros courir en ligne droite pendant cinq minutes. Cela vous donne une idée de la longueur de l'enclos. Il n'est pas aussi grand que l'enclos à bisons qu'on trouve en Alberta, mais il n'est pas beaucoup plus petit. Ces choses sont interreliées; je n'y vois pas de dichotomie.
En ce qui concerne votre question philosophique, je suis heureux que vous ayez soulevé ce point, car beaucoup de réunions antérieures de votre comité étaient axées sur la valeur des activités de recherche et du volet éducatif des zoos. Je peux aborder cet aspect si vous le souhaitez, mais la question est essentiellement liée à l'acceptabilité sociale des zoos. Marineland et l'aquarium de Vancouver sont des zoos. Ce sont des aquariums marins, mais ils font partie de ce domaine général. Les zoos mènent diverses activités, mais ils servent principalement d'activité de loisir pour la population. Quant à savoir si les zoos sont acceptables, c'est une bonne question.
L'interaction entre un humain et un animal vise toujours le bien-être humain, et rarement le bien-être des animaux. Dans le cas d'une activité servant uniquement à des fins de divertissement ou de loisirs, comme l'équitation, l'analyse coûts-avantages — les coûts étant les désavantages pour l'animal et les avantages pour l'humain étant liés aux loisirs plutôt qu'à l'alimentation, à la subsistance, à la recherche ou à l'éducation — devrait démontrer que le coût pour l'animal est extrêmement faible.
Sur le plan philosophique, toute utilisation d'une autre espèce ou toute interaction avec d'autres espèces a des coûts et des avantages. Dans les cas où les avantages sont élevés, comme l'utilisation à des fins de recherche médicale ou comme source de nourriture, nous pouvons sans doute, sur le plan éthique, tolérer un coût assez élevé pour l'animal. Nous pouvons certes en discuter. Toutefois, lorsque les avantages sont faibles, ce qui est le cas des activités de loisirs, à mon avis, les coûts devraient être extrêmement faibles.
Je dirais que les normes de bien-être dans les zoos doivent être très élevées, mais comme je viens de le dire, partout dans le milieu des zoos, on parle de veiller au bien-être des animaux et de la place au sommet des priorités relatives aux espèces détenues. Si c'est bien fait et que les animaux vivent dans des conditions qui leur permettent d'avoir une grande partie des comportements qu'ils auraient naturellement, sans souffrir des nombreuses difficultés rencontrées dans la nature, on peut alors dire que le degré de bien-être est plutôt bon.
Encore, j'ai l'impression de m'en prendre constamment au Parc national Elk Island, mais si nous pouvons installer dans ce parc un enclos qui empêche le mouvement des bisons de l'Alberta pour que nous ayons le loisir d'aller dans un parc et d'en profiter, comment ne pouvons-nous pas permettre au Zoo de Toronto de faire la même chose? Le Zoo de Toronto devrait devenir un plus vaste enclos, et je pense que c'est ce qu'on est en train de faire dans le milieu des zoos.
Quand vous posez une petite question à un professeur, vous risquez toujours d'avoir une longue réponse. Je m'écoute parler, et j'aimerais vraiment réussir à être plus concis.
Le sénateur Munson : J'estime avoir obtenu une bonne réponse. Merci.
Le président : Merci, monsieur. Le temps prévu pour cette partie de la séance achève. Nous avons encore la sénatrice Martin, et nous allons essayer de poser une question précise et de donner une réponse précise.
M. Noonan : Je vais faire de mon mieux.
La sénatrice Martin : En fait, pendant que j'attendais mon tour, j'estime que M. Noonan a répondu à certaines de mes questions en répondant à celles de mes collègues.
Je tiens à préciser que j'ai manqué votre exposé, mais que je l'ai lu puisqu'il nous a été distribué avant la réunion du comité. J'ai été rassurée à la lecture de certains passages, et cela m'a fait penser au projet de loi et au débat qui a eu lieu au Sénat.
Je suis une Vancouvéroise, alors je suis souvent allée à l'aquarium, aussi bien en tant que mère qu'en tant qu'enseignante. J'aimerais pouvoir répondre à la question du sénateur. Je vais le faire séparément.
Monsieur Noonan, je ne sais pas si vous en avez dit plus à ce sujet, mais je suis vraiment d'accord avec vous. J'ai vu l'évolution des zoos. Je pense que le Zoo de Toronto est un bon exemple. Cependant, vous dites ici : « D'un point de vue extérieur, on pourrait dire que le projet de loi cible injustement deux zoos du Canada en particulier. » Vous avez déjà expliqué — et les gens autour de la table comprennent — que cela cible les deux installations que nous avons. Aimeriez-vous ajouter quelque chose sur la mesure dans laquelle ce projet de loi va trop loin et cible injustement l'Aquarium de Vancouver et Marineland, ce qui signifie que nous devrions examiner soigneusement ce projet de loi à la troisième lecture?
