Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 41 - Témoignages du 4 avril 2019
OTTAWA, le jeudi 4 avril 2019
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 8 h 5, pour examiner la mesure législative; et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m’appelle Fabian Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis heureux de présider la séance de ce matin. Avant de donner la parole à nos témoins, j’aimerais inviter les membres du comité à se présenter.
Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, Nouveau-Brunswick.
[Français]
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
[Traduction]
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, Nouvelle-Écosse.
[Français]
Jean Lanteigne, directeur général, Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels inc. : Jean Lanteigne, directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels située à Shippagan, au Nouveau-Brunswick, au cœur de la péninsule acadienne. Bonjour.
[Traduction]
Rick Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels : Rick Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels.
Le sénateur Campbell : Larry Campbell, Colombie-Britannique.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Busson : Bev Busson, Colombie-Britannique.
Le sénateur Gold : Marc Gold, Québec.
Le président : Et par vidéoconférence, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Keith Sullivan, président, Fish, Food and Allied Workers : Keith Sullivan, du syndicat Fish, Food and Allied Workers. Bonjour.
Le président : Le comité poursuit son étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence. Ce matin, nous sommes heureux d’accueillir trois témoins. Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence. J’ai cru comprendre que vous avez chacun une déclaration liminaire, et nous vous donnerons donc l’occasion de la présenter, pour ensuite passer aux questions des sénateurs.
M. Sullivan : Merci beaucoup. Il y a de la rétroaction. M’entendez-vous bien?
Le président : Oui.
M. Sullivan : Merci.
Je représente près de 15 000 hommes et femmes qui travaillent à Terre-Neuve-et-Labrador et qui sont membres du syndicat Fish, Food and Allied Workers. Beaucoup d’entre eux sont employés dans l’industrie de la pêche, dont 10 000 pêcheurs. Les membres du syndicat vivent dans près de 500 collectivités dans toutes les régions de notre province. Un grand nombre de ces collectivités existent depuis des siècles, et elles ont presque toutes été fondées à cause de la pêche. La pêche côtière est le principal moteur économique des collectivités côtières à Terre-Neuve-et-Labrador et a contribué à la création d’une classe moyenne très forte.
Aujourd’hui, mes observations mettront l’accent sur les dispositions concernant la gestion des pêches dans le projet de loi C-68, plus précisément sur les éléments suivants à considérer à l’article 2.5 :
[...] les facteurs sociaux, économiques et culturels dans la gestion des pêches [...]
Et :
[...] la préservation ou la promotion de l’indépendance des titulaires de licences ou de permis dans le cadre des pêches côtières commerciales [...]
Nos pêcheries subissent des changements radicaux attribuables à des changements dans l’écosystème. Certains stocks de mollusques et de crustacés qui représentaient une ressource abondante au large de nos côtes sont en déclin, tandis que les stocks de poissons de fond, comme l’emblématique morue du Nord, s’accroissent considérablement. Ce qui est certain, c’est que pendant cette période de transition, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre en vases clos des décisions sur les pêches. Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer la mine de connaissances offerte par les personnes qui passent leur vie sur les bateaux.
L’ajout d’éléments à considérer pour la prise de décisions dans la Loi sur les pêches, soit les facteurs sociaux, économiques et culturels ainsi que la préservation ou la promotion de l’indépendance des titulaires de licences ou de permis de pêche côtière, contribuera à gérer nos pêches en tenant compte non seulement des gens, mais aussi des collectivités.
Il ne serait pas exagéré pour moi de dire que les politiques de développement économique les plus importantes pour les régions et les collectivités côtières de Terre-Neuve-et-Labrador sont celles sur la séparation des flottilles et sur les propriétaires-exploitants. Ces politiques ont maintenu en place une flottille viable de pêche côtière et ont injecté une richesse considérable aux quatre coins de notre province. Les pêcheurs côtiers, leurs familles et les collectivités reconnaissent l’importance de ces politiques, mais certains ne voient pas l’utilité de protéger ces importantes mesures.
Au cours des 20 dernières années, les politiques sur les propriétaires-exploitants et sur la séparation des flottilles ont subi une attaque soutenue, surtout de la part des entreprises de transformation.
