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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 17 - Témoignages du 30 mai 2017


OTTAWA, le mardi 30 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 17 h 42, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je m'appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis ravi de présider la séance de ce soir.

Avant de donner la parole à nos témoins, j'aimerais inviter les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, Nunavik.

Le sénateur Gold : Marc Gold, Québec.

Le sénateur Plett : Donald Plett, Manitoba.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, Colombie-Britannique.

Le sénateur Munson : Jim Munson, Ontario.

Le président : Le comité poursuit son étude du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

Nous sommes ravis d'accueillir, par vidéoconférence, Dr Lanny Cornell, docteur en médecine vétérinaire. Au nom des membres du comité, je vous remercie de comparaître devant nous aujourd'hui. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à présenter. Je suis certain que les membres du comité auront des questions à vous poser par la suite.

J'aimerais simplement signaler aux membres du comité que lorsque nous aurons terminé, nous poursuivrons la séance à huis clos pendant quelques minutes pour discuter de certains travaux à venir. Il faudra qu'une motion en ce sens soit présentée, mais nous y reviendrons à la fin.

Dr Lanny Cornell, à titre individuel : Je suis un vétérinaire qui compte plus de 40 ans d'expérience en soin des mammifères marins en captivité et en milieu sauvage. J'ai pris soin de toutes sortes d'autres animaux dans le monde, de sorte que si vous avez des questions sur certains animaux de parcs zoologiques, j'en sais un peu sur eux également.

Personnellement, j'ignore pourquoi on voudrait fermer Marineland ou cesser l'exposition d'animaux dans un tel endroit. Pour moi, c'est comme un joyau ou un diamant dans un lieu qui est assez spectaculaire.

Je ne sais pas combien d'entre vous ont visité Marineland et ont vu les installations, mais elles sont incroyables. Elles sont très grandes. L'eau est très propre. La plupart des animaux y sont depuis longtemps. Ils se reproduisent en captivité avec une grande facilité. On y trouve maintenant 50 bélugas environ, dont la plupart sont nés en captivité, dans ce milieu.

Je n'y vois rien, à part que lorsqu'on parle de Marineland, à Niagara Falls, au Canada, on parle d'un joyau de la Couronne.

Si vous avez des questions à cet égard, je serai ravi d'y répondre. C'est probablement un bon point de départ.

Le président : Très bien. Votre déclaration préliminaire était très précise. Nous passons tout de suite aux questions.

Le sénateur Plett : Je vous souhaite la bienvenue, docteur Cornell. Comme vous le savez, j'ai visité Marineland et je suis d'accord avec vous au sujet des installations. Je crois, en effet, qu'elles sont excellentes.

Cependant, permettez-moi de vous poser quelques questions, docteur Cornell. En février dernier, on vous a donné la tâche de produire un rapport au sujet des plaintes formulées par bon nombre de défenseurs du milieu marin concernant l'état des installations de Marineland, de même que l'état de santé des animaux marins et des animaux terrestres qui s'y trouvent.

Pouvez-vous nous résumer les conclusions émises dans le rapport et nous dire si ces plaintes sont fondées? J'ai une ou deux questions complémentaires puisque votre déclaration préliminaire était très brève, mais commençons par cela, docteur Cornell.

Dr Cornell : Certainement. Je me suis rendu à Marineland en février dernier et j'y ai passé quelques jours. J'ai inspecté toutes les installations et tous les laboratoires, j'ai vérifié tous les dossiers et j'ai examiné visuellement les animaux. Je n'ai pas touché aux animaux, mais franchement, je n'ai rien vu qui rendait nécessaire un examen physique parce que tous les animaux semblaient en très bonne santé.

J'ai examiné leurs dossiers. Tout était en ordre. Les résultats des analyses de sang et autres étaient tous dans la catégorie « excellent ». Je ne voyais donc pas pourquoi quelqu'un déposerait la moindre plainte concernant les soins des animaux à Marineland. Les commentaires que j'avais entendus m'avaient consterné et troublé.

Le sénateur Plett : À votre avis, le programme vétérinaire de Marineland offre-t-il des soins médicaux adéquats aux cétacés dont le centre a la charge?

Dr Cornell : Oui, absolument. Les vétérinaires et le personnel sont qualifiés pour prendre soin des animaux marins. La plupart des dresseurs et des travailleurs en soins des animaux sont là depuis de nombreuses années. Certains s'occupent des mêmes animaux depuis plus de 30 ans, ou même plus.

Ils ont aussi accès au Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario de l'Université de Guelph s'ils ont besoin d'assistance pour effectuer des examens spéciaux, des interventions chirurgicales et autres. On parle d'un établissement qui a accès à l'une des meilleures universités au monde dans le domaine de la médecine vétérinaire. Je ne vois pas ce qui pourrait poser problème.

Le sénateur Plett : J'ai une dernière question pour ce tour. Docteur Cornell, nous comprenons qu'il arrive de temps en temps que des animaux marins, comme tous les autres animaux, meurent en captivité. Pouvez-vous nous parler des animaux marins qui sont morts en captivité à Marineland et comparer ces morts à ceux des mêmes espèces d'animaux dans la nature? Pouvez-vous établir un lien entre les deux?

Dr Cornell : La question est intéressante. J'ai examiné nombre d'animaux sauvages et aussi d'animaux marins gardés dans divers centres partout dans le monde. Les taux de mortalité dans les installations bien entretenues sont considérablement inférieurs à ceux dans la nature.

À l'heure actuelle, par exemple, il y a probablement 150 000 bélugas dans les eaux du Canada et de l'Arctique. Je crois que cette estimation est assez récente. Parmi la vingtaine d'animaux qui ont été emmenés à Marineland, par exemple, il y a eu un ou deux décès sur de longues périodes. Or, le taux de mortalité à Marineland est probablement inférieur à 5 p. 100, comparativement à un taux de 15 à 25 p. 100 dans la nature. Encore une fois, je ne vois pas ce qui pose problème.