C'est ce qui me préoccupe en tant que Vancouvéroise ayant vécu tous les effets positifs et sachant ce qui se produit quand des enfants ont la chance de voir les animaux en vrai plutôt que dans des livres ou des vidéos. Pourriez-vous nous dire tout ce que vous n'avez pas inclus dans votre exposé concernant la façon dont le projet de loi cible ces deux endroits, et ce, de façon injuste?
M. Noonan : Bien sûr, sénatrice Martin.
Sénateur Manning, je vous promets d'être bref, mais n'hésitez pas à m'interrompre si vous le voulez.
Sénatrice Martin, je crois avoir bien expliqué mon point de vue. J'estime que l'Aquarium de Vancouver a la même mission que les zoos à l'échelle du Canada, qu'il produit le même effet, qu'il a le même potentiel d'inspirer les gens, et qu'il fait face aux mêmes enjeux quand il s'agit de réaliser l'aspiration relative à l'éducation.
Rob Laidlaw, de Zoocheck, a bien résumé en disant que la preuve d'une expérience vraiment éducative et transformatrice au zoo n'est pas bonne. Cependant, il faut dire que les témoins précédents ont aussi admis exactement ce que vous décrivez, sénatrice Martin — il peut s'agir d'expériences inspirantes, du moins pour certaines personnes.
Je maintiens ce que j'ai dit : c'est indéniable. Ce projet de loi ne va toucher que deux institutions canadiennes. Pourquoi? Parce qu'il cible les cétacés.
J'ai soutenu, comme d'autres l'on fait, qu'il faut veiller très attentivement au bien-être des cétacés, mais pourquoi les cibler? Nous nous préoccupons des chimpanzés, des gorilles, des lions, des tortues et de tous les autres animaux.
Cela me semble injuste, sénatrice, et il est injuste que ces deux institutions soient ciblées. C'est injuste parce qu'il n'est pas justifié de cibler les cétacés ainsi. Si le débat portait sur le rôle des zoos en général et, peut-être, sur la fermeture de tous les zoos, ce serait plus juste.
J'ai promis de donner une réponse courte. Comment m'en suis-je tiré, sénateur Manning? Était-ce assez court?
Le président : C'était formidable, monsieur Noonan. Je vous remercie de votre témoignage de ce soir, et de l'excellente discussion avec nos sénateurs. Nous devons passer à notre groupe de témoins suivant. Merci d'avoir pris le temps de venir nous parler; vous nous avez fait d'excellentes observations.
M. Noonan : Sénateur, un de mes zoos préférés, peut-être le meilleur du monde d'après moi, c'est le Salmonier Nature Park, à Terre-Neuve.
Le président : Vous voilà reparti. Vous dites qu'il vous faut plus de temps, monsieur Noonan? Vous auriez dû soulever cela plus tôt. Je suis d'accord avec vous, en passant. Nous venons d'affecter beaucoup d'argent fédéral au maintien de cela, alors nous sommes très contents.
Je vous remercie beaucoup de votre exposé de ce soir.
Je souhaite la bienvenue à Adam Burns, directeur général intérimaire, Gestion des ressources halieutiques, à Pêches et Océans Canada, et Alain Vézina, directeur régional, Direction des sciences, Région des Maritimes, aussi à Pêches et Océans Canada. Si je comprends bien, monsieur Burns, vous voulez présenter un exposé. La plupart des sénateurs ont une copie de votre déclaration, mais si vous souhaitez nous en faire le résumé, nous vous écoutons, puis nous passerons aux questions.
Adam Burns, directeur général intérimaire, Gestion des ressources halieutiques, Pêches et Océans Canada : Merci de nous accueillir. Je suis ravi d'être ici au nom du ministère des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne. J'aimerais remercier le comité de votre étude du projet de loi S-203.
Certains de vous se souviendront que mes collègues Sylvie Lapointe et Arran McPherson ont comparu devant vous il y a quelques semaines, et je suis sûr que vous avez au moins tous lu leurs témoignages. Sylvie Lapointe a présenté un exposé et vous a décrit en gros le mandat et les pouvoirs du ministère concernant les dispositions du projet de loi S-203.
Nous avons préparé une déclaration liminaire qui est un peu plus longue que nécessaire pour aujourd'hui, mais nous ne voulons pas utiliser trop de votre temps en répétant beaucoup de choses que le ministère a déjà dites. Notre objectif est assurément de répondre à vos questions. Je comprends que vous aviez des questions additionnelles à la suite des témoignages des autres personnes qui ont comparu devant vous, et nous sommes ravis d'y répondre.
Dans le document que nous vous avons présenté, vous trouverez une description des pouvoirs actuels du ministère concernant les dispositions du projet de loi et les diverses façons dont les pouvoirs actuels répondent en ce moment aux préoccupations exprimées ou à certaines des préoccupations que le projet de loi S-203 semble avoir comme objectif de résoudre.
Nous avons aussi exprimé certaines choses dont vous pourriez vouloir tenir compte dans votre examen du projet de loi concernant les effets de certaines des dispositions relatives à la recherche scientifique, ainsi qu'à la capacité des collectivités autochtones nordiques en particulier, presque exclusivement, de faire le commerce de certains produits de mammifères marins.
