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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 24 - Témoignages du 12 décembre 2017


OTTAWA, le mardi 12 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation de nageoires de requin), se réunit aujourd’hui, à 17 h 2, afin d’étudier ce projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, je m’appelle Fabian Manning, et je viens de Terre-Neuve-et-Labrador. Je me réjouis de présider la séance de ce soir. Avant de céder la parole à nos témoins, je demanderais aux membres du comité de se présenter, en commençant par ceux qui se trouvent à ma droite.

Le sénateur Gold : Marc Gold, sénateur du Québec.

La sénatrice Bovey : Je suis Pat Bovey du Manitoba.

Le sénateur Plett : Sénateur Plett. Je viens aussi du Manitoba.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Il se peut que d’autres sénateurs se joignent à nous, car le Sénat siège encore.

Nous accueillons ce soir des représentants de Pêches et Océans Canada, notamment Randy Jenkins, directeur principal intérimaire, Gestion des ressources intégrées, Brian Lester, directeur adjoint, Gestion des ressources intégrées, et Nadia Bouffard, directrice générale, Relations externes. Nous recevons aussi des représentants d’Environnement et Changement climatique Canada, notamment Basile van Havre, directeur général, Politique de biodiversité domestique et internationale.

Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence d’aujourd’hui. Je crois comprendre que les témoins ont quelques déclarations préliminaires à faire. Je crois que Randy passera en premier. Il sera suivi de M. van Havre. À la suite des exposés, les membres du comité auront des questions à vous poser. La parole est à vous, Randy.

Randy Jenkins, directeur principal intérimaire, Gestion des ressources intégrées, Pêches et Océans Canada : Je remercie le président et les membres du comité de m’avoir invité à venir témoigner devant vous ce soir au sujet du projet de loi S-238 du Sénat.

[Français]

Je m’appelle Randy Jenkins, et je suis le directeur principal par intérim de la gestion intégrée des ressources à l’administration centrale nationale de Pêches et Océans Canada, ici à Ottawa.

L’information que je vous transmettrai ce soir ne visera que la partie du projet de loi qui porte sur une modification à la Loi sur les pêches et, particulièrement, sur l’interdiction de la pratique de prélever les ailerons de requin.

[Traduction]

Les requins pélagiques vivent en eaux libres dans les mers et les océans, et de nombreuses espèces sont hautement migratoires. On trouve des espèces de requins dans les zones de pêche au large des océans Atlantique, Pacifique et Arctique du Canada. Certaines de ces populations sont considérées comme des populations locales ou résidentes, alors que d’autres peuvent fréquenter nos eaux lors de leur migration, le long de vastes secteurs des océans Atlantique et Pacifique.

[Français]

Le Canada gère la capture des espèces de requin dans le cadre de son engagement à assurer une gestion intégrée des pêches qui est durable sur le plan écologique et selon l’approche de précaution, sous l’autorité d’un permis de pêche délivré en vertu de la Loi sur les pêches.

[Traduction]

Il n’y a aucune pêche dirigée des requins pélagiques au Canada. La plupart des titulaires de permis au Canada n’ont pas le droit de conserver les requins pêchés accessoirement et, selon les conditions de leur permis, ils doivent relâcher les requins pêchés de manière à les blesser le moins possible. Cependant, il existe deux pêches au Canada atlantique dans le cadre desquelles la prise accessoire de requins est autorisée, soit la pêche à la palangre et la pêche côtière par engins fixes de poissons de fond.

[Français]

À l’échelle nationale, le Canada gère les prises accessoires de requins à l’aide de plans de gestion intégrée des pêches ou de plans de conservation du requin, en plus des programmes de surveillance et d’application de la loi. Ces efforts sont guidés par les principes de l’approche de précaution et mis en œuvre en fonction des conditions de permis.

[Traduction]

Dans la plupart des cas, seuls les requins-taupes bleus, à raison d’environ 60 à 70 tonnes par année, et quelques requins-taupes communs déjà morts au moment de la récupération à bord du navire de pêche, à raison de 20 à 30 tonnes par année récemment, sont conservés suite à la prise accessoire. Tous les requins vivants sont remis à l’eau avec précaution afin de les blesser le moins possible. Les débarquements canadiens représentent une petite portion, soit environ 0,1 p. 100, du total global des prises de requins qui sont déclarées à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui a fait état de 790 000 tonnes en 2014.

Cependant, il existe une faible pêche dirigée du chien de mer au Canada. En vertu du Règlement de pêche de l’Atlantique, les chiens de mer sont gérés comme des poissons de fond, et non comme des requins pélagiques. Le chien de mer est un petit requin principalement pêché pour sa viande. Ses ailerons ne sont habituellement pas utilisés pour faire de la soupe d’ailerons de requin, vu leur petite taille.

[Français]

Bien qu’une petite quantité de requins pélagiques soit pêchée au Canada comme prises accessoires, depuis 2013 aucun aileron de requin n’a été exporté du pays.

[Traduction]

À l’échelle internationale, le Canada fait partie des premiers pays à avoir mis en œuvre un Plan d’action national pour la conservation et la gestion des requins. Ce plan d’action était conforme au Plan d’action international pour la conservation et la gestion des requins, élaboré par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Le Canada fait sa part dans le monde pour la gestion et la conservation des espèces de requins en travaillant avec des organisations régionales de gestion des pêches comme la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, la Commission des pêches du Pacifique ouest et central, la Commission interaméricaine du thon des tropiques et l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest en vue d’adopter des mesures de gestion efficaces pour réglementer le prélèvement des ailerons de requin. Ces mesures comprennent, par exemple, la déclaration complète de toutes les captures de requins, la pleine exploitation des carcasses de requins, les restrictions sur l’enlèvement illégal des nageoires et la réduction et la remise à l’eau des prises accessoires de requins. Les initiatives internationales du Canada incluent aussi la collaboration avec d’autres pays pour échanger des données scientifiques et une expertise pratique.

Depuis plus de 20 ans, Pêches et Océans Canada a pris des mesures pour corriger la pratique de l’enlèvement des ailerons de requin; une pratique non durable qui doit être réglée à l’échelon international afin d’assurer la protection des espèces de requin.

[Français]

L’exemple idéal de conservation liée au prélèvement des ailerons de requin est la mise en œuvre d’une règle selon laquelle les pêcheurs doivent débarquer des requins avec leurs ailerons. Pour ce faire, les pêcheurs doivent débarquer les requins sur terre, avec l’ensemble de leurs nageoires partiellement attachées à la carcasse jusqu’au premier point de débarquement. Cette pratique favorise l’utilisation de la carcasse tout entière, plutôt que l’utilisation des ailerons seulement.

[Traduction]

Dans le cadre de la gestion canadienne des pêches, une utilisation complète des animaux pêchés est un principe important pour la conservation dans l’industrie de la pêche canadienne. L’enlèvement des nageoires de requin est interdit au Canada depuis le milieu des années 1990. Cette interdiction est valable dans les eaux de pêches canadiennes et pour les bateaux immatriculés au Canada qui pêchent à l’extérieur des eaux de pêche canadiennes.

Bien que la Loi sur les pêches n’interdise pas expressément l’enlèvement des ailerons de requin, cette pratique est en effet interdite par les conditions de permis en vertu du Règlement de pêche (dispositions générales) depuis 1994. Les permis et les conditions qui y sont associées sont un contrat juridique entre le titulaire de permis et le ministère et, par conséquent, sont des moyens efficaces de contrôler les activités de pêche. L’article 22 du Règlement de pêche (dispositions générales) confère au ministre le pouvoir d’établir des conditions de permis afin d’assurer la conservation des pêches canadiennes et les détenteurs de permis peuvent être poursuivis s’ils ne se conforment pas aux conditions de leur permis.

Même si les pêcheurs côtiers de poissons de fond ont le droit de débarquer une quantité limitée de requins comme prises accessoires, ils sont tenus depuis longtemps de débarquer les requis pélagiques avec leurs ailerons. La seule autre flottille autorisée à conserver des requins comme prises accessoires est la flottille de pêche pélagique à la palangre de l’Atlantique. Les pêcheurs de cette flottille ont toujours été autorisés à prélever les ailerons des requins en mer, mais la quantité totale d’ailerons à bord du navire ne doit pas dépasser 5 p. 100 du poids total des carcasses de requins à bord. Tous les débarquements de requins de cette flottille font l’objet d’une surveillance complète au point de débarquement par un vérificateur à quai indépendant afin de veiller à ce que ce pourcentage soit respecté et que le nombre d’ailerons débarqués corresponde au nombre de carcasses conservées.

À l’échelle nationale, à compter de mars 2018, le Canada mettra en place une obligation de débarquer tous les requins avec leurs ailerons, et ce, dans toutes les pêches, par l’intermédiaire de modifications aux conditions de permis de la flottille de pêche pélagique. Cette nouvelle mesure exigera explicitement que tous les requins pélagiques pêchés par la flottille soient débarqués avec leurs ailerons jusqu’à ce qu’ils aient dépassé le point de débarquement.

[Français]

L’obligation de débarquer les requins avec leurs ailerons s’applique à plusieurs partenaires de pêche importants, notamment les États-Unis et l’Union européenne.

[Traduction]

Lors des réunions de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest en septembre 2016, le Canada a appuyé une recommandation qui exige maintenant que tous les requins pêchés accessoirement dans le cadre des pêches réglementées par l’organisation soient débarqués avec leurs ailerons.

À la réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, la CICTA, tenue en novembre 2017, le Canada a proposé, avec d’autres pays membres, une recommandation similaire qui exigerait que les ailerons demeurent attachés à tous les requins débarqués dans le cadre des pêches réglementées par l’organisation. Malheureusement, cette recommandation n’a pas été adoptée par l’organisation lors de la dernière réunion.

Cette exigence relative aux débarquements de requins pélagiques renforcera l’approche du Canada visant à éliminer la pratique de l’enlèvement des ailerons de requins et fera en sorte que le pays se conforme à la pratique exemplaire mondiale actuelle pour la gestion responsable de la pêche au requin. Grâce à ce changement, toutes les pêches canadiennes seront assujetties à l’obligation de débarquer des requins avec leurs ailerons dès 2018.

Comme vous le constaterez, la question de l’enlèvement des ailerons de requin n’est pas nouvelle pour le Canada ni pour Pêches et Océans Canada. Nous avons réussi à éliminer cette pratique à l’échelle nationale depuis plus de 20 ans, et nous continuerons de travailler avec les autres pays afin d’appuyer le mouvement vers des politiques et des exigences relatives au débarquement de requins entiers ailleurs dans le monde et au sein des organisations de pêche.

[Français]

L’engagement du Canada à l’égard de l’obligation de débarquer les requins avec leurs ailerons est bien compris par les pêcheurs canadiens et sera bien défini dans les conditions de permis de 2018.

[Traduction]

Je suis accompagné ce soir de deux de mes collègues de Pêches et Océans Canada, notamment Nadia Bouffard, directrice générale, Relations externes, et Brian Lester, directeur adjoint, Gestion intégrée des ressources, qui est également l’agent fonctionnel responsable des requins dans notre division. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

Basile van Havre, directeur général, Politique de biodiversité domestique et internationale, Service canadien de la faune, Environnement et Changement climatique Canada : Merci, monsieur le président, merci, chers membres du comité, de m’avoir invité à vous parler ce soir du projet de loi S-238 du Sénat, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation de nageoires de requin).