C'est certain que les animaux meurent en captivité et qu'ils meurent dans la nature. Si vous lisez les nouvelles, vous apprendrez que récemment, sur les côtes est et ouest des États-Unis et du Canada, des dauphins et des baleines sont venus périr sur la rive; d'autres ont flotté jusqu'à la côte après leur mort; d'autres encore ont disparu de troupes d'animaux qui avaient fait l'objet d'études approfondies. C'est indéniable que les animaux meurent aussi dans la nature. Tout finit par mourir. Nous aussi, nous mourrons. Tous les animaux dans le monde finiront par mourir. C'est une étape de la vie.

La sénatrice Hubley : Docteur Cornell, pardonnez-moi de ne pas avoir entendu votre déclaration préliminaire. J'espère que je ne vous poserai pas de questions auxquelles vous n'êtes pas prêt à répondre. Bien sûr, je vous remercie d'être ici aujourd'hui.

Comme vous le savez, notre comité étudie le projet de loi depuis plusieurs semaines. Nous avons reçu divers témoins, y compris des spécialistes des mammifères marins, des biologistes de la vie aquatique et des experts en comportement des cétacés. Nombre d'entre eux nous ont dit que les cétacés ne s'adaptent tout simplement pas à la vie en captivité. Leurs taux de natalité sont plus faibles. Certains vivent moins longtemps et ils affichent parfois des comportements anormaux. Par exemple, ils flottent à la surface de l'eau et ils refont toujours les mêmes trajets à la nage. Nous avons vu des photos des conséquences d'autres comportements anormaux, comme des dents abîmées et des éraflures. La question soulève les passions des deux côtés.

Que répondez-vous aux experts qui trouvent cruel de garder des baleines en captivité, surtout à des fins de divertissement?

Dr Cornell : Bien sûr, tout le monde a droit à son opinion. La garde d'animaux dans des aquariums et des zoos partout dans le monde a toujours été des plus spectaculaires. Nous avons commencé à en apprendre beaucoup sur ces animaux. Par exemple, quand j'ai commencé à travailler avec eux, nous disions que ce que nous faisions équivalait à se rendre sur la lune presque quotidiennement parce que nous apprenions tellement de nouvelles choses chaque jour. Honnêtement, encore aujourd'hui, nous faisons beaucoup de découvertes régulièrement sur les animaux marins, les poissons, et cetera, qui vivent dans l'océan, et ce, grâce aux animaux gardés dans les zoos et les aquariums.

J'ai déjà parlé des taux de mortalité de ces animaux. Je m'en servirai beaucoup parce que c'est tellement évident, même pour un novice qui ne comprend pas les créatures vivantes. On a emmené une dizaine de bélugas à Marineland, où il y avait peut-être un total de 18 ou 20 animaux, et ils se sont si bien reproduits qu'aujourd'hui, le parc compte environ 50 animaux. On y attend des petits, une deuxième génération issue des animaux emmenés à Marineland dans les premières années.

Je ne vois pas comment quelqu'un pourrait affirmer que leur taux de mortalité ou de maladies ou autres est plus élevé. Les animaux de Marineland semblent très bien s'adapter. D'après moi, quand vous regardez sous l'eau à travers la vitre, vous voyez une troupe de bélugas beaucoup plus spectaculaire que ce que vous pourriez voir dans la nature, à partir de la surface.

Les animaux nagent, ils jouent ensemble, ils interagissent, ils se reproduisent. Ils s'adaptent véritablement au milieu. J'espère que j'ai répondu à votre question.

La sénatrice Hubley : Puis-je poser une question complémentaire?

Le président : Oui, allez-y, sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Comme vous le savez peut-être, l'Ontario a adopté une mesure semblable au projet de loi qui nous occupe il y a deux ans, en mai 2015. La loi ontarienne interdit l'acquisition, la vente et l'élevage d'épaulards. La Californie a aussi adopté une mesure législative en septembre 2016 qui interdit la captivité et l'élevage d'épaulards. SeaWorld a appuyé l'interdiction visant l'élevage.

Au début du mois, la France a interdit la garde de cétacés en captivité et la reproduction de ceux qui sont déjà en captivité. De plus, le conseil du parc Stanley vient d'approuver un nouveau règlement qui interdira l'exposition de cétacés à l'aquarium de Vancouver.

Je sais que vous avez beaucoup d'expérience avec les épaulards, étant donné vos antécédents professionnels. Compte tenu de leurs similarités, pourquoi ne devrions-nous pas traiter les autres cétacés de la même façon que les épaulards?

Dr Cornell : Je ne suis pas convaincu qu'il soit sage d'interdire l'élevage et l'exposition des épaulards.

Quand j'ai commencé à prendre soin des animaux marins, comme les épaulards, l'armée et la marine s'en servaient fréquemment pour pratiquer leur tir à la cible. J'ai retiré moi-même des balles de deux épaulards qui avaient été capturés dans la nature peu de temps avant. Je suis certain que si nous cessons de sensibiliser la population à la situation des épaulards et des dauphins, nous verrons beaucoup plus de cas de maltraitance que nous en voyons aujourd'hui.

Il y a des centaines et des centaines de milliers d'animaux marins dans le monde qui n'existaient pas il y a 30, 40 ou 50 ans. Toutes les populations ont explosé récemment grâce à la protection qui leur est offerte dans la nature. Je ne trouve pas très sage de ne pas en garder en captivité.

La sénatrice Hubley : Merci pour vos réponses.

Le sénateur Enverga : Merci pour votre brève déclaration préliminaire, docteur Cornell.

Voici ma question : vous avez mentionné que le taux de mortalité des bélugas dans la nature est beaucoup plus élevé que celui des bélugas à Marineland. Pourquoi en est-il ainsi? Est-il préférable de vivre à Marineland que dans la nature?

Dr Cornell : Évidemment, les baleines et les dauphins de Marineland ne sont pas exposés à la prédation des épaulards et des requins, ainsi qu'aux maladies et aux parasites. Ils sont presque complètement à l'abri des maladies parasitaires. La majorité des animaux sauvages qui échouent sur les plages de sable, les rochers ou ailleurs sur les côtes s'y retrouvent à cause d'une maladie qu'ils ont attrapée dans la nature. La plupart des nécropsies que j'ai pratiquées ont révélé que ces maladies étaient causées par des parasites. Les parasites leur entrent par les oreilles et ils atteignent leur cerveau. Ils liquéfient presque leur système nerveux central, ce qui rend impossible la survie de ces animaux dans la nature.