Sur ce, nous serions ravis de répondre à vos questions, y compris celles qui portent précisément sur le mandat du ministère.
Le président : Merci, monsieur Burns. Avant de laisser la parole aux sénateurs, je vais me permettre de poser une question rapide. Le ministère délivre des permis qui n'autorisent la capture d'un cétacé vivant qu'à des fins de recherche scientifique ou de réadaptation. Au cours des 10 dernières années, un seul permis a été délivré, et c'était pour la réadaptation d'un bébé faux-orque qui était coincé. Si un professionnel qualifié détermine que l'animal peut être relâché dans la nature à la suite de la réadaptation, le ministère délivre un permis. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce processus?
M. Burns : Bien sûr. Pour ce qui est des 10 dernières années, il y a eu bien plus qu'un seul cas pour lequel le ministère et des tiers partenaires ont fourni des services d'intervention auprès des mammifères marins, en cas de baleines enchevêtrées ou coincées dans des engins de pêche ou emprisonnées dans les glaces.
Dans un cas, on a conclu qu'il convenait de déplacer un mammifère marin en particulier, le faux-orque que j'ai mentionné, pour l'amener à un centre de réadaptation, en l'occurrence l'Aquarium de Vancouver. Parce que, dans les faits, l'animal est capturé, il faut délivrer un permis de pêche relevant dans ce cas de l'article 52, soit un permis pour des fins de recherche scientifique. Ce permis a été délivré dans ces circonstances particulières, la baleine a été transportée à l'Aquarium de Vancouver, où l'on a amorcé sa réadaptation. On n'a toujours pas conclu pour le moment que l'animal pourrait être relâché dans son milieu naturel. Il vit toujours à l'Aquarium de Vancouver, d'après ce que je comprends. Si un jour des experts en sciences vétérinaires estiment qu'il peut être relâché, il faudra obtenir du ministre qu'il délivre un permis à cette fin. D'ici là, l'animal va rester à l'Aquarium de Vancouver.
C'est la seule fois où cela s'est produit. Dans les autres cas, l'activité de réadaptation sur place est suffisante, et l'animal peut ensuite s'en aller par lui-même ou, dans de nombreux cas, on estime qu'il n'est pas convenable ou possible d'emmener l'animal à un centre de réadaptation; la plupart du temps, il n'y en a pas à proximité. En gros, c'est à l'Aquarium de Vancouver qu'on peut les amener. Si l'animal ne peut être rapidement réadapté sur place, puis relâché, on l'euthanasierait.
Le président : Cela m'amène à ma deuxième question. Si nous n'avons pas d'installation comme l'Aquarium de Vancouver ou autre chose de semblable, que se produirait-il dans ce cas?
M. Burns : Dans le cas du faux-orque, s'il n'était pas à l'Aquarium de Vancouver, c'est une question hypothétique, manifestement, alors il est difficile de le savoir. Je ne suis pas un expert en sciences vétérinaires, mais il aurait fallu décider à ce moment-là de la possibilité d'assurer sa réadaptation sur place. Cela ne pourrait manifestement se faire que sur une courte période de temps, après quoi l'animal s'en serait allé. Donc, il aurait fallu voir s'il était possible de le dégager pour qu'il puisse partir. Si cela n'avait pas été possible, la solution aurait été de l'euthanasier.
Le sénateur McInnis : Je suis ravi de vous revoir. Est-ce que les auteurs de ce projet de loi ont consulté le MPO avant de le déposer?
M. Burns : Je peux dire que je n'ai pas été consulté. Je ne sais pas si le ministère a été consulté, mais parce que c'est un gros ministère, il est naturellement bien possible que quelqu'un ait été consulté sans que je le sache.
Le sénateur McInnis : Normalement, les gens s'adressent au ministère de la Justice pour faire examiner le projet de loi. Je me serais attendu à ce qu'il y ait alors des contacts avec votre ministère.
Cela étant dit, de multiples lois s'appliquent à ces opérations. Il y a bien sûr les lois fédérales qui existent et, bien entendu, en vertu de la Constitution, certains contrôles relèvent des provinces, ainsi que certaines lois visant la cruauté envers les animaux et ce genre de choses.
Vous venez de laisser entendre que le projet de loi couvre certains aspects qui ne sont pas couverts en ce moment, mais avez-vous analysé cela? Est-ce que quelqu'un a pris le temps de dire : « Nous avons suffisamment de lois, dans ce pays, tant aux échelons fédéral que provincial, au point où ce projet de loi n'est pas nécessaire »?
M. Burns : Il est sûr que les trois ministères en question — le ministère de la Justice, Environnement et Changement climatique Canada et Pêches et Océans — ont examiné le projet de loi. Nos collègues d'Environnement et Changement climatique Canada ont témoigné devant le comité, il y a deux semaines, je crois, et ma collègue du ministère de la Justice était ici avec nous, à ce moment-là.
