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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 39 - Témoignages du 21 mars 2019


OTTAWA, le jeudi 21 mars 2019

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, se réunit aujourd’hui, à 8 h 6, pour faire l’étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : J’aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités. Une personne a dû partir pour des raisons de maladie. Josée Annie Verville la remplacera.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-55. Mardi dernier, nous avons terminé avec le sénateur Patterson, qui a présenté son amendement. Je suis sûr que tous les membres du comité ont l’amendement DP1 en main.

Le sénateur Patterson a fourni une explication très détaillée de son amendement, mais je vais lui donner trois ou quatre minutes pour présenter une version abrégée de son amendement pour quelques sénateurs qui étaient absents ce jour-là.

Le sénateur Patterson : Merci, monsieur le président. Je m’efforcerai d’être bref. C’est un modeste amendement qui ne fait que proposer la consultation et la coopération. Cet amendement a été proposé parce que le premier ministre du Nunavut, M. Savikataaq, a dit qu’il n’y avait pas eu de consultations et parce qu’un premier ministre précédent, M. Taptuna, nous avait envoyé une lettre sur ce sujet.

Les représentants ministériels et le ministre ont envoyé au comité — et je vous demanderais de le distribuer — un très beau diagramme en couleurs qui illustre les étapes proposées pour désigner une zone protégée provisoire. Ce diagramme invoque les processus biorégionaux multipartites qui sont déjà en cours à l’échelon fédéral, provincial et territorial. Dans les étapes proposées, le ministre dit que les administrations et les parties intéressées voisines seront consultées — et cela comprend les titulaires de droits ancestraux.

Si les représentants ministériels et le ministre affirment qu’ils proposent déjà de faire cela, ajoutons ces mesures dans le projet de loi pour veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre. Nous avons déjà entendu des gouvernements faire ces promesses au Sénat. Dans le cadre du projet de loi C-17, le gouvernement avait fait des promesses liées au processus de l’OEESEY, au Yukon — ces promesses n’ont pas été concrétisées. Lorsque le comité a examiné le projet de loi S-3, on avait promis d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe et le seuil de 1951 dans la Loi sur les Indiens, mais on ne l’a pas encore fait à ce jour. Dans le projet de loi C-45, le projet de loi sur le cannabis, le gouvernement avait promis de se pencher sur les droits des peuples autochtones de recevoir une partie de la taxe d’accise et de régler la question des centres de traitements, mais les travaux à cet égard se poursuivent. Je suggère donc d’accepter et d’accueillir ces belles promesses, mais de veiller à ce qu’elles se réalisent en les intégrant au projet de loi.

Nous savons que le bassin de l’Extrême-Arctique sera la prochaine zone de protection marine. C’était dans le budget il y a deux jours. Il s’agit de plus de 100 000 kilomètres carrés; c’est un énorme territoire. Le gouvernement du Nunavut nous a dit qu’il n’avait pas participé à ce processus. En ce qui concerne les titulaires de droits, je sais que nous avons reçu, à la dernière minute, une lettre de la West Coast Environmental Law Association qui indique que tous les droits autochtones sont protégés en vertu de l’article 35.

Le président : Excusez-moi, sénateur Patterson. Je tiens seulement à m’assurer que tout le monde est au courant et a reçu un exemplaire de cette lettre. Allez-y, monsieur.

Le sénateur Patterson : J’aimerais attirer votre attention sur le président de la Société régionale inuvialuit, Duane Smith, qui a affirmé que les titulaires de droits ancestraux devraient être consultés. En effet, les accords de revendications territoriales ne règlent pas toujours ces questions. De plus, M. Smith a précisé que c’était une exigence et que l’amendement que je propose réglerait les préoccupations qu’il nous a présentées dans son témoignage.

Pour vous donner un peu de contexte, c’est une exigence parce que la Convention définitive des Inuvialuit ne renferme pas les mêmes exigences que les accords de revendications territoriales plus récents en ce qui a trait à la mise en œuvre des ERAI, c’est-à-dire les Ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, en compensation dans les endroits où des zones sont réservées à des fins de préservation. La Convention définitive des Inuvialuit était l’un des premiers accords sur les revendications globales et elle ne fournit pas ces assurances.

Par excès de prudence, chers collègues, et en demandant seulement au gouvernement de faire ce qu’il a déjà promis, l’amendement propose de mener des consultations et de pratiquer la coopération. C’est un amendement plutôt modeste. Il y aura peut-être un nouveau gouvernement ou de nouveaux intervenants à l’automne. Je ne crois pas que des promesses faites devant un comité ou dans le cadre d’un témoignage offrent une certitude suffisante, surtout pour les titulaires de droits extracôtiers. Nous n’avons pas entendu le témoignage des représentants de Nunavut Tunngavik, le titulaire des droits sur la plus longue côte canadienne, au Nunavut, mais je peux dire aux membres du comité qu’ils sont également préoccupés au sujet de l’exigence de les consulter.

Nous avons entendu les témoignages des Inuvialuit. Cela devrait être suffisant pour nous convaincre d’approuver ce modeste amendement. Le gouvernement propose déjà de faire cela. Rendons cela officiel par l’adoption de cet amendement raisonnable qui exige de mener des consultations et de pratiquer la coopération avec les administrations et les titulaires de droits voisins. C’est une modeste proposition, et j’exhorte mes collègues à l’appuyer.

Nous sommes dans une ère de réconciliation et de respect des droits des Autochtones. Les représentants d’un organisme autochtone de la mer de Beaufort nous ont dit que cet amendement réglerait les préoccupations qu’ils nous ont très clairement exprimées. J’ai présenté cette lettre lors de notre dernière réunion en précisant que cet amendement veillerait à ce que les titulaires de droits soient adéquatement avisés, consultés et, s’il y a lieu, accommodés lorsqu’une zone de protection marine est proposée. Cela vient d’un organisme qui a déjà participé à la création de deux zones de protection marine et qui est préoccupé par la façon dont ces processus se sont déroulés.

C’est donc ce que je propose, monsieur le président.

Le président : Merci, sénateur Patterson.

La sénatrice Bovey : Merci, sénateur, de nous avoir présenté la version abrégée de la présentation convaincante que vous avez donnée l’autre jour. Je tiens à ajouter au compte rendu que le sénateur Patterson et moi-même avons parlé. Il connaît les questions que je me pose et qui me tiennent à cœur pendant l’examen de cet amendement. Toutefois, si vous me le permettez, j’aimerais poser quelques questions à M. MacDonald ou à tout autre intervenant à la table.

Si vous examinez ce que le sénateur Patterson a décrit comme étant une modeste proposition, pouvez-vous voir quelque chose dans cet amendement proposé qui ne se trouve pas déjà dans le projet de loi? Ensuite, si vous me le permettez, je poserai d’autres questions.

Jeff MacDonald, directeur général, Politiques des océans et des pêches, Pêches et Océans Canada : Certains éléments proposés relativement à l’obligation de coopérer avec d’autres échelons de gouvernement, des conseils d’administration, des organismes du gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organisations autochtones concernées se trouvent déjà dans l’article 33 de la Loi sur les océans.

D’autres éléments liés à l’avis et à la publication de réglementation et à l’intention de réglementer font déjà partie d’une loi différente appelée la Loi sur les textes réglementaires, qui guide tous les ministères et organismes dans l’élaboration de règlements. Puisque les règlements sont des textes réglementaires, ils ont force de loi. Nous sommes donc tenus de respecter la Loi sur les textes réglementaires lorsque nous proposons des règlements. De plus, en raison de cette loi, il existe une Directive du Cabinet sur la réglementation qui précise le processus que doivent suivre tous les ministères et organismes qui proposent un règlement.

Les membres du comité connaissent peut-être déjà les dernières étapes de ce processus, par exemple la publication préalable dans la partie I de la Gazette du Canada, suivie de la publication finale dans la partie II de la Gazette du Canada. Avant la période de publication préalable, les ministères et les organismes, en vertu de la directive du Cabinet, sont responsables de cerner les parties intéressées touchées par les règlements, notamment les peuples autochtones. Nous devons les consulter et les mobiliser de façon véritable tout au long de l’élaboration, de la gestion et de l’examen de la réglementation.

Pour répondre à votre question, cet élément précis ne se trouve pas dans la Loi sur les océans, mais il se trouve dans la Loi sur les textes réglementaires, à laquelle tous les ministères et les organismes doivent se conformer lorsqu’ils proposent des règlements.

La sénatrice Bovey : Les éléments décrits dans cet amendement sont déjà visés par la loi.

M. MacDonald : C’est exact.

La sénatrice Bovey : Permettez-moi de poser la question sous un autre angle. Cet amendement contient-il des éléments qui vont à l’encontre de ce qui se trouve déjà dans le projet de loi ou dans les lois canadiennes en vigueur?

M. MacDonald : Le jour supplémentaire qu’on nous a donné pour examiner l’amendement nous a permis de formuler quelques observations. L’amendement a une portée beaucoup plus vaste que le contenu de la Loi sur les textes réglementaires. Par exemple, l’alinéa c) de l’amendement proposé indique ce qui suit:

[...] donne un avis écrit du projet de décret à toute instance dont les terres ou les intérêts peuvent être touchés par celui-ci...

L’un des mots qui ont attiré notre attention est le mot « intérêts », car c’est un terme très général.

Le sénateur Patterson : Qu’avez-vous dit?

M. MacDonald : Le mot « intérêts ». Lorsque nous parlons de toute instance ou des intérêts qui peuvent être touchés par le décret, c’est plus vague que ce qui se trouve dans la Loi sur les textes réglementaires, par exemple, car le mot « intérêts » a une vaste portée et il pourrait avoir de nombreuses significations et faire l’objet d’une interprétation plus large.

Le sénateur Gold : À des fins d’éclaircissement, pourriez-vous nous fournir le libellé correspondant dans la Loi sur les textes réglementaires, afin que nous puissions comparer les deux textes?

M. MacDonald : Je n’ai pas la Loi sur les textes réglementaires devant moi. J’ai un résumé du processus que nous devons suivre. Il s’agit de la directive du Cabinet qui s’applique lorsque des règlements proposés pourraient avoir des répercussions négatives sur des droits ancestraux ou des droits issus de traités potentiels ou établis, par exemple. En vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle, les ministères et organismes doivent remplir l’obligation de la Couronne de consulter et, s’il y a lieu, accommoder les droits des peuples autochtones du Canada.

La différence est entre les droits et les intérêts. En effet, lorsqu’on parle des intérêts d’une personne, on utilise un terme juridique très différent. Cela a donc tendance à attribuer une portée beaucoup plus large à ce qui est proposé dans l’amendement comparativement à ce qui se trouve dans la Directive du Cabinet sur la réglementation.

La sénatrice Bovey : Pendant que nous tentons de préciser cela, j’aimerais poser deux autres questions.