Comme je viens de le dire, j'ai pratiqué des nécropsies sur nombre d'animaux au fil des années, et franchement, ces parasites sont écœurants. À Marineland et dans des centres comme Marineland, les parasites ont été éliminés de la diète des animaux. Ils ont aussi été éliminés de leur corps au moyen de médicaments. Les animaux de Marineland et d'autres centres semblables ne sont donc pas touchés par ces maladies comme les animaux sauvages le sont.

En outre, dans la nature, des problèmes environnementaux entraînent des pertes énormes de vies animales au Canada, dans les eaux canadiennes. Il est arrivé que des centaines de bélugas échouent sur les plages canadiennes — des petits, des baleineaux de moins d'un an — à cause de vagues de froid glacial qui frappent quand les animaux se trouvent dans les zones de naissance, les eaux peu profondes de la région de la baie d'Hudson.

La vie n'est certainement pas facile pour les animaux qui vivent dans la nature, mais ils survivent. Dans de nombreux cas, ils survivent par centaines de milliers.

Le sénateur Enverga : J'ai une autre question. Je présume que vous avez visité des centres et des aquariums partout dans le monde.

Comment les installations des centres canadiens soutiennent-elles la comparaison avec celles des centres dans d'autres pays?

Dr Cornell : À mon sens, les installations de Marineland, comme je l'ai déjà dit, sont les meilleures qui soient. Je ne pense pas avoir visité beaucoup de centres dans le monde qui arrivent à la cheville de Marineland sur le plan de la qualité des installations de soins, des bassins et de l'eau. Ce sont des installations de pointe. Certaines vont même au- delà de cela.

Je ne sais pas si vous avez visité les installations, mais vous pouvez véritablement lire un journal à travers 50 pieds d'eau dans ces bassins. C'est incroyable, ce qu'ils ont fait pour que ces animaux vivent dans de l'eau propre.

Le sénateur McInnis : Permettez-moi de citer une remarque intéressante que vous avez émise concernant le projet de loi 80, qui a été adopté par l'Assemblée législative de l'Ontario :

J'ai [...] retiré des balles d'au moins trois épaulards et [...] d'autres types de mammifères marins qui avaient été blessés par balles dans la nature.

Vous ajoutez :

[...] depuis que les épaulards sont exposés à des endroits comme Marineland [...], le nombre d'animaux blessés ou tués par balles dans la nature a diminué considérablement.

Vous souvenez-vous avoir émis ces remarques?

Dr Cornell : Oui, tout à fait, je m'en souviens très bien, monsieur. Jusque dans les années 1960, la marine américaine utilisait ces animaux comme cibles pour faire des exercices de tir dans les eaux de l'État de Washington. Les marins utilisaient des carabines et des mitrailleuses de calibre 50 et autres pour tirer sur eux à partir de navires.

À divers endroits dans le monde, j'ai vu de mes propres yeux des membres de la marine se servir de mammifères marins comme cibles pour pratiquer leur tir à partir de la côte, juste pour voir s'ils arrivaient à les frapper. Les centres de ce genre ont certainement aidé à sensibiliser l'ensemble de la population à la situation des mammifères marins dans la nature; ces animaux sont beaucoup plus en vue qu'il y a 20, 30 ou 40 ans.

Le sénateur McInnis : On ne fait plus d'exercices de tir. C'est bien cela?

Dr Cornell : Évidemment, je ne surveille pas tous les océans du monde, mais je peux vous dire que la dernière fois que j'ai trouvé une balle dans un animal capturé dans la nature, c'était dans les années 1960.

Le sénateur McInnis : Est-ce sur cela que votre remarque est fondée?

Dr Cornell : Je dirais que oui. Lorsque vous montrez ces animaux à la population, lorsque les gens se mettent à adorer flatter les dauphins à un centre comme Marineland, regarder les bélugas, voir les épaulards de près, interagir avec le dresseur amical, tout à coup, l'animal cesse d'être une créature monstrueuse qui doit être tuée ou dont on doit se débarrasser.

Aujourd'hui, à certains endroits, les animaux marins sont si nombreux dans la nature qu'on considère en éliminer parce qu'ils nuisent à des choses comme la pêche au saumon.

Pour moi, il est indéniable que SeaWorld, Marineland, l'ancien Marineland de Los Angeles et les centres de ce genre partout dans le monde ont remarquablement bien réussi à montrer à la population qu'on peut tomber amoureux des animaux marins que personne ne voit très souvent.

Le sénateur McInnis : Ils sont nourris au poisson. Quelle est la qualité de l'eau dans laquelle ils vivent?

Dr Cornell : Elle est incroyable. La qualité de l'eau dans des centres comme Marineland est de loin supérieure à la qualité de l'eau en général. C'est de l'eau de mer ou de l'eau salée, et non de l'eau douce, mais l'eau que vous buvez du robinet ou d'une bouteille est loin d'être aussi propre, aussi pure, aussi bien filtrée et aussi soignée que l'eau utilisée dans des centres comme Marineland.

Le sénateur McInnis : Sont-ils bien nourris?

Dr Cornell : Les aliments sont d'aussi bonne qualité — sinon de meilleure qualité — que les aliments destinés à la consommation humaine. On prend les poissons du bateau et on les congèle immédiatement. On les place dans des boîtes et on les garde à une température assez froide pour empêcher les parasites et les bactéries de croître. On décongèle la nourriture tout juste avant de la donner aux animaux. Elle contient parfois quelques cristaux de glace, ce qui est tout à fait sain pour la consommation animale.

On nourrit les animaux avec des aliments de grande qualité. Si nous mangions des produits aussi frais, nous serions probablement tous en meilleure santé.

Le sénateur McInnis : Vous êtes associé à Marineland depuis un certain temps.

Dr Cornell : Je ne travaille pas là, monsieur. On peut dire que je conseille les gens de Marineland. Je connais John Holer, le propriétaire de Marineland, depuis que je l'ai croisé par hasard il y a de nombreuses années. Je dois vous dire que je ne connais personne comme lui : il a consacré sa vie, sa fortune, son intelligence et ses capacités à prendre soin de ces animaux. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme lui, qui travaille aussi fort pour prendre soin de ses animaux.