Je ne veux pas parler en leur nom, mais du point de vue du MPO, le régime législatif actuel couvre déjà bon nombre des objectifs du projet de loi. Certains éléments ne se trouvent pas déjà dans la loi, par exemple, l'importation d'un mammifère marin vivant afin de l'exposer; cela n'est pas en ce moment dans la Loi sur les pêches. Ce n'est donc pas un aspect pour lequel nous aurions compétence.
Cependant, pour ce qui est de capturer un mammifère marin dans les eaux canadiennes afin de l'exposer, le ministère ne le fait pas depuis 1992. Je suppose que la capacité et le pouvoir du ministre de délivrer ce type de permis à de telles fins existent toujours. Cependant, le gouvernement du Canada a comme politique de ne pas le faire depuis 1992, par exemple.
Le sénateur McInnis : Merci.
Le sénateur Munson : Je vous remercie de votre présence. J'étais récemment à la station de St. Andrews. J'y suis allé en tant que sénateur et en tant que journaliste, il y a un certain temps, et vous pouvez voir là le travail formidable qu'on y a fait et qui se poursuit, en matière d'aquaculture, d'océanographie, de pêches durables, d'évaluation des stocks, d'environnement aquatique et d'espèces menacées. Le gouvernement réalise énormément de recherche à divers endroits au pays, mais à St. Andrews, on y accomplit du travail exceptionnel.
Je me pose une question. Quand de savants professeurs comme M. Noonan viennent nous parler des recherches qu'ils mènent et disent qu'ils vont à Marineland et ailleurs, est-ce que nous sommes en présence d'un chevauchement du travail? Le gouvernement lui-même semble avoir de très nombreux scientifiques et chercheurs qui accomplissent ce genre de travail. J'aimerais savoir comment vous travaillez de concert avec les autres qui sont dans le secteur privé et au gouvernement.
Alain Vézina, directeur régional, Direction des sciences, Région des Maritimes : Si vous me le permettez, je vais répondre à cette question. Je suis le directeur régional de la Direction des sciences, dans la région des Maritimes, et la Station biologique de St. Andrews se trouve dans mon domaine, en quelque sorte. Je suis aussi en ce moment le directeur général intérimaire, Sciences des écosystèmes, à Ottawa, mais dans une semaine, je vais retourner dans les Maritimes.
Le sénateur Munson : Vous avez de la chance.
M. Vézina : Je suis d'accord. C'est un endroit magnifique, et on y fait du travail de recherche exceptionnel. Je suis très fier de mon personnel et du travail qu'il accomplit là-bas, ainsi qu'à l'Institut océanographique de Bedford.
Nous travaillons en étroite collaboration avec des chercheurs universitaires, et nous avons besoin les uns des autres parce que les chercheurs universitaires font un genre de recherche très théorique et plus d'avant-garde, car ils essaient de repousser les limites. Nous essayons d'utiliser cela et d'en faire des réalités en vue de la prise de décisions stratégiques et de conseils, ce qui fait que nous menons beaucoup de recherches qui ont pour effet de transformer ces connaissances en applications à l'intention du gouvernement. En même temps, nous faisons de la recherche fondamentale — bien que très stratégique — afin de répondre aux enjeux que nos clients du gouvernement nous soumettent. C'est donc très complémentaire, et nous avons besoin d'un secteur universitaire robuste. Par exemple, dans la recherche sur les mammifères marins dont nous parlons ici, il nous faut un secteur universitaire très dynamique pour faire la recherche que nous ne pouvons faire à l'interne afin que nous puissions nous acquitter de notre mandat.
Nous avons donc des ressources très considérables, et elles augmentent, mais il y a aussi beaucoup de demandes, et nous avons besoin de l'aide des universitaires. Nous collaborons très étroitement avec eux quand nos mandats correspondent.
Le sénateur Munson : Je vous remercie. J'ai aussi une deuxième question. Vous avez parlé de cela en termes différents dans votre déclaration liminaire, monsieur Burns. À la page 3, vous mentionnez la modification proposée à la disposition de la Loi sur les pêches afin d'interdire de déplacer un cétacé vivant de son environnement immédiat, et dit que cela pourrait avoir un effet négatif sur ce que le ministère peut faire en vertu de l'alinéa 15c) du Règlement sur les mammifères marins. Vous parlez ensuite d'un permis de transport de mammifères marins pour tout mammifère marin ou toute partie de mammifère marin, y compris des cétacés vivants, devant servir à des fins expérimentales, et vous poursuivez pendant un moment sur ce sujet.
Cependant, vous avez dit que la modification proposée pourrait entraver la capacité du ministère de s'adonner à des activités de recherche sur les cétacés et de réadaptation de cétacés. Comment cela pourrait-il avoir cet effet, et ce, dans quelle mesure? Quel serait le grand problème?