Le président : Je vais vous donner tout le temps nécessaire. Donnez-moi seulement un instant, s’il vous plaît.

Dans le cadre de mes discussions avec plusieurs membres du comité, il s’agit parfois de ce mot-ci ou de ce mot-là. Cela complique les choses. Je veux veiller à ce que tous les intervenants aient amplement le temps de poser une question.

La sénatrice Bovey a posé une question à M. MacDonald. Je vais donner tout le temps nécessaire aux personnes qui posent des questions. Veuillez simplement nous aviser. Je ne veux pas interrompre la conversation, car je tente d’obtenir tous les renseignements possibles.

La sénatrice Bovey : Pour faire suite à ce que disait le sénateur Patterson au sujet des préoccupations liées au manque de consultation, pourriez-vous nous décrire les étapes du processus? Je sais qu’on a déjà expliqué les étapes du processus à certains d’entre nous. Toutefois, pour le compte rendu, il serait utile de préciser le processus aux membres du comité ce matin, monsieur MacDonald.

M. MacDonald : Si vous me permettez de demander des éclaircissements, s’agit-il du processus pour la création d’une zone de protection marine?

La sénatrice Bovey : Oui.

M. MacDonald : Je tenterai d’être bref. C’est un long processus.

La sénatrice Bovey : Veuillez seulement fournir une version abrégée ou un résumé des étapes principales, afin que tout le monde comprenne bien le processus.

M. MacDonald : Certainement. Le gouvernement lui-même pourrait proposer la création d’une zone de protection marine dans certaines circonstances ou d’autres échelons de gouvernement, des groupes autochtones ou d’autres parties intéressées pourraient également le faire. Que le processus soit lancé par le gouvernement ou d’autres intervenants, la zone initiale que nous examinons a souvent été cernée dans le cadre de travaux scientifiques menés par le ministère en vue de repérer des zones océaniques importantes sur le plan écologique et biologique.

Lorsque nous déterminons les éléments importants liés à la biodiversité dans l’océan, cette discussion préliminaire est habituellement entamée par le ministère ou d’autres intervenants qui manifestent un intérêt général à l’égard de la protection d’une zone particulière de l’océan.

Ensuite, nous recueillons une grande quantité de renseignements dans le cadre d’un processus itératif et collaboratif. Nous pouvons avoir accès à des sources de renseignements utiles comme le gouvernement du Canada. Nous pouvons exploiter les connaissances écologiques traditionnelles de groupes autochtones ou de collectivités côtières. Nous pouvons mener des recherches scientifiques supplémentaires nous-mêmes ou confier cette tâche à d’autres organismes. Nous pouvons recueillir des données auprès de l’industrie des pêches. Nous pouvons aussi recueillir des données auprès de l’industrie du transport maritime. Il existe de nombreuses sources de données. Une fois que nous avons réuni tous ces renseignements, nous établissons un groupe consultatif d’intervenants plus officiel auquel nous présentons notre analyse et demandons de la rétroaction.

Cela peut prendre du temps, car le milieu océanique est très complexe. Il est visiblement tridimensionnel et de nombreuses activités s’y déroulent. Nous entamons ensuite un débat légitime pour déterminer les objectifs en matière de conservation qui devraient accompagner la protection d’une région. C’est seulement à ce moment-là que nous commençons à mettre en œuvre des mécanismes plus officiels. Habituellement, le premier consiste à identifier une zone importante sur le plan écologique et biologique comme étant une zone d’intérêt. Une telle zone n’a pas encore de statut officiel, mais dans le cadre des politiques, on reconnaît qu’il s’agit d’une étape importante du processus.

Un exemple actuel d’une zone d’intérêt est la zone située à l’ouest de l’île de Vancouver, au large du Pacifique. En mai 2017, le ministre a annoncé qu’il s’agissait d’une zone d’intérêt. Depuis, nous avons travaillé avec des groupes autochtones, des parties intéressées, l’industrie des pêches, l’industrie du transport et des organismes de défense de l’environnement dans la région, afin de déterminer les limites de la zone d’intérêt et de préciser les objectifs. Pour nous préparer au lancement d’un processus réglementaire complet, nous devons aussi déterminer les répercussions socioéconomiques qu’entraînera la création de cette zone protégée et établir clairement le plan de gestion.

Ce n’est qu’à ce moment-là que nous lançons le processus officiel qui consiste à proposer la transformation de cette zone en zone de protection marine en vertu du pouvoir de réglementation énoncé dans la Loi sur les océans. Nous devons également indiquer, en vertu de la Directive du Cabinet sur la réglementation, tous les renseignements que j’ai mentionnés précédemment. C’est une exigence préalable pour que le Secrétariat du Conseil du Trésor accepte la réglementation que nous proposons. À l’interne, nous devons collaborer étroitement avec le Secrétariat du Conseil du Trésor pour veiller à remplir toutes les exigences énoncées dans la directive du Cabinet avant de présenter le dossier sur la réglementation au comité du Cabinet du Conseil du Trésor. De plus, une fois cette étape franchie, nous entrons dans la période de publication préalable au cours de laquelle le public a, pour la dernière fois, l’occasion de formuler des commentaires avant l’entrée en vigueur de la réglementation.

La sénatrice Bovey : J’ai une dernière question à vous poser. Si je me fie à mon expérience dans le secteur sans but lucratif, les conseils d’administration ont leurs documents de politique et de procédure. Si j’ai bien compris, la politique est inscrite dans le projet de loi, et vous avez les étapes pour la mise en œuvre ou la procédure.

Si l’amendement proposé est déjà prévu dans d’autres mesures législatives, mais sachant que l’objectif est de faire en sorte que tout soit rendu public en matière de consultation et de coopération, dites-moi, ne conviendrait-il pas d’ajouter une observation au projet de loi au moment de le renvoyer à la Chambre des communes pour exiger une réponse du gouvernement?

M. MacDonald : Je ne suis pas sûr de comprendre la question. Votre question porte-t-elle sur l’amendement qui est proposé?

La sénatrice Bovey : Oui. On veut en respecter l’esprit, mais, si c’est déjà prévu, comment peut-on l’appliquer pour s’assurer que la mesure a du mordant? Pourrait-on s’y prendre par l’ajout d’une observation?

Depuis mon arrivée au Sénat, j’ai constaté — et je ne reviendrai pas sur le projet de loi en cause — que nous aurions pu nous épargner bien des maux de tête si nous avions formulé une observation exigeant le dépôt d’un rapport assorti des amendements rejetés afin que des mesures soient prises.

M. MacDonald : Dans ce cas, monsieur le président, je m’en remets au comité.

La sénatrice Bovey : C’est une idée que je soumets à votre attention. Évidemment, j’essaie de voir comment nous pouvons nous assurer que toutes les préoccupations sont prises en compte, sans pour autant faire double emploi.

Le président : M. MacDonald n’est peut-être pas bien placé pour répondre à cette question. C’est nous qui décidons si nous allons avoir des amendements.

La sénatrice Bovey : Tout le monde connaît mon raisonnement. Il n’y a rien de secret.

Le sénateur Patterson : La sénatrice Bovey a soulevé trois points, et j’espère n’en oublier aucun. Le premier, c’était que cette question pourrait être réglée au moyen d’une observation qui exige une réponse de la part du gouvernement.

Or, ce ne sont pas les observations qui exigent des réponses du gouvernement, mais bien les recommandations. J’ai mentionné quelques exemples récents qui me viennent à l’esprit : les projets de loi C-17, S-3 et C-45. Aucune réponse n’a été donnée aux observations. Je ne sais pas s’il est juste de poser cette question au témoin, mais je tiens à ce que ce soit consigné au compte rendu.

Je voudrais poser, à mon tour, une question au témoin. Vous avez dit que cet élément fait déjà partie de la Loi sur les textes réglementaires. J’invite mes collègues à se reporter aux étapes proposées dans le document du ministère, que j’ai fait circuler. Vous verrez qu’à la sixième étape proposée, il y aura — et je le dis vite fait — une publication dans laGazette du Canada, dont M. MacDonald a parlé.

Si vous jetez un coup d’œil à la ligne de temps ici, chers collègues, le processus d’élaboration de politiques s’échelonne sur environ un an. C’est l’échéancier même du ministère. Le processus d’élaboration de règlements, pour sa part, prend un an ou deux. L’étoile sous le numéro 6 se trouve à peu près au milieu de la période d’un an ou deux. Nous avons donc deux ans, selon l’échéancier du ministère, avant que l’obligation de consulter au sujet de textes réglementaires commence à s’appliquer. Voilà qui est terriblement long si les parties intéressées voisines n’ont pas été consultées ou avisées.

Je rappelle encore une fois aux membres du comité que nous avons entendu le témoignage du premier ministre Savikataaq, et son prédécesseur, l’ex-premier ministre Taptuna, a également écrit une lettre au comité pour dire qu’il n’y avait pas eu de consultations au sujet du bassin de l’Extrême-Arctique, qui sera la plus grande zone de protection marine.

Enfin, j’ai une deuxième question qui s’adresse à M. MacDonald, ou je devrais peut-être m’arrêter là et vous laisser répondre à ma préoccupation au sujet de l’échéancier concernant l’exigence relative aux textes réglementaires.

Le président : Vous pourriez peut-être poser vos deux questions, et M. MacDonald pourrait y répondre par la suite.

Le sénateur Patterson : Très bien. Vous avez parlé d’une Directive du Cabinet sur la réglementation qui, en fait, énonce les exigences en matière de consultation. Là encore, je dirais qu’une directive du Cabinet peut être modifiée d’un trait de plume à l’occasion d’une réunion du Cabinet. Cela ne fournit pas la garantie solide que je cherche à intégrer au projet de loi. Il est possible de modifier facilement une directive comme des politiques gouvernementales, et ce, sans la participation du public.

Seriez-vous d’accord pour dire qu’une directive du Cabinet peut être modifiée facilement sans l’apport de la population ou sans avis public et que, par conséquent, nous ou les citoyens ne pouvons pas nous y fier?

M. MacDonald : En ce qui concerne les délais, qui sont présentés à titre indicatif dans le document que nous avons remis aux membres du comité, nous avons précisé les circonstances dans lesquelles il serait utile de désigner une zone de protection marine provisoire. J’ai décrit tout à l’heure le processus que nous suivons pour pouvoir cerner une zone d’intérêt.

Ce qui nous inquiète, et c’est la principale raison pour laquelle le projet de loi a été présenté, comme le sénateur Patterson l’a expliqué, c’est qu’il y a un assez long laps de temps entre, d’une part, le moment où nous nous entendons sur ce qui devrait être protégé, conformément au processus d’élaboration de politiques, et sur ce qui constitue la délimitation de la zone à protéger et, d’autre part, le moment où les règlements sont publiés officiellement dans la Gazette du Canada. Pendant toute cette période intermédiaire, la zone que tout le monde a convenu de protéger n’a pas le statut juridique de zone protégée. Ainsi, l’idée d’une protection provisoire vise à donner l’assurance qu’aucune nouvelle activité n’aurait lieu dans la zone pour geler l’empreinte jusqu’à ce que le tout soit finalisé.

C’est donc à titre indicatif, et nos délais reposent sur le temps moyen que cela a pris. Si les processus réglementaires prennent beaucoup de temps, c’est parfois parce qu’il faut travailler sur les détails du plan de gestion. Les parties intéressées s’entendent sur les objectifs, mais la façon dont nous allons surveiller ou appliquer la loi, et cetera, soulève tout un tas de questions. Dans certains cas, cela dépend des ressources dont nous disposons. Dans d’autres cas, c’est une question de savoir qui va faire quoi. Le gouvernement a un rôle à jouer, tout comme les autres paliers de gouvernement, les groupes autochtones, les parties intéressées, et cetera.

Pour en venir au processus réglementaire dans son ensemble, nous devons préciser tous ces éléments avant l’examen des règlements aux termes de la Loi sur les textes réglementaires. Même si nous n’avons pas mis d’étoile à cet endroit pour désigner la tenue d’une consultation, nous avons choisi nos mots avec beaucoup de soin. Une consultation signifie une consultation officielle entre la Couronne et les peuples autochtones dont les droits sont touchés. Cela ne sous-entend pas que le dialogue et les activités de mobilisation font défaut pendant le processus. La mobilisation a lieu tout au long du processus, sauf quand le secret du Cabinet est invoqué, c’est-à-dire au moment où un projet de règlement officiel est étudié par le Cabinet.

Pour ce qui est de la question sur les directives du Cabinet proprement dites, il est vrai qu’elles sont élaborées par le gouvernement, mais elles découlent de la Loi sur les textes réglementaires. Je remercie la personne qui vient de me remettre une copie de cette loi. Si nous jetons un coup d’œil à la partie sur l’examen des projets de règlement, la loi elle-même établit le processus par lequel tout projet de règlement présenté par un ministre doit être examiné, tant par le Conseil privé que le ministère de la Justice, pour veiller à ce que nous ayons rempli les exigences d’une politique donnée et que notre proposition soit, au bout du compte, conforme à la loi ayant préséance, qui serait en l’occurrence la Loi sur les océans.

Ce n’est pas le dernier mot non plus. Le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation est le comité parlementaire chargé d’examiner la réglementation pour donner au gouvernement l’assurance que nous avons respecté la loi en question. C’est aussi la dernière vérification effectuée par le Parlement pour s’assurer que le gouvernement suit les instructions que le Parlement a données en adoptant ces lois.

Le sénateur Patterson : J’ai une autre question qui découle des observations de la sénatrice Bovey. Monsieur MacDonald, j’ignore si vous êtes au courant, mais je vous dirais que le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation est désœuvré, inefficace, inactif et dysfonctionnel. Dois-je en dire plus? Je ne sais pas si vous voulez répondre, mais en tant que parlementaire, je peux vous dire que ce comité est désuet. Voilà un autre adjectif que j’utiliserais. Ce comité laisse à désirer. Il ne fonctionne pas. Ce n’est pas fonctionnel. C’est un faux-fuyant, en tout respect.

Je voudrais poser une deuxième question à M. MacDonald. La sénatrice Bovey a fait allusion à l’article 33 de la Loi sur les océans. Tout est réglé dans cette disposition. J’aimerais citer brièvement le paragraphe 33(2) de la Loi sur les océans.

Dans l’exercice des attributions prévues par la présente partie, le ministre peut consulter d’autres ministres et organismes fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organisations autochtones, les collectivités côtières et les autres personnes de droit public et de droit privé intéressées, y compris celles constituées dans le cadre d’accords sur des revendications territoriales.

Dans mon amendement, j’emploie plutôt l’indicatif présent pour indiquer que le ministre doit prendre ces mesures. Je ne m’excuserai pas de rendre le libellé plus ferme que celui de l’article 33 qui, aux dires de la sénatrice Bovey, devrait nous offrir une certitude suffisante. Il y a une différence entre « peut » et « doit », n’est-ce pas?

M. MacDonald : À titre de précision, monsieur le président, quand nous avons examiné cette disposition mardi, j’ai souligné que le paragraphe 33(1) constitue la disposition liminaire. Il y a un certain nombre de paragraphes dans la Loi sur les océans. C’est là que nous trouvons l’indicatif présent; autrement dit, le ministre doit prendre ces mesures dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées par la loi. Le paragraphe 33(1), qui s’applique à toute la Loi sur les océans, dit :

[...] le ministre :

a) coopère avec d’autres ministres [...]

La disposition à laquelle fait allusion le sénateur Patterson est le paragraphe 33(2). Cette disposition porte spécifiquement sur la partie II de la Loi sur les océans, qui concerne la gestion intégrée des océans. Le paragraphe 33(1), pour sa part, vise la loi au complet et dit que le ministre doit coopérer. Par contre, en ce qui a trait à la planification de la gestion intégrée, aux termes de la partie II, le ministre peut consulter d’autres ministres. Voilà donc la différence entre « doit » et « peut ».

Le sénateur Patterson : Voici ma dernière question complémentaire, monsieur MacDonald. L’obligation prévue au paragraphe 33(1) porte sur la coopération. Celle que je propose dans mon amendement concerne la consultation et la coopération. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que l’amendement prévoit l’exigence de consulter et de coopérer et qu’il renferme, par conséquent, un libellé plus ferme et plus efficace pour assurer le respect des intérêts des titulaires de droits extracôtiers, y compris des organisations autochtones?

M. MacDonald : S’agissant de la consultation, nous sommes tenus, en vertu de la Loi constitutionnelle, de consulter. Cette obligation est soulignée dans la disposition de non-dérogation de la Loi sur les océans.

Pour ce qui est de la disposition relative à la protection interne, le projet de loi contient une modification proposée par la Chambre, qui fait ressortir la nécessité d’utiliser le pouvoir de protection provisoire d’une manière qui n’est pas incompatible avec les accords sur des revendications territoriales. Notre obligation de consulter est claire. C’est souligné dans la Constitution, et c’est mis en évidence à quelques reprises dans la loi et dans le projet de loi.

Le sénateur Campbell : Normalement, je ne me prononcerais pas sur cette question, mais je dois dire que l’observation faite par le sénateur Patterson est tout à fait vraie. Depuis 14 ans que je suis ici, nous avons invoqué la Charte des droits, l’obligation de consulter et tout le reste. Les projets de loi mentionnés par le sénateur ont tous été soumis au gouvernement, accompagnés de conseils sur les mesures qui s’imposent, mais rien n’a été fait.

Lorsque le dirigeant d’un territoire vient ici et nous dit que les gens n’ont pas été consultés, je trouve aberrant que le ministère fédéral ne communique pas immédiatement avec ce dirigeant pour se renseigner sur le contexte précis. Quelles consultations n’ont pas eu lieu? À mon avis, les nations autochtones ne devraient pas avoir à s’adresser à la Cour suprême chaque fois qu’elles ne sont pas consultées. Quand allons-nous enfin nous réveiller?

Dans le cas qui nous occupe, il est peut-être temps que nous commencions à envoyer un message à tous les gouvernements, et pas seulement au gouvernement fédéral. Cela dure depuis longtemps. Tous les gouvernements doivent être au courant de cette obligation. Il ne suffit pas de le dire; il faut le concrétiser. Voilà pourquoi j’appuie le sénateur.

J’aimerais savoir si vous seriez quelque peu rassuré d’une décision éventuelle de retirer le mot « intérêts » de l’amendement. C’est, me semble-t-il, un terme qui revêt d’importantes connotations. Je ne sais pas si le sénateur Patterson serait d’accord. Je suis en train de relire l’amendement. D’entrée de jeu, vous avez dit que le mot « intérêts » poserait problème. Si c’est le cas, avons-nous une certaine marge de manœuvre?

Nous ne pouvons pas nous contenter d’envoyer de petites notes et observations au gouvernement et de nous attendre à ce qu’il y donne suite. Il ne le fait pas. Nous le savons. Je ne blâme même pas le ministère des Pêches. C’est le cas pour tous les organismes gouvernementaux. Cela dure depuis des années. Ma question est donc la suivante : si nous enlevions le mot « intérêts », cela vous rassurerait-il?

M. MacDonald : Je m’en remets aux membres du comité, car c’est à eux de décider s’ils veulent débattre de l’amendement. Je peux seulement m’appuyer sur ce qui se trouve dans la Loi sur les océans et la Loi sur les textes réglementaires.

Le sénateur Campbell : Non, ma question était la suivante : cela vous rassurerait-il? Je n’ai pas demandé d’explication. Seriez-vous rassuré si ce mot ne figurait pas dans l’amendement?

M. MacDonald : Je me contenterai de dire ceci : si le Parlement adoptait cet amendement et que nous proposions des règlements aux termes de la Loi sur les océans, nous aurions alors à suivre le processus décrit dans l’amendement. En même temps, nous serions aussi tenus de suivre ce qui est déjà prévu dans la Loi sur les textes réglementaires. Il y aurait alors beaucoup d’efforts en double. Nous aurions à adhérer aux deux processus en même temps parce qu’ils sont établis dans deux lois différentes.

Le sénateur Campbell : Monsieur MacDonald, vous avez déjà entendu dire que je ne pense pas que vous observez cette obligation aux termes de la Loi sur les océans. Je ne pense pas que c’est le cas. Si c’était le cas, nous n’aurions pas deux premiers ministres, un ex-premier ministre et un premier ministre qui se plaindraient de ne pas avoir été consultés. C’est important pour le Nord en raison de l’immensité de la superficie envisagée, mais ce l’est aussi à cause de l’effet que ces mesures auront sur le Bas-Canada et le Haut-Canada. Cela n’a pas l’air d’être en train de se produire. Soit qu’il n’y ait pas eu de consultation, soit que les premiers ministres se trompent et qu’ils ont reçu de mauvais conseils, ce que j’aurais du mal à croire.

La sénatrice Anderson : Je vais revenir un peu en arrière, mais je suis d’accord avec ce que le sénateur Campbell a dit. En réponse à la première question, vous avez parlé de « consulter de façon véritable » et d’examiner. J’aimerais que vous me disiez ce que cela signifie.

Vous avez également mentionné « s’il y a lieu ». Je voulais savoir ce qu’il fallait comprendre de ce « s’il y a lieu » et qui décide de cela? Par le passé, lorsqu’il s’agissait de négociations, les décisions n’étaient pas prises par un groupe autochtone. Les décisions étaient prises pour nous et on nous disait ce qu’il en était en tant que groupe autochtone. J’aimerais simplement savoir ce que cela signifie.

M. MacDonald : Je ne suis pas vraiment en mesure de répondre. Je ne suis pas ici en tant qu’expert en ce qui concerne les processus de consultation. En tant que praticien, je peux vous dire ce que l’on attend de nous. Lorsque nous parlons de consultation, c’est plus qu’un simple engagement. Les deux parties doivent s’entendre pour se rencontrer et discuter d’un sujet donné. Cela doit se faire de manière officielle. Nous sommes tenus d’expliquer ce qui est proposé, d’écouter, de réfléchir aux opinions émises et de montrer que nous avons pris en considération tous les droits que l’action ciblée est susceptible d’enfreindre. Ensuite, nous sommes aussi obligés de montrer ce que nous avons fait pour tenir compte de ces droits si l’action proposée a lieu.

C’est l’essence de ce qu’il faut comprendre. Si le comité veut en savoir plus sur ces consultations significatives et ce qu’elles signifient, je ne suis probablement pas le mieux placé pour vous expliquer la politique exacte du gouvernement à cet égard. Dans la pratique, cela signifie ce que je viens d’expliquer.

Je suis également en mesure de parler du projet de loi. Si vous le voulez, monsieur le président, je pourrais répondre aux questions sur ce que nous avons fait dans l’Arctique, mais je ne sais pas si le présent contexte se prête à cela.

Le président : Nous nous faisons une idée autour de la table de ce qui se trouve dans la loi par opposition à ce que les gens perçoivent comme étant ce qui est suivi. C’est là qu’il y a une zone grise. Je ne sais pas si quelqu’un peut vraiment nous fournir des explications sur toutes ces zones grises. Il est déjà assez difficile pour nous d’expliquer ce qui est noir et blanc.

Je ne suis pas certain, sénatrice Anderson, que cela a répondu à votre question. Il se peut que M. MacDonald ne soit pas en mesure de vous donner la réponse que vous recherchez.

La sénatrice Anderson : C’est un peu la réponse que j’attendais. Je comprends qu’il y aura une obligation, une obligation légale, de le faire.

Le sénateur Christmas : J’ai réfléchi à l’amendement du sénateur Patterson. J’essayais de me rappeler certains des témoignages que nous avons entendus au comité. Les deux personnes qui m’ont traversé l’esprit étaient Duane Smith, président et directeur général de la Société régionale inuvialuit, et Joe Savikataaq, le premier ministre du Nunavut. J’ai passé en revue leurs témoignages. J’essayais de retrouver ce qui avait été dit sur le caractère adéquat des processus de consultation actuels et sur le fait que ces processus aient été respectés ou non dans l’élaboration de cette mesure législative.

Le 6 février, le sénateur Gold a demandé à M. Smith si le processus de consultation sur la désignation des zones de protection marine était adéquat. S’exprimant au sujet du moratoire sur le pétrole et le gaz, M. Smith a dit :

Je dirais que c’est plutôt ignorant en ce qui concerne ma région. Je dis cela parce que le gouvernement a imposé un moratoire dans ma région sans aucune consultation préalable. [...] si je dis « ignorant », c’est parce que nous avons un accord définitif avec le gouvernement fédéral depuis près de 35 ans [...]

L’accord sur les revendications territoriales dans la région d’Inuvialuit est le deuxième grand traité moderne que nous avons conclu au Canada. En parlant de cet accord sur les revendications territoriales, M. Smith a dit ceci :

[...] il existe un organisme de cogestion qui s’occupe de la gestion et de la recherche marines extracôtières. Il s’agit du Comité mixte de gestion de la pêche, dans lequel sont représentés les Inuvialuit et les gouvernements territorial et fédéral.

Voici ce qu’il avait à dire au sujet de ce processus qui est en place depuis déjà 35 ans :

[...] le gouvernement fédéral fait fi du processus établi et de la responsabilité exercée dans le cadre de la cogestion.

Quand le sénateur Patterson a posé des questions sur l’impact des mesures unilatérales, M. Smith a dit :

[...] le projet de loi tel qu’il est rédigé ne respecte pas les droits que nous confère l’accord définitif. À vrai dire, il fait marche arrière parce qu’il n’y a pas de véritable consultation.

Il a dit également, à propos de ce projet de loi :

Il faut prévoir un mécanisme ou un processus dans ce projet de loi pour reconnaître nos droits et donner suite aux nombreuses décisions des tribunaux qui affirment la nécessité d’une consultation adéquate.

Le sénateur Patterson est revenu à la charge et lui a posé des questions sur l’étendue de la consultation. Faisant allusion au moratoire sur le pétrole et le gaz, voici ce que M. Smith a répondu :

[...] pour peu que vous considériez qu’un appel téléphonique 20 minutes avant l’annonce du moratoire constitue une consultation, c’est tout ce que le gouvernement fédéral a fait pour travailler — ou ne pas travailler — avec nous à la préparation du moratoire. Il y avait des entreprises qui avaient des droits d’exploration extracôtière à l’époque, et c’était essentiellement pour elles le signal de fermeture. Il n’y a donc pas eu, à proprement parler, de consultation à ce sujet.

[...] cela dépend, encore une fois, de ce que vous entendez par l’étendue de la consultation.

En ce qui concerne le projet de loi C-55, voici ce qu’il avait à dire :

Nous avons été avisés que ce projet de loi était en cours de rédaction. On nous a dit : « Veuillez nous faire part de vos commentaires, venez nous voir et faites-nous connaître vos commentaires, si vous en avez. » Si je me souviens bien, il n’y a pas eu de sensibilisation dans la région touchée par le projet de loi, et je pense qu’il devrait y en avoir parce que nous sommes en démocratie. L’avant-projet de loi devrait donc s’adresser à la population pour qu’elle puisse y participer comme il se doit.

C’était le PDG de la Société régionale inuvialuit, un détenteur de droits, qui essayait de mettre en œuvre l’accord de revendication territoriale. Il dit que la norme prévue aux termes de l’accord de revendication territoriale est beaucoup plus rigoureuse que ce qui est prescrit dans le projet de loi C-55. Il voulait avoir l’assurance que le projet de loi C-55 répond au moins à la norme la plus rigoureuse.

Je pourrais peut-être me tourner de nouveau vers notre autre témoin, l’honorable Joe Savikataaq, premier ministre du Nunavut. Lui aussi répondait à une question du sénateur Patterson sur la façon dont ils souhaitent participer au processus de désignation des zones de protection marine. Le premier ministre a parlé du projet de loi C-55 en ces termes :

[...] nous ne sommes pas contre le processus. Nous voulons en faire partie. Nous sommes le gouvernement du Nunavut, et c’est notre région. Et c’est exactement comme les provinces qui lancent un débat et font connaître leurs insatisfactions si un énorme morceau de leur région côtière leur est retiré sans leur consentement et presque sans qu’elles le sachent.

À ce moment-là, j’ai demandé au premier ministre s’il était d’avis que quelque chose devrait être inséré dans le projet de loi C-55. Je lui ai suggéré ceci : le projet de loi devrait-il prévoir une structure de collaboration? Devrait-il y avoir un groupe de travail ou quelque chose qui aiderait à identifier les zones avant que les décisions finales soient prises?

Le premier ministre a répondu :

Je pense qu’il s’agit d’une bonne recommandation, pourvu que nous fassions partie du processus. Il faudrait qu’un représentant du Nunavut fasse partie du groupe de travail.

Comme je n’arrête pas de l’affirmer, nous ne sommes pas contre les zones de protection marine. Nous voulons faire partie du processus dès le moment où on commence à déterminer quelles zones on veut protéger et de quoi on veut les protéger. Généralement, les groupes de travail fonctionnent très bien; ils effectuent tout le travail sur le terrain, puis cela remonte à l’échelon politique. C’est là que le projet commence à prendre forme, une fois qu’ils ont fait leur travail.

Ces deux témoins veulent que ce projet de loi offre un certain réconfort ou un mécanisme permettant aux groupes de défense des droits des Autochtones et au gouvernement territorial de participer à une partie du processus de désignation des zones de protection marine.

Cela me porte à croire que ce que nous avons en place est inadéquat malgré l’obligation de consulter, malgré les droits garantis par l’article 35 et malgré les processus en place. En tant que parlementaires, nous savons que, pour les peuples autochtones, l’obligation de consulter a vraiment échoué lamentablement, et ce, malgré toutes les lois et toutes les décisions rendues par les tribunaux.

Je trouve que l’amendement du sénateur Patterson est très modeste. Il ne fait aucune référence aux droits. Il se contente d’essayer de définir et d’élaborer un processus clair et précis sur la façon dont les titulaires de droits et les gouvernements territoriaux touchés par ce projet de loi pourront être intégrés aux prises de décisions.

Chers collègues, j’appuie ce projet de loi. Je conviens que certains ajustements pourraient être apportés ici et là. Comme je m’intéresse à la politique autochtone depuis une quarantaine d’années, j’ai de la difficulté à faire confiance au gouvernement. Le projet de loi pourrait être plus précis, plus détaillé et plus achevé. Au minimum, les deux régions des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut et leurs deux gouvernements territoriaux devraient se voir donner l’assurance et la quiétude d’esprit que la désignation des zones de protection marine obéira à un processus détaillé afin d’assurer qu’ils seront impliqués, mobilisés et dûment consultés.

La sénatrice Poirier : Je n’ai pas vraiment de question. Il s’agit plutôt d’une observation que j’aimerais ajouter au débat.

J’ai écouté très attentivement toutes les discussions en cours. J’ai écouté très attentivement l’exposé du sénateur Patterson la semaine dernière. J’ai écouté très attentivement les témoins que nous avons entendus sur cette question et j’ai de nouveau écouté très attentivement les observations formulées par le sénateur Christmas au sujet de certaines interventions antérieures.

À mon sens, ce qui est le plus important à retenir de tout cela, c’est que nous devrions peut-être rejeter cet amendement puisqu’il semble, aux dires des fonctionnaires et des gouvernements, que son objet est déjà couvert par deux lois distinctes, nommément la Loi sur les océans et cette autre loi qui existe déjà. Même si les lois établissent que ces droits seront protégés, il est évident, d’après ce que nous entendons, que cela ne fonctionne pas. Les gens de la région, ou ceux qui comprennent les problèmes et qui sont passés par là, nous ont dit que ce qui existe ne fonctionne pas.

Je suppose que mon argument est que si cette disposition existe déjà et que vous pensez que vous ne devriez pas la remettre par crainte de redondance, où est le problème? Pourquoi hésitons-nous même à la remettre si elle ne fait que renforcer ce qui existe déjà? À part les quelques réserves qui ont été évoquées à propos de mots — les « doit », les « peut » et cette question des « intérêts » —, je ne comprends pas tout cet émoi. Qui a-t-il de si grave à rejeter cet amendement?

