Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 36 - Témoignages du 5 février 2019
OTTAWA, le mardi 5 février 2019
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 9 h 31, pour étudier le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je m’appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et j’ai l’honneur de présider la réunion de ce matin.
Avant de céder la parole à nos témoins, j’ai deux ou trois choses à dire à l’ensemble des membres du comité et à tous ceux que ça intéresse. Nous avons publié un rapport sur les activités de recherche et de sauvetage l’automne dernier. Nous avons bénéficié d’une importante couverture à l’échelle du pays. J’ai récemment consulté un exemplaire de la revue Navigator, la voix de l’industrie de la pêche dans le Canada atlantique, qui renfermait un article très bien écrit sur notre rapport et faisait état d’excellents commentaires formulés dans le Canada atlantique et à l’échelle du pays. C’est une petite source de satisfaction pour tous les membres. Je sais qu’il a fallu beaucoup de temps pour produire notre rapport sur les activités de recherche et de sauvetage, mais le processus a été intensif, et la rétroaction, très bonne.
On verra bien ce qui se produira relativement aux recommandations que nous avons formulées, mais il y a des exemplaires du rapport si quiconque veut y jeter un coup d’œil.
Je demande maintenant aux membres du comité de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Campbell : Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
La sénatrice Busson : Bev Busson, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Francis : Brian Francis, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
[Traduction]
Le président : Merci, sénateurs.
Le comité commence son étude du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Nous accueillons aujourd’hui cinq groupes de témoins. La journée sera occupée, et je remercie bien sûr tous ceux qui participent aujourd’hui.
Le premier groupe compte trois témoins. Je vais leur demander de se présenter et de dire qui ils représentent.
Paul Lansbergen, président, Conseil canadien des pêches : Paul Lansbergen, du Conseil canadien des pêches.
Christina Burridge, directrice générale, BC Seafood Alliance : Christina Burridge, de la BC Seafood Alliance.
Carey Bonnell, vice-président, Engagement et développement durable, Ocean Choice International, Conseil canadien des pêches : Carey Bonnell, d’Ocean Choice International.
Le président : Merci d’être là aujourd’hui. Je crois comprendre que nos témoins présenteront une déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs pourront poser des questions, et nous pourrons commencer notre discussion.
Qui veut commencer?
M. Lansbergen : Au nom du Conseil canadien des pêches, je remercie le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans de m’avoir invité à formuler des commentaires sur le projet de loi C-55.
Le conseil est le porte-parole national du secteur des pêches au Canada. Nos membres incluent des petites, moyennes et grandes entreprises ainsi que des entreprises autochtones qui pêchent et transforment du poisson provenant des trois côtes et des eaux intérieures du Canada.
Les pêcheries commerciales canadiennes sont des partenaires dans le cadre de la promotion de la conservation des environnements marins. Pour les 80 000 Canadiens qui dépendent des activités de pêche commerciale pour gagner leur vie et les 7 milliards de dollars d’activités économiques générées chaque année, la durabilité et la santé de notre écosystème marin sont cruciales.
Les changements sociétaux en ce qui a trait aux attitudes face à l’environnement renforcent aussi de façon positive les efforts de conservation. Les consommateurs sont de plus en plus informés et ils veulent savoir d’où vient leur nourriture et de quelle façon elle a été produite. À cet égard, les pratiques de pêche durables et la gestion durable des pêches, y compris la conservation, ne sont pas seulement de bonnes pratiques commerciales : elles sont importantes du point de vue de l’approbation sociale.
À ce sujet, je tiens à souligner qu’environ les deux tiers des prises de fruits de mer proviennent de pêcheries certifiées du MSC, aussi reconnu comme étant l’étalon-or en matière de durabilité des fruits de mer. Ces récoltes représentent la grande majorité des stocks et plus de 80 p. 100 de la valeur des activités de pêche au Canada. C’est une donnée remarquable, surtout lorsqu’on la compare à la moyenne mondiale des pêches certifiées, qui s’élève à environ 14 p. 100.
M. Bonnell : Ce qui nous préoccupe relativement au projet de loi C-55, c’est moins le projet de loi en tant que tel que la façon dont il sera mis en œuvre. Il va sans dire que trouver le juste équilibre entre un accès stable aux ressources et de solides objectifs en matière de conservation exige une collaboration continue entre les gouvernements, l’industrie et les autres intervenants.
Les défis liés à un accès stable découlant des ZPM sont extrêmement préoccupants et pourraient devenir encore plus marqués. Le Canada est en voie d’atteindre la cible de 10 p. 100 des zones de protection marine d’ici 2020 qu’a fixé la Convention sur la diversité biologique du Secrétariat des Nations Unies, mais pas sans causer d’énormes difficultés aux communautés de pêcheurs. On est de plus en plus préoccupé par le fait que le Canada envisage de s’engager à l’égard de cibles supplémentaires à atteindre d’ici 2030. Il est essentiel de s’assurer que ces décisions sont prises compte tenu des points de vue scientifique et socioéconomique.
Le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a souligné ce point dans son rapport sur le projet de loi C-55, lorsqu’il a dit que les réalités socioéconomiques des collectivités côtières qui s’appuient sur les océans devraient être prises en considération « de manière transparente » par le MPO, qui devrait « en faire un élément central du processus décisionnel relatif aux ZPM ». Le comité a ajouté qu’il s’agissait d’un oubli majeur dans le cadre du processus décisionnel vu que « le processus de création de ZPM peut causer des conflits importants [et] une perte de confiance si l’on ne tient pas compte des facteurs sociaux, économiques et cultuels [autochtones] », ajoutant que « les ZPM qui sont créées ne sont pas aussi efficaces qu’elles pourraient l’être ».
Que faudrait-il faire lorsque le MPO cerne une nouvelle zone d’intérêt pouvant devenir une zone de protection marine? Premièrement, comme l’a souligné le comité de la Chambre, il faut évaluer les répercussions économiques et sociales, y compris les coûts des patrouilles et des activités d’application de la loi. Les consultations sur les ZPM proposées devraient chercher activement à obtenir les commentaires des intervenants directement touchés. De plus, les décisions menant à la création d’une ZPM doivent aussi tenir compte des répercussions négatives sur les personnes qui dépendent directement des ressources qui se trouvent dans les ZPM proposées en plus d’envisager des mesures compensatoires lorsqu’il est prouvé que les collectivités perdront au change.
Deuxièmement, il faut utiliser un processus décisionnel fondé sur des données scientifiques et rendre facilement accessibles au public les données scientifiques et les autres facteurs pris en considération au moment de décider s’il convient de créer une ZPM. Il y a eu, au cours des deux ou trois dernières années, des exemples d’efforts visant à concevoir des ZPM pour atteindre une cible en matière de superficie qui n’était pas assortie d’objectifs de conservation valides du point de vue scientifique. De telles approches sont mal avisées et ne font aucunement avancer un programme de conservation responsable.
Troisièmement, il faut adopter une approche souple au moment de choisir le bon outil de conservation pour la situation. Le bon outil de conservation ne sera pas nécessairement une ZPM; en effet, les données probantes tirées des 87 ZPM établies à l’échelle internationale ont montré que de telles zones ne sont pas toujours efficaces parce que créer une ZPM statique dans l’océan protège seulement des espèces ou des groupes d’espèces précis dans une zone et à un moment précis. Cette dynamique est devenue de plus en plus évidente au cours des dernières années vu l’environnement marin en rapide évolution avec lequel nous devons composer.
À cet égard et en ce qui concerne la conservation et la gestion des espèces commerciales, il peut y avoir des techniques de gestion des pêches plus modernes et plus efficaces, qui peuvent aller de la modification des configurations des engins de pêche à des rajustements des saisons de pêche. Les ZPM devraient être considérées comme un des nombreux outils dans le coffre d’outils de conservation. C’est un point que je voulais souligner aux membres aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle le CCP soutient les efforts du Canada dans le cadre des discussions internationales pour assouplir les mesures qui sont considérées comme des mesures de conservation marines. Nous croyons qu’intégrer ces recommandations dans le processus des ZPM renforcera la confiance du public à l’égard des résultats, assurera une durabilité et une biodiversité solides et réduira au minimum les répercussions socioéconomiques imprévues là où les pêches sont le moteur de l’économie de nombreuses collectivités rurales. Merci beaucoup.
Mme Burridge : Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m’avoir invitée aujourd’hui. La BC Seafood Alliance est la plus grande organisation de pêche commerciale de la côte Ouest. Nos membres à part entière sont des associations qui représentent les propriétaires et les exploitants de navires de pêche commerciale autorisés dans la plupart des principaux secteurs des pêcheries de la Colombie-Britannique. Lorsque nous avons comparu devant le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes relativement aux ZPM, nous avons formulé quatre suggestions qui, selon nous, pourraient renforcer la protection de la conservation, et je veux passer en revue ces suggestions avec vous aujourd’hui.
Premièrement, nous reconnaissons que le processus actuel d’établissement des ZPM est indûment long. Bon nombre des retards sur les deux côtes tiennent davantage aux retards liés à la réglementation qu’aux limites des évaluations scientifiques et socioéconomiques. Par exemple, il a fallu 15 ans après la fermeture volontaire de l’industrie de la pêche dans les récifs d’éponge du détroit d’Hécate avant que ces récifs reçoivent leur désignation de ZPM, en 2017. C’est trop long.
Par conséquent, nous sommes d’avis qu’il serait approprié d’accorder le statut de ZPM provisoire à une zone donnée à la conclusion des évaluations scientifiques et socioéconomiques. De cette façon, des mesures de protection pourraient être mises en œuvre avant le début du processus réglementaire, mais on s’assure ainsi que les limites proposées sont fondées sur des données probantes et découlent d’un examen exhaustif auquel ont participé tous les utilisateurs de l’océan. C’est ainsi qu’on peut accroître la coopération et l’adhésion.
Deuxièmement, l’idée d’appliquer un gel de l’empreinte en fonction des 12 mois d’activité précédents nous paraît inquiétante. Comme bien des pêches se font par rotation, si une personne a pêché dans une zone au cours des 12 mois précédents, elle pourrait continuer de le faire de façon provisoire pendant que sont réalisées les évaluations scientifiques. Les panopes et les concombres de mer sur notre côte sont récoltés seulement une fois tous les trois ans à des fins de conservation. D’autres pêches peuvent ne pas avoir lieu une année donnée en raison de conditions environnementales, en raison de la qualité de l’eau ou à la lumière d’autres limites liées à la pêche. On ne devrait pas automatiquement empêcher les pêcheurs de continuer à travailler durant la période provisoire tout simplement parce qu’il n’y a pas eu d’activité de pêche au cours des 12 mois précédents. Nous aimerions que soit adopté un délai de trois ans ou même de six ans, mais trois ans au minimum. Je souligne aussi que le ministre pourrait exiger la fermeture immédiate d’une zone en vertu de la Loi sur les pêches si cela était vraiment nécessaire.
Troisièmement, l’une de nos préoccupations, c’est que le projet de loi qui vous a été renvoyé pour étude ne précise pas que le ministre doit consulter les personnes qui seront touchées par des désignations permanentes des ZPM. Nous avons besoin de consultations afin de trouver des solutions durables que toutes les parties soutiendront à long terme.
Mon dernier point, c’est que les modifications apportées à la Loi sur les océans ne devraient pas exclure l’indemnisation des pêcheurs qui sont privés d’accès à la ressource. Si une zone soumise à une protection permanente englobe une importante zone exploitable, ou si nous ne pouvons pas compenser la perte ailleurs, alors, il faudrait envisager de verser des indemnisations.
Nous croyons que les ZPM font partie des outils permettant une bonne gestion marine, comme mes collègues l’ont dit. Bien sûr, nous soutenons les cibles actuelles du Canada en matière de conservation marine. Nous avons atteint la première cible liée à la protection de 5 p. 100 de nos eaux en 2017. Nous croyons que le Canada atteindra la deuxième cible de 10 p. 100 d’ici 2020. Il ne fait aucun doute que, sur la côte Pacifique, selon les données d’Environnement et Changement climatique Canada, nous aurons protégé 37 p. 100 de la côte d’ici 2020.
Des pêches bien gérées sont la source des protéines les plus durables au monde. Les menaces qui pèsent sur nos océans sont bien réelles, mais elles proviennent de l’exploitation pétrolière et gazière, de la prospection et de l’exploitation minière des fonds marins, de l’acidification des océans et des changements climatiques, et non pas de la pêche à des fins alimentaires au Canada.
Le développement durable n’est qu’un des trois principes sur lesquels repose la Loi sur les océans, et les ZPM sont créées en partie pour conserver et protéger les ressources halieutiques. L’objectif de la Loi sur les océans et, par conséquent, des ZPM, est non pas d’éliminer la pêche commerciale, mais de protéger ce qui doit l’être tout en permettant une utilisation durable.
Certains ont dit que la principale menace à nos océans est l’extraction commerciale de milliards de tonnes de biomasse. C’est peut-être vrai à l’échelle internationale, mais ce n’est pas vrai au Canada. Les débarquements sur la côte Ouest s’élevaient récemment en moyenne à 160 000 tonnes par année. La pollution, la destruction des habitats et les changements climatiques sont des menaces bien plus grandes encore, et les ZPM ne pourront rien faire, ou si peu, pour en atténuer les effets.
Nos pêches sur la côte Ouest sont gérées de façon extrêmement conservatrice. La plupart sont reconnues par le Marine Stewardship Council, le Monterey Bay Aquarium ou le programme Ocean Wise comme étant des pêches durables et bien gérées. Le fait que le Canada ferme de grandes zones à la pêche est peu bénéfique pour la biodiversité et la conservation, les gens qui travaillent dans notre secteur et qui font partie de la classe moyenne ou qui aspirent à la rejoindre, et la santé des Canadiens qui méritent un accès durable à des fruits de mer locaux. Nous croyons qu’il est possible de protéger la biodiversité tout en soutenant des pêches saines et durables pour nourrir le Canada et le reste du monde.
Le président : Comme nous l’avons fait dans le passé, la première intervention sera celle du vice-président du comité, le sénateur Gold.
Le sénateur Gold : Pour commencer, monsieur Lansbergen, vous avez mentionné que vous jugez la mise en œuvre du projet de loi plus problématique que le projet de loi en tant que tel, et, à la fin de votre exposé, vous avez fait allusion à vos recommandations.
Avez-vous des propositions en tant que telles à nous présenter ou de possibles aspects du projet de loi que, selon vous, il convient de modifier?
M. Lansbergen : Pas en ce qui concerne le projet de loi en tant que tel. Nous ne recommandons aucune modification. Ce qui nous intéresse, c’est davantage la façon dont les pouvoirs seront utilisés. Christina Burridge a formulé un très bon point au sujet du moment où il convient d’établir une ZPM provisoire. On devrait seulement le faire après avoir terminé les évaluations scientifiques visant à cerner une zone d’intérêt et à définir la composante de la protection et au terme des consultations auprès des intervenants.
Si une ZPM provisoire est créée avant ça, on court-circuite le processus. Selon moi, ce n’est pas là l’intention du gouvernement, mais il n’y a rien dans le projet de loi non plus qui exige le respect d’un tel processus.
Le sénateur Gold : Madame Burridge, vous avez formulé des recommandations devant le comité de l’autre Chambre, et vous les avez soulignées ici aussi. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le délai à respecter avant le gel de l’empreinte. Devant la Chambre, il était question de cinq ans, et on parle maintenant de six ans. Plus précisément, formulez-vous une recommandation générale ou faudrait-il plutôt uniquement appliquer ce délai à titre exceptionnel pour remplacer le délai de 12 mois lorsqu’il est question de pêches par rotation?
Mme Burridge : Si vous optiez pour trois ans partout, alors on pourrait tenir compte de situations comme celle-là et peut-être aussi la situation d’autres pêches de mollusques et de crustacés qui sont fermées en raison de problèmes liés à la qualité de l’eau.
Je crois vraiment que les pêches par rotation sont essentielles sur la côte Ouest. Je ne suis pas sûre si c’est aussi le cas sur la côte Est. On parle d’une période de trois ans. C’est à ce moment là qu’on a parlé d’une période de six ans, mais je crois que nous serions heureux avec trois ans.
Le sénateur Gold : Si j’ai bien compris, c’est en grande partie en raison des pêches par rotation.
Mme Burridge : Oui.
Le sénateur McInnis : Ce projet de loi intéressant a provoqué beaucoup de préoccupations dans le Canada atlantique, particulièrement dans ma province de la Nouvelle-Écosse.
Si je vous ai bien comprise, vous avez suggéré dans l’une de vos observations que les ZPM ne devraient pas être établies avant « la conclusion des évaluations scientifiques et socioéconomiques ». Par conséquent, les limites proposées seraient fondées sur les données probantes et un examen exhaustif faisant intervenir tous les utilisateurs de l’océan. On favoriserait ainsi une meilleure adhésion et un meilleur soutien du public.
Êtes-vous consciente du fait que le projet de loi précise qu’une absence de données scientifiques n’est pas une condition préalable à l’adoption du projet de loi ou à l’établissement d’une ZPM? Si ce n’est pas fait, ils doivent aller de l’avant.
Mme Burridge : Nous partageons bon nombre des mêmes préoccupations, monsieur le sénateur, que vous avez entendues de la part de vos électeurs. Nous avons été déçus par le niveau de consultation ou l’efficacité du processus de consultation jusqu’à présent, et nous sommes troublés par certaines des données scientifiques. Nous aimerions assurément qu’il y ait de meilleures analyses scientifiques, et l’analyse socioéconomique doit être réalisée de pair avec l’analyse scientifique.
Si l’objectif, c’est l’équilibre, alors on procède à l’envers. Vous réalisez toutes les analyses scientifiques dans un premier temps, pour ensuite examiner tardivement les répercussions socioéconomiques. Vous avez vraiment mis tout l’accent sur la science, sans regarder l’impact sur les gens. Il faut faire les deux en même temps.
Si je peux me permettre une deuxième observation, j’ajouterais que la capacité d’analyse socioéconomique du MPO est très faible.
M. Bonnell : Je peux peut-être intervenir rapidement et fournir un point de vue de la côte Est, puisque je suis installé à Terre-Neuve et que je possède certaines capacités en Nouvelle-Écosse. Notre préoccupation relativement aux dispositions des modifications proposées, c’est qu’il n’y aura rien de plus permanent qu’une ZPM temporaire ou provisoire.
Une fois qu’une telle chose est établie d’entrée de jeu — potentiellement sans bonnes données scientifiques et sans qu’on ait mené des consultations appropriées —, l’occasion d’y apporter des changements en aval est, selon nous, probablement limitée.
Je veux aussi souligner quelque chose au bénéfice de ceux qui ne le savent pas. Paul Lansbergen y a fait allusion dans sa déclaration préliminaire du point de vue macroéconomique. Nous avons de très solides structures de gestion des pêches en place dans l’industrie des fruits de mer canadienne. Je pourrais vous montrer nos conditions d’octroi de permis d’entreprise en ce qui concerne la réduction des captures involontaire, la réduction des captures accessoires, les protocoles en matière de taille minimale, les zones fermées pour permettre la reproduction, la présence des observateurs et les observateurs à quai. Il y a de nombreuses dispositions en place dans notre processus de gestion, et c’est la raison pour laquelle la grande majorité de nos pêches sont maintenant titulaires de l’étalon-or de la Marine Stewardship Council.
Nous misons sur des outils qui fonctionnent efficacement. Les ZPM peuvent fonctionner dans certaines régions et sous certaines conditions. Dans le cas de la protection des écosystèmes marins très vulnérables et des coraux et des éponges, nous sommes bien sûr tous favorables à ces zones, et cela ne nous préoccupe aucunement. Le fait d’interdire l’accès à de grandes portions de l’océan pour atteindre une cible sans pour autant fournir les solutions dont nous avons besoin pour assurer des pêches responsables et durables n’est pas une bonne marche à suivre.
Ainsi, à notre avis, investir davantage dans l’embauche de scientifiques responsables de l’évaluation des stocks au sein du ministère des Pêches et des Océans serait un bien meilleur pas dans la bonne direction pour combler certaines des déficiences qui existent à cet égard, et une telle solution aura des répercussions plus durables. Ce n’est pas aussi intéressant qu’une cible mondiale, mais une telle mesure donnera un bien meilleur résultat au bout du compte, de mon point de vue, du moins.
Le sénateur McInnis : Le défi vient en partie du fait que le MPO a pris la parole et annoncé une zone d’intérêt sans mener aucune consultation. Le cas le plus récent concerne une zone de 2 100 kilomètres le long de la côte de la Nouvelle-Écosse. Nous avons 13 300 kilomètres de côte, et j’ai en ma possession une carte selon laquelle il pourrait y avoir éventuellement 18 de ces zones.
Sans aucune consultation, il a soulevé un tollé absolu dans le milieu des pêches. Les pêcheurs ne savent absolument pas s’ils pourront continuer à pêcher le homard. Rien n’a encore été dit.
Vous avez parlé de confiance. Ils s’arrangent pour qu’il y ait un manque de confiance. Je peine à le dire, mais je répète ce que j’ai entendu. Vous l’avez dit aussi, ce matin. L’autre processus était long, il durait sept ou huit ans, mais à qui la faute? Était-ce imputable au MPO? Ce n’était assurément pas la faute des pêcheurs.
Pourquoi mettons-nous actuellement en place une empreinte de façon unilatérale, ici, à Ottawa et pourquoi disons-nous aux gens que c’est ainsi que les choses se dérouleront à partir de maintenant? C’est un peu comme renverser le fardeau de la preuve dans le droit criminel. Vous êtes coupable jusqu’à preuve du contraire. Est-ce ce dont il s’agit?
Mme Burridge : Évidemment, nous croyons qu’il y a de bien meilleures façons de procéder, et cela inclut la participation de pêcheurs au processus, avec des scientifiques et d’autres intervenants, pour évaluer quelles mesures pourraient être logiques.
Comme Carey Bonnell l’a dit ou comme je l’ai souligné dans ma déclaration, nous voyons qu’il y a certaines choses qu’il faut protéger, comme les récifs d’éponges du détroit d’Hécate. C’est quelque chose que nous avons fait volontairement des années avant que le gouvernement le fasse. Nous pouvons être de très bons joueurs à cet égard. De façon générale, nous avons l’impression d’être les derniers consultés.
Le sénateur Plett : Monsieur Bonnell, vous avez dit ce qui suit dans votre déclaration :
Le bon outil de conservation ne sera pas nécessairement une ZPM; en effet, les données probantes tirées des 87 ZPM établies à l’échelle internationale ont montré que de telles zones ne sont pas toujours efficaces parce que créer une ZPM statique dans l’océan protège seulement des espèces ou des groupes d’espèces précis dans une zone et à un moment précis.
J’aimerais que vous nous fournissiez un peu d’explication à ce sujet. Est-ce que ces espèces se déplacent? Si nous procédons de cette façon maintenant, pourquoi aurions-nous tort? Qu’entendiez-vous par cette déclaration?
M. Bonnell : Ocean Choice International s’intéresse à un large éventail d’espèces qui sont principalement des espèces migratoires, comme les poissons de fond, par exemple, qu’on parle du flétan noir, du sébaste ou même de la crevette nordique. Il y a certaines espèces sédentaires au Canada pour lesquelles des ZPM pourraient être une approche plus appropriée. La plupart des espèces pêchées sont de nature très migratoire et elles se déplacent à l’extérieur des limites. Le fait de cerner une zone de protection précise pour des espèces extrêmement migratoires n’est pas, selon nous, l’outil le plus responsable.
Il y a peu de données probantes, voire aucune, relativement à ces types de ZPM dans des environnements extracôtiers très dynamiques. Les ZPM fonctionnent bien dans des zones où il est nécessaire de protéger un environnement benthique sensible. J’ai commencé ma carrière lorsque je vivais aux Philippines. L’un des premiers projets auquel j’ai participé consistait en fait à mener des recherches sur un récif de corail où nous envisagions de créer une zone de protection marine. Les ZPM fonctionnent et sont des mesures logiques dans une administration où la gestion des pêches est déjà médiocre, là où il y a peu de capacités d’application de la loi ou de la réglementation et là où des environnements très sensibles dépendent des récifs de corail.
Dans des zones comme celles auxquelles nous sommes souvent confrontés au Canada, que ce soit sur la côte Ouest, la côte Est ou même dans l’Arctique, la réalité, c’est que d’autres outils sont beaucoup plus logiques. Par exemple, la fermeture des pêches au moment du frai est logique, les protocoles sur les petits poissons sont logiques, tout comme la réduction ou l’élimination des captures accessoires ou des pêches non désirées ou non ciblées. En outre, il est aussi logique d’adopter de solides modèles d’évaluation des populations pour s’assurer de tenir compte des considérations liées aux changements climatiques. Ces éléments sont tous des conditions pour obtenir nos permis.
J’aimerais souligner une dernière chose relativement à ce que vous avez dit en réaction à mes commentaires. Nous sommes sur l’eau et nous constatons déjà que des changements importants se produisent. Nous voyons les choses bouger. Les tendances migratoires et la répartition des poissons changent en raison des changements climatiques. Le fait d’établir des limites statiques à une époque où l’on constate de tels changements rapides n’est probablement pas la bonne approche, du moins, de notre point de vue.
Le sénateur Plett : Madame Burridge, vous avez mentionné que votre flotte de pêche au chalut sur la côte Ouest a réduit son empreinte de plus de 20 p. 100 et a mis en place un gel visant la protection de 50 p. 100 des types d’habitats.
Selon vous, croyez-vous que le gouvernement actuel s’appuie trop sur la coercition à des fins de conformité par l’intermédiaire de la législation plutôt que de travailler en collaboration et de façon coopérative avec les intervenants? Quel groupe qui n’a pas encore été consulté le gouvernement devrait-il, justement, consulter?
Je suis préoccupé par certains des droits accordés au ministre de prendre des décisions unilatéralement sans consultation. Qui sont tous les intervenants que le ou la ministre devrait consulter?
Mme Burridge : La liste est principalement composée des personnes que vous avez mentionnées. Les ZPM touchent probablement l’industrie de la pêche plus que tout autre secteur au Canada. Nous devons être consultés. Évidemment, les Autochtones doivent être consultés, parce qu’ils ont un intérêt énorme. Sur la côte Ouest, nous croyons que nous devons faire participer à ce processus la communauté environnementale.
Si je reviens à l’exemple que vous avez mentionné, où l’on gèle l’empreinte du chalut et protège 50 p. 100 de chaque type d’habitat, c’était une initiative conjointe entre le secteur du chalutage et un groupe d’ONG, avec un certain soutien du MPO, mais ce dernier n’était vraiment là que pour aider à fournir quelques renseignements et données. C’est quelque chose qu’ils ont élaboré.
Nous savons que nous pouvons faire en sorte que les processus volontaires fonctionnent vu la façon dont nous gérons nos pêches. Nous avons pris la plupart des décisions difficiles au sujet de la conservation, et nous avons un intérêt à long terme pour ce qui est de nous assurer que nos océans sont sains et que nous pouvons générer de la matière première pour nos produits. Nous croyons que le ministre n’a pas besoin d’une mesure extraordinaire. Il doit établir quelques principes clairs, puis nous pouvons nous mettre au travail conjointement avec les Autochtones et d’autres parties prenantes.