Le sénateur McInnis : Nous l'avons entendu ici il y a quelques semaines. Il nous a semblé être un homme de bonne foi. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Forest : Ma question a déjà été posée par le sénateur Eggleton. Cependant, en écoutant le Dr Cornell, je conclus qu'on devrait mettre toutes les baleines et les dauphins en captivité dans des aquariums, car il affirme que ce serait mieux pour eux.

[Traduction]

Le sénateur Munson : J'aimerais revenir à la raison pour laquelle nous sommes ici et à la raison pour laquelle nous étudions cette question depuis quelques mois. J'ai l'impression que cela fait des années. On a entendu des témoignages émotifs des deux côtés. De toute évidence, vous entretenez des liens avec Marineland et vous tenez à garder ces animaux en captivité. Comme vous le dites, ils sont bien traités.

J'aimerais revenir au projet de loi en soi. Je crois que nous oublions quelque chose ici. Le projet de loi S-203 ferait de la garde en captivité des cétacés une infraction criminelle passible d'une peine d'emprisonnement d'au plus cinq ans.

Dites-moi, est-ce qu'à votre avis, nous perdons notre temps à débattre de cette question? Il ne semble pas y avoir de juste milieu. Les gens sont pour ou contre la garde en captivité. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, aux fins du compte rendu. Nous devrons tenir un vote sur le projet de loi et il aura une incidence sur l'industrie, sur la vie des gens. La question a donné lieu à de vigoureux débats au Parlement, mais cela dure depuis un bon moment.

Quel est votre point de vue? Devrions-nous simplement rejeter le projet de loi, puisque tout le monde est heureux, que les poissons sont heureux, que l'eau est propre, que les visiteurs sont heureux et ainsi de suite?

Dr Cornell : Je crois que la réponse courte, c'est oui. Je crois que vous perdez votre temps. C'est mon opinion personnelle, mais je crois que tout le monde a droit à son opinion. C'est l'un des avantages de vivre dans un monde libre, n'est-ce pas?

Il y a des avantages et des inconvénients associés à un endroit comme Marineland. L'entreprise compte un important volet éducatif, qu'elle a exploité et continuera d'exploiter au fil des années. Sur le plan économique, il y a une chose dont on ne parle jamais : les animaux, les zoos et les aquariums coûtent extrêmement cher à maintenir. Il en coûte très cher pour créer un tel environnement, pour reproduire les animaux. Pourquoi leur souhaiteriez-vous du mal? À mon avis, il est insensé de remettre cela en question. Tout le monde veut qu'ils restent en vie et soient en bonne santé.

Je pense aux conséquences économiques, au nombre d'emplois et de fonds publics perdus, au nombre d'installations détruites et au nombre d'hôtels qui fermeraient leurs portes si Marineland n'était plus là; c'est très important. Je suis un homme d'affaires. J'ai eu quelques entreprises prospères au fil des années : je sais ce qu'il faut pour faire de l'argent et pour dépenser de l'argent.

Pour être honnête, on pourrait débattre du bien-être des animaux, mais si vous parlez de les retirer de cet environnement, de mettre fin au programme de reproduction et d'éducation ou d'empêcher les gens de voir et d'aimer les animaux, alors oui, je crois que vous perdez votre temps.

Le sénateur Munson : Je vous remercie de votre candeur. Nous vous en sommes reconnaissants.

Vous croyez aussi qu'il y a suffisamment de protections en place dans l'industrie pour assurer le bien-être de ces animaux en captivité. En d'autres termes, pour vous, l'autosurveillance suffit.

Dr Cornell : Je crois que la surveillance effectuée par la communauté zoologique du Canada et des États-Unis est adéquate. Les membres des organisations qui surveillent les parcs zoologiques — les gens d'affaires, les entraîneurs et les préposés — font très bien leur travail.

À cela s'ajoute la surveillance effectuée par des organismes indépendants comme la société protectrice des animaux, les installations et organisations d'entraînement et ainsi de suite; ils sont tout à fait capables de se surveiller eux-mêmes. Je ne dis pas qu'il ne doit pas y avoir de lois qui régissent ces activités, mais je ne crois pas qu'on doive prendre des mesures extrêmes et fermer ces entreprises ou relâcher les animaux.

Le sénateur Munson : Certains pensent que les animaux en captivité pourraient être placés dans un endroit où on en prendrait soin sans qu'ils doivent faire partie d'un grand spectacle. On pourrait les placer dans un environnement similaire à celui de Marineland, mais leur donner accès à l'eau de mer, par exemple. Des scientifiques ou d'autres personnes de renom pourraient en prendre soin, mais on n'offrirait pas aux gens de payer pour voir les animaux. On ne dirait plus : « Pour 20 $, vous pouvez voir M. et Mme Dauphin faire des sauts et chasser le poisson. » C'est le point de vue de certaines personnes.

Est-ce que cela pourrait être un compromis ou est-ce qu'à votre avis, comme nous sommes rendus là, nous devrions les montrer à des fins éducatives, certes, mais surtout à des fins récréatives?

Dr Cornell : Le spectacle fait partie de l'équation, cela ne fait aucun doute. Je n'essaierai pas de vous cacher ce fait. On peut éduquer les gens de façon claire et efficace par l'entremise du spectacle. C'est l'une des meilleures méthodes d'éducation qui soit. Partout dans le monde, les écoles utilisent diverses formes de spectacle à des fins d'apprentissage. De nombreux films et pièces de théâtre visent des fins éducatives.

Serait-il possible de placer les animaux dans des enclos marins? Bien sûr que oui. Est-ce que ce serait la même chose que de les placer dans un environnement comme celui de Marineland? Non, pas du tout. Loin de là. On ne pourrait pas interagir avec les animaux et on ne pourrait pas bien les voir, parce que la qualité de l'eau ne le permettrait pas.

Pour être honnête, les installations que nous pouvons construire aujourd'hui et les installations de demain rendront ces enclos marins et autres installations plutôt désuets en ce qui a trait à la qualité de l'eau et à la qualité de vie des animaux.