Je vais appuyer l’amendement. C’est bien de l’appuyer. C’est formidable d’écouter les gens sur le terrain. J’ai toujours été une partisane des consultations. J’ai vu des problèmes au Nouveau-Brunswick et partout où les gens n’ont pas été consultés, et j’ai vu les résultats de cela. Je ne vois pas pourquoi nous devons continuer à discuter de cette question pendant des heures et des heures alors que l’importance de cet amendement pour renforcer ce qui doit être fait est évidente.

Je voulais que cela soit consigné.

Le président : Merci, madame la sénatrice Poirier. Pour en revenir à votre sujet de discussion, je crois comprendre que, pour certaines personnes, il s’agit d’un processus qui prend du temps. En tant que président, je fais de mon mieux pour donner amplement l’occasion à chacun de faire valoir son point de vue — comme l’a fait le sénateur Patterson au sujet de son amendement — et lui donner la chance de dire pourquoi il est d’accord ou non.

Mardi soir, je savais que cette conversation allait être longue. C’est pourquoi nous avons ajourné la séance. Nous voulions avoir suffisamment de temps ce matin pour faire les choses correctement.

Le sénateur McInnis : Loin de moi l’idée d’être répétitif, mais je tiens à signaler que le sénateur Christmas a dit beaucoup de choses que je voulais dire.

Je participe actuellement à une discussion au sujet d’une zone de protection marine. Il est très important de comprendre que cet amendement concerne ce qui se passe avant une ordonnance. Ce n’est pas pendant, mais avant. Je pourrais vous parler de l’anxiété et de la crainte des collectivités rurales lorsqu’elles apprennent, une fois la désignation décrétée, qu’il y aura des consultations. Ce que cela veut dire, c’est que ce travail d’enquête devra être fait avant qu’une ordonnance ne soit rendue.

Vous n’en avez peut-être pas fait l’expérience. C’est ce que je vois présentement. Les gens sont terriblement contrariés. C’est en train de déchirer certaines collectivités; c’est terrible. Les gens ne savent pas s’il y aura un gel de la pêche au homard. Ils ne savent pas s’ils vont devoir changer de carrière. A-t-on fait des études socio-économiques pour déterminer si les gens devront recevoir une formation dans d’autres domaines? Qu’en est-il de l’écotourisme? Toutes ces choses déchirent les collectivités.

Quatre groupes différents ont été formés. Si vous descendez la côte est de la Nouvelle-Écosse en voiture, vous verrez des panneaux professionnels de quatre sur huit et de quatre sur quatre qui disent : « Pas de ZPM ». Pourquoi? Parce qu’ils n’ont pas été consultés à l’avance. Personne n’est venu leur parler. Comme l’a dit le sénateur Christmas, ils ne savent même pas ce qui est protégé.

Ils pêchent là depuis des centaines et des centaines d’années. Les eaux sont pures. Alors pourquoi faisons-nous cela tout d’un coup? C’est ce qui est important. Tout cela est bien intentionné, toutes ces consultations et toutes ces démarches ont leur raison d’être, à condition qu’elles aient lieu. Ce n’est pas ce qui se fait, du moins, pas de façon aussi poussée qu’il le faudrait. J’ai essayé de savoir ce qu’il en était auprès du groupe qui a été touché par cette désignation. Je n’ai pas pu le faire, mais j’aurais tendance à croire qu’ils n’ont pas été consultés du tout. Pourtant, tout cela s’est produit.

Il y a toutes sortes de précédents où une loi a été évoquée dans telle ou telle autre loi. Ce n’est absolument pas problématique. Vous n’avez pas besoin de tout consolider. Il serait néanmoins extrêmement important d’aller chercher du renfort dans une autre loi.

À la fin du projet de loi, vous pourriez également faire référence à d’autres mesures législatives pour vous assurer qu’elles pourront être évoquées. Pour moi, cet amendement est formidable, et c’est quelque chose que nous devrions adopter.

Le sénateur Gold : J’ai quelques observations à formuler. J’ai un peu de mal à me faire une opinion sur cet amendement. Je comprends l’importance qu’il revêt en ce qui concerne l’apaisement des préoccupations. L’amendement va plus loin, mais je comprends cet aspect-là de l’amendement.

Les premières questions de la sénatrice Bovey nous ont permis de parler des deux côtés de la médaille. Est-ce que chaque iota de l’amendement est abordé dans la mesure législative et les directives? Si c’est le cas, l’amendement pourrait être approprié, car le processus n’est pas satisfaisant ou il ne satisfait pas les intervenants. L’amendement est cohérent d’un point de vue juridique. Toutefois, ajoute-t-il une valeur juridique à la version actuelle de la loi? J’entends le sénateur Patterson dire que, selon votre interprétation, des consultations sont nécessaires, et nous avons entendu des arguments dans les deux sens. La superposition de la valeur juridique et de l’apaisement des préoccupations importe.

Le projet de loi a pour objet d’assurer une protection provisoire en attendant la fin du processus réglementaire, qui a été décrit. Je suis préoccupé par l’incertitude qui existe quant au nombre d’ajouts qu’apporte l’amendement, comparativement à la teneur actuelle de la loi. Outre l’importance d’envoyer un message clair au gouvernement, comme le sénateur Campbell et d’autres personnes l’ont souligné, quel effet cet amendement aura-t-il sur le processus réglementaire? Je serais inquiet, comme des législateurs devraient l’être, si un amendement avait pour effet de compromettre l’objectif du projet de loi. Je ne dis pas que c’est le cas, mais je suis un peu inquiet à propos de la différence qui pourrait exister entre le libellé actuel de la Loi sur les textes réglementaires et la formulation de l’amendement proposé. En tant qu’analyste de ces questions ayant reçu une formation juridique, j’estime qu’une notion d’intérêt est très vaste et qu’elle peut vouloir dire de nombreuses choses.

Je tiens à mentionner mes préoccupations afin qu’elles figurent dans le compte rendu. Aussi salutaire que l’objectif puisse être, dans de nombreux cas, il met en évidence ce que le droit et la Constitution exigent que nous fassions et ce en quoi les processus devraient consister. Parfois, les processus sont à la hauteur, mais parfois les témoignages que nous entendons semblent indiquer que les processus sont nettement déficients.

Mon enthousiasme est tempéré par ma crainte, en tant que législateur, que, si nous adoptons l’amendement, il ait des répercussions sur les processus, des répercussions qui pourraient avoir pour effet de compromettre l’objectif du projet de loi, à savoir l’assurance d’une protection temporaire de l’environnement. Je tiens à ce que le compte rendu indique le fait que je sens que la plupart des gens assis à la table appuient cet amendement. Je suggère que nous proposions de mettre l’amendement aux voix. Il se peut qu’il nous soit renvoyé avec des modifications mineures, où il se peut qu’on nous le renvoie en disant : « Non, merci. » Nous franchirons cette étape lorsque le moment sera venu.

Ma crainte est fondée sur mon ignorance de la façon dont le processus réglementaire interne gérera un libellé redondant qui communique un message symbolique clair. Si j’étais sûr que l’amendement reproduit mot pour mot le libellé de la loi, une partie de moi dirait que l’amendement est inutile et que j’aime la concision. Si ce n’est pas le cas et que j’ignore au juste quelles seront ses conséquences, je crois que nous devrions être préoccupés. Toutefois, je ne dis pas cela nécessairement pour que cela nous fasse réfléchir à l’avenir. Il se peut que je décide de m’abstenir de voter, parce que je soutiens fermement l’objectif du projet de loi en ce qui concerne nos peuples autochtones, nos Premières Nations et les intérêts légitimes des gouvernements territoriaux et provinciaux. Le fait de ne pas savoir exactement quelles seront les conséquences de l’amendement me rend nerveux. Ils ont essayé de les décrire, mais leur description est circonscrite par le rôle qu’ils jouent auprès de nous.

La décision nous revient, mais je souhaitais vous faire part de ces préoccupations.

La sénatrice Bovey : Pourrais-je poser une question à laquelle on peut répondre par oui ou non?

Le président : Je ne sais pas si c’est possible, mais essayons.

La sénatrice Bovey : Monsieur MacDonald, nous avons entendu une personne dire qu’il n’y a eu aucune consultation en ce qui concerne la protection du bassin de l’Extrême-Arctique. Pourrais-je vous demander si, selon vous, des consultations ont eu lieu? Veuillez répondre par oui ou non.

M. MacDonald : Oui.

Le président : Tout est possible ici.

Le sénateur Patterson : Comme j’ai déjà dit beaucoup de choses, je ne tiens pas à ajouter trop d’observations, mais j’ai deux ou trois arguments à faire valoir.

Premièrement, le terme « intérêts » a été mentionné. Je vous ferais observer que, dans l’amendement, le mot « intérêts » est lié au projet de décret. Le terme n’est pas aussi général que certains d’entre vous pourraient le craindre.

Deuxièmement, je serai candide avec vous maintenant. Cela concerne les ressources extracôtières. Le mot « intérêts » rend compte de ce que je crois être les intérêts des gouvernements territoriaux et des détenteurs de droits autochtones adjacents aux zones extracôtières. Dans la revendication territoriale par les Inuits, c’est-à-dire l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, il y a une section dans laquelle il est essentiellement reconnu que les Inuits ont aidé le Canada à établir sa souveraineté dans l’Extrême-Arctique. L’économie inuite est axée sur la mer, et les Inuits ont des intérêts dans les ressources extracôtières.

Sénateur Christmas, je vous remercie d’avoir répété ce que Duane Smith a déclaré à propos de ces intérêts qui ont, en fait, été reconnus, peut-être d’une façon limitée, dans l’accord qu’ils ont négocié, grâce à l’établissement d’un groupe de travail qui n’a pas vraiment fonctionné. De même, l’une des dispositions de l’accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavut permet l’établissement d’un comité de protection marine, qui n’a jamais été mis en place. Il n’existe pas, même s’il est mentionné dans l’accord. Oui, le mot « intérêts » a une signification qui est liée aux intérêts des détenteurs de droits extracôtiers.

Premièrement, je vais mentionner simplement que, lorsque le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a négocié le transfert de certains pouvoirs du gouvernement fédéral dans les années 1980, j’étais alors premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons signé ce qui était appelé une entente habilitante en vue de l’Accord du Nord. J’étais exalté que cet accord ait été signé par un ministre de la Couronne. J’étais emballé qu’ils reconnaissent que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avait des intérêts dans la baie d’Hudson, parce que l’Ontario et le Québec reluquaient ce qui était considéré comme les ressources de la baie d’Hudson. Alors, oui, les intérêts ont une signification, laquelle est liée aux ressources extracôtières.

Deuxièmement, il y a la question de l’importance à accorder aux consultations. Dans un autre comité, nous examinons le projet de loi C-69, le nouveau processus réglementaire pour les projets majeurs au Canada. Ce processus réglementaire est assujetti à la même Loi sur les textes réglementaires et à la même directive du Cabinet. Pourtant, un chapitre complet du projet de loi C-69 porte sur les droits des Autochtones et sur les consultations, des sujets qui n’ont pas encore soulevé des questions dans le cadre de l’étude du projet de loi par le comité. Si ces dispositions conviennent au projet de loi C-69, il est préférable de pécher par excès de prudence en insérant ce qui pourrait être redondant, selon certains points de vue. Si ces dispositions sont assez bien pour le projet de loi C-69, pourquoi ne les ajoutons-nous pas au projet de loi qui nous occupe?

