Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 25 - Témoignages du 13 février 2018
OTTAWA, le mardi 13 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 17 h 7, pour étudier les activités de recherche et sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je m’appelle Fabian Manning et je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis heureux de présider la séance de ce soir.
Avant de donner la parole à nos témoins, j’invite les membres du comité à se présenter.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Merci, chers collègues. Comme le Sénat siège encore, il est possible que d’autres membres du comité se joignent progressivement à nous.
Le comité poursuit son étude sur les activités de recherche et sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent.
Ce soir, nous sommes heureux d’accueillir deux témoins pour discuter de la recherche et sauvetage maritime dans l’Arctique canadien. Je souhaite la bienvenue à Michael Byers, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politique mondiale et en droit international à l’Université de la Colombie-Britannique, qui se joint à nous par vidéoconférence. Je souhaite également la bienvenue à Dylan Clark, gestionnaire de programme du Groupe de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques à l’Université McGill.
Au nom des membres du comité, je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui. J’ai cru comprendre que vous avez tous les deux une déclaration liminaire. Lorsque vous aurez terminé, les membres du comité poseront des questions.
Monsieur Clark, vous avez la parole.
Dylan Clark, gestionnaire de programme, Groupe de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques, Université McGill, à titre personnel : Merci de me donner l’occasion de témoigner. Je suis ravi d’être ici pour vous faire part de ce que la recherche nous a appris. Le Groupe de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques, qui est dirigé par M. James Ford, étudie les répercussions des changements climatiques sur les collectivités inuites depuis plus de 50 ans. Depuis quatre ans, je suis gestionnaire de la recherche pour les projets axés sur la recherche et sauvetage dans l’Arctique.
Dans le cadre de nos projets de recherche, nous nous sommes penchés sur les causes des opérations de recherche et sauvetage dans l’Arctique canadien, sur ce que les collectivités peuvent faire pour s’adapter et promouvoir davantage la sécurité ainsi que sur les faiblesses des systèmes d’intervention en cas d’urgence et des infrastructures essentielles.
Au cours des trois dernières années, nous avons rencontré plus de 60 membres des collectivités, soit des aînés, des chasseurs, des pêcheurs et des responsables de la gestion des urgences. Dans le cadre de nos travaux de recherche, j’ai passé plus de 15 semaines dans 10 collectivités du Nunavut, et j’ai collaboré et participé à trois vols de recherche et sauvetage avec les Forces armées canadiennes.
Nous analysons également toutes les données disponibles sur la recherche et sauvetage, ainsi que les données sur les infrastructures et le transport partout dans la région. Au cours des 10 dernières années, le nombre d’interventions de recherche et sauvetage a plus que doublé au Nunavut. Bien qu’on ait récemment mis l’accent sur la hausse du trafic maritime dans la région, la majorité des opérations de recherche et sauvetage ont été, et continuent d’être, pour aider des chasseurs de subsistance et des gens en déplacement. En fait, 543 interventions des équipes de recherche et sauvetage ont été signalées en 2014 au-dessus de 55 degrés de latitude Nord. Le taux est établi en fonction de tranches de 1 000 personnes. Environ 20 p. 100 des personnes impliquées étaient en danger.
Je tiens à répéter que, dans l’Arctique canadien, les interventions de recherche et sauvetage sont réalisées par un grand nombre d’intervenants et d’organismes qui travaillent souvent ensemble. Cela dit, l’Aviation royale canadienne est généralement responsable des incidents aéronautiques; la Garde côtière canadienne s’occupe habituellement des incidents maritimes; Parcs Canada intervient dans les parcs nationaux; et les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de toutes les opérations de recherche et sauvetage au sol, ce qui comprend la terre ferme, la glace de mer et les eaux intérieures. Pour mener des activités de recherche et sauvetage au sol, on se sert également des ressources de l’Aviation royale canadienne et de la Garde côtière canadienne, en fonction de la décision prise par les responsables de la gestion des urgences et de la disponibilité de ces ressources.
Selon nos travaux, la hausse du nombre de cas de recherche et sauvetage est attribuable à des facteurs tant sociaux qu’environnementaux. Ces facteurs comprennent entre autres l’incidence des changements climatiques sur les trajets et les habitudes de déplacement traditionnels. En effet, plusieurs changements environnementaux font en sorte qu’il est plus difficile d’interpréter et de comprendre les dangers et les observations météorologiques. De plus, le coût de l’équipement de sécurité de qualité est prohibitif pour beaucoup de monde. L’évolution de la situation démographique et des économies locales a une incidence sur la chasse et la pêche ainsi que sur d’autres habitudes des gens. L’histoire et les politiques coloniales continuent également d’avoir un effet sur les systèmes de connaissances et les habitudes des pêcheurs dans un grand nombre de collectivités.
De nombreuses collectivités réagissent à la hausse du nombre de cas de recherche et sauvetage à l’aide de programmes de prévention, qui visent à donner aux jeunes des occasions d’apprendre auprès des aînés. Les collectivités et les territoires font également la promotion de la sécurité en recourant à des balises satellites et en finançant de l’équipement et le coût de l’essence dans des programmes d’aide aux chasseurs. Nos travaux de recherche révèlent toutefois que des efforts supplémentaires nous permettraient de réaliser des économies et de renforcer la prévention.
Nous avons par ailleurs constaté que la plupart des collectivités dans l’Inuit Nunangat ont à peine le niveau de préparation et les ressources nécessaires pour répondre aux demandes actuelles d’intervention de recherche et sauvetage dans l’Arctique canadien. Le système est largement tributaire du travail de bénévoles, qui ont un taux élevé d’épuisement professionnel. Dans les collectivités, il arrive souvent que les postes en recherche et sauvetage, y compris les postes de dirigeants, fassent l’objet d’un roulement annuel. Les bénévoles doivent souvent utiliser leurs bateaux et leurs motoneiges pour mener des missions de recherche et sauvetage, et seules l’essence et l’huile sont remboursées.
Les pressions exercées pour augmenter le nombre d’unités de la Garde côtière auxiliaire canadienne ont permis d’accroître les ressources et les outils disponibles, mais la formation offerte dans la plupart des collectivités demeure minimale. On a constaté que la formation fait défaut en matière de premiers soins, de gestion des urgences et de collaboration avec la GRC et d’autres intervenants dans la région.
D’un bout à l’autre de l’Arctique canadien, il y a un grand nombre de menaces et de situations d’urgence de grande envergure dont la prépondérance varie. C’est le genre de catégorie distincte sur laquelle nous nous penchons et qui s’ajoute à celle des chasseurs de subsistance.
En plus de la hausse du trafic maritime, le nombre de vols au-dessus du Nord canadien a augmenté dans une proportion de 1 100 p. 100 depuis 2003. Les collectivités font également face à des risques qui leur sont propres, y compris les pannes de courant prolongées et les inondations. Bien qu’il y ait des plans d’urgence et des exercices d’intervention pour certains de ces scénarios, dans la majeure partie de l’Arctique canadien, les collectivités sont les premières à intervenir et doivent gérer la situation sur une période estimative de 4 à 12 heures.
Malgré une solide connaissance du terrain, la navigation régionale et le savoir traditionnel en matière de survie, nous avons constaté que nous ne connaissons pas le coût de l’intervention de ces collectivités dans ces situations de grande envergure et qu’il est possible que des sauveteurs ou des patients perdent la vie.
Comme exemple concret de ces lacunes, mentionnons que de nombreuses collectivités travaillent partout dans la région et qu’elles n’ont pas réussi à obtenir de protocoles de gestion des urgences auprès des gouvernements territoriaux. Beaucoup de personnes craignent que, pendant une situation de grande envergure, les centres de santé et les infrastructures de communication des collectivités ne soient surchargés d’appels, ce qui entraverait les communications liées à la gestion de l’urgence. La grande majorité des collectivités n’ont pas de fournisseurs de soins préhospitaliers.
Nous avons conclu qu’il est fort probable que le nombre d’opérations de recherche et sauvetage continue d’augmenter. Ces opérations et les risques de catastrophe risquent également de devenir plus complexes et plus hétérogènes au cours des prochaines décennies. Il faut faire plus de recherche pour mieux comprendre les faiblesses du système d’intervention ainsi que le coût et les avantages d’éventuelles modifications stratégiques.
De plus, il faut absolument poursuivre la collecte et la mise en commun des données de l’ensemble des organismes de recherche et sauvetage. Les partenaires territoriaux et fédéraux peuvent toutefois continuer d’améliorer et de prévenir les opérations de recherche et sauvetage dans la région en se servant des connaissances actuelles. Notre recherche corrobore la recommandation formulée en 2016 par le sénateur Patterson à la table ronde du Nunavut sur l’examen de la politique de défense lorsqu’il a affirmé qu’il faut des appareils C-130 à Yellowknife et à Cambridge Bay.
En outre, les opérations aériennes et les services de recherche et sauvetage deviendront encore plus problématiques lorsque les appareils C-295 entreront en service en 2019, car nous estimons que les délais d’intervention augmenteront d’au moins 5 p. 100, et la quantité de carburant de ces avions lorsqu’ils arriveront sur les lieux correspondra au moins au quart du carburant que contient les appareils C-130.
Il est également essentiel que les collectivités aient plus de ressources pour mener de bonnes opérations de recherche et sauvetage au sol et pour pouvoir intervenir en premier en cas de grandes catastrophes dans l’Arctique canadien. Merci.
Le président : Merci, monsieur Clark.
Allez-y, monsieur Byers.
[Français]
Michael Byers, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politique mondiale et en droit international, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis très heureux de comparaître devant votre comité aujourd’hui. Comme vous le constatez, je parle français, mais aujourd’hui, je m’exprimerai en anglais.
[Traduction]
Quand le comité m’a invité à témoigner à ce sujet, il ne s’est probablement pas rendu compte que je me fie régulièrement aux services de recherche et sauvetage maritime. Je vis sur l’île de Salt Spring, à 30 kilomètres au sud de Vancouver, et je fais du kayak de mer récréatif chaque semaine tout au long de l’année.
Toutefois, contrairement à la vaste majorité des Canadiens qui font normalement appel aux services de recherche et sauvetage maritime, je suis exceptionnellement bien desservi puisque la Garde côtière canadienne a un navire de 50 pieds à 500 mètres de chez moi. Ce n’est pas le cas dans l’Arctique canadien. La zone desservie est relativement peu peuplée, et l’Arctique couvre, bien entendu, 40 p. 100 du deuxième pays au monde en superficie. Le Canada a également le plus long littoral au monde, dont la majeure partie est dans l’Arctique.
Permettez-moi de parler des services de recherche et sauvetage offerts dans l’Arctique. Je pars de l’hypothèse qu’ils doivent être beaucoup mieux, même s’ils ne sont pas aussi bons que ceux qui sont offerts dans le Sud de la Colombie-Britannique ou dans la majeure partie des provinces de l’Atlantique parce que la population est beaucoup moins dense et que les interventions sont beaucoup moins fréquentes. Les services doivent tout de même être bons. Il faut qu’on puisse acheminer de l’équipement sur les lieux et gérer les accidents d’envergure dans lesquels le nombre de victimes est considérable.
L’Arctique est un endroit dangereux aux conditions météorologiques extrêmes, aux infrastructures qui laissent vraiment à désirer et où le gouvernement peut difficilement intervenir. Au cours des sept dernières années, j’ai perdu quatre collègues à cause d’accidents dans l’Arctique canadien, et cela ne fait que donner une petite idée de la mesure dans laquelle la région est dangereuse.
J’aimerais proposer deux ou trois choses qui pourraient améliorer la situation. M. Clark en a déjà mentionné une, c’est-à-dire les balises satellites. Si toutes les personnes qui s’aventurent sur les terres ou en mer portaient une balise satellite, nous ne parlerions plus de recherche. Il serait seulement question de sauvetage.
De nos jours, la couverture par satellite est vraiment exceptionnelle. Certains satellites sont munis de l’équipement nécessaire pour surveiller et recevoir les transmissions de ces dispositifs spéciaux, dont le prix devient pas mal raisonnable. Sur la côte Ouest du Canada, tous les randonneurs et tous les plaisanciers sérieux ont leur propre dispositif dans leur sac à dos. Tous les chasseurs inuits devraient avoir une balise lorsqu’ils s’aventurent sur les terres, sur la glace ou sur l’eau, tout comme les touristes qui en font autant, les aventuriers qui empruntent le passage du Nord-Ouest et les randonneurs qui se promènent dans les différents parcs nationaux. Débarrassez-vous du volet recherche et mettez l’accent sur le sauvetage. Vous pourriez économiser ainsi beaucoup d’argent et probablement sauver plus de vies.
J’ai deux ou trois autres choses à ajouter, notamment que le gouvernement fédéral s’est maintenant engagé à avoir une embarcation pneumatique à coque rigide et un équipage qualifié à Rankin Inlet pour effectuer des opérations de recherche et sauvetage le long de la côte ouest de la baie d’Hudson. Des initiatives similaires sont nécessaires dans d’autres collectivités du Nord, par exemple à Cambridge Bay et à Pond Inlet, et probablement à Kuujjuaq, Nain et Churchill, bien que je ne connaisse pas aussi bien la situation à l’échelle provinciale qu’à l’échelle territoriale.
Ces mesures sont nécessaires, et c’est un petit investissement si nous tenons compte des vies qui seraient sauvées ainsi que des emplois et de la formation dont bénéficieraient de jeunes Inuits dans ces collectivités.
J’aimerais également parler de biens de plus grande taille. Votre comité doit savoir que la flotte de brise-glaces de la Garde côtière canadienne se fait très vieille. En moyenne, les navires ont plus de 35 ans, et il n’y a qu’un seul brise-glace qui doit être construit — pour remplacer le Louis S. St-Laurent. À l’heure actuelle, on ne prévoit aucunement de faire construire des brise-glaces de taille moyenne pour remplacer le reste de la flotte.
Je sais que le gouvernement fédéral négocie actuellement avec plusieurs entreprises la possibilité de noliser des pétroliers qui pourraient en quelque sorte assumer le rôle habituel des brise-glaces pendant les 10 ou 15 prochaines années. Toutefois, ce qu’il nous faut — et je pense que tout le monde sera d’accord —, ce sont des brise-glaces conçus spécialement pour l’Arctique afin de remplacer ceux qui nous ont si bien servis. Nous en avons besoin assez rapidement, ce qui signifie qu’il faut faire des appels d’offres et signer des contrats, et que les chantiers navals doivent apporter leur contribution. C’est une urgence absolue compte tenu des besoins croissants en matière de recherche et sauvetage dans l’Arctique et du rôle premier de la Garde côtière dans le secteur maritime.
Le dernier point que je vais soulever se rapporte à la prestation de services aériens de recherche et sauvetage. Certaines personnes disent que les drones sont la solution. Ils seraient certainement utiles dans la recherche, et ils pourraient même larguer un radeau pneumatique ou une tente, mais ils ne peuvent pas hisser une victime coincée sur la glace ou dans l’eau. Si les gens ont une balise satellite et que l’accent est mis sur le sauvetage, ce qu’il faut absolument, ce sont des hélicoptères. Il faut des hélicoptères maritimes à long rayon d’action comme nos Cormorant.
À propos des Cormorant, je vais juste dire deux choses. Nos Cormorant se trouvent dans le Sud du Canada, et il faut beaucoup de temps pour parcourir la distance entre Comox, sur l’île de Vancouver, et l’Ouest de l’Arctique; entre la Nouvelle-Écosse et l’Arctique; ou entre Terre-Neuve et l’Extrême-Arctique. Il faut parfois attendre jusqu’à deux jours avant que ces hélicoptères, qui font le plein en route, arrivent sur les lieux d’un accident.
Il faut déployer un de ces hélicoptères dans l’Arctique canadien pendant les mois d’été. Pendant ces mois, les activités de transport maritime, entre autres, se multiplient. Rankin Inlet est l’endroit évident, et j’encourage le comité à examiner cette possibilité.
Pour conclure, je mentionne que les Cormorant se font vieux. Je sais que c’est peut-être une surprise pour certains membres du comité. J’ai été moi-même surpris. Le temps passe vite. Ils ont maintenant un quart de siècle. Nous savons tous que dans notre pays, il faut parfois attendre 10 ans ou plus avant la conclusion d’un grand contrat de défense. Nous devons donc entamer les démarches pour remplacer les hélicoptères de recherche et sauvetage maritime à long rayon d’action pour que les nouveaux hélicoptères entrent en service avant que les Cormorant soient âgés de 40 ans. C’est une fois de plus pour assurer l’avenir. Les Cormorant peuvent encore faire le travail, mais pas indéfiniment. Le moment est venu d’entamer le processus.
L’Arctique est de plus en plus fréquenté, mais il sera toujours dangereux. Les distances sont extrêmes. Nous voyons déjà beaucoup de petits accidents à la suite desquels une à cinq personnes doivent être secourues. Un jour, un avion de ligne intercontinental se posera en catastrophe dans l’Arctique canadien avec 300 à 500 personnes à bord, ou un navire de croisière s’échouera pendant une tempête arctique. Nous avons besoin de ressources importantes. On doit être en mesure de se rendre là-bas.
Il faut refinancer la flotte de brise-glaces de la Garde côtière canadienne, lancer un appel d’offres pour remplacer les Cormorant et stationner un des Cormorant dans l’Arctique pendant les mois d’été. Il faut également faire en sorte que toutes les personnes qui s’aventurent sur les terres, sur la glace ou sur l’eau possèdent une balise satellite. Ce sont les mesures évidentes à prendre selon moi. Merci beaucoup.
Le président : Merci, messieurs Clark et Byers. Nous allons entamer la période de questions.
Le sénateur Christmas : Merci, messieurs, de vos exposés. Monsieur Clark, je vous remercie beaucoup des recherches que vous avez effectuées sur les opérations de recherche et de sauvetage dans l’Arctique. Vous en avez parlé brièvement dans votre déclaration, mais pourriez-vous nous donner plus de détails sur les principales causes des incidents qui nécessitent des opérations de recherche et de sauvetage dans l’Arctique?
M. Clark : Absolument. Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour essayer de comprendre pourquoi les taux ont essentiellement doublé au cours de la dernière décennie. Je dirai en premier lieu que dans le cadre de la majorité des missions de recherche et de sauvetage, particulièrement dans l’Inuit Nunangat, c’est parce que les gens sont partis chasser à des fins de subsistance, pêcher ou explorer leur territoire. À partir des données disponibles, la majorité de ces missions sont dues à des bris mécaniques. C’est ce que les gens ont déclaré dans les discussions que nous avons eues avec les collectivités. Les machines tombent en panne. Pensez à une motoneige qui heurte un rocher et que la personne ne peut pas réparer le système de refroidissement, par exemple. Ce peut être une crevaison ou un bris d’essieu sur un VTT. Une hélice d’un bateau peut heurter un rocher. Ces gens sont en rade à cause de bris mécaniques ou d’une panne d’essence.
Nous nous penchons également sur le raisonnement sous-jacent. C’est étroitement lié à des facteurs socioéconomiques. Les gens n’achètent pas la pièce qu’il leur faut ou n’attendent pas deux mois pour qu’elle arrive du Sud pour réparer leur motoneige. Ils n’ont pas les moyens de payer les centaines de dollars pour la pièce. Ils font preuve d’ingéniosité et ils rafistolent leurs engins eux-mêmes, colmatent les trous dans les pneus ou bricolent un système qui leur permettra de récolter de la nourriture dans l’immédiat. Ce faisant, ils sont plus vulnérables lorsqu’ils sortent sur les terres.
Il y a aussi des cas où nous avons vu d’importantes transitions dans les machines utilisées. Nous sommes passés des traîneaux à chiens aux motoneiges, et personne ne peut réparer les motoneiges munies de puce lorsqu’elles tombent en panne. C’est un sujet qui revient souvent.
Nous sommes passés à des bateaux en bois munis de moteurs de 20 chevaux-puissance à des bateaux dotés de moteurs de 200 chevaux-puissance. On peut se déplacer beaucoup plus rapidement et se rendre beaucoup plus loin; en une demi-heure, on peut être à une distance de 75 kilomètres de la collectivité. La culture de la préparation n’a pas nécessairement suivi le rythme de l’évolution de l’équipement.
Il y a certainement des chasseurs exceptionnels qui apportent ce dont ils ont besoin avec eux, mais il y a aussi des gens qui embarquent sur une motoneige pour aller chasser le caribou à 20 milles de la ville et qui n’apportent pas l’équipement adéquat parce que c’est beaucoup plus cher en essence.
C’est un réseau complexe de nombreux changements sociaux, auxquels s’ajoutent les dangers changeants dans l’environnement. C’est la recette parfaite pour faire doubler les missions de recherche et de sauvetage au Nunavut et dans la région du Nord.
Le sénateur Christmas : Si je comprends bien, quelques-uns des facteurs que vous venez de mentionner font doubler les missions de recherche et de sauvetage dans l’Arctique?
M. Clark : Oui. Nous avons constaté dans un certain nombre de collectivités que ces facteurs font augmenter de plus en plus le nombre de personnes qui doivent avoir recours aux services de recherche et de sauvetage. Il y a certainement aussi l’augmentation de l’utilisation des dispositifs SPOT — balises satellites —, et il y a probablement plus d’appels, tandis que dans le passé, les gens attendaient que quelqu’un trouve la personne sur le sentier ou utilisaient une radio BP ou VHF pour retrouver la personne. On fait de plus en plus appel au système de recherche et de sauvetage officiel. C’est un autre facteur également.
Le sénateur Christmas : Monsieur Byers, l’une de vos remarques m’a beaucoup intrigué, à savoir que nous avons besoin d’un plus grand nombre de brise-glaces bien construits. Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par là? Qu’est-ce qu’un brise-glace bien construit pour l’Arctique?
M. Byers : Je fais référence à l’initiative en cours pour étudier la possibilité de louer des véhicules commerciaux comme solution provisoire afin de pallier la flotte actuelle vieillissante de brise-glaces. Le gouvernement fédéral explore la possibilité de louer des navires qui sont conçus pour soutenir l’industrie pétrolière extracôtière et pour assumer une tâche différente de celle qu’un brise-glace de la Garde côtière assumerait normalement, à savoir briser les glaces pour les navires commerciaux. Les brise-glaces doivent être plus larges que les navires destinés à l’exploitation pétrolière pour qu’un navire de charge puisse passer. Ils doivent avoir la capacité de soutenir la recherche scientifique. Ils doivent pouvoir acheminer des cargaisons aux collectivités du Nord. Ils doivent pouvoir mener des missions de recherche et de sauvetage. Le fait d’avoir des navires qui sont conçus pour assumer une tâche différente n’est pas optimal, à mon avis, et ne tient pas compte de la vision à long terme selon laquelle si on a un navire de la Garde côtière qui est adéquatement construit pour répondre aux normes gouvernementales, on peut s’attendre à pouvoir l’utiliser pendant quatre décennies, contrairement à la solution provisoire d’acheter des navires usagés de l’industrie pétrolière.
Le sénateur Christmas : Qu’en est-il des patrouilleurs arctiques que l’on est en train de construire? Ont-ils la capacité d’effectuer des missions de recherche et de sauvetage également?
M. Byers : N’importe quel navire de la Marine royale canadienne peut mener des activités de recherche et de sauvetage. Ils sont appelés à le faire de temps à autre, selon leur emplacement et l’endroit où l’incident a eu lieu. C’est un navire avec du personnel gouvernemental à son bord. Dans le cas des navires de plus grande taille, y compris les navires de patrouille extracôtiers de l’Arctique, les NPEA, il y aura un hélicoptère à bord. Mais les navires de patrouille extracôtiers de l’Arctique ne sont pas des brise-glaces. Ils ont une capacité limitée de naviguer dans les glaces. Ils peuvent traverser la glace de l’année d’épaisseur atteignant un mètre. N’importe quel capitaine serait réticent à se rendre dans une zone où il y a des glaces de plusieurs années ou des bourguignons — c’est-à-dire, des fragments de glace d’icebergs. Ces fragments sont dangereux même pour les brise-glaces et très dangereux pour un simple navire renforcé pour naviguer dans les glaces. Les NPEA pourront couvrir une plus grande superficie des côtes est et ouest de l’Arctique lorsqu’ils sont déployés là-bas. C’est un point important également, car les NPEA ne desservent pas seulement l’Arctique; ils finissent aussi par remplacer les navires de défense côtière de la classe Kingston. Par conséquent, ils effectueront de nombreuses opérations dans des eaux libres de glace sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique. Comme on n’a que cinq de ces navires, ce n’est pas la solution.
J’aimerais faire une dernière observation sur les NPEA : ils n’ont pas un nouvel hélicoptère maritime à bord. Vous savez que l’Aviation royale canadienne est en train de mettre les Cyclone en opération. Les hélicoptères qui seront généralement déployés sur les NPEA seront beaucoup plus petits, des hélicoptères Bell à court rayon. Encore là, la capacité est quelque peu limitée.
La sénatrice Poirier : Merci à vous deux, messieurs, de vos exposés.
J’ai quelques questions. Des témoins précédents nous ont dit à maintes reprises que les Forces armées canadiennes n’ont aucun aéronef stationné dans l’Arctique et que des entreprises privées locales peuvent fournir du soutien rapide. On fait appel à ces entreprises selon les besoins. Je veux connaître votre opinion. Dans quelle mesure une entreprise privée qui exploite ses activités dans l’Arctique peut-elle contribuer à combler les lacunes au chapitre des capacités de recherche et de sauvetage? Devrions-nous envisager la possibilité de louer des aéronefs et des navires du secteur privé pour combler ces lacunes éventuelles dans les capacités de recherche et de sauvetage? L’un de vous peut répondre, ou les deux.
M. Clark : Je commencerais par dire que ces entreprises sont utilisées comme une ressource étant rapidement disponible. Cependant, si nous parlons de la nécessité de non seulement retrouver une personne, mais de lui fournir des soins médicaux et de la ramener saine et sauve aux centres de soins de santé dans sa collectivité, c’est impossible de le faire avec un aéronef privé. Dans le meilleur des cas, si vous louez un Twin Otter et que vous partez de Resolute Bay pour parcourir Arctic Bay, si vous réussissez à retrouver la personne, vous serez quand même à 100 kilomètres de la collectivité la plus proche. Des gens, des bénévoles, devront se rendre en motoneige ou en bateau pour aller chercher la personne et la ramener saine et sauve ou devront attendre que l’avion lui largue quelque chose pour qu’elle se sorte de cette situation. De plus, la majorité de ces avions n’ont légalement pas le droit de larguer quoi que ce soit. La compagnie d’assurance de Kenn Borek Air ne permet plus aux aéronefs d’atterrir sur la neige ou sur la glace. Ils peuvent seulement le faire sur des tarmacs. Il n’y a donc aucun moyen d’évacuer une personne de la région. Je pense qu’il manque les deux tiers des principaux éléments indispensables dans le cadre de missions de recherche et de sauvetage, soit fournir des soins, s’assurer que la personne est stable et la sortir de cette situation.
C’est certainement utile si vous devez retrouver une personne rapidement, mais un dispositif SPOT ou une balise satellite seraient d’excellents appareils également pour retrouver une personne.
M. Byers : Pour faire suite à ces remarques, je dois dire que M. Clark a tout à fait raison. Les avions privés peuvent jouer un rôle. Ils sont utilisés partout au pays, par exemple, pour soutenir les opérations terrestres de recherche et de sauvetage. Dans certaines situations dans l’Arctique, ces avions pourraient être tout ce dont vous avez besoin. Il y a des hélicoptères dans un certain nombre de collectivités de l’Arctique, et s’ils peuvent atterrir, ils peuvent procéder à une évacuation. Mais ce ne sont pas des hélicoptères maritimes à grand rayon expressément conçus pour la recherche et le sauvetage. Un Cormorant peut transporter jusqu’à 40 personnes. Il est équipé d’un treuil puissant. Il peut évacuer des gens sur le pont d’un navire durant un ouragan. Ce sont des pièces d’équipement très impressionnantes.
Le Canada est en train de faire l’acquisition d’aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe qui, même s’ils ne peuvent pas hisser une personne par câble, peuvent parachuter des techniciens de recherche et de sauvetage sur la glace ou dans l’eau — ce sont des employés courageux et hautement qualifiés qui peuvent prodiguer des soins médicaux essentiels jusqu’à ce que l’hélicoptère arrive pour procéder à l’évacuation.
Pour certains incidents plus mineurs, les avions privés peuvent assumer ce rôle. Mais dans la majorité des cas, ils ne le peuvent pas. Dans les pires scénarios, ceux qui m’inquiètent vraiment, tels que le navire de croisière qui frappe un rocher durant une tempête arctique ou l’atterrissage forcé du Boeing 777 dans le nord de l’île de Baffin, vous avez besoin de ressources plus importantes. Vous avez besoin de gros hélicoptères. Vous devez pouvoir parachuter un grand nombre de techniciens de recherche et de sauvetage pour prodiguer des soins médicaux d’urgence. Nous sommes un pays du G7. Il n’y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas le faire.
La sénatrice Poirier : Parlez-moi des navires de croisière. Si je me rappelle correctement ce que d’autres témoins ont dit à d’autres audiences, le nombre de navires de croisière qui se rendent dans l’Arctique est en hausse. Avez-vous eu une situation où un navire de croisière nécessitait l’intervention de ressources de sauvetage jusqu’à présent? Le cas échéant, comment avez-vous géré la situation? Si une situation de la sorte survenait dans un proche avenir, sommes-nous équipés pour la gérer? Comment procéderions-nous au sauvetage?
M. Byers : En 2011, un petit navire de croisière renforcé pour les glaces, le Clipper Adventurer, a heurté une saillie rocheuse dans le golfe Amundsen. Il naviguait à une vitesse d’environ 12 nœuds dans une zone mal cartographiée. Les quelque 150 passagers à bord ont été incroyablement chanceux. Les eaux étaient calmes. Les conditions météorologiques étaient bonnes. Le brise-glace Amundsen de la Garde côtière canadienne n’était qu’à deux jours de navigation et a pu évacuer tous les passagers. Personne n’a été blessé. Mais c’était un scénario idéal. Comme je l’ai dit, il faisait beau et les eaux étaient calmes. Je suis allé dans le golfe Amundsen pendant une tempête arctique, avec des vagues de 25 pieds de haut. Si cet accident était survenu dans ces conditions, 150 personnes auraient perdu la vie. Nous avons donc été chanceux jusqu’à présent.
Certains de ces navires de croisière sont de plus en plus gros. Le Crystal Serenity a traversé le passage du Nord-Ouest au cours des deux derniers étés avec 1 600 passagers à son bord.
Le nombre de ces navires va augmenter, car les changements climatiques font fondre les glaces, ce qui prolonge la saison et contribue à faire augmenter le nombre d’incidents nécessitant une intervention des services de recherche et de sauvetage, car les glaces de mer sont devenues imprévisibles et les chasseurs inuits tombent à travers la glace plus fréquemment. C’est en partie la raison pour laquelle les besoins en recherche et sauvetage augmentent dans ces populations inuites.
La sénatrice Poirier : D’après vous, quels seraient les défis à court terme auxquels nous serons confrontés et les défis à long terme, et quelle est la solution immédiate?
M. Byers : Je pense que le gouvernement fédéral devrait travailler en partenariat avec les gouvernements territoriaux et fournir un nombre important de balises satellites, offrir de la formation et s’assurer que tous les gens qui vont parcourir le territoire, sur l’eau ou sur la glace, ont l’une de ces balises satellites. Éliminez la recherche. Vous économiserez beaucoup d’argent et sauverez des vies, et c’est une solution relativement peu coûteuse. Déployez des hélicoptères Cormorant dans le centre de l’Arctique durant les mois d’été, durant la saison de pointe.
Ce sont les deux éléments les plus évidents. Nous avons l’équipement. C’est une question de volonté politique. Ce sont des solutions à court terme.
En ce qui concerne les brise-glaces, je ne suis pas contre l’idée de louer des navires provisoirement, mais nous devons signer des contrats pour bâtir de nouveaux brise-glaces. Il n’y a aucun contrat à l’heure actuelle. Même le gros brise-glace polaire qui était censé être construit ici à Vancouver n’a pas encore été assujetti à un contrat; tout cela doit changer.
M. Clark : Je pense que nous avons été extrêmement chanceux jusqu’à présent qu’aucun incident plus sérieux ne soit survenu dans l’Arctique. Nous sommes chanceux que l’armée canadienne ait été à Resolute lors de l’écrasement du Boeing 737 en 2010. Autrement, il y aurait eu beaucoup plus de pertes de vies. Nous avons été extrêmement chanceux que les conditions soient bonnes lorsque le Clipper Adventurer était immobilisé.
Cependant, je pense que nous ne pouvons pas toujours nous fier que la chance sera de notre côté. Des mesures provisoires doivent être prises pour gérer ces incidents plus importants dans l’immédiat. Le ministère de la Santé du Nunavut estime que les soins médicaux ne pourront pas être prodigués immédiatement dans la majorité des collectivités. Il faut un plan pour répondre aux besoins en l’espace de 6 à 12 heures. Dans une journée idéale, sept avions destinés au transport aéromédical sont disponibles au Nunavut, et il n’y a essentiellement aucune capacité d’intervention pour obtenir des ressources médicales en dehors d’Iqaluit et de Rankin Inlet. Il faut l’aide du gouvernement fédéral si les besoins médicaux sont plus importants, car le ratio est de un pour un pour un patient qui nécessite des soins aigus. Lorsque plus de sept personnes ont besoin de soins médicaux importants, l’aide du gouvernement fédéral est requise.
De plus, les ressources comme des avions et des hélicoptères doivent être déployées rapidement. Dans le document que je vous ai fourni, on peut voir que dans le meilleur des cas, il faudrait de six à huit heures pour qu’un C-130 arrive près de Resolute. Pour un hélicoptère, c’est environ une journée. Les pilotes ne peuvent pas dépasser 18 heures de vol, si bien qu’ils ne pourront pas mener des opérations de recherche.
L’avantage d’avoir un aéronef à Yellowknife, à Rankin ou à Cambridge Bay, c’est que nous pourrons plus facilement intervenir.
Comme je l’ai mentionné, les nouveaux C-295 seront plus limités dans ce qu’ils peuvent transporter, les distances qu’ils peuvent parcourir et ce qu’ils peuvent faire en vertu des règlements de sécurité, car ils n’ont que deux moteurs au lieu des cinq dont les C-130 sont dotés.
De plus, il ne faut pas oublier qu’environ 10 p. 100 ou moins des missions de recherche et de sauvetage utilisent les ressources du MDN ou de la Garde côtière. Ce sont principalement des opérations de recherche et de sauvetage au sol. Il est donc essentiel d’offrir et d’améliorer des formations et l’accès à ces ressources communautaires : offrir des formations en secourisme, renforcer les unités auxiliaires de la Garde côtière et veiller à ce que les collectivités disposent de bateaux et de motoneiges qu’elles peuvent utiliser dans les 90 p. 100 des missions de recherche et de sauvetage qu’elles doivent effectuer. Les collectivités m’ont informé qu’elles doivent attendre 12 heures ou plus pour trouver un bateau ou une motoneige avant de pouvoir partir à la recherche d’une personne; c’est inacceptable.
Par ailleurs, la prévention est évidemment importante. Les collectivités ont des radios BP et VHF qu’elles utilisent pour les communications. L’installation de tours situées à des endroits stratégiques pour améliorer la couverture radio serait également une solution aux problèmes liés aux dispositifs SPOT. Ce faisant, les membres de la collectivité pourraient communiquer entre eux.
De plus, les coûts associés à ces dispositifs SPOT et à ces forfaits seraient élevés. Je sais qu’une importante partie du budget de la gestion des urgences au Nunavut sert à payer les forfaits pour ces dispositifs SPOT.
Parmi les autres améliorations importantes que nous pourrions apporter, nous pourrions continuer d’investir dans les bénévoles de l’ACRSA et de travailler avec les Rangers. Nous avons vu l’été dernier les plans d’urgence que nous avons élaborés et l’exercice que nous avons mené à Rankin Inlet, où l’armée a travaillé avec les membres de la collectivité et a fait un exercice de simulation en cas de catastrophe majeure. Il serait important de mener plus d’exercices de la sorte pour les interventions des collectivités au quotidien et d’améliorer les interventions en cas de catastrophe majeure.
La sénatrice Ringuette : Votre dernière observation m’amène naturellement à ma question. Il y a un certain nombre de semaines, un violent séisme sur la côte de la Colombie-Britannique a donné lieu à un avertissement de tsunami pour l’Arctique. À quel point y était-on préparé? En effet, la perspective d’un tsunami exige la préparation immédiate des collectivités. Vu les lacunes que vous avez énumérées, comment, en cas de menace simultanée pour une centaine d’entre elles, pourrions-nous réagir? Comment pourrions-nous les aider à s’y préparer?
M. Clark : Quelques mesures sont possibles. Je pense qu’un important exercice de réflexion doit porter, dans la collectivité, sur la nécessité de limiter la durée de sa réaction à un maximum de 12 heures et d’être en mesure d’intervenir pendant ce temps. Comme je l’ai dit, j’ai visité de nombreux endroits où les responsables de la gestion des urgences et les fonctionnaires locaux ne pouvaient pas trouver le plan de gestion des urgences, qui était égaré. Une si mauvaise préparation amplifiera le risque et les dommages, peu importe lesquels, qui s’ensuivront pour les membres de la collectivité.
Il ne faut pas oublier les actifs essentiels qui se trouvent dans chaque communauté — centrale diesel, piste de décollage et d’atterrissage. Si l’un deux ou les deux sont mis hors d’état de fonctionner, particulièrement au milieu de l’hiver, on se trouve vraiment dans de mauvais draps.
À Pangnirtung, c’est arrivé à la centrale, au milieu de l’hiver, donc pendant la nuit polaire. Comment envoyer une équipe de techniciens par avion pour la réparer quand la piste d’atterrissage n’est pas éclairée? On a pensé à se servir de l’éclairage fourni par les phares de motoneiges stationnées le long de la piste.
Les difficultés exigent d’importants investissements collectifs et la reconnaissance de la nécessité d’une capacité locale.
De façon plus générale, il faudrait aussi assurer une éventuelle capacité fédérale de réaction à ces besoins. L’Aviation royale du Canada pourrait envoyer un C-17 chargé de modules d’approvisionnement largables dans les communautés touchées par un incident majeur. Il serait, de plus, utile de disposer d’hélicoptères ou d’actifs à Yellowknife ou à Cambridge Bay ou, encore, de gros navires dans la région, mais je pense que la collaboration à ces deux niveaux est vraiment indispensable.
M. Byers : Si vous permettez une petite précision sur le tsunami. Celui d’il y a quelques semaines a frappé la côte ouest de l’Alaska, et les avis de tsunami étaient destinés aux collectivités qui s’égrenaient jusque sur la côte ouest de l’île de Vancouver. Vancouver elle-même et des localités comme Nanaimo n’ont pas lancé d’avis, parce qu’elles étaient protégées par l’île de Vancouver contre tout tsunami qui serait venu du Pacifique.
Je le dis, parce que, dans l’Arctique canadien, on dénombre de grandes îles — 19 000 en fait, dans l’Extrême-Arctique, dont deux sont plus étendues que le Royaume-Uni. Un tsunami ne menacerait donc pas plus de deux ou trois localités, selon l’épicentre du séisme et les localités exposées. Nous ne parlerions pas des 28 communautés du Nunavut, par exemple. En fait, j’ai peine à concevoir une catastrophe qui frapperait la majorité d’entre elles en même temps.
Il faut aussi se rappeler que les habitants sont très résilients. Ils peuvent endurer des situations extrêmes beaucoup mieux que la plupart d’entre nous, en grande partie grâce à leurs savoirs traditionnels. Mais je crains de plus en plus la perspective d’un gros accident qui toucherait des centaines ou des milliers de personnes.
Le passage du Nord-Ouest s’ouvre, et de plus en plus de gros navires traverseront la région. Le tourisme augmentera. Nous verrons même plus de gros avions survoler l’Arctique le long de lignes intercontinentales.
On combine donc deux tâches tout à fait différentes. Le sauvetage d’habitants de la localité partis en expédition de chasse sur la terre ferme, seuls ou en petits groupes, c’est un défi évident; l’autre est la suite d’un gros accident qui expose aux éléments des centaines ou des milliers de personnes ne possédant pas de connaissances traditionnelles ou, si ce sont des touristes, de personnes plutôt très âgées, comme la plupart des croisiéristes, d’un âge où elles ne pourront pas facilement prendre soin d’elles-mêmes, dans l’eau ou à terre.
La sénatrice Hartling : Merci beaucoup pour votre exposé très intéressant. J’ai le mot prévention constamment à l’esprit. Souvent, après une catastrophe, nous essayons de comprendre les précautions que nous aurions dû prendre. Merci de nous le rappeler sans cesse.
Je me posais des questions sur les balises satellitaires. Combien coûteraient-elles?
M. Byers : Moins de 500 $ chacune, une fraction du coût d’une motoneige neuve et probablement moins de 1 p. 100 de celui de l’envoi d’un Hercules de recherche pour survoler la région pendant trois jours. Il faut concilier tous ces impératifs. Des pièces d’équipement peuvent être vraiment pénalisantes pour les habitants du Nord, dont beaucoup sont loin d’être riches, mais ce serait l’investissement qui ferait économiser le plus à l’État fédéral.
La sénatrice Hartling : Dans certains cas, je sais, nous donnons de l’argent aux gens pour qu’ils améliorent leur maison sur le plan énergétique ou quelque chose comme cela. Peut-être y aurait-il des encouragements à donner pour obtenir ces dispositifs, parce que, en bout de compte, les économies seraient énormes.
Parmi les groupes dans les communautés dont vous avez parlé, y en a-t-il qui préconisent l’adoption de meilleurs équipements et de meilleures mesures de sécurité?
M. Clark : Je pense que le principal groupe qui les préconise, particulièrement pour réagir aux incidents dans la communauté et comme mesure de sécurité pour les chasseurs de subsistance, serait celui des organisations de chasseurs et de piégeurs présentes dans presque toutes les communautés. La plupart, dans le Nunavut du moins, à ce que je sache, soit les organisations de chasseurs et de piégeurs ou la communauté, prêtent déjà des dispositifs SPOT. La plupart des communautés, à ce que je sache, disposent d’une vingtaine de ces dispositifs.
À ma connaissance, les services d’urgence du Nunavut paient ces appareils. Je pense que le principal poste de dépenses, actuellement, est le coût d’abonnement au service par satellite, qui pourrait atteindre 150 000 $ par année. Ces organisations sont sans conteste le trait d’union entre beaucoup de programmes de santé publique et le bureau de gestion des urgences du Nunavut, ce qui donne aux chasseurs de subsistance l’accès à des dispositifs SPOT et à des vêtements de flottaison.
La sénatrice Hartling : C’est comme si vous nous demandiez, à nous, un comité sénatorial, de bien vouloir inclure une partie de ces renseignements dans notre rapport, pour assurer la prise de mesures de prévention et la modernisation de l’équipement, immédiatement, avant un accident. Avez-vous d’autres messages, d’autres observations?
M. Byers : Quelques mots sur l’égalité de traitement de tous les Canadiens. La recherche et le sauvetage sont un service essentiel auquel s’attend le citoyen, et il est sûr que, dans le Sud, nous bénéficions d’une assez bonne protection. Manifestement, il est plus coûteux d’en assurer un de qualité dans les régions éloignées, mais je pense que c’est une question d’égalité.
L’État fédéral subventionne essentiellement de nombreux services dans les communautés éloignées, en invoquant le respect d’une norme minimale, et il faut simplement traiter les services de recherche et de sauvetage sur le même pied. C’est la raison pour laquelle il faut que séjourne pendant les mois d’été, dans l’Arctique, un hélicoptère Cormorant de recherche et de sauvetage en mer.
Au fond, c’est une question d’égalité. Je crois que personne à Terre-Neuve-et-Labrador ou en Colombie-Britannique n’accepterait qu’il faille une ou même deux journées à un gros hélicoptère jaune pour arriver sur les lieux du naufrage de son bateau, pendant une tempête hivernale. Nous nous attendons à recevoir ce secours. Accordons-le donc aussi à l’Arctique.
La sénatrice Hartling : Très juste. Merci.
Autre chose?
M. Clark : Je crois aussi que c’est une question d’égalité sur le plan des soins de santé ou de la santé publique. De même, nous ne nous attendrions pas, dans le Sud, à ce que des particuliers se servent de leurs propres motoneiges de 20 000 $ pour secourir sur la glace un motoneigiste dont le véhicule se serait enfoncé dans l’eau, s’ils n’avaient pas la possibilité d’être indemnisés pour la perte de leurs véhicules. Nous ne nous attendrions pas à devoir attendre d’être secourus alors que nous éprouvons de grandes souffrances par un bénévole de la communauté sans expérience médicale.
Il y a donc urgence. Il est sûr que, dans la perspective d’une augmentation de la circulation par le passage du Nord-Ouest, nous devons songer à l’impact que subiront les communautés en cas d’accident. Comme Michael l’a dit relativement au Crystal Serenity, l’âge moyen des passagers était de plus de 70 ans. L’évacuation de 1 000 personnes de Pond Inlet, par exemple, pourrait prendre une semaine, compte tenu uniquement du nombre d’avions à mobiliser, et, ensuite, la ville serait vide de nourriture ou de carburant pendant un an. Nous devons planifier une ligne de conduite pour épargner aux communautés l’impact d’une telle catastrophe majeure.
Le président : Seulement pour relativiser le coût des balises personnelles. M. Byers l’a chiffré à moins de 500 $ chacune. D’après les renseignements que nous avons reçus aujourd’hui, une heure de vol d’un CC-130 coûte 30 792 $. Voilà.
Une question, si vous permettez. Je vous entends bien. Je suis de Terre-Neuve-et-Labrador, et, d’après les statistiques que nous voyons, la fourchette du temps de réponse à un accident dans le Nord est, peu importe l’endroit, de 10 à 36 heures — à partir de l’emplacement actuel des actifs au Canada — 10 à 36 heures. Quand on chavire dans l’Arctique, une heure et demie d’attente, c’est excessivement long. Que dire d’une journée et demie? Dans certains cas, une minute et demie risque d’être excessif.
Je remarque que, en 2014, 543 incidents nécessitant recherche et sauvetage sont survenus au nord du 55e parallèle. Ensuite, on ne sait plus rien. Cela me préoccupe, parce que, quand on plaide pour améliorer un service, mettre en place des actifs, donner de la formation et ainsi de suite, la plupart du temps, on s’appuie sur des statistiques. Le Secrétariat national de recherche et sauvetage n’a pas été actualisé depuis 2014, et, à notre connaissance, personne, actuellement, ne rassemble de renseignements sur le nombre de ces incidents, à toutes les échelles, dans les territoires, à la GRC, au centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage et à la Garde côtière. Voulez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s’il vous plaît?
M. Clark : À ma connaissance, le Secrétariat national de recherche et sauvetage, qui relève maintenant de Sécurité publique, a mis sur pied le système de gestion des connaissances où on rassemblait les données fournies par ces différents joueurs. Je pense qu’il obtenait celles qui portaient sur tous les appels du centre conjoint, ce qui serait de la Garde côtière et de l’Aviation royale du Canada, ainsi que celles de tous les territoires et de la GRC. Il les rassemblait pour dresser un tableau général de ce qui se passait dans l’Arctique.
D’après ce que j’ai compris, il y a quelques mois encore, l’actualisation s’arrêtait à 2014. À ma connaissance, on avait cessé le rassemblement des données. Les données des territoires présenteraient des difficultés. Le centre conjoint est entré dans l’ère électronique, mais la plupart des territoires et d’autres régions de l’Inuit Nunangat en seraient encore au support papier. C’est la difficulté et, visiblement, cette profonde lacune est attribuable à l’ignorance de ce qui se passe.
Le président : D’après des témoignages que nous avons entendus, nous croyons tous que l’activité dans le Nord a augmenté, comme je l’ai dit, et que le changement climatique et d’autres phénomènes surviennent, ce qui amène les gens à s’éloigner davantage des rivages que par le passé. Je crois donc vraiment que la collecte de ce genre de renseignements est essentielle au travail que nous essayons de faire et essentielle, d’ailleurs, à l’ensemble du pays pour dissiper les craintes.
Qu’en pensez-vous, monsieur Byers?
M. Byers : Je me contenterai de dire que, d’après moi, l’État fédéral justifie, d’après ce genre de statistiques, son refus de désormais déployer un hélicoptère dans l’Arctique. Il prétend que, en fait, le nombre annuel réel de demandes d’intervention est si faible, par rapport au Sud, que cela ne justifie tout simplement pas la présence d’un appareil coûteux et de tout le personnel et le matériel nécessaire pour le baser à un endroit comme Rankin Inlet.
Il a raison en ce qui concerne les statistiques. Nous n’avons pas sous les yeux de chiffres sérieux, mais je pense seulement aux milliers d’incidents nécessitant recherche et sauvetage qui surviennent ici, dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, sur la côte, chaque année, uniquement à cause de l’importance de la circulation, notamment de milliers d’embarcations de plaisance toutes les fins de semaine. Ici, c’est très fréquenté.
Ce n’est rien par rapport à l’Arctique. L’Arctique est immense. La population est très dispersée. Seulement 110 000 habitants dans les trois territoires. Les statistiques autorisent le gouvernement à prétendre que la fréquence est trop faible.
Il faut raisonner autrement. Il faut s’accrocher à la qualité égale de la prestation d’un service essentiel. Effectivement, cela coûte plus cher par personne secourue, mais ce Canadien mérite une bonne protection, peu importe l’endroit où il habite.
Le président : Je suis plutôt d’accord. Sachant qu’il faudra attendre l’hélicoptère pendant 16 à 18 heures, peut-être qu’on ne se donnera même pas la peine de l’appeler.
Revenons, si c’est possible, à la capacité des communautés. Je sais que, dans d’autres parties du Canada que nous avons visitées et chez moi, à Terre-Neuve-et-Labrador, les possibilités de formation, sans être de 100 p. 100, sont sûrement constantes, particulièrement pour les bénévoles en recherche et sauvetage, comme les pêcheurs locaux.
Cependant, dans le Nord, il n’y a presque pas de formation pour ces bénévoles ou pour les responsables de la gestion communautaire des urgences, à qui on exige la prise en charge instantanée de la gestion ou du commandement. Pouvez-vous en dire un peu plus à ce sujet? D’après les témoignages entendus dans les endroits que nous avons visités, nous avons constaté l’apport positif des bénévoles pour la recherche et le sauvetage au Canada. Parmi toutes les idées pour améliorer nos efforts de recherche et de sauvetage dans le Nord, je suis sûr que ce sera l’une de celles que nous examinerons, c’est-à-dire la formation et la sensibilisation des éventuels bénévoles.
M. Clark : Absolument. D’après ce que j’ai observé, le temps que consacrent certains habitants de communautés du Nord, particulièrement, à la recherche de personnes, en risquant leur vie et en s’exposant particulièrement à un stress émotif quand c’est soit un membre de la famille ou un ami est incroyable, et beaucoup de ces communautés comptent moins de 1 500 âmes. Mais je pense que cela nous ramène à l’une des difficultés, le taux vraiment élevé d’épuisement et de roulement qui fait que, dans ces communautés, il est tout à fait inhabituel de voir, dans la même année, la même personne diriger le groupe de recherche et de sauvetage, simplement à cause du taux élevé de roulement et du stress émotif qui accompagne cette tâche.
L’accès à la formation est aussi limité. On offre parfois des cours de RCR ou de secourisme, auxquels assistent les gens ayant besoin d’une certification pour occuper un poste au gouvernement ou un autre emploi en ville. Les volontaires en recherche et sauvetage suivent aussi ces formations, mais il n’y a pas vraiment de liens avec d’autres ressources de recherche et sauvetage ni de notions sur les systèmes de gestion des urgences.
Les connaissances sont là, sans contredit, et il y a, bien sûr, une pratique constante en vue de bien maîtriser le territoire, la navigation terrestre et le savoir traditionnel, mais pour ce qui est des opérations de recherche et sauvetage et des incidents maritimes, la pratique et la formation continue ne font pas partie de l’équation.
De plus, comme je l’indiquais, l’épuisement des sauveteurs est un facteur aggravant. L’incidence de la contrebande d’alcool et d’autres substances illicites est à la hausse, notamment dans les collectivités à proximité de Churchill ou d’autres villes où on trouve de l’alcool. Émotionnellement, c’est un fardeau lourd à porter pour les sauveteurs, qui craignent une confrontation avec les contrebandiers sur le terrain, ne sachant pas non plus quelle sera la dynamique avec les agents de la GRC dans une telle situation.
Les volontaires ne sont pas du tout formés pour interagir avec des individus violents. Ils ne savent pas non plus quelles sont les attentes de la GRC à leur égard : que faire lors d’une arrestation ou lorsque les fautifs réintègrent la collectivité? Ils savent que telle ou telle chose est arrivée, mais sous la menace, ils n’osent pas le signaler à la GRC. Et de son côté, la GRC veut savoir. Les volontaires se retrouvent ainsi coincés entre l’arbre et l’écorce. Sans formation ni protocole officiel, que peuvent-ils faire? Vous comprendrez donc que c’est une situation difficile émotionnellement et que cela ajoute aux pressions exercées sur le système.
Le président : Merci, monsieur Clark.
Le sénateur Christmas : Compte tenu des longs délais d’intervention dans l’Arctique et des coûts élevés associés au déploiement des équipes de recherche et sauvetage dans le Nord, pourquoi n’avons-nous pas formé et équipé les Rangers canadiens pour qu’ils puissent mener des opérations de recherche et sauvetage en mer?
M. Clark : Je ne suis pas certain de bien pouvoir répondre à la question. Je sais que parmi les volontaires en recherche et sauvetage au sol, il y a des Rangers, des membres de la Garde côtière canadienne, des membres de l’ACRSA et des pompiers locaux. Ce sont des gens tout à fait qualifiés, et c’est un gros vide à remplir quand on en perd un. Le déploiement des Rangers pose aussi quelques problèmes. Si j’ai bien compris, les procédures varient beaucoup depuis une dizaine d’années, selon les personnes responsables à Yellowknife. Il arrive que des Rangers soient déployés et rémunérés pour des opérations de recherche et sauvetage.
Malheureusement, quand les volontaires apprennent que les Rangers sont payés pour faire ce qu’eux font bénévolement, ils abandonnent. Quelqu’un qui a du mal à payer ses factures d’épicerie n’a pas envie d’aller risquer sa vie bénévolement sachant que son ami Ranger, lui, est payé pour le faire. Il y a des choses à régler de ce côté, et nous avons besoin de politiques uniformes. Mais j’imagine qu’élargir le rôle des Rangers pourrait consolider la résilience et la capacité d’intervention des collectivités.
Le sénateur Christmas : Je comprends que les Rangers ne sont pas formés pour les opérations de recherche et sauvetage en mer. Compte tenu des conditions que vous avez décrites tous les deux ici ce soir, j’essaie de comprendre pourquoi les ressources locales ne sont ni formées ni équipées pour les opérations de recherche et sauvetage en mer. C’est ce que je cherche à savoir, en fin de compte.
M. Clark : Je crois que cela pourrait aider, mais je ne saurais vous dire pourquoi cela n’a pas déjà été fait.
M. Byers : Un nouveau projet est mis en place à Rankin Inlet en collaboration avec la Garde côtière. Elle fournira un canot pneumatique à coque rigide à la collectivité, ainsi que du personnel qualifié pendant la première année pour former des intervenants locaux sur l’utilisation de cette petite embarcation, qui peut s’avérer assez utile. Le gouvernement en place a au moins le mérite d’avoir lancé ce projet pilote, mais je crois qu’il y a plus à faire encore.
Comme je l’indiquais dans l’introduction, la Garde côtière a une embarcation tout à fait adéquate à 500 mètres de chez moi, ainsi qu’un équipage professionnel pour l’opérer. Rankin Inlet disposera maintenant de quelque chose de semblable, mais qu’en est-il de Cambridge Bay? Il y a d’autres endroits à couvrir.
L’autre chose à souligner dans ce contexte — et les collectivités concernées le savent, mais beaucoup de Canadiens l’ignorent —, c’est que l’Arctique est si vaste que les différentes collectivités sont très éloignées les unes des autres. Beaucoup d’endroits sont hors de portée pour le personnel local, que ce soit à l’aide d’une petite embarcation ou d’une motoneige. Il est possible de bien couvrir un rayon de 100 à 200 kilomètres d’une localité, mais il y a beaucoup de grands espaces laissés pour compte entre les deux. Et c’est là que se rendent les aventuriers, les touristes et les navires de croisière, ou que se produisent les écrasements d’avion.
Les Rangers sont importants, oui; de même que les volontaires locaux et les gens formés par la Garde côtière dans ces collectivités. Tout cela compte, mais cela ne remplace pas l’équipement de pointe et d’envergure opéré par le personnel compétent de la Garde côtière et des Forces canadiennes.
Le président : Je vous remercie. Merci aux témoins de leur présence ce soir. C’est l’occasion parfaite de discuter d’une région du pays dont on a peu parlé jusqu’ici. Nous aimerions certainement pouvoir visiter le Nord et voir en personne ce dont vous nous avez parlé aujourd’hui. Les renseignements qui nous ont été donnés nous seront très utiles dans la préparation de notre rapport et de nos recommandations.
Je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de vous joindre à nous ce soir. Ce fut très instructif.
(La séance est levée.)