Le sénateur Plett : J’aimerais également poser une brève question de suivi au ministre. Nous avons beaucoup entendu parler dans les médias récemment des pipelines dans notre secteur énergétique sur la côte Ouest et du fait que les collectivités autochtones n’ont pas été consultées. Les a-t-on consultées?
Mme Burridge : Pour celles que nous voyons sur la côte Ouest, il y a certainement eu quelques consultations avec les collectivités autochtones. Ces collectivités verraient plutôt les consultations de la même façon que moi. Elles se tiennent à un niveau très élevé. Puis, nous découvrons que des zones sont fermées avant d’avoir eu la chance de comprendre ce que cela veut vraiment dire pour les hommes et les femmes qui vivent de l’eau.
Le sénateur Campbell : Je partage bon nombre des préoccupations du sénateur McInnis. Tout comme lui, j’ai moi aussi discuté avec des pêcheurs de la côte Ouest. Je devrais d’abord dire que, sur la côte Ouest, à tout le moins, le secteur des pêches n’est pas reconnu pour sa capacité de prévoir l’emplacement des poissons, leur nombre, le moment où ils seront là et tout le reste.
Qui décide qu’il y a eu suffisamment de consultations? Qui décide que les données scientifiques et socioéconomiques ont été étudiées? Qui décide de ce qui arrive aux petites collectivités? Quand décidons-nous que nous avons mené assez de consultations? Qui prend ces décisions? Est-ce vous? Est-ce le ministère des Pêches? Je ne sais pas quoi penser. Bien franchement, les gens à qui je m’adresse sont aussi confus.
Mme Burridge : Un des problèmes que nous avons eus dans le cadre du processus, c’est que les consultations ont été raccourcies, car nos échéanciers sont très serrés. De plus, le MPO a du mal à s’écarter des grands principes de ce qu’il souhaite protéger pour réussir à trouver des lieux où ceux-ci fonctionneront sans entraîner des conséquences imprévues. Il commence aussi à voir que les conséquences pourraient être pires si vous déplacez l’activité des pêches ici pour l’envoyer ailleurs.
Je crois que la tâche était un peu trop ambitieuse. Je crois que nous atteindrons l’objectif de conservation marine pour 2020, mais j’aimerais vraiment nous voir prendre le temps d’évaluer ce qui a été fait au cours des quatre ou cinq dernières années et de tirer les leçons que nous devons tirer avant de nous attaquer à des objectifs encore plus ambitieux.
M. Lansbergen : J’aimerais dire quelque chose sur les consultations. De toute évidence, le MPO est celui qui décide que la consultation est terminée et de la façon dont il l’aborde. Il a fait savoir qu’il essaie de tendre la main à tous les intervenants concernés par une zone d’intérêt ou une ZPM individuelle. Toutefois, notre industrie est très fragmentée, et ce, particulièrement du côté du littoral.
Des centaines et des milliers de pêcheurs pourraient être touchés, selon la taille d’une zone d’intérêt. Il peut être très difficile de les mobiliser au cours d’une brève période, particulièrement si cela chevauche une saison de pêche. Nous en avons fait l’expérience dans le passé, et c’est le vrai problème. Puis, lorsque vient le temps d’effectuer l’analyse socioéconomique, souvent, il n’y a pas de données qui permettent d’estimer de façon exacte les répercussions réelles. Lorsque le ministère arrive à l’étape du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation du processus réglementaire, il n’obtient qu’un nombre très petit et négligeable, car les données n’existent pas. C’est toujours sous-estimé, et c’est fait après la consultation.
Ce sont certaines des difficultés que nous avons observées.
Le sénateur Campbell : C’est exactement ma préoccupation. Pour commencer, c’est un processus arbitraire, si le ministère décide qu’il n’y a pas de données disponibles sur la réalité socioéconomique d’une petite ville sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique, par exemple. Si les données n’existent pas, alors il lui incombe de les obtenir. Nous ne pouvons pas aller de l’avant et dire que nous adoptons une approche scientifique si nous n’allons pas chercher les renseignements, n’est-ce pas?
Nous parlons de ce qui va se passer, mais en fait, que se passera-t-il sur le terrain ici? Quel est l’effet sur les gens dans ces collectivités?
Mme Burridge : Monsieur le sénateur Campbell, nous avons demandé à un économiste des pêches de présenter un aperçu de ce à quoi ressemblerait une bonne analyse socioéconomique. Nous l’avons donnée au ministère, et celui-ci a dit : « Nous ne pouvons pas faire cela. »
Le sénateur Campbell : Pourquoi ne peut-il pas le faire? C’est la question que je lui pose.
Mme Burridge : Parce que le temps et le coût nécessaires pour recueillir les données dépasseraient les échéanciers arbitraires qu’il a déjà déterminés.
Le sénateur Campbell : Ma réponse, c’est que le temps et le coût nécessaires seront supérieurs si vous ne le faites pas.
Mme Burridge : Je suis d’accord avec vous, et ceux-ci seront assumés par les collectivités et les pêcheurs.
La sénatrice Poirier : J’aimerais revenir un peu sur les discussions qui ont déjà commencé.
Je suis bien au courant des répercussions que les rares consultations ou l’absence de consultations peuvent avoir sur une collectivité, ainsi que des répercussions sur les baleines dans le Nord-Est du Nouveau-Brunswick et la fermeture des zones de pêche. Les répercussions sur les pêcheurs, les aides-pêcheurs et les gens qui travaillent dans les usines de transformation se sont fait ressentir jusque sur les gens dans la collectivité qui n’ont pas d’argent à dépenser pour acheter des choses et sortir. Cela a des effets, et c’est toujours une préoccupation.
Vous avez beaucoup parlé de l’absence de consultations et de l’importance d’en tenir. Vous avez affirmé que, selon le libellé actuel du projet de loi, le ministre n’a pas besoin de consulter les personnes touchées par les fermetures permanentes des ZPM et qu’une telle approche contredit complètement la façon de parvenir à une solution durable que toutes les parties peuvent soutenir.
Avez-vous reçu une réponse du ministre quant à ces préoccupations? Vos membres chercheront-ils à apporter un amendement au projet de loi C-55 afin de remédier à cette situation et de s’assurer que le processus de consultation a lieu? Je ne dis pas qu’ils ne doivent pas le faire.
Mme Burridge : Nous n’avons pas reçu de réponse du ministre ou du MPO. Si les sénateurs voient une occasion de proposer un amendement, nous y serions favorables.
La sénatrice Poirier : J’ai aussi une question sur le calendrier envisagé par le Conseil canadien des pêches. Vous avez mentionné que le délai moyen pour la désignation d’une ZPM en vertu de la Loi sur les océans varie entre 7 et 10 ans, ce qui est beaucoup plus long que la protection provisoire de la ZPM pour le délai de cinq ans.
À votre avis, est-il faisable pour le MPO d’établir une ZPM en vertu de la Loi sur les océans dans le délai proposé de cinq ans?
M. Lansbergen : Nous croyons comprendre qu’il mènerait des recherches scientifiques et des consultations, ce qui prend environ deux ans. Puis, il utiliserait les pouvoirs prévus en vertu de la loi, ce qui l’amènerait de la troisième à la septième année. Même si ces cinq ans sont moins longs que la fenêtre de 7 à 10 ans, dans la mesure où il veut établir un certain nombre de ZPM afin d’atteindre l’objectif de 2020, ou peut-être un autre objectif au-delà de 2020, cela semblerait exagéré, particulièrement compte tenu de toutes les autres activités et responsabilités qu’il souhaite mener à bien en vertu du projet de loi C-68, qui s’abattront ensuite sur vous.
Cela semble exagéré, mais la loi prévoit aussi une prolongation de la période de protection provisoire des ZPM pour une deuxième période de cinq ans, même si notre lecture du projet de loi ne nous permet pas très bien de comprendre ce qui se passe à la fin de la première période de cinq ans, ou certainement à la fin de la deuxième période de cinq ans. Est-ce que cela tombe à l’eau et est abandonné ou est-ce que le ministre doit établir une ZPM permanente? Ce n’est pas entièrement clair, à mon avis.
La sénatrice Poirier : Une autre recommandation présentée par votre organisation pour l’établissement de zones de protection marine concernait la sélection du bon outil de conservation pour l’exécution. À votre avis, le projet de loi C-55 devrait-il faire preuve de plus de souplesse dans son approche, et quels outils de conservation recommanderiez-vous?
M. Lansbergen : La souplesse découle de ce qu’on essaie de protéger. Il serait préférable de parler à des intervenants avant de désigner de façon officielle une zone d’intérêt. Puis, nous pouvons parler de l’outil particulier qui serait le plus approprié.
S’il s’agit de caractéristiques benthiques, peut-être qu’une ZPM statique serait la bonne approche à utiliser. Si c’est quelque chose de dynamique et si la caractéristique est une espèce particulière, alors un outil de gestion des pêches serait plus approprié. Le ministère doit prendre cette décision avec les intervenants au tout début.
M. Bonnell : Sur la côte Est, il y a quelques très bons exemples de stocks qui sont en voie de rétablissement ou qui se sont rétablis. Nous constatons une reprise importante du sébaste de l’unité 1 dans le golfe du Saint-Laurent. Beaucoup de gens sont très enthousiastes par rapport au potentiel de cette pêche. L’aiglefin du banc Georges serait un autre exemple.
Ces stocks se rétablissent de bien des façons en raison des outils de gestion des pêches qui existent déjà et du fait que le ministre a déjà la capacité de les mettre en œuvre. Qu’il s’agisse de restrictions des activités de récolte, de fermetures saisonnières ou de questions liées au Protocole pour la protection des juvéniles, des outils sont aujourd’hui disponibles. L’établissement d’une ZPM produira un effet très modeste sur le rétablissement de ces stocks. Comme M. Lansbergen l’a dit, les ZPM fonctionnent lorsque vous devez protéger un environnement benthique qui a besoin de protection.
L’industrie des produits de la mer ne veut pas pêcher sur des coraux ou des éponges. Ce n’est pas notre intérêt, ça ne fonctionne pas bien et ce n’est pas efficace. Mis à part ces exemples, il y a en place de solides systèmes de gestion, si l’on en juge d’après le fait que nous sommes un chef de file mondial dans la durabilité des produits de la mer et la certification aujourd’hui. Ces outils existent et sont maintenant prêts à être utilisés.
Le sénateur Munson : J’aimerais examiner les choses d’un point de vue différent. Je lis dans une histoire sur « iPolitics » un paragraphe qui dit ceci :
En ce moment, même quand une zone vitale et unique a été désignée comme ayant besoin de protection, aucune protection accrue n’est mise en place jusqu’à ce que des règlements entrent en vigueur afin de désigner officiellement une ZPM — un processus qui peut prendre jusqu’à 10 ans. S’il est adopté, le projet de loi permettrait la désignation d’une protection provisoire des ZPM en vertu de la Loi sur les océans.
Y a-t-il quelque chose de mal avec cela?
M. Lansbergen : La question est vraiment de savoir quel outil vous souhaitez utiliser. S’agit-il d’une ZPM officielle en vertu de la Loi sur les océans ou d’un outil de gestion des pêches prévu par la Loi sur les pêches? Si c’est une ZPM, alors cette loi conférerait assurément au ministre le pouvoir d’établir une ZPM provisoire beaucoup plus courte que la période habituelle de 7 à 10 ans.
Là où nous voulons en venir, c’est que vous ne devriez pas aller dans cette voie si la ZPM n’est pas le meilleur outil. Vous devriez commencer à tenir une conversation différente au sujet de l’outil de gestion des pêches qui permettrait adéquatement de fournir la protection nécessaire pour la caractéristique que vous essayez de protéger.
Le sénateur Munson : Reconnaissant les préoccupations de personnes qui vivent le long des côtes que d’autres sénateurs ont soulevées, quelqu’un a réfléchi à la question et s’est dit que c’est le ministre qui devrait être responsable. Quelqu’un s’est dit que cela devrait être mis en place, parce qu’il y a quelque chose qui cloche.
Au bout du compte, n’est-il pas responsable de la part du gouvernement de prendre la décision de travailler avec ces collectivités et avec la nouvelle loi? Je n’arrive pas très bien à suivre une partie du raisonnement ce matin.
M. Lansbergen : D’après notre expérience dans le secteur, la difficulté, c’est que l’approche du ministère à l’égard de l’établissement de ZPM n’a pas été satisfaisante en ce qui concerne certaines des données scientifiques sur lesquelles il s’est appuyé, le niveau et la portée des consultations avec les gens le plus directement touchés et l’analyse socioéconomique qu’il a faite pour mesurer les répercussions sur ces collectivités.
C’est la difficulté à laquelle nous avons fait face. Ce projet de loi particulier fournira au ministre un plus grand pouvoir qui pourrait déjouer encore plus ce processus ou simplement permettre au ministère d’intégrer des mesures de protection qui n’agiraient pas sur le processus initial pendant qu’il procède à l’élaboration réglementaire.
Le sénateur Munson : Nous avons parlé d’empreintes. Nous avons parlé des pêcheurs et des gens du milieu de l’environnement et du gouvernement. Les consommateurs ordinaires devraient-ils prêter attention à ces choses? Le cas échéant, pourquoi devraient-ils le faire? Y a-t-il un certain type de ralentissement économique qui pourrait découler de tout cela?
M. Bonnell : Les citoyens ordinaires devraient prêter attention à ces choses, mais ce que nous faisons valoir, c’est qu’ils devraient être en quelque sorte rassurés par rapport au fait que, au cours des dernières années, l’industrie des produits de la mer, particulièrement au Canada, a réalisé — et elle continue de le faire — des progrès importants afin d’avoir une industrie de la pêche responsable et durable, comme en témoigne le fait que la majorité de nos pêches atteignent l’étalon-or de la certification par des tiers.
Pensez aux choix que vous faites chaque jour lorsque vous rentrez chez vous et choisissez ce que vous allez manger. J’en ai souvent parlé, et je peux vous dire qu’il existe quelques excellentes publications à ce sujet. Si vous deviez établir une comparaison entre les produits de la mer, les produits laitiers, le bœuf et le porc, comparer des pommes avec des pommes pour ce qui est de savoir s’il s’agit d’une perte de biodiversité, d’irrigation ou d’un certain autre facteur comme les émissions de CO2, l’industrie se démarque de la plupart, voire de la totalité, des autres secteurs de production alimentaire.
Nous croyons que c’est une excellente histoire à raconter et que les consommateurs devraient la connaître. Nous ne songeons pas à établir des cibles arbitraires pour les zones protégées. Lorsque c’est logique de le faire, oui, nous avons déjà indiqué que nous y sommes favorables, mais lorsque l’on tente d’atteindre des cibles aléatoires et de le faire rapidement, comme la cible de 5 p. 100 que nous avons atteinte et celle de 10 p. 100 que nous sommes en voie d’atteindre, tout est là.
En tant qu’industrie, notre grande préoccupation, c’est de savoir ce qui nous attend. On s’inquiète beaucoup du fait que le présent gouvernement prendra peut-être un engagement pour 2030 dans un avenir rapproché. Pour quel motif et à quelles fins, lorsque nous sommes déjà reconnus comme une des industries des pêches les plus durables et des mieux gérées au monde?
Il y a matière à amélioration, et des outils permettraient d’améliorer l’industrie, dont certains pourraient être des ZPM, mais cela ne devrait pas reposer sur un objectif arbitraire adopté à toute vapeur dans le cadre d’un processus. Je crois que c’est notre position.
M. Lansbergen : Je pourrais peut-être dire une chose sur l’élément du consommateur dans cette question. Le marché canadien est approvisionné à hauteur d’environ 70 p. 100 par des importations de poissons et d’aliments de la mer, et les 30 p. 100 restants sont approvisionnés localement. Nous exportons environ 80 p. 100 de ce que nous produisons.
Si les consommateurs souhaitent protéger les océans en fonction des poissons et des produits de la mer qu’ils choisissent d’acheter, ils devraient regarder d’où proviennent ces produits, et pas seulement de quel type de poisson et de produit de la mer il s’agit.
La sénatrice Bovey : C’est un sujet intéressant et important. Vous avez utilisé le mot « équilibre », et je pense que c’est un mot important. Le gouvernement précédent a signé l’accord visant à atteindre l’objectif de 10 p. 100, et nous essayons tous de comprendre comment respecter les engagements pris au fil du temps par les gouvernements canadiens.
Le terme « outils » a été utilisé. Nous disposons tous d’outils, peu importe notre profession. La compétence est la suivante : utilisez-vous le bon outil, au bon moment et pour la bonne raison? Le projet de loi recherche un équilibre entre la conservation, les questions socioéconomiques et les données scientifiques. Comme vous avez l’impression que la mise en œuvre est la question que nous devrions examiner, monsieur Lansbergen, je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que nous devons examiner l’équilibre, et peut-être pas tous les détails du projet de loi lui-même.
Pourriez-vous chacun votre tour parler de l’analyse réalisée par Mary Simon de l’économie de la conservation et de la façon dont cet outil s’inscrit dans l’économie de la conservation?
M. Lansbergen : Je ne connais pas précisément les théories de Mary Simon. Pour ce qui est de l’utilisation du bon outil, au moment et pour la bonne tâche, assurément, dans ma propre vie, comme bricoleur, je connais la valeur d’un bon outil et je sais à quel point il peut être problématique d’essayer d’utiliser le mauvais outil pour la mauvaise tâche.
Pour ce qui est d’une politique gouvernementale, il est très important d’examiner ce que nous avons dit plus tôt. Quelles sont les caractéristiques particulières que le gouvernement essaie de protéger? Comment cela s’intègre-t-il aux autres zones d’intérêt? Un rapport qui vient d’être publié s’est penché sur tous les refuges marins que le gouvernement a établis. Lorsque nous examinons la ventilation, nous constatons qu’une grande majorité de ces refuges vise la protection de caractéristiques benthiques spéciales.
Si vous regardez toute la biodiversité au sein du territoire canadien, qu’avons-nous à offrir au monde au chapitre de la biodiversité? Qu’est-ce qui est vulnérable, qu’est-ce qui est menacé et qu’est-ce qui devrait être protégé afin que l’on puisse maintenir le spectre de la biodiversité? Est-ce que ce sont les caractéristiques benthiques qui sont le plus menacées? Le cas échéant, la création d’une ZPM pourrait se révéler la meilleure approche. Si le Canada possède un nombre important d’autres caractéristiques, nous devrions les étudier, puis rechercher l’outil approprié.
Jusqu’à présent, on s’est concentré sur l’atteinte de la cible des 10 p. 100, et moins sur le portrait global.
Mme Burridge : Dans l’industrie canadienne des aliments de la mer, nous nous fondons déjà dans une grande mesure sur l’économie de la conservation. Vous avez entendu dire que la plupart de nos pêches sont certifiées par le Marine Stewardship Council ou reconnues par l’Aquarium de Monterey Bay ou Ocean Wise. C’est parce que nous avons suivi un processus de gestion des pêches où nous avons travaillé à l’évaluation des stocks. Nous croyons qu’il y a plus de travail à faire à ce chapitre, mais nous en avons accompli une quantité importante. Nous avons établi des règles sur le contrôle des récoltes. Nous disposons de mesures d’application de la loi raisonnablement décentes.
Nous avons fait toutes ces choses de manière à pouvoir nous attendre à produire du poisson et des aliments de la mer à long terme pour le Canada et le monde. Nous croyons que les consommateurs canadiens veulent assurément être en mesure de manger du poisson local.
Pouvons-nous en faire davantage? Oui, bien sûr, nous le pouvons. Monsieur le sénateur Campbell, vous savez probablement que la province est assez favorable à une économie de la restauration pour ce qui est de rebâtir les populations de saumon. Nous serions assurément favorables à ce concept également. Il existe aussi d’énormes possibilités pour les Autochtones.
La sénatrice Bovey : Bien sûr, ce sont les autres outils disponibles. Auriez-vous l’amabilité de parler, pendant un instant, de ce qui est permis dans une zone de refuges marins et qui n’est peut-être pas permis dans une zone de protection marine?
M. Lansbergen : Le refuge marin peut être visé par la Loi sur les pêches. Elle utilise un outil de gestion des pêches qui interdirait un certain type d’activités de pêche comme le chalutage par le fond, par exemple, la principale activité qu’on a interdite dans le but d’essayer de protéger les caractéristiques benthiques.
La ZPM est précisée dans la Loi sur les océans. Elle a des pouvoirs beaucoup plus grands. En vertu de la Loi sur les océans, une ZPM peut interdire d’autres activités industrielles, comme les activités pétrolières et gazières, tandis que, en vertu de la Loi sur les pêches, il y a certaines limites qui ne donnent pas au ministre le pouvoir d’interdire les activités pétrolières et gazières ou d’autres activités industrielles comme l’exploitation minière des fonds marins, qui est en train d’apparaître. Ce sont quelques exemples de cas où les pouvoirs prévus pour les ZPM sont beaucoup plus grands.
La sénatrice Petitclerc : J’aimerais entendre ce que vous avez à dire sur l’approche de précaution du projet de loi. Celui-ci demande l’adoption d’une approche de précaution, disant que, dans une situation où on n’a pas de certitude scientifique, vous pouvez tout de même aller de l’avant, au besoin. Vous avez tous parlé du besoin d’une base scientifique ou d’une base de données scientifiques. En même temps, lorsqu’il s’agit de l’environnement, je crois que l’histoire nous a montré que, parfois, si nous attendons d’obtenir les données scientifiques ou la certitude scientifique, les dommages sont déjà faits.
Dites-vous que cette approche de précaution n’a aucune place ou qu’elle ne devrait être adoptée que dans certaines circonstances? J’aimerais vous entendre un peu à ce sujet.
M. Lansbergen : Je crois que cela revient au commentaire formulé par la sénatrice Bovey sur l’équilibre. La gestion des pêches incorpore une approche de précaution, et nous sommes donc habitués à cette approche. C’est ainsi que c’est mis en œuvre ou appliqué.
Lorsque le ministère désigne une zone d’intérêt et que le raisonnement scientifique est incomplet, nous devons débattre collectivement de la question de l’équilibre. Toutefois, cela ne va pas nécessairement dicter une certaine voie pour ce qui est de protéger les caractéristiques en question. Il y a tout de même lieu de se demander si une ZPM ou un outil de gestion des pêches serait l’outil le plus approprié ou s’il s’agit d’un outil de gestion des pêches. Je ne crois pas que ce soit un débat sur l’outil qui est nécessairement exclu par une approche scientifique préventive complète.
Mme Burridge : Par exemple, lorsqu’un type de pêche reçoit la certification du Marine Stewardship Council, une des choses qui sont évaluées, ce sont les répercussions sur l’habitat. Nous intégrons cette approche de précaution à chaque étape de la gestion des pêches.
La sénatrice Busson : C’est un sujet vraiment important. J’ai grandi sur la côte Est et je vis maintenant sur la côte Ouest; j’ai donc une expérience et des points de vue touchant les deux côtés du pays. Vous avez utilisé le mot « récolte », et nous savons que votre industrie est tellement importante qu’elle demeure viable. Vous, mieux que quiconque, êtes directement intéressé par la protection des ressources dont nous parlons.
Un certain nombre de sénateurs ont posé des questions au sujet des consultations, ou de leur absence, par rapport au travail que vous faites dans votre industrie. Prônez-vous une place à la table durant les questions sur les ZPM ou la conservation de façon générale? Le cas échéant, à quoi cette participation pourrait-elle ressembler selon votre point de vue? Nous en avons en quelque sorte parlé de manière très générale, mais je me demande ce que vous proposeriez comme recommandation sur le fonctionnement.
Mme Burridge : Je pourrais peut-être vous donner un exemple rapide provenant de la côte Ouest. Il y a quelques mois, en novembre, je crois, nous avons vu l’établissement de la réserve d’aire marine nationale de conservation de Gwaii Haanas. Lorsque Parcs Canada, le MPO et le Conseil de la Nation Haïda sont venus nous voir, ils voulaient fermer plus de 48 p. 100 de cette zone. C’était la première fois que nous voyions un tel objectif.
Nous avons réuni toutes les 24 industries de la pêche qui exercent des activités dans cette région sur une période de 3 mois. C’était extrêmement intense. Nous avons présenté 19 cartes différentes qui représentent les divers types de pêches. Nous avons superposé chacune de ces cartes jusqu’à ce que nous puissions établir une seule carte. Puis, nous l’avons superposée à la carte des objectifs originale. Nous avons été en mesure de respecter les objectifs culturels et les objectifs de conservation tout en réduisant les répercussions économiques.
Nous pourrions en fermer moins, mais faire mieux, mais nous n’aurions pas pu le faire sans entendre la voix des gens qui travaillent sur l’eau et qui sont touchés. Il n’y a pas une seule personne qui pourrait représenter tous les différents types de pêche, et il doit donc s’agir d’un processus de mobilisation communautaire intensif.
M. Bonnell : Je sais que nous avons peu de temps, mais je veux faire part d’une observation aux sénateurs. L’organisation que je représente emploie environ 1 700 personnes, principalement à Terre-Neuve-et-Labrador, mais également en Nouvelle-Écosse. Nous prenons cette responsabilité très au sérieux. Cela ne fonctionnera que de façon prospective.
J’ai eu mon diplôme d’études secondaires à l’époque du moratoire sur la morue. Les membres de ma famille sont des pêcheurs. Je connais les répercussions lorsque nous nous trompons; je connais les conséquences. Nous nous concentrons beaucoup sur la pêche durable et le maintien de ces collectivités côtières. Nous sommes très investis dans les processus comme celui du Marine Stewardship Council. Là où le protocole du MSC n’est pas en place, la plupart de nos pêcheries font l’objet d’un programme d’amélioration de la pêche destiné à reconstituer les stocks, lequel programme examine les règles de contrôle des captures. Ainsi, les pêches sont en attente de certification.
Je veux laisser aux sénateurs l’impression que nous sommes tous en faveur de la durabilité. Nous croyons que dans certaines situations et dans certains cas, les ZPM peuvent être efficaces, mais nous disposons d’outils existants qui fonctionnent réellement. Je vous exhorte à faire preuve de prudence, en particulier à l’avenir, lorsque vous fixerez des objectifs qui pourraient nous faire bien paraître sur la scène mondiale, mais risquent de ne pas produire les résultats escomptés que nous recherchons.
M. Lansbergen : Comme M. Bonnell y a fait allusion, à un niveau élevé, nous parlons également du futur cadre international pour la biodiversité après 2020. Nous faisons partie d’un groupe de discussion avec Environnement Canada et le MPO à propos de plusieurs objectifs d’Aichi. Les zones de protection marine en font partie. Il est difficile de participer activement à ce type de consultation avec de nombreux autres intervenants, de se faire entendre et de prêter attention à tous les détails techniques connexes.
Nous sommes très préoccupés par le fait de voir la collectivité mondiale, pas seulement le Canada, se précipiter vers un objectif post-2020 plus ambitieux pour les zones de protection tandis que nous n’avons pas vraiment évalué les mesures que nous avons prises pour atteindre l’objectif de 2020. Même au Canada, bon nombre des mesures sont très récentes, alors comment pouvons-nous mesurer leur efficacité si elles n’existent que depuis quelques années?
Le président : Merci à nos témoins et merci aux sénateurs. Nous concluons ici avec notre premier groupe de témoins.
J’aimerais que tout le monde limite ses questions et ses réponses à cinq minutes environ, car nous avons un groupe complet aujourd’hui. Si nous trouvons le temps de faire un deuxième tour, nous le ferons. Je ne vous interromprai pas totalemement après cinq minutes, mais je vais démarrer le chronomètre, et vous ne pourrez pas dépasser six minutes. Je ferai de mon mieux. J’apprécie les interventions, mais en même temps, beaucoup de sénateurs ont des questions à poser.
Je demande à nos nouveaux témoins de se présenter, s’il vous plaît.
Keith Sullivan, président, Fish Food and Allied Workers : Keith Sullivan, président du Fish Food and Allied Workers, Terre-Neuve-et-Labrador. Nous représentons près de 15 000 travailleurs dans la province, dont la plupart sont employés dans l’industrie des pêches, y compris environ 10 000 pêcheurs propriétaires-exploitants indépendants.
Joshua McNeely, Zone de protection marine, conseiller principal SARA, Maritime Aboriginal Peoples Council, Maritime Aboriginal Aquatic Resources Secretariate : Je m’appelle Joshua McNeely, conseiller sur la Loi sur les océans et en matière de zones de protection marine pour le Maritime Aboriginal Peoples Council. Le conseil englobe des conseils qui regroupent environ 42 000 Autochtones vivant hors réserve dans les provinces maritimes et bénéficiant de droits issus de traités à des fins alimentaires, sociales et rituelles ainsi que pour la pêche commerciale autochtone dans les trois provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Merci. La parole est à vous, à quiconque veut commencer.
M. Sullivan : Les pêcheurs que nous représentons travaillent et vivent pratiquement dans toutes les collectivités de Terre-Neuve-et-Labrador, soit environ 500 au total. La plupart de ces collectivités doivent leur établissement à la pêche. C’est la principale industrie depuis de nombreuses années.
Nos membres sont des pêcheurs côtiers et font partie d’une flotte côtière en général dans la province. Il s’agit réellement du fondement de la classe moyenne rurale dans notre province. C’est ce que la pêche a fini par devenir. De bons emplois de classe moyenne et de bonnes ressources constituent la base de ces emplois.
Afin que nos collectivités et nos industries continuent de prospérer, nous avons besoin d’un écosystème marin en bonne santé. Il doit être géré de manière durable et globale afin que les ressources puissent continuer à assurer la subsistance des générations à venir.
Le projet de loi C-55 et la protection marine revêtent la plus grande importance pour notre organisme et pour nos membres. Les eaux maritimes de Terre-Neuve-et-Labrador renferment une riche biodiversité qu’il faut à la fois protéger et gérer de manière durable. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous partageons notre océan avec le secteur pétrolier. La cohabitation des deux industries est loin d’être facile. L’établissement de zones de protection marine est l’un des domaines où nos membres ont perçu des disparités dans l’application des règlements et des politiques.
Les pêcheurs croient que leur secteur fait les frais des fermetures de zones marines, tandis que celui du pétrole et du gaz peut continuer à fonctionner sans aucune retenue. En fait, dans la province, nous assistons maintenant à une activité sismique sans précédent. Par exemple, certains des effets de cette activité sur les stocks de poissons et l’environnement marin en général demeurent inconnus. Notre organisme demande instamment que d’autres travaux soient effectués au sujet de l’incidence de l’activité sismique sur le milieu marin.
Le projet de loi C-55 confère au ministre le pouvoir d’interdire des activités dans les zones de protection. Aujourd’hui, comme par le passé, nous réitérons que l’interdiction d’activités dans les zones de protection marine doit s’appliquer uniformément à tous les secteurs différents. Cela comprend l’activité pétrolière et gazière et d’autres activités marines également. Il nous est arrivé de constater que, dans des zones fermées à la pêche, les activités pétrolières et gazières ne sont pas interdites. Nous jugeons préoccupante l’interdiction de catégories entières d’activités, comme la loi le mentionne, en particulier liées à la pêche, qui n’empêche pas nécessairement d’autres activités plus destructrices comme la prospection pétrolière et gazière.
Il est difficile d’accepter la perte de lieux de pêche lucrative par suite de la fermeture de zones marines quand un pêcheur ne peut mettre une ligne à l’eau, mais que le dynamitage sismique et le forage potentiel du plancher océanique sont toujours autorisés. Cela n’a tout simplement aucun sens pour les pêcheurs ou pour beaucoup d’autres personnes, d’ailleurs.
Il semblerait que la durée du processus de désignation des ZPM explique l’établissement d’une période de cinq ans pour élaborer le règlement et la possibilité de désigner provisoirement des zones. Toutefois, certaines lacunes dans le texte du projet de loi nous inquiètent. Le projet de loi précise que, dans les cinq ans suivant la date d’entrée en vigueur d’un arrêté, un règlement peut être recommandé ou abrogé à l’issue de consultations et d’études. Or, aucune date limite n’est fixée pour l’adoption du règlement. C’est une distinction essentielle à noter. Cette approche ouverte suscite l’inquiétude, car, bien que les recommandations donnent à penser qu’une zone de protection n’a pas atteint l’objectif recherché, il n’y a pas de délai pour une décision réelle.
La gestion spatiale de ressources vivantes nécessitera toujours l’emploi d’une approche adaptative. Souvent, il faudra rajuster les limites que nous traçons pour protéger une zone afin d’obtenir le résultat voulu.
L’absence d’une date limite définie pour la prise d’une décision du ministre signifie l’absence d’un délai déterminé pour la réouverture de la zone et l’abrogation du règlement, s’il y a lieu. Par conséquent, nos membres se verraient exclus d’une zone de pêche qui pourrait être lucrative. Pourtant, cette zone marine n’atteint manifestement pas les objectifs qu’elle était censée atteindre. La souplesse du processus de désignation des ZPM nous paraît nécessaire et souhaitable. Cependant, nous devons veiller à ce que cette souplesse s’accompagne d’échéanciers bien définis afin de garantir que les rajustements requis seront effectués en temps opportun.
Les sociétés pétrolières dont la licence est annulée dans une zone fermée se voient rembourser leur dépôt, mais le projet de loi C-55 précise en outre que ces sociétés ont l’obligation législative de négocier avec le ministre pour une indemnité additionnelle. De toute évidence, les pêcheurs qui exploitent traditionnellement ces mêmes zones subiraient également des pertes importantes lorsqu’une zone est fermée à la pêche. Pourtant, nos membres ne bénéficient pas de la même considération et ne disposent pas du même recours juridique en vue d’obtenir une indemnité à la suite de pertes financières vérifiables pour leur entreprise de pêche et leur collectivité. C’est une préoccupation sérieuse pour nos membres.
Par ailleurs, il est inquiétant de voir qu’aux termes du projet de loi, les ressortissants et les navires étrangers peuvent être soustraits au règlement. Nous sommes toujours préoccupés par la possibilité que des intérêts étrangers puissent investir dans nos pêcheries en évitant parfois d’avoir à se conformer à des politiques comme celles touchant les propriétaires-exploitants. Nous espérons qu’il y a d’autres moyens de régler le problème. Le projet de loi C-68 pourrait être envisagé à cet égard. Cette lacune sur le plan de l’application nous fait craindre que des sociétés étrangères ne profitent de ressources auxquelles l’industrie canadienne de la pêche n’aura pas accès.
Le processus de protection marine est très important aux yeux de nos membres. Notre écosystème marin vit actuellement une transition importante. Pendant cette période de changement, nos membres tiennent à avoir leur mot à dire sur les décisions qui ont de fortes conséquences sur leurs moyens de subsistance.
La désignation de ZPM doit tenir compte des avis des pêcheurs, mais en plus, elle ne doit pas avoir une incidence disproportionnée sur une industrie par rapport à une autre. Les fermetures et les interdictions doivent s’appliquer uniformément à toutes les industries. Les échéanciers, les processus et les critères doivent être dénués de toute ambiguïté.
La survie de nos collectivités côtières dépend de la protection des ressources marines et permet d’assurer la subsistance de la flotte des propriétaires-exploitants. C’est l’épine dorsale de l’économie rurale dans la majeure partie de notre province. La viabilité de cette flotte est donc essentielle pour les générations futures de notre province.
En ce qui concerne le projet de loi C-55, et plus généralement le processus de désignation des zones de protection marine, le point de vue des pêcheurs côtiers est essentiel. Le processus de désignation prévu par la loi doit être transparent et exhaustif, et atteindre les objectifs visés, tout en garantissant l’absence de deux poids, deux mesures. L’industrie pétrolière et gazière, par exemple, obtient un laissez-passer gratuit alors que d’autres secteurs, sans aucun doute beaucoup moins dommageables et ayant une plus faible incidence sur l’environnement, sont exclus. Les moyens de subsistance des membres du FFAW et l’avenir de nos collectivités en dépendent.
Je sais que j’ai dépassé mon temps de quelques minutes. Merci d’avoir pris ces minutes de plus pour écouter.
M. McNeely : Comparativement à ce qu’il a fait dans le cas des projets de loi C-68 et C-69, le Maritime Aboriginal Peoples Council est très peu intervenu en ce qui concerne le projet de loi à l’étude, hormis quelques téléconférences organisées par le MPO, RNCan et Affaires autochtones et du Nord Canada pour résumer l’intention de créer un nouveau pouvoir concernant le gel de l’empreinte ou visant à fournir une protection provisoire à une ZPM soumise au processus de désignation.
Cela présuppose que nous avons besoin d’une protection provisoire. Le site dont nous parlons est bien compris. Les protections provisoires sont nécessaires. À tout le moins, cette mesure met de l’avant un principe de précaution. Certaines des collectivités d’intérêt susceptibles d’être directement touchées par les protections provisoires sont en grande majorité favorables à la réalisation de la conservation marine au moyen d’une ZPM.
Notre expérience sur la côte Est au cours des dernières années montre qu’aucune d’entre elles ne s’est concrétisée de manière générale. Par exemple, j’ai participé au conseil consultatif sur les zones de protection marine du banc de Sainte-Anne. Au cours du processus, nous avons examiné un site d’intérêt. Environ un quart de ce site a été retiré de ce qui a fini par constituer la ZPM finale. En guise de compensation, nous avons convenu d’ajouter une autre petite zone collée sur le côté qui n’était pas incluse dans l’empreinte d’origine. Le MPO a également modifié le zonage pendant le processus de publication dans la Gazette, ce qui ne relevait pas du processus de collaboration du comité consultatif concernant le site d’intérêt.
À notre avis, les résultats montrent que la ZPM n’est ni spéciale, ni unique, ni rare. En fait, la ZPM englobe deux sites d’immersion de munitions de la Seconde Guerre mondiale que le ministère de la Défense n’a pas l’intention d’assainir.
À tout le moins, nous appuyons le présent processus, car il remonte à l’époque d’un autre processus qui s’appelait le Plan de gestion intégrée de l’est du plateau néo-écossais. Ce processus de collaboration a été mis sur pied au milieu des années 2000 et il était très axé sur la zone de l’est du plateau néo-écossais. Nous avons tenu de nombreuses discussions. Le processus a été annulé en 2010, même si tout le monde souhaitait qu’il se poursuive.
La première rencontre du comité consultatif de la zone de protection marine du banc de Sainte-Anne se tiendra demain. Nous espérons que cette initiative continuera de favoriser le dialogue et nous permettra d’obtenir des renseignements, des expériences et des directives utiles concernant la ZPM, que nous pouvons utiliser à l’extérieur de ses frontières, de façon à ce que nous puissions réellement tirer des leçons de nos ZPM.
À l’heure actuelle, je participe à un autre processus d’établissement de ZPM; il s’agit du site d’intérêt des îles de la côte Est de la Nouvelle-Écosse. J’ai pris part à des examens scientifiques par les pairs, à des discussions au sujet de zones importantes sur le plan écologique et biologique et à d’autres échanges qui nous ont permis de choisir le site d’intérêt. Ces discussions ont principalement été dirigées par le MPO, et la majeure partie des discussions s’est faite à l’interne, au sein du MPO.
Nombre de collectivités le long de cette côte seront touchées. Le premier point d’entrée des pêcheurs était... c’est à ce moment que le MPO a annoncé que la zone était considérée comme un site d’intérêt. Si le ministre avait lancé cette idée à la table de discussion sur les sites d’intérêt il y a un an et avait dit « nous appliquons les mesures de protection provisoires dès maintenant », je suis convaincu que cela aurait été catastrophique. Il s’agit d’un processus assez complexe pour le moment sans tenir compte de ce que prévoit le projet de loi C-55.
Même si le MPO a fait des concessions aux pêcheurs dans la ZPM des îles de la côte Est, je pense qu’il a la bonne intention d’établir une ZPM qui inclut des pêcheries durables. En fait, du point de vue écologique, je souscris à la ZPM. D’autres personnes à la table ne possèdent pas mes connaissances et n’envisagent pas dans la même optique ce que l’on tente d’accomplir. D’autres pêcheurs disent avoir besoin d’une meilleure gestion des ressources halieutiques de la part du MPO, et non d’une ZPM imposée par le MPO. Il s’agit là également d’un point valide que je ne vais certainement pas contester.
En résumé, les ZPM doivent être établies à partir de la base. Le projet de loi C-55 est une réaction instinctive pour faire passer de 5 p. 100 à 10 p. 100 la couverture des ZPM en peu de temps. Accordons-nous plus de valeur aux chiffres à court terme qu’aux ZPM efficaces et durables?
Le principe fondamental de la Convention sur la diversité biologique repose sur le partage juste et équitable des avantages découlant de la conservation et de l’utilisation durable des ressources. Les deux derniers éléments ne sont ni durables, ni significatifs, ni efficaces sans la valorisation des partenaires, l’échange d’idées, le soutien du développement de la capacité, l’éducation du public, la recherche et la formation, les mesures incitatives et d’autres formes de partage des bénéfices, notamment les avantages monétaires et la reconnaissance sociale.
Les peuples autochtones réintègrent encore les pêcheries commerciales et tentent aussi d’obtenir un accès supplémentaire aux ressources aquatiques nécessaires pour répondre à l’ensemble de nos besoins, y compris le respect des droits ancestraux et issus de traités et de notre droit à l’autodétermination. Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas accès aux politiques autochtones internes du MPO en ce qui a trait à la pêche commerciale. Le MPO continue de penser que les permis de pêche commerciale communautaire autochtone fonctionnent de la même manière sur le plan opérationnel que les permis ordinaires de pêche commerciale.
Par exemple, le point de départ d’une discussion pour désigner une ZPM tient au fait que, même si la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles peut être exemptée ou autorisée à se poursuivre au sein de la ZPM, toute activité de pêche commerciale communautaire autochtone à l’égard d’une espèce sera traitée de la même manière que toute activité de pêche commerciale de cette espèce.
L’article 35 propose de geler l’empreinte de l’activité en cours, mais nous ne savons pas si cela prévoit et protège les intérêts croissants des peuples autochtones quant au fait d’exercer leurs droits ancestraux et issus de traités pour la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles, de même que pour la subsistance convenable, ainsi que les mesures prises à l’égard des peuples autochtones par l’entremise du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones. Si, en vertu de l’alinéa 35.1(2)d), le ministre peut exempter des entités étrangères, le Canada ne peut-il pas garantir aux peuples autochtones un accès continu aux ZPM et aux sites d’intérêt?
Si, en vertu de l’article 12.1 proposé de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, le ministre peut entamer des négociations à l’égard d’un intérêt pétrolier afin de déterminer une indemnité pour l’abandon des titres, le Canada ne peut-il pas travailler avec les peuples autochtones en vue déterminer la valeur économique et sociale réelle de la zone de manière à permettre aux peuples autochtones de négocier une indemnité adéquate pour la perte d’accès et de possibilités futures ou ce qui sera nécessaire pour assurer notre participation significative afin que nous puissions continuer d’obtenir à tout le moins un avantage égal ou préférablement quelque chose qui nous rapproche de la réconciliation?
Malheureusement, je ne peux fournir de conseil à l’égard du projet de loi C-55. Comme je l’ai dit dès le départ, nous n’avons pas eu beaucoup d’échanges qui portaient précisément sur le projet de loi C-55. Toutefois, ce serait un bon point de départ si la Loi sur les océans prévoyait des garanties qui dépassent celles d’une clause de non-dérogation et de non-abrogation.
Pour terminer, quand il s’agit des ressources pétrolières au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, les gouvernements fédéral et provincial se sont entendus pour ne pas être d’accord quant au propriétaire des ressources. Ils se sont engagés à régir les ressources et à partager les redevances au moyen d’un accord et de lois similaires.
Jusqu’à récemment, les ZPM et les autres aires de conservation marine n’ont pas beaucoup été abordées dans le cadre des discussions à l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, l’OCNEHE. Nous y siégeons en tant que membres du conseil consultatif sur les pêches. Ce qui nous préoccupe le plus, c’est l’opposition de la Nouvelle-Écosse à ce qu’il y ait plus de ZPM, en particulier parce que la province a le désir d’exploiter le pétrole et le gaz extracôtiers. Même si des gens nous ont dit qu’ils avaient l’impression que l’OCNEHE respecterait le projet de loi C-55, nous ne sommes toujours pas convaincus et nous proposons qu’il vaudrait peut-être mieux que cette question soit abordée à l’aide d’un nouvel accord. Merci.
Le sénateur Gold : Monsieur McNeely, dans votre déclaration, vous avez dit que le projet de loi C-55 était une sorte de réaction instinctive. Je veux être certain que les gens qui écoutent et moi-même comprenions bien.
Ai-je bien compris que la cible de 10 p. 100 découle de la Convention sur la diversité biologique, un traité international qu’a signé le gouvernement du Canada il y a quelques années?
M. McNeely : Oui. Le Canada était le premier pays industrialisé à signer la Convention sur la diversité biologique en 1992.
Le sénateur Gold : Je crois comprendre qu’à l’heure actuelle, nous en sommes presque à 8 p. 100 en ce qui a trait à la cible. Je voulais que ce soit clair.
Monsieur Sullivan, je ne veux pas vous faire dire ce que vous n’avez pas dit, mais avez-vous bien mentionné que ce qui vous préoccupe, c’est non pas tellement le libellé du projet de loi, mais plutôt son application juste et uniforme, entre les secteurs d’activités, celui de la pêche et celui du pétrole et du gaz, soit les deux que vous avez mentionnés?
Si c’est exact, y a-t-il tout de même des amendements ou des modifications à apporter? Vous nous avez demandé de tenir compte de délais stricts au moment d’examiner en détail le projet de loi.
M. Sullivan : Je dirais qu’il y a deux ou trois choses. Comme je l’ai dit plus tôt, on recommande une période de cinq ans, mais au-delà de cela, rien ne régit la mise en œuvre. Les choses pourraient rester en suspens sans qu’il y ait de changement ou sans qu’il soit possible d’apporter des modifications. Les mesures ne sont pas suffisamment normatives dans cette perspective. Je propose qu’on réfléchisse à la possibilité de préciser et de clarifier le processus.
Un autre aspect que je n’ai pas abordé dans ma déclaration liminaire est celui du gel de l’empreinte. Comme nous le savons, le poisson se déplace, et les tendances varient. De nombreuses raisons expliquent pourquoi un pêcheur n’exerce pas ses activités dans une région donnée pendant un an. Les raisons sont trop nombreuses pour que je puisse les énumérer ici. Il y a une réflexion à faire pour ce qui est de geler cette empreinte en fonction des activités de l’année précédente. Il faut également faire preuve d’une certaine souplesse et de bon sens. Le fait de geler cette empreinte en fonction des activités de l’année précédente pourrait être un problème, particulièrement en ce qui concerne les activités de pêche.
Le sénateur Gold : Monsieur McNeely, vous avez dit dans votre déclaration liminaire que vous aimeriez que l’on mette en place quelque chose qui va encore plus loin qu’une simple clause de non-dérogation pour reconnaître, respecter et protéger les droits des peuples autochtones.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui pourrait figurer dans le projet de loi, selon vous, pour nous permettre d’atteindre cet objectif?
M. McNeely : La Loi sur les océans, dans sa forme actuelle, fait référence à des consultations ou à des discussions avec les peuples autochtones, essentiellement dans la phase d’élaboration de plans de gestion intégrée. Ce libellé devrait évidemment être conservé. Comme il a été mentionné par le groupe de témoins précédent, certaines fautes concernent non pas nécessairement le libellé du projet de loi, mais plutôt la mise en œuvre de la Loi sur les océans de manière générale. Quand j’ai parlé du Plan de gestion intégrée de l’est du plateau néo-écossais, il s’agissait pour nous d’un processus avantageux, mais il n’a pas été repris depuis 2010. Nous n’avons pas eu de processus comparable.
Quant au site d’intérêt des îles de la côte Est, il nous a été très difficile de prendre part au processus. Nous avons peut-être des droits ancestraux et issus de traités, mais nous sommes aussi les gens ordinaires sur le quai; il nous faut composer avec cette réalité.
Nous préférons un processus axé sur la collaboration et l’ouverture à l’aide duquel nous pourrions tous en arriver à un accord sur une ZPM. J’ai fait allusion au processus lié au banc de Sainte-Anne, qui a permis d’établir ou de désigner cette ZPM à l’époque de la gestion intégrée de l’est du plateau néo-écossais à la fin des années 2000. Nous avons ciblé le secteur à partir de nombreuses zones qu’examinait le MPO sur le plan scientifique et avons dit qu’il y avait de multiples possibilités de protection. Nous avons réduit la zone visée en suivant plusieurs étapes pour désigner un site d’intérêt à l’égard duquel tout le monde était d’accord. Cette étape, pour le projet de loi C-55, a eu pour effet de geler l’empreinte, approche qui aurait fonctionné dans le cas du banc de Sainte-Anne, car il y avait déjà beaucoup des discussions à ce sujet.
Ce n’est pas nécessairement un changement. Si le comité souhaite rendre le libellé des articles 31 et 32 plus efficace au sujet de la mise en œuvre de ces plans de gestion intégrée, ce serait certainement utile.
Le sénateur Munson : Monsieur McNeely, vous avez utilisé l’expression « réaction instinctive ». D’après le dictionnaire, il s’agit d’une réaction spontanée ou irréfléchie. Que serait une réaction réaliste, par opposition à une réaction instinctive, quant à l’objectif de faire passer les ZPM de 5 p. 100 à 10 p. 100? D’après vous, serait-il possible d’avoir une réaction réaliste plutôt qu’une réaction instinctive?
M. McNeely : Oui, cette information se trouve dans la réponse que je viens tout juste de donner. J’ai utilisé l’expression « réaction instinctive », sachant très bien que cela en ferait sourciller quelques-uns. Nous étions signataires de la convention en 1992, mais très peu de mesures avaient été prises à l’égard des ZPM. En fait, les objectifs d’Aichi arrivaient au terme de ces 10 années. Le nouveau gouvernement est entré au pouvoir et, à juste titre, selon moi, a déclaré que nous ne faisions pas partie de la communauté internationale en ce qui a trait aux enjeux environnementaux. Le Canada a toujours été perçu comme un chef de file mondial quant aux questions environnementales et voulait revenir dans la partie.
Je salue ces annonces internationales, mais elles ont des effets considérables sur les collectivités lorsque le MPO entre dans une région et dit « voici un site d’intérêt; c’est une zone que nous allons désigner ». Bien des gens seraient d’accord avec moi pour dire qu’il s’agit d’une réaction instinctive que de chercher à passer de 5 p. 100 à 10 p. 100. Le processus que beaucoup de gens avaient apprécié était celui utilisé pour le processus touchant l’est du plateau néo-écossais, mais nous l’avons perdu en 2010, et nous n’avons rien eu de comparable depuis ce temps.
Le sénateur Munson : Monsieur Sullivan, on a beaucoup parlé de pouvoir ministériel ce matin. Bien des gens croient que le ministre détient trop de pouvoir. J’aimerais savoir ce que vous entrevoyez comme pouvoir ministériel à cet égard, car dans votre déclaration, vous avez parlé du fait que certaines zones sont fermées à la pêche, alors que les activités pétrolières et gazières n’y ont pas été interdites. Quelle vision avez-vous d’un ministre de l’Énergie et d’un ministre des Pêches? Quels seraient leurs pouvoirs et qu’adviendrait-il du partage de nos côtes en ce qui a trait à l’énergie, au gaz et à ce genre de choses ainsi qu’à la pêche?
M. Sullivan : Je n’ai pas vraiment choisi de m’attarder sur la question, mais je crains que la mise en œuvre sans consultation adéquate et tout le reste puissent constituer un problème grave, particulièrement s’il y a de l’abus. À l’heure actuelle, en ce qui concerne le ministre des Pêches, ce n’est pas un grand changement. Des pêcheries peuvent être fermées. Le ministre peut maintenant fermer des pêcheries très rapidement. Au moment de composer avec certains autres problèmes, comme celui du pétrole et du gaz, du transport ou d’autres activités marines, je présume que cela donne plus de pouvoir sur certains autres aspects ayant trait à une zone de protection marine.
Cette question ne m’aurait pas autrement inquiété, mais je partage les préoccupations de M. McNeely quant à l’empressement à atteindre la cible de 5 p. 100. Il ne s’agit pas de l’idée de protéger ces zones, car je crois que ce sont les pêcheurs et les collectivités qui bénéficient le plus de cette protection marine en définitive. Mais ce qui est important, c’est de bien faire les choses.
Nous partagions les mêmes considérations à Terre-Neuve lorsque nous avons établi la zone de protection marine d’Eastport. Les pêcheurs étaient à la tête de cette initiative, laquelle était appuyée par la collectivité, et les gens là-bas protègent encore la zone et en sont les intendants, tandis que le contraire s’est produit lorsque nous avons tenté d’atteindre la cible de 5 p. 100. Il n’y avait pas beaucoup d’appui. La décision était précipitée. Nous avons atteint la cible de 5 p. 100 en un an, et il n’y a pas vraiment de soutien. Nous ne pensons pas nécessairement protéger les bonnes choses.
Ce ne sont pas des zones de protection marine. Ce sont des zones de refuges marins, essentiellement, qui ont été mises en place au cours des deux ou trois dernières années. C’est un processus semblable, et sa signification est réellement la même pour un pêcheur. Appelez cela comme vous voulez. C’est une zone où il ne peut y avoir d’activité. Nous croyons comprendre que le processus est différent, mais le résultat est le même pour un pêcheur dans ce cas-ci.
Je sais que j’ai donné quelques précisions à la fin, mais ai-je répondu à votre question entretemps?
Le sénateur Munson : Il ne reste pas beaucoup de temps. Ce qui m’inquiète essentiellement, ce sont les questions touchant le pouvoir ministériel. D’un certain point de vue, il semble que le ministre détienne trop de pouvoirs. Est-ce le cas?
M. Sullivan : Encore une fois, ce n’était pas un aspect particulièrement inquiétant, mais le ministre a la responsabilité de consulter adéquatement les intervenants, qu’il s’agisse d’Autochtones, de groupes autochtones ou de pêcheurs côtiers.
Le sénateur McInnis : Merci d’être ici. Je vis au cœur de la baie des Îles dans le havre Sheet, où, de Jeddore jusqu’à Liscomb, il y a quelque 700 îles. Apparemment, il s’agit du plus grand archipel en Amérique. C’est formidable que Nature Trust ait découvert cette région et qu’il possède maintenant environ 90 p. 100 de toutes les îles, avec l’appui des gens.
Ne croyez-vous pas que l’achat de ces îles par Nature Trust est directement lié au fait que le MPO a déclaré qu’il s’agissait d’un site d’intérêt?
M. McNeely : Cet archipel forme une région absolument superbe, et certains membres de ma famille y vivent. La moitié du secteur est protégé à l’échelle provinciale en tant qu’aire de gestion de la faune. Nature Trust, par l’entremise de la 100 Wild Islands Campaign, a acheté un certain nombre d’îles. Le Service canadien de la faune a un très grand intérêt pour la conservation de cette région, car il s’agit d’un corridor extraordinaire pour les canards de mer.
Le MPO a examiné l’ensemble de ses zones de protection marine, zones benthiques vulnérables et autres aires de conservation et a constaté qu’elles comptaient beaucoup de zones côtières. Dans les maritimes, nous n’avons que deux petites zones côtières uniques et importantes, mais le MPO cherchait une zone plus importante. Il s’est rendu dans plusieurs zones portuaires, comme Port-Joli, et y a proposé des zones de protection marine. Il n’y a pas eu beaucoup d’invitations de la part de ces collectivités.
Quand le MPO cherchait une zone, il a estimé que les îles de la côte Est bénéficiaient déjà de nombreuses mesures de protection. On y trouve aussi des réserves fauniques côtières provinciales. Il s’agit d’une collectivité très axée sur la conservation. Chaque famille semble responsable d’une île. Je pense que l’on s’est sérieusement penché sur la question et qu’on s’est dit : « Voici un moyen facile de nous acquitter de nos obligations en matière de zones marines côtières protégées. » Nous nous sommes heurtés au problème lorsque le MPO est intervenu unilatéralement et a dit : « nous aimons votre cour; nous voulons la protéger », au lieu de mettre en place un processus de collaboration visant à déterminer ce qui doit être protégé et quels types de mesures de protection il faut mettre en place.
Je pense que c’est une réponse appropriée.
Le sénateur McInnis : Le ministère est venu et a pris la région. C’est ce qu’il a fait.
Le groupe de témoins précédent a fait référence au site d’intérêt. Il y a un arrêté qui dure cinq ans. Ce n’est pas automatique. Le ministre doit ensuite déterminer s’il faut prendre un règlement. L’arrêté n’est pas automatiquement renouvelé pour cinq autres années s’il ne permet pas d’atteindre les objectifs voulus. Je tiens à préciser que je ne pense pas avoir manqué ce renseignement. C’est un arrêté qui devient ensuite un règlement.
Voici le problème et l’incertitude engendrés par les règlements qui encadrent les ZPM. Que se passe-t-il si le gouvernement change? Pour l’instant, il peut y avoir une zone sans prélèvement. Pour le moment, on dit que les pêcheurs de homard sont censés pouvoir pêcher s’ils ont pêché au cours des 12 derniers mois.
Si d’autres ministres ou d’autres gouvernements interviennent, d’un simple trait de plume, il n’y aura plus de pêche au homard pour ces gens en bordure des collectivités côtières. C’est une partie du problème.
Personne ne connaît mieux la situation que les pêcheurs eux-mêmes. Pourquoi ne mettons-nous pas en place un système à l’aide duquel, en collaboration avec les collectivités autochtones, ils pourraient déterminer s’il devrait s’agir d’une zone de protection marine? Si la décision vient de la base, il est moins probable qu’il y ait des changements en cours de route avec les gouvernements successifs.
Qu’est-ce qui ne va pas avec ce genre de système contrairement à un système où quelqu’un intervient et dit : « nous allons désigner cette zone comme un site d’intérêt et bonne chance. Essayez de prouver le contraire »? Qu’y a-t-il de mal avec une approche qui vise en fait à consulter les gens et à leur demander leur opinion?
M. Sullivan : Peu importe le processus, cette approche est absolument nécessaire si vous voulez obtenir un certain degré de réussite et d’acceptation. Je dirais que vous en aurez besoin. C’est pourquoi certaines zones ont déjà été établies à la hâte afin que l’on puisse atteindre des cibles quelque peu arbitraires de 5 p. 100 et de 10 p. 100. Ce ne sont pas nécessairement les cibles dont nous avons besoin pour protéger certaines zones marines et la biodiversité. C’était en quelque sorte une mesure indirecte, donc elle a été précipitée.
Il y a deux zones au large de la côte de Terre-Neuve-et-Labrador, — le chenal Hawke et la fosse de l’île Funk —, où il n’y avait pas de chalutage par le fond ni de pêche au filet maillant. Les pêcheurs croyaient que c’était mieux pour le crabe, la ressource la plus précieuse à l’époque. Tout à coup, il n’est plus possible de mettre en place d’autres engins pour pêcher la morue. Il ne s’agit même pas d’une zone qui permettrait idéalement de protéger la morue.
Ce n’est qu’un exemple de la façon dont le processus a été précipité afin que l’on puisse atteindre une cible, et il n’y a pas eu de consultation. Je conviens qu’il doit y avoir un élément lié aux dispositions législatives quelles qu’elles soient. Autrement, nous aurons des problèmes. S’il existe des moyens de faire en sorte que les dispositions législatives et leurs règlements assurent cela, il est évident que je suis d’accord pour qu’on les utilise.
La sénatrice Bovey : Je comprends vos préoccupations à l’égard du pétrole, du gaz et de la pêche, monsieur Sullivan. Je me demande si la différence tient au fait que le pétrole et le gaz sont visés par un droit de propriété juridique, alors que le poisson est désigné comme une propriété commune jusqu’à ce qu’il aboutisse dans le bateau du pêcheur. Si tel est le cas, et que vous souscrivez à cet énoncé, que pourrions-nous faire pour uniformiser les règles du jeu?
M. Sullivan : Votre question a déjà été abordée auparavant. Oui, c’est une question d’équité. Les ressources halieutiques sont une ressource publique, mais elles constituent un investissement considérable, et les gens ont des antécédents de pêche dans une zone. Si vous ne pouvez plus pêcher dans cette zone, vous subirez manifestement des pertes. Il en va de même si des entreprises internationales interviennent et voient des possibilités intéressantes à l’égard du pétrole et du gaz. Elles peuvent démontrer dans une certaine mesure qu’il y a une perte de revenus potentiels. Il faut simplement trouver l’outil.
La plupart des gens sont d’accord pour dire qu’il y a des dettes et des injustices. Je dirais que certaines des sociétés les plus riches au monde sont indemnisées, alors que nos membres, des pêcheurs côtiers qui n’ont pas de véritable occasion de faire croître leurs entreprises de pêche à l’échelle internationale le long des côtes de l’Afrique ou du Brésil, ne sont pas indemnisés. Il est impératif que nous nous penchions sur la question à l’avenir. À l’heure actuelle, il y a beaucoup de frustration, en raison des injustices dont sont victimes les pêcheurs lorsqu’ils constatent les activités de prospection sismique dans des zones où ils ne peuvent pas pêcher.
M. McNeely : Je suis d’accord avec vous. Je dirais qu’il faut éliminer le terme « terres domaniales » que l’on trouve dans la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Ce ne sont pas des terres domaniales. Ce sont des eaux exploitées par de multiples utilisateurs de ressources, y compris les pêcheurs.
Quand j’ai parlé d’avoir un accord renouvelé, c’est de cela que je parlais, et je parle non seulement d’un nouvel OCNEHE pour la Nouvelle-Écosse, mais d’un accord renouvelé quant à notre façon d’utiliser nos zones côtières, notre plateau continental et notre zone économique exclusive de 200 miles.
La sénatrice Bovey : Monsieur McNeely, la Chambre des Communes a accepté un amendement au projet de loi, lequel avait été présenté par MM. Tootoo et Mcleod. La version modifiée de l’article concernant la consultation au sujet des terres autochtones est ainsi libellé :
[...] se fait à la discrétion du ministre, d’une manière « qui n’est pas incompatible avec quelque accord sur les revendications territoriales mises en vigueur et ratifiées ou déclarées valides par une loi fédérale ».
Votre organisation s’est-elle penchée sur cet amendement et sur la façon dont il s’applique à la région qui vous préoccupe, et avez-vous d’autres commentaires à faire sur le sujet?
M. McNeely : Je suis désolé. Je ne connaissais pas l’amendement. Nous ne l’avons pas examiné. Les revendications territoriales dans les Maritimes sont visées par un processus différent de celui que la plupart des Canadiens connaissent. Nous avons signé des traités de paix et d’amitié antérieurs à la Confédération. Je sais que les chefs micmacs, essentiellement les chefs des Premières Nations, prennent part à un processus continu depuis des années sans aucune résolution en vue quant aux revendications territoriales globales.
Nous privilégions la paix, l’amitié et l’échange. Nous n’avons pas de commentaires à formuler sur les revendications territoriales pour le moment, mais nous pourrions examiner cet amendement et fournir quelques commentaires supplémentaires au comité à ce sujet.
La sénatrice Poirier : Monsieur Sullivan, vous avez dit avoir bon espoir qu’à l’avenir, les consultations serviront à aborder les préoccupations socioéconomiques et culturelles de façon significative. Il y a quelques minutes, vous avez répondu à une autre question en formulant un commentaire selon lequel le MPO avait la responsabilité de mener des consultations.
Essentiellement, ma question comporte deux volets. Premièrement, à ce jour, les préoccupations socioéconomiques et culturelles de vos membres se reflètent-elles dans le processus décisionnel du gouvernement?
Deuxièmement, vous avez fait valoir que le MPO avait la responsabilité de mener des consultations. Comme je l’ai dit lorsque j’ai posé une question à un autre témoin plus tôt, le libellé actuel du projet de loi ne prévoit pas que le ministre doive consulter ceux qui seront touchés par une ZPM permanente. Je me demande simplement si cela vous préoccupe.
M. Sullivan : Je suppose que je vais commencer par parler de l’impression qu’avaient nos membres au sujet du processus à suivre pour atteindre le taux précédent de 5 p. 100 et, évidemment, prévoir les iniquités entre les diverses industries. Plus tôt, j’ai donné deux ou trois exemples de la façon dont les cas du chenal Hawke et de l’île Funk doivent être revus. La réponse courte est que je ne suis ni heureux ni satisfait des consultations tenues à l’égard des travaux précédents.
Une grande région appelée la pente du Nord-Est, située à plus de 100 miles de la côte, comporte des secteurs où la pêche est interdite, mais où l’industrie pétrolière et gazière peut encore mener ses activités. Les zones où la pêche est interdite ne sont même pas prises en compte pour l’atteinte de nos cibles. Il est probablement question d’une étendue de 15 000 kilomètres carrés, à laquelle les pêcheurs n’ont pas accès, et, maintenant, nous devrons trouver de nouveaux secteurs parce que cette situation ne permet pas d’atteindre les cibles. Les pêcheurs seront doublement touchés si nous ne réglons pas ce problème.
Évidemment, nous sommes préoccupés au sujet du déroulement des consultations dans l’avenir. Si on envisageait de tenir, avec des intervenants, des consultations équitables et raisonnables qui pourraient améliorer cette situation, il est certain que nous serions intéressés par quelque chose qui permettrait d’y arriver.
La sénatrice Poirier : Monsieur McNeely, dans les deuxième et troisième paragraphes de la dernière page du document que vous avez parcouru avec nous, vous mentionnez les pouvoirs du ministre, au titre de l’article 35 proposé, et employez les termes suivants :
[…] le Canada ne peut-il pas garantir aux peuples autochtones un accès continu aux ZPM et aux sites d’intérêt?
Dans le paragraphe suivant, vous employez les mêmes termes :
[…] le Canada ne peut-il pas travailler avec les peuples autochtones en vue de déterminer la valeur économique et sociale réelle de la zone de manière à permettre aux peuples autochtones de négocier une indemnité adéquate […]
L’emploi de l’expression « ne peut-il pas » m’indique qu’on ne le fait pas actuellement, ce qui signifie qu’on ne parle pas aux Autochtones ou qu’on ne tient pas de consultations auprès d’eux. Pourriez-vous formuler un commentaire à ce sujet, s’il vous plaît?
M. McNeely : Je pense que cette question a été soulevée au sein du groupe de témoins qui ont comparu plus tôt, au sujet des analyses socioéconomiques. On ne nous a pas encore fait participer au processus, avec le MPO, relativement à un véritable calcul des coûts ou des avantages socioéconomiques pour notre collectivité d’une zone de protection marine, d’une liste des espèces en péril ou de toute autre réglementation allant au-delà de ce qui est normalement pris en compte, c’est-à-dire la valeur totale au débarquement d’un stock particulier qu’on pourrait ne plus pouvoir pêcher.
Dans le cas de nos collectivités, en particulier celles qui sont hors réserve et qui ne bénéficient pas du filet social prévu dans la Loi sur les Indiens, nous nous débrouillons seuls depuis de nombreuses années pour fournir des services sociaux à nos membres qui sont pris dans une zone grise sur le plan des champs de compétences entre les gouvernements fédéral et provincial. Nous le faisons non seulement grâce à certaines sommes d’argent obtenues dans le cadre de programmes, quoiqu’elles sont très petites comparativement à ce que reçoivent nos frères et sœurs dans les réserves, mais aussi en grande partie grâce au développement économique par nos activités de pêche.
Pour les trois conseils autochtones qui appartiennent au CPAM, les pêches sont incroyablement importantes. Elles sont l’élément vital de notre collectivité. Le coût ou l’avantage d’une décision réglementaire concernant une zone de protection marine qui viendrait peut-être nous expulser d’une zone sont vraiment bien plus importants que la valeur au débarquement du poisson en question.
Il s’agit de l’identité de notre collectivité. C’est notre structure sociale, notre fierté et ce qui nous définit. Ces éléments ne sont pas pris en compte dans les analyses socioéconomiques qui portent sur les mesures itératives que prend le gouvernement. Je ne connais pas toute la terminologie employée par le Conseil du Trésor, mais le CSSI et le SRAI suivent un processus très normatif qui ne touche pas vraiment ce qui, nous l’estimons, devrait être pris en considération.
Le sénateur Christmas : Monsieur McNeely, j’étais très curieux au sujet des commentaires que vous avez formulés à propos de la ZPM du banc de Sainte-Anne, à proximité de l’île du Cap-Breton. Vous avez mentionné que cette ZPM n’était ni spéciale, ni unique ni rare. Je crois savoir que vous siégez au comité consultatif du banc de Sainte-Anne. Pourquoi cette ZPM a-t-elle été créée?
M. McNeely : Elle remonte à un très long processus qui s’est déroulé tout au long des années 2000 dans le cadre du Plan de gestion intégrée de l’est du plateau néo-écossais et l’ensemble des intérêts en jeu. Comme je l’ai dit, nous avons franchi plusieurs étapes consistant à étudier de nombreuses zones de l’est du plateau néo-écossais, y compris celle du banc de Sainte-Anne, afin de trouver des mesures de protection possibles.
Bien franchement, quand la GIEPNE a été annulée, en 2010, cet événement a rendu bien des gens mal à l’aise. L’attitude générale des gens était de se dire qu’ils n’opteraient pas nécessairement pour une zone dans laquelle ils pêchent pour tenter de suivre un processus collaboratif si la base de ce processus — le plan de GIEPNE et sa mise en œuvre — était éliminée. On a eu la réaction de dire : « Choisissez un endroit où je ne pêche pas. »
Nous savons tous que les poissons se trouvent là où il y a de la biodiversité. Voilà ce que nous tentons d’apprendre : à vivre en harmonie avec notre monde naturel, dont certaines parties pourraient être des zones de protection marine ou je ne sais quoi. De nombreuses personnes ont choisi la moins controversée des options qui s’offraient à elles. Nous avons commencé avec environ 30 options différentes, puis avons ciblé le banc de Sainte-Anne.
Nous suivons également un autre processus de l’autre côté de la province, dans la région du chenal de Fundy. Ce processus a commencé par le choix d’une région dans laquelle il y a très peu d’interaction et très peu de possibilités de conflit. Cette région est encore plus problématique, parce qu’elle met le MPO dans une position où il doit tenter de justifier sa valeur de conservation. La désignation de zone de protection marine devrait être réservée à quelque chose qui est unique et rare, comme les zones benthiques vulnérables que d’autres ont mentionnées.
Il est très difficile pour nous de protéger quelque chose seulement dans le but d’atteindre une cible de conservation. Il y a des choses dans le banc de Sainte-Anne. Je ne dis pas qu’elles ne valent pas la peine qu’on les protège dans une certaine mesure, mais une telle désignation est extrêmement exagérée dans ce cas.
Le président : Je veux remercier nos témoins.
Pour notre troisième groupe de témoins, je souhaite la bienvenue à Mark Hopkins, de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ainsi qu’à Timothy Gardiner et à Daniel Lebel, de Ressources naturelles Canada.
La parole est à vous, à qui veut bien commencer.
Timothy Gardiner, directeur général intérimaire, Direction des ressources pétrolières, Secteur de l’énergie, Ressources naturelles Canada : Je m’appelle Tim Gardiner et je suis directeur général intérimaire, Direction des ressources pétrolières, Ressources naturelles Canada. Daniel Lebel, directeur général, Commission géologique du Canada, Ressources naturelles Canada, et Mark Hopkins, directeur général de la Direction générale des ressources naturelles et de l’environnement, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, aussi appelé RCAAN, m’accompagnent aujourd’hui. Nous sommes là pour parler du projet de loi C-55. Comme les ministres des Ressources naturelles et des RCAAN se partagent la responsabilité à l’égard de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, ou la LFH, nous sommes là pour aborder précisément les modifications relatives à cette loi.
Je crois savoir que vous n’entendrez pas le témoignage du ministre des Pêches et des Océans et de représentants de ce ministère avant cet après-midi, alors je profiterai de l’occasion pour présenter un peu le contexte avant que nous abordions les détails des modifications apportées à la LFH.
Le 8 juin 2016, le ministre des Pêches et des Océans a annoncé un plan en cinq points pour l’atteinte des cibles de conservation marine du Canada. Une partie de ce plan comprenait l’établissement de zones de protection marine, ou ZPM, plus rapidement par la modification de la Loi sur les océans. Ces modifications comprennent la création d’un nouveau pouvoir de désigner une ZPM provisoire en se fondant sur des données scientifiques préliminaires, en plus de prévoir des consultations et la notion de gel de l’empreinte des activités en cours.
Les modifications qu’on propose d’apporter à la LFH sont étroitement liées à celles qui ont été apportées à la Loi sur les océans. Elles découlent d’un problème qui avait été cerné durant le processus d’établissement de la ZPM des récifs d’éponges siliceuses du détroit d’Hecate, sur la côte Ouest du Canada. Le problème cerné tenait à la possibilité que l’établissement d’une ZPM qui interdit l’activité pétrolière et gazière dans une région où des permis d’exploitation pétrolière et gazière en mer ont été délivrés entraîne de l’incertitude sur le plan réglementaire. La solution trouvée consistait à reproduire la notion de gel de l’empreinte dans la LFH et à offrir un processus précoce pour demander l’abandon volontaire des permis d’exploitation pétrolière et gazière là où il existe un chevauchement avec une ZPM.
[Français]
La Loi fédérale sur les hydrocarbures, la LFH, est une loi fédérale visant la réglementation des titres pétroliers et gaziers liés à des terres domaniales. Cette loi s’applique à l’océan Pacifique, à l’Arctique, à la baie d’Hudson, au détroit d’Hudson et aux zones de l’Atlantique qui ne sont pas régies par les lois de mise en œuvre fédérales-provinciales. À l’heure actuelle, la seule zone extracôtière où on exploite activement les hydrocarbures se trouve sur la côte Est du Canada. Dans le Pacifique, il y a un moratoire sur les activités pétrolières et gazières extracôtières et, dans le Nord, un gel est en vigueur sur les émissions de nouveaux permis d’exploitation pétrolière et gazière extracôtière.
La LFH ne s’applique pas aux zones extracôtières pour lesquelles un accord de cogestion est en place. Celles-ci comprennent les zones extracôtières Canada — Nouvelle-Écosse et Canada — Terre-Neuve-et-Labrador.
[Traduction]
L’application de mesures semblables aux zones extracôtières visées par les accords Canada — Nouvelle-Écosse ou Canada — Terre-Neuve-et-Labrador exigerait que l’on apporte des modifications à la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et à la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador.
Pour revenir à ce que j’ai mentionné auparavant, le but premier des modifications de la LFH est de compléter les modifications apportées à la Loi sur les océans. Elles accompagnent les dispositions de la Loi sur les océans concernant le gel de l’empreinte. Compte tenu de cette situation, l’application des modifications que l’on propose d’apporter à la LFH ne sera déclenchée que dans les régions où se trouve une ZPM au titre de la Loi sur les océans. Voici certaines des modifications qu’il faudrait apporter à la LFH :
Premièrement, un décret d’interdiction visant à empêcher le commencement ou la poursuite d’activités pétrolières et gazières dans une zone qui a été désignée ZPM provisoire. Encore une fois, cette mesure ne s’applique qu’aux régions qui ne sont pas visées par les accords. Lorsqu’une ZPM provisoire est établie, et si elle recoupe des intérêts pétroliers et gaziers, cette modification permettrait au gouverneur en conseil de prendre un décret interdisant l’activité pétrolière et gazière pendant que le MPO travaille à l’établissement d’une ZPM permanente visée par un décret.
Deuxièmement, des modifications de la LFH comprenant un nouveau pouvoir conféré au ministre des Ressources naturelles ou au ministre des RCAAN de négocier avec les titulaires pour l’abandon volontaire d’un intérêt qui recoupe une ZPM, et ces négociations pourraient comprendre une indemnisation.
Dans l’éventualité où un intérêt ne serait pas abandonné volontairement, le ministre compétent pourrait annuler l’intérêt pétrolier et gazier et fournir une indemnisation. L’annulation d’un intérêt est considérée comme un dernier recours, et il est évident qu’une solution axée sur la collaboration est plus souhaitable.
[Français]
En résumé, les modifications proposées à la LFH s’appliquent seulement dans les zones extracôtières où la LFH est administrée et ne sont possibles que lorsqu’un titre pétrolier ou gazier extracôtier dans ces zones chevauche une zone de protection marine désignée en vertu de la Loi sur les océans. Le gouvernement du Canada reconnaît l’importance de mettre en valeur tout le potentiel de l’industrie extracôtière du Canada, et cela signifie exploiter des ressources naturelles tout en assurant la protection de l’environnement.
[Traduction]
Le gouvernement du Canada comprend le besoin de l’industrie à l’égard d’une clarté réglementaire. Ces modifications contribueront à procurer aux investisseurs une plus grande certitude et confiance accrue à l’égard du régime extracôtier du Canada. Merci beaucoup.
[Français]
Daniel Lebel, directeur général, Commission géologique du Canada, Secteur des terres et des minéraux, Ressources naturelles Canada : Je remercie le comité de me donner l’occasion de répondre à ses questions relativement aux activités de la Commission géologique du Canada à Ressources naturelles Canada. La Commission géologique du Canada fait partie intégrante du Secteur des terres et des minéraux de Ressources naturelles Canada. Fondé en 1842, cet organisme national fournit des services scientifiques et de recherche consacrés à l’offre d’une expertise de connaissances et de produits géoscientifiques faisant autorité, afin d’appuyer la prise de décisions concernant les terres et les ressources du Canada. Au fil des ans, la mission de la CGC — Geological Survey of Canada en anglais —, axée à l’origine sur l’inventaire géologique des ressources minérales continentales du Canada, s’est diversifiée afin de répondre aux besoins du Canada pour la prise de telles décisions. En nous inspirant de la longue histoire de la CGC et de ses liens profonds avec la croissance de la nation canadienne, nous continuons d’évoluer en un service géologique moderne qui répond aux défis sociaux et technologiques de l’heure.
Aujourd’hui, la mission de la CGC est de fournir des connaissances géoscientifiques faisant autorité pour gérer l’intendance des terres continentales et extracôtières du Canada, appuyer la mise en valeur responsable des ressources pour les générations futures et protéger la population canadienne contre les aléas naturels et les risques qui s’y rattachent.
Vous trouverez cette mission et l’éventail des priorités de l’organisation dans le plan stratégique de la CGC pour 2018-2023 qui vient d’être publié. J’ai apporté quelques exemplaires pour que vous puissiez en prendre connaissance, étant donné qu’il n’est pas fréquent que la Commission géologique du Canada vienne témoigner devant un comité du Sénat.
[Traduction]
Je veux continuer de parler plus précisément de la conservation et de la façon dont la CGC a apporté à de nombreuses occasions des données scientifiques et des évaluations pour appuyer la délimitation de terres aux fins de l’établissement ou de l’agrandissement de parcs nationaux en réaction à des demandes de Parcs Canada, par exemple.
Nous offrons des évaluations des ressources qui appuient la meilleure délimitation possible pour l’établissement et l’agrandissement de parcs nationaux ou d’aires marines de conservation, du point de vue des ressources minérales et en énergie fossile dont on pourrait interdire la prospection et la mise en valeur, selon l’approche de conservation choisie.
En ce qui concerne la Loi sur les océans et les zones de protection marine qui s’y rattachent, le rôle de la CGC réside principalement dans le travail qu’elle fait avec ses partenaires afin de contribuer aux efforts déployés par le Canada dans le but d’établir ce réseau national de ZPM et de mettre en œuvre d’autres mesures de conservation applicables, comme les aires marines de conservation nationales. Ces engagements ont été pris au titre des cibles de conservation marine annoncées en 2016 dans le but d’atteindre — comme vous le savez — 5 p. 100 et 10 p. 100 de zones protégées avant 2017 et 2020, respectivement. RNCan a reçu du financement à cette fin en effectuant des évaluations des ressources et des évaluations économiques.
Le mandat et l’expérience de RNCan relativement à la mise en valeur des ressources et aux évaluations économiques sont essentiels à l’avancement de l’initiative d’établissement de cibles de conservation marine. RNCan travaille avec le ministère des Pêches et des Océans et avec Parcs Canada afin d’établir l’ordre de priorité des besoins liés aux évaluations des ressources et aux évaluations économiques touchant les lieux de conservation potentiels.
La CGC effectue des évaluations du volume de pétrole potentiel sous le plancher océanique. Les résultats sont présentés à l’aide de schémas sous forme d’évaluations qualitatives, notamment au moyen de cartes de prospectivité des hydrocarbures indiquant les zones au potentiel élevé, modéré et faible, selon les données connues et les informations accessibles. Si possible, nous évaluons également d’autres ressources naturelles potentielles, comme les hydrates de gaz et les ressources minérales.
Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues du secteur de l’énergie de RNCan, qui fournissent des évaluations économiques du contexte de l’énergie extracôtière à l’intérieur et à proximité d’une ZPM ou d’une AMNC proposée. Ces rapports présentent un aperçu des politiques fédérales mises en œuvre dans la région et un examen des activités extracôtières passées et actuelles sur le plan de la mise en valeur de ressources pétrolières et gazières et de la production d’énergie renouvelable à l’intérieur et à proximité du lieu proposé. Ensemble, nous veillons à ce que les évaluations des ressources et des évaluations économiques soient menées au moment le plus opportun au regard des processus d’établissement de ZPM et d’autres aires de conservation.
Même si cela ne fait pas partie de son mandat de base, la CGC a également contribué, de temps à autre, au recensement de la biodiversité marine par la cartographie exploratoire du plancher océanique du plateau continental du Canada pour la cartographie des géorisques marins, des hydrocarbures potentiels et de la géologie en général. RNCan a également contribué aux processus du MPO visant à mobiliser certains intervenants et certaines collectivités autochtones afin d’obtenir plus de renseignements sur les données scientifiques et les méthodes qui sous-tendent le travail d’évaluation. De plus, l’expérience de RNCan en ce qui concerne l’industrie des ressources naturelles renforce le processus de consultation et le travail effectué en vue de la cogestion des océans.