Cette attaque soutenue a eu de graves répercussions économiques pour la pêche et les régions côtières. Les entreprises ont ainsi accaparé une grande partie des permis et siphonnent vraiment la richesse et les bienfaits des ressources halieutiques côtières au détriment de nos collectivités côtières adjacentes. Ce qui est particulièrement préoccupant est l’incidence que ce contrôle — on parle parfois d’accords de fiducie — a eue sur le coût des permis de pêche. Il est effectivement devenu très difficile pour les jeunes d’entrer dans le secteur de la pêche. Je sais que votre comité entendra de nombreux témoins en étudiant cette mesure législative, mais j’aimerais vous raconter une histoire qui attire vraiment l’attention sur l’importance du projet de loi C-68 pour les jeunes pêcheurs dans notre province et pour les futurs pêcheurs.
Stephanie est une pêcheuse de Port de Grave. Je l’ai rencontrée au dernier congrès syndical. Son père a été un membre actif de notre syndicat au fil des ans. Je me contenterai de dire que Wayne et moi avons eu de nombreuses discussions animées sur différents sujets. Nous nous sommes toutefois toujours entendus pour trouver des façons d’intégrer des jeunes au secteur. C’est ce que Wayne a fait. Il a encouragé sa fille à aller pêcher.
Stephanie, comme beaucoup de personnes ayant grandi pendant le moratoire, a choisi un cheminement de carrière différent. Après 13 années à faire un travail qui ne la passionnait pas vraiment, elle a effectué un virage. Avec le soutien et l’encouragement de sa famille, elle a commencé à pêcher la morue avec son père. Elle est ensuite passée au crabe, au capelan et à d’autres espèces. Même si elle vient d’une famille de pêcheurs, elle a dû livrer une bataille incessante en tentant d’exploiter sa propre entreprise, de soutenir sa famille et de contribuer au maintien de la valeur de sa collectivité. C’est pour cette raison que nous avons besoin de ces solides protections juridiques dans le projet de loi C-68 pour prévenir les accords de contrôle.
Chers sénateurs, vous avez l’occasion de faire en sorte que les jeunes pêcheurs ne soient pas évincés, ne soient pas victimes de surenchères à Bay Street ou de la part de personnes à l’extérieur de nos provinces qui sont prêtes à payer plus cher pour les permis. C’est pour cette raison que le projet de loi C-68 peut venir en aide. L’histoire de Stephanie est semblable à celle de nombreux autres jeunes pêcheurs passionnés qui n’ont pas le capital ou qui sont victimes des meilleures offres de grandes entreprises de transformation qui sont parfois d’origine étrangère.
Le problème est que les politiques relatives à la séparation des flottilles et aux propriétaires-exploitants sont devenues très faciles à contourner au cours des dernières années. Les équipes juridiques d’entreprises ont mis au point ces accords de fiducie ou de contrôle en vertu desquels le titulaire d’un permis doit en transférer l’intérêt bénéficiaire à une autre partie qui n’a pas légalement le droit d’en posséder un. Dans ces transactions, le contrôle exercé sur la façon d’utiliser, de vendre ou de gérer un permis est également accordé à une tierce partie qui n’a pas légalement le droit d’en posséder un. C’est pour cette raison que les pouvoirs d’exécution sont également essentiels à la protection des propriétaires-exploitants.
Les pêcheurs propriétaires et exploitants procurent un avantage stratégique à l’économie du Canada. Une seule politique ne suffit pas pour protéger les facteurs sociaux, économiques et culturels de nos collectivités côtières. C’est pourquoi, grâce à la force d’une loi, ces politiques seront plus rigoureuses et prévoiront des conséquences juridiques pour les sociétés qui maintiennent les pêcheurs dans ces accords de contrôle. La protection des pêcheurs propriétaires et exploitants est une des meilleures façons de bâtir une classe moyenne forte, de créer des emplois et de renforcer l’économie dans des centaines de nos collectivités, comme la petite ville où j’ai grandi, Calvert. Et comme je l’ai dit, des centaines d’autres personnes dépendent de la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador et dans le reste du Canada atlantique. La pêche côtière peut jouer un rôle majeur pour bâtir une économie dans les collectivités côtières afin que personne ne soit laissé pour compte, et le syndicat, Fish, Food and Allied Workers, et nos membres croient fermement que le projet de loi C-68 est extrêmement important pour l’avenir de notre industrie.
Merci de l’occasion de témoigner. Je vais arrêter mes observations ici. Merci de votre temps. J’aurais aimé être avec vous en personne aujourd’hui et je suis impatient d’entendre vos questions, mesdames et messieurs les sénateurs.