On n'a qu'à penser à la science et à l'ingéniosité derrière certaines technologies comme les voitures automatisées qui se conduisent toutes seules, les avions qui se pilotent automatiquement et les fusées que l'on envoie sur la lune et sur Mars. Pensons aux compétences technologiques que l'on acquerra au fil des années, que ce soit pour les mammifères marins ou dans tout autre domaine. Dans 10, 15 ou 20 ans, le monde sera complètement différent.

Je ne parle pas de rester là sans rien faire. Je ne parle pas de prendre soin des animaux aujourd'hui comme nous le faisions il y a 20 ou 30 ans. Chaque année représente une nouvelle aventure, de nouveaux développements. Chaque année, on pourrait construire une nouvelle installation pour mieux prendre soin de ces animaux.

Non, je ne crois pas du tout que les enclos marins soient la solution.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup.

Le sénateur Gold : Merci, docteur Cornell, d'être avec nous et de nous avoir présenté un exposé clair.

Je suis du même avis que vous : notre compréhension à l'égard de notre responsabilité envers les animaux et notre affection pour les animaux, surtout les mammifères et les cétacés, ont évolué au fil des décennies, tout comme notre compréhension à l'égard de la qualité de vie de ces animaux dont nous avons la garde.

Si on laisse de côté les cétacés qui ne peuvent pas être relâchés dans la nature, êtes-vous inquiet de la qualité de vie des cétacés en captivité par rapport à celle qu'ils pourraient avoir dans la nature, avec plus de place pour nager et moins de contraintes?

Nous avons entendu des témoins de tous les horizons. Certains d'entre eux reconnaissent qu'on peut faire un compromis. Pourriez-vous nous donner votre avis sur la qualité de vie au-delà de la qualité de l'eau et de la qualité de la nourriture?

Dr Cornell : On peut certainement faire un compromis. Les établissements comme Marineland prennent diverses mesures pour assurer le bien-être des animaux, et la vie dans la nature entraîne son lot de conséquences négatives, comme l'exposition aux parasites, la nourriture de piètre qualité, les infections bactériennes et d'autres choses du genre qu'on ne verra jamais chez les animaux en captivité.

Ce que je trouve intéressant, c'est qu'on peut avoir des animaux dans l'océan et des animaux en captivité, comme à Marineland ou à l'aquarium de Vancouver. Chaque année, des centaines de milliers de personnes et parfois même des millions de personnes peuvent voir ces animaux de près et en apprendre sur eux, et les films ou la télévision ne pourront jamais remplacer cela. Les gens peuvent voir ces animaux en chair et en os, les sentir, les entendre respirer et les voir nager et s'amuser dans l'eau.

Je ne veux pas me répéter, mais Marineland garde maintenant 50 bélugas en captivité, alors qu'il y a quelques années, l'entreprise n'en avait qu'une dizaine, qui avaient été importés. Ils se sont reproduits.

La reproduction en captivité est possible parce que les animaux le veulent bien. Ils sont heureux et en santé, alors ils se reproduisent. Les animaux qui ne sont pas en santé, qui ne sont pas heureux et qui ne s'adaptent pas à leur environnement ne se reproduiront pas en captivité comme ils l'ont fait à Marineland.

Le fait qu'on montre les animaux au public est la preuve qu'il s'agit d'un bon établissement. Il sera peut-être encore mieux dans 10, 20 ou 30 ans, mais nous apprenons tous les jours. Il n'y a pas un jour qui passe sans que je me pose la question : « Comment pouvons-nous améliorer les choses? » Quand je dis « nous », je parle de tous les intervenants qui prennent soin des animaux. Que pouvons-nous faire pour rendre leur vie encore meilleure?

Le sénateur Gold : Pour revenir sur vos propos, il est vrai que dans la nature, les animaux peuvent être exposés à certains risques, à des parasites et ainsi de suite; il en va de même pour les autres êtres sensibles, y compris l'humain. Toutefois, on ne prétendrait jamais qu'il vaut mieux garder les gens dans des bulles et dans un environnement isolé sous prétexte qu'on peut les protéger contre les risques de la vie quotidienne.

Certains cétacés en captivité pourraient être relâchés dans la nature. Vous en donnez des exemples dans vos écrits précédents. De quel droit les humains gardent-ils ces animaux en captivité s'ils peuvent survivre dans la nature, étant donné que la vie en soi comporte une multitude de risques? N'ont-ils pas le droit de vivre à l'état sauvage, comme le veut la nature?

Dr Cornell : Bien sûr que oui. Vos propos rejoignent ce que nous venons de dire.

Il y a des risques associés à la vie dans la nature comme il y a des risques associés à la vie en captivité. Certains de ces animaux ont pris un risque et se sont retrouvés en captivité. Toutefois, ils sont très bien traités. Oui, j'ai participé à la remise en liberté de plusieurs animaux. Pour certains d'entre eux, les choses se sont bien passées, pour d'autres, non.

Je ne vois pas pourquoi on arrêterait d'envoyer des fusées sur la lune ou sur Mars, de laisser des voitures se conduire elles-mêmes ou d'avoir des avions automatisés pour la simple raison que cela comporte des risques.

À mon avis, il est bon pour l'humanité de voir ces animaux dans un environnement de qualité, qui sont bien traités. On peut ainsi éduquer la population sur ces animaux de la mer qu'ils n'auront jamais la chance de voir autrement.

Le sénateur Gold : Merci.

Dr Cornell : J'aimerais ajouter une dernière chose. Je crois que vous avez posé une très bonne question. Les humains sont dotés d'une grande intelligence et de la capacité de raisonnement. Ce que nous avons appris grâce à la garde en captivité de ces animaux, c'est qu'ils ont une incroyable capacité de raisonner, de prendre des décisions et de comprendre les choses.

Je ne dis pas qu'ils ont un quotient intellectuel de 100, mais il est tout de même très élevé. Je ne sais pas comment on peut le mesurer. Ce que je dis, c'est que j'ai observé toutes sortes d'animaux. Les chiens, les chats, les bovins, les chevaux, les baleines et les dauphins ont cette incroyable capacité de raisonner et de penser. La garde en captivité de ces animaux nous a permis d'en apprendre plus sur eux que lorsqu'ils sont dans la nature.