Pour terminer, les produits de connaissances réalisés par la Commission géologique du Canada, la CGC, pour appuyer l’établissement de mesures de conservation peuvent être consultés en ligne par le public et offrent de la cartographie géologique générale et des évaluations dérivées et détaillées des ressources pouvant servir de base aux évaluations économiques des ressources pétrolières et minières extracôtières. La CGC aide à faire en sorte que les décisions prises au Canada en matière de conservation et de développement liées à la protection des milieux marins soient fondées sur les meilleurs renseignements disponibles.
Mark Hopkins, directeur général, Direction générale des ressources naturelles et de l’environnement, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Comme l’a mentionné M. Gardiner, la Loi fédérale sur les hydrocarbures a comme objectif premier la réglementation des titres pétroliers et gaziers sur les terres domaniales. Dans le Nord, ces terres comprennent principalement des terres au Nunavut et le territoire extracôtier de l’Arctique, notamment la mer de Beaufort, dans la région ouest de l’Arctique, et la baie de Baffin et le détroit de Davis dans la partie est de l’Arctique.
Le projet de loi déposé au Parlement comprend des modifications de la Loi fédérale sur les hydrocarbures qui visent à équilibrer l’utilisation durable des océans du Canada afin d’assurer la protection dans des zones cernées qui présentent des risques. Les modifications proposées permettraient d’interdire des activités d’exploitation pétrolière et gazière dans des zones marines.
Pour mettre les choses en contexte, dans la déclaration commune des dirigeants sur l’Arctique, faite en décembre 2016, on reconnaissait les mesures prioritaires mises en place par le Canada dans les eaux de l’Arctique pour favoriser une économie et un écosystème forts dans l’Arctique. À cette époque, le Canada a suspendu de façon indéfinie l’octroi de futures concessions pétrolières et gazières extracôtières dans les eaux arctiques canadiennes, et cette disposition devait être réévaluée tous les cinq ans au moyen d’une évaluation scientifique des changements climatiques et de la vie marine. Les travaux sont déjà en cours pour établir un modèle de cogouvernance afin de gérer l’évaluation scientifique qui sera menée à l’avenir.
L’évaluation permettra de mieux comprendre les incidences environnementales et socioéconomiques des activités pétrolières et gazières dans les eaux de l’Arctique et pourrait éclairer les décisions en matière de protection des écosystèmes marins extracôtiers uniques du Canada.
M. Gardiner a exposé les modifications qu’on propose d’apporter à la Loi fédérale sur les hydrocarbures, donc je ne répéterai pas ses propos. Je tiens à souligner qu’il existe actuellement deux zones de protection marines, établies sous le régime de la Loi sur les océans, dans les eaux extracôtières de l’Arctique. L’une de ces zones a reçu cette désignation en 2010, et l’autre, plus récemment, en 2016. Les deux zones de protection marines sont situées dans la mer de Beaufort, dans la région désignée des Inuvialuit.
Pour terminer, j’aimerais souligner que nous allons collaborer étroitement avec les gouvernements territoriaux et autochtones partenaires dans le Nord pour consulter les détenteurs de titres pétroliers et gaziers dans les eaux extracôtières de l’Arctique quant à la désignation de nouvelles zones de protection marines dans les eaux arctiques canadiennes et au traitement réservé aux titres pétroliers et gaziers qui pourraient être touchés par la désignation de telles zones.
Merci beaucoup.
Le sénateur Gold : Monsieur Gardiner, comme vous le savez probablement, lors de témoignages précédents, il y a eu beaucoup de discussions portant sur le processus de consultation, son caractère adéquat et ainsi de suite. Pouvez-vous nous fournir des explications sur la façon dont vous collaborez avec les responsables du MPO et d’autres intervenants, responsables de collectivités autochtones ou autres, qui sont concernés quant au moment et à la façon de désigner une zone, ainsi que ses limites, et les activités pouvant y être menées?
Pouvez-vous nous fournir des détails sur la façon dont cela se déroule dans les faits?
M. Gardiner : Ma collègue, qui est assise derrière moi, est responsable du dossier. Elle a collaboré étroitement avec des responsables du MPO, soit le principal ministère responsable des modifications proposées.
Nous avons principalement utilisé les structures régionales existantes mises en place par le MPO, réuni les intervenants et les organismes de pêche concernés et communiqué avec des organisations liées aux activités pétrolières, comme l’Association canadienne des producteurs pétroliers, les gouvernements provinciaux et d’autres participants, pour passer en revue les modifications proposées et pour répondre aux questions. Si je me souviens bien, ces activités se sont déroulées pendant six à huit mois.
J’ai une liste assez longue d’organisations avec lesquelles nous avons communiqué dans le cadre de ce processus. Je pourrais vous donner plus de détails à ce sujet.
Le sénateur Gold : Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Quand on étudie la possibilité de désigner une zone comme protégée, quel est votre rôle? Quelle serait votre réponse par rapport à certaines des préoccupations qui ont été soulevées aujourd’hui à propos de la participation limitée des intervenants au début du processus? Qu’avez-vous pu constater?
M. Gardiner : Comme mon collègue Daniel Lebel l’a mentionné, notre participation consiste surtout à fournir des évaluations géologiques et économiques. C’est notre contribution principale au processus.
Le MPO est le ministère principal pour ce qui est d’établir les priorités en matière de protection et de cerner les aires géographiques pertinentes dans le cadre de ce mandat. Ses responsables tiennent compte d’un certain nombre de facteurs, y compris le processus de consultation et les données concernant les lieux principaux d’activités de pêche. Ils sont bien informés, et nous leur communiquons des renseignements sur les titres gaziers et pétroliers. De leur côté, ils tiennent compte de ces renseignements au moment de cerner les priorités en matière d’aires de conservation.
Une fois les limites définies, de façon générale, dans le cadre d’une initiative de cette nature, à Ressources naturelles Canada, nous fournissons, aux fins du processus décisionnel, les résultats des travaux de mon collègue relativement à l’inventaire géologique ou à une évaluation géologique de la zone pour donner une idée du coût de renonciation découlant de la mise en place d’une initiative de conservation ou d’une zone de protection marine.
Mon équipe, à l’aide des renseignements fournis par mon collègue, produit une évaluation économique du potentiel de développement.
Le sénateur Gold : Monsieur Hopkins, il est prévu dans le projet de loi que le ministre des Pêches et des Océans ne peut désigner de façon provisoire une zone de protection marine que pendant une période de cinq ans d’une manière qui n’est pas incompatible avec quelque accord sur des revendications territoriales. Pourriez-vous décrire la participation de votre ministère quant aux conseils offerts au ministre des Pêches et des Océans sur le fait de savoir si une zone de protection marine proposée respecte un accord sur des revendications territoriales? Tenez-vous compte d’autres choses que des accords sur des revendications territoriales et examinez-vous l’existence de droits protégés par la Constitution de façon plus générale, même si aucun accord n’a été conclu?
M. Hopkins : Nous communiquons avec les responsables du MPO pour ce qui est de la communication des renseignements sur les ressources, y compris la portée de droits existants, comme les licences de découvertes importantes. Dans le cadre de discussions, nous communiquons aussi la situation quant aux accords existants sur des revendications territoriales. Bien souvent, dans le cas de la mer de Beaufort, il s’agit de droits de pêche et de récolte. Ce sont des renseignements importants dans le cadre de discussions avec les responsables du MPO concernant la désignation d’une zone de protection marine.
Le sénateur Gold : Tenez-vous compte d’autre chose que des accords sur des revendications territoriales? Parce que ce ne sont pas tous les droits qui sont inscrits dans ces accords.
M. Hopkins : De toute évidence, dans le cas de la mer de Beaufort, les échanges peuvent se transformer en discussion plus globale portant sur les intérêts des Inuvialuit de la région, pour prendre un bon exemple. Aussi, le MPO est assez présent dans cette région. Ses responsables ont établi le partenariat pour la mer de Beaufort, qu’ils gèrent avec les Inuvialuit.
Il y a des forums plus vastes où de multiples intervenants, y compris du gouvernement fédéral, se réunissent. Il s’agit bien souvent de tribunes où l’on tient des discussions plus générales portant sur des intérêts qui dépassent les revendications territoriales à proprement parler. Le développement économique, par exemple, constitue un intérêt important.
Bien entendu, un accord sur une revendication territoriale est en soi fondé en grande partie sur une hypothèse touchant la gestion d’occasions de développement économique. Ainsi, le fait de préserver ces occasions constitue un aspect important de l’intérêt qu’elles revêtent, lequel, par ailleurs, n’est peut-être pas écrit de façon explicite dans l’accord lui-même, mais peut occuper une place importante dans de telles discussions.
Le sénateur Plett : J’ai quelques questions pour les représentants de Ressources naturelles Canada.
Le projet de loi C-75 confère au ministre le pouvoir d’annuler des titres pétroliers et gaziers dans une zone de protection marine et d’interdire de poursuivre l’exercice d’activités dans une zone de protection marine provisoire.
Voici ma première question : d’après vous, quelle sera l’incidence de cette mesure sur l’industrie pétrolière et gazière au Canada, que nombre de personnes qualifient d’élément vital pour notre pays et assurément pour l’Ouest du Canada? Quelles seront les conséquences pour l’industrie pétrolière et gazière?
M. Gardiner : Dans mes remarques liminaires, j’ai souligné que ces modifications ne s’appliquent pas aux zones visées par les accords conclus en Atlantique, soit l’Accord Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse. Ces zones sont celles où il y a actuellement des activités extracôtières.
Les modifications s’appliqueraient au sud du 60e parallèle, sur la côte Ouest. Un certain nombre de titres pétroliers et gaziers sont en vigueur depuis les années 1960 et le début des années 1970. Cette région est visée par un moratoire stratégique depuis les années 1970, et les activités ont été « gelées ». Cette situation est en quelque sorte la raison de ces modifications.
On a récemment désigné une zone de protection marine dans le détroit d’Hécate, et des permis étaient liés à cette zone de protection marine. Cela a engendré certaines incertitudes sur le plan réglementaire, donc ces dispositions aideraient à régler cela.
Vu que la région est visée par un moratoire depuis les années 1970, les conséquences seraient assez limitées. Sur la côte Est, là où les incidences seraient plus importantes, ces modifications ne s’appliqueraient pas.
Le sénateur Plett : Le projet de loi permet au ministre de prévoir un régime d’indemnisation et lui confère le pouvoir d’annuler des titres pétroliers et gaziers, même si des négociations n’ont pas mené à la détermination d’une indemnité. Assurément, nombre de personnes, dont moi-même, sont d’avis que cette disposition est plutôt excessive et permet de prendre des décisions de façon unilatérale.
Premièrement, d’autres ministres ont-ils le même pouvoir d’expropriation lié à la propriété privée sans être tenu d’offrir une indemnisation? Deuxièmement, avez-vous évalué les incidences sur la confiance des investisseurs dans l’industrie?
M. Gardiner : Je ne connais pas très bien les pouvoirs en matière d’expropriation que détiennent d’autres ministres. Il me serait difficile de répondre à cette question.
Le libellé des dispositions est très précis. Il s’agit de cas où le ministre des Pêches et des Océans a cerné et désigné, de façon provisoire ou permanente, une zone de protection marine et qu’il y a un conflit avec des titres pétroliers et gaziers.
Quand une aire est cernée comme une zone à protéger, il est possible que des activités pétrolières et gazières soient incompatibles avec l’objectif. Si le ministre des Pêches et des Océans recommande dans une telle situation que le ministre des Ressources naturelles obtienne l’abandon du titre en question, alors les modifications donnent l’autorisation d’agir et de négocier une indemnisation.
À notre avis, il s’agit d’une approche raisonnable et ordonnée, et les incidences sur la confiance des investisseurs seraient limitées.
Le sénateur Plett : Mis à part l’indemnisation déterminée.
M. Gardiner : Oui.
Le sénateur Plett : J’en discuterai avec le ministre après le dîner. Merci.
Le sénateur McInnis : J’examine une carte indiquant les aires importantes sur le plan écologique et biologique situées dans la biorégion de la plateforme néo-écossaise. On y voit 18 sites entre la pointe nord de l’île du Cap-Breton et Yarmouth, et même un peu plus loin, le long de la côte Est. Il s’agit d’aires qui pourraient être désignées comme zones de protection marines.
En Nouvelle-Écosse, nous nous demandons pourquoi nous ne sommes pas consultés, en particulier en ce qui concerne ces zones potentielles. Nous avons l’Institut océanographique de Bedford. C’est le centre de recherche océanographique le plus important au pays. Il y a 300 entreprises dans le domaine de la technologie océanique en Nouvelle-Écosse. Nous sommes les chefs de file en matière de protection des océans dans tous les aspects qui y sont liés. Nous avons reconnu une région de pêche située près du banc de Georges, et avons nous-mêmes prolongé un moratoire.
Compte tenu de tous les travaux de recherche effectués en Nouvelle-Écosse, pourquoi le premier ministre, les collectivités et d’autres n’ont-ils pas été consultés? Le processus de désignation d’une zone de protection marine est en cours. Je crois que nous en avons deux et que nous avons sept zones de refuge. Ces lieux présentent un certain potentiel. En raison de tous les travaux de recherche que nous menons, nous savons comment agir par rapport à l’océan. Toutefois, on nous dit : « Je ne crois pas. » Personne ne nous a consultés.
Avez-vous des commentaires à exprimer à ce sujet?
M. Gardiner : D’abord, les modifications qu’on propose d’apporter à la Loi fédérale sur les hydrocarbures dans ce projet de loi ne s’appliquent pas aux deux régions visées par les accords, y compris la région visée par l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse.
Le sénateur McInnis : Mais il ne s’agit pas de l’ensemble de cette région.
M. Gardiner : L’entièreté de la région visée par l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse ne serait pas touchée par les modifications apportées à la Loi fédérale sur les hydrocarbures.
Le sénateur McInnis : Ce n’est pas ce que le premier ministre et nous-mêmes avons compris.
M. Gardiner : Je crois que ce que vous décrivez dépasse ce dont il est question ici. Le ministre des Pêches et des Océans et son ministère ont des objectifs de protection à remplir. Puisque le Canada a adopté une politique officielle qui visait à protéger 5 p. 100 des océans du pays avant la fin de l’année 2017 et 10 p. 100 d’ici la fin de l’année 2020. Ils ont pris des mesures énergiques pour respecter cet engagement, et c’est ainsi qu’ils ont cerné des sites d’intérêt dans la zone Canada-Nouvelle-Écosse.
C’est le MPO qui dirige ces travaux, non pas RNCan. Le ministère procède à des consultations afin de faire progresser le travail et de sélectionner les sites qu’il serait le plus sage de protéger. Les représentants du ministère seraient les mieux placés pour vous expliquer pourquoi ils ont choisi un site en particulier et comment ils mènent les consultations afin de mener à bien leur objectif de manière générale.
Le sénateur McInnis : C’est le prochain groupe de témoins.
M. Gardiner : Oui.
La sénatrice Bovey : Plus tôt aujourd’hui, nous avons discuté d’équité, ou plutôt du manque d’équité, en ce qui concerne l’indemnisation de l’industrie pétrolière et gazière par rapport à celle des pêcheries. La question que je veux vous poser à tous est simple, du moins, je crois.
Croyez-vous, compte tenu des objectifs socioéconomiques que l’on essaie d’atteindre grâce aux ZPM — c’est-à-dire rétablir l’équilibre de l’écosystème et régler des problèmes liés aux aspects socioéconomiques et à la durabilité des pêches — que l’indemnisation des sociétés pétrolières et gazières, après les restrictions, est équitable, quand on pense aux pêcheries?
Est-ce que c’est inéquitable? Dans l’affirmative, quelles mesures devons-nous prendre et comment est-ce indiqué dans le projet de loi?
M. Gardiner : Les dispositions que nous proposons d’ajouter à la Loi fédérale sur les hydrocarbures ne s’appliquent aux intérêts pétroliers et gaziers que dans des circonstances très précises. Ces dispositions ont été élaborées par souci d’équité envers les sociétés qui ont, de bonne foi, acquis des droits d’exploration ou d’autres droits et ont en conséquence engagé des dépenses. Elles peuvent aussi avoir trouvé des ressources. Dans ce cas, il faudrait offrir une indemnisation si on demande à l’entreprise de renoncer à ses droits.
Il s’agit d’une disposition habilitante seulement. On ne décrit pas le processus avec précision. Chaque cas serait évalué individuellement et tout serait fondé sur le souci de l’équité.
Nous croyons que ces dispositions serviront surtout sur la côte Ouest du Canada. Compte tenu du moratoire décrété et des faibles dépenses engagées par rapport aux permis dans cette région, nous croyons que les indemnisations, si elles sont offertes, seront minimes. Malgré tout, ce n’est pas quelque chose dont nous avons discuté, alors je préférerais éviter de faire trop de suppositions.
Il s’agit après tout de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, et elle n’a aucune incidence sur les pêcheries. Selon nous, il était logique d’ajouter cette disposition habilitante et même nécessaire, dépendamment de ce qui ressortira des discussions futures.
La sénatrice Bovey : Dans vos activités qui concernent les pêcheries, est-ce que ce genre de préoccupations sont soulevées? Elles se recoupent.
Monsieur Hopkins, je sais que vous avez beaucoup travaillé dans l’Arctique. Comment tout cela se répercutera-t-il sur les pêcheries et les enjeux d’ordre socioéconomique?
M. Hopkins : Je vais essayer de répondre à votre première question pour commencer, puis je vais ajouter quelque chose à ce que M. Gardiner a dit.
La négociation est le meilleur moyen de savoir s’il faut indemniser. Étant donné qu’il s’agit d’une ressource qui n’a aucune valeur marchande franche, on ne peut pas procéder de la manière habituelle. Ce n’est pas comme un terrain où il y a une propriété privée; il n’y a pas d’échange sur les marchés, alors la valeur de la ressource est incertaine.
Par ailleurs, nous travaillons aussi énormément dans l’Arctique de l’Est et l’Arctique de l’Ouest. Nous menons actuellement des évaluations environnementales stratégiques et nous devons donc déployer de grands efforts pour visiter les collectivités, acquérir des connaissances auprès des Autochtones et réunir des données scientifiques sur la nature de la ressource et les impacts socioéconomiques potentiels de l’ensemble des activités d’exploration pétrolière et gazière.
Les processus devraient être achevés dans un an ou deux. Nous aiderons à fournir au gouvernement des conseils sur la façon de procéder à l’examen quinquennal du moratoire qui a été imposé.
Je ne suis pas certain d’avoir bien répondu à votre question.
La sénatrice Bovey : Je ne veux pas trop insister là-dessus, puisque notre temps est limité. Un problème a été soulevé quant au fait qu’une industrie sera indemnisée parce qu’elle a des accords juridiques, et que l’autre ne le sera pas parce que les poissons sont considérés comme un bien public jusqu’à ce qu’ils soient pêchés.
Je vous demande donc : est-ce équitable ou inéquitable?
M. Gardiner : Tout dépend des détails de chaque situation, mais c’est possible.
La sénatrice Bovey : Je crois que ce que je veux, c’est d’être assurée qu’au bout du compte, dans votre travail avec les pêcheries, vous allez aborder ces questions et en discuterez avec les secteurs concernés.
M. Hopkins : L’environnement arctique est en train de changer considérablement. Je crois que tout le monde le sait. Cela transforme énormément la répartition des ressources, de la faune et des mammifères marins. En même temps, ces changements affectent toutes sortes de perspectives économiques. Plus la côte s’ouvre, plus les activités de transport et d’expédition créent des risques.
Il y a des risques, mais aussi des avantages à saisir, dans cet environnement qui évolue très rapidement. Nous nous préoccupons constamment de la façon dont nous allons gérer et atténuer les risques et saisir les possibilités. Nous espérons que le Cadre stratégique pour l’Arctique qui est en cours d’élaboration nous éclairera, du moins en partie, à ce sujet.
La sénatrice Poirier : J’ai deux ou trois questions. Pour commencer, je vais m’adresser aux représentants de Ressources naturelles Canada.
Même si le projet de loi C-55 prévoit l’indemnisation du secteur pétrolier et gazier, rien n’est offert aux autres secteurs qui pourraient être désavantagés économiquement par l’établissement d’une ZPM permanente ou provisoire. A-t-on analysé l’impact potentiel du projet de loi C-55 sur l’industrie forestière ou minière au Canada?
M. Gardiner : Vous posez une question intéressante. Je ne crois pas que cela a été fait dans le contexte du projet de loi C-55 précisément. Lorsqu’on établit ou qu’on songe à établir une ZPM, il faut mener les activités que j’ai décrites plus tôt, c’est-à-dire une évaluation des ressources et une évaluation économique. Mon collègue pourra sans doute vous décrire plus en détail le processus d’évaluation des ressources, qui engloberait une analyse de l’ensemble des ressources potentielles qui pourraient être touchées par l’établissement d’une ZPM. C’est à cette étape du processus que les répercussions seraient déterminées.
La sénatrice Poirier : Si je vous comprends bien, vous me dites qu’il n’y a pas eu d’analyse parce que vous croyez qu’il n’y aura aucune incidence sur les secteurs forestiers et miniers.
M. Gardiner : Pour répondre brièvement, je dirais que nous avons seulement examiné la modification proposée relativement à la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Cette loi ne régit d’aucune façon les activités minières ou forestières. À ma connaissance, l’établissement d’une ZPM, présentement, ne pourrait pas avoir d’incidence sur les droits acquis par une société forestière ou minière.
La sénatrice Poirier : Comment et pourquoi, alors, a-t-on pris la décision d’interdire les activités pétrolières et gazières dans les ZPM établies en vertu de la Loi sur les océans?
M. Gardiner : Nous n’avons pas décidé d’interdire ce genre d’activités pour l’instant. Ce sont des dispositions habilitantes. Si le ministre des Pêches et des Océans sélectionne un site qui pourrait être désigné ZPM et qu’il y a un arrêté provisoire pour geler l’empreinte, alors les dispositions similaires proposées dans la Loi fédérale sur les hydrocarbures seraient activées.
Ces dispositions habilitent le gouverneur en conseil à geler de la même manière l’empreinte des activités pétrolières et gazières, et le ministère des Ressources naturelles, à la demande du ministre des Pêches et des Océans, de négocier avec les titulaires des intérêts.
Le sénateur Plett : En d’autres mots, faites-nous confiance.
La sénatrice Poirier : Oui. J’ai une autre question, toujours pour la même personne. On décrit, au nouvel alinéa 35.1(2)d) du projet de loi C-55, comment le ministre peut exempter de l’application d’une interdiction :
[...] un étranger, une entité qui est constituée en personne morale ou formée sous le régime de la législation d’un pays étranger, un navire étranger ou un État étranger [...]
Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement qui sous-tend cette nouvelle disposition et nous dire quels recours sont possibles quand une partie exemptée endommage une ZPM?
M. Gardiner : Excusez-moi. Votre précision m’a pris au dépourvu. Pouvez-vous me dire à nouveau de quelle disposition il s’agit?
La sénatrice Poirier : L’alinéa 35.1(2)d). Essentiellement, je veux savoir quels sont les recours quand une partie exemptée par le ministre endommage une ZPM.
M. Gardiner : Le ministre dont il est question ici est le ministre des Pêches et des Océans. Il serait plus logique de lui poser la question.
La sénatrice Poirier : Je vais le faire, lorsque les représentants seront ici, cet après-midi.
Le sénateur Christmas : Monsieur Hopkins, vous avez dit dans votre exposé que votre ministère travaille en étroite collaboration avec ses partenaires des gouvernements territoriaux et autochtones, dans le Nord.
Nous avons sous les yeux une lettre du premier ministre, Joe Savikataaq, datée du 27 novembre 2018 et adressée au président de notre comité. Dans sa lettre, il résume sa position sur le projet de loi C-55 et conclut en demandant au comité de modifier le projet de loi de façon que le consentement écrit des gouvernements territoriaux et provinciaux soit requis avant qu’une ZPM puisse être désignée.
Je me demande pourquoi le premier ministre fait cette demande maintenant à notre comité. Avez-vous de l’information contextuelle qui expliquerait pourquoi le gouvernement territorial croit que le processus de consultation n’avait pas amené le gouvernement du Nunavut à souhaiter que cette modification soit apportée au projet de loi avant aujourd’hui?
M. Hopkins : Je ne saurais dire pourquoi le premier ministre a choisi d’intervenir maintenant. Je ne crois pas qu’il y a de ZPM désignées présentement au Nunavut.
Pour vous donner un peu de contexte, parlons brièvement du territoire voisin; dans les Territoires du Nord-Ouest, l’accord de transmission conclu en 2014 prévoyait des négociations avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, les Inuvialuit et le gouvernement du Yukon, justement, à propos de la gestion conjointe des ressources pétrolières et gazières au large des côtes.
Je crois que tout le monde s’attend à ce que cela débouche sur quelque chose de similaire aux offices de gestion extracôtière de la côte Est.
Pour ce qui est du Nunavut, les discussions sur la transmission se poursuivent, et on espère qu’elles aboutiront. Une fois qu’une entente sera conclue, on peut s’attendre à ce qu’une sorte de régime similaire soit négocié et mis en œuvre, pourvu que cela soit dans l’intérêt de toutes les parties. On pourrait gérer les ressources au large des côtes de cette façon.
C’est beaucoup d’information contextuelle, mais je ne peux pas vous dire exactement pourquoi le premier ministre a décidé d’intervenir maintenant et de recommander cette modification. Je ne suis pas au courant d’un quelconque point de discorde avec le gouvernement du Nunavut qui pourrait l’expliquer.
Le président : Merci à nos témoins.
Avant de conclure, je veux rappeler rapidement aux sénateurs que le ministre sera parmi nous de 13 h 30 à 14 h 15. C’est le temps qu’on nous a accordé. Nous recevrons ensuite les représentants du ministère.
J’ose donc espérer que nous reprendrons très exactement à 13 h 30.
Le sénateur Plett : Je sais que nous ne pouvons rien y faire, mais je tiens à souligner mon mécontentement quant au fait que le ministre ne sera parmi nous aujourd’hui que pendant 45 minutes.
Je crois que le fait que le ministre préfère repartir à la course pour participer à la période de questions habituelle sans nous consacrer plus de temps reflète le manque de soutien que le gouvernement accorde au Sénat. Nous étions censés l’accueillir plus tôt, mais son bureau a annulé sa comparution, et maintenant, il nous accorde seulement 45 minutes. Je trouve extrêmement frustrant que le ministre ne puisse être parmi nous pendant une heure complète.
Je sais que cela n’y changera probablement rien, mais je voulais au moins, aux fins du compte rendu, dire à quel point je trouve excessivement injuste que le bureau du ministre ne nous accorde pas plus de temps. C’est un manque flagrant de considération.
Le président : C’est bien noté, monsieur le sénateur. C’est pour cette raison que je veux m’assurer que nous reprenions exactement à 13 h 30. Je vais suggérer au ministre d’être bref dans ses commentaires afin que vous puissiez poser des questions dans le temps qui nous est imparti. Voilà où nous en sommes.
Bon après-midi. Bienvenue devant notre comité, monsieur le ministre. Nous sommes ravis de vous accueillir. Vous avez la parole.