Le président : Merci, monsieur Sullivan.
[Français]
M. Lanteigne : Bonjour. Je vais faire ma présentation en français.
[Traduction]
Je commence par dire que j’ai ajouté certaines choses à mon exposé d’aujourd’hui. Les notes vous seront probablement transmises plus tard.
[Français]
Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, tout d’abord, merci de nous permettre de comparaître ici sur un sujet extrêmement important pour tous les membres que je représente aujourd’hui. Je tiens à souligner que la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels a célébré son 50e anniversaire de fondation l’an dernier.
Tout d’abord, nous nous réjouissons de l’initiative prise par le ministre de Pêches et Océans Canada de préciser et de renforcer plusieurs aspects de la Loi sur les pêches, notamment la protection du poisson et de son habitat, sans quoi nous n’aurions aucune pêche.
Nous pratiquons en terre canadienne la pêche et son métier depuis la venue de Jacques Cartier. Il en est de même pour les Premières Nations qui, elles, le font depuis encore plus loin dans le temps. Nous possédons sans doute une connaissance profonde du poisson et de son habitat. En ce sens, nous nous réjouissons de l’introduction de l’article 2.5, qui vient moderniser la loi et donner des outils de gestion intéressants au ministère des Pêches et des Océans. Depuis plusieurs années, nous gérons les pêches par espèces. Avec les changements climatiques, nous devons considérer des approches écosystémiques et non en silos, comme nous le faisons présentement, alors que la pêche de l’un devient l’ennemi de l’autre. Inclure les connaissances des collectivités et, enfin, étendre la vision pour inclure les facteurs sociaux, économiques et culturels répond à nos demandes d’élargir le mandat du ministère qui, à ce jour, ne tenait compte que de « conservation et de protection » dans son approche et dans son cadre de gestion. Ceci répond plus amplement au concept de pêche durable d’aujourd’hui.
Toujours en ce qui a trait à l’article 2.5, l’alinéa h) vient inclure dans la loi la politique du propriétaire-exploitant, comme Keith l’a précisé un peu plus tôt.
Nous saluons ces nouvelles dispositions du projet de loi C-68 qui visent à protéger notre mode de vie et à déjouer toutes sortes d’individus et de compagnies qui tentent de s’approprier les privilèges accordés à des pêcheurs qui souhaitent gagner honnêtement leur vie et qui permettent à nos communautés côtières de demeurer vivantes et dynamiques.
Il y a un élément positif à cette affaire : nous sommes victimes de notre succès. C’est la preuve que nos entreprises de pêche sont prospères. C’est nouveau. Nous nous sommes sortis d’une vie de pauvreté, de subsistance et de misère au moment où nous avons été en mesure de nous débarrasser des grandes compagnies étrangères qui exploitaient nos pêcheurs. Rappelons-nous le temps des compagnies Loggie, Robin et Jones, Fruing, et cetera.
Avec l’arrivée de ce nouveau projet de loi, plusieurs propriétaires d’usines de pêche ont mis en œuvre des stratégies de lobby auprès de députés de différents partis, et probablement auprès de certains d’entre vous. Ne soyons pas dupes. Ils argumentent qu’ils génèrent beaucoup d’emplois et qu’ils n’ont aucune garantie d’accès à la ressource, mais le véritable générateur d’emplois, c’est le pêcheur lui-même. C’est avec lui que tout débute. Sans le pêcheur, pas de poisson, pas de débarquement, pas d’activité économique. Ce concept d’intégration verticale dans les pêches canadiennes du Canada atlantique aurait pour conséquence immédiate de ruiner bien des communautés côtières.
Lors de la dernière révision de la Loi sur les pêches par le précédent gouvernement, nous nous sommes retrouvés avec une quantité de nouvelles dépenses en sus des coûts de permis déjà existants, notamment les frais pour le pesage à quai, les observateurs en mer, les coûts pour les sciences, l’imposition de surveillance en mer et le journal de bord.
En conséquence, dans le cas de nos pêches, pour le crabe et les crevettes, le gouvernement du Canada est, dans bien des cas, la deuxième ou la troisième dépense en importance, après le salaire des pêcheurs et le mazout. Est-ce normal? Posons-nous la question. Nous disons que non. De plus, ce système est inéquitable.
Pour votre information, parce qu’ils sont à quotas individuels transférables (QIT), les coûts de permis imposés aux crevettiers sont de 66 $ la tonne et de 137,50 $ pour les crabiers, ce qui représente cette année une moyenne de 20 000 $, alors qu’un permis pour la pêche au homard coûte 100 $. De plus, la majorité des autres pêches n’ont pas à verser de frais pour les points énumérés plus haut. Voilà la réalité.
Nous souhaitons que la nouvelle loi permette d’équilibrer la situation. Nous aimerions voir un modèle équitable pour tous et basé sur les revenus, plutôt qu’un système arbitraire qui n’a rien à voir avec la réalité économique d’une pêcherie en particulier.
Parlons maintenant de relève et de formation. Nous savons tous que la formation est de responsabilité provinciale. Toutefois, dans le cas particulier des pêches où l’accès à un permis passe par le gouvernement fédéral, nous avons ici une espèce d’animal à deux têtes. Le projet de loi C-68 ne traite pas de cette situation, et nous considérons qu’il y a ici une lacune importante.
Parlons d’abord de la relève. L’âge moyen des pêcheurs est très élevé partout au Canada. Chez nous, il est de 57 ans et il continue d’augmenter. On fait souvent de l’humour en disant que c’est la variété Heinz. Nous recrutons très peu de jeunes dans ce métier pourtant intéressant. Une des raisons qui explique cette situation est que l’accès à un permis devient de plus en plus difficile. Les permis sont plus en plus coûteux et, souvent, ils sont entre les mains d’avocats, de comptables ou de fiscalistes qui jouent au plus offrant et qui, la plupart du temps, ont des profils d’affaires pour le moins douteux.
L’accès à des programmes de financement est inexistant ou insuffisant. Les montants demandés pour obtenir un permis sont hors de portée pour un jeune pêcheur qui veut faire carrière. Présentement, nous assistons à un système où seuls les mieux nantis peuvent acquérir un permis. Le résultat est une forme de rationalisation ou de concentration.
À mon arrivée à la direction de la fédération, un permis de crabe des neiges se transigeait aux environs de 2 millions de dollars — déjà une somme plus qu’importante pour un jeune de 25 ou 30 ans. Dix ans plus tard — et nos données remontent à il y a trois semaines —, un permis a été transigé, sans le prix du bateau, à plus de 8 millions de dollars. Vous comprendrez que cela n’a aucun de sens. Le ministère répond que le problème n’a rien à voir avec lui, et on ferme les yeux. À ce rythme, nous allons vite frapper un mur. Il faut se réveiller et se pencher sur ce problème.
Posons-nous la question : qui va pêcher? Quoi? Comment? Comme pays, comme État, comment préparons-nous les jeunes à répondre à tout ceci?
Je terminerai avec une anecdote. L’été dernier, un navire de recherche de Pêche et Océans Canada, le Teleos, était en mer avec son personnel d’opération et ses équipes de scientifiques du ministère des Pêches. Or, on a dû revenir à quai, car on avait déchiré le chalut. Personne à bord ne s’y connaissait. Ils ont dû faire venir par avion un pêcheur de Terre-Neuve afin d’effectuer les réparations. Le bateau est donc rentré à Rivière-au-Renard, en Gaspésie. Au-delà des coûts et de la perte de temps pour tous, cela illustre très bien où nous en sommes.
En conclusion, nous avons besoin que le projet de loi C-68 soit adopté le plus rapidement afin de passer à sa mise en œuvre.
Merci de nous avoir écoutés.
[Traduction]
Le président : Merci.
M. Williams : Je suis ici aujourd’hui à titre de directeur de la recherche pour le Conseil canadien des pêcheurs professionnels, le conseil sectoriel national des ressources humaines pour l’industrie de la pêche au Canada. Nous représentons les organisations de pêcheurs dans les pêches commerciales, y compris les pêches autochtones, et notre mandat principal est le renouvellement de la main-d’œuvre.
Le projet de loi C-68 comporte de nombreuses dispositions importantes que nos membres appuient, notamment le respect des droits des Autochtones, l’amélioration de la conservation des stocks et de la protection de l’habitat, et le renforcement de la surveillance et de l’application de la loi pour réduire la pêche illégale. Toutefois, nous concentrons ici nos commentaires sur l’article 2.5 et son nouveau libellé sur la prise en considération des « facteurs sociaux, économiques et culturels dans la gestion des pêches » