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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 35 - Témoignages du 22 novembre 2018


OTTAWA, le jeudi 22 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 8 h 18, pour étudier les questions ayant trait au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je m’appelle Fabian Manning; je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis heureux de présider la réunion de ce matin. Avant de céder la parole à nos témoins, j’invite nos sénateurs à se présenter.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Je suis Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Hartling : Je m’appelle Nancy Hartling, et je suis du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Gold : Bonjour. Je suis Marc Gold, du Québec.

[Traduction]

Le président : Merci, honorables sénateurs.

Les délibérations du comité porteront aujourd’hui sur le rapport du Bureau du vérificateur général du Canada sur l’élevage de saumon, qui a été publié au printemps dernier. Pour le premier groupe de témoins, nous sommes ravis d’accueillir des représentantes du Bureau du vérificateur général du Canada; je les invite à se présenter.

[Français]

Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Je m’appelle Julie Gelfand. Je suis commissaire à l’environnement et au développement durable.

[Traduction]

Sharon Clark, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Je m’appelle Sharon Clark. Je suis au Bureau du vérificateur général du Canada, et je travaille avec Julie Gelfand à l’audit sur l’élevage du saumon.

Le président : Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence aujourd’hui.

[Français]

Mme Gelfand : Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour discuter de mon rapport du printemps 2018 sur l’élevage du saumon et d’autres récents rapports qui se rapportent aux pêches. Je suis accompagnée de Sharon Clark, la directrice principale chargée de plusieurs de ces audits.

Dans notre audit sur l’élevage du saumon, nous avons examiné si Pêches et Océans Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments avaient surveillé l’élevage du saumon de manière à protéger le poisson sauvage. Cette industrie pose en effet des risques pour le poisson sauvage, notamment en l’exposant à des maladies, à des médicaments et à des pesticides. Nous avons examiné comment les risques étaient gérés en Colombie-Britannique et dans les provinces atlantiques, en particulier au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Nous avons constaté que Pêches et Océans Canada avait mené des recherches sur plusieurs de ces risques. Nous avons aussi constaté que le ministère avait déterminé les lieux où on pouvait installer ou agrandir les élevages de saumon, ainsi que les conditions d’exploitation des élevages.

Cependant, nous avons constaté que le ministère ne surveillait pas la santé du poisson sauvage. En réponse au rapport de la Commission Cohen, le ministère s’était engagé à effectuer 10 évaluations des risques liés aux grandes maladies connues et de leurs effets sur les poissons sauvages. Par contre, nous avons constaté qu’il n’avait effectué qu’une seule de ces évaluations des risques. Le ministère a annoncé récemment le lancement d’une deuxième évaluation des risques, qui vise le risque de transfert du réovirus pisciaire du saumon d’élevage de l’Atlantique. Toutefois, ni l’une ni l’autre de ces évaluations ne porte sur les risques liés aux maladies nouvelles et émergentes.

[Traduction]

À notre avis, les lacunes que nous avons constatées dans l’évaluation et la surveillance indiquaient que le ministère ne connaissait pas les effets de l’élevage du saumon sur la santé du poisson sauvage, ce qui va à l’encontre de l’approche de précaution. Nous avons aussi constaté que Pêches et Océans Canada n’avait pas fait respecter adéquatement la réglementation sur l’élevage du saumon. Or, il est important de faire respecter cette réglementation puisqu’elle vise à protéger les poissons sauvages.

De même, le ministère n’a pas défini de limites pour la quantité de médicaments et de pesticides que les fermes aquacoles peuvent utiliser pour traiter les maladies et les parasites. Or, il est important de fixer des limites puisque les médicaments et les pesticides utilisés dans l’élevage du saumon peuvent nuire au poisson sauvage, surtout aux poissons vivant dans les fonds marins. Le ministère n’a pas non plus défini de norme nationale pour les filets et les autres éléments d’équipement afin d’empêcher les évasions de poissons d’élevage. Ces constatations nous ont amenés à conclure que Pêches et Océans Canada n’avait pas géré les risques posés par l’élevage du saumon de manière à protéger le poisson sauvage. Nous avons notamment recommandé au ministère de préciser le niveau de risque pour le poisson sauvage qu’il accepte lorsqu’il facilite le développement de l’élevage du saumon.

Nous avons aussi recommandé au ministère de fixer des seuils à respecter pour les médicaments et les pesticides immergés ou rejetés dans les parcs en filet afin de réduire plus efficacement le danger pour le poisson sauvage.

À l’automne 2016, j’ai présenté au Parlement un rapport d’audit sur la durabilité des principaux stocks de poissons au Canada. Nous avons constaté que pour 12 des 15 principaux stocks de poissons qui se trouvaient dans la zone critique et qui étaient toujours pêchés le ministère n’avait pas de plans de rétablissement, notamment pour certains stocks de morue, de maquereau, de hareng et de pétoncle. Continuer de pêcher des poissons dans la zone critique sans prévoir de plans de rétablissement accroît le risque d’effondrement des stocks.

Nous avons constaté que Pêches et Océans Canada n’avait pas de plans de gestion intégrée des pêches assortis d’information actualisée sur les stocks pour près de 30 p. 100 des principaux stocks de poissons du Canada, y compris ceux ayant la plus grande valeur économique. Le ministère a indiqué que plus de 50 p. 100 des stocks n’avaient pas tous les points de référence permettant de les classer selon le Cadre de l’approche de précaution. Ces points de référence servent à classer les principaux stocks de poissons dans la zone saine, la zone de prudence ou la zone critique. Cela signifiait que le ministère était moins certain de la santé de ces stocks. En outre, le ministère a placé la santé de 16 p. 100 des stocks dans la catégorie « inconnu ». Sans cette information, Pêches et Océans Canada ne peut pas garantir que les pêches sont gérées de manière durable au profit des générations présentes et futures.

Nous avons aussi présenté au Parlement en octobre de cette année un rapport sur la protection des mammifères marins. Nous avons constaté que ce n’est qu’après que 12 baleines noires de l’Atlantique Nord, soit une espèce en voie de disparition, ont été trouvées mortes dans l’estuaire du Saint-Laurent que Pêches et Océans Canada et d’autres organisations fédérales ont commencé à coopérer pour protéger certains de nos mammifères marins. Des pêches ont été fermées, et la vitesse des bateaux a été réduite dans certaines zones.

[Français]

Nous avons aussi constaté que le gouvernement n’utilisait pas de manière adéquate les autres outils à sa disposition pour protéger la plupart de nos mammifères marins, tels que la Loi sur les espèces en péril, les zones de protection marine et la Politique sur la gestion des prises accessoires.

Nous nous pencherons davantage sur les pêches dans mes rapports du printemps 2019, qui comprendront un rapport sur les espèces aquatiques envahissantes.

Je conclus ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureuses de répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Merci de votre exposé. J’ai une question. D’après les rapports que vous avez déjà publiés, comme celui à l’automne 2016 et les autres, vous avez soulevé certaines inquiétudes et vous avez repéré des lacunes dans le système. Je suis curieux d’entendre les commentaires que vous avez reçus. Avez-vous vu des mesures être prises pour donner suite aux recommandations que vous avez formulées? Quelles sont les réponses que vous avez reçues du ministère?

Mme Gelfand : Nous réalisons ce que nous appelons des audits de suivi où nous réalisons un suivi pour déterminer si le ministère a mis en œuvre nos recommandations. C’est en fait le rôle des parlementaires d’assurer un suivi auprès du ministère pour déterminer si le ministère a donné suite à nos recommandations. Mes rapports sont transmis au Comité de l’environnement et du développement durable. Les rapports du vérificateur général sont transmis au comité des comptes publics, et ce comité exige un plan d’action; il demande que des rapports soient présentés concernant tous les audits du vérificateur général. Toutefois, pour ce qui est des rapports de la commissaire, étant donné qu’ils sont transmis à un autre comité, il n’y a pas le même degré de contrôle, à moins que le comité en fasse la demande.

Bref, je ne sais pas exactement ce que le ministère a fait comme suivi en la matière. Je peux vous dire que le ministère a accepté toutes nos recommandations et qu’il a indiqué à de nombreuses reprises le moment où ce serait fait. Cependant, il incombe au comité des pêches de faire le suivi. C’est à vous de le faire ou c’est à nous de le faire lors du prochain audit du ministère.

Mme Clark : Je suis du même avis. Les réponses du ministère se trouvent dans le rapport. Qui plus est, le ministère doit préparer un plan d’action pour expliquer ce qu’il souhaite faire et le moment où il compte le faire. En ce qui a trait à l’élevage du saumon, les réponses étaient assez détaillées, et le ministère a fourni des dates. Vous pouvez lire les réponses pour prendre connaissance de ce que le ministère s’est engagé à faire.

Mme Gelfand : Comparativement à de nombreux autres ministères que nous auditons, le ministère des Pêches et des Océans fournit les réponses les plus détaillées et il donne souvent des dates. Bon nombre de ministères mentionnent tout simplement qu’ils le feront, mais ils ne nous disent jamais quand ce sera fait. Je tenais simplement à féliciter le ministère pour cela. Dans la majorité des cas, il réussit à bien nous expliquer quand il prévoit que ce sera fait.

Le sénateur Gold : Merci de votre présence ici. À la page 2 de votre rapport, vous parlez de l’utilisation de systèmes d’élevage en parc clos sur la terre ferme qui sont conçus pour réduire le risque de transfert d’agents pathogènes entre les poissons et l’environnement externe. Vous mentionnez aussi que la mise en place de ces systèmes est coûteuse. Je ne suis pas certain si vous recommandez ou non ces systèmes. Pouvez-vous nous expliquer davantage ce que vous en pensez et votre recommandation quant à leur utilisation?

Mme Gelfand : Nous n’avons pas en fait comparé les parcs en filet aux parcs clos. Nous avons simplement indiqué qu’il s’agit d’une nouvelle technologie et que certains en parlent de plus en plus. Cette technologie sera peut-être adoptée. Nous examinions précisément l’incidence des activités actuelles sur la santé du poisson sauvage et nous avons vérifié si la manière dont le gouvernement gérait l’aquaculture permettait de protéger la santé du poisson sauvage. Bref, nous ne sommes pas des experts en mesure de comparer les parcs en filet aux parcs clos. Nous avons simplement indiqué que les parcs clos sont une technologie en essor. Nous nous en servons au moins au début pour élever le poisson lorsqu’il est petit. Certains pays se tournent beaucoup plus vers cette technologie, mais nous ne disons pas que cette technologie est meilleure ou pire, parce que les conséquences sont différentes. Les parcs clos consomment beaucoup plus d’énergie, mais les répercussions sur le poisson sauvage et les écosystèmes seraient moindres avec de tels systèmes.

Le sénateur Gold : Cela se veut une entrée en matière pour ma deuxième question.

Mme Gelfand : Pour votre véritable question.

Le sénateur Gold : Tout comme votre audit, cela concerne la gestion du risque de propagation de maladies d’un environnement à l’autre. À la page 8 de votre rapport, vous mentionnez au paragraphe 1.29 que le ministère et l’agence ont mis en place des mesures pour « atténuer la propagation de maladies infectieuses et de parasites à partir de saumon d’élevage », mais vous ajoutez qu’il « manquait des éléments clés ». Pouvez-vous nous expliquer les mesures qui étaient en place et les mesures qu’il manque, selon vous?

Mme Gelfand : Oui. Je vais vous répondre en premier, puis je vais céder la parole à Sharon.

Il y a certaines choses importantes et des lacunes que je peux vous mentionner. Le ministère était censé avoir réalisé l’évaluation de 10 maladies connues. Il n’en avait effectué qu’une. Il est censé terminer les neuf autres d’ici 2020. De notre point de vue, cela représente une certaine lacune, et il ne reste pas beaucoup de temps au ministère pour le faire.

L’approche d’audit, soit la manière dont il s’y prend pour réaliser ses audits, était désuète, et elle n’a pas été mise à jour depuis 2006. C’était donc aussi une lacune, selon nous.

Je cède la parole à Sharon.

Mme Clark : Je vais moi aussi vous donner des détails sur certaines lacunes.

Le ministère impose des conditions concernant le lieu et l’expansion des piscicultures; cela permet donc en soi de commencer à surveiller les conséquences sur le poisson sauvage. Les gens ne peuvent pas installer une pisciculture n’importe où. Il y a certaines conditions concernant l’endroit où vous pouvez en créer une et où vous pouvez l’agrandir.

Les activités des fermes salmonicoles sont aussi encadrées. Les exploitants doivent respecter les exigences de l’Agence canadienne d’inspection des aliments concernant le transport du poisson. Comme Julie l’a mentionné, les poissons sont élevés au début dans des écloseries en parcs clos, puis ils sont transportés dans des parcs en filet dans l’océan. Ce transport est encadré par l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Il y a certains contrôles en place. Ce que nous faisions valoir, c’est qu’il manque certaines choses. Comme Julie l’a mentionné, les programmes d’audit de la santé du poisson du ministère des Pêches et des Océans ne sont pas à jour. Bref, les responsables n’examinent pas certains éléments clés qu’ils devraient examiner lorsqu’ils réalisent leurs audits. Ils n’ont pas de processus pour détecter les maladies nouvelles et émergentes. Nous savons que le ministère commence à régler certains de ces problèmes. Il commence à adopter un nouvel audit sur la santé du poisson vers la fin des audits. Il commence donc à s’attaquer à certaines de ces choses.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

Le sénateur Christmas : Merci d’être là. Merci de votre rapport. Je remarque au haut de la page 17 de votre rapport que vous affirmez que « 40 000 saumons d’élevage se seraient échappés dans les provinces de l’Atlantique ». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi un aussi grand nombre de saumons se seraient échappés?

Mme Gelfand : Il n’y a aucune norme nationale concernant le système d’ancrage et tout le système de soutien des filets. Le gouvernement fédéral s’occupe en grande partie de l’aquaculture en Colombie-Britannique, mais ce sont en fait les provinces qui s’en occupent dans les provinces de l’Atlantique. Sur la côte Est, les exploitants n’ont pas nécessairement besoin de respecter les mêmes normes que leurs homologues de la côte Ouest. Nous avons recommandé au ministère d’entreprendre des discussions avec ses homologues de ces provinces pour commencer à voir si elles pourraient adopter des normes plus rigoureuses concernant l’ancrage et les systèmes de soutien des filets.

Le sénateur Christmas : Je crois comprendre qu’en Colombie-Britannique il y a très peu de poissons qui s’échappent. Êtes-vous capables d’établir un lien entre cela et la présence d’une norme en Colombie-Britannique?

Mme Gelfand : Oui. Tout à fait. Je dirais que la norme est plus rigoureuse sur la côte Ouest que sur la côte Est.

Mme Clark : Cela dépend aussi de l’endroit où les parcs en filet sont situés. En Colombie-Britannique, ils se trouvent dans bien des cas dans des eaux plus calmes entre l’île de Vancouver et le continent, alors que dans certains cas, sur la côte Est, les conditions météorologiques peuvent être un facteur. De grandes vagues peuvent briser les filets et d’autres éléments d’équipement, et des poissons peuvent s’échapper des parcs.

Le sénateur Christmas : Réalisons-nous des progrès en vue d’élaborer une norme nationale qui s’appliquerait sur les deux côtes?

Mme Gelfand : Je crois que ce serait préférable de demander au ministère s’il a commencé à mettre en œuvre cette recommandation.

Le sénateur Christmas : Si des normes nationales sont élaborées, selon vous, quels devraient en être les principaux éléments? Vous avez mentionné l’ancrage.

Mme Gelfand : L’ancrage et les systèmes de soutien des filets. Nous pourrions examiner les exigences en vigueur sur la côte Ouest et voir si elles peuvent s’appliquer sur la côte Est. Il faut aussi nous assurer que les parcs en filet sont suffisamment solides pour résister aux températures, aux vagues et aux conditions météorologiques sur la côte Est. Il n’est vraiment pas souhaitable d’avoir des poissons qui s’échappent sur la côte Est, parce qu’il est normalement question de saumon de l’Atlantique et que le saumon qui s’échappe peut en fait commencer à se mêler au saumon de l’Atlantique sur la côte atlantique. Le risque est en fait moindre sur la côte du Pacifique, parce qu’il s’agit de deux espèces différentes.

Le sénateur Christmas : Vous avez mentionné que le saumon de l’Atlantique sur la côte Est est une espèce en voie de disparition et que des menaces planent déjà sur l’environnement. Avec 40 000 saumons qui se sont échappés, avez-vous une idée des conséquences qu’a eues cette situation sur le saumon sauvage?

Mme Gelfand : Je ne le sais pas. Je ne sais pas si le ministère le sait.

Le sait-il?

Mme Clark : Notre audit n’a pas porté sur cet aspect. Je sais que le ministère essaie de surveiller cette situation pour déterminer si elle a des conséquences. Jusqu’à présent, selon ses études, le ministère a dit que cela n’a pas eu de grandes conséquences, mais je répète que notre audit n’a pas porté sur cet élément précis.

Mme Gelfand : Un grand nombre de saumons se sont récemment échappés dans l’État de Washington, et les autorités ont décidé de mettre fin à toutes les activités aquacoles. En Alaska, les autorités ont aussi mis un frein aux activités aquacoles. Bref, le seul endroit où il y a de l’aquaculture actuellement sur la côte Ouest nord-américaine, c’est en Colombie-Britannique.

La sénatrice Hartling : Bonjour. Merci d’être ici.

Comme nous en avons parlé plus tôt, votre travail est de vous assurer que les poissons restent en vie. L’un des éléments que j’ai vus dans votre rapport concernait les évaluations des risques associés aux maladies que peuvent contracter les poissons. Je crois qu’une seule évaluation a été effectuée.

Pouvez-vous nous parler de ces évaluations des risques associés aux maladies? Parlez-nous de certaines choses qui se passent et de ce que le ministère des Pêches et des Océans doit améliorer à cet égard.

Mme Gelfand : Le ministère a recensé au moins 10 maladies qui présentent un risque élevé de propagation entre le saumon en parcs et le saumon sauvage. Je crois que le ministère s’est engagé à réaliser les audits de ces maladies d’ici 2020. Le ministère en a effectué une et il a fait une annonce concernant une deuxième. Je ne sais pas trop comment prononcer l’autre maladie; c’est le réovirus pisciaire. Il y en a encore huit autres pour lesquelles le ministère n’a pas réalisé les audits pour en évaluer les risques.

J’ajouterai aussi qu’il est déconcertant que personne ne prête attention au problème des maladies nouvelles et émergentes. Il y aura, par exemple, des cas de résistance à diverses maladies qui se développeront, comme nous le voyons chez l’humain. L’agence ou le ministère doit se charger de surveiller les maladies nouvelles et émergentes. C’était l’une des plus grandes lacunes que nous avons constatées.

Nous pourrions poser ces excellentes questions au groupe de témoins de 9 heures en vue de savoir où le ministère en est rendu concernant les audits et de savoir s’il a notamment mis à jour son approche d’audit. Qu’est-ce que le ministère fait concernant les maladies nouvelles et émergentes? Réalisera-t-il les huit autres évaluations d’ici 2020 comme c’est prévu? Voilà d’excellentes questions.

La sénatrice Hartling : Merci.

Mme Gelfand : Je m’excuse auprès de mes collègues au fond de la pièce. C’est mon travail.

Le président : Vous nous préparez.

Mme Gelfand : Oui.

La sénatrice Petitclerc : Ma question se veut pratiquement une question complémentaire à celle de ma collègue, la sénatrice Hartling. Il est question dans certaines de vos recommandations des lacunes de la recherche scientifique. J’aimerais vous entendre sur la question, parce que vous affirmez que les progrès laissaient à désirer en ce qui a trait à l’évaluation des risques. Toutefois, maîtrisons-nous la situation? Connaissons-nous ces risques? Faisons-nous suffisamment de recherche? Finançons-nous suffisamment la recherche? Cette recherche est-elle communiquée adéquatement là où elle le devrait?

Mme Gelfand : Je ne veux pas vous laisser avec l’impression que le ministère ne fait pas de recherche. En fait, il en fait passablement. Il étudie les effets de la transmission de maladies et de parasites. Il fait des recherches sur les effets des médicaments et des pesticides. Il fait des recherches sur les interactions sur le plan génétique. On ne peut donc pas dire que le ministère ne fait pas de recherche. Toutefois, nous avons constaté une différence lorsqu’il est seulement question de la recherche. Le ministère accorde un financement à court terme pour la recherche qui contribue aux politiques et aux prises de décisions et il fournit un financement à long terme pour la recherche qui contribue à la promotion de l’industrie. Cela présente un risque pour le ministère.

Voici l’une de nos grandes préoccupations. Le ministère risque-t-il d’être perçu comme faisant la promotion de l’aquaculture au détriment du saumon sauvage? Il y a plusieurs facteurs dans notre audit qui pourraient faire en sorte que le ministère soit ainsi perçu, et nous essayons de faire des recommandations pour éviter que ce soit le cas. Si votre financement à court terme vous aide à prendre des décisions et que votre financement à long terme sert à la promotion de l’industrie, cela ne paraît pas très bien. Ces deux éléments doivent être égaux.

Du point de vue de la recherche et de mon point de vue, l’autre grand enjeu est que le ministère ne surveille pas la santé du poisson sauvage. S’il ne surveille pas la santé du poisson sauvage, comment peut-il vraiment être au courant des conséquences de l’aquaculture? Voilà les deux grands enjeux.

Il y a la question de savoir si le ministère est en conflit d’intérêts; il y a une panoplie de raisons en ce sens, et cela m’inquiète. Il n’y a pas de seuils à partir desquels le ministère doit prendre des mesures dans les cas où il y a un déclin des stocks de poissons sauvages.

Lorsque le ministère observe un déclin des stocks de poissons sauvages, à quel moment faut-il arrêter tout? Le ministère ne l’a pas établi. Les rapports de l’industrie ne sont pas validés. L’industrie produit des rapports sur l’utilisation des médicaments et des pesticides, mais ces renseignements ne sont pas validés.

Il n’y a rien qui oblige l’industrie à minimiser le développement de la résistance aux médicaments et aux pesticides. Il n’y a rien non plus qui l’oblige à effectuer la surveillance des fonds marins. Il existe peu de mesures d’application du règlement, et il y a toute la question du financement de la recherche. Tout cela mis ensemble nous amène à craindre que l’on considère que le ministère accorde la priorité à l’aquaculture plutôt qu’à la protection du poisson sauvage.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie beaucoup. Dans quelle mesure les connaissances et les résultats des recherches sont-ils communiqués à l’échelle internationale?

Mme Gelfand : À l’échelle internationale?

La sénatrice Petitclerc : Savons-nous ce qui se passe?

Mme Gelfand : Des membres de notre personnel ont communiqué avec des représentants d’autres pays, notamment la Norvège, le Chili et le Royaume-Uni. Nous n’avons pas examiné précisément ces pays. Encore une fois, ce serait une autre excellente question à poser pour savoir ce qu’ils font en ce qui a trait à la recherche. N’oubliez pas que les écosystèmes sont différents. Ce qui peut fonctionner à une certaine latitude pourrait ne pas fonctionner à notre latitude. Il y a même une différence entre les côtes Est et Ouest sur le plan des conditions météorologiques.

Pour ce qui est des maladies, celles qui sont nouvelles et émergentes, ce serait un élément à examiner. Généralement, s’agissant de la communication de l’information au sein des ministères, si on examine la plupart des vérifications que j’ai effectuées en tant que commissaire, on constate que l’information ne circule pas beaucoup, même au sein des ministères. Parfois, les employés dans les régions possèdent des renseignements que les employés à l’administration centrale n’ont pas, et vice versa. C’est ce qui se passe dans les grandes organisations. Même les bases de données ne sont pas reliées. En général, c’est une préoccupation.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie beaucoup pour votre présence ce matin.

J’ai trouvé votre rapport intéressant. Votre évaluation est très honnête et franche.

Avant d’être nommé au Sénat, j’étais président de l’Association for the Preservation of the Eastern Shore of Nova Scotia. Cette association visait à répondre aux craintes que l’aquaculture suscitait chez les habitants de la province.

Lorsque je suis devenu sénateur, j’ai proposé qu’on effectue une étude sur l’aquaculture, et c’est ce que nous avons fait. Nous avons examiné l’aquaculture en Colombie-Britannique et dans les régions du Pacifique et de l’Atlantique. Cette industrie nous a semblé, en tant que citoyens ordinaires sans expertise dans le domaine, être un peu comme le far west. En lisant votre rapport, j’ai eu l’impression que vous avez le sentiment que le ministère promeut l’aquaculture et qu’il ne se préoccupe pas du saumon sauvage. C’est ce que j’ai compris à la lecture de votre rapport.

Votre rapport fait état de certaines mesures. Par exemple, certains tests devaient être faits à la suite de la commission Cohen en Colombie-Britannique en 2010 et en 2011. Vous avez effectué votre vérification et vous avez constaté que le ministère n’avait pas fait grand-chose en ce qui concerne certains freins et contrepoids. On nous dit maintenant que ce sera fait d’ici 2020.

La diminution des stocks de saumon de l’Atlantique sur la côte Est est décourageante. Je vais en venir à ma question dans un instant. Il y a une multitude de raisons qui expliquent cette situation. L’une d’elles pourrait être l’aquaculture. On installe ces enclos dans des baies, des eaux peu profondes, des ruisseaux et des rivières où il y avait auparavant du saumon. Cette industrie génère 150 millions de dollars par année actuellement et emploie 4 000 personnes dans la région de l’Atlantique. Le Sénat mène actuellement une enquête pour déterminer les problèmes qui existent dans cette industrie.

Je suis d’avis, comme d’autres personnes — et je crois que le comité sénatorial l’a recommandé — qu’il faut une loi nationale et une cohérence à l’échelle du pays. Pêches et Océans Canada est responsable en Colombie-Britannique en raison d’une contestation judiciaire. Nous avons un ramassis de lois provinciales. Nous avons besoin d’une mesure législative cohérente qui énonce des règles.

Lorsque nous étions dans l’île Meares en Colombie-Britannique, j’ai demandé quelle était la profondeur de l’eau en dessous de l’enclos. On m’a répondu que la profondeur était de 400 pieds. J’ai aussi demandé quelle était la force du courant, et on m’a répondu que le courant était très fort. On en a besoin, que ce soit là ou sur la terre ferme. Nous continuerons d’avoir toutes sortes de pratiques en aquaculture parce que la population a besoin de sources de protéines. Nous avons besoin de l’aquaculture, mais elle doit se faire correctement.

Est-ce que vous recommanderiez une loi nationale?

Mme Gelfand : C’est une excellente question. En tant que commissaire, mon travail consiste à effectuer des vérifications des politiques en vigueur. Je n’ai pas pour rôle de commenter les politiques.

À mon avis, c’est un rôle qui appartient au Parlement, c’est-à-dire de déterminer si une politique est bonne ou non. Si les politiques visent la gestion de l’aquaculture et la protection du poisson sauvage, mon travail consiste alors à vérifier si c’est ce qu’elles permettent de faire. J’ai souvent dit que si l’intention est d’envoyer un singe sur la lune, mon travail ne consiste pas à dire si c’est une bonne idée ou non, mon travail consiste simplement à vérifier si on a effectivement envoyé un singe sur la lune. Malheureusement, il ne m’appartient pas de répondre à cette question. Tant que j’occuperai les fonctions de commissaire, je ne pourrai pas répondre à cette question. Il appartient aux parlementaires d’y répondre. Il incombe au Parlement de déterminer les règles, les politiques et les lois qui doivent s’appliquer, et non pas à un commissaire.

Le sénateur McInnis : Vous avez cependant décrit un certain nombre de situations qui contribuent au problème.

Mme Gelfand : Oui.

Le sénateur McInnis : Vous ne pouvez pas aller plus loin?

Mme Gelfand : Je ne peux malheureusement pas dans le cadre de mes fonctions. Mon travail consiste à examiner de façon objective ce que fait le ministère. Je lui demande de me montrer tout ce qu’il a fait pour que je puisse déterminer si cela correspond à ce qu’il avait prévu faire. Je peux consulter des documents que la plupart des gens ne peuvent pas examiner. Nous lui demandons s’il a fait telle chose. Nous lui demandons de nous fournir des preuves. Ensuite, nous produisons un rapport. Si le ministère avait prévu effectuer 10 vérifications sur une dizaine de maladies connues, nous lui demandons de nous prouver que c’est bien ce qu’il a fait. Si nous constatons qu’il n’en a fait qu’une seule, nous lui demandons alors s’il compte en faire neuf d’ici 2020, car il n’en a fait qu’une seule. Cela m’inquiète, alors je lui demande de me montrer ce qu’il fait en ce qui concerne les maladies nouvelles et déjà existantes. Je veux savoir ce que fait le ministère pour maintenir le poisson sauvage en santé. Je lui demande alors de me montrer comment il surveille son état de santé. Je veux qu’il me montre comment il s’y prend pour le garder en santé. S’il ne peut pas me le montrer, alors je le signale dans mon rapport.

Malheureusement, je ne vais pas plus loin. Je sais que cela a suscité de la frustration chez plusieurs parlementaires dans le passé. Alors, vous n’êtes pas le premier.

Le sénateur McInnis : Je ne suis pas frustré du tout.

Mme Gelfand : C’est bien.

Le sénateur McInnis : Je sais que votre rapport est un rapport indépendant que vous présentez au nom du vérificateur général. C’est très bien à mon avis. Je crois que vous avez mis en évidence un grand nombre de problèmes. Nous devons prendre votre rapport au sérieux et agir. Très souvent, ces choses-là relèvent du domaine politique, mais nous devons faire quelque chose parce que c’est un rapport accablant.

Mme Gelfand : Nous avons examiné une chose, à savoir la façon dont le ministère protège le poisson sauvage. Nous avons tout de même essayé de mentionner les points positifs. Nous avons indiqué qu’il fait du bon travail lorsqu’il s’agit de déterminer où ces enclos devraient se trouver. Le ministère s’occupe également d’établir des règles d’exploitation. Dans certains endroits, il met fin à l’utilisation d’enclos, comme l’a recommandé la commission Cohen. On ne dit pas que le ministère ne fait rien du tout. Nous avons trouvé des lacunes. Nous avons fait notre travail, et le ministère doit répondre. Il accepte notre rapport et il a élaboré des plans d’action.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie.

Mme Gelfand : Je vous en prie.

Le président : Monsieur le sénateur, vous allez devoir lire entre les lignes.

Le sénateur Christmas : Durant votre exposé, vous avez mentionné qu’à l’automne 2016, vous avez présenté un rapport de vérification sur les principaux stocks de poissons, et vous avez constaté que, parmi les 15 principaux stocks de poissons dont le niveau était critique, seulement 12 étaient visés par des plans de rétablissement des stocks.

Avez-vous eu l’occasion depuis de vérifier les progrès du ministère en ce qui concerne l’élaboration de ces plans de rétablissement de ces stocks dont le niveau était critique?

Mme Gelfand : Je dois préciser qu’il y avait une douzaine de stocks de poissons dont le niveau était critique, qui n’étaient pas visés par une interdiction de pêche et pour lesquels il n’existait aucun plan de rétablissement des stocks.

Cette vérification a été effectuée en 2016. Je n’ai pas eu l’occasion de vérifier depuis où en est rendu le ministère à cet égard. Ce serait une excellente question, encore une fois, à poser à mes collègues derrière qui représentent le ministère.

Lorsque Sharon a proposé cette vérification, je me suis demandé, si j’étais la sous-ministre du ministère des Pêches et des Océans, ce qui me tiendrait le plus à cœur. Pour moi, ce serait de veiller à ce qu’il n’y ait pas un effondrement des stocks de morue. J’enjoindrais à tous les fonctionnaires de faire en sorte que cette situation ne se produise pas. Je voulais vérifier si le ministère gérait les choses de ce point de vue, et nous avons découvert qu’il y avait encore 12 stocks de poissons dont le niveau était critique, qui ne faisaient pas l’objet d’une interdiction de pêche et qui n’étaient pas visés par un plan de rétablissement. Si j’étais la responsable, je voudrais savoir ce qu’on fait à propos de ces 12 stocks de poissons.

Le sénateur Christmas : Savez-vous si, à l’heure actuelle, on a élaboré un plan de rétablissement des stocks?

Mme Gelfand : Non, je ne le sais pas.

Le sénateur Christmas : Je vais passer à des questions d’un autre ordre. À la page 13 de votre rapport, vous parlez d’un arbre décisionnel de type « feu de circulation ». Cela m’intrigue. De quoi s’agit-il?

Mme Clark : Cela vient du ministère.

Mme Gelfand : Cela fait partie de la réponse du ministère à l’une de nos recommandations. Nous avons recommandé que le ministère établisse des seuils à respecter pour le dépôt de médicaments et de pesticides dans les parcs en filet. Le ministère a déterminé que cet arbre décisionnel, qui sera élaboré d’ici mars 2020, contribuera à évaluer les impacts cumulatifs potentiels.

Ce qui se passe, c’est qu’on utilise des pesticides et des médicaments dans chaque enclos. Que se passe-t-il si les enclos sont tous rapprochés? Est-ce que le ministère a examiné les impacts cumulatifs? C’est la réponse qu’il a donnée.

Le sénateur Christmas : D’accord. Pour la gouverne de notre auditoire, pouvez-vous décrire de quoi il s’agit?

Mme Gelfand : Décrire quoi?

Le sénateur Christmas : Décrire ce qu’est l’arbre décisionnel de type « feu de circulation ».

Mme Gelfand : C’est décrit dans le document. Essentiellement, le ministère essaie de déterminer dans quelles conditions océaniques il ne devrait plus y avoir de dépôts de pesticides. Le ministère doit déterminer ces conditions et ensuite décréter qu’il n’y ait plus de dépôts de pesticides, ce qui correspond au feu rouge. Les conditions dans lesquelles les risques sont acceptables correspondent au feu vert. Le feu jaune correspond aux endroits où l’utilisation de tels produits doit faire l’objet d’une étude et d’un contrôle plus approfondis.

Le ministère essaie donc de déterminer dans quelles conditions océaniques on doit cesser l’utilisation de pesticides ou on doit les utiliser avec prudence et dans quelles conditions il est permis les utiliser. Il doit définir les différentes limites.

Le sénateur Christmas : Je présume alors que chaque pisciculture de saumon à enclos ouverts au Canada devrait utiliser le système de feu de circulation, de sorte qu’un feu rouge signifierait qu’aucun pesticide ou médicament ne pourrait être utilisé dans un enclos en particulier et qu’un feu vert pour un autre enclos signifierait qu’on peut en utiliser. Je présume que c’est le système qui serait employé.

Mme Gelfand : Ce serait une excellente question à poser aux fonctionnaires du ministère.

Le sénateur Christmas : Je vous remercie.

Le sénateur Gold : À quelle fréquence croyez-vous que des vérifications comme celles-ci devraient être effectuées afin que vous puissiez avoir l’assurance que votre travail est pris au sérieux, mais aussi afin d’aider le ministère à effectuer son travail aussi bien que je sais qu’il souhaite le faire?

Mme Gelfand : C’est une excellente question. Il n’y a pas de règle de base. Je dirais que la fréquence adéquate est probablement tous les quatre ou cinq ans, car le ministère se donne souvent quelques années pour agir. Pour donner suite à certaines des recommandations, le ministère s’est donné jusqu’en 2020, alors nous pourrions peut-être effectuer une autre vérification en 2021 ou 2022.

J’ai toute une gamme de vérifications à mener. Je suis la commissaire à l’environnement et au développement durable. Je ne sais pas quelle est l’étendue de vos connaissances au sujet du développement durable, mais je peux vous dire que c’est un vaste domaine. Nous faisons des suivis, mais comme il y a toujours de nombreux enjeux nouveaux, il est difficile de le faire de façon régulière.

D’un autre côté, pour ce qui est des subventions aux combustibles fossiles, à propos desquelles nous avons eu de la difficulté à obtenir de l’information, nous allons effectuer un suivi dans deux ans. Parfois, nos vérifications sont rapprochées, mais en moyenne, je crois que la fréquence idéale serait tous les quatre à cinq ans. C’est ce que j’estime en me fondant sur mon expérience.

Le sénateur Gold : Je vous remercie.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins d’avoir comparu devant nous ce matin.

Nous sommes maintenant prêts à accueillir notre deuxième groupe de témoins. Je vais leur demander d’abord de se présenter. Ils représentent tous le ministère des Pêches et des Océans. Je vais leur demander de se présenter en donnant leur titre.

Philippe Morel, sous-ministre adjoint, Secteur des écosystèmes aquatiques, Pêches et Océans Canada : Je m’appelle Philippe Morel et je suis sous-ministre adjoint, Secteur des écosystèmes aquatiques.

Wayne Moore, directeur général, Direction des sciences stratégiques et réglementaires, Pêches et Océans Canada : Bonjour. Je m’appelle Wayne Moore et je suis directeurgénéral de la Direction des sciencesstratégiques et réglementaires. Mon portefeuille inclut les recherches scientifiques en aquaculture.

John Campbell, directeur général, Direction de la gestion de l’aquaculture, Pêches et Océans Canada : Je m’appelle John Campbell et je suis le directeur général de la Direction de la gestion de l’aquaculture.

Andy Thomson, directeur régional du Pacifique, Gestion des pêches, Pêches et Océans Canada : Bonjour. Je m’appelle Andy Thomson et je suis directeur régional du Pacifique, Gestion des pêches.

Le président : Je crois savoir que M. Morel a un exposé à faire. Après son exposé, je suis certain que les sénateurs auront des questions à poser.

M. Morel : Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, de m’avoir invité à vous parler des progrès que nous avons réalisés dans la mise en œuvre des recommandations du rapport de la commissaire à l’environnement et au développement durable sur la salmoniculture et de ses conclusions sur la façon d’améliorer la gouvernance de la salmoniculture au Canada.

L’aquaculture est une industrie importante, tant au Canada qu’à l’étranger. Le secteur de l’aquaculture attire l’attention à l’échelle mondiale en tant qu’activité importante pour atteindre non seulement la sécurité alimentaire, mais aussi les objectifs de croissance et de développement durables. En effet, ce secteur primordial peut contribuer à la réalisation des objectifs des Nations Unies en matière de développement durable, s’agissant notamment de conserver et d’utiliser durablement les océans, de soutenir la croissance économique, d’éliminer la faim dans le monde et de fournir des aliments nutritifs et sains.

[Français]

Au Canada, l’aquaculture est un secteur économique important générant une activité économique totale de près de 2 milliards de dollars.

En 2016, plus de 3 000 Canadiens travaillaient directement dans le domaine de l’aquaculture, principalement dans des collectivités rurales et côtières, y compris de nombreuses communautés autochtones.

Au Canada, l’aquaculture est gérée conjointement par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Pêches et Océans Canada est le principal organisme de réglementation en Colombie-Britannique, et nous la gérons conjointement à l’Île-du-Prince-Édouard avec nos collègues provinciaux. Dans toutes les autres provinces, les gouvernements provinciaux sont les principaux organismes de réglementation de l’aquaculture.

Le Canada dispose déjà d’un solide régime de réglementation de l’aquaculture. Notre objectif est de continuer à travailler à la mise en place d’un cadre réglementaire clair, cohérent et responsable pour soutenir une industrie aquacole canadienne durable sur les plans environnemental et social.

[Traduction]

La commissaire a présenté huit recommandations à Pêches et Océans Canada au sujet de la gestion des risques associés à la salmoniculture dans le but de protéger le poisson sauvage; l’une de ces recommandations concerne également nos collègues à l’Agence canadienne d’inspection des aliments. En gros, le rapport indiquait que même si Pêches et Océans Canada réalise d’importantes études scientifiques dans le domaine de la salmoniculture et que le ministère a des mesures de gestion en place pour atténuer les risques connexes, bien d’autres choses peuvent être faites.

Nous demeurons déterminés à régler les questions soulevées par la commissaire dans son rapport. Nous sommes heureux d’avoir remis hier au comité notre rapport d’avancement sur notre plan d’action de gestion de la salmoniculture. J’ai le plaisir d’informer le comité que nous sommes en bonne voie de réaliser le travail nécessaire pour donner suite aux huit recommandations.

Tout d’abord, nous progressons vers l’atteinte de notre engagement envers la Commission Cohen de terminer les évaluations des risques liés aux principales maladies d’ici septembre 2020, comme l’a suggéré la commissaire dans sa première recommandation. Nous avons cerné 10 évaluations des risques de maladies à effectuer pour appuyer les décisions du ministre concernant la durabilité de la salmoniculture dans la région des îles Discovery en Colombie-Britannique.

Au début du mois, des experts scientifiques du Canada et du monde entier se sont réunis à Vancouver pour un examen par les pairs de quatre risques différents de maladies bactériennes. Et dans le courant de l’hiver, nos scientifiques termineront une évaluation des risques du réovirus pisciaire. D’ici le début de 2019, 6 des 10 évaluations de risques de maladies seront terminées. Pour répondre à la deuxième recommandation, en collaboration avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments, nous précisons les rôles et les responsabilités liés à la gestion des maladies émergentes dans l’aquaculture.

Troisièmement, nous expliquons clairement comment le ministère applique une approche de précaution dans sa gestion de l’aquaculture. Nous sommes en train d’élaborer un cadre de gestion des risques liés à l’aquaculture, qui englobe une compréhension claire des dommages inacceptables et qui adopte l’approche de précaution lorsqu’il existe un degré élevé d’incertitude scientifique.

Nous continuerons de collaborer avec Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada dans le cadre d’un examen scientifique afin d’orienter l’élaboration d’un modèle décisionnel axé sur les risques en ce qui concerne l’établissement de seuils pour l’utilisation de médicaments et de produits antiparasitaires.

Ce travail comprendra également la mise en place d’un échantillonnage sur place afin d’établir une base de référence et une approche pour vérifier l’information transmise par les exploitants sur leur utilisation de ces médicaments et de ces pesticides, conformément aux quatrième et cinquième recommandations de la commissaire.

Le MPO a aussi discuté avec ses partenaires provinciaux et territoriaux de la qualité et de l’entretien de l’équipement aquacole afin de prévenir les évasions dans les provinces de l’Atlantique.

Nous collaborons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour élaborer d’éventuelles normes nationales sur la qualité et l’entretien de l’équipement afin de donner suite à la sixième recommandation de la commissaire. Nous sommes en train d’effectuer une évaluation des coûts pour améliorer notre compréhension des besoins en ce qui concerne l’accroissement de nos capacités d’application de la loi. En attendant, nous ferons appel à des mesures fondées sur le renseignement et l’évaluation des risques pour répondre aux incidents liés à la mise en application des normes en matière d’aquaculture.

Enfin, nous avons pleinement mis en œuvre la huitième recommandation, selon laquelle le ministère devrait fournir en temps opportun des données détaillées sur les immersions ou rejets de médicaments et de pesticides des entreprises, et sur la santé du poisson d’élevage en Colombie-Britannique. En mai dernier, le MPO a commencé, sur le portail des données ouvertes, un site web du ministère, à donner accès aux données sur l’utilisation de médicaments et de pesticides au Canada recueillies dans le cadre du Règlement sur les activités d’aquaculture. Nous avons également mis à jour notre matériel de communication concernant la santé du poisson d’élevage sur le site web du PMO. Cela a permis d’améliorer la transparence des activités aquacoles au Canada.

Nous continuerons à collaborer étroitement avec nos partenaires et intervenants en gestion de l’aquaculture afin de nous assurer que nos décisions dans ce domaine sont transparentes et fondées sur les meilleures données scientifiques disponibles, et qu’elles sont communiquées clairement aux Canadiens.

Nous continuons de mener et d’appuyer des recherches pour trouver des moyens d’améliorer la durabilité environnementale des activités aquacoles au Canada. La recherche demeure concentrée sur les priorités clés, comme la compréhension de la transmission des maladies et de l’infection des poissons, l’évaluation des interactions génétiques entre les saumons sauvages de l’Atlantique et les saumons d’élevage fugitifs, la caractérisation des effets de l’utilisation des médicaments et des pesticides ainsi que l’évaluation des interactions des écosystèmes résultant de l’expansion de la conchyliculture.

[Français]

Il est également important de comprendre les risques associés à l’aquaculture. Ces risques peuvent être d’ordre social, économique ou environnemental. Pour comprendre et évaluer les risques environnementaux, les scientifiques de Pêches et Océans Canada ont entrepris des recherches qui ciblent les lacunes dans les connaissances afin d’aider les organismes de réglementation,tant Pêches et Océans Canada que nos partenaires provinciaux et territoriaux, à adopter de meilleures politiques et des décisions fondées sur des données scientifiques.

Notre ministère a demandé à Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada, de diriger un groupe d’experts indépendants sur les sciences aquacoles chargé d’examiner comment les priorités scientifiques sont établies, comment la science influence les décisions de gestion et comment tout cela est communiqué.

Le rapport du groupe devrait être terminé sous peu. De plus, le ministre Wilkinson a annoncé la nomination d’un nouveau conseiller scientifique ministériel qui aidera notre ministère à intégrer les perspectives scientifiques externes à l’établissement des priorités. Il s’agira également d’une étape importante pour renforcer un processus décisionnel fondé sur des données probantes dans la réglementation d’un secteur aquacole responsable et durable.

Nous nous sommes engagés à mettre pleinement en œuvre nos réponses aux recommandations de la commissaire et nous étudierons les recommandations de la conseillère scientifique en chef. Nous sommes convaincus que ces mesures contribueront à renforcer et à améliorer la gestion de l’aquaculture au Canada ainsi qu’à assurer un secteur aquacole canadien durable et respectueux de l’environnement.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes heureux d’être accompagnés de responsables de la gestion de l’aquaculture pour répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Morel. Nous allons laisser notre vice-président poser la première question.

[Français]

Le sénateur Gold : Bonjour. Votre présence est fort appréciée.

[Traduction]

Ce fut difficile, mais il a été encourageant pour nous d’entendre les témoins précédents au sujet de la coopération dont vous avez fait preuve et de votre volonté à mettre en œuvre les recommandations comme vous l’avez expliqué. Nous vous remercions des efforts déployés à cette fin et de votre ouverture face à nous.

Cela dit, le rapport est assez troublant à certains égards. Je vais vous demander d’en dire un peu plus sur les problèmes cernés pendant l’audit. Vous avez mentionné dans votre exposé et dans votre réponse à l’audit que vous êtes en bonne voie de réaliser le travail nécessaire, par exemple, pour terminer les 10 évaluations des risques de maladies. Au moment de l’audit, vous n’en aviez fait qu’une.

Pouvez-vous d’abord expliquer l’intervalle entre les recommandations du rapport Cohen et l’audit, et comment vous êtes parvenus à être en bonne voie de faire le travail d’ici le printemps prochain, si j’interprète bien le rapport, ou du moins d’ici 2020?

M. Morel : C’est une bonne question. Je vais répondre en premier et demander ensuite à mon collègue de la direction des sciences de poursuivre.

Quand on veut faire un travail scientifique, il faut le planifier. Il faut du temps pour recueillir l’information et réunir les bons scientifiques, et ensuite produire un rapport. C’est pourquoi, après la publication du rapport Cohen, nous n’en avions publié qu’une. Cela ne signifie pas que nous nous sommes penchés sur une seule évaluation et que nous les faisons une à la fois.

L’autre chose qu’il faut prendre en considération, c’est que le rapport de la commissaire a été publié le printemps dernier, mais aussi que, selon les renseignements factuels recueillis, le ministère, probablement jusqu’à l’automne dernier — c’est donc un intervalle de 12 à 14 mois entre l’obtention des données et où nous en sommes aujourd’hui... Pendant cette période, nous avons continué de travailler et de planifier nos activités.

Elle a mentionné que nous avons entamé récemment l’étude sur le réovirus pisciaire, mais dans les 10 études d’évaluation des risques, nous sommes également en mesure de gérer la priorité et de fournir les bons renseignements pour assurer une meilleure gestion. La gestion et la science vont de pair pour avoir les meilleurs outils disponibles à temps. Le réovirus pisciaire est certainement très haut sur la liste des préoccupations des Canadiens, notamment en Colombie-Britannique, et c’est donc une question sur laquelle nous nous penchons.

Je suis certain que M. Moore voudra ajouter quelque chose.

M. Moore : Merci d’avoir posé la question, monsieur le sénateur. Je remarque beaucoup la lente préparation du processus. C’est bien une réalité, mais comme mon collègue l’a mentionné, ce n’est pas inattendu. Dans le cadre du processus, quand nous avons reçu les recommandations, nous avons d’abord dû cerner ce qui nous préoccupait. Nous avons donc consulté de nouveau les données recueillies sur les exploitations piscicoles pour déterminer sur quels agents pathogènes — des maladies et des bactéries — nous pouvions mettre l’accent.

Après avoir dressé cette liste, nous avons réalisé le travail préliminaire pour nous aider à faire les autres évaluations de plus en plus rapidement. Nos évaluations des risques comportent toutes cinq paramètres. Beaucoup de travaux de recherche ont été faits et résumés sur l’océanographie, c’est-à-dire sur le fonctionnement des courants, ce qui influe grandement sur la façon dont les agents pathogènes se déplacent dans l’eau. Ensuite, nous avons accompli une grande quantité de travail que nous avons appliqué à l’écologie et à la biologie du saumon du Pacifique. Comme j’y ai fait allusion, nous le faisons une fois au début, et nous pouvons donc nous en servir ensuite dans les autres évaluations des risques.

Les pratiques de gestion des exploitations en Colombie-Britannique constituent le dernier aspect, qui est important. Quelles mesures prend-on là-bas? Donc, les deux aspects qui diffèrent dans chaque étude sont la caractérisation du virus ou de l’agent pathogène en question et, enfin, l’évaluation des risques, qui consiste à regarder la façon dont les interactions ont lieu dans l’eau.

Pour chacune de ces évaluations... Comme la commissaire l’a mentionné, au moment où elle avait recueilli ses données, nous en avions terminé une deux semaines avant. Compte tenu de la communauté de l’expertise et de la disponibilité des gens, nous avons réussi à terminer quatre études axées sur les bactéries. Nous nous apprêtons maintenant à les publier, et au mois de janvier, nous serons rendus à cinq plutôt qu’une seule.

Comme le ministre l’a annoncé en septembre, nous en faisons une que les gens ont brièvement définie comme l’étude du réovirus pisciaire, mais qui a en fait un joli titre : Cardiopathie idiopathique, inflammation des muscles squelettiques et cardiaques, et réovirus pisciaire. Nous allons donc nous pencher sur tout cela. En fait, mon personnel et mes scientifiques se rencontrent cette semaine sur la côte Ouest en vue de rédiger le document sur le virus, en tirant parti de l’éventail complet des données du ministère et des données transmises par les intervenants et les groupes environnementaux. Nous avons également communiqué avec les Premières Nations. Nous tentons de dresser le portrait le plus complet qui soit pour faire ces évaluations.

Le sénateur Gold : Merci. Il y a beaucoup de questions. Les témoins précédents ont mentionné que, à la lecture des rapports, on pourrait avoir l’impression que le ministère accorde la priorité à l’aquaculture plutôt qu’à la santé des poissons sauvages. Est-ce une observation juste lorsqu’on lit le rapport ou compte tenu de la façon dont les priorités sont structurées au sein de votre ministère?

[Français]

M. Morel : À mon avis, non.

[Traduction]

Je dirais que le rôle du MPO est celui d’un organisme de réglementation. C’est un rôle qui a beaucoup évolué au cours des 10 ou 15 dernières années. C’est tout d’abord parce que l’aquaculture est de plus en plus importante pour nourrir la planète. Depuis 2016, nous avons plus de poissons produits dans des exploitations piscicoles que dans la nature pour nourrir la planète. Au MPO, notre rôle est donc surtout de réglementer le secteur et de veiller à ce que les poissons produits ainsi soient sains et à ce que les répercussions sur les océans soient minimales.

Compte tenu de la structure de notre ministère, mes responsabilités en tant que sous-ministre adjoint se rapportent toutes à la protection et à la conservation de l’environnement. Je suis également responsable de la protection des océans et des pêches. À mon avis, cela montre clairement que c’est notre priorité.

La question de la promotion se rapporte probablement à l’accès aux marchés, et tout cela se rapporte davantage au rôle de l’agriculture, bien que ce secteur ne soit pas très actif à cet égard. Je dirais que l’industrie défend de plus en plus son rôle de promoteur de ses activités. L’aquaculture est une industrie plutôt nouvelle, si on la compare au secteur avicole ou au secteur laitier. Elle déploie beaucoup d’énergie pour se mettre en valeur et elle est très présente dans le portefeuille agricole.

Je dirais que pour nous, la priorité est la réglementation. En réglementant, nous voulons nous assurer de ne pas faire obstacle au développement de l’industrie. Hier, dans l’énoncé économique de l’automne, le ministre des Finances a annoncé de nouveau ce qui se trouvait dans le budget de 2018 au sujet de la simplification de certains règlements. L’un des principaux secteurs visés est celui de l’agriculture et de l’aquaculture. Dans l’énoncé, il a également annoncé que nous avons l’intention de simplifier, de fusionner et d’intégrer tous les règlements liés à l’aquaculture pour attirer plus d’investissements, mais aussi pour promouvoir une meilleure gestion durable de l’aquaculture.

Plus tôt dans vos délibérations, vous avez parlé de vous orienter vers l’élevage en circuit fermé, et l’un de vous a mentionné que c’était plus coûteux. Nous le savons. Ce que nous essayons de faire, c’est d’avoir une réglementation qui nous permettra de nous engager dans cette voie.

À l’heure actuelle, nos études indiquent que c’est plus coûteux et que l’empreinte écologique est la même, que l’élevage se fasse sur les terres ou en mer. Il y aura une transition vers cette pratique.

M. Moore : J’aimerais, si vous me le permettez, ajouter quelques mots du point de vue scientifique. Tout d’abord, je pense que nos méthodes et nos conseils sont les mêmes, et témoignent de notre objectivité et de notre indépendance dans le cadre du travail que nous effectuons.

Le témoin précédent a fait remarquer que l’on considère que certains de nos programmes plus permanents mettent l’accent sur la compétitivité de l’industrie plutôt que sur le financement à court terme, lequel est considéré comme relevant du domaine réglementaire. Je décrirais légèrement différemment la situation. Je pense que des fonds sont disponibles à diverses fins. L’initiative à laquelle elle faisait référence, le Programme coopératif de recherche-développement en aquaculture, nous permet de collaborer avec l’industrie, mais nous n’avons pas explicitement éliminé le mandat consistant à assurer des bénéfices privés potentiels. Ce n’est en rien un programme de subvention.

Ce programme a permis de réaliser de nombreux travaux pour la conception de technologies, notamment dans le domaine du pou du poisson, lequel pose un problème dans un certain nombre de régions, afin de mettre au point des technologies de remplacement pour résoudre ce problème, comme des outils non chimiques, par exemple.

Je pense que c’est un genre différent de partenariat, dont la compétitivité ne constitue pas l’objectif. De façon générale, tous nos efforts concernent le bien-être des pêches et l’incidence de l’aquaculture au Canada.

Je dirais enfin qu’au chapitre de la surveillance de la santé, j’ai notamment la responsabilité de gérer un réseau de laboratoires de diagnostic qui fournissent des données à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, dont les vétérinaires analysent les maladies. Nous lui faisons parvenir au moins 20 000  échantillons par année et plusieurs tests pour chacun afin de surveiller la santé des poissons au pays.

En fait, je suis très fier du travail qu’accomplit notre équipe dans ce domaine et de la manière dont ces efforts contribuent à la surveillance de la santé et du bien-être des stocks de poissons du pays en ce qui a trait à un éventail de maladies.

Le sénateur Christmas : Je vous remercie, messieurs, de témoigner. Je présume que l’effet de l’élevage de poissons sur les saumons sauvages fait encore l’objet de bien des recherches scientifiques, et vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur Moore. J’aimerais beaucoup savoir comment l’approche de précaution est appliquée, compte tenu du degré d’incertitude et du fait que nous sommes encore en train d’acquérir des connaissances et de comprendre cet effet.

Je remarque qu’à la page 8 du rapport du vérificateur, il est indiqué que le ministère n’a pas encore clarifié la manière dont il utiliserait l’approche de précaution pour gérer l’aquaculture.

Est-ce que quelqu’un pourrait expliquer comment, au regard de l’incertitude scientifique, le ministère applique le principe de précaution? Quelqu’un pourrait-il me donner des exemples d’application du principe de précaution dans cette situation?

M. Moore : Je commencerai peut-être à répondre brièvement au sujet des données scientifiques dont vous avez parlé, puis je céderai la parole à mon collègue Philippe, qui pourra traiter de l’utilisation de l’approche de précaution, si cela vous convient.

Comme vous le savez, de nombreuses recherches scientifiques sont en cours, et nous ne saurons jamais tout, que ce soit à propos de la pêche au poisson sauvage, de l’aquaculture ou de tout autre domaine. C’est un processus continu que d’évaluer le risque et de tenter de déterminer où nous investirons nos énergies. Si vous interrogez nos scientifiques, ils préconiseront certainement d’accorder beaucoup plus d’argent à la recherche dans ce domaine, particulièrement dans leur sphère d’intérêt,admettant que nous travaillons avec ce que le gouvernement veut bien nous fournir et avec les partenariats que nous établissons avec des partenaires de l’extérieur et de l’étranger. Nous pourrons y revenir plus tard.

Dans ce contexte, nous tentons de concentrer nos énergies sur des questions soulevées par la population canadienne et nos collègues — qui élaborent les règlements et utilisent l’approche de précaution — en ce qui concerne la santé des animaux aquatiques, les interactions entre l’aquaculture et l’ensemble de l’écosystème, et les questions d’interactions génétiques. Nous avons abordé le sujet quand nous avons parlé des évasions sur la côte Est au cours du volet précédent de la séance.

Vous avez raison, de nombreuses recherches sont en cours. Nous tentons de mettre l’accent sur des domaines ciblés grâce aux observations de nos scientifiques, de nos collègues et de nos partenaires internationaux. Nous transmettons le fruit de ces recherches à nos collègues, qui peuvent discuter des précautions.

M. Morel : Je peux intervenir brièvement, puis je verrai si mon collègue de la Colombie-Britannique veut ajouter quelque chose.

Je pense que Mmes Clark et Gelfand nous ont présenté une recommandation très constructive à ce sujet, et je les en remercie. À l’heure actuelle, nous utilisons l’approche de précaution à chaque étape de notre travail. Tout dépend de la province dont il s’agit; ainsi, en Colombie-Britannique, nous gérons l’aquaculture, mais c’est moins le cas dans d’autres provinces. Nous utilisons le principe de précaution lors des évaluations du risque. De plus, quand nous étudions les répercussions d’une maladie dans le cadre du processus décisionnel, nous utilisons ce principe pour chaque décision.

Ce qu’il nous fait défaut — et je pense que c’est ce que la recommandation visait à nous faire comprendre —, c’est un cadre de gestion du risque en aquaculture. Ce cadre, que nous avons commencé à élaborer, comprendra une approche de précaution et nous fournira une voie à suivre plus exhaustive pour gérer l’approche de précaution. Voilà qui offrira quelque certitude aux entreprises et aux intervenants qui gèrent l’aquaculture.

J’ignore si Andy voudrait ajouter quelque chose. Vous vous occupez plus du côté opérationnel, mais je pense qu’il serait utile que les sénateurs apprennent comment nous utilisons l’approche de précaution.

M. Thomson : J’ajouterais que, comme vous l’avez expliqué, nous recevons des conseils opérationnels de nos professionnels, qui formulent des recommandations sur les décisions relatives à la délivrance de permis, les audits et le fonctionnement des activités dans la région du Pacifique. Tout ceci repose sur l’approche de précaution; nous disposons de documents d’orientation pour chacun de ces professionnels.

À titre d’exemple, quand vient le temps de déterminer l’impact benthique d’une pisciculture sur le substrat sous-marin, nos biologistes et nos techniciens ont une orientation très précise quant à la manière d’évaluer cet impact. Qu’est-ce qu’on sait et qu’on ignore? Comment appliquer l’approche de précaution à des choses précises? Nous disposons de ce genre d’orientation dans un certain nombre de domaines opérationnels. Comme M. Morel l’a fait remarquer, il nous faut maintenant réunir ces éléments dans un document d’orientation global, et c’est ce que la commissaire nous a utilement recommandé. Ce document profitera non seulement au ministère, puisque ce dernier pourra mieux établir la manière dont il utilise l’approche de précaution, mais aussi au public, qui pourra mieux comprendre comment nous procédons.

Le sénateur Christmas : À mesure que nous progressons dans l’avenir, nous nous heurtons à l’inconnu. J’aimerais savoir comment l’approche de précaution serait utilisée dans certaines situations, lorsque nous ignorons l’effet des grandes tempêtes sur les activités de pêche de la côte Est, par exemple. J’ai indiqué précédemment que les changements climatiques ont entraîné la perte de 40 000 saumons sur la côte Est.

Comment le ministère utilise-t-il l’approche de précaution afin de gérer pareille situation? Je sais que vous avez une responsabilité différente sur la côte Est, mais sur la côte Ouest, monsieur Thomson, vous avez une responsabilité directe. Comment vous appuyez-vous sur cette approche pour prendre des décisions, quand vous tentez de prévoir des problèmes ou des maladies pouvant avoir des conséquences néfastes tant sur le saumon d’élevage que sur le saumon sauvage?

M. Thomson : Ce que nous voulons, c’est avoir l’occasion de tenter de prévoir l’effet de l’environnement sur le site et la manière dont le site influencera le milieu naturel. Nous ne nageons pas entièrement dans l’inconnu. Pour gérer l’aquaculture, nous disposons, dans notre structure, de modèles de prévision sur l’effet que pourrait avoir une tempête frappant tous les 50 ou les 100 ans. Nous pouvons mettre ces modèles en place dans le domaine du génie afin que les piscicultures résistent à ce genre de tempête. De même, nous avons des modèles concernant le dépôt de matières sur le substrat. En Colombie-Britannique, les exploitants doivent utiliser un modèle appelé DEPOMOD, lequel prédit où les dépôts devraient s’effectuer en fonction des courants, de la quantité de nourriture utilisée et de la profondeur de l’eau. Nous pouvons ainsi voir où les dépôts se feront et déterminer l’incidence qu’ils pourraient avoir sur le substrat sous-marin. Certains mécanismes nous permettent de bien mieux comprendre l’impact grâce à des modèles de prévision afin de gérer les opérations en conséquence. Nous déplacerons la pisciculture pour éviter d’avoir un impact sur une région peuplée de palourdes royales ou d’ormeaux. Tout cela se fonde sur l’approche de gestion adaptative qui fait en sorte que les recherches se poursuivent continuellement dans le cadre d’un programmede recherche-développement continu. Nous disposons également d’un programme de réglementation, qui continue de fournir de l’information sur la structure réglementaire de la Colombie-Britannique et du pays. Nous pouvons donc continuer d’améliorer la réglementation grâce aux nouveaux renseignements et aux nouvelles connaissances que nous recueillons.

Le président : Merci, monsieur Thomson.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question est liée à l’approche de la précaution. Vous l’avez dit vous-même, je crois que c’est un domaine relativement nouveau. Ce qui m’a interpellée, c’est lorsqu’on dit que le ministère n’a pas défini de limites en ce qui a trait à la quantité de médicaments et de pesticides qui peuvent être immergés ou rejetés, et on ne confirme pas l’exactitude de l’information qui est déclarée par les entreprises.

J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Il y a l’approche de la précaution, un domaine qui est relativement nouveau, et des recherches qui sont en cours, mais c’est quand même un peu inquiétant de constater qu’il n’y ait pas de limites. J’aimerais en connaître les raisons.

M. Morel : Je peux commencer et mon collègue poursuivra la réflexion parce qu’il y a une question de gestion et une question de sciences. La commissaire a raison lorsqu’elle dit qu’il n’y a pas de limites. Elle répondait en partie à la question posée par le sénateur Christmas en ce qui concerne la méthode des feux de circulation, qu’on est en train de développer. En ce moment, on procède à des analyses, cas par cas, selon ce que l’écosystème peut prendre. On n’a pas de cadre qui nous permet de confirmer dans tel écosystème, pendant telle saison, selon telles conditions méréologiques ou océanographiques la quantité maximum de drogues, de pesticides ou d’antibiotiques qui peuvent être déversés dans l’océan pour traiter les poissons. Cela est réalisé un peu comme en agriculture avec les pesticides lorsque les agronomes décident qu’on peut mettre telle partie par rapport au sol. Ce travail ne se fait pas sur une base aussi organisée, mais on travaille là-dessus. Il s’agit d’adopter une approche qui nous permet de déterminer de manière proactive ce qui est vert, jaune ou rouge, selon l’écosystème et les conditions océanographiques, et ensuite, le nombre de produits qui peuvent être utilisés pour favoriser la croissance des poissons. Monsieur Moore, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Moore : Oui. Merci beaucoup de la question. Oui, les règlements auxquels a fait référence M. Morel sont très bien documentés par les recherches et nos chercheurs.

[Traduction]

De façon générale, nous devrions mettre l’accent sur un certain nombre de domaines. Sachez d’abord que chaque produit qui entre sur le marché est réglementé par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ou Santé Canada. Dans ce contexte, les études que ces organismes utilisent s’appuient souvent sur les recherches que nous avons réalisées. Dans ce domaine, particulièrement quand il est question de l’impact individuel et collectif, nous avons effectué un certain nombre de recherches.

Par exemple, dans le cas des pesticides, nous en avons mené quelques-unes sur les divers risques associés à certains produits ou médicaments, en examinant notamment les modèles de dispersion. Nous n’avons pas vraiment versé les produits dans l’eau, mais nous avons utilisé des teintures pour les simuler. Versant les teintures dans l’eau comme le produit le serait en pareil cas, nous avons un aperçu de sa dispersion et de son interaction avec l’écosystème.

Enfin, nous mettons en œuvre un programme de surveillance exhaustif sur chacune des côtes, concentrant notre attention dans les environs du Sud-Ouest de la baie de Fundy ou du Sud-Ouest du Nouveau-Brunswick afin d’avoir une idée de l’impact cumulatif. Nous avons prélevé près de 700 échantillons, établissant méthodiquement le nombre de sites d’aquaculture afin de déterminer l’ampleur des impacts résiduels. Ces échantillons sont actuellement soumis à une analyse chimique, mais nous peinons à trouver les laboratoires pour effectuer ces travaux au Canada en raison du grand nombre d’exigences que nous voulons étudier. Nous nous appuierons sur ces travaux pour déterminer les risques clés, puis nous intégrerons ces données dans le système de feu de circulation dont il a été question plus tôt.

Cependant, dans chacune de ces entreprises, c’est pas mal comme quand on se lève le matin : il est impossible de vivre dans un environnement totalement sans risque. Je pense que vous pouvez le comprendre. Le principal défi consiste à déterminer, grâce aux données probantes, l’endroit où se situent les risques les plus importants et à trouver des moyens de les atténuer. C’est ce que nous nous efforçons de faire.

[Français]

M. Morel : En ce qui concerne le deuxième aspect de votre question, nous collaborons avec une firme pour développer un plan d’audit afin de nous assurer de la justesse des informations qui nous sont fournies par les entreprises. Il s’agira d’un plan basé sur les risques et sur l’audit. Moins les informations fournies seront claires, plus l’entreprise fera l’objet d’une vérification. Nous voulons nous assurer que les informations fournies et publiées sur le site web sont appropriées.

[Traduction]

La sénatrice Petitclerc : Ma prochaine question pourrait nécessiter une longue réponse, mais vous pouvez aussi y répondre brièvement. Je comprends la structure de financement. Je présume que ce financement vient en partie de l’industrie et en partie de subventions ou d’autres sources.

Êtes-vous satisfait par ce qui fait l’objet d’études ou de recherches? La structure de financement est assurée en partie sur l’industrie, je présume. Êtes-vous satisfaits par l’objet des études et des recherches? En faisons-nous assez pour étudier les mesures de précaution, la sécurité du saumon par rapport à la productivité, par exemple? J’aimerais le savoir.

[Français]

M. Moore : C’est une excellente question. Je vais commencer en disant que depuis toujours, nos chercheurs ne sont jamais satisfaits du budget qui leur est fourni pour faire leur travail.

[Traduction]

De façon générale, nos chercheurs voudront toujours plus d’argent pour réaliser leurs travaux. Compte tenu de ce que nous avons, suis-je satisfait de la manière dont nous établissons nos priorités? Absolument.

Le budget que j’examinais ce matin est d’environ 14 millions de dollars et des poussières, soit près de 15 millions de dollars. Ce montant comprend un fonds de 2 millions de dollars qui s’accompagne d’un financement de contrepartie de 25 p. 100 de l’industrie. La contribution de l’industrie au financement est donc relativement modeste.

D’où obtenons-nous nos données? Nous réalisons des consultations exhaustives auprès de nos collègues du domaine de la réglementation afin de déterminer leurs besoins. Par exemple, Andy a évoqué le mode de dépôt, un des modèles que nous utilisions. Nous avons passé beaucoup de temps à perfectionner ce modèle afin de nous assurer qu’il fonctionne pour l’ensemble du contexte canadien. Nous tentons de réagir aux problèmes que rencontrent nos organismes de réglementation et nous travaillons avec nos scientifiques, lesquels collaborent avec des collègues du reste du monde, afin de connaître les dernières tendances et les questions qui se font jour.

Mon directeur des sciences aquacoles est un des hauts dirigeants de la World Aquaculture Society. Nos collègues sont là et s’impliquent dans le monde. La semaine dernière, un de nos principaux scientifiques, qui entreprend une étude d’envergure sur l’impact des pathogènes sur les poissons sauvages, nous a informés sur ce qu’il considère comme important. Nous tentons de tenir compte de ces conseils et de tous les facteurs. Est-ce parfait? Probablement pas. Dans l’ensemble, concentrons-nous nos énergies dans les bons domaines? Je pense que oui.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup d’avoir témoigné. C’était fort intéressant. Je vous remercie de vous être levé si tôt à Vancouver, où il doit être 6 heures.

Je voulais poursuivre sur le sujet abordé par la sénatrice Petitclerc. Vous avez dit que plus tôt ce mois-ci, des scientifiques se sont réunis à Vancouver pour étudier certaines bactéries et maladies. Je considère qu’il est important de le faire et de rencontrer des intervenants d’autres pays.

Dans l’avenir, en ce qui concerne les points au sujet desquels j’ai interrogé les témoins précédents concernant la santé et les maladies des poissons et la surveillance des maladies émergentes, quel plan avez-vous à cet égard? Existe-t-il un plan au sein de votre structure? Si on tient compte de ce que nous savons, il y a 10 maladies connues, mais qu’en est-il de l’avenir et de l’échange de connaissances avec d’autres pays du monde? Comment cela fonctionne-il?

M. Moore : Merci beaucoup de cette question. Je suis heureux d’avoir l’occasion de traiter de cette facette du sujet.

En ce qui concerne les maladies émergentes, comme vous le faites remarquer avec l’évaluation du risque, nous nous sommes fondés sur les données et nos observations sur place. Dans une certaine mesure, dans une grande partie des travaux réalisés en aquaculture dans le monde, si on détecte une maladie émergente dans une région, c’est parce que quelqu’un a observé quelque chose se passer dans une pisciculture. Nous parlons beaucoup. Il est beaucoup question au Canada d’un virus appelé réovirus pisciaire, ou RVP. Ce nom n’est pas encore définitif; c’est donc un domaine relativement émergeant, bien que le mot « émergent » puisse correspondre à un phénomène datant de 30 ou 40 ans dans le secteur de l’aquaculture et des sciences halieutiques. Ce n’est pas un problème qui a surgi hier matin.

Pour ce qui est des maladies émergentes, si on revient à mon observation précédente, l’Agence canadienne d’inspection des aliments collabore avec ce qui s’appelle Organisation internationale de la santé animale, un forum réunissant des organismes de réglementation et des scientifiques des quatre coins du monde qui cherchent à déterminer ce à quoi les personnes luttant contre les maladies devraient porter attention. Nous avons également noué un certain nombre de partenariats internationaux à propos des maladies. À l’heure actuelle, nous effectuons des travaux avec la France, la Norvège, l’Écosse et les États-Unis, cherchant toujours à déterminer l’importance des risques.

Certains de nos scientifiques mettent en œuvre des programmes, notamment l’initiative stratégique visant la santé du saumon, qui commence à avoir une certaine incidence. Cette initiative vise à utiliser les technologies génétiques afin de déceler des virus ou des microbes auparavant indétectables en examinant ceux qui sont présents, puis en concentrant nos énergies sur ceux qui peuvent présenter un risque ou en cherchant à déterminer ce qu’il faudrait examiner plus en détail.

Ici encore, je pense que la solution consiste à réunir les sources externes de données et à rester connectés, non seulement sur le plan des sciences, mais aussi sur celui de la réglementation, assimilant les connaissances afin de tenter de prendre des décisions éclairées afin de déterminer l’orientation de nos recherches.

Nous sommes fiers de réagir à notre environnement, rompant ainsi avec l’image classique des scientifiques allant de-ci de-là avec des œillères, peu importe ce qu’il se passe dans le monde. L’innovation est importante en sciences; il est donc crucial d’être connecté au monde.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.

Le sénateur McInnis : Merci beaucoup. Vous avez fait la lumière sur bien des points. J’ai toujours éprouvé la plus haute estime pour le ministère des Pêches et des Océans et votre travail. Je sais que l’aquaculture présente un certain nombre de défis. Ce n’est pas une critique, mais le fruit de mes observations.

Il me semble que nous sommes en train de faire du rattrapage. C’est maintenant que les enclos et les saumons d’élevage sont dans l’eau que nous tentons de voir comment nous pouvons résoudre les problèmes. Il y en a plusieurs, comme vous l’avez indiqué. Les évasions constituent un grave problème au chapitre du patrimoine génétique. Le saumon sauvage est touché par la maladie et les parasites, et nous cherchons à savoir comment les traiter. C’est un véritable défi.

Aidez-moi à comprendre. Si j’exploite une aquaculture — à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, par exemple — et que j’éprouve des problèmes avec le pou du poisson ou un parasite quelconque, quand l’Agence canadienne d’inspection des aliments intervient-elle? Son approbation est-elle nécessaire? La question ne relève pas des autorités provinciales, malgré l’endroit où est situé l’enclos. Qui approuve les médicaments?

M. Campbell : Merci de cette question, sénateur McInnis. C’est Santé Canada qui approuve les médicaments grâce au processus normal dans le cadre duquel il étudie tous les médicaments et les pesticides, et nous lui prodiguons divers conseils à ce sujet. Le rôle de l’ACIA consiste d’abord à être l’autorité responsable de la gestion des maladies au Canada dans le cadre du Programme national sur la santé des animaux aquatiques. À cet égard, nous collaborons particulièrement avec le groupe de Wayne, fournissant au ministère quantité de recherches et de conseils pour l’aider à prendre des décisions sur le traitement des maladies et le transport des produits au Canada.

Au Canada, selon l’endroit où l’on se trouve, que ce soit en Colombie-Britannique ou dans les provinces de l’Atlantique, des comités internes sont en place pour gérer les introductions et les transferts. C’est ainsi que le MPO, l’ACIA et les diverses provinces prennent une décision sur la manière dont nous introduisons un produit dans l’eau ou l’en retirons, nous assurant que nous ne transférons pas de maladie d’une région du pays à l’autre, par exemple. L’ACIA joue un rôle crucial en déterminant la santé des produits et en assurant la saine gestion des maladies au Canada.

Wayne, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Moore : Non.

Le sénateur McInnis : Je me rends compte que la réponse à cette question, c’est qu’il revient au Parlement et aux politiciens d’intervenir. En réalité, toutefois, les lois sont souvent issues de la fonction publique.

Considérez-vous que nous devrions nous doter d’une loi nationale sur l’aquaculture et d’en faire une loi parallèle? Avant l’adoption du Code criminel, le pays comptait un éventail de lois disparates, mais depuis l’avènement du Code criminel, le domaine est régi par des lois parallèles. Nous devrions avoir comme objectif suprême d’adopter une loi nationale parallèle. Je comprends que dans le domaine des eaux intérieures, tout ce qui concerne la réglementation peut se régler avec les provinces. Je sais que la situation est particulière en Colombie-Britannique, mais nous ne résoudrons pas la question et n’assurerons pas une certaine cohérence entre les provinces si nous n’avons pas une loi nationale et un ensemble de règlements connexes.

Avez-vous commencé à réclamer une loi?

M. Morel : Je tiens d’abord à remercier le comité de son rapport et de ses importantes recommandations, lesquelles ont été acceptées par le ministre de l’époque, M. LeBlanc. Il a accepté la recommandation où vous proposiez de déterminer le genre de loi sur l’aquaculture qu’il conviendrait de proposer. Juste après que cette recommandation eut été faite, nous avons commencé à examiner le genre de loi ou de modification à la Loi sur les pêches, par exemple, qu’il faudrait proposer afin de doter le pays d’une législation plus exhaustive et plus claire en matière d’aquaculture.

On nous a demandé de collaborer avec les provinces, car il s’agit d’un domaine de responsabilité partagée, comme vous l’avez d’ailleurs souligné. Le rôle des gouvernements fédéral et provincial est également une question délicate dans bien des provinces. Nous ne voulons pas adopter une loi pour assumer entièrement la gestion de l’aquaculture. Les provinces craignent que le gouvernement fédéral puisse simplement appliquer le modèle de la Colombie-Britannique à l’échelle du pays, ce à quoi les provinces de l’Atlantique, le Québec et nous-mêmes nous nous opposons.

Le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l’Aquaculture fait office de comité de gestion de l’aquaculture. Je copréside ce comité avec les provinces, c’est-à-dire la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick ces dernières années. Quant au groupe de travail, il se penche sur les divers scénarios, dont le statu quo et le renforcement de la réglementation. Le deuxième scénario consisterait à adopter une mesure législative mineure en matière d’aquaculture afin de clarifier les rôles et les responsabilités des provinces et de conférer au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir d’instaurer des normes nationales. Le troisième scénario, c’est la grande loi sur l’aquaculture qui a été réclamée par l’industrie, par exemple.

L’an dernier, lors de la réunion du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l’Aquaculture, le ministre LeBlanc a présenté quelque chose à ce sujet, et les ministres ont convenu de discuter de nouveau de la question cette année. La prochaine rencontre du conseil se tiendra les 4 et 5 décembre à St. John’s. Nous y présenterons le fruit de notre travail, c’est-à-dire les diverses options que nous proposons afin de permettre aux ministres de décider entre eux ce qui est préférable. À partir de là, nous aurons pour mandat de commencer l’élaboration d’une loi ou de modifications à la Loi sur les pêches.

Vous avez entièrement raison de dire que l’industrie et les investisseurs étrangers cherchent la clarté. Quand un investisseur de Norvège ou d’Écosse, des pays où œuvre la plus grande partie de l’industrie de l’aquaculture, étudie le régime et se demande pourquoi on procède différemment au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve et en Colombie-Britannique, la situation est complexe et il nous exprime son mécontentement à cet égard. Notre rôle, à titre d’organisme de réglementation, consiste à rendre les choses plus claires et à veiller à ce qu’il n’y ait aucun obstacle à l’investissement. Cela faisait partie de l’annonce faite hier à propos de la réglementation générale en matière d’aquaculture. C’est une manière, mais pas la seule, de clarifier notre objectif. Nous poursuivrons nos échanges avec les ministres au cours des deux prochaines semaines à St. John’s au sujet de leur intention d’apporter ou non des modifications à la loi dans les prochaines années.

J’ignore si cela répond à votre question.

Le sénateur McInnis : Cela y répond, et je suis heureux de l’entendre. Cela se fera au cours des prochaines années?

M. Morel : Nous ne pourrons probablement pas intégrer nos mesures législatives dans cette loi, mais nous travaillerons à ce dossier. Si nous avons un mandat à cette fin, nous devrons nous adresser au Cabinet, rédiger le projet de loi et le déposer à la Chambre des communes ou au Sénat.

Le président : Nous sommes impatients de le recevoir.

Le sénateur Christmas : Mme Gelfand a indiqué au cours de son exposé que les 12 principaux stocks de poissons ne faisaient l’objet d’aucun plan de rétablissement, et le rapport date de 2016. Pouvez-vous faire le point et nous dire où en est l’élaboration de plans de rétablissement de ces 12 stocks de poissons?

M. Morel : J’ignorais malheureusement que Mme Gelfand aborderait la question avec vous. Ce dossier ne relève pas de ma responsabilité. Je sais toutefois que nous avons reçu des fonds pour faire progresser ce plan dans le budget de 2017.

Sachez en outre que vous verrez prochainement, je l’espère, que le projet de loi C-68 contient des dispositions pour rétablirles stocks de poissons ou, en fait, résoudre la question soulevée par la commissaire. Nous espérons que cela nous aidera à éclaircir la situation.

Nous nous employons à mettre à jour le Plan de gestion intégré de la pêche pour les espèces importantes du Canada, qui en compte 159, il me semble. Nous travaillons à ce dossier, mais ce n’est pas une tâche que nous pouvons accomplir en deux ans. Nous procédons par priorité.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur Morel.

Le président : Je remercie les sénateurs et nos invités. Nous avons eu une conversation instructive ce matin et avons recueilli d’excellentes observations. Je vous souhaite bonne chance dans votre travail. Nous sommes ravis d’entendre que le ministère étudie les recommandations que nous avons formulées dans nos rapports précédents, particulièrement celui portant sur l’aquaculture. Nombreux sont ceux qui ont souligné le besoin d’une loi sur l’aquaculture. Cette loi figurait parmi les principales recommandations que nous avons intégrées à notre rapport à la demande des membres de l’industrie, des communautés et de tous ceux qui veulent que l’industrie soit ce qu’elle peut être pour la population canadienne.

Nous sommes impatients d’en entendre davantage de votre part à ce sujet. Nous serons à St. John’s dans quelques semaines, et nous sommes toujours ravis de recevoir des gens de Terre-Neuve-et-Labrador. Ce n’est pas la saison de l’écran solaire, mais je suis certain que votre voyage là-bas vous plaira. Merci d’avoir comparu.

(La séance est levée.)

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