L’honorable Jonathan Wilkinson, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je m’appelle Jonathan Wilkinson. En plus d’être ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, je suis le député de North Vancouver.
J’aimerais vous remercier de m’avoir invité ici aujourd’hui. Je suis accompagné par les fonctionnaires suivants du ministère : M. Timothy Sargent, nouveau sous-ministre, Pêches et Océans Canada; M. Philippe Morel, sous-ministre adjoint, Secteur des écosystèmes aquatiques; M. Jeff MacDonald, directeur général, Gestion des océans; et M. Darren Goetze, directeur général, Conservation et protection.
J’ai pris acte du dernier rapport du comité sur les défis et les possibilités en matière de recherche et de sauvetage maritimes. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est nécessaire de disposer des ressources dont nous avons besoin pour assurer la sécurité des gens.
Je me réjouis de constater que le rapport reconnaît le rôle vital et indispensable que la Garde côtière joue chaque jour pour protéger les Canadiens, les marins et les voies navigables. Nous examinons attentivement les recommandations du rapport et j’attends avec impatience les discussions futures avec votre comité sur cette importante question.
Cela a déjà été dit, mais nous sommes ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. J’aimerais remercier tout particulièrement la sénatrice Bovey d’avoir parrainé ce projet de loi au Sénat et pour son engagement des plus actifs dans les dossiers des océans sur nos trois côtes.
[Français]
Les océans du Canada abritent un grand nombre de secteurs économiques, comme les transports et l’énergie, en passant par l’aquaculture et les pêches, et constituent une source d’avantages spirituels, culturels et autres, non matériels.
Comme vous le savez, notre gouvernement s’est engagé à protéger nos océans et notre vie marine pour les générations futures en augmentant la proportion des zones marines et côtières du Canada, dont 10 p. 100 sont protégées d’ici 2020.
Les aires marines protégées aident non seulement à protéger la diversité des écosystèmes et à préserver les caractéristiques marines particulières, mais elles cherchent également à équilibrer l’utilisation durable de nos ressources marines grâce à la conservation et à la protection, en maintenant le milieu marin en bonne santé et productif.
[Traduction]
La protection de notre environnement marin soutiendra nos collectivités qui dépendent de la santé de nos océans. Comme vous le savez, l’approche actuelle de désignation des zones de protection marines par règlement du gouverneur en conseil prend en moyenne de 7 à 10 ans. Les modifications proposées à la Loi sur les océans du Canada en vertu du projet de loi C-55 nous permettraient d’agir plus rapidement pour protéger nos océans.
L’élément clé du projet de loi C-55 est la capacité de protéger de façon proactive une zone une fois les consultations initiales et les travaux scientifiques terminés. Cela comprend l’établissement de zones de protection marines protégées provisoires, au moyen d’un arrêté ministériel, fondé sur des données scientifiques et des consultations initiales.
[Français]
Ces protections provisoires relèveraient de l’autorité du ministre des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne et pourraient être mises en place dans un délai beaucoup plus court, soit généralement de 18 mois. Cela garantirait la protection des écosystèmes importants tout en poursuivant la recherche scientifique et l’engagement des parties prenantes. Dans un délai de cinq ans, la protection provisoire pourrait être remplacée par une zone de protection marine permanente au moyen de règlements du gouverneur en conseil.
[Traduction]
L’établissement d’une zone de protection marine sous protection provisoire gèlerait l’empreinte des activités en cours, essentiellement en préservant les activités existantes à l’intérieur d’une zone donnée pour atteindre les objectifs préliminaires de conservation, puis en atténuant l’éventuelle augmentation des effets environnementaux négatifs entraînés par de nouvelles activités supplémentaires.
Pour être clair, le projet de loi C-55 ne réduira pas les consultations. Les consultations concernant l’établissement des zones de protection marines se poursuivront après l’octroi du statut provisoire d’une zone, jusqu’à ce qu’une décision finale du gouverneur en conseil rende cette zone permanente dans les cinq ans.
Le projet de loi C-55 énonce clairement ce que le ministre ou le gouverneur en conseil doivent faire : ils doivent faire preuve de jugement et se fonder sur l’information scientifique disponible à ce moment-là. Cependant, une information incomplète ou un manque de certitude absolue ne constituerait pas un obstacle au lancement du processus visant à assurer la protection.
[Français]
Le langage proposé dans le projet de loi C-55 est conforme au cadre de précaution du Canada mis en place en 2013.
Ce cadre fournit des orientations sur l’application du principe de précaution à la prise de décisions fondées sur des données scientifiques en vue d’assurer la protection, la santé et la sécurité de l’environnement, ainsi que la conservation de nos ressources naturelles.
Le Canada applique depuis longtemps des mesures de précaution dans le cadre des activités de réglementation fédérale. Les obligations du gouvernement à cet égard sont régies par les dispositions applicables de la loi fédérale, les accords obligatoires fédéraux-provinciaux et les accords internationaux auxquels le Canada est partie prenante.
[Traduction]
Le projet de loi C-55 nous permet également de proposer des modifications de la Loi fédérale sur les hydrocarbures qui donneraient au gouvernement du Canada la capacité d’interdire les activités pétrolières et gazières dans les zones de protection marines désignées en vertu de la Loi sur les océans. Ces modifications permettraient à Ressources naturelles Canada et à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada d’interdire les activités d’exploration ou d’exploitation pétrolière et gazière dans les zones de protection marines désignées en vertu de la Loi sur les océans.
L’un ou l’autre ministre pourrait négocier avec un propriétaire une indemnisation pour la renonciation aux intérêts pétroliers et gaziers dans un secteur qui chevauche une zone de protection marine, le cas échéant. Le projet de loi C-55 renforcerait également les pouvoirs d’application, les amendes et les pénalités et harmoniserait la Loi sur les océans avec les autres lois environnementales du Canada.
La collecte de connaissances et des points de vue des gouvernements, des peuples autochtones, des utilisateurs des ressources marines et d’autres intervenants est l’un des principes fondamentaux de l’établissement des zones de protection marines faisant l’objet d’une protection provisoire.
En 2017, avant de déposer le projet de loi C-55, le gouvernement a beaucoup discuté avec les organisations autochtones nationales et régionales. Des préoccupations ont été soulevées au sujet, par exemple, de l’équité économique, du rythme des changements et de la faisabilité de certaines mesures, mais les modifications proposées soutiennent et respectent les droits des Autochtones et les droits issus de traités, et elles font en sorte qu’à l’avenir, les peuples autochtones participeront au processus.
Le projet de loi C-55 continue de faire en sorte que, lorsqu’une zone est légalement protégée, les systèmes judiciaires et les agents chargés de l’exécution de la loi, y compris les Autochtones qui travaillent comme agents de l’autorité désignés sur la côte nord du Pacifique, disposent des pouvoirs et des outils modernes dont ils ont besoin pour protéger ces zones.
Ces dispositions permettent une plus grande collaboration avec les organisations autochtones et répartiraient les responsabilités en matière d’application de la loi entre nos partenaires.
[Français]
J’attends avec impatience les discussions à venir sur la manière dont la Loi sur les océans pourrait être mise à jour pour soutenir davantage les initiatives de conservation menées par les Autochtones.
[Traduction]
Monsieur le président, honorables sénatrices et sénateurs, je tiens en haute estime vos opinions, la richesse de l’expérience que vous apportez dans la discussion et votre connaissance des enjeux.
Mes fonctionnaires et moi sommes maintenant prêts à répondre à toutes vos questions et à entendre vos idées sur la façon dont nous pouvons aller de l’avant avec ces importantes mesures visant à protéger nos océans et nos côtes. Merci.
Le sénateur Gold : Plus tôt aujourd’hui, nous avons reçu un témoin qui était d’avis que le ministère des Pêches et Océans n’avait pas vraiment la capacité d’entreprendre ou de fournir des analyses socioéconomiques pertinentes pour l’établissement des ZPM, compte tenu de l’impact éventuel qu’elles peuvent avoir sur les pêches.
Disposez-vous des ressources nécessaires pour mener à bien ce genre d’analyse touchant la désignation d’une ZPM dans une région donnée et pour le faire en temps opportun?
Ces données existent-elles? Peut-on obtenir des données en fonction desquelles la décision de sélectionner un site, avant même de le protéger, soit prise de façon à tenir compte autant des données scientifiques adéquates — même s’il n’y a pas de certitude, étant donné que peu de choses sont certaines ici-bas — que de l’incidence de la décision sur les personnes et les collectivités concernées?
M. Wilkinson : Pour commencer, je dirais qu’il est toujours possible de récolter plus d’information. Il est important pour nous de continuer d’investir dans les études scientifiques. Le ministère dispose d’importantes capacités scientifiques; il est en mesure de récolter de l’information et de la convertir en données socioéconomiques qui serviront à éclairer les décisions.
Ce sera une activité de plus en plus importante, non seulement pour le ministère des Pêches et Océans, mais également pour Environnement Canada, dans le cadre des travaux sur la biodiversité en général. Nous allons devoir trouver des façons de gérer les choses différemment. Il y aura parfois des répercussions socioéconomiques. C’est une capacité extrêmement importante, et nous l’avons, et j’ajouterais que nous continuons également d’investir de ce côté-là.
Comme vous l’avez peut-être lu dans l’Énoncé économique de l’automne, près de 110 millions de dollars ont été affectés à la mise en œuvre du projet de loi C-68. Une bonne partie de cet argent est consacrée aux investissements scientifiques, par exemple l’évaluation des stocks, qui a beaucoup d’importance dans ce contexte.
Le sénateur Gold : Justement, à ce sujet, que répondez-vous aux intervenants qui disent que les décisions sont prises et continueront d’être prises rapidement, sans qu’ils puissent participer de façon adéquate dès le début du processus? Ils disent que leurs intérêts économiques ne sont pas convenablement pris en considération, parce que les données ne sont pas claires ou accessibles, au début du processus.
M. Wilkinson : Il y a deux ou trois choses que je peux dire. Premièrement, il est important qu’ils participent dès le début du processus. Il est aussi important que les consultations portent à la fois sur le processus décisionnel — faut-il désigner ou non une zone par arrêté ministériel —, et sur le moment où l’arrêté entrera en vigueur, compte tenu des étapes à franchir avant que le gouverneur en conseil décide de désigner ou non une zone de protection marine.
Nous pouvons toujours obtenir plus d’information. Je dirais aussi que le ministère a réellement une énorme capacité, du point de vue scientifique et de la compréhension. Nous gérons toutes les pêches dont il pourrait être question ici selon notre analyse scientifique des stocks et de notre compréhension de ce qui constitue une récolte durable. Nous faisons cela chaque année. Les données que nous avons sont très fiables.
Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, merci d’être parmi nous aujourd’hui. Merci aussi à votre gouvernement et à vous personnellement d’être disposés à honorer l’engagement du gouvernement conservateur de protéger 10 p. 100 des zones marines et côtières d’ici 2020.
J’ai trois questions à poser. Premièrement, pouvez-vous dire clairement au comité et à ceux qui suivent ses travaux si les ZPM sous protection provisoire ou les sites d’intérêt seront intégrés dans la cible du 10 p. 100?
M. Wilkinson : En ce qui concerne votre commentaire précédent, effectivement, c’est le gouvernement conservateur précédent qui a fixé la cible à 10 p. 100. Cependant, j’aimerais ajouter que, au moment où le gouvernement actuel a été porté au pouvoir, moins de 1 p. 100 de l’objectif était atteint. Aujourd’hui, nous en sommes à 7,75 p. 100. Nous avons fait énormément de progrès au cours des trois dernières années.
Quant à ce qui sera intégré ou non dans la cible, comme vous le savez, nous avons chargé un comité de conseil d’examiner les normes, la qualité des zones de protection marines et ce qui sera véritablement pris en compte relativement à l’engagement du Canada envers les objectifs d’Aichi.
Aussi, des lignes directrices internationales ont été établies par l’Union internationale pour la conservation de la nature qui s’est récemment réunie au Caire. Nous sommes en train de digérer le rapport du comité. Ensuite, nous allons pouvoir formuler une opinion sur les normes, sur ce qui doit être pris en compte, sur les activités qui devraient être permises quand cela compte et sur ce qui ne devrait peut-être pas compter. Nous discutons, entre autres, des ZPM désignées en vertu de la Loi sur les océans.
Le sénateur Plett : Vous n’avez pas vraiment répondu. Laissez-moi vous dire que des critiques ont été soulevées à propos de certaines ZPM que vous avez désignées, et notamment du fait que vous semblez vouloir gonfler vos chiffres en désignant des zones sans vraiment les protéger.
Vous avez mentionné un comité de conseil. Présentement, est-ce que toutes les ZPM satisfont aux normes minimales recommandées par le comité de conseil?
M. Wilkinson : Je vais demander à mes fonctionnaires de répondre à l’autre partie de votre question.
Premièrement, le rapport du comité n’équivaut pas à une politique gouvernementale. C’est simplement le rapport d’un comité. Au bout du compte, il est de ma responsabilité d’élaborer une politique gouvernementale sur ce qui doit compter et sur la façon dont nous définissons les différentes zones protégées, que ce soit des ZPM, des zones de protection marines, ou d’autres zones visées par des mesures de base efficaces, comme les refuges marins.
Je vais demander à Philippe Morel d’expliquer si nos fermetures de pêche, nos refuges, nos réserves fauniques nationales, nos parcs nationaux et nos zones de protection marines correspondent, dans l’ensemble, à ce que le comité a dit. Je crois que c’est le cas de la plus grande majorité, mais peut-être qu’il y a certaines exceptions.
Philippe Morel, sous-ministre adjoint, Secteur des écosystèmes aquatiques, Pêches et Océans Canada : Merci, monsieur le ministre. Je crois que vous avez tout dit.
Les ZPM désignées en vertu de la Loi sur les océans respectent tous les critères internationaux prévus dans la loi. Vous parlez probablement des refuges marins. Au total, il y a 51 refuges marins, qui représentent 4,5 p. 100 des 7,9 p. 100. Il s’agit des pêches qui ont été fermées en vertu de la Loi sur les pêches. Ils ont été établis en fonction des critères élaborés par le MPO avec les scientifiques en 2016. Nous avons également participé au débat international sur l’établissement de critères visant d’autres mesures de conservation efficaces, et ces critères ont été approuvés en Égypte au début du mois de décembre.
À présent, nous nous appuyons sur les critères approuvés par l’UICN. Ils sont similaires aux critères établis par le Canada. Nous sommes en train de déterminer si ces 51 refuges marins respectent les critères internationaux. Si oui, ils seront comptabilisés dans l’atteinte de l’objectif. Dans le cas contraire, ou si nous avons besoin de plus de clarification, nous ajusterons ou réduirons les cibles afin de respecter les critères internationaux approuvés par l’UICN en décembre.
Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, ce projet de loi vous donne, à vous et aux autres ministres, la possibilité d’accorder des indemnités et de supprimer les intérêts pétroliers et gaziers, même si les négociations ne débouchent pas sur un accord en matière d’indemnités. Cela semble être un peu sévère et unilatéral.
Les autres ministres ont-ils ce même pouvoir d’exproprier des propriétés privées sans verser d’indemnité? Avez-vous réalisé un quelconque travail pour évaluer l’incidence de cela sur la confiance des investisseurs à l’égard de ce secteur?
M. Wilkinson : Une fois de plus, je pense que « expropriation » est probablement le mauvais terme. Nous cherchons tout d’abord à nous assurer d’avoir un processus qui fait consensus.
J’ai participé au processus qui a débouché sur la désignation de l’aire marine nationale de conservation des îles Scott, où l’entreprise Shell a renoncé à ses concessions comme faisant partie d’un bien collectif. Elle a fait sa part pour s’assurer que nous protégions activement l’un des plus importants sanctuaires d’oiseaux au monde.
Nous voulions clairement travailler avec les parties pour essayer de trouver des méthodes consensuelles pour arriver au point où nous aurions réellement la protection dont nous avons besoin pour les zones que nous voulons voir protégées.
Dans le cas où nous ne trouverions pas un processus qui fait consensus ou des solutions négociées, le ministre des Ressources naturelles ou le ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord a la possibilité d’accorder des indemnités en échange des permis accordés précédemment à une société pétrolière ou gazière. Généralement, on cherche d’abord à s’assurer que la société peut recouvrer les sommes qui auraient été dépensées dans le cadre d’un quelconque travail préparatoire réalisé sur cette propriété. C’est approprié, et je pense qu’il s’agit d’une bonne politique publique.
La sénatrice Bovey : Merci, monsieur le ministre. J’aimerais remercier vos collègues et toutes les personnes qui nous ont permis d’avoir cette discussion aujourd’hui.
J’aimerais revenir sur deux ou trois commentaires qui ont été formulés ce matin. Les ZPM ont été présentées comme faisant partie de la trousse d’outils destinés à la conservation. Le concept des économies axées sur la conservation de Mary Simon a été salué par un grand nombre de personnes.
Les ZPM sont-elles un outil adéquat dans toutes les situations? Pourriez-vous expliquer aux membres du comité le processus selon lequel vous déterminez qu’une zone est mieux protégée quand elle a la désignation ZPM, par rapport à d’autres outils de gestion des stocks ou peu importe? Nous essayons de nous faire une idée de l’outil adéquat et du moment où il convient de l’utiliser.
M. Wilkinson : C’est une excellente question. Je pense qu’il s’agit d’un outil dans une trousse d’outils qui sert à gérer les répercussions des activités humaines sur l’environnement naturel.
Les ZPM, c’est-à-dire les zones où très peu d’activités sont permises, jouent un rôle à titre de zones de grande biodiversité. Nous mettons l’accent sur la protection ferme et durable de ce qui se trouve dans ces zones.
Il existe bien sûr d’autres zones, comme les refuges, où nous avons décrété des fermetures de pêche. Nous avons axé la protection sur des choses spécifiques et interdit certains types d’activités.
Nous avons également d’autres moyens d’assurer la protection du milieu marin et des espèces sauvages. Je pense à une grande partie du travail que nous réalisons sur la côte Ouest, dans le cadre du programme de rétablissement des épaulards résidents du Sud. L’un des problèmes les plus percutants concerne les règlements relatifs au transport, l’objectif étant de ralentir les navires et d’éloigner les couloirs de navigation des aires d’alimentation des baleines.
Il existe tout un ensemble d’outils différents. Ils doivent être utilisés en fonction de l’objectif précis que vous tentez d’atteindre dans une zone en particulier.
La sénatrice Bovey : Nous avons entendu dire que certains craignaient que les pêches par rotation, en particulier sur la côte Ouest, soient négativement touchées par le projet de loi C-55, en raison de la disposition selon laquelle, si une activité est menée au cours des 12 mois précédents, elle peut se poursuivre.
Étant donné que la récolte des concombres de mer a lieu tous les trois ans, selon les stocks, je me permets de demander si la période de 12 mois est définitivement fixée ou si la période de trois à six ans proposée par certains de nos témoins ne serait pas une mesure plus fiable pour évaluer les activités avant de désigner une zone de protection marine?
M. Wilkinson : Il y a différentes façons de faire. Le projet de loi prévoit que c’est l’année d’avant qui est prise en compte. Il crée une certaine souplesse pour ce qui est des activités qui ont effectivement été autorisées, même si elles n’ont pas eu lieu l’année d’avant. Cela serait vrai pour les concombres de mer, mais également pour les panopes.
En supposant que vous mettez à jour les conditions d’octroi des permis avant que l’arrêté ministériel soit émis, le projet de loi prévoit que ces activités seraient considérées comme des activités autorisées.
Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose à ce sujet.
M. Morel : C’est exactement pour cette raison que nous précisons, dans la loi, activités « autorisées », par opposition à activités en cours. Les activités qui sont autorisées, quand vous avez un permis de pêche valide et que les conditions ont été renouvelées, même si vous ne pêchez pas, demeurent autorisées et l’autorisation est considérée comme étant en cours de validité. Le gel de l’empreinte n’aura aucune incidence sur ce genre de conditions.
La sénatrice Bovey : Pourriez-vous nous en dire davantage sur la modification présentée par M. Tutu et M. McLeod et qui vise à renforcer les droits des peuples autochtones qui seraient peut-être touchés par le projet de loi C-55? Comment cela s’appliquera-t-il aux Autochtones, aux droits des Autochtones, aux traités et aux revendications territoriales dans tout le pays?
M. Wilkinson : Je pense que le projet de loi, en lui-même, vise essentiellement à nous assurer de tenir compte des préoccupations des peuples autochtones de tout le pays et que nous y répondons de manière appropriée.
Le projet de loi le fait de différentes manières. Il y a dans le projet de loi une disposition de non-dérogation qui vise à prévenir toute dérogation aux dispositions de l’article 35, qui prévoit certains droits. Une modification a été proposée; elle a pour but d’assurer que le travail réalisé ici est conforme aux accords sur les revendications territoriales. On a bien sûr mis l’accent sur les consultations. Un des volets clés du processus de consultation, c’est la consultation des peuples autochtones.
La sénatrice Poirier : Monsieur le ministre, comme vous le savez sans doute, je viens du Nouveau-Brunswick, du nord-est ou du centre-est plus précisément. Le printemps dernier, votre gouvernement a imposé aux pêcheurs de homard la fermeture d’une zone de pêche sans avoir tenu de véritables consultations sur les effets qu’aurait cette fermeture sur les collectivités et sur les intervenants. Ils ont tous été très déçus. Ils avaient concocté leurs propres solutions pour assurer un juste équilibre et voulaient agir en partenariat pour protéger l’habitat marin, mais ils se sont sentis ignorés.
J’espère que cette consultation sera différente de ce à quoi on s’attend concernant le projet de loi C-55. Espérons que le processus de consultation sera beaucoup plus ouvert que ceux qu’il y a eu l’année dernière, au Nouveau-Brunswick, pour les questions relatives à la pêche au homard.
M. Wilkinson : Tout d’abord, oui, le processus de consultation associée au projet de loi C-55 est censé être très solide. Je pense que les exemples de certains des travaux que nous avons réalisés dans un certain nombre de ces zones le prouvent assez clairement.
La question précise à laquelle vous faites référence est celle du règlement concernant la baleine noire de l’Atlantique Nord. Ce règlement a été adopté très rapidement au lendemain de la mort de 17 baleines noires, sur une population mondiale de 411. Il a également été adopté en réaction aux préoccupations formulées par les Américains, qui se demandaient si cela signifiait qu’ils devraient agir et imposer des restrictions sur les produits de la mer exportés du Canada vers les États-Unis, étant donné le non-respect de leurs règlements concernant les mammifères marins.
Cela a été fait très rapidement. Il n’y a pas de doute à ce sujet. Mais je sais qu’un certain nombre de groupes de pêcheurs ont exprimé des préoccupations.
J’ai organisé plusieurs tables rondes sur cette question au cours des derniers mois, y compris une qui s’est tenue à Halifax et qui réunissait probablement 50 organisations de pêche, y compris quelques-unes du Nouveau-Brunswick. Notre position a été très clairement exprimée : nous cherchions des solutions créatives qui assureraient la protection des baleines, mais nous voulions le faire de façon à répondre à certaines des préoccupations soulevées autour de la table.
Je me suis engagé à retourner discuter avec la communauté des pêcheurs une fois que nous aurions élaboré des mesures pour l’année qui vient, et je tiens à respecter cet engagement.
La sénatrice Poirier : Merci pour cette mise à jour. Pour en revenir au projet de loi C-55, quand il y a des répercussions sur la collectivité, il y a un effet domino. Cela nuit à tout le monde et à toute la collectivité.
Pourriez-vous m’expliquer quelles dispositions ont été intégrées au projet de loi C-55 relativement aux pertes économiques que pourraient subir les collectivités qui dépendent de la pêche commerciale et récréative?
M. Wilkinson : Une fois encore, le plus important, c’est de consulter, pour en arriver à ce que tout le monde soit d’accord pour dire que la protection de certaines zones en particulier est importante et devrait être assurée. Cela signifie certainement qu’il faut écouter les gens qui auraient des préoccupations de nature socioéconomique et voir ce qui peut être fait pour répondre à ces préoccupations concernant la pêche. Parfois, cela englobe différentes zones et les allocations dans ces différentes zones. C’est une partie importante du processus de consultation.
Au bout du compte, il y a parfois des coûts associés à la création de zones protégées, mais il y a également des avantages considérables. Ces avantages comprennent ceux qui sont associés à la reconstitution des stocks de poisson, dont les collectivités côtières pourront également bénéficier.
C’est censé être un processus où nous essayons vraiment de régler les problèmes afin d’en arriver à un consensus. Ce n’est pas toujours possible, mais il s’agit certainement du but à atteindre.
La sénatrice Poirier : Dans le rapport final du Comité de conseil national sur les normes concernant les aires marines protégées, on présente une recommandation en particulier que je tiens à souligner :
Que le gouvernement fasse preuve de transparence à l’égard des collectivités locales, des peuples autochtones et des intervenants dès le début et tout au long du processus de mise en place d’aires marines protégées et de leur gestion continue.
Avez-vous l’intention de vous conformer à cette recommandation? Avez-vous l’intention d’être plus transparents dans vos échanges avec les collectivités locales, les peuples autochtones et les intervenants pour vous assurer que nous les intégrons à 100 p. 100 dans le processus de consultation? Ce sont eux qui savent ce qui se passe dans l’eau, et c’est leur moyen de subsistance. J’aimerais simplement savoir si vous avez l’intention de tenir parole.
M. Wilkinson : À ce stade, j’aimerais dire que nous n’avons pas donné de réponse officielle aux recommandations formulées par le comité. Je pense qu’il serait facile de répondre à cette recommandation. Bien sûr, nous devrions toujours, indépendamment de nos appartenances partisanes, nous efforcer de garantir la transparence de nos échanges avec les Canadiens dans le cadre de notre travail.
Je pense que le ministère fait un assez bon travail en matière de consultation, mais nous pouvons toujours faire mieux. Tout en développant des zones de protection marine et des réseaux, nous nous assurons de rencontrer les collectivités et de donner aux gens une réelle possibilité de participation. Si les gens ici présents ont des idées sur les moyens d’y parvenir, je suis tout à fait disposé à les écouter.
Le sénateur Christmas : Ma question concerne les préoccupations formulées par deux de nos gouvernements territoriaux. Nous avons une lettre du premier ministre Joe Savikataaq, datée du 27 novembre 2018, adressée à notre président. Il demande à notre comité d’envisager une modification qui prévoit le consentement écrit des gouvernements territoriaux avant la désignation d’une ZPM.
J’ai également remarqué que, quand la Chambre des communes menait son étude sur ce projet de loi, Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, avait également fait une demande similaire pour que le projet de loi C-55 soit plus ou moins modifié de façon que son gouvernement territorial ait son mot à dire dans la désignation des ZPM.
Quelle est la position ou l’approche de votre gouvernement en ce qui concerne ces gouvernements territoriaux et leurs préoccupations quant au fait qu’ils ne participent pas directement aux décisions relatives à la désignation des ZPM?
M. Wilkinson : Je crois que tous les gouvernements, aux échelons provincial et territorial, doivent pouvoir intervenir dans le contexte de ces discussions.
Je pense qu’il est très important que le gouvernement de la Colombie-Britannique puisse intervenir au sujet des zones de protection marine au large des côtes de cette province. Il en est de même pour le Nord; je crois qu’il est primordial que les gouvernements du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest et, dans certains cas peut-être, celui du Yukon, puissent participer aux discussions.