Le sénateur Gold : Cela ne vous fait pas réfléchir sur le droit des humains de décider de la façon dont vivent ces animaux pour notre propre éducation et pour notre propre plaisir?

Il me semble qu'il y a 50 ou 100 ans, nous percevions le royaume animal comme un objet que nous pouvions utiliser et manipuler. Je ne dis pas que ce sont des personnes au sens large ou au sens juridique, mais notre compréhension à l'égard des animaux a évolué. Leur capacité de penser et de réagir est beaucoup plus importante que ce que nous avions pensé. Cela ne vous fait pas réfléchir à notre droit de les utiliser pour notre propre bien?

Dr Cornell : Si nous les utilisons à des fins d'éducation ou de divertissement, ou encore d'une façon qui permet d'agir de façon positive à l'égard du reste du monde, peu importe qu'il s'agisse d'humains ou non, je ne pense vraiment pas que ce soit un sacrifice. Je pense que les animaux sont bien traités et qu'ils sont heureux. Ils ne voient pas les choses de cette façon.

Vous pourriez demander si nous avons le droit d'agir ainsi. Je ne sais pas; je ne peux répondre à cette question. Je ne pense pas que vous puissiez y répondre non plus. Je pense que c'est une question de jugement, une question d'opinion, comme je l'ai indiqué plus tôt. Chacun a sa propre opinion. Nous vivons dans un monde libre où chacun a droit à son opinion, mais je ne pense pas que ceux qui pensent autrement devraient avoir le droit de me dire que je n'ai pas la capacité de prendre soin de ces animaux, de manière adéquate, simplement parce qu'ils sont convaincus que ce n'est pas possible.

Pourquoi me dicteraient-ils ce que je dois faire? Pourquoi feraient-ils cela au public, aux millions de gens qui visitent des endroits comme Marineland? Pourquoi dicteraient-ils ce genre de choses alors qu'il n'y a pas vraiment de raison valable de le faire, outre le fait qu'un moment donné, quelqu'un a dit que ces animaux avaient le droit de ne pas être maintenus en captivité?

Avons-nous le droit de confiner nos enfants à l'école? Avons-nous le droit de les priver de leur liberté, alors que les Autochtones des îles du Pacifique laissent leurs enfants grandir et courir en totale liberté? Avons-nous ce droit? En quoi est-ce vraiment différent d'enfermer nos enfants dans des écoles pendant 12, 18, ou 20 ans pour qu'ils puissent apprendre, alors qu'ils pourraient être libres, qu'ils pourraient faire l'expérience du monde, qu'ils pourraient ne pas aller à l'école et simplement vivre leur vie? Je ne crois pas que ce soit très différent, pour être franc.

Le sénateur Sinclair : Docteur Cornell, vous m'intriguez. Je vois dans les notes biographiques que vous avez participé activement à la libération de Willie, si on peut le dire de cette façon, l'épaulard qui, je crois, était le jumeau de l'épaulard de SeaWorld et qui a tué une entraîneuse.

Pouvez-vous dire au comité pour quelles raisons vous avez consacré tant d'efforts pour libérer cet épaulard au lieu de le maintenir en captivité si, comme vous l'avez indiqué à tous ceux qui sont ici, vous croyez au bien-fondé de la captivité des baleines?

Dr Cornell : Le cas de Keiko était intéressant. L'établissement dans lequel il se trouvait initialement, au Mexique, était certainement en deçà des normes pour le maintien en captivité d'un épaulard. L'endroit convenait peut-être à de petits dauphins, mais pas aux épaulards.

Lorsque je me suis lancé dans ce projet, mon but initial était de le sortir des installations mexicaines pour l'amener dans des installations modernes, à Newport, en Oregon. C'est ce que nous avons fait. Nous l'avons transporté avec les technologies les plus modernes jusqu'à son nouveau domicile, à Newport, en Oregon. J'étais convaincu, à ce moment- là, qu'il allait recouvrer la santé. Je n'avais rien contre l'idée de le retourner en milieu sauvage.

Vous devez comprendre qu'il avait été offert à diverses organisations partout dans le monde avant de quitter le Mexique. L'objectif était de l'amener dans d'autres installations où il pourrait être avec d'autres épaulards. Aucune de ces installations n'a accepté de l'accueillir; elles ont toutes rejeté la proposition. Pour moi, cela a complètement changé la donne, car ceux qui finançaient sa libération du Mexique étaient plutôt déterminés à le libérer pour ensuite le relâcher en milieu sauvage.

J'ai appuyé ces gens après avoir compris, pour avoir discuté avec eux, qu'ils étaient extrêmement sincères. Je ne regrette aucune de mes actions dans le cas de Keiko. Il y a de nombreuses années, nous avons libéré un autre grand épaulard d'une installation de Californie, mais il a été accidentellement recapturé 10 ans plus tard. Il avait grandi de quatre pieds, et il était devenu à l'époque le maître de l'océan, en quelque sorte.

Un animal de ce genre pourrait certainement être remis en liberté de nouveau, mais je ne dis pas que ce serait possible pour tous les animaux. Cette solution ne vaut probablement pas pour tous les animaux, en particulier ceux qui sont nés en captivité, car ils n'ont pas acquis les compétences nécessaires à la survie en milieu sauvage. Cela dit, la réintroduction en milieu sauvage — ou une tentative de réintroduction — pourrait être possible dans certains cas.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, monsieur, mais c'est mon point de vue.

Le sénateur Sinclair : Pas tout à fait, mais cela va aller. Merci.

La sénatrice Raine : Je vous remercie de témoigner aujourd'hui, docteur Cornell. Je m'intéresse au rôle que peuvent jouer des établissements comme Marineland et l'aquarium de Vancouver dans la conservation des espèces en péril.

Je crois savoir que Marineland compte actuellement cinq grands dauphins femelles provenant de la mer Noire. Si ce projet de loi est adopté, Marineland ne pourra pas acquérir un dauphin mâle à des fins de reproduction. Je crois savoir que les femelles sont dans la période la plus propice à la reproduction, et cette espèce est sur la Liste rouge des espèces menacées d'extinction. On ne compte que 3 000 individus en milieu sauvage, et quelque 200 en captivité un peu partout dans le monde. Un plan a été adopté pour assurer la diversité génétique de l'espèce. Divers organismes souhaitent collaborer pour sauver cette espèce en voie de disparition.