[Français]

Mon nom est Basile van Havre, et je suis directeur général de la Direction des politiques nationales et internationales en matière de biodiversité au Service canadien de la faune, au sein d’Environnement et Changement climatique Canada.

[Traduction]

Je suis heureux d’être de retour ici aujourd’hui au nom d’Environnement et Changement climatique Canada, cette fois-ci dans le cadre de votre étude du projet de loi S-238.

[Français]

Comme vous le savez peut-être, le mandat du ministère est diversifié : protéger l’environnement, conserver le patrimoine naturel du pays et fournir des renseignements météorologiques pour tenir la population canadienne informée et assurer sa sécurité.

[Traduction]

En ce qui concerne la conservation de notre patrimoine naturel, le ministère exécute une vaste gamme de programmes. En plus de jouer un rôle de chef de file au gouvernement fédéral et à l’échelle nationale dans la conservation de la biodiversité, nous agissons pour protéger les oiseaux migrateurs et conserver les espèces en péril, réglementer le commerce des espèces végétales et animales sauvages, et gérer et protéger notre réseau de réserves nationales de faune et de refuges d’oiseaux migrateurs. En outre, nous travaillons en collaboration avec des partenaires par l’intermédiaire de plusieurs programmes d’intendance et de mesures incitatives visant à favoriser et à appuyer des mesures prises par les Canadiens en vue de protéger notre nature.

Nous protégeons et conservons les espèces sauvages et leur habitat en veillant à l’application de cinq lois fédérales, soit la Loi sur les espèces en péril, ou LEP, la Loi sur les espèces sauvages du Canada, ou LESD, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, ou LCOM, des dispositions de la Loi sur la protection de l’environnement en Antarctique et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, ou LPEAVSRCII.

La LPEAVSRCII sert au commerce international ainsi qu’au maintien des ententes et des protocoles d’entente avec des provinces et des territoires dans l’application du commerce interprovincial d’espèces sauvages. En ce qui concerne l’importation d’espèces sauvages, y compris les requins, nous axons nos activités sur la mise en œuvre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, aussi appelée CITES.

La CITES est entrée en vigueur en 1975 et a été adoptée par plus de 180 parties, dont le Canada. Elle établit des contrôles sur la circulation et le commerce internationaux d’espèces animales et végétales menacées de surexploitation à cause du commerce, ou qui sont susceptibles de le devenir. Les parties à la convention désignent les espèces qui seront inscrites à l’une des trois annexes de la convention en fonction du degré de protection qu’elles méritent.

L’annexe I contient la liste des espèces menacées d’extinction. Le commerce de ces espèces est strictement réglementé afin d’assurer leur survie, et les échanges à des fins commerciales sont interdits.

L’annexe II contient la liste des espèces qui, même si elles ne sont pas actuellement menacées d’extinction, pourraient le devenir si leur commerce n’était pas strictement réglementé. On vise ainsi à éviter leur surexploitation. Cette annexe comprend également la liste de ce que nous appelons les espèces « analogues », qui sont réglementées afin d’assurer une plus grande protection d’autres espèces figurant à l’annexe II. Les populations saines de bon nombre d’espèces au Canada, comme celles de l’ours noir américain et du loup gris, figurent à l’annexe II à cette fin.

Chaque partie à la convention peut faire inscrire à l’annexe III des espèces se trouvant sur son territoire qui sont assujetties à une réglementation, lorsque la coopération d’autres parties est nécessaire à la gestion du commerce international. Par exemple, le Canada y a inscrit le morse.

Sur la scène nationale, l’outil législatif au moyen duquel le Canada respecte ses obligations internationales aux termes de la CITES est la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, aussi appelée LPEAVSRCII. L’objectif général de la LPEAVSRCII est de réglementer le commerce et le mouvement international et interprovincial de certains animaux et végétaux sauvages, y compris par l’intermédiaire de la mise en œuvre des obligations découlant de la CITES. Cette loi réglemente également l’importation d’espèces pouvant nuire aux espèces ou aux écosystèmes canadiens.

[Français]

Environnement et Changement climatique Canada a la responsabilité d’appliquer la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, et a été désigné à titre d’organe de gestion, au Canada, de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

[Traduction]

En sa qualité d’organe de gestion, le ministère est chargé de vérifier et de valider les demandes de commerce international d’animaux et de végétaux réglementés par la CITES en provenance ou à destination du Canada. Cette responsabilité comprend des activités telles que la délivrance de permis et de certificats de la CITES, ainsi que l’établissement de rapports. Cette responsabilité est partagée avec des collègues de Pêches et Océans Canada lorsqu’il s’agit d’espèces aquatiques, dont les espèces de requins.

[Français]

Les deux ministères ont également désigné des autorités scientifiques, qui sont chargées de déterminer si oui ou non le commerce international d’une espèce est préjudiciable à sa survie. Cette responsabilité comprend la surveillance du commerce international des espèces sauvages et du niveau de non-conformité au Canada pour veiller à ce que les niveaux actuels de commerce soient durables.

[Traduction]

Enfin, l’application de la LPEAVSRCII relève d’Environnement et Changement climatique Canada et est exercée en collaboration avec d’autres organismes fédéraux, comme l’Agence des services frontaliers du Canada, et les organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages. La conformité à la LPEAVSRCII est vérifiée au moyen d’inspections aux points d’entrée, d’audits auprès d’importateurs et d’exportateurs, d’inspections au sein des exploitations commerciales d’espèces sauvages, de collectes de renseignements et d’échanges d’information avec des organismes nationaux et internationaux, y compris le suivi des informations fournies par le public.

La CITES et la LPEAVSRCII imposent des restrictions au commerce des requins à des fins de conservation. Dix espèces de requins figurent à l’annexe II de la CITES ainsi qu’à l’annexe I du règlement d’application de la LPEAVSRCII : le requin océanique, le requin-marteau halicorne, le grand requin-marteau, le requin-marteau commun, le requin-pèlerin, le grand requin blanc, le requin-taupe, le requin-baleine, le requin soyeux et le requin-renard.

L’annexe II de la CITES est une liste des espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction, mais qui pourraient le devenir si le commerce n’était pas étroitement encadré. Pour exporter un requin figurant à l’annexe II, le pays exportateur doit prouver que l’exportation ne nuira pas à la survie de l’espèce à l’état sauvage et que le spécimen n’a pas été obtenu en violation des lois du pays protégeant la faune et la flore.

Le rôle d’Environnement et Changement climatique Canada est de veiller à ce que la documentation appropriée soit fournie. Nous menons des inspections aux fins de vérification de la conformité, nous identifions le spécimen faisant l’objet de l’échange commercial en cas de doute en ce qui concerne son identité ou son origine, nous enquêtons sur les infractions et nous recommandons des accusations aux procureurs.

La question clé en ce qui concerne le commerce des ailerons de requins dans le système actuel est qu’il est difficile de déterminer visuellement l’espèce sur laquelle les ailerons ont été prélevés. Cela est attribuable au fait que les ailerons sont séchés et vendus séparément des autres produits de requins — par exemple la viande — et que le système harmonisé de désignation et de codage des articles de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), connu sous le nom de codes SH, est propre au produit et ne distingue pas les ailerons de requin au niveau de l’espèce.

Le système international actuel de protection des espèces est inclusif et efficace. Tous les trois ans, de nouvelles espèces sont ajoutées ou retirées du système CITES en fonction d’un examen approfondi des circonstances individuelles de l’espèce en question. Il est dans l’intérêt du Canada de travailler par l’intermédiaire des institutions internationales afin d’assurer que les décisions sont acceptées par tous. Cela permet de renforcer la CITES, ce qui profite à la fois à la convention mondiale et aux intérêts nationaux du Canada. Le Canada contribue à la CITES en mettant son expertise à disposition et, en retour, bénéficie de ce même système. Nous prenons très au sérieux nos responsabilités pour la mise en œuvre de nos obligations internationales acquises par l’intermédiaire de la CITES, et cela est reconnu mondialement.

[Français]

Encore une fois, je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui, et c’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie tous les deux de vos exposés. Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Gold, qui posera la première question.

Le sénateur Gold : Bienvenue et merci de votre bon travail.

Voyez-vous des problèmes avec le projet de loi que nous étudions aujourd’hui, ou des conflits avec des lois ou des règlements existants, ou avec les obligations internationales du Canada?

Nadia Bouffard, directrice générale, Relations externes, Pêches et Océans Canada : Je vous remercie de la question, sénateur. Le ministère n’a pas encore terminé son analyse du projet de loi. Lorsque nous analysons un projet de loi comme celui-ci, nous examinons naturellement la portée des mandats des ministères et les lois qu’on propose de modifier. Nous examinons également nos obligations internationales et nos accords commerciaux. Nous ne pouvons pas vous dire à ce stade-ci quelles seront les conclusions de notre analyse, mais nous examinons tous les éléments qui précèdent et qui sont tous très pertinents pour notre analyse du projet de loi.

Le sénateur Gold : Pouvez-vous nous donner une idée du temps que cela pourrait vous prendre pour être assez certains de vos conclusions pour pouvoir nous en parler?

Mme Bouffard : Le gouvernement devra bien sûr prendre position sur le projet de loi, et nous allons le conseiller à cet égard, mais nous n’en sommes pas encore là. Nous n’avons pas encore terminé notre analyse.

Certains éléments qui touchent en particulier au commerce et à nos obligations commerciales sont complexes.

Ce que je peux vous dire au sujet des modifications proposées à la Loi sur les pêches, c’est que depuis 1994, comme l’a mentionné M. Jenkins dans son exposé, le Canada a pris de nombreuses mesures, dans nos règlements et dans les conditions de délivrance de permis, pour contrer l’enlèvement des ailerons de requin en mer, et nous prenons la dernière mesure nécessaire pour que la dernière flottille — qui est assujettie à des règles différentes à l’heure actuelle — soit assujettie à la nouvelle règle voulant que les requins doivent avoir leurs ailerons au moment du débarquement au port. Il semble donc que la modification proposée à la Loi sur les pêches ne soit pas nécessaire, car les conditions de délivrance de permis qui seront imposées à la dernière flottille remédieront au problème.

Le sénateur Gold : Est-ce que je me berce d’illusions si j’espère obtenir une réponse de quelqu’un d’autre également?

M. van Havre : Nous allons travailler ensemble. Je ne ferai que répéter, essentiellement, ce que ma collègue a dit plus tôt. Il est important de procéder à une analyse complète. Nous avons cherché à présenter les caractéristiques de la loi actuelle et ce qu’elle peut faire. Pour ce qui est de l’analyse, je suis convaincu que, comme nous, vous avez vos conseillers juridiques, et tous arriveront, espérons-le, à la même conclusion.

Le sénateur Plett : Merci à tous les quatre d’être avec nous.

Je ne pense pas qu’il vaille la peine d’aller plus loin. J’allais poursuivre dans la même veine que le sénateur Gold. J’espère sincèrement qu’avant que nous procédions à l’étude article par article, nous saurons si le gouvernement appuie ce projet de loi, car c’est très important, bien sûr, pour nos travaux.