À mon avis, il est important que d’autres organisations comme la QIA, l’APN et le Ralliement national des Métis aient la possibilité de participer, de même que les citoyens ordinaires des collectivités canadiennes.
Nous nous engageons ici à tenir de solides consultations où participeront les premiers ministres des territoires, mais, en définitive, nous avons en fait établi un objectif international. Le Canada est responsable, à l’endroit de ses partenaires internationaux, d’atteindre cet objectif. Bien sûr, nous devons tenir des consultations et nous voudrions idéalement en arriver à un accord convenant à toutes les parties, mais c’est le gouvernement du Canada, ultimement, qui doit s’assurer de respecter ses obligations à l’échelle internationale.
Le sénateur McInnis : Nous sommes toujours envieux, sur la côte Est, quand le ministre des Pêches vient de la côte Ouest.
M. Wilkinson : Cela ne s’était pas produit depuis 16 ans.
Le sénateur McInnis : Je sais. Nous exerçons beaucoup de pression. Quoi qu’il en soit, c’est un plaisir de vous rencontrer.
Écoutez, les trois principes fondamentaux qui orientent l’approche du Canada en ce qui concerne les objectifs de conservation marine sont fondés sur la science. Votre gouvernement a affirmé précédemment que des décisions seraient prises en matière de science, de transparence et d’avancement de la réconciliation avec les peuples autochtones. Je crois que les décisions axées sur la science pourraient poser problème si, quand il est question des domaines d’intérêt et du processus de cinq ans, le « ministre ne [peut] utiliser l’absence de certitude scientifique concernant les risques que peut présenter l’exercice d’activités comme prétexte pour remettre à plus tard » la désignation d’une zone.
Les gens sont occupés. Ils avaient de la difficulté à faire désigner des ZPM dans des délais de sept, huit, neuf ou dix ans. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes ici. Je crains que l’on ne tienne pas compte des données scientifiques. Pouvez-vous faire un commentaire à cet égard?
M. Wilkinson : C’est une question tout à fait raisonnable; ce n’est certainement pas notre intention. L’objectif, ici, est de s’assurer de tenir compte du principe de précaution lorsque nous envisageons la création des zones de protection marine.
Nous le faisons dans les zones où la biodiversité est très importante et où des choses écologiques de grande valeur exigent des mesures particulières. Bien que la science nous informe sur cette réalité, sur certains des éléments qui doivent être protégés et sur la manière de les protéger, nous ne disposons peut-être pas de toutes les données scientifiques.
Cela ne devrait pas nous empêcher de prendre des mesures. Une fois que la décision de protéger une zone a été prise par décret ministériel, cela veut certainement dire que, au cours des cinq années suivantes, avant que l’on ne décide d’accorder le statut de zone permanente, il faut recueillir les données scientifiques que l’on ne croit pas avoir encore obtenues pour les intégrer dans la prise d’une décision finale, absolument.
Le sénateur McInnis : C’est une bonne chose. Vous avez peut-être entendu parler de la proposition de la désignation d’une ZPM dans la baie des Îles au large de la côte Est de la Nouvelle-Écosse. En tant que sénateur local de la Nouvelle-Écosse, je reçois de nombreuses invitations à ces assemblées publiques locales. Vous savez que certaines de ces assemblées peuvent être assez difficiles.
D’après ce que j’entends, on semble croire que trop d’initiatives de conservation sont lancées et que le mandat de Pêches et Océans Canada ne concerne plus tant la gestion que la protection marine. Est-ce bien cela? C’est ce qu’on me dit. Ce n’est pas quelque chose que j’aime mentionner, mais on en a parlé deux ou trois fois ici aujourd’hui. Il semble y avoir un manque de confiance.
Pouvez-vous nous faire un commentaire à ce sujet, s’il vous plaît?
M. Wilkinson : Je crois qu’il y aurait deux ou trois choses à dire. Je sais qu’on a exprimé certaines préoccupations à ce sujet, dont certaines concernaient précisément certains aspects de la pêche. De toute évidence, nous devons nous assurer de comprendre ces préoccupations et, pendant que nous élaborons des plans pour la désignation d’une zone de protection marine ou d’un refuge marin, essayer d’y répondre.
Mon avis, en tant que ministre, c’est que nous avons d’autres domaines d’intérêt particulier, mis à part les deux principaux. L’un d’eux est certainement la gestion des pêches. Cela veut dire que nous devons en assurer la gestion durable non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour les prochaines générations de pêcheurs, de façon que l’industrie continue à être robuste et prospère pour les collectivités locales.
C’est extrêmement important, et une grande partie de nos ressources sont en fait consacrées à la gestion des pêches.
Je crois également que Pêches et Océans Canada, de la même manière qu’Environnement Canada, a une responsabilité à l’égard de toute la question de la protection et de la conservation, qui sont évidemment liées. Ce que je veux dire, c’est que ce ne sont pas des concepts totalement distincts.
Bon nombre d’entre vous auront constaté, il y a de ça deux ou trois mois, que le Fonds mondial pour la nature a publié un rapport selon lequel la planète a perdu, au cours des trois dernières décennies, 60 p. 100 de sa biodiversité. C’est un véritable choc; il s’agit ici de la biodiversité terrestre et marine. Cette situation n’est pas viable à long terme. Donc, si nous souhaitons que nos océans soient en santé, qu’ils produisent suffisamment de poissons pour les communautés de pêcheurs et que nos terres restent saines, nous devons tenir compte des deux biodiversités.
Le sénateur McInnis : J’ai une question pour M. Morel. Ce matin, on a mentionné quelque chose en parlant des accords extracôtiers, et je n’étais pas certain de savoir de quoi il s’agissait. En vertu de ces accords, tous les forages sismiques pour le gaz et le pétrole sont exemptés.
J’aimerais, entre autres choses, connaître les mesures à prendre. Que faudrait-il modifier pour changer cela et désigner une ZPM? Ce qui est particulièrement préoccupant, ce sont les dommages que peuvent causer les essais sismiques et ce genre d’activités.
Pouvez-vous consigner la réponse au compte rendu pour que nous comprenions tous exactement à quoi servent respectivement les accords extracôtiers et les ententes de gestion?
M. Morel : Je n’expliquerai pas en détail le rôle de l’Office des hydrocarbures extracôtiers, mais les accords comportent certaines clauses de suprématie qui passent outre à toute autre loi. Si l’Office des hydrocarbures extracôtiers décide d’autoriser certaines activités et de délivrer des permis dans une zone où cela entre en contradiction avec des mesures de protection, comme la fermeture de zones de pêche ou la présence d’une ZPM, l’accord a préséance. Cette décision a préséance sur l’autre.
En tant que sous-ministre adjoint responsable de la protection des océans, je préférerais certainement que les activités pétrolières et gazières soient écartées. C’est pourquoi, quand nous créons des ZPM, que nous décrétons une fermeture des pêches ou que nous désignons un refuge marin, nous tenons compte de tous les intérêts économiques en jeu pour nous assurer qu’ils sont compatibles. Pendant le processus décisionnel, nous tenons compte des intérêts exprimés par l’Office des hydrocarbures extracôtiers, par Nalcor et par d’autres secteurs, comme le secteur de la pêche, afin de recalculer autant que possible la durabilité des ressources océaniques et des activités industrielles.
Le sénateur Munson : Je poserai une question simple, mais la crainte est un mot lourd de sens, et les gens craignent de perdre leur moyen de subsistance. On ne peut travailler en vase clos lorsque le gouvernement intervient. En plus du projet de loi C-55, il y a les projets de loi C-68 et C-69. Parfois, lorsque le gouvernement intervient dans la vie des gens, en croyant agir dans leur intérêt, cela peut aboutir à une perte d’emplois. Les pêcheurs ont l’impression qu’ils pourraient perdre leur emploi.
Pouvez-vous nous assurer que vous avez établi, avec vos représentants, un équilibre permettant de protéger les zones marines et les emplois?
Une personne qui nous écouterait parler de tous ces acronymes tenterait de connaître leur signification. Au bout du compte, il s’agit de pouvoir payer l’épicerie. Pouvez-vous nous assurer, en tant que gouvernement, que vous avez trouvé cet équilibre?
M. Wilkinson : Peut-être que la meilleure façon de décrire la situation serait de dire que nous essayons toujours de trouver cet équilibre, peu importe les ZPM. Nous cherchons constamment à établir une gestion équilibrée des pêches.
Je sais que Keith Sullivan est venu témoigner ici plus tôt aujourd’hui. Je discute constamment de ces questions avec lui. En fin de compte, pour certaines populations de poissons, nous devons prendre des décisions qui peuvent parfois rendre difficile la vie des collectivités locales, car pour garantir la santé à long terme du secteur de la pêche, il faut s’assurer de ne pas pêcher plus que ce secteur ne peut fournir de façon durable.
Pour ce qui est des zones de protection marine et de l’avenir, nous sommes attentifs aux préoccupations des pêcheurs et des autres acteurs économiques, car nous voulons être certains de tenir compte de leurs préoccupations à mesure que nous progressons. Le meilleur moyen d’y arriver est de réellement prêter l’oreille à ces préoccupations et d’essayer de s’en servir.
Cette question ne touche pas uniquement les ZPM. C’est une question plus large qui concerne les activités humaines et l’environnement naturel de façon générale. Durant les deux premières années où j’ai occupé le poste de secrétaire parlementaire de la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, j’ai travaillé partout au pays sur le dossier du caribou boréal et du caribou des montagnes du Sud. J’y ai consacré tout mon temps. La question en jeu est la même : comment trouver le moyen de rétablir le caribou tout en tenant compte des intérêts de l’économie locale? C’est un sujet qu’il faut aborder, étant donné la façon dont nous avons géré la durabilité écologique de cette planète; il faudra en discuter de manière réfléchie pour régler la question au cours des prochaines décennies.
Le sénateur Munson : Certains s’inquiètent et disent que vous ayez trop de pouvoir, que le ministre a un pouvoir arbitraire et qu’il peut faire ceci et cela. Dans vos propres mots, comment décririez-vous votre pouvoir et la manière dont vous l’utilisez?
M. Wilkinson : Tout d’abord, nous vivons dans un pays démocratique. Je suis un représentant élu de façon démocratique, donc, en fin de compte, le critère, c’est que la population peut décider, tous les quatre ans, si le gouvernement et moi-même faisons du bon travail. Je crois que cela est préférable, à bien des égards, que de simplement nommer quelqu’un au pouvoir. Je le dis avec tout le respect que je vous dois. Pour ce qui est de la prise de décisions, une bonne partie du travail que je fais suppose une grande responsabilité envers les intervenants.
Je suis tenu, de façon continue, de me présenter devant tous les intervenants pour répondre à leurs questions, comme je l’ai fait auprès des 50 organisations de pêche à Halifax, il y a quelques mois. Je dois pouvoir justifier à leurs yeux les décisions qui ont été prises. Ce n’est pas tout le monde qui sera d’accord avec ces décisions, mais ultimement, je suis tenu de faire cela.
Ce n’est pas une question partisane. Tout gouvernement doit pouvoir justifier les mesures qu’il prend. Vous pourriez sans doute discuter de cette question avec de nombreux ministres qui évoluent dans le système parlementaire canadien. Ces contraintes s’imposent dans une société démocratique.
Le président : En tant que président du comité dûment élu, je vous remercie de nous avoir consacré de votre temps cet après-midi.
M. Wilkinson : Merci beaucoup.
Le président : Les représentants du ministère sont à notre disposition maintenant si vous souhaitez poursuivre avec des questions.
Le sénateur Gold : En fait, ma première question vise à obtenir un éclaircissement. J’ai peut-être mal compris ce matin, mais je crois que l’un des témoins a déclaré qu’il était possible de prolonger de cinq ans la période de protection provisoire de cinq ans des ZPM. Est-ce bien exact?
M. Morel : La loi prévoit que, après cinq ans de protection provisoire, le ministre doit décider de désigner une ZPM ou d’établir un règlement pour mettre fin à la protection provisoire. Cette dernière ne cesse pas automatiquement et ne disparaît pas progressivement; il doit donc intervenir.
Ce qui n’est pas établi par la loi, mais reste possible, c’est exactement ce que vous avez décrit. Le projet de loi ne dit pas que le ministre peut désigner une ZPM, abolir la protection provisoire ou la prolonger. Le projet de loi ne dit pas cela. Un ministre peut toujours, de façon immédiate, après un an ou après cinq ans, créer une autre protection provisoire dans une zone semblable ou dans une partie de la zone. Il pourrait s’agir d’une dérogation si cela est fondé sur des consultations qu’il a tenues dans les cinq dernières années.
Après une consultation, un ministre peut en créer une qui soit la même, différente, plus petite ou plus grande. Les protections provisoires se fondent toujours sur un processus de consultation.
[Français]
Le sénateur Gold : Juste une précision. Ce n’est pas une question de renouvellement, et il faut prendre une décision d’une manière ou d’une autre. S’il décide que la science n’est pas au rendez-vous pour que tout cela soit permanent, peut-il recommencer le processus?
M. Morel : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Je veux m’assurer, pour le compte rendu, que nous comprenons les étapes à suivre si le ministre n’est pas en mesure d’en faire une ZPM permanente, mais que la zone soulève tout de même certaines inquiétudes.
M. Morel : Il devra passer par le processus de renouvellement de demande en faisant paraître un arrêté ministériel dans la Gazette du Canada afin de protéger la zone.
Je vais vous donner un bon exemple. Lorsque nous désignons une zone protégée dans le Nord, c’est très souvent à la demande d’une collectivité autochtone, d’un conseil de gestion de l’environnement ou d’un conseil de gestion de la faune. Ce processus est long et peut mener à un arrêté provisoire après 18 mois ou plus. Il y a par la suite un processus de cinq ans.
La consultation dans le Nord consiste à consulter toutes les collectivités qui pourraient être touchées et de recueillir le savoir et la science autochtones que nous avons. Cela peut prendre plus que cinq ans. Je peux imaginer la possibilité qu’un ministre dise, après un processus de cinq ans : « J’aimerais désigner une ZPM, mais je ne suis pas prêt ». Il pourrait trouver que la consultation appropriée ou le savoir autochtone n’ont pas été pleinement pris en considération ou que la recherche scientifique sur le Nord ou sur l’Ouest n’a pas été expliquée en détail à une collectivité autochtone. Si la collectivité est au courant, le ministre peut désigner une ZPM. Il doit décider qu’il n’est pas prêt à désigner une ZPM. Il doit l’abolir et déclarer qu’il souhaite entamer le processus de protection provisoire. Il peut décider après la consultation ou après qu’on lui a demandé de mettre en place une autre protection provisoire. Celle-ci pourrait être de la même taille ou d’une taille différente, en fonction de l’expérience des six ou sept dernières années. Il pourrait s’agir d’un exemple.
Le sénateur Gold : Le Comité de conseil national sur les normes concernant les zones de protection marine recommande entre autres le recours à des normes minimales de protection pour toutes les ZPM désignées en vertu de la Loi sur les océans.
Pourriez-vous nous dire pourquoi le gouvernement, du moins dans le projet de loi C-55, n’a pas prévu de normes minimales? Pourquoi ne pas avoir suivi cette recommandation?
M. Morel : C’est probablement plus statique s’il y a des normes minimales dans la Loi sur les océans. Je préférerais que ce soit par décision ministérielle. Peut-être devrais-je demander à Jeff MacDonald, qui a participé plus activement à la rédaction des dispositions législatives avant que je ne sois en poste, d’expliquer cela. Tout d’abord, c’est une question de flexibilité. Cela dépend également d’où nous en étions lorsque le projet de loi a été déposé et d’où nous nous situons actuellement concernant l’analyse effectuée par le comité.
Jeff MacDonald, directeur général, Gestion des océans, Pêches et Océans Canada : Ce projet de loi a pour but d’être très précis en ce qui concerne les modifications apportées à la Loi sur les océans. Il visait, comme l’a dit le ministre, à aider le gouvernement à atteindre les objectifs en matière de biodiversité.
L’inclusion de normes minimales n’était pas prévue dans la Loi sur les océans, parce que cette dernière confère déjà le pouvoir de mettre en place ce type de normes. Il s’agit d’un pouvoir de réglementation.
L’idée serait que, puisque ce projet de loi a une portée limitée et qu’il ne sert qu’à permettre la protection provisoire, la mise en place de normes minimales n’a été abordée lors du débat sur les politiques qu’après que le projet de loi a été rédigé puis déposé au Parlement.
À cet égard, cela portait surtout sur les observations faites sur la zone de protection marine du chenal Laurentien au large de Terre-Neuve-et-Labrador. C’est ce qui a entraîné un débat public. Certains intervenants souhaitaient vivement qu’il y ait pour les zones de protection marine des normes qui puissent les distinguer des refuges marins et des autres mesures. Le ministre de l’époque a mis sur pied le comité, lequel a formulé les recommandations. Comme l’a dit le ministre, le gouvernement étudie ces recommandations.
Pour répondre à votre question, cela dépendait de l’ordre des choses, à savoir le moment où le projet de loi a été rédigé par rapport au moment où le comité a été créé.
Le sénateur Gold : Je m’attends à recevoir quelques témoignages de la part des témoins qui comparaîtront après vous. J’imagine que votre réponse sera semblable.
Il a été recommandé par certaines personnes, et certainement par la Chambre des communes, que le Canada adopte des normes de protection reconnues à l’échelle internationale afin d’interdire entièrement certains types d’activités industrielles comme l’exploration et l’exploitation pétrolières et gazières, l’extraction minière, le déversement et d’autres.
D’après ce que je comprends, le projet de loi donne l’autorisation au gouverneur en conseil d’interdire de telles activités dans le cas d’une ZPM, mais cela n’est pas obligatoire. Êtes-vous en mesure de fournir une réponse à ceux qui soutiennent que cela aurait dû être prévu par la loi?
M. MacDonald : Les dispositions en matière de prise de règlements figurent déjà dans la Loi sur les océans. Elles sont appliquées suivant l’une des raisons pour lesquelles une ZPM peut être créée.
Il y a au paragraphe 35(1) de la Loi sur les océans une série de raisons pour lesquelles une zone de protection marine peut être désignée. Il n’est possible de limiter certains types d’activités qu’en se fondant sur ces raisons.
Cinq raisons figurent actuellement dans la Loi sur les océans. Elles sont principalement liées à la protection des espèces, à la protection des habitats ou à la protection de la biodiversité en général. Certains des amendements qui ont été apportés par le comité de la Chambre ajoutent des raisons supplémentaires. Ces raisons entraîneraient la prise de dispositions réglementaires afin que l’on puisse, par le truchement de politiques ou de règlements, permettre certaines des restrictions dont vous parliez.
Un lien a été fait avec le projet de loi, mais les dispositions habilitantes ne figurent pas nécessairement dans la Loi sur les océans telle qu’elle est actuellement libellée.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie de tout le travail que vous avez accompli jusqu’ici. J’ai deux questions pour vous. J’espère que les réponses pourront nous éclairer. Mes questions concernent le processus, puisqu’il est évident que ce projet de loi porte là-dessus.
Il y a un processus pour désigner une ZPM, ainsi que pour désigner une zone de refuges marins. Nous avons appris plus tôt que certaines des zones de refuges marins sont prises en compte dans la cible de 10 p. 100. Il doit également y avoir un processus pour déterminer une zone d’intérêt.
Pourriez-vous nous expliquer, pour le compte rendu, les étapes de chacun de ces processus afin que l’on puisse les différencier clairement?
M. Morel : Je vais tenter de vous fournir une explication claire, et Jeff MacDonald pourra me contredire par la suite.
Environ 50 p. 100 de l’océan est désigné comme zone d’importance écologique et biologique ou ZIEB. Cela signifie qu’il y a un intérêt quelconque. Ce n’est pas nécessairement que ces zones doivent être protégées, mais elles sont importantes pour l’équilibre de l’écosystème marin.
À la lumière de la base de données et des données scientifiques que nous avons recueillies sur les ZIEB, nous établissons quelles zones devraient faire l’objet d’une protection supplémentaire. Vous avez demandé plus tôt au ministre quels étaient les meilleurs outils à utiliser si nous voulons mettre en place une protection. Si nous voulons protéger un refuge marin pour les oiseaux de mer, nous allons probablement utiliser l’outil prévu pour la réserve d’espèces sauvages, qui relève d’Environnement Canada, afin de protéger une zone pour les oiseaux migrateurs ou les oiseaux de mer, ou pour mettre en place un sanctuaire d’oiseaux. S’il s’agit de protéger les coraux et les éponges, nous utiliserons d’autres outils comme la Loi sur les océans.
Lorsque nous avons suffisamment de données scientifiques pour prouver qu’une ZIEB doit être protégée, nous déclarons qu’il peut s’agir d’une zone d’intérêt. C’est là que nous entreprenons le processus pour déterminer qu’une zone particulière peut devenir une zone de protection marine.
Ensuite, nous continuons à tenir des consultations. Vous nous avez entendus dire qu’il faut entre sept et dix ans pour créer une ZPM en raison des consultations avec les intervenants, les provinces et les peuples autochtones. Il s’ensuit le processus de rédaction de règlements et de réalisation d’analyses socioéconomiques. Les résultats de ces analyses figurent dans la réglementation publiée à la fin du processus.
Les refuges marins sont désignés en vertu de la Loi sur les pêches, il ne s’agit donc pas du même processus. C’est un outil qui est délégué au directeur général régional par le ministre. Des pêcheries sont fermées chaque jour afin de protéger certaines pêches et d’en fermer ou d’en ouvrir d’autres. Les refuges marins sont destinés à être durables. Des 1 000 pêcheries qui ont été fermées dans nos trois océans, seulement 51 d’entre elles correspondaient aux critères que nous avons établis en 2017 et en 2018 en nous fondant sur des données scientifiques et ont été désignées comme des refuges marins. Ce sont ces derniers qui sont pris en compte pour l’objectif de conservation marine.
L’autre outil qu’il nous est possible d’utiliser est l’aire marine nationale de conservation. Cela relève de Parcs Canada. Il s’agit d’un parc marin ou d’une zone sans prélèvement.
Les normes minimales pour les zones de protection marine sont établies en fonction des objectifs de conservation. Si l’objectif est de protéger les fonds marins ou les coraux et les éponges, nous allons interdire les activités qui vont aller à l’encontre de cet objectif. Cependant, nous pourrions autoriser certaines activités de pêche ou de transport de marchandises dans la zone si ces activités ne vont pas à l’encontre de l’objectif. S’il s’agit de protéger les oiseaux de mer, le transport ou la pêche pendant une certaine période pourrait aller à l’encontre des objectifs de conservation. Ces activités seront alors interdites pour une période de temps ou pour l’année entière.
J’ai tenté de résumer ce qu’un sous-ministre adjoint apprend en trois ans.
La sénatrice Bovey : Si je peux me permettre, le ministre a exprimé très clairement, il y a quelques minutes, qu’après qu’une ZPM a été désignée, il y a suffisamment de temps pour que l’on puisse continuer à recueillir des données scientifiques au cours de la période de temps.
On nous a dit, cependant, qu’une ZPM ne devrait pas être désignée avant que les processus scientifiques et consultatifs ne soient terminés. Il s’agit là d’un des arguments que nous avons entendus. On nous a également avancé l’argument qu’il faut protéger la zone pendant que l’on procède à d’autres recherches.
Pourriez-vous nous parler de cette dichotomie, s’il vous plaît?
M. Morel : Il y a une différence entre la protection provisoire et les ZPM. Lorsque nous créons une ZPM, nous connaissons bien les données scientifiques et ce qui doit être protégé, les objectifs de conservation ont été convenus et les mesures prévues dans la réglementation appuient les objectifs de conservation.
Le but n’est pas d’obtenir une protection provisoire pour les ZPM pour tous les processus. Il s’agit simplement d’établir une protection lorsque l’activité humaine pourrait menacer ce qui doit être conservé. C’est ce à quoi sert la protection provisoire.
Il pourrait y avoir et il y aura des processus où il n’y aura pas de protection provisoire parce qu’il n’y aura pas de menace. Il n’y a pas de raison valide pour que nous recommandions au ministre de conclure que la protection provisoire est nécessaire s’il n’y a pas de changement dans l’environnement. Nous serions alors plus enclins à poursuivre les recherches, comme nous l’avons fait.
Ces processus pourraient prendre entre sept et dix ans. Il y a d’importantes activités de transport. D’importantes explorations pétrolières et gazières ou du chalutage de fond pourraient avoir lieu dans une zone où nous tentons de protéger un habitat essentiel. Il est tout simplement illogique de permettre ces activités pendant sept à dix ans.
Cette protection provisoire est là pour protéger une zone. Vous avez probablement entendu des personnes à ECCC parler d’espèces comme la rainette faux-grillon de l’Ouest. Il s’agit d’une protection d’urgence qui autorise la protection de ce que vous souhaitez afin que ce ne soit pas détruit ou altéré avant que vous n’ayez achevé le processus de protection.
Le processus de protection est long parce qu’il est ouvert et transparent, et nous consultons beaucoup de gens. C’est pour cela qu’il existe, et c’est une autre différence dans la loi.
La sénatrice Bovey : Je pense qu’il s’agit là de distinctions importantes que tous ceux qui regardent ce comité aujourd’hui doivent comprendre.
La sénatrice Poirier : J’ai posé une question ce matin aux représentants de Ressources naturelles Canada. Ils n’ont pas pu répondre et ils m’ont recommandé de poser la même question au MPO, alors me voilà.
L’alinéa 35.1(2)d) du projet de loi C-55 décrit comment le ministre peut exempter de l’application d’une interdiction :
[...] un étranger, une entité qui est constituée en personne morale ou formée sous le régime de la législation d’un pays étranger, un navire étranger ou un État étranger [...]
Pourriez-vous expliquer quelle est la raison d’être de ce nouvel article et quels recours seraient disponibles si un dommage était causé à une ZPM par une partie exemptée?
M. MacDonald : La question porte sur l’interprétation du droit de la mer en ce qui concerne la zone économique exclusive du Canada. Il s’agit de la zone située entre 12 et 200 milles au large des côtes. Le droit de la mer prévoit le droit de passage inoffensif de navires, de sorte que les navires étrangers peuvent traverser notre zone économique exclusive en vertu de leurs droits internationaux sous le régime du droit de la mer.
Cette disposition précise que, dans une zone de protection marine, cette activité peut être restreinte par le gouverneur en conseil de la ZPM, mais le ministre a le pouvoir de l’exempter si elle n’a pas d’incidence sur les objectifs de conservation.
Le but de l’amendement est de faire en sorte que ce soit le Canada qui décide quels navires peuvent être autorisés ou non à entrer dans une zone de protection marine et qu’il ne s’agisse pas d’une infraction au droit international.
La sénatrice Poirier : Quel serait le recours possible si la partie exemptée causait des dommages à une ZPM?
M. MacDonald : Les dommages dépendent des mises à jour des dispositions de la Loi sur les océans concernant l’application de la loi et les amendes. Une grande partie du projet de loi vise vraiment à ce que les amendes et autres dispositions de la Loi sur les océans s’harmonisent avec celles actuellement en vigueur dans d’autres lois environnementales. Cela va dans le même sens que la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales de 2004, qui exigeait que toutes les lois environnementales prévoient des amendes, des dispositions et des pénalités similaires. Certes, si une telle infraction était constatée, les amendes, les dispositions et les pénalités s’appliqueraient aux navires étrangers de la même façon qu’aux navires canadiens.