M. Burns : Je peux amorcer une réponse. Les interdictions proposées dans le projet de loi S-203 auraient des effets sur la capacité d'obtenir que des scientifiques s'échangent du matériel génétique, par exemple. Ce que nous cherchions à dire, c'est que vous devriez peut-être penser aux effets que les dispositions du projet de loi S-203 pourraient avoir sur la capacité du milieu scientifique de s'envoyer entre eux du matériel génétique ou d'autres échantillons biologiques qui leur seraient nécessaires pour s'adonner à leur travail de recherche scientifique. C'est un exemple de cela, et mon collègue pourrait vouloir en dire plus là-dessus.
M. Vézina : Je suis désolé. La question vous était initialement adressée, mais je constate que c'est lié aux effets produits sur la recherche scientifique réalisée pour le ministère. Par exemple, quand nous soumettons des carcasses de baleines, d'animaux ou de cétacés à des nécropsies, nous devons parfois faire des envois transfrontaliers d'échantillons parce que nous n'avons pas nécessairement les laboratoires spécialisés au sein de notre organisation. Cela pourrait donc avoir des effets là-dessus. Nous nous échangeons aussi souvent des échantillons à des fins de recherche, comme M. Burns vient de l'expliquer, notamment sur la génétique. Cela dépend donc de la portée de l'énoncé. Si la portée est trop large, une grande partie des échanges d'échantillons à des fins scientifiques qui se font normalement pourrait être touchée.
Le sénateur Munson : Vous dites « pourrait » être touchée, mais vous ne dites pas qu'elle le serait.
M. Vézina : C'est parce que je ne suis pas un avocat. Je ne sais pas vraiment si cela couvre les types d'échantillons que nous nous échangeons et qui sont normalement de très petites parties des animaux. Ce ne sont pas nécessairement des embryons, et ce ne sont pas des animaux complets. Est-ce qu'il y aurait un effet là-dessus? Je ne le sais pas vraiment.
Le sénateur Munson : J'étais juste curieux. Je vous remercie beaucoup.
[Français]
Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre présentation. Nous venons d'entendre le Dr Noonan, qui nous a proposé une approche assez objective et réaliste. À l'heure actuelle, nous savons que l'AZAC se réglemente par elle- même, donc elle mandate elle-même des gens pour faire les inspections. Je crois qu'on peut faire confiance à leur professionnalisme, mais il y a là un risque de conflit d'intérêts, tout de même.
Le Dr Noonan suggérait que le gouvernement détermine des règles et des normes qui pourraient régir ce type d'activité, soit la détention d'animaux en captivité. Or, sa proposition ratissait beaucoup plus large, et ne concernait pas uniquement les cétacés. À votre avis, est-ce une avenue qui devrait être envisagée pour permettre de trouver un compromis et d'assurer des conditions de détention optimales pour les animaux en captivité, particulièrement les cétacés?
M. Vézina : Permettez-moi de vous expliquer le fonctionnement dans nos laboratoires. Les conditions de captivité des animaux à des fins expérimentales sont suivies très étroitement et régies par le Conseil canadien de protection des animaux. On forme des comités de chercheurs et de gestionnaires qui, régulièrement, font des inspections. Ils travaillent en collaboration avec les intervenants du conseil, qui nous fournissent des rapports sur ce qu'on doit améliorer. Un an après l'inspection, nous devons montrer comment nous avons mis en oeuvre les recommandations du conseil. Cet exercice se répète chaque année. Il y a un énorme travail qui est fait pour veiller à ce que les conditions de vie de n'importe quel animal dans nos laboratoires respectent les normes établies.
Du point de vue de la recherche gouvernementale, il n'y a aucun conflit d'intérêts, étant donné qu'une organisation indépendante vient inspecter nos lieux et nous fait ensuite des recommandations. Nous ne participons au processus que pour lui fournir de l'information. Toutefois, nous n'écrivons pas les rapports.
Par ailleurs, je ne peux pas faire de commentaires sur le reste de l'intervention du professeur Noonan.
Le sénateur Forest : Mon commentaire était plutôt lié au fait que cela ne concerne pas nécessairement les animaux que vous détenez pour faire vos recherches. Je voulais parler en termes de perception. Nous sommes dans un monde où la perception est parfois plus importante que la réalité. L'AZAC inspecte elle-même ses propres activités. Je ne veux pas mettre en doute l'objectivité de ses inspections. Cependant, considérons la possibilité que votre ministère détermine ses propres règles et qu'il confie le mandat au Conseil canadien de protection des animaux. Il y aurait alors, à tout le moins, une notion d'indépendance qui serait bonifiée.
M. Burns : De ce que je comprends de mon collègue du ministère de la Justice, qui était ici avec nous la dernière fois, la réglementation des zoos et des aquariums est de compétence provinciale et non fédérale. Je sais que les provinces ont de la réglementation. Je pense même que la province de l'Ontario a ajouté récemment des règlements visant les zoos et les aquariums. Cette question s'adresse donc aux provinces et non au gouvernement fédéral, compte tenu du fait que la réglementation des zoos et aquariums relève de la compétence des provinces.
Le sénateur Forest : Même si le Conseil canadien de protection des animaux a un mandat pour l'ensemble du Canada en ce qui concerne le bien-être des animaux?
M. Burns : C'est ce que je comprends, oui.
[Traduction]
Le sénateur Gold : J'ai deux petites questions. En ce qui concerne la question de l'importation et de l'exportation à des fins de recherche scientifique, si le projet de loi était amendé de manière à préciser que de tels échantillons pourraient être expédiés, avec le permis pertinent ou l'approbation gouvernementale réglementaire nécessaire, est-ce que cela répondrait à vos préoccupations? J'irais même plus loin que les échantillons de tissus pour inclure, comme vous l'avez mentionné dans votre déclaration écrite, un cétacé vivant, si c'est convenablement autorisé. Est-ce qu'un amendement au projet de loi concernant les recherches scientifiques répondrait à vos préoccupations?
M. Vézina : Je n'en suis pas sûr. Je ne peux pas vous dire l'amendement à apporter et ce qui conviendrait comme outil. Cependant, je peux vous dire qu'il faut probablement que vous examiniez les effets possibles du projet de loi, tel qu'il est rédigé, sur un plus large éventail d'activités liées à la recherche et aux échanges d'échantillons à des fins de recherche scientifique.
Le sénateur Gold : Ma question n'est pas liée à cela, et vous n'êtes peut-être pas les bonnes personnes pour y répondre, mais vous avez aussi exprimé une préoccupation que nous avons déjà entendue au sujet des effets de ce projet de loi sur la capacité des collectivités autochtones d'exporter des produits. Pouvez-vous nous dire si l'exportation ne se fait qu'au Canada ou si elle est transfrontalière, ce qui fait qu'elle serait interdite?
M. Burns : Elle est aussi transfrontalière. Le MPO n'a pas ces données particulières, alors je dois bien faire attention à ce que je vous dis, mais je suis plutôt sûr que certaines exportations à l'étranger seraient touchées par cela.
Le sénateur Christmas : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Gold. Lors du témoignage précédent du ministère et dans votre mémoire, j'ai remarqué que vous dites que le projet de loi S-203 aurait des effets sur la capacité des collectivités autochtones d'exporter des défenses de narval. Le montant mentionné ici est d'environ 400 000 $ par année.
Après avoir écouté des témoignages antérieurs, je craignais que ce projet de loi, s'il était adopté tel quel, déclenche l'obligation de consulter la Couronne, étant donné que cela empiéterait sur les droits des Autochtones. Le MPO a-t-il un plan de consultation concernant la restriction du commerce de défenses de narval?
M. Burns : On m'a donné une réponse. Si vous me le permettez, je vais vous la lire.
En vertu de l'Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, un « Inuk » a le droit « de vendre, de troquer, d'échanger et de donner » les ressources fauniques récoltées légalement soit dans la région du Nunavut, soit à l'extérieur de celle-ci. J'ajoute que l'accord est protégé par l'article 35 de la Constitution.
La Couronne pourrait avoir l'obligation légale de consulter et, au besoin, de prendre des mesures d'adaptation si elle envisage une conduite susceptible d'avoir un effet préjudiciable sur les droits ancestraux ou issus de traités, établis ou potentiels. Cependant, les tribunaux examinent en ce moment la question de savoir s'il existe une obligation légale de consulter avant de présenter un projet de loi ou au moment de le faire.
Cependant, cela n'empêche pas les parlementaires — votre comité — de demander les opinions des groupes autochtones touchés au sujet du projet de loi. Les produits du narval, dont les défenses, sont vendus en tant que sous- produits de la chasse aux cétacés qui se fait dans la région du Nunavut, et nous délivrons des permis à cette fin, manifestement.
Je vais m'arrêter ici. La réponse, c'est que la question de savoir si l'obligation de consulter est déclenchée par le dépôt d'un projet de loi au Parlement est devant les tribunaux.
Le sénateur Christmas : Je suis désolé, mais je ne suis pas sûr de bien comprendre. Est-ce que votre ministère estime dans ce cas qu'il y a une question sur l'obligation de la Couronne de consulter les collectivités autochtones à ce sujet?
M. Burns : D'après ce qu'on m'a donné à entendre, on cherche à déterminer si le dépôt d'un projet de loi déclenche l'obligation de consulter, si le projet de loi est déposé au Parlement. D'après ce que je comprends, cette question est devant les tribunaux, ce qui fait que nous ne pourrions pas vous dire avec précision si le projet de loi tel qu'il est rédigé et qu'il a été déposé au Parlement a déclenché l'obligation de consulter. Je ne suis pas un expert de ce domaine.
Le sénateur Christmas : Donc, pour un parlementaire, cela représenterait un dilemme, dans le sens que si le projet de loi est adopté tel quel, nous ne savons pas en tant que parlementaires s'il faut ou pas un plan de consultation. Je crois qu'il est important que nous ayons une réponse claire à cette question. Je souligne simplement ce dilemme. Je crois qu'il est important que nous en venions à une conclusion à savoir si la Couronne a l'obligation de consulter à ce sujet.
Le sénateur McInnis : On ne dit peut-être pas qu'il faut consulter, mais cette communauté a le droit constitutionnel d'assurer sa subsistance et de récolter. On pourrait présumer, en conséquence de cela, qu'il existe sans aucun doute une obligation de consulter.
Le sénateur Sinclair : Voulez-vous que j'aille m'asseoir là-bas?
Le sénateur McInnis : Non, je veux que vous vous prononciez à ce sujet.
La sénatrice Martin : J'ai une question à vous poser pour donner suite à celle du sénateur Christmas. Vous n'avez pas donné la totalité de votre exposé, mais, dans vos notes d'allocution, il est indiqué que « les modifications proposées à la WAPPRIITA auraient des répercussions sur la capacité des collectivités autochtones du Nord d'exporter des produits dérivés des cétacés, comme les défenses de narval, ce qui entraînerait des pertes de revenus d'environ 400 000 dollars par année ».
Cela me rappelle le visionnement du documentaire Angry Inuk, le fait que le commerce de certains produits a été interdit au cours de certaines législatures et les répercussions que cela a eues sur ces collectivités. Les collectivités autochtones qui pourraient être touchées par ce projet de loi ont-elles été consultées avant sa présentation? Vous ne connaissez pas, à proprement parler, la réponse à cette question, mais c'est une question très préoccupante.
M. Burns : Manifestement, ce projet de loi n'a pas été présenté par le gouvernement. Par conséquent, je ne sais pas ce qu'il en est. Toutefois, je crois que le documentaire Angry Inuk a aussi été évoqué la dernière fois que nous avons comparu devant vous. Je tenais simplement à vous le signaler.
Le président : Y a-t-il un membre de votre ministère qui pourrait nous donner des explications à ce sujet et que vous pourriez nous suggérer d'inviter à la séance du comité?
M. Burns : Je ne suis pas avocat, mais je vous ferais observer que c'est une question qu'il vaudrait mieux poser à des avocats parlementaires qu'à des avocats du ministère des Pêches et Océans, en ce qui concerne l'obligation du Sénat et du Parlement de consulter lorsqu'une mesure législative est présentée, en particulier lorsqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Il se peut que j'aie tort, mais c'est mon opinion.
Le président : Nous allons communiquer avec le ministère de la Justice et déterminer si nous devons convoquer quelqu'un afin qu'il nous fournisse des éclaircissements à ce sujet.
Le sénateur Plett : Je crois avoir obtenu des réponses à mes questions. Même si vous hésitiez vraiment à nous donner une opinion catégorique, ce que je peux comprendre, je pense que le document en tant que tel nous apporte une indication assez claire.
Monsieur le président, au lieu de poser une question, je vais me contenter de confirmer qu'à mon avis, nous devons inviter des représentants officiels du gouvernement qui travaillent au ministère de la Justice ou ailleurs et qui sont en mesure de venir ici pour nous dire ce qu'il en est. M. Burns a raison de dire qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et non d'une mesure législative du gouvernement. Cependant, le gouvernement se prononce quand même sur les projets de loi d'initiative parlementaire — il l'a certes fait lorsque j'en ai présenté un —, afin de nous faire savoir s'il l'appuie ou non. Je pense qu'il est primordial que des représentants officiels du gouvernement viennent ici pour nous dire si le gouvernement appuie cette mesure législative et, si c'est le cas, pourquoi, et, si ce n'est pas le cas, pourquoi pas. Nous devons recevoir une directive très claire que, de toute évidence, ces messieurs ne sont pas en mesure de nous donner ou disposés à le faire. Je comprends le dilemme devant lequel vous vous trouvez, mais nous ne ferions pas notre devoir si, à un moment donné ou à un autre, nous procédions à l'étude article par article de cette mesure législative sans comprendre clairement ce que le gouvernement prévoit de faire si nous l'adoptons.
Le président : Merci, sénateur Plett. Nous allons suivre ce conseil et demander au ministère de la Justice de nous aider. Je précise encore une fois que, selon la disponibilité de la personne en question, nous tenterons de la faire comparaître devant nous. La dernière fois que nous avons accueilli M. Burns et les autres, nous avons également reçu une personne du ministère de la Justice qui nous a fourni des éclaircissements sur quelques questions juridiques. Cependant, je suis certain que d'autres questions ont été soulevées depuis.
Le sénateur Plett : Vous avez raison : la personne nous a donnée quelques précisions, mais elle a beaucoup hésité à nous informer de leurs positions à l'égard de la mesure législative. Je pense qu'elles sont bien connues et qu'il y a des gens là-bas qui sont pour ou contre cette mesure. J'estime que nous devons inviter quelqu'un qui nous donnera des réponses directes, au lieu de dire simplement : « Nous croyons qu'elle pourrait avoir des répercussions ». Soit elle en aura, soit elle n'en aura pas.
Le sénateur McInnis : Des causes comme Sparrow et Marshall pourraient être prises en considération. Je suis certain que ces précédents ont abordé ces questions, et je suis sûr que les représentants pourraient venir nous expliquer leurs conséquences.