Je vais me concentrer sur quelques autres éléments.

Je ne sais pas trop à qui s’adresse cette question, alors je la pose simplement. Est-ce qu’il s’agit d’un grave problème? J’ai demandé au parrain du projet de loi combien de livres ou de tonnes d’ailerons nous importons, et combien sont récoltés au Canada, mais il n’a pas été en mesure de me répondre. Il m’a affirmé que les représentants du gouvernement auront toutes les réponses quand ils viendront. J’espère qu’il a dit vrai et que vous pourrez répondre à mes questions et me dire s’il s’agit d’un grave problème.

Brian Lester, directeur adjoint, Gestion des ressources intégrées, Pêches et Océans Canada : Je peux vous parler de la pêche domestique. Comme M. Jenkins l’a mentionné, la pêche canadienne est une pêche de prises accessoires, sauf pour une faible pêche du chien de mer et un peu de pêche de la raie.

Le sénateur Plett : Pourriez-vous m’expliquer ce que vous entendez par la pêche de prises accessoires, s’il vous plaît?

M. Lester : Disons par exemple qu’un pêcheur cible une espèce, et dans l’exemple que M. Jenkins vient de donner, la pêche à la palangre, il s’agit habituellement de l’espadon ou du thon. Lorsque le pêcheur remonte la ligne, il arrive parfois qu’il y ait au bout un requin. L’hameçon n’est pas sélectif quand il est dans l’eau. Si le requin est vivant, il est relâché, s’il est mort, il est ramené.

Le sénateur Plett : Qu’en fait-on en arrivant au port? Si le requin est mort, qu’est-ce qu’on en fait?

M. Lester : Il est transformé. Il existe un marché tant pour les ailerons que pour la viande. Nous ne connaissons pas le marché domestique pour la viande, car il s’agit de commerce interprovincial. On exporte un peu de viande — je n’ai pas le chiffre exact en tête —, mais ce n’est pas beaucoup.

Le sénateur Plett : Et les ailerons seront expédiés dans les restaurants qui se spécialisent dans la soupe aux ailerons de requin?

Mme Bouffard : Nous savons ce qui est importé au Canada et ce qui est exporté à l’extérieur du Canada, mais nous ne contrôlons pas le commerce qui se fait à l’intérieur de nos frontières.

En ce qui a trait aux produits canadiens qui sont pêchés dans les eaux canadiennes ou qui sont débarqués au Canada, nos statistiques sur les exportations montrent que leur valeur varie entre 500 000 $ et 2 millions de dollars, et qu’il s’agit de viande. Selon nos statistiques, le Canada n’a pas exporté d’ailerons de requin depuis 2013.

Le sénateur Plett : Mais il y a eu des importations?

Mme Bouffard : Il y a eu des importations. Nos dernières statistiques à ce sujet datent de 2015. Nos importations d’ailerons de requin représentent environ 1,2 p. 100 des importations mondiales, ce qui représente environ 2,5 millions de dollars. Le prix moyen des ailerons de requin sur les marchés mondiaux, et cela varie en fonction des espèces, est d’environ 22 $ le kilogramme. Nous pouvons donc voir à partir de ces statistiques qu’un très faible pourcentage d’ailerons est importé au Canada, et ils proviennent principalement de Hong Kong et de la Chine.

J’aimerais aussi mentionner qu’entre 2005 et 2015, nous avons assisté à une baisse marquée du commerce des ailerons de requin d’environ 60 p. 100 à l’échelle mondiale, et la baisse des importations au Canada a été d’environ 60 p. 100 également.

Le sénateur Plett : D’après ce qu’a dit le parrain du projet de loi, le principal problème vient de la façon dont les ailerons sont récoltés, et non de l’importation comme telle. On coupe les ailerons du requin et on le jette par-dessus bord, et il tourne alors en rond jusqu’à ce qu’il meure.

Selon vous, est-ce que c’est un problème important qui concerne les ailerons que nous importons? Vous avez dit qu’ils étaient importés de Hong Kong et de la Chine. Avons-nous des preuves concrètes qu’ils font cela?

Mme Bouffard : Il n’est pas possible pour nous, à l’heure actuelle, de savoir dans le système si les ailerons qui sont importés au Canada proviennent d’une pêche durable. Une espèce de requin qui migre, comme le thon ou l’espadon, pourra faire l’objet de différents régimes de gestion dans différents pays et en haute mer.

Comme l’ont mentionné mes collègues qui gèrent la ressource au Canada, une ressource qui est bien gérée et gérée de façon durable, la même espèce de requin peut se rendre dans les eaux d’un autre pays où la gestion n’est pas faite de façon durable. Quand il est importé, nous ne savons pas quelles règles ont été appliquées dans les autres pays.

Le sénateur Plett : Je crois comprendre que nous avons des lois au Canada qui interdisent de le faire, à moins que ce soit par accident. Que disent les lois à l’heure actuelle? Est-ce que des restrictions sont imposées aux pêcheurs ou aux restaurants, peu importe, sur l’importation des ailerons ou de toute autre partie du requin? Avons-nous des lois ou des restrictions quelconques à ce sujet?

M. van Havre : Pour les 10 espèces qui sont inscrites à l’annexe II de la CITES, nous exigeons un permis. Si une cargaison arrive au Canada sans ce permis, ou si le permis contient de faux renseignements, nous pouvons retenir la cargaison et poursuivre l’importateur ou celui qui a délivré le permis. L’information sera également consignée dans le système des notices d’INTERPOL, et des mesures devraient être prises dans le pays d’origine. C’est ce qui se passe pour les 10 espèces qui figurent dans la CITES.

Le sénateur Plett : Quel genre de sanctions inflige-t-on?

M. van Havre : Cela dépend. Le responsable de l’application de la loi est derrière, et il pourrait nous donner un exemple de sanction.

Le sénateur Plett : Merci.

M. van Havre : Si le président n’y voit pas d’objection.

Sheldon Jordan, directeur général, Direction de l’application de la loi sur la faune, Environnement et Changement climatique Canada : Je suis désolé, monsieur. J’étais assis derrière. Pourriez-vous répéter la question?

Le président : Vous devez vous présenter pour le compte rendu.

M. Jordan : Je m’appelle Sheldon Jordan, et je suis directeur général de l’application de la loi sur la faune à Environnement et Changement climatique Canada. Je suis chargé de diriger le groupe responsable d’édicter les règles et de faire respecter les règlements commerciaux concernant les espèces menacées qui sont importées au Canada, ou exportées à partir du Canada.

Le sénateur Plett : Merci d’être avec nous. Je voulais savoir quel genre de sanction est imposé à un organisme, un bateau, ou qui que ce soit, qui importe illégalement au Canada des ailerons de requin? Vos collègues ont dit que la cargaison serait confisquée, et je présume qu’on en ferait quelque chose. J’espère qu’on ne se contenterait pas de l’envoyer au dépotoir. Mais peu importe, il devrait y avoir des sanctions d’imposées.

M. Jordan : Les sanctions imposées en vertu de la LPEAVSRCII, la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, vont d’une amende maximale de 500 000 $ à un emprisonnement maximal de cinq ans, pour une infraction punissable par mise en accusation. S’il s’agit d’une infraction punissable par procédure sommaire, et il se pourrait que je me trompe parce que la loi vient tout juste de changer, je pense que l’amende est de 100 000 $ et de deux ans de prison.

Le sénateur Watt : J’allais poser les mêmes questions que la première personne, mais vous ne semblez pas avoir de réponse à l’heure actuelle. Si je ne me trompe pas, vous attendez que le gouvernement vous donne le signal des réponses à donner.

Je ne veux pas parler du problème des ailerons, mais plutôt des autres responsabilités qui incombent au ministère des Pêches et Océans.

Je viens du Nord, de l’Arctique, et je me suis rendu dans quelques communautés récemment. On m’a parlé de plusieurs problèmes, et je ne suis pas certain que vous surveillez cela. Quand ce sont des gens qui prélèvent certaines espèces, il semble qu’on s’en préoccupe beaucoup, mais parfois, quand il s’agit des répercussions d’un projet, le gouvernement semble manquer de responsabilité.

Je me demande si vous pourriez me fournir des éclaircissements ou une réponse quelconque. Votre ministère est responsable des oiseaux migrateurs, au sens large, et je parle ici des oies et d’autres oiseaux migrateurs. D’autres espèces ont été très touchées par de grands projets entrepris dans le passé, et nous commençons à en voir les répercussions sur différentes espèces et aussi sur la nature. Par exemple, la rivière qui coule normalement de l’autre côté de la baie est détournée sur la côte de la baie d’Hudson. Il y a beaucoup de problèmes en lien avec cela, mais je vais essayer de simplifier le tout pour que vous puissiez en prendre note.

Les oies n’empruntent plus la même route qu’elles empruntaient habituellement en migrant du sud vers la côte de la baie d’Hudson. C’est un des problèmes.

Toutes sortes d’espèces sont touchées. Mais quand on commence à examiner la rivière qui a été détournée de l’autre côté vers la côte de la baie d’Hudson, on se rend compte qu’il y a eu beaucoup de répercussions sur les espèces qui vivent dans l’eau, car il y a de l’eau douce qui se déverse dans l’eau salée, et l’eau salée n’a pas la même consistance à laquelle les espèces sont habituées.

Je pense que la région est énormément négligée, et je me demande si vous avez l’intention de mettre en place un mécanisme solide ou trouver une façon de mieux surveiller ce qui se passe, car vous n’avez pas de système de surveillance. Hydro-Québec n’a jamais pensé à mettre en place un système de surveillance pour savoir ce qui arrive aux espèces, et cetera. Cela vaut pour les baleines, les morses, les phoques et les poissons, de même que pour les petites espèces dans le sol, comme les moules, par exemple.

Les animaux commencent à s’étendre sur la côte de la baie d’Hudson. Comme vous le savez, le projet hydro-électrique de la baie James n’est pas le seul qui se déverse dans la baie d’Hudson. Il y a aussi celui du Manitoba d’un côté, et celui de l’Ontario de l’autre. La situation commence à être alarmante sur toute la côte de la baie d’Hudson. Je veux simplement que ce soit noté. Je sais que ce n’est pas le sujet du jour, mais c’est très important, car c’est un problème. Si un Inuk prend une baleine par erreur, se trompe ou quoi que ce soit d’autre, il sera traduit en justice.

Qu’est-ce qui se passe notamment du côté des projets de grande envergure comme les projets hydro-électriques? Pourquoi ne peut-on pas les mettre à l’épreuve? C’est un autre problème. Je pense que c’est important pour vous de le savoir.

Je n’ai pas vraiment de question. Est-ce que le gouvernement fédéral a son mot à dire sur ce qui relève des provinces et qui, en un sens, se répercute sur ce qui relève de lui, c’est-à-dire l’eau qui part du continent et qui se déverse dans la baie d’Hudson? Deux gouvernements sont concernés, et je pense que nous avons intérêt à mieux gérer tout cela. C’est de plus en plus dangereux.