Avez-vous une expérience quelconque avec les grands dauphins qui sont gardés à Marineland? Selon vous, l'adoption de ce projet de loi mettrait-elle fin à toute possibilité d'assurer leur reproduction et de favoriser le rétablissement de la population de cette espèce?

Dr Cornell : Pour être franc, poser la question c'est y répondre. Il m'apparaît évident que vous êtes pleinement consciente que l'absence de programmes de reproduction en captivité comme ceux de Marineland signifiera, au fil du temps, la perte de nombreuses espèces en raison de la dégradation des conditions de leur habitat naturel, notamment la mer Noire.

Prenez le cas du marsouin de Californie dans les eaux mexicaines, au sud de la Californie. Je ne sais pas si vous connaissez cette espèce; on ne compte maintenant que 30 individus en milieu sauvage, environ. On a tenté de regrouper ces animaux dans des endroits propices à l'élevage afin d'aider au rétablissement de l'espèce.

De tels programmes de reproduction en captivité ont été menés, notamment aux zoos de Los Angeles et de San Diego dans le cas du condor de Californie. Il ne restait aucun condor à l'état sauvage. Ils avaient disparu. Deux ou trois œufs ont été récupérés en milieu sauvage et couvés en captivité. Ils ont réussi à faire l'élevage de nombreux condors de Californie — j'oublie le nombre —, puis les ont relâchés dans la nature, en Californie. Ils sont donc parvenus à rétablir la population du condor de Californie. Évidemment, l'espèce est protégée.

Lorsque j'ai commencé à travailler avec les mammifères marins comme le marsouin de Californie et le grand dauphin de la mer Noire, l'un de mes objectifs était d'en faire l'élevage en captivité afin qu'on n'ait plus à capturer des animaux en milieu sauvage pour pouvoir les étudier et ensuite utiliser les connaissances acquises en captivité pour assurer leur survie dans leur habitat naturel.

Je pense que vous avez répondu à votre propre question. Comment pourrez-vous faire ce genre de choses si vous n'avez aucun animal en captivité? Ce serait pratiquement impossible. Il est crucial que nous puissions capturer ces animaux en milieu sauvage afin de les étudier et d'apprendre à les soigner, ce qui nous donnera la possibilité, dans certains cas, de rétablir les populations sauvages.

La sénatrice Raine : Je suis d'accord avec vous là-dessus, et c'est pourquoi ce projet de loi et ses répercussions sur cet aspect précis me préoccupent.

L'autre aspect qui me préoccupe est en quelque sorte un faux-fuyant, soit l'idée que personne ne devrait pouvoir profiter de la démonstration d'animaux en captivité à des fins de divertissement. Cela m'interpelle, car c'est grâce à ces activités que les organismes peuvent mener des programmes de recherche. Je pense en particulier à l'aquarium de Vancouver, que je connais assez bien, et à ses programmes de recherche scientifique. L'organisme mène ces activités sans avoir à continuellement demander des fonds publics.

Les demandes de financement public sont légion au pays, comme dans la plupart des pays. Je suis convaincue que vous êtes favorable à l'organisation de tels spectacles. Il me semble que les animaux ne subissent aucun tort dans le cadre de ces spectacles de divertissement. Avez-vous constaté des cas où des animaux auraient été blessés ou auraient subi un tort dans le cadre de ces spectacles?

Dr Cornell : Je vais être tout à fait honnête avec vous. Au cours de ma longue carrière auprès de diverses espèces d'animaux — pas nécessairement des mammifères marins —, j'ai vu des cas de mauvaise gestion et de cruauté. Cela existe, manifestement. Cela dit, j'en ai aussi fait l'observation pour des enfants et certains adultes handicapés.

Votre question vise essentiellement à savoir s'il incombe au gouvernement de financer ces spectacles dans diverses régions du monde. Je ne crois pas. Je pense qu'il est déjà assez difficile d'offrir des soins de santé et de la nourriture à l'ensemble de la population humaine.

Pensez aux recettes fiscales que reçoit le gouvernement canadien pour les activités d'établissements comme Marineland. À mon avis, cela doit certainement s'élever à un milliard de dollars, depuis que l'entreprise existe. Je pourrais avoir raison ou tort, mais quoi qu'il en soit, la somme est considérable. Procéder ainsi leur permet de financer leurs propres activités. Les établissements comme Marineland n'empruntent pas au gouvernement et ne lui demandent aucun financement pour l'acquisition de terrains et d'équipements, ou pour la construction de leurs installations. La plupart des installations ont été construites sans aucune aide financière du gouvernement.

Je crois que poser la question, c'est y répondre. À mon avis, chaque fois qu'une entreprise peut générer un flux de trésorerie et financer elle-même ses activités sans demander des fonds publics qui pourraient être utilisés à meilleur escient dans les soins de santé, les programmes alimentaires, les médicaments, les vaccins, et cetera, c'est absolument ce qu'il convient de faire.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

Le président : Aviez-vous une question pour ce deuxième tour, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : J'ai une seule question, monsieur le président, si vous le permettez.

Docteur Cornell, nous avons entendu à maintes reprises, tant des partisans que des opposants au projet de loi, que les mammifères marins comme les cétacés sont des animaux très sociaux. Dans votre réponse à la question du sénateur Sinclair, vous avez parlé de la libération d'un épaulard qui était dans un établissement inadéquat, au Mexique. Il y a aussi le cas de Kiska, à Marineland. Il y a impasse, d'une certaine façon. L'établissement ne peut acquérir un autre épaulard, ce qui pourrait aider Kiska, mais ne peut pas non plus libérer Kiska, ou même l'envoyer ailleurs.

Je crois que la sénatrice Hubley a indiqué que la France interdit la reproduction en captivité. Étant donné que ce sont des animaux sociaux, comme nous l'avons entendu à maintes reprises, ne devrait-on pas considérer qu'interdire la reproduction en captivité alors que nous avons déjà des animaux en captivité est, en quelque sorte, une punition cruelle et inhabituelle?

Dr Cornell : Je pense en effet que la reproduction en captivité devrait être autorisée. Ces animaux devraient pouvoir s'accoupler et avoir des petits. Je n'ai aucun doute à ce sujet. J'ai consacré beaucoup d'efforts à cet aspect au fil des ans.

La reproduction en captivité a permis de mettre fin à la capture d'animaux sauvages ou du moins de la réduire au minimum dans la plupart des cas, justement parce que c'était autorisé. Ces installations ont même pu fournir des animaux à des zoos ou à des aquariums. Marineland compte maintenant, dans ses installations américaines et ailleurs, des bélugas qui sont nés en captivité au Canada. Le gouvernement canadien devrait en être extrêmement fier.

Quant au cas de Kiska, il convient de l'aborder selon deux ou trois angles. Premièrement, pour répondre à votre question, à savoir si elle devrait avoir la compagnie d'un autre épaulard, la réponse est oui, sans équivoque. Or, ce n'est pas possible actuellement, en raison de lois, de règlements et d'obstacles que nous devrions être en mesure de surmonter.

Deuxièmement, devrait-elle être relâchée dans la nature? Absolument pas, car elle est en captivité depuis très longtemps. Lorsqu'elle a été capturée, Kiska avait un problème de santé qui a nécessité des soins tout au long de sa carrière à Marineland. Je suis convaincu qu'elle trouverait la mort si elle était retournée en milieu sauvage. La libérer serait une erreur monumentale. D'ailleurs, il faudrait beaucoup d'argent et de temps pour la préparer à réintégrer l'habitat sauvage.

J'estime que cette solution doit être complètement écartée. Est-ce juste pour Kiska? Est-il humain de la priver d'un compagnon de son espèce? Comme je l'ai indiqué, je préférerais qu'elle soit en compagnie d'un autre épaulard. Certes, il y a actuellement d'autres animaux dans son bassin, mais il faut savoir qu'elle reçoit beaucoup d'attention des entraîneurs et des gens qui lui prodiguent des soins. À Marineland, on lui accorde une attention de tous les instants. Elle en demande aussi, en passant. Elle obtient toute la nourriture qu'elle veut.

Il y a un aspect dont nous n'avons pas parlé. Quelques personnes ont souligné que ces animaux parcourent de grandes distances en milieu sauvage, qu'ils migrent, et cetera. L'explication est bien simple : ils cherchent une source de nourriture. Cela vaut pour tous les animaux, toutes les espèces, qu'ils soient en Afrique, dans l'océan, peu importe. Les animaux se déplacent uniquement pour trouver de la nourriture. L'herbe est toujours plus verte chez le voisin, dit-on; on pourrait dire que pour les épaulards, il y a toujours plus de poisson ailleurs. Voilà pourquoi les épaulards migrent, pourquoi ils parcourent 50 ou 75 kilomètres par jour. Ils ne font que suivre leur source de nourriture, qui se déplace aussi.

On sait, par exemple que les cachalots plongent à plus d'un mille de profondeur, mais ils ne plongent pas à plus d'un mille de profondeur sans raison. Atteindre de telles profondeurs exige une énorme quantité d'énergie, une quantité phénoménale. Pourquoi ce comportement? C'est là que se trouve leur source de nourriture. Les calmars géants dont ils se nourrissent se trouvent là, à un mille de profondeur, dans le gouffre au-dessus duquel ils nagent habituellement. Donc, les cachalots descendent pour trouver leurs proies, puis remontent vers la surface pour les digérer.

Tous les animaux se déplacent, principalement pour trouver de la nourriture. Dans ce cas précis, nous parlons d'animaux qui nagent de longues distances, mais ils ne le feraient pas s'ils avaient toujours accès à une source de nourriture à proximité. Keiko en était le parfait exemple. Une fois arrivé en Norvège, il restait à une distance d'environ un mille des entraîneurs en tout temps, et quand il avait faim, il revenait vers eux pour obtenir de la nourriture. Même s'il aurait pu se nourrir dans le fjord, trouver du saumon et d'autres aliments dans l'océan, il a choisi de revenir vers les entraîneurs, parce que c'était facile.

La sénatrice Hubley : J'ai une question à vous poser très rapidement. Docteur Cornell, qu'arrive-t-il aux bébés, qu'ils soient issus d'un programme de reproduction ou d'une reproduction naturelle dans les aquariums? Qu'arrive-t-il quand la population excède la capacité des installations? Est-ce un problème?

Quand la population croît, qu'arrive-t-il aux animaux surnuméraires? Ils ne peuvent pas retourner à l'état sauvage, d'après ce que je comprends, n'est-ce pas?

Dr Cornell : C'est exact. À mon avis, cela ne devrait pas arriver.

On peut construire de nouvelles installations pour les accueillir. On peut également déployer des programmes de contrôle de la reproduction, de contrôle des naissances, si l'on veut. Jusqu'à maintenant, ce n'est pas un problème chez les mammifères marins en captivité, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux à se reproduire.

On pourrait aussi offrir les petits à d'autres zoos ou aquariums pour leur permettre d'élargir leur collection. Plutôt que de les conserver tous au même endroit, les animaux peuvent être répartis entre divers endroits. Par exemple, Marineland, au Canada, pourrait probablement accueillir quelques animaux de l'aquarium de Vancouver. Je suis certain que l'aquarium de Vancouver pourrait envoyer quelques animaux à Marineland en échange d'autres animaux. Ils pourraient être transportés vers divers endroits aux États-Unis. Ils pourraient être envoyés dans d'autres pays plus loin, si c'était un problème.

Nous pouvons transporter ces animaux n'importe où dans le monde de manière très sécuritaire de nos jours. Nous avons déjà été bien maladroits dans le transport, mais nous savons maintenant exactement comment les transporter de manière extrêmement sécuritaire. Bien honnêtement, nous n'avons perdu aucun animal dans le transport depuis de très, très nombreuses années.

Le président : Merci, docteur Cornell. C'était une excellente conversation. Je vous remercie d'avoir pris le temps de vous joindre à nous ce soir.

Avant de clore cette partie de la réunion, j'aimerais vous demander si vous êtes d'accord pour que le comité poursuive ses délibérations à huis clos pour discuter de ses travaux futurs?

Des voix : D'accord.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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