Le sénateur Gold : Il y a deux questions distinctes à cerner. Je partage l'opinion du sénateur Plett. Avant que nous tranchions finalement, il serait très utile de connaître la position générale du gouvernement à l'égard du projet de loi, si, par exemple, le gouvernement l'appuie, mais propose les modifications X, Y ou Z. Ce problème est indépendant de la question de savoir si nous pouvons obtenir des précisions. Ces précisions seraient également utiles en ce sens qu'elles nous permettraient de vérifier l'étendue des droits des Autochtones et la mesure dans laquelle ils primeraient sur le projet de loi si nous l'adoptions dans sa forme actuelle, ou de déterminer si une exception nous permettrait d'esquiver le problème, et cetera.
Le sénateur Plett : Rien ne nous empêche d'appeler le sénateur Sinclair à témoigner.
[Français]
Le sénateur Forest : Je suis d'accord avec le sénateur Plett. Le problème, c'est que si on veut connaître la position du gouvernement, on entendra la position de l'administration gouvernementale. Quant à la position politique de l'autre endroit au sujet du projet de loi, à moins de pouvoir faire témoigner les députés, on ne pourra pas la connaître. Il serait effectivement très éclairant d'entendre la position du gouvernement pour savoir c'est quoi, l'environnement législatif.
[Traduction]
Le président : On m'a informé qu'il se peut que nous n'obtenions pas une réponse directe à ce sujet — ce sont mes paroles —, même de la part des représentants officiels du ministère de la Justice. Ils pourraient s'étendre sur les points forts et les points faibles de la mesure législative sans répondre à nos interrogations en ce qui concerne la question de savoir si le gouvernement l'appuie. Remarquez que ce n'est peut-être pas de leur ressort en tant que représentants du ministère de la Justice. Il faudra peut-être que nous parlions à des gens qui se trouvent un peu plus haut dans la hiérarchie. Les membres du comité directeur en discuteront et en feront rapport au comité. Nous verrons ensuite ce qu'il convient de faire.
Sénateur Sinclair, il n'est pas nécessaire que vous régliez toutes ces questions maintenant. Cependant, je crois que vous avez une question à poser.
Le sénateur Sinclair : Je vais régler tout cela pour vous. Une disposition de dérogation couvrira tous les scénarios.
Messieurs, lorsque j'examine les documents les plus récents que vous nous avez fournis, ainsi que ceux que vous nous avez remis la dernière fois que vous avez comparu devant nous, je suis frappé par le fait qu'en ces deux occasions, vous semblez dire qu'à votre avis, la majeure partie des questions soulevées dans le projet de loi S-203 sont liées à des mesures que vous ou le gouvernement, par votre intermédiaire, pouvez prendre en ce moment, si vous le souhaitez.
Par exemple, vous signalez dans l'exposé d'aujourd'hui qu'en vertu de la Loi sur les pêches, il est possible de limiter la capture de cétacés en milieu naturel. En fait, vous soulignez que, depuis 1992, je crois, aucun permis n'a été octroyé pour garder en captivité des cétacés à des fins d'exposition. Et pourtant, nous entendons dire que Marineland a obtenu des cétacés d'autres pays à des fins d'exposition et de recherche. Mais, en ce qui a trait aux actions du Canada, notre pays n'a pas autorisé ces cétacés soient gardés en captivité. Le projet de loi interdit ce genre d'actions. Selon ce que je crois comprendre, vous dites que cette disposition n'a pas besoin de figurer dans le projet de loi parce que vous êtes déjà en mesure de faire cela. Si j'ai bien compris votre exposé, vous faites également allusion à d'autres dispositions qui, selon vous, permettent au ministère d'empêcher l'importation d'animaux d'autres pays ou l'importation du commerce des animaux. Ai-je bien compris votre exposé? Vous hochez la tête.
M. Burns : En ce qui concerne l'importation d'animaux capturés en milieu naturel dans d'autres pays — et je mentionne de nouveau qu'il s'agit là d'un domaine qui relève de la compétence d'autres ministres —, je peux vous assurer que, si l'animal est visé par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction ou en abrégé la CITES, des restrictions sont imposées sur son importation en vertu de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Par contre, je crois comprendre que, si l'animal n'est pas visé par la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, il ne ferait l'objet d'aucune interdiction.
Le sénateur Sinclair : Par conséquent, si un autre pays, quel qu'il soit, a interdit la capture de cet animal en vertu de l'accord en vigueur, le Canada sera en mesure d'interdire son importation?
M. Burns : Le seul aspect qui relève en ce moment du MPO, c'est le transport interprovincial d'un mammifère marin, qui exige l'obtention d'un permis de transport de mammifères marins.
Le sénateur Sinclair : Merci.
Le président : Je tiens à remercier nos témoins des exposés qu'ils nous ont donnés ce soir, et je remercie les sénateurs de leur présence. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la soirée a été intéressante. Nous progressons, même si nous ne faisons que de petits pas en ce moment. Merci encore. Nous vous verrons jeudi matin.
(La séance est levée.)