Mon dernier point est que les gens invoquent l’article 35. Le groupe West Coast Environmental Law a invoqué l’article 35, et M. MacDonald invoque l’article 35.

Chers collègues, l’article 35 stipule que les droits existants des Inuits, des Indiens et des Métis du Canada sont reconnus et confirmés. C’est un merveilleux résultat que nous avons tous célébré en 1982. Ensuite, il a fallu non moins de trois ans, pour obtenir que les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux se rencontrent pour définir l’article 35 — et j’ai participé à chacune de ces réunions. Quels sont ces droits? Que signifient-ils? Étoffons-les. Nous avons complètement échoué à répondre à ces questions. Cependant, ces droits ont lentement été étoffés dans le cadre de processus judiciaires. Je partage l’avis du sénateur Campbell. Nous ne voulons pas que les peuples autochtones, ou qui que ce soit d’autre, soient obligés d’entreprendre la concrétisation de leurs droits. L’article 35 ne me réconforte pas du tout.

Pour toutes ces raisons et les exemples de consultation ratée, je recommanderais respectueusement que nous appuyions cet amendement. Je suis heureux que nous ayons eu un débat constructif à ce sujet. Je pense que cela aidera grandement peut-être le ministère et peut-être le grand public à déclarer que tous les angles de ce projet de loi ont été examinés consciencieusement. Dans l’ensemble, je suis ravi d’entendre les paroles d’appui de mes collègues. Merci.

Le président : Merci, sénateur Patterson. Je crois que nous avons tous eu l’occasion d’exprimer notre opinion sur l’amendement du sénateur Patterson. Je vous remercie tous de la discussion très détaillée que nous avons eue. En ma qualité de président, mon rôle consiste à m’assurer que tous les membres ont l’occasion de prendre la parole. Nous avons certainement accordé amplement de temps à cet amendement très important. C’est assurément un processus d’apprentissage pour chacun d’entre nous.

Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion d’amendement?

Le sénateur Patterson : Pourrais-je demander un vote par appel nominal, monsieur le président?

Le président : Honorables sénateurs, nous allons maintenant procéder à l’appel nominal. La greffière du comité nommera chacun des membres du comité, en commençant par le président et en poursuivant par ordre alphabétique. Les sénateurs devraient indiquer verbalement s’ils votent pour ou contre, ou s’ils s’abstiennent de voter.

Ensuite, la greffière annoncera les résultats du vote. En tant que président, il est de mon devoir de décréter si la motion est adoptée ou rejetée, mais les résultats se passeront d’explications.

Chantal Cardinal, greffière du comité : L’honorable sénateur Manning?

Le sénateur Manning : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénatrice Anderson?

La sénatrice Anderson : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénatrice Bovey?

La sénatrice Bovey : Je m’abstiens.

Mme Cardinal : L’honorable sénateur Christmas?

Le sénateur Christmas : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénateur Francis?

Le sénateur Francis : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Je m’abstiens.

Mme Cardinal : L’honorable sénateur McInnis?

Le sénateur McInnis : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénateur Patterson?

Le sénateur Patterson : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénatrice Petitclerc?

La sénatrice Petitclerc : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénateur Campbell?

Le sénateur Campbell : Oui.

Mme Cardinal : L’honorable sénatrice Poirier?

La sénatrice Poirier : Oui.

Mme Cardinal : Il y a 2 abstentions, 9 oui et aucun non.

Le président : La motion et l’amendement sont adoptés.

L’article 5 modifié est-il adopté?

Le sénateur McInnis : J’ai préparé deux amendements. Permettez-moi de présenter le premier.

Le président : Ce sont les amendements TM3 et TM4. Nous discuterons de l’amendement TM3 en premier. Avez-vous tous une copie de l’amendement TM3?

Le sénateur McInnis : Je propose :

Que le projet de loi C-55 soit modifié, à l’article 5, à la page 4, par adjonction, après la ligne 31, de ce qui suit :

« (4) Malgré l’article 35.2, il est interdit de prendre un arrêté en vertu du paragraphe (2), sauf si le ministre :

a) peut délimiter l’emplacement géographique exact de la zone de protection marine proposée et identifier précisément les habitats et les espèces qui doivent être protégées dans cette zone;

b) publie un rapport contenant les renseignements visés à l’alinéa a) sur le site Web du ministère. ».

Si je peux me permettre de dire quelques mots à propos de l’amendement, j’aimerais mentionner qu’il oblige le ministre à déterminer exactement quelles espèces ou quels habitats seront protégés dans la soi-disant zone d’intérêt proposée avant que l’arrêté de désignation soit pris. Enfin, les conclusions du ministère doivent être affichées sur son site Web.

Les ouï-dire et les déclarations non fondées peuvent bouleverser la vie des intervenants. Les entreprises et les collectivités en général éprouvent de grandes craintes. Les rumeurs qui courent sur les régions géographiques qui seront couvertes causent des problèmes. Quelles empreintes et quelles zones sans prélèvement peuvent être en jeu? Les entreprises aquacoles qui emploient un grand nombre de travailleurs fermeront-elles leurs portes? D’après moi et d’après un grand nombre d’habitants de la province que je représente, il est important d’obtenir dès le début le plus d’information possible. Nous entendons dire que le ministère fournit ces renseignements, mais je dois vous dire que, dans le cas présent, il ne l’a pas fait.

Nous ne pouvons pas continuer à créer un voile d’incertitude quant au sort que la ZPM ou la ZPM provisoire réserve aux collectivités de ces régions. Cela dresse des groupes communautaires contre d’autres groupes communautaires. Comme je l’ai indiqué, lorsque votre gagne-pain est menacé, vous ignorez si vous serez en mesure de pêcher ou non.

Dans la région à laquelle je fais allusion, il y a 800 pêcheurs de homard. Cette pêche est la source de revenus de cette collectivité. Cette incertitude ne touche pas seulement les pêcheurs de homard. Elle a des répercussions sur les stations d’essence, les épiceries et les gens qui achètent des véhicules. Elle nuit à tous ces types d’activités. Les gens ressentent une grande consternation et anxiété à propos du fait qu’ils ignorent ce qui adviendra. Ils ne savent pas exactement quelle étendue sera couverte. Ils estiment que cette zone a une superficie de 2 100 kilomètres. C’est une grande zone qui touche un grand nombre de petites collectivités rurales. Leurs habitants ne savent tout simplement pas ce que l’avenir leur réserve.

Avant que toute empreinte entre en jeu, cela permettrait de mener des recherches pour exposer l’emplacement de la ZPM, les effets qu’elle aurait sur la collectivité, et les espèces ou les habitats particuliers qu’elle protégerait. On peut peut-être dire que le ministère fournit déjà ces renseignements, et ses employés sont tous très gentils. Comprenez-moi bien; je ne cherche pas à m’attaquer à eux. Ils peuvent dire que cela a été fait, mais ce n’est pas le cas. Le travail n’est pas terminé, et des consultations n’ont pas été menées. En ce qui concerne les Autochtones, je n’ai pas réussi à joindre le chef Gloade la semaine dernière, mais, d’après ce qu’on m’a dit indirectement, les collectivités autochtones de cette région particulière n’ont pas été consultées. Voilà ce qu’on m’a communiqué. Mon information n’est pas absolument sûre, et je le mentionne.

Voilà pourquoi je m’efforce de prévenir ces bouleversements. Comme je l’ai mentionné mardi soir, de 250 à 300 personnes ont assisté à une réunion tenue samedi après-midi. Comme je l’ai indiqué, il règne là-bas une grande incertitude. Il doit y avoir une meilleure façon de faire les choses. Nous faisons respecter cette zone à compter de l’année un, c’est-à-dire au moment où l’arrêté entre en jeu. À la fin de l’année cinq, le ministre doit prendre un règlement à cet égard, et le gouverneur en conseil doit l’approuver. Toutefois, le règlement peut être rejeté. Il pourrait l’être, ou le règlement pourrait être pris, et la zone pourrait devenir une véritable zone de protection marine.

Avant que tout cela se produise. Nous les exhortons à faire le travail qu’ils prétendent avoir fait, même si, à ma connaissance, cela n’est prescrit par aucune loi. L’amendement a pour but de donner à l’avance force de loi au fait qu’ils doivent préciser le critère que j’ai mentionné dans l’amendement.

Le sénateur Gold : J’ai trois questions à poser aux hauts fonctionnaires ici présents à propos de l’amendement dont nous sommes saisis. Je vais formuler les deux premières en même temps.

Premièrement, si l’amendement était adopté, comment en général cela modifierait-il, le cas échéant, le processus envisagé pour établir des ZPM provisoires? Je veux dire, comment cela modifierait-il le processus du point de vue de ses détails et de sa durée? Chaque zone est différente, mais veuillez répondre à la question comme bon vous semble en fournissant autant de renseignements que possible.

Deuxièmement, selon votre première réponse, cette modification compromettrait-elle l’objectif du projet de loi? Si j’ai bien compris, le projet de loi a pour but d’assurer une protection provisoire avant que tout le travail de recherche soit accompli. Si vous avez déjà décrit son objectif, nous avons besoin d’entendre de nouveau vos précisions. L’amendement compromettrait-il ou entraverait-il les objectifs du projet de loi, qui consistent à assurer cette protection provisoire ou temporaire? Si vous pouviez nous aider à mieux comprendre les répercussions de l’amendement, je vous en serais grandement reconnaissant.

M. MacDonald : Son adoption changerait le processus. L’amendement proposé demande au ministre de délimiter l’emplacement géographique exact de la zone de protection marine et d’identifier précisément les habitats et les espèces qui doiventêtre protégés dans cette zone. Cela nous placerait dans une boucle en ce sens que l’objectif global du processus que nous suivons pour créer une zone de protection marine est, au bout du compte, itératif dans la réglementation. Par l’intermédiaire de nos processus, nous essayons de définir précisément les habitats ou les espèces et l’emplacement géographique exact à la fin du processus.

Cela présuppose que nous connaissons cette information avant d’entamer la période de consultations finale. Cela nous placerait dans une boucle où nous ne serions jamais en mesure de prouver que le ministre a délimité exactement l’emplacement géographique et identifié précisément la zone de protection marine proposée parce que celle-ci n’a pas encore été déterminée. Nous entrons dans une boucle parce que nous essayons d’être exacts et précis à un stade du processus où nous tentons de déterminer cette information.

Le sénateur Gold : Je vais essayer de l’expliquer en langage populaire et, pour ce faire, j’invoquerai mon défunt père qui adorait la pêche.