Le président : Merci, sénateur Watt. Comme le sénateur Watt l’a mentionné, ce n’est pas vraiment l’objet de la réunion de ce soir, et je ne sais pas si quelqu’un veut prendre quelques minutes pour lui répondre, ou si vous voulez lui revenir plus tard. C’est à vous de décider.

M. van Havre : C’est toujours un plaisir pour moi de parler de nos oiseaux migrateurs. Je travaille sur les oiseaux migrateurs depuis plus de 10 ans maintenant, et vous avez parlé d’enjeux qui me sont très chers personnellement.

Vous avez parlé des changements dans les routes migratoires de nos oies et dans les conditions dans la baie d’Hudson à la suite des projets hydro-électriques. Nous avons fait des recherches, et M. Grant Gilchrist qui travaille à notre centre de recherche a consacré presque toute sa carrière à étudier cette région, en particulier les oiseaux migrateurs et les interactions entre les différentes espèces.

Il est clair que les routes migratoires ont changé. Ce qui est difficile, c’est d’établir un lien entre ces changements et un phénomène ou un autre. Nous connaissons tous le majestueux vol migratoire des oies de l’Arctique qui a lieu depuis des décennies, voire des siècles, et leur halte près de la ville de Québec, dans la Réserve nationale de faune du Cap-Tourmente. Si vous vous êtes rendu à cet endroit dernièrement, vous avez probablement constaté qu’elles sont beaucoup moins nombreuses. Elles migrent en passant par d’autres endroits. Elles s’y arrêtent encore par milliers, mais ce sont des changements dont nous sommes témoins et que nous avons de la difficulté à comprendre.

Votre argument selon lequel le changement des propriétés de l’eau pourrait influer sur l’écosystème est une question qui a fait l’objet de bien des études. Les divers ordres de gouvernement qui collaborent à l’évaluation de l’impact environnemental des grands projets, comme les projets hydroélectriques, en comprennent bien les enjeux. Nous mettons nos connaissances scientifiques au service de ces processus.

Vous avez parlé du changement de divers éléments de l’écosystème et de la relation entre les oiseaux migrateurs et d’autres organismes, notamment en ce qui concerne le plancton et les algues. Nous remarquons ces changements. Il est intéressant d’en voir les effets cumulatifs. D’un côté, le développement hydroélectrique accroît la quantité d’eau douce et fait baisser la température. Ce que nous remarquons de l’autre côté, dans la baie d’Hudson et la baie d’Ungava, c’est le réchauffement de la température. On peut mettre les choses en balance. Il est très difficile de tirer une conclusion en fonction du changement de l’ordre des choses dans l’environnement physique.

Je serais ravi de vous mettre en contact avec M. Gilchrist. C’est un conférencier éloquent qui a mené de nombreux travaux de recherche sur l’interaction de diverses espèces dans l’écosystème qui sont susceptibles de vous intéresser.

Le sénateur Watt : Vous n’avez toujours pas répondu à ma question. Le fédéral a-t-il son mot à dire en ce qui concerne le besoin d’instaurer un système de surveillance dans ces secteurs? C’est la question que je vous ai posée. Vous n’êtes pas obligé d’y répondre tout de suite.

Le sénateur McInnis : Bonsoir à tous et merci d’être venus. La semaine dernière, M. Dirk Steinke a témoigné devant nous et nous a dit qu’il avait prélevé 29 échantillons de nageoires de requin qui se trouvaient sur le marché au Canada, en Chine et au Sri Lanka, nageoires dont 71 p. 100 provenaient d’espèces en péril. Autrement dit, la CITES en interdirait le commerce international.

Ma question est la suivante : quel pouvoir cette convention a-t-elle sur le contrôle d’un quelconque aspect de ce dossier? Que pouvez-vous faire?

Ce fut toute une surprise pour moi d’apprendre la semaine dernière qu’un million de requins avaient été tués l’an dernier — j’ai même formulé un commentaire à cet égard. En fait, c’étaient 100 000 requins qui ont été capturés, alors cela me dit que nous sommes en situation de crise.

La CITES compte 183 pays signataires. Vous parlez directement ici de l’annexe 1, soit la liste des espèces en voie de disparition, et de l’annexe II, la liste des espèces qui, si elles ne sont pas surveillées, seraient sur le point d’être en voie de disparition et de disparaître.

Un des intervenants a formulé des commentaires à cet égard; en vous écoutant ce soir, il me semble que vous accordez une très grande confiance à ces pays lorsqu’il est question de vous assurer que ceux-ci affirment que l’exportation ne nuira pas à la survie de l’espèce dans son habitat naturel. Qui en fait la vérification et qui en assure le contrôle?

Je suis assez vieux, d’accord? Je me souviens du moment où la zone extracôtière a été élargie. Elle l’a été parce qu’un pays en particulier pêchait vraiment de façon excessive. On ne lui faisait pas confiance. Maintenant, nous demandons aux pays d’affirmer que l’exportation ne nuira pas à la survie de l’espèce, mais pouvons-nous avoir la certitude qu’un quelconque de ces 183 signataires de la CITES ne touche pas aux espèces qui figurent aux annexes I et II?

M. van Havre : Merci. C’est une question très importante.

Il y a trois semaines, je me trouvais à Genève pour assister à la réunion de l’un des organismes subsidiaires de la CITES, soit un comité permanent. Celui-ci a été investi par la conférence des parties du pouvoir d’imposer des sanctions. J’ai fait devant lui une présentation concernant les éléphants et l’ivoire, et nous avons imposé des sanctions commerciales à cinq pays. Il ne s’agit ici que d’une seule espèce.

La CITES est dotée d’un système qui permet de s’assurer qu’un pays dispose d’abord du cadre législatif qui lui permette de prendre des mesures. Il s’agit d’un examen juridique. À chacune de nos réunions, nous passons en revue la liste et les progrès réalisés à son égard. Si un pays ne passe pas de la catégorie des mesures législatives inadéquates à une catégorie de mesures en cours ou en place, il pourrait se voir imposer de nouveau des sanctions.

Si vous consultez le compte rendu, vous verrez qu’on a soulevé des questions concernant la République démocratique populaire lao et ces types de pays. C’est seulement pendant le premier cycle, qui est celui qui consiste à déterminer si ces pays sont dotés de lois pour leur permettre de prendre des mesures.

Ensuite, il existe un système de présentation de rapports pour voir s’il existe des mesures d’application adéquates. Au titre de la CITES, nous sommes responsables de faire rapport des saisies, et cetera, mais INTERPOL possède aussi un mécanisme pour assurer le suivi.

Vous avez aussi demandé si nous pouvions faire confiance aux permis délivrés par d’autres pays et avoir foi en leurs avis de commerce non préjudiciable, ce qui a posé problème par le passé.

Le Canada a parrainé un atelier pour établir la procédure standard sur la façon de rédiger ces avis de commerce non préjudiciable. C’était il y a cinq ans, je crois. Il existe donc maintenant une procédure standard pour ce faire.

Je vais laisser parler mes collègues de Pêches et Océans, mais avec l’inscription de nouvelles espèces de requins à la dernière conférence des parties en 2016, on a accordé aux pays une année pour leur donner la chance de se préparer à délivrer des permis pour la nouvelle espèce. On a offert un certain nombre d’ateliers dans le monde entier pour permettre de le faire.

Je peux vous dire que ces systèmes sont assez rigoureux. Les pays qui font face à des sanctions les prennent très au sérieux. Ils exercent de fortes pressions sur nous pour qu’on ne les leur impose pas, mais nous sommes très déterminés à avoir un système rigide, impartial et transparent, car notre capacité de permettre un commerce durable et légal dépend de notre capacité de mettre fin au commerce illégal et non durable.

Mme Bouffard : Brian, voulez-vous continuer à parler du requin?

M. Lester : Pour en revenir à ce que M. van Havre a dit, en 2016, le requin-taupe commun — qui est un des deux requins pour lesquels nous avons, dans les faits, des petits débarquements — a été inscrit à l’annexe II. Avec cette exigence, on a noté que nous disposions d’une année pour fournir un avis de commerce non préjudiciable dans lequel les données scientifiques portent sur les débarquements actuels et les taux de mortalité associés aux pêches canadiennes.

La quantité que le Canada aurait récoltée en une année à l’époque était probablement de 40 ou 50 tonnes. Elle se situe probablement entre 15 et 20 tonnes aujourd’hui. Les petits marchés que nous avions avant l’inscription de cette espèce ont pratiquement disparu, si bien que les débarquements actuels se situent probablement entre 15 et 20 tonnes.

La dernière évaluation scientifique s’est appuyée sur un certain nombre d’années de travaux scientifiques. Elle révélait à ce moment-là que tout débarquement de moins de 185 tonnes par année ferait probablement en sorte que les stocks se rétablissent sur une période de 20 à 40 ans, je crois, mais ce n’est pas rare chez les espèces de requins qui vivent longtemps.

Avec nos taux de mortalité actuels, on s’attend à ce que la croissance soit même supérieure à celle que nous avons eue par le passé. Je crois que cette évaluation a été menée en 2009; nos débarquements moyens des dernières années ont probablement été d’environ 30 ou 40 tonnes. Le problème avec une industrie des pêches vraiment petite, c’est qu’il est difficile d’obtenir des statistiques des sciences, si bien que l’évaluation la plus récente, je pense, devra tenir compte du fait que nous n’avons aucune pêche dirigée et que nous nous fions uniquement aux renseignements que nous obtenons à partir des prises accessoires des autres pêches.

Lorsque nous avons formulé notre avis de commerce non préjudiciable, ils ont examiné les prises canadiennes. Elles étaient bien inférieures aux 185 tonnes déterminées dans l’évaluation du potentiel de rétablissement, qui a été menée dans le contexte du processus de la LEP. Nous croyons que les prises actuelles avec les exportations pourraient être exportées au besoin, alors on délivre des permis dans ces cas. Cependant, nous exportons peu de requins-taupes communs avec nos débarquements d’environ 15 à 20 tonnes par année.

Le sénateur McInnis : Vous parlez du Canada. Pas moi. Je parle de la situation à l’échelle internationale. Voilà le problème. C’est ce que je veux savoir. Que faites-vous avec les 183 pays signataires et les autres? Quelles mesures prend-on? C’est là où réside le véritable problème. Je pense que ce projet de loi nous aidera certainement au Canada, mais nous ne sommes pas un acteur important.

Si 100 millions de requins sont abattus et que, dans bien des cas, ils se font enlever leurs nageoires alors qu’ils sont toujours vivants, que fait-on à l’échelle internationale?

Mme Bouffard : Je pense que notre collègue d’Environnement aimerait ajouter un point. Je pense qu’il serait important pour nous de signaler aussi le travail des ORGP.

M. Jordan : Merci. Pour revenir en arrière, je suis l’ancien président du Groupe de travail d’INTERPOL sur le crime contre les espèces sauvages.

Dans une étude menée en 2016 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, qui a été cosignée par INTERPOL, on a déterminé que la criminalité environnementale dans le monde entier rapportait environ 253 milliards de dollars par année, à quelques milliards près. Je parlais de dollars américains; en dollars canadiens, le montant est encore plus élevé.

C’était une étude qui se penchait sur toutes sortes de crimes environnementaux : les crimes liés aux espèces sauvages, aux pêches, à la foresterie, à la pollution, aux déchets dangereux et à des choses du genre. Nous examinons une gamme très étendue.

Ces 253 milliards de dollars — montant maximal déterminé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement et INTERPOL — en font le quatrième secteur criminalisé le plus lucratif au monde après le trafic de drogues, la traite des personnes et la contrefaçon.

De ce, disons, quart de billion de dollars par année de revenus de la criminalité, environ 100 milliards de dollars découlent de crimes liés aux espèces sauvages, qui comprennent la flore et la faune. Donc vos animaux, comme mes collègues M. van Havre et M. Jenkins l’ont mentionné concernant, respectivement, l’ivoire et les pêches, représentent entre 20 et 50 milliards en sus des crimes liés aux animaux sauvages. Désolé. Je pense que cela portait un peu à confusion.

Ensuite, vous ajoutez tous les autres secteurs de la criminalité environnementale, qui vont de l’exploitation minière illégale aux pêches, en passant par les déchets non autorisés et toutes ces choses.

D’accord. J’ai, en gros, créé de la confusion chez toutes les personnes présentes, alors simplifions les choses. La criminalité environnementale est très importante.

Le Canada est particulièrement engagé auprès d’INTERPOL dans le cadre de son Programme des crimes contre l’environnement, au sein du groupe de travail sur le crime contre les espèces sauvages, du Groupe de travail sur les crimes contre les pêches, auquel mon collègue, M. Jenkins, a participé, ainsi que du Groupe de travail sur la criminalité liée à la pollution.

Le Canada a eu une incidence assez impressionnante grâce aux efforts qu’il a déployés pour essayer de promouvoir des mesures positives et renforcées d’application de la loi.

Cela étant dit, si on revient au Canada et à l’impact au pays, comme M. van Havre l’a expliqué plus tôt, dans le contexte de la loi canadienne, nous avons des restrictions concernant les marchandises contrôlées par la CITES qui entrent chez nous. Elles requièrent des permis du pays exportateur ou des permis à la fois des pays importateur et exportateur.

De plus, la LPEAVSRCII prévoit que toute chose qui a été prise illégalement ailleurs dans le monde ne peut être importée au Canada.

Un exemple simple que je donne est celui où une personne en Colombie-Britannique traverse la frontière pour aller dans l’État de Washington où elle pêche un poisson ou chasse un cerf illégalement. La loi ne l’autorise pas à le rapporter au Canada, car le braconnage est illégal dans l’État de Washington.

Il en irait de même pour la pêche au requin ou toute autre récolte d’espèces sauvages. La loi ne permet pas d’apporter au Canada des choses qui ont été prises illégalement ailleurs dans le monde.

Les cadres juridiques seront en place tant qu’il y aura des interdictions ailleurs dans le monde.

Le sénateur McInnis : Deuxième série de questions.

Le président : Pour clarifier les choses, Mme Bouffard parlait d’une situation où vous n’êtes pas certain que des nageoires qui arrivent ici proviennent d’un endroit où elles sont interdites au départ. Ai-je bien saisi ce que vous avez dit?

M. Jordan : En gros, c’est un des défis auxquels nous faisons face dans le secteur de l’application de loi : celui de déterminer si les marchandises ont été prises légalement ou illégalement. Nous disposons d’outils, comme les tests d’ADN pour identifier les espèces. Au fur et à mesure des avancées technologiques, d’autres outils judiciaires pourront nous aider à déterminer l’origine des choses. Cependant, nous sommes toujours confrontés à un très grand défi sur le plan de l’application de la loi et du contrôle commercial. Je devrais dire que l’interdiction est en place et que les choses s’améliorent. Cependant, compte tenu de la technologie actuelle, elles sont loin d’être parfaites.

Le président : Merci.

La sénatrice Bovey : Merci d’être venus. Je ne suis pas un membre régulier du comité, alors excusez-moi de peut-être vous poser des questions inattendues.

Je serais intéressée de savoir combien de pays ont, dans les faits, adopté une loi pour interdire l’importation de nageoires de requins.

Mme Bouffard : Je ne pense pas que nous en connaissions le nombre. Nous savons que des pays clés ont une industrie de la pêche au requin. Les États-Unis et l’Union européenne ont instauré des règles semblables à celles dont mes collègues ont parlé en matière de débarquement de requins entiers, mais nous n’avons pas d’inventaire des règles et des lois y étant associées dans tous les pays.

La sénatrice Bovey : Nous ne savons pas quels pays ont une loi qui interdit l’importation de nageoires de requins?

Mme Bouffard : Nous n’avons pas d’inventaire, non.

La sénatrice Bovey : Sommes-nous au courant d’un quelconque différend à l’Organisation mondiale du commerce?

Mme Bouffard : Pas à notre connaissance, non.

La sénatrice Bovey : Ce devrait être assez facile à trouver.

J’aimerais aller dans une direction un peu différente. Chaque fois qu’on envisage d’apporter des changements à un moyen de subsistance, on influe évidemment sur les traditions socioéconomiques, culturelles et historiques de l’endroit visé, quel qu’il soit. J’aimerais que vous nous disiez ce que vous estimez être l’importance socioéconomique, culturelle et historique de la pêche au requin dans diverses régions du monde.

Vous avez parlé de la Chine et de Hong Kong, mais existe-t-il d’autres régions où ce type de pêche se trouve au cœur de la vie culturelle et socioéconomique?

Mme Bouffard : Je n’ai pas de statistiques ou de renseignements quant à un pays en particulier et à l’importance de ces pêches au plan économique ou culturel. Nous savons que les pays asiatiques, surtout la Chine et Hong Kong, sont les principaux exportateurs et marchands de nageoires de requin, mais nous n’avons pas de statistiques à cet égard.

La sénatrice Bovey : Si vous me le permettez, pour comprendre le contexte de la question dont le comité est saisi, il est très important de savoir où des lois ont été adoptées et où il y a eu des différends, et de connaître l’incidence sur les contextes socioéconomique et culturel de ces pays.

Je le dis en partie en raison de nos propres schémas d’immigration et de nos propres pêches comme moyen de subsistance. Dans le contexte mondial, comme les poissons nagent, c’est un élément assez important de l’opération.

M. van Havre : Cette notion de dégager les aspects se rapportant au moyen de subsistance et à la culture gagne en importance dans chaque convention sur la biodiversité.

La CITES étudie la question et a créé un groupe de travail qui abordera la façon dont nous consulterons les peuples autochtones et les communautés locales — j’utilise la terminologie de l’ONU — et qui fera rapport à la prochaine réunion qui se tiendra à l’automne.

À la Convention sur la diversité biologique qui a lieu cette semaine à Montréal, on a aussi recommandé qu’on se penche sur ce qui constitue le format approprié.

Je partage certainement vos préoccupations quant à l’aspect culturel, au gagne-pain, et à l’importance et aux répercussions de ces décisions sur les gens. Ces questions sont prises en compte et le Canada a offert son appui à cet égard à la moindre occasion.

La sénatrice Bovey : J’aimerais savoir combien de pays disposent de lois à ce sujet et quels sont ces pays. Je pense que c’est essentiel.

Le président : Du point de vue socioéconomique, il y a 100 millions de requins dont la viande d’aileron se vend 22 $ le kilogramme; quelqu’un fait donc certainement de l’argent quelque part.

Mme Bouffard : Une bonne partie de nos renseignements sont de nature anecdotique. Vous avez réclamé des statistiques, et nous n’en avons pas, mais nous disposons assurément de renseignements anecdotiques en raison de notre participation aux diverses réunions internationales.

Par exemple, quand nous rencontrons des organisations régionales qui gèrent des stocks fortement migratoires et voyons les décisions que prennent les pays concernés, on peut voir qu’une bonne partie de leurs décisions sont orientées par leurs approches et l’influence nationale. Les pays que j’ai nommés, comme le Royaume-Uni et l’Union européenne, qui sont dotés de mesures de gestion afin de gérer la pêche au requin de manière durable souhaiteront souvent que les organisations adoptent des règles sur le débarquement de carcasses avec les ailerons, alors que d’autres pays ne le feront pas. C’est ainsi que nous obtenons nos informations anecdotiques, mais nous n’avons pas de statistiques à ce sujet pour le moment.

M. Jenkins : Je veux donner suite à la réponse de Nadia. Même si nous ne disposons pas de statistiques, nous avons effectué des vérifications sommaires. Je ne peux dire avec certitude si nous avons communiqué avec tous les pays ou si nous connaissons les lois de chacun d’entre eux, mais il est rare que l’importation soit carrément interdite, car, comme nous l’avons souligné plus tôt, un grand nombre de pêches légitimes capturent des requins, y compris au Canada, bien qu’il s’agisse de prises accessoires dans notre cas.

Nous savons toutefois que d’autres autorités ont interdit le commerce des ailerons dans certains pays, comme les Bahamas, Guam, les îles Marshall et les îles Cook. Il est possible, par extrapolation, de présumer que ces interdictions s’étendent à l’importation également, mais comme Nadia l’a fait remarquer, nous ne possédons pas de statistiques précises à ce sujet. Quand nous vérifions ce qu’il en est, il nous semble que l’importation soit rarement interdite.

[Français]

La sénatrice Ringuette : J’ai une question de clarification pour vous, madame Bouffard. Tout à l’heure, vous avez mentionné qu’il y avait un déclin de 60 p. 100 de l’importation d’ailerons au Canada et à travers le monde. Ai-je bien compris?

Mme Bouffard : Je crois que je citais des statistiques au Canada. Les statistiques sur l’importation d’ailerons de requin, de 2005 à 2015, qui est la dernière année pour laquelle nous avons des statistiques, démontrent un déclin de 60 p. 100. Cela étant dit, si on fait une analyse sur une plus courte période, soit de 2012 à 2015, il semble y avoir une légère hausse. D’autre part, sur une plus longue période de temps, depuis 2005, il y a une diminution de 60 p. 100 de l’importation d’ailerons.

La sénatrice Ringuette : J’ai de la difficulté à comprendre, car le parrain du projet de loi nous a rapporté, de 2012 à 2015, une augmentation de 36 p. 100 de l’importation d’ailerons. J’ai un tableau en valeur monétaire ici devant moi qui indique que, de 2012 à 2016, il n’y a pas de déclin.

Mme Bouffard : Sur une plus courte période de temps, vous avez raison. Votre témoin avait raison, il y a eu une légère augmentation de 36 p. 100, mais si on regarde les statistiques sur une plus longue période de temps, depuis 2005, il y a eu un déclin de 60 p. 100. Tout cela veut dire qu’il y avait plus d’ailerons qui entraient au Canada en 2005 qu’il y en a aujourd’hui, et même en 2012.

La sénatrice Ringuette : Pouvez-vous nous fournir ce tableau, s’il vous plaît?

Mme Bouffard : Nous serons heureux de vous le fournir. Il provient de la FAO.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Merci de témoigner. J’ignore si quelqu’un vous a déjà posé la question, mais que pensez-vous du projet de loi?

Le sénateur Plett : Nous le leur avons déjà demandé.

Le sénateur Munson : Ah oui? Désolé. Est-ce que tout le monde a donné son avis à ce sujet?