La sénatrice Poirier : En outre, en vertu du projet de loi C-55, certaines activités en cours pourront se poursuivre dans le cadre de la protection provisoire des ZPM. Toutefois, certaines activités en cours régies par la législation fédérale sur les pêches pourraient tout de même être restreintes.
Quelles activités de pêche en cours pourraient être restreintes dans le cadre de la protection provisoire des ZPM et pourquoi?
M. MacDonald : Le ministre des Pêches et des Océans a des pouvoirs en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les océans. Aux fins de la protection provisoire des ZPM, l’idée est que, en gelant l’empreinte, on limite l’accroissement de toute activité, qu’elle relève du ministre des Pêches et des Océans ou d’un autre ministre.
En ce qui concerne la pêche, parce qu’elle relève de sa compétence, le ministre conserve le droit, en vertu de la Loi sur les pêches, de restreindre les activités de pêche si cela est jugé nécessaire pendant la période provisoire.
La sénatrice Poirier : Avez-vous fait des consultations à ce sujet? Dans l’affirmative, quels étaient les commentaires des intervenants à l’égard de ces activités?
M. MacDonald : Nous avons tenu de nombreuses séances de consultation sur le projet de loi avant et après son dépôt au Parlement. Les intervenants de l’industrie de la pêche sont certainement bien conscients des pouvoirs que la Loi sur les pêches confère au ministre.
Ils se rendent compte qu’il y a convergence en ce qui concerne l’établissement d’une zone protégée en vertu de la Loi sur les océans et son pouvoir de réglementer les activités de pêche qui s’y déroulent.
La sénatrice Poirier : L’article 13 du projet de loi C-55 énonce les amendes et les sanctions auxquelles les personnes physiques et morales peuvent s’exposer lorsqu’elles ne se conforment pas à un ordre de détention ou à un ordre d’exécution ou lorsqu’elles contreviennent aux interdictions établies pour les ZPM. Il semble très sévère d’imposer des amendes maximales de 2 millions de dollars aux personnes physiques, de 8 millions de dollars aux personnes morales à revenus modestes ou de 12 millions de dollars aux autres personnes morales.
De quelle façon ces amendes sont-elles comparables aux autres amendes prévues dans la législation fédérale? Sur quelles données probantes ou analyses se fonde-t-on pour choisir ces chiffres?
M. MacDonald : Il s’agit des mêmes dispositions sur les amendes que celles de la Loi sur les pêches, parce que celle-ci a été mise à jour par le truchement de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales, en 2012. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la LCPE, a également été mise à jour.
La Loi sur les océans n’a pas encore été mise à jour depuis son adoption en 1997. Lorsque la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales a été adoptée par le Parlement, elle énonçait les amendes et les dispositions que le sénateur décrivait. Elle exige que les autres lois environnementales soient mises à jour lorsque l’occasion se présente devant le Parlement.
Dans ce cas-ci, nous corrigeons une situation où il est actuellement moins coûteux de polluer à l’intérieur d’une zone de protection marine qu’à l’extérieur de celle-ci parce que la Loi sur les pêches et la LCPE ont été mises à jour, mais la Loi sur les océans ne l’a toujours pas été. C’est essentiellement l’objet de ces dispositions du projet de loi.
La sénatrice Poirier : Merci de préciser ce point.
Le sénateur Christmas : Monsieur Morel, je crois savoir que, lorsque le Comité de conseil national sur les normes concernant les aires marines protégées s’est réuni, on a beaucoup parlé des aires protégées autochtones ou APA.
Le projet de loi C-55 permet-il la création d’APA ou d’APA provisoires?
M. Morel : Il ne le permet pas expressément, mais il ne l’interdit pas. Il est possible, en vertu de la loi actuelle, d’avoir des aires protégées autochtones, mais ce n’est pas expressément prévu dans la loi. Cela signifie que toute organisation autochtone peut déclarer qu’il s’agit d’une aire protégée. Nous pouvons considérer qu’il s’agit d’une autre mesure efficace qui n’est pas prévue dans la Loi sur les océans ou qu’il pourrait s’agir d’une mesure législative sur l’APA en vertu de la Loi sur les océans, qui permettrait de créer une ZPM avec l’APA.
Il n’y a pas d’article spécifique à ce sujet dans la loi à l’heure actuelle, bien que l’objet de la Loi sur les océans soit également de préserver l’intégrité écologique. Je pense que les APA sont créées dans ce but.
Le sénateur Christmas : Les APA contribueraient-elles à la réalisation de l’objectif mondial?
M. Morel : Oui, si elles répondent aux critères approuvés à l’échelle internationale. Si une aire est déclarée par une organisation régionale ou un gouvernement territorial comme étant protégée en vertu des connaissances autochtones et si les critères des normes internationales approuvés en décembre par l’UICN sont respectés, nous la compterons dans la cible comme nous le faisons pour les aires provinciales protégées.
La contribution provinciale à la cible est assez faible, mais nous avons reconnu le rôle et la compétence des autres gouvernements pour ce qui est de créer des mesures de protection dans le milieu marin, et elles contribuent actuellement à atteindre la cible.
Le sénateur McInnis : En 2017, les exportations relatives aux pêches en Nouvelle-Écosse s’élevaient à 2 milliards de dollars. C’est une grande industrie en Nouvelle-Écosse, et elle prend de l’expansion parce qu’elle découvre les marchés en Chine et ailleurs. C’est une grosse industrie.
J’ai assisté à un certain nombre de réunions publiques sur la ZPM proposée de la côte Est. Un soir, à 23 h 30, en rentrant chez moi, j’ai eu la bonne idée d’écrire quelques lignes. C’était ma réflexion. Si je peux l’exprimer, permettez-moi de lire ce que j’ai écrit.
Dans la mise en œuvre de toute politique publique, les personnes et le processus sont d’une importance cruciale. Je constate que le MPO et, surtout, le groupe d’intérêt local autoproclamé n’ont pas du tout tenu compte de ces deux éléments. Il s’agissait du comité. Je ne sais pas comment les membres ont été nommés, mais beaucoup d’entre eux étaient bien intentionnés. Vous devez créer un système de gouvernance partagée et de prise de décisions futures si vous voulez créer les conditions propices au rétablissement de la confiance. Cela permettra de s’assurer que la gestion n’est pas soumise à des caprices politiques, mais qu’elle est fondée sur des buts et des objectifs communs à long terme. Les zones où la capture est interdite seraient un excellent exemple.
C’est ce que j’ai retenu de ce que j’ai entendu, et j’essaie de rester objectif dans ces débats. À mon avis, personne n’en sait plus que les pêcheurs, les gens qui sont sur le terrain. Ce qu’ils ont trouvé autour de la baie des Îles, c’est de l’eau propre, pure et belle qui est utilisée de tout temps depuis que la pêche a commencé. Ils savent comment gérer les eaux là-bas.
Je sais que vous le savez et que ce n’est pas nouveau. Si vous voulez disposer d’un mécanisme efficace permettant de gérer cela correctement, vous devez partir de la base. Il faut les inclure dès le début. On ne vient pas annoncer une zone d’intérêt, puis mettre sur pied un comité sans qu’il y ait de consultation sérieuse. Une fois que c’est mis en place, vous devez avoir un système de gouvernance qui inclut les pêcheurs. Sinon, c’est voué à l’échec. Nous devons travailler sur ce système.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Je ne pense pas que c’est révolutionnaire. C’est simplement mon impression sur la façon dont nous devrions procéder.
M. Morel : Je suis d’accord avec vous, sénateur. Le comité a recommandé davantage de transparence, et le ministre y a également fait allusion. Il y a plusieurs choses à prendre en considération.
Tout d’abord, la science est importante pour jeter les bases d’une conversation. Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons de solides connaissances scientifiques sur les ZIEB, mais nous avons également appris que les pêcheurs, les collectivités et les peuples autochtones ont des connaissances sur l’environnement dans notre pays. Ils ne connaissent pas tout. Ils peuvent contribuer de manière importante en ce qui concerne les déplacements des poissons, mais, lorsqu’il faut expliquer les changements de température de l’eau et le comportement des poissons et ainsi de suite, cela nécessite tout de même beaucoup de connaissances scientifiques.
La consultation dès le début du processus est essentielle à l’acceptation de la création d’une zone protégée, d’une ZPM ou de la fermeture d’une pêche. C’est tout à fait essentiel. Parfois, il faut faire des pressions en ce sens. Nous l’avons dit très ouvertement à plusieurs reprises, et je pense que le ministre l’a dit dans sa première réponse plus tôt. En 2016, nous étions à moins de 1 p. 100. Pour atteindre l’objectif de 10 p. 100 d’ici 2020, nous avons dû accélérer le processus tout en le respectant. Nous avons collaboré très activement avec les intervenants et les provinces.
Il y a de très bons exemples de cas où notre conception des zones potentielles de refuges marins était erronée. Les pêcheurs nous ont permis de dire : « Non, ce n’est pas là que sont les crabes. Nous devrions protéger cet endroit. Laissez-nous pêcher là. » Le talus nord-est de Terre-Neuve est un bon exemple où des groupes environnementaux, des pêcheurs, des scientifiques et la province s’assoient tous ensemble et redéfinissent les limites qui, à notre avis, étaient le fondement des discussions; c’est aussi un bon exemple précisément de ce que vous avez expliqué.
Dans chaque processus décisionnel, il y aura toujours des gens qui s’opposeront à quelque chose, qui diront que nous n’avons pas suffisamment fait de consultations. Si vous affichez l’information sur votre site web et que vous travaillez à fournir des données scientifiques pendant cinq, sept ou dix ans et que vous n’arrivez pas à convaincre les gens, c’est probablement parce qu’ils ne seront jamais convaincus ou que nous ne comprenons tout simplement pas. J’espère que ce n’est pas la deuxième option.
Cela fait partie de nos principes. C’est également un principe de la Loi sur les océans, qui prévoit que, avant de créer des ZPM, le ministre doit consulter tous les intervenants. Grâce aux amendements apportés au projet de loi C-55, le processus nous permettra de continuer de le faire et de disposer de sept à huit ans pour créer une ZPM et protéger la viabilité de l’océan.
Le sénateur McInnis : Les fonctionnaires du MPO ont dit que ce serait assujetti à l’ancien régime ou à l’ancien système. Il n’y aura pas un site d’intérêt, un arrêté et ensuite un règlement en l’espace de cinq ans. C’est l’ancien système.
M. Morel : S’il n’est pas nécessaire qu’il y ait une protection provisoire, nous allons continuer. S’il est nécessaire qu’il y ait une protection provisoire, ou si nous estimons que nous avons suffisamment avancé dans l’analyse scientifique et l’engagement relatif à la protection, nous pourrions mettre en place la protection pour atteindre notre objectif. Cela pourrait également être une option que nous pourrions analyser.
Le sénateur Campbell : Je veux revenir sur notre discussion concernant la création de ZPM et une des choses qui m’inquiète. Je comprends le principe de précaution, mais pouvez-vous en réalité avoir un principe de précaution sans un fondement scientifique pour examiner la situation?
Par exemple, les étoiles de mer de la côte Ouest meurent. Que faisons-nous à cet égard? Nous devons posséder des données scientifiques avant de commencer à fermer certaines zones. Vous avez dit que la science était importante, et j’ai entendu cela à de nombreuses reprises. On ne doit pas utiliser le manque de certitude scientifique concernant les risques que pose une activité pour remettre à plus tard la prise de mesures visant à empêcher une dégradation environnementale. Je ne sais pas comment vous en arrivez là. J’ai de la difficulté avec cela parce que nous voulons nous appuyer sur les données scientifiques.
Je dois vous dire que je suis complètement en désaccord avec vous concernant les pêcheurs. Ils ne savent peut-être pas la température de l’eau, mais ils peuvent certainement vous dire qu’il se passe quelque chose et vous expliquer ce qu’ils croient en être la cause. Je dois vous dire que, chaque fois que je leur parle sur la côte Ouest, le MPO n’est pas un des organismes gouvernementaux auxquels ils font le plus confiance, pour une raison quelconque. Je n’ai jamais eu de problème avec les pêcheurs. Ils s’inquiètent vraiment qu’une personne intervienne et désigne certaines zones sans aucun fondement scientifique. Les communautés autochtones sur la côte dépendent de façon absolue de ce qui vient de l’océan. Ces gens ne savent pas ce qu’ils peuvent faire.
Cela revient à ce que disait le sénateur McInnis. Il faut établir d’une manière ou d’une autre une certaine confiance parce qu’il n’y en a pas à l’heure actuelle. Je peux vous dire qu’elle n’existe pas. Je le constate tout le temps lorsque je me rends dans de petites localités. Je vis dans les îles Gulf. Nous avons le problème des orques, par exemple. Je veux que vous essayiez de me rassurer en me disant qu’il y a un arrêté et un certain processus ne serait-ce que pour établir des ZPM temporaires.
M. MacDonald : Cela concerne également la question de la sénatrice Bovey au sujet du processus. Le ministère suit un certain nombre de processus lorsque vient le temps de remplir ses divers mandats. Nous avons des mandats sous le régime de la Loi sur les pêches, et le ministre a certainement décrit certaines des décisions difficiles qui ont dû être prises annuellement pour l’exploitation des pêches, de même que leur durabilité.
Sous le régime de la Loi sur les pêches, certains processus définissent déjà clairement qui le ministre devrait consulter et comment cela devrait être fait. Nombre de gens ne connaissent pas ce processus à moins qu’ils y participent dès le départ pour ce qui est des zones de protection marine parce qu’il s’agit d’une décision très différente au bout du compte. Il faut essayer, le plus possible, de dégager le consensus dont nous avons besoin pour protéger une zone précise parce que nous comprenons pourquoi cette zone est importante.
Le point de départ, c’est l’analyse scientifique visant à déterminer les zones importantes sur les plans écologique et biologique. Ce travail fait partie d’un processus ouvert et transparent. Les gens en savent davantage sur ce processus lorsque nous précisons les données et en venons à affirmer que nous connaissons les endroits précis de ces zones importantes sur le plan biologique. Nous savons que ces endroits, à défaut d’un meilleur terme, sont en réalité les organes vitaux d’un écosystème. Ce sont vraiment les zones qui fournissent la biodiversité qui permet à l’ensemble de l’écosystème d’être plus en santé.
Lorsque nous passons d’une compréhension générale des océans et de l’endroit où se trouvent les zones importantes à l’affirmation que ces zones sont les plus essentielles, cela déclenche une discussion, et l’on se demande : « Comment peut-on convaincre les gens qui doivent participer au processus décisionnel qu’il s’agit d’une zone importante pour la protection de la biodiversité? »
Il faut notamment tenir compte des analyses socioéconomiques. Cette zone est-elle déjà importante pour les collectivités? Quel est le niveau d’activité économique de cette zone? Il faut commencer par dire, dès le début du processus, qu’il s’agit d’une zone importante pour la biodiversité. Si c’est le point de départ de la discussion, il est très compréhensible que les gens craignent que leur gagne-pain puisse être compromis. C’est normal. Cette zone est importante. Les gens diront : « Nous comprenons son importance et sa valeur, mais en quoi cela nous touchera-t-il individuellement? »
Les consultations et les étapes pour établir une ZPM peuvent prendre du temps parce que nous passons en revue toutes les activités qui sont menées pour déterminer si elles sont compatibles avec ce que nous essayons de protéger. Nous en arrivons souvent à la conclusion que nombre d’activités sont compatibles. Par exemple, il y a quelques semaines, sur la côte Est, le ministère a présenté ses conclusions quant aux conséquences de la pêche au homard sur la zone. La conclusion était que la pêche au homard elle-même, puisqu’elle utilise des techniques passives, n’aurait pas d’incidence sur ce que nous essayons de protéger. Par conséquent, c’est une activité légitime qui peut se poursuivre.
Voilà les échanges qui sont effectués relativement à ce que nous appelons l’engagement ou la consultation. Il peut y avoir de nombreuses séances. Il peut y avoir des dizaines d’assemblées communautaires, de communications écrites et d’appels téléphoniques. Cela fait partie du processus éducatif inhérent à l’établissement d’une zone de protection marine. Nous ne voulons certainement pas faire cela de manière unilatérale ou aléatoire. Il faut vraiment dégager un large consensus, autant que possible, parce qu’on essaie d’établir une zone de protection à long terme. C’est la raison pour laquelle cela prend du temps. Le projet de loi propose, à un moment donné dans le processus d’entente sur le fait qu’une zone vaut la peine d’être protégée, que l’on cesse de nuire à cette zone et que l’on décide comment elle sera protégée et gérée dans l’avenir pour ce qui est de sa surveillance.
Le sénateur Gold : Je veux revenir à une préoccupation exprimée par un témoin d’un groupe précédent. Cela concerne, soit dit en passant, la réponse de M. Morel sur ce qui se produit à la fin d’une période de cinq ans.
Après la période de cinq ans, le ministre doit prendre des mesures et recommander que la ZPM provisoire, si elle a été mise en place, devienne une ZPM en vertu de la réglementation ou abroger l’arrêté de désignation provisoire.
Un témoin s’est dit inquiet, cependant, de l’absence de délai précis dans lequel le Cabinet doit agir suivant la recommandation du ministre et du fait que nous pourrions nous retrouver dans une sorte de cul-de-sac, s’il a été déterminé que l’arrêté devrait être abrogé, mais qu’il y a encore certaines activités qui sont interdites, et le Cabinet ne tient pas compte de la recommandation.
Comprenons-nous que, en fait, le projet de loi n’établit pas de délai que le Cabinet doit respecter? Devrait-il en fixer un? Qu’en pensez-vous?
M. Morel : C’est vrai que le projet de loi ne possède aucune disposition qui prévoit que, après une période de cinq ans, la protection provisoire arrive à échéance. Lors des discussions que nous avons tenues avec divers paliers de gouvernement, il était d’une importance capitale de nous assurer que les protections n’étaient pas retardées pour des raisons administratives. C’est la raison pour laquelle l’intention est de forcer le ministre à prendre une décision après cinq ans. Ce n’est pas parce qu’il ne prend pas de décision après cinq ans que l’ensemble de la protection cesse et que nous devons repartir à zéro. C’était davantage l’intention. On ne voulait pas mettre en place une protection provisoire qui peut être éternelle sans que des mesures soient prises.
Le sénateur Gold : Je comprends cela, et ce n’est pas ce que je recommande. J’essaie seulement d’avoir votre opinion. On nous a dit que cela peut avoir des conséquences imprévues ou inattendues. Si l’on juge que les restrictions des activités ne sont plus nécessaires, ce sera au détriment des intervenants, que ce soit les pêcheurs ou d’autres, que le Cabinet n’ait pas l’obligation de prendre une décision ou n’ait pas de délai pour le faire.
M. Morel : Non. Cela pourrait entraîner un contrôle judiciaire si une personne décidait de poursuivre le ministre et de dire : « Vous devez prendre une décision, ce que vous n’avez pas fait. » J’imagine que ce recours est certainement possible, et nous espérons que nous n’en arriverons pas là.
Une disposition qui prévoirait la création automatique d’une ZPM après un délai de cinq ans si le ministre ne le fait pas n’est pas non plus une option. Sous le régime de la Loi sur les espèces en péril, si une espèce n’est pas inscrite sur la liste après un certain nombre de mois, alors elle l’est automatiquement parce que l’objectif est sa protection. Dans le cas de la Loi sur les océans, nous croyons que l’adhésion des collectivités et des intervenants est importante. Un transfert automatique ou la création d’une protection si aucune mesure n’est prise ne sont certainement pas des choses que nous avons recommandées.
M. MacDonald : C’est aussi lié. Comme Philippe Morel l’a dit, cela force le ministre à prendre une décision dans un sens ou dans l’autre afin d’éviter une décision passive. L’arrêté ministériel se trouve à un échelon, mais si le ministre doit faire une recommandation au gouverneur en conseil, cela devient une décision du Cabinet. La protection provisoire permet au ministre de prendre cet arrêté, mais, au bout du compte, c’est une décision qui est prise par l’ensemble du gouvernement pour établir la réglementation. À ce moment-là, on tient compte des pouvoirs statutaires qui peuvent être conférés par la loi à d’autres ministres relativement aux activités marines de la zone proposée.
Le sénateur Gold : Je suppose que c’est tout à fait logique selon toutes les perspectives concrètes, mais le témoin s’inquiétait de la situation inverse, soit lorsque le ministre fait une recommandation qui n’est pas suivie et que la protection provisoire n’est pas abolie. Autrement dit, la recommandation ne vise pas à établir une ZPM permanente. Cela reste en vigueur d’une certaine manière, et les pêcheurs choisissent cet exemple et sont incapables de reprendre une activité qui était interdite depuis un certain temps. S’agit-il d’une préoccupation réaliste? J’aimerais obtenir votre opinion aux fins du compte rendu, vu la préoccupation du témoin.
M. MacDonald : La notion de gel de l’empreinte n’empêche pas ou n’interdit pas une activité qui est déjà autorisée. C’est au cœur même de la loi. Par conséquent, la seule restriction est la limitation de la mise en place de nouvelles activités qui n’étaient pas menées dans la zone auparavant ou la limitation de la portée qui avait déjà été autorisée pour une activité. Ainsi, le statu quo n’est pas une situation où quelque chose a été réduit sauf dans le contexte de la Loi sur les pêches dont nous avons discuté. En conséquence, l’interdiction d’une activité devient vraiment une décision de l’ensemble du gouvernement.
Le projet de loi est rédigé de sorte que le Parlement accorde ce pouvoir au ministre, mais que, au bout du compte, le pouvoir d’établir des ZPM continue d’appartenir au gouverneur en conseil et non pas au ministre lui-même.
[Français]
M. Morel : Si je peux ajouter quelque chose, dans le cas des pêcheries, par exemple, si la pêche à la crevette est autorisée dans une région et que, à un moment donné, on gèle l’empreinte, l’activité de pêche à la crevette va continuer. Si la décision du ministre, parce qu’il y a abondance de crevettes pendant la période, est d’autoriser de plus gros quotas, l’activité restera la même, et il y aura plus de crevettes pêchées cette année-là, ou moins si les stocks descendent. C’est l’activité qui est restreinte, et non le nombre de crevettes que l’on pêche.
Donc, pour un pêcheur, si les protections intérimaires demeurent, cela n’a aucun impact sur la quantité. S’il y a une abondance de crevettes, il va pouvoir continuer de pêcher plus de crevettes. Cependant, ce qu’on ne fera pas, c’est autoriser de nouvelles pêcheries. S’il n’y a pas de pêche au crabe dans les environs et qu’il y a du crabe, on n’autorisera peut-être pas la pêche au crabe pendant cette période intérimaire de cinq ans.
Le sénateur Gold : Donc, serait-il raisonnable de conclure que la préoccupation des témoins sur l’impact potentiel sur les « stakeholders » serait minimale, s’il y a un impact, quel qu’il soit?
M. Morel : Oui. Je serais de cet avis.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : J’ai seulement une petite question pour revenir à celle du sénateur Campbell. Pourriez-vous confirmer les données scientifiques qui existent? Ces données scientifiques découlent-elles de recherches réalisées par des scientifiques du MPO, d’autres scientifiques gouvernementaux, des scientifiques qui travaillent dans des universités ou au sein de divers partenariats? Incluent-elles le travail effectué à la SCREA?
Comment le savoir autochtone s’intègre-t-il dans les données scientifiques? Qu’en est-il des connaissances empiriques? Nous avons entendu parler des connaissances des pêcheurs, mais je soutiens que nos gardiens de phare possèdent également des informations empiriques, particulièrement lorsqu’il s’agit des épaulards au large de l’île de Vancouver.
Pourriez-vous préciser ce que contient le corpus des données scientifiques? Ces données sont-elles uniquement générées par le ministère, ou tiennent-elles vraiment compte du travail réalisé ailleurs?
M. MacDonald : Il est certain que les données scientifiques sont importantes. Elles augmentent et se précisent également dans le cadre du processus. Les données scientifiques fondamentales dans les zones importantes sur les plans écologique et biologique sont souvent générées à la suite du travail réalisé par le ministère et de ses recherches océanographiques.
Parfois, nous avons profité de certaines circonstances lorsque, par exemple, nous avons délimité notre plateau continental. Nous avons utilisé un sonar multifaisceaux. Nous avons recueilli beaucoup d’information sur les ressources marines vivantes dans la zone tout en nous concentrant sur la géologie afin de présenter notre demande à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
À certaines occasions, nous avons pu recueillir de l’information biologique et de l’information sur la biodiversité dans le cadre d’autres activités scientifiques. Il en va de même lorsque le MPO réalise des évaluations des stocks. Nous chargeons souvent les navires de la Garde côtière d’accomplir plusieurs tâches simultanément afin de recueillir des données scientifiques sur les stocks et d’effectuer des recherches à cette fin. Tout cela fait partie de la planification de notre division ou de notre secteur des sciences.
Les publications scientifiques du ministère sont également soumises à un comité de lecture. Le Secrétariat canadien de consultation scientifique invite à nombre de séances des experts de domaines particuliers issus d’établissements universitaires et des experts ayant une expertise internationale. Ils font partie de la discussion qui se tient au sein du milieu scientifique lorsque paraît une publication. Quand nous disons que la publication est soumise à un comité de lecture, cela ne se fait pas seulement à l’interne. La publication est également examinée par des experts invités à participer à ces processus.
C’est le fondement sur lequel nous nous appuyons lorsque nous affirmons qu’une zone précise contribue à la biodiversité. Pendant les consultations, ce n’est pas seulement le ministère qui parle et les gens qui écoutent. Elles sont très interactives. C’est à ce moment-là qu’on discute des connaissances locales, autochtones et empiriques sur la zone. Lorsque nous avons fixé l’objectif en matière de conservation pour une zone précise, nous tenons compte de toutes les sources d’information, de connaissances et de sagesse. Lorsque nous disons qu’il faut de un à trois ans avant d’avoir même une idée d’un site d’intérêt, c’est parce que le processus a été guidé par l’ensemble de l’information recueillie à la suite de la parution de certaines publications scientifiques.
La sénatrice Bovey : Nous avons entendu parler ce matin de l’institut sur la côte Est et de la faculté des sciences de la terre et des océans de l’Université de Victoria. Je sais que ces derniers organismes travaillent dans beaucoup de ces zones. Je voulais m’assurer que les données scientifiques provenaient de recherches scientifiques authentiques, réalisées où que ce soit.
M. MacDonald : Certainement. Je pourrais même en ajouter et dire que certains réseaux de chercheurs ont été financés et sont gérés par des établissements universitaires, comme ArticNet ou CONy. Ils réalisent des recherches scientifiques sur la gestion et la protection des océans. Nous profitons certainement des partenariats qui ont été établis avec d’autres institutions scientifiques.
Ils jouent également un rôle dans la surveillance des zones de protection marine. L’institut de l’Université de Victoria participe à la surveillance de notre zone de protection marine de la côte Ouest. Ces données sont également utilisées pour évaluer l’efficacité des zones de protection marine.
Le président : Je remercie nos témoins d’avoir contribué à notre discussion et au débat de cet après-midi.
Je demande aux sénateurs de rester dans la salle afin que nous discutions à huis clos pendant quelques instants de la journée de demain.
(La séance se poursuit à huis clos.)