Est-ce que cela aurait pour effet d’éviscérer le projet de loi?

M. MacDonald : Cela éviscérerait le projet de loi en ce sens que notre intention est de tenter d’instaurer une mesure de protection provisoire de façon à essayer de définir plus précisément l’emplacement géographique, les habitats ou les espèces exacts qui seront visés pendant la période de cinq ans. Comme le projet de loi a été rédigé de manière à ce qu’un ministre doive, après cinq ans, décider de recommander la création d’une zone de protection marine ou d’abroger l’ordonnance, l’intention du processus quinquennal est d’en arriver au point où le ministre estime qu’il peut dire précisément ce qui est protégé et définir avec exactitude l’emplacement géographique.

Le sénateur Gold : Il serait impossible d’atteindre les objectifs de ce projet de loi si ce qui semble être les exigences finales pour la désignation d’une zone de protection marine doivent être satisfaites avant qu’une zone temporaire puisse être mise en place.

M. MacDonald : C’est exact, oui.

Le sénateur Gold : Merci pour cette réponse.

Le sénateur McInnis : Un instant. Le comité s’est fait dire qu’on avait mené énormément de recherches scientifiques avant qu’une quelconque zone d’intérêt et empreinte entre en jeu. C’est ce qu’on nous a dit. Je pense que vous l’avez même dit à un moment donné, sénatrice Bovey. Avant l’annonce, on a recueilli certaines données scientifiques et certains renseignements. Sinon, pourquoi iriez-vous même dans ce secteur? Pourquoi feriez-vous une annonce alors que nous n’avez absolument aucune information? Vous n’avez pas vraiment enquêté. Vous savez que ce n’est pas vrai. Avant de décider de mettre en place une zone de protection marine provisoire, vous étiez censé faire beaucoup de travail préparatoire. Pourquoi seriez-vous là? C’est ce qu’on nous a dit.

Veuillez, je vous prie, expliquer comment cela pourrait éviscérer un projet de loi à l’égard duquel vous deviez être démocratique. Vous allez vraiment dire aux gens à l’avance, avant que tous les groupes ne soient formés, que c’est l’endroit où vous aller créer cette zone; c’est le secteur que nous allons couvrir; et, incidemment, ce sont les habitats et les espèces qui nous préoccupent et que nous voulons protéger.

En quoi cela éviscérerait-il le projet de loi? J’aimerais obtenir une réponse à cette question.

M. MacDonald : Cela éviscère le projet de loi en ce sens que la modification de l’alinéa a) contient des termes qui sont très précis. Il est question de délimiter l’emplacement géographique exact et d’identifier précisément les habitats ou les espèces qui doivent être protégés dans cette zone. Ces trois termes, « exact, précisément et doivent » obligeraient le ministre à être exact et précis et à parler de devoir à un moment où aucune de ces choses n’a été finalisée. L’objectif de la mesure de protection provisoire est d’offrir une protection provisoire. Il ne s’agit pas de faire de la zone une aire protégée, mais simplement de geler l’empreinte.

Toutefois, cela donne le temps au ministre, aux intervenants, aux autres ordres de gouvernement et aux groupes autochtones d’être convaincus que nous avons été exacts et précis, et que nous savons ce qu’on doit protéger au moment où une pleine réglementation sera mise en œuvre.

Le sénateur McInnis : Lorsque j’ai eu affaire au bureau de la greffière, on m’a suggéré les termes « exact » et « précisément ». Je n’y suis pas profondément attaché, pas du tout, mais vous savez que l’empreinte géographique serait approximative. En fait, on a dit que cette zone particulière faisait 2,165 kilomètres, à 15 kilomètres environ de la marée moyenne. Vous aviez une assez bonne idée. Quelqu’un a fait du travail préparatoire dans ce cas.

Je suis d’accord avec vous en ce qui concerne les habitats. Vous auriez une sacrée bonne idée des habitats qui s’y trouvent ou s’ils contiennent des éponges ou autres. Vous le sauriez. On apprend maintenant qu’il y a certains types d’herbes, de mousse de mer et de choses du genre. Vous en aviez une assez bonne idée, mais je ne tiens pas mordicus à « exact » ou « précisément ». Je suis profondément attaché à l’objectif global de mettre fin à l’anxiété et de faire les choses avant que l’empreinte ne soit gelée. On nous a dit qu’on avait mené les travaux préparatoires.

La sénatrice Petitclerc : Merci d’avoir soulevé ces préoccupations. J’essaie de me souvenir des universitaires et du spécialiste du domaine maritime que nous avons entendus. Ce qui m’inquiète, c’est que je crois me rappeler qu’ils ont expliqué que l’évaluation des écosystèmes et la modification de l’habitat étaient complexes. Bien qu’il s’agisse de questions scientifiques, ils ne sont pas toujours en mesure d’isoler une espèce, un habitat ou une décision géographique. Les données indiquent à ces experts que quelque chose va mal et qu’ils ont besoin de protéger cet espace.

Pareille modification limiterait vraiment la capacité d’en arriver à cette conclusion. Parfois, il peut s’agir d’un changement de température, d’un changement de nombres ou de quelque chose de beaucoup plus complexe que le fait d’avoir une espèce. Voilà pourquoi je crains fort que cela puisse contrer ce que le projet de loi essaie de faire. Je suis très favorable à l’objectif de ce projet de loi, mais c’est ce qui m’inquiète en général.

Le sénateur Campbell : J’ai du mal à comprendre ce qui cloche avec les termes « exact » et « précisément ». Je ne pense pas que ce soit définitif au bout du compte. Vous pouvez dire que c’est l’endroit où nous envisageons d’instaurer une zone de protection marine. Voilà où elle sera. C’est le secteur que nous examinons.

Au bout du compte, cela permet aux gens qui y sont d’avoir une idée de ce qui se passe, mais je ne crois pas qu’ils doivent y être tenus comme si c’était une décision définitive. Peut-être que cela changera plus on approfondira la question, plus il y aura de gens qui participent au processus et plus on obtiendra de renseignements. Au moins, on fait participer les gens, qui savent où la zone sera créée.

L’idée qu’on jette un grand filet et qu’on le rétrécisse, je ne pense pas que ce soit une mauvaise façon d’envisager la chose. Le gouvernement déteste des termes comme « exact » et « précisément », car il estime ne jamais pouvoir atteindre ces idéaux. C’est tout simplement faux. Je ne vois pas comment cela éviscère le projet de loi. Pas du tout. Un des problèmes que nous avons est celui des communications entre le gouvernement et les intervenants, si vous me permettez l’expression, et ils sont nombreux. Cela ne me pose pas problème.

La sénatrice Bovey : Je suis d’accord avec les sentiments exprimés par la sénatrice Petitclerc à cet égard.

Le sénateur Gold : J’ai entendu ce que les témoins ont suggéré. Je vais vous faire dire des choses, et je vous prierais de me corriger si je me trompe. J’ai cru comprendre qu’il s’agit du degré de précision qui sera exigé, et à juste titre, pour qu’elle devienne une zone de protection marine permanente. C’est totalement approprié à ce stade du processus lorsqu’un endroit va devenir une zone de protection marine permanente, avec tout ce que cela implique pour les intervenants, les secteurs des pêches et des transports, les titulaires de droits autochtones et d’autres personnes.

Si je comprends bien, l’objectif de ce projet de loi est de permettre, en application du principe de précaution, le maintien des activités actuelles comme le gel de l’empreinte. Nous en avons discuté. Ce serait pendant une période où les consultations, d’autres enquêtes scientifiques et des précisions géographiques ont lieu. Par définition, si nous nous soucions des consultations que réclament les intervenants, à juste titre, et que le gouvernement est obligé de tenir, comme il se doit, et qui sont renforcées par un amendement que nous avons adopté, c’est ce qui déterminera la zone géographique exacte.

Pendant les témoignages, nous avons eu des exemples de la façon dont, par l’intermédiaire de la plupart des processus qui ont eu lieu à ce jour, la carte a changé en fonction des commentaires des Autochtones et d’autres intervenants et de leurs connaissances particulières. De même, ce n’est que lorsque les données scientifiques s’approfondissent et tirent parti de ces consultations que nous saurons exactement — et ici, mon ignorance va me trahir — s’il s’agit d’une éponge ou d’un concombre de mer ou de quelque chose de semblable. Lorsque j’ai posé la question au début, c’était parce que je craignais que l’amendement fasse en sorte qu’il soit impossible de mettre en œuvre cette mesure législative dans les faits. Elle requerrait un niveau de certitude ou de précision que la Loi sur les océans en vigueur exige déjà, ce qui lui ferait perdre tout son sens. Nul besoin de cette mesure législative pour faire ce qu’elle vous permettrait de faire au bout du compte.

J’ai été familier lorsque j’ai parlé d’éviscérer. Je ne voulais choquer personne. J’hésite à employer ce terme, mais je vois la chose comme allant presque au-delà de la portée de l’étude parce qu’elle entrave vraiment l’objectif du régime de protection provisoire qui est la seule justification de ce projet de loi.

Je comprends qu’on s’oppose aux zones de protection marine et à l’incidence qu’elles ont sur les collectivités. Je sais que les collectivités de votre province sont vivement préoccupées, sénateur McInnis, et ailleurs aussi, sans aucun doute. Nous avons entendu parler du Nord, mais notre travail est de veiller à ce que tout amendement que nous adoptons n’entrave pas complètement, voire ne compromette pas, les objectifs du projet de loi.

Voilà pourquoi je ne peux pas appuyer cet amendement, à moins que j’aie mal compris. Je devrais terminer sur une question. Ai-je bien compris votre analyse?

M. MacDonald : Oui, cela en fait partie. L’autre aspect se rapporte au chapeau parce qu’il décrit l’article 35.2, qui énonce l’approche de précaution à laquelle les membres ont fait allusion.

Si nous utilisons l’approche de précaution prévue à l’article 35.2, et qu’ensuite, en dessous, on dit qu’il faut être précis et exact malgré cela, c’est ainsi que cela devient une boucle. Nous disons que le pouvoir existe parce qu’on agit par précaution de façon temporaire pour s’assurer de protéger ce que nous savons être important. Parallèlement, cet amendement nous demanderait d’être précis et exacts et de savoir à l’avance ce qui doit être protégé.

Le sénateur Christmas : Je suis d’accord avec vous, monsieur MacDonald, pour dire que les trois mots que vous avez énoncés, soit « exact, précisément et doivent » modifieraient considérablement le processus de désignation d’une zone de protection marine provisoire. Cela me frappe comme étant en contradiction avec l’intention et l’esprit de la loi.

Je conviens aussi que le ministre devrait être responsable de communiquer au public l’emplacement de la zone de protection marine provisoire que l’on propose et les espèces de valeur qui s’y trouvent. Je serais partant pour choisir de meilleurs termes que « exact, précisément et doivent ».

Pourrait-on employer d’autres termes, sénateur McInnis?

Le sénateur McInnis : Désolé.

Le président : Je crois qu’il vous demande quelque chose.

Le sénateur Christmas : Oui, je suggérais au sénateur McInnis qu’on pourrait utiliser d’autres termes pour remplacer « exact, précisément, et doivent » qui pourraient respecter l’intention de son amendement. Je suis d’accord pour dire que le ministre devrait être responsable de communiquer au public l’emplacement géographique et la valeur des habitats.

Le sénateur McInnis : Comme je l’ai dit plus tôt, ces termes peuvent être retirés et abandonnés. Je n’aime pas employer des termes génériques, mais vous pourriez même dire « est capable de délimiter l’emplacement géographique approximatif de la zone de protection marine proposée et de faire une estimation » ou des termes du genre. Le but est de préciser les choses pour que les particuliers et les collectivités côtières sachent où cette zone se situera environ. C’est difficile d’insister davantage sur le fait que c’est très important pour eux. L’autre point est qu’ils doivent savoir exactement ce qui sera protégé.

On pourrait se retrouver dans une situation où une entreprise aquacole de là-bas donne de l’emploi à nombre de personnes. Va-t-on lui demander de partir?

Le président : Je pense que nous savons ce que vous essayez d’accomplir avec votre amendement. Je pense que nous avons compris cette partie. La formulation semble soulever des réserves. Pour que vous puissiez faire quoi que ce soit avec votre amendement, vous devez proposer un sous-amendement pour modifier le libellé avant que nous puissions même le mettre aux voix.

La sénatrice Bovey : Puis-je vous demander comment vous annoncez le secteur général et les objectifs d’une zone provisoire proposée lorsque vous envisagez d’en créer une?

M. MacDonald : Lorsque nous avons cerné une zone d’intérêt, nous avons pour pratique de le publier sur notre site web. Nous décrivons le secteur général qui nous intéresse. Nous cernons les habitats et les espèces dont on a déterminé qu’ils valaient la peine d’être conservés. Nous décrivons en général les types d’activités humaines qui se déroulent dans ce secteur. Notre site web contient aussi une liste de toutes les consultations que nous avons tenues à ce jour, les réunions qui ont eu lieu, le sujet à l’étude et les types d’organismes qui y ont assisté. Nous y affichons aussi une carte de la zone, qui contient les principales caractéristiques écologiques. Nous l’avons fait dans les deux zones d’intérêt qu’on se prépare à réglementer entièrement. De plus, si le Parlement adopte le projet de loi C-55, nous ferons la même chose pour les zones pour lesquelles on propose une mesure de protection provisoire.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour cette explication, car c’est ce que nous avions entendu pendant les témoignages. Je comprends tout à fait comment, malgré cette information, les gens pourraient toujours s’inquiéter de leurs moyens de subsistance. Je vous remercie de nous avons rafraîchi la mémoire concernant les témoignages.

La seule autre observation que je veux faire n’a rien à voir avec la modification du libellé en ce qui concerne des termes comme « précisément » et tout cela. Nous le faisons toujours malgré le principe de précaution. Il est au cœur de cette approche à l’égard de l’instauration de mesures de protection provisoires, selon les activités en cours, ce qui, à mon sens, est un point important. Je parle maintenant à titre de professeur d’université, qui occupait un poste à temps plein dans ce domaine. Je veux dire que la certitude scientifique n’est pas possible dans la plupart des cas. Même les étudiants d’Einstein le reconnaîtraient, surtout plus nos connaissances scientifiques augmentent.

Je suis convaincu que les règles et pratiques en place prévoient une communication adéquate avec les collectivités. Elles n’aiment peut-être pas ce qu’elles entendent et pourraient s’opposer de façon légitime à ce que leur secteur soit désigné comme zone d’intérêt. Je ne peux pas m’empêcher de penser que cet amendement remettrait en question les objectifs du projet de loi. On peut voter contre le projet de loi, mais je ne suis pas certain qu’on doive le modifier de façon à le neutraliser, si je puis m’exprimer ainsi.

Le sénateur McInnis : Si vous me le permettez, j’aimerais donner mon opinion sur un point, car je ne suis pas d’accord avec l’approche de précaution que vous avez mentionnée à deux reprises. Les deux principes du fonctionnement des pêches et de la Loi sur les pêches sont qu’ils doivent être fondés sur les données scientifiques et la transparence. L’approche de précaution est de dire qu’il ne faut pas nous empêcher de donner suite au projet et d’interférer avec les moyens de subsistance des familles parce que nous n’avons pas déterminé les données scientifiques, les habitats et espèces à protéger et les répercussions de la création d’une zone sur les moyens de subsistance des familles.

C’est ainsi, sénateur Gold. Je vous dis que le ministère ne peut pas dire que tout ce qu’il fait est fondé sur des données scientifiques et la transparence pour ensuite invoquer le principe de précaution. Ce principe dit, en gros : « Nous n’avons pas mené les recherches scientifiques nécessaires, mais cela ne nous empêche pas d’apporter notre empreinte et de la geler. »

Le sénateur Gold : Sauf votre respect, sénateur McInnis, je pense que nous avions des preuves qui étaient différentes. Bien des données scientifiques servent à cerner une zone d’intérêt. Quel niveau de certitude doit nous donner les preuves scientifiques avant que nous prenions des mesures de protection, du moins temporairement, pendant que nous menons d’autres recherches scientifiques et vérifions, entre autres, l’incidence socioéconomique et les plans de gestion? Selon ce que je comprends des témoignages que j’ai lus et du principe, ce n’est pas que nous ne nous soucions pas des données scientifiques, que nous allons privilégier des mesures fondées sur un engagement idéologique à l’égard de l’environnement plutôt que les moyens de subsistance. C’est plutôt que nous n’allons pas attendre le dernier iota de certitude scientifique, qu’on n’atteindra peut-être jamais, avant de prendre des mesures pour protéger des milieux dont nous avons déterminé qu’ils étaient à risque en nous fondant sur des données scientifiques. Je pourrais me tromper, mais c’est ainsi que j’ai compris les témoignages que nous avons entendus.

Le sénateur McInnis : L’approche de précaution, sénateur Gold, montre que les recherches scientifiques n’ont pas été menées à bien. C’est ce qui se produit. On procède sans preuves scientifiques solides. En fait, il n’est écrit nulle part qu’après cinq ans on continuera les recherches scientifiques. Il n’en est nullement mention.

Soit le ministère s’appuie sur les données scientifiques, soit il ne le fait pas. Je ne suis simplement pas d’accord avec le fait d’invoquer le principe de précaution. Vous et moi devrions sortir un soir de grand vent pour en discuter.

Le sénateur Gold : Pourquoi n’allons-nous pas à l’extérieur?

Le sénateur McInnis : Peut-être que je peux proposer un amendement à l’amendement que j’apporte à mon amendement ou un sous-amendement.

La sénatrice Petitclerc : Très brièvement, je veux abonder dans le même sens que le sénateur Gold. Je me souviens très bien de l’explication que les scientifiques nous ont donnée de l’approche de précaution et par laquelle ils nous ont prouvé qu’on suit vraiment une démarche scientifique lorsqu’on opte pour cette approche. C’est une certitude. Ils nous ont bien montré que lorsqu’il est question de l’environnement et de bien des choses, il est difficile d’être certains à 100 p. 100, et que, lorsqu’un danger plane sur un environnement vulnérable, pour le bien de la planète, on ne peut pas se permettre d’attendre d’être sûrs à 100 p. 100.

Voilà ce que je crois comprendre des explications que nous ont données les témoins concernant l’approche de précaution. Je voulais le consigner.

Le sénateur McInnis : Mon amendement ne porte pas sur cette question.

Le président : Je vais aborder un point très brièvement. Il est 9 h 51. La greffière m’a informé qu’il faut finir à 10 heures au plus tard, parce qu’un autre comité viendra dans cette pièce. Nous sommes à l’amendement TM3, qui sera suivi de l’amendement TM4, et nous envisageons maintenant un sous-amendement. J’ai besoin de vos avis. Il nous reste neuf minutes pour traiter cet amendement et un autre. Je ne sais pas comment on pourra arriver à bien le faire. Nous allons simplement continuer jusqu’à la fin de la séance.

On me dit qu’on ne peut pas traiter maintenant le sous-amendement parce qu’on n’a pas le libellé dans les deux langues officielles, et ce n’est pas moi qui vais vous le fournir. Voulez-vous suggérer un sous-amendement à votre amendement?

Le sénateur McInnis : Oui.

Le président : L’avez-vous dans les deux langues officielles?

Le sénateur McInnis : Nous avons des personnes ici qui peuvent le traduire, et je vous fais confiance.

Le président : Vous pourriez nous fournir la traduction.

Le sénateur Patterson : Cela ne fait pas partie de la description de tâches.

Le président : Je veux que tout le monde sache qu’il nous reste toujours un autre amendement auquel nous devons travailler et qu’il nous est impossible de le faire pendant le temps qu’il nous reste.

Pour notre prochaine réunion qui se tiendra le 2 avril, le ministre a confirmé sa présence pour parler du projet de loi C-68. Croyez-moi, je ne blâme personne pour cette discussion parce que nous devons tenir une saine discussion, mais le plan, ce matin, si les choses étaient allées un peu plus vite, était de discuter de certains des témoins que nous proposons d’inviter pour étudier le projet de loi C-68.

Nous avons deux semaines en avril, et je demanderais au comité d’autoriser les membres du comité directeur à décider de la liste de témoins pour les deux premières réunions sur le projet de loi C-68, qui comprend le ministre. Il sera ici pendant une heure, je crois, le 2 avril, si bien que nous conclurons l'étude desdeux amendements que nous avons sur le projet de loi C-55 ce jour-là. Je demande qu’on autorise le comité directeur à décider qui nous inviterons comme témoins pendant les trois autres réunions que nous tiendrons en avril.

Dans le cadre de ces trois réunions, nous trouverons le temps de parler des témoins pour les réunions de mai et de juin sur le projet de loi C-68, quand nous le pourrons. Ce n’est pas la situation idéale, j’en conviens, mais j’essaie de trouver un compromis. Nous n’aurons pas le temps de tenir une réunion du comité directeur et de revenir devant le comité pour décider quels témoins nous convoquerons dans le cadre de l’étude du projet de loi C-68.

Nous devrions pouvoir déterminer qui sont nos premiers témoins. Nous avons des demandes. Êtes-vous d’accord?

Des voix : D’accord.

Le président : Si vous avez le sous-amendement, sénateur McInnis, je vous prie de le remettre à la greffière dès que possible. Il nous reste un amendement, soit le TM4.

Je remercie tous les sénateurs de leurs excellentes contributions ce matin et les employés des ministères qui sont venus comme témoins pour répondre à nos questions. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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