Le sénateur Plett : Non, personne ne l’a fait.

Le sénateur Munson : Permettez-moi alors de poser la question de nouveau, car c’est important.

Nous avons entendu de nombreux exposés. La question passionne le sénateur qui a présenté le projet de loi, et le sénateur Moore tenait passionnément à son projet de loi. Nous avons réalisé une longue étude à propos du projet de loi du sénateur Moore, et nous étudions maintenant celui-ci. Aimez-vous ce projet de loi ou non? C’est une question fort simple.

Mme Bouffard : Je devrais commencer en disant qu’il ne fait aucun doute que le ministère des Pêches et des Océans prend des mesures contre l’amputation des ailerons de requins en mer depuis 1984, comme mes collègues l’ont indiqué. Nous considérons qu’il s’agit d’un problème d’envergure internationale. Des mesures ont été prises dans les eaux canadiennes, comme le prouvent les statistiques et les règlements.

Cela étant dit, nous évaluons actuellement le projet de loi; nous n’avons donc pas de position ou d’avis à ce sujet. Nous consultons des avocats des ministères de la Justice et des Affaires étrangères. La question est complexe, particulièrement au chapitre du commerce international. Nous étudions toutes les répercussions et les implications potentielles du projet de loi.

Le sénateur Munson : Jugez-vous toutefois qu’il existe ou non une réglementation suffisante au pays pour résoudre la question dont le sénateur MacDonald a parlé?

Mme Bouffard : Nous avons traité de cette question. La réponse courte est « oui », car nous disposons de mesures très claires. Je laisserai peut-être Randy expliquer en détail les mesures canadiennes relatives à l’amputation des ailerons de requins en mer.

M. Jenkins : Nous avons indiqué plus tôt que deux types de pêches canadiennes capturent accessoirement des requins alors qu’elles pratiquent une autre pêche.

Dans le cas de la pêche aux poissons de fond au moyen d’engins fixes, les pêcheurs ont toujours été tenus de débarquer l’animal entier. Pour ce qui est de la pêche pélagique à la palangre, les pêcheurs étaient obligés de faire de même, mais nous les autorisions à amputer les ailerons de l’animal en mer aux fins d’entreposage et de débarquement.

Ce qui a maintenant changé ou qui changera pour la saison de 2018, c’est qu’ils ne seront pas autorisés à amputer les ailerons en mer jusqu’à ce qu’ils arrivent au port.

Même en vertu de l’ancien régime, nous ne les autorisions pas à amputer les ailerons pour ensuite jeter les carcasses par-dessus bord en ne gardant que les ailerons, mais nous laissions la flotte de pêche pélagique à la palangre enlever les ailerons pour les entreposer séparément des carcasses. Lorsque les bateaux arrivaient au port, nous vérifiions si le nombre de carcasses correspondait au nombre d’ailerons. Il pouvait y avoir deux fois plus d’ailerons, mais les chiffres correspondaient. Nous imposions également une restriction quant au poids; ainsi, s’il y avait 5 p. 100 de requins débarqués au total, il ne pouvait y avoir plus de 5 p. 100 d’ailerons débarqués. Nous effectuions une double vérification, faisant un comptage numérique et pondéral. Cela devrait changer.

Dans le domaine de la pêche commerciale légale, qui est réglementée, il serait difficile pour quiconque de violer la réglementation, car nous effectuons une surveillance indépendante au quai et tous les navires sont vérifiés quand ils accostent. Peu de requins sont débarqués de toute façon; il s’agit de prises relativement mineures. À cet égard, le Canada dispose d’un cadre de réglementation pour régir les flottes canadiennes. Quand je parle de « flottes canadiennes », l’endroit où elles pêchent est sans importance; elles sont réglementées par le Canada. J’ignore si cela répond à votre question.

Le sénateur Munson : Votre réponse est utile. Merci beaucoup.

Le sénateur Gold : Je veux m’assurer de comprendre quelque chose. Je vous promets de ne pas vous demander votre avis sur le projet de loi, mais j’espère que vous pouvez, grâce à votre expertise, nous aider à répondre à quelques questions plus précises.

Certains témoins nous ont affirmé que lorsqu’un navire arrive au Canada chargé d’ailerons de requin — ou certainement lorsque ces ailerons sont vendus en magasin, tous blanchis —, peu importe les progrès des tests d’ADN, il est presque impossible, du point de vue pratique sur le quai, de déterminer l’espèce dont ils proviennent et, donc, de savoir si cette espèce figure à l’annexe I, à l’annexe II ou ailleurs. Est-ce le cas sur le plan de l’application concrète de la loi?

M. Jordan : Merci, sénateur.

[Français]

Lorsqu’un navire ou une cargaison arrive au Canada, on peut prendre un échantillon de l’ADN; cependant, il faut savoir qu’il faut plusieurs jours, voire des semaines avant d’avoir les résultats, et il peut même y avoir des retards dans les analyses. Cela risque de retarder le commerce. Alors, dans le cadre d’interventions ou d’inspections, nous veillons à cibler les cargaisons à l’avance pour vérifier si elles proviennent d’une population d’un pays à risque afin de réduire la possibilité que le commerce soit retardé à cause de nos interventions. Cependant, cela prend du temps, et l’on a beaucoup de demandes à nos laboratoires à Environnement et Changement climatique Canada. On a une capacité qui n’est pas sans limites.

Le sénateur Gold : Ce n’était pas une critique de votre pratique, au contraire. Sur le terrain, dans ce contexte, il n’est pas vraiment possible d’éviter l’importation des ailerons de requin, d’être sûr que les ailerons de requin à bord d’un navire ne proviennent pas d’espèces en danger.

[Traduction]

M. Jordan : Je suis Anglo-Québécois comme vous, si je me fie à votre accent, monsieur.

Du point de vue de l’application de la loi, il y a, de toute évidence, la question de la différence entre les marchandises déclarées et les marchandises réelles. J’ai travaillé pendant 25 ans dans le domaine de l’application de la loi en ce qui concerne les espèces sauvages ou les douanes, et tout dépend de ce qui est déclaré. Si les gens tentent d’importer une marchandise interdite, ils la feront passer pour autre chose.

Nous disposons maintenant d’un bien plus grand nombre d’outils, comme les tests d’ADN, pour pouvoir identifier les marchandises. Le problème, c’est qu’en dépit des progrès considérables de la technologie sur les plans des coûts et du temps, nous ne sommes pas encore en mesure de déterminer rapidement et avec certitude la nature des marchandises, de manière à ne pas causer d’inconvénient aux marchands légitimes. C’est ainsi pour les espèces sauvages en général, pas seulement au Canada. Pour cette raison, nous investissons beaucoup d’efforts pour tenter de cibler et de mieux comprendre à l’avance l’objet du commerce afin d’avoir à l’œil ceux qui, selon nous, posent un risque au lieu de nous attarder à ceux qui font le commerce légitime de certaines espèces.

Le sénateur Gold : Merci de cette réponse. Nous avons entendu le témoignage du parrain du projet de loi, mais aussi de professeurs, qui considèrent que l’amputation des ailerons a eu une incidence sur la dégradation des populations de requin. Je voulais vous demander si vous pensez que cette présomption est juste.

S’il est vrai que l’amputation des ailerons de requin contribue à la dégradation des populations, est-ce qu’une interdiction internationale de l’importation d’ailerons de requin — qui n’existe pas à l’heure actuelle — aurait une incidence favorable sur la conservation de ces espèces importantes?

M. van Havre : Si vous me le permettez, je vous donnerai une réponse générale concernant la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, et mes collègues des Pêches entreront dans les détails.

Sur le plan de la conservation du requin, ce sont les mesures d’envergure internationale qui, manifestement, porteront fruit et auront une incidence sur la situation. Cela ne fait aucun doute. Nous l’avons d’ailleurs constaté avec bien d’autres espèces. À l’échelle internationale, nous disposons des outils nécessaires pour nous attaquer à ces problèmes.

Si vous vous intéressez aux autres espèces pour lesquelles nous avons eu une incidence bénéfique, il y a un certain nombre de mammifères, dont le kunia, une espèce andine qui était victime d’un commerce non durable. Tous les pays concernés ont déployé des efforts considérables, qui ont permis à cette espèce de se rétablir.

Vos conclusions sont donc certainement justes. Si le Canada était un importateur et un consommateur de premier ordre, les mesures prises au pays auraient évidemment une incidence. D’après ce que je comprends des propos de mes collègues, cependant, notre pays consomme et importe relativement peu de ces spécimens. La solution réside donc à l’échelle internationale.

Mme Bouffard : Je suis d’accord avec mon collègue. Votre question porte sur le lien direct avec l’état du stock. Je ne suis pas scientifique; aucun de nous ne l’est. Certains rapports traitent toutefois de la question, notamment des rapports internationaux.

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, dans un rapport publié en 2015 sous le titre State of the global market for shark products, que je vous recommande de lire si ce n’est déjà fait, établit un lien entre l’amputation des ailerons de requin et l’état actuel des ressources en requins dans le monde. Cela ne veut pas dire que toutes les espèces de requin font l’objet de l’amputation des ailerons ou sont en piètre état. Il existe certaines pêches commerciales légitimes du requin dans le monde. C’est probablement la principale raison pour laquelle il est difficile de dégager un consensus international sur l’imposition de sanctions commerciales à tous les ailerons de requins vendus dans le monde, car cela aurait inévitablement des répercussions sur tous les produits du requin et sur les activités de pêche légitimes.

Le sénateur Gold : Conviendriez-vous que, si le Canada souhaitait encourager l’élaboration d’un régime international interdisant l’importation d’ailerons de requins, il se faciliterait la tâche s’il avait pris des mesures en ce sens à l’échelle nationale?

M. van Havre : Le Canada se trouve dans une excellente position en ce qui concerne la Convention sur le commerce international des espèces sauvages de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, notamment parce qu’il présente des justifications scientifiques très solides dans les propositions qu’il soumet pour ajouter ou retirer des espèces. Il bénéficie également d’un régime de gestion et d’exploitation de la faune bien réglementé et fort réputé. Il se tient au juste milieu et est respecté de part et d’autre.

Je pense que pour que les propositions faites à l’échelle internationale réussissent, elles doivent reposer sur des justifications solides et faire la distinction entre les populations et les espèces qui sont menacées et celles qui ne le sont pas. Ce sont là les éléments que nous intégrons habituellement à nos propositions.

Mme Bouffard : Pour compléter les propos de Basile, je dirais qu’une grande partie de nos efforts visaient à apporter des changements à l’échelle internationale au chapitre de la gestion des requins. Randy, dans son exposé, ainsi que Brian ont évoqué certaines des mesures que nous avons proposées concernant la zone réglementée par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest et la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique sur l’obligation de laisser leurs ailerons aux requins. Il s’agit d’un élément clé de l’équation à l’échelle internationale.

Le sénateur Plett : La question du sénateur Munson était formulée légèrement différemment de celle du sénateur Gold et de la mienne, et je voulais au moins faire une observation à ce sujet. Je discute moi aussi à l’occasion avec des avocats. Le mien ne me demande pas si j’aime quelque chose; il me dit si c’est légal ou non. Le sénateur Munson vous a demandé si vous aimiez le projet de loi, pas s’il était constitutionnel et s’il passerait le test. Je ne continuerai pas dans cette veine, mais je voulais au moins faire remarquer que sa question était : « Aimez-vous le projet de loi? » Je ne suis pas certain qu’il convienne de demander aux avocats du ministère s’ils aiment le projet de loi.

Je veux toutefois donner suite à une question de la sénatrice Bovey. Je ne connais pas tous les témoins que nous convoquons, et nous n’obtenons pas certaines des réponses que nous cherchons. Je suis prêt à l’accepter, mais la sénatrice Bovey a posé une question au sujet de laquelle il ne devrait pas être difficile de trouver de l’information.

Monsieur le président, je vais donc poser une demi-douzaine de questions. Nous ne recevons probablement pas de réponse ici ce soir, mais je veux que les témoins nous les fournissent ultérieurement par écrit ou nous indiquent qui nous pouvons convoquer pour les obtenir. S’il s’agit d’un problème de taille, comme l’a fait valoir le sénateur MacDonald, alors je pense que nous devons obtenir des réponses pour certaines de ces questions.

La première question, bien entendu, est celle que la sénatrice Bovey a déjà posée : combien de pays interdisent déjà l’amputation des ailerons de requin? Lesquels?

Où la pratique de l’amputation des ailerons de requin est-elle la plus répandue?

Combien de pays autorisent cette pratique? Eh bien, je présume que c’est le même nombre que ceux qui l’interdisent.

Le Canada travaille-t-il avec d’autres pays, comme l’Australie ou les États-Unis, pour élaborer un régime international? Cette question fait peut-être suite à ce que le sénateur Gold a dit.

Quelle est la probabilité qu’un pays étranger conteste l’interdiction de l’amputation des ailerons par le Canada?

Ma dernière question est la suivante : quel pourcentage des ailerons importés au Canada viennent de pays qui ont interdit l’amputation des ailerons et de pays qui ne l’ont pas interdite?

Je pense que nous devons obtenir des réponses à ces questions pour être en mesure d’évaluer l’ampleur du problème.

Ces questions figurent au compte rendu, monsieur le président, et je demanderais à nos témoins d’avoir l’obligeance de nous diriger vers les personnes compétentes ou de nous faire parvenir des réponses.

Le président : Je comprends parfaitement que vous ne pouvez peut-être pas répondre aux questions du sénateur Plett à brûle-pourpoint ce soir, mais est-ce que l’un d’entre vous souhaite formuler un commentaire? Si possible, je fais écho aux questions et aux propos du sénateur Plett. Comme il s’agit d’un dossier qui est nouveau pour nous également, nous tentons de trouver notre voie. Nous ne voulons certainement pas nous aventurer trop loin ou trop profondément — pardonnez mon jeu de mots — jusqu’à ce que nous ayons une idée de ce à quoi nous nous attaquons. Si vous pouviez nous fournir quelques réponses, cela aiderait certainement le comité.

Nous pourrions peut-être ajouter à ces questions certaines de celles qui ont été posées plus tôt au sujet de votre évaluation du projet de loi, même si je comprends que ce dernier sera probablement renvoyé au ministre ou au gouvernement. Si vous pouviez nous fournir des informations de vos deux ministères qui nous orienteraient alors que nous délibérons de ce projet de loi, tous les membres du comité vous en seraient fort reconnaissants. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet.

Mme Bouffard : Je peux peut-être commencer en donnant une réponse générale afin d’assurer au comité que nous avons l’intention de collaborer et qu’il a devant lui les personnes compétentes. Le problème, c’est que nous n’avons pas de réponse pour un grand nombre de ces questions, car elles se trouvent entre les mains de pays auxquels nous n’avons pas demandé ces renseignements.

Donc est-ce que les divers pays ont tous des lois pour réglementer l’enlèvement des nageoires en mer, est-ce que les divers pays imposent des interdictions d’importation? Nous disposions d’informations éparses et anecdotiques, mais nous n’avons absolument pas l’information pour tous les pays du monde et nous n’avons pas de statistiques à ce sujet. Nous pourrions probablement trouver l’information, mais je ne suis pas sûr que nous puissions répondre rapidement au comité si nous devons demander de l’information aux autres pays. Nous devrons vérifier.

Le sénateur Plett : Mais vous pouvez essayer.

Mme Bouffard : Nous pouvons essayer.

Le président : Ce sera notre dernière séance d’ici la fin janvier.

M. Jenkins : Malheureusement, le sénateur Plett est parti, mais sur la question no 3, qui porte sur le nombre de pays qui permettent l’amputation des nageoires, le cadre réglementaire de la plupart des pays s’apparente probablement à celui du Canada, en ce sens que bien souvent, tout est permis tant que ce n’est pas interdit. Il serait peut-être un peu plus facile de déterminer si telle ou telle chose est interdite, mais encore une fois, je ne suis pas certain qu’on puisse trouver des réponses pour tous les pays. Il y a de fortes chances qu’il n’y ait pas nécessairement d’exigence réglementaire autorisant expressément une chose. C’est essentiellement la façon dont le cadre législatif canadien fonctionne en droit des pêches. Tant qu’une chose n’est pas interdite, c’est comme pour le stationnement. S’il n’y a pas de panneau indiquant qu’on ne peut pas stationner quelque part, on présumera qu’on peut se stationner là.

Concernant un autre élément que mon collègue a soulevé, il serait pratiquement impossible pour nous de connaître les lois de tous les pays, mais on a mentionné la convention de la CICTA, par exemple, qui rassemble un grand nombre de pays qui s’intéressent de près au thon, à l’espadon ou à d’autres espèces pélagiques. Pour ces pays — je viens d’en parler rapidement avec ma collègue —, nous pourrions probablement vérifier assez rapidement s’il y a des lois environnementales qui s’appliquent. Je ne sais pas si nous pourrons obtenir chacune de ces lois rapidement, mais nous pourrions vous dire : « Oui, non, ils ont quelque chose ou pas. » Je ne sais pas si cela aiderait le comité, mais pour ce qui est des plus petits pays ou des pays qui ne nous semblent pas très engagés dans la conservation des requins, ce serait probablement pratiquement impossible.

J’ajouterais rapidement que j’ai peut-être mal compris, mais je crois que le sénateur Gold a mentionné un peu plus tôt l’importation de requins entiers plutôt que de nageoires seulement. Même au Canada, le ministère des Pêches réglemente l’animal jusqu’à ce qu’il arrive au quai. Une fois l’animal au quai, ses différentes parties sont prélevées, puis expédiées vers différents marchés. Si l’animal a été pêché en toute légalité, on peut en prélever le foie, les nageoires, la queue, les meilleures coupes de viande, puis les faire parvenir au marché voulu.

D’une stricte perspective canadienne — et cela pourrait peut-être s’appliquer dans l’autre sens —, s’il existe un marché légitime pour les nageoires ou un autre produit dérivé des animaux pêchés en toute légalité et que nous imposons l’obligation que toute la carcasse rattachée aux nageoires parvienne à la destination finale, ce sera pratiquement impossible pour beaucoup de pêcheurs.

Je voulais seulement vous exposer ce point de vue. Merci.

La sénatrice Bovey : J’aimerais seulement faire un commentaire. Je présume que vous recevez beaucoup de réponses de ce genre de l’ONU.

M. van Havre : Si je puis me permettre, dans notre système international, il y a des conventions, si bien que les pays signataires acceptent de se soumettre à certaines obligations, notamment en matière de rapport. Ainsi, si on veut savoir, par exemple, si ces pays ont un règlement pour respecter une obligation en vertu de la CITES, c’est très facile. Je sais exactement où j’irais sur le site web de la CITES pour trouver l’information.

Pour ce qui est de l’amputation des nageoires, mes collègues pourront peut-être me corriger, mais il n’existe aucune règle à ce sujet pour l’instant, donc les pays n’ont pas l’obligation de la déclarer.

La sénatrice Bovey : Il semble que le Canada pourrait donner l’exemple.

Mme Bouffard : Cela dit, nous vérifierons auprès de la FAO, en particulier. Dans les années 1990, la FAO s’est dotée d’un plan d’action sur les requins; il ne portait pas sur l’amputation des nageoires, mais sur les requins en général et leur gestion. Par conséquent, elle recueille de l’information des différents pays membres de la FAO, et nous verrons si nous pouvons obtenir de l’information d’elle, mais je ne sais pas si elle aura vraiment de l’information précise sur les lois en vigueur dans chacun de ces pays.

La sénatrice Ringuette : Rapidement, je suppose que…

Le président : Attendez une seconde. Monsieur Lester?

M. Lester : Je voudrais seulement préciser une chose. Quand on parle des pays qui ont des lois ou des règlements contre l’amputation des nageoires, on parle surtout des grands pays comme les États-Unis et les États membres de l’UE, comme on l’a déjà dit. Il y a 51 pays membres de la CICTA. À la réunion de novembre dernier, dont je reviens tout juste, une quarantaine de pays se sont prononcés en faveur de cette mesure. Je présume que les pays qui appuient une mesure destinée à interdire l’amputation des nageoires ou le commerce de nageoires détachées ont probablement déjà des lois en place.

Cela dit, tous les pays membres de la CICTA sont assujettis à la règle des 5 p. 100 que nous appliquons déjà, c’est-à-dire qu’au débarquement, les nageoires ne peuvent pas constituer plus de 5 p. 100 des requins à bord. C’est l’obligation qui s’applique à ces 51 pays. Dans les faits, est-ce qu’ils la respectent tous? On l’espère, en tout cas, parce qu’ils sont tous signataires de la convention.

Je dois dire, cependant, concernant la CICTA, qu’il n’y a pas d’ORGP pour la gestion des requins dans l’Atlantique. Le Canada a fait inscrire dans la convention de la CICTA des modifications à la version originale écrite en 1967, afin que la CICTA assume la responsabilité des diverses espèces de requins présentes dans l’Atlantique, de sorte que toutes les espèces pêchées dans l’Atlantique bénéficient de la protection d’une ORGP.

En ce moment, il y a beaucoup de prises accessoires. Dans la plupart des cas, ce sont des prises accessoires, mais certains de nos pays membres, notamment des membres de l’UE, ont des pêcheries ciblées importantes et durables.

Pour déterminer qui applique des interdictions, les 51 pays signataires ont tous l’obligation de respecter le ratio de 5 p. 100 maximum des nageoires par rapport aux carcasses.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de règle. Il y a des règles. Je pense que cette règle est en vigueur depuis la fin des années 1990, environ. La norme ultime, comme ma collègue l’a mentionné, c’est que les nageoires soient toujours rattachées aux requins. Cela évite vraiment que des nageoires arrivent avec des carcasses d’espèces différentes. C’est la stratégie que privilégie le Canada à l’échelle internationale, et c’est ce que nous continuerons de faire.

Nous continuerons aussi de réclamer des modifications à la convention de la CICTA, pour y ajouter des dispositions sur les requins, afin que les requins de l’Atlantique soient protégés par une ORGF.

La sénatrice Ringuette : J’aimerais faire une brève observation. Je pense que les questions qui ont été posées et pour lesquelles vous chercherez à obtenir des réponses pour les membres du comité ne diffèrent pas vraiment des questions que le ministre poserait pour connaître votre évaluation du projet de loi. Ainsi, je pense qu’on peut s’attendre à recevoir des réponses à ces questions très bientôt. Merci.

Le président : Merci.

Le sénateur McInnis : Premièrement, je suis d’avis que, lorsqu’on dépose un projet de loi d’initiative parlementaire qui touche un ministère, ce ministère devrait être consulté au préalable. Avez-vous été consultés ou en avez-vous entendu parler d’abord dans les journaux?

Mme Bouffard : Je ne connais pas la réponse à cette question. Je ne crois pas que nous ayons été consultés, mais je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur McInnis : C’est toujours un problème. Dans le cas d’un autre projet de loi d’initiative parlementaire que nous avons étudié, trois ministères étaient touchés, mais aucun n’avait été consulté.

Vous essayez d’imposer le débarquement des requins avec leurs nageoires. Est-ce vraiment réaliste? Les requins sont des animaux énormes. Comment pourra-t-on embarquer tous les requins pêchés à bord? C’est une cause bien noble. Vous voulez que l’animal soit utilisé au complet, mais en fait, il est beaucoup plus simple d’en retirer les nageoires et de les embarquer à part, puisque c’est ce qui est rentable. La carcasse peut être rejetée à l’eau. Bref, à quel point est-ce réaliste?

Quand vous avez essayé de faire approuver cette règle, par un quelconque mécanisme de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, en même temps que des règles sur les thonidés, c’est probablement pour cette raison que vos efforts ont été vains : ce n’est pas réaliste. Je ne devrais pas dire que c’est impossible, mais il sera difficile d’embarquer ces énormes animaux à bord pour les débarquer en entier sur les côtes.

M. Lester : Je me répète. Même si nous n’avons pas réussi, lors de la dernière réunion, à faire adopter la règle voulant que les nageoires restent attachées à la carcasse, il faut rappeler que la règle des 5 p. 100 s’applique déjà à toutes les parties. Il est déjà obligatoire de conserver la carcasse entière du requin. Si certains pays rechignent à accepter cette règle, c’est que leurs navires peuvent passer des mois en mer et qu’il est plus simple pour l’équipage de retirer les nageoires de la carcasse pour entreposer les carcasses à un endroit et les nageoires ailleurs. Comme vous l’avez dit, c’est la partie qui a de la valeur. On ne veut pas qu’elle s’abîme à l’entreposage.

Les pays ont toujours l’obligation de débarquer la carcasse. Les nageoires ne peuvent représenter que 5 p. 100 des prises de requins. Cette obligation s’applique déjà. Ils doivent toujours débarquer toute la carcasse. Certains bateaux sont très gros, ils peuvent faire des centaines de pieds de long, et l’équipage part pour des mois chaque fois, mais il a l’obligation de débarquer le requin en entier.

Le sénateur McInnis : Nous avons entendu deux professeurs la semaine dernière nous dire précisément ce que je viens de vous répéter : il y a des pêcheurs qui ne respectent pas cette obligation.

M. Lester : Je serais porté à croire qu’il s’agit probablement de pêcheurs qui exploitent de plus petits bateaux ou des bateaux qui ne sont pas assujettis à la même obligation, sous le régime de leur ORGF ou de leur loi nationale. On peut parler ici de bateaux de 15 à 20 pieds de long, sur lesquels il serait très difficile, comme vous l’avez mentionné, de transporter un grand nombre de requins, mais il s’agirait alors d’une plus petite pêche, artisanale. Elle n’aura pas le même impact que les pêches commerciales pour ce qui est du nombre de requins capturés.

Je dois souligner, comme on l’a déjà dit, je pense, que l’obligation de débarquer la carcasse au complet a créé un marché pour le requin et que depuis que l’animal est utilisé au complet, les pêcheurs commerciaux pêchent le requin parce qu’il y a un marché pour le requin. Les pêcheurs cibleront les espèces qui leur permettront de faire de l’argent. Par cette nouvelle obligation de débarquer la carcasse entière, nous avons créé un marché. Il faut maintenant prendre des mesures pour limiter la pêche de requins entiers — je ne parle pas seulement des nageoires, mais de tout le requin —, parce que nous avons créé un marché pour le requin.

Il était presque contre-productif de forcer les gens à trouver une façon de faire de l’argent avec les requins. Maintenant qu’ils en font, il faut essayer de réglementer ce marché.

Comme je l’ai souligné, la difficulté dans l’Atlantique, c’est qu’il n’y a pas vraiment d’organisation chargée de gérer des pêches en particulier : l’OPANO comme la CICTA régissent les prises accessoires. Nous continuerons donc de réclamer des modifications à la convention pour pouvoir réglementer la pêche de requins dans l’Atlantique.

Le sénateur McInnis : Cela en vaut la peine, si l’on peut trouver des solutions réalistes. Merci.

Le sénateur Plett : Très rapidement, les requins appartiennent-ils tous à des espèces en péril? Les espèces des requins que nous voudrions pêcher pour la viande ou les nageoires sont-elles toutes en péril?

M. Lester : Je peux vous répondre que les pêches de requins les plus importantes dans l’Union européenne ne visent absolument pas des espèces en péril. Parlez-en avec les pêcheurs du Canada atlantique, et vous verrez que le requin bleu est l’une des espèces les plus fécondes. Il a des portées nombreuses. Je pense qu’il fraie chaque année. C’est probablement le requin qu’on trouve le plus en abondance dans l’océan Atlantique. Il y a des pêches importantes de ce stock en Europe. Il y a même des pêcheurs qui ont troqué l’espadon pour le requin.

Le sénateur Plett : Donc, l’interdiction d’amputer les nageoires de requin ne serait pas attribuable au fait qu’il s’agit d’une espèce en péril, mais à d’autres raisons?

M. Lester : Pas nécessairement. Elle vise à éliminer tout enlèvement illégal des nageoires. C’est la raison même de cette règle : on veut que les pêcheurs ne puissent pas retirer les nageoires d’un requin et garder la carcasse d’un autre.

Le sénateur Plett : Merci.

M. van Havre : C’est une très bonne question. Nous nous la posons quand nous décidons d’inscrire une espèce à la liste de la CITES : nous nous demandons quelles sont les raisons scientifiques justifiant l’inscription d’un groupe d’espèces ou d’une espèce en particulier à la liste et quelle en sera l’incidence sur les autres espèces. Ces considérations sont très importantes dans les décisions que nous devons prendre.

Le sénateur Plett : Merci.

Le sénateur Gold : Monsieur Lester, vous avez mentionné qu’il y a des dizaines et des dizaines de pays assujettis à l’interdiction au-delà des 5 p. 100 permis. Si j’ai bien compris, on trouve parmi les plus grands exportateurs de nageoires de requin la Chine, Hong Kong et peut-être quelques autres pays de l’Asie du Sud-Est. La Chine ou Hong Kong sont-ils assujettis à la règle des 5 p. 100. Sont-ils signataires de cette convention?

M. Lester : La Chine est membre de la CICTA, si bien qu’elle est assujettie aux obligations de la CITCA sur les pêches. Elle doit respecter les règles qui s’appliquent à l’extérieur de l’Atlantique à cet égard. Par contre, si j’ai bien compris, Hong Kong n’est pas un pays de pêche. Cela dit, beaucoup d’exportations passent par Hong Kong, et pas seulement les exportations de requins ou de nageoires de requin. C’est un passage international très important, mais il n’y a pas de pêche qui s’y fait.

Le sénateur Gold : J’ai du mal à comprendre les chiffres qu’on nous a cités, le nombre effarant de tonnes de nageoires de requin vendues dans le monde. Plusieurs viennent de la Chine et d’ailleurs. Comme mon collègue l’a souligné, il n’est pas économique, d’un point de vue commercial, de transporter l’animal en entier sur le bateau en raison de son poids, de sa grosseur et de la prime à payer pour les nageoires de requin par rapport à la viande. J’essaie de comprendre d’où viennent ces nageoires de requin, si elles sont bien réglementées ou si elles viennent toutes du marché noir.

M. Lester : Je pense que M. van Havre a répondu en partie à la question de l’origine des nageoires. La réponse n’est pas toujours simple. Est-ce que je dirais qu’elles viennent toutes du marché noir? Non : il y a indéniablement des pêches durables qui existent. Les pays de l’Union européenne pêchent actuellement des dizaines de millions de requins de façon durable, puis débarquent légitiment leurs prises portant toujours leurs nageoires. Ce n’est donc pas du marché noir. La viande part dans une direction, et les nageoires dans une autre. Cela ne veut pas dire que toutes les nageoires de requin qu’on trouve sur le marché viennent d’une pêche licite et qu’elles étaient toujours rattachées à la carcasse au moment du débarquement. Nous ne pouvons pas répondre à cette question.

Je ne saurais vous dire d’où viennent toutes les nageoires réexportées de la Chine ou de Hong Kong.

Le sénateur Gold : Merci.

Mme Bouffard : Nous savons que Hong Kong n’est pas un pays de pêche. Il n’a pas de bateaux adaptés à la pêche de requins.

Le sénateur Gold : Il exporte toutefois beaucoup de nageoires de requin, à ce qu’il semble.

Le sénateur Munson : Ils aiment la soupe.

M. van Havre : Si je peux ajouter quelque chose, l’idée que les pays de transit puissent nuire à la conservation d’une espèce vaut dans bien des contextes. La CITES prévoit un mécanisme contraignant qui vise ces pays.

J’ai déjà parlé un peu de mon expérience lors de la réunion de la commission il y a quelques semaines. L’un des pays sur lequel les feux des projecteurs étaient braqués était Singapour. Comme vous le savez, il s’agit d’un acteur commercial de premier plan. J’oublie les chiffres qui témoignent de son importance dans le monde pour le commerce de conteneurs, mais je ne vous apprends rien. Ce pays prend ses responsabilités très au sérieux. Ses dirigeants se sont montrés très inquiets quand nous avons commencé à pointer Singapour du doigt parmi la liste des pays qui doivent prendre des mesures.

Il y a des moyens à notre disposition pour que le reste de la communauté internationale fasse confiance aux contrôles mis en place pour assurer la conformité des marchandises en transit. Je pense que la norme dans le monde consiste à inspecter 1 conteneur sur 15. À Singapour, on inspecte 1 conteneur sur 6. La prise de mesures en ce sens est très importante pour assurer un haut degré de conformité et envoyer le signal aux exploitants illégaux qu’ils ne pourront pas passer par Hong Kong pour vendre leurs nageoires de requins.

Le président : Merci, sénateur Gold. Au nom du comité, je remercie nos témoins de ce soir. Vous avez suscité une excellente conversation et nous avez fourni beaucoup de réponses. Nous en voulons toujours plus et nous savons que vous ferez tout en votre pouvoir pour nous aider autant que vous le pourrez. Nous nous réservons le droit de vous rappeler si nous avons besoin que quelqu’un vienne nous expliquer les nouvelles informations qui pourraient être portées à notre attention au début de la prochaine année.

Au nom du comité, je vous remercie du temps que vous nous avez consacré ce soir.

(La séance est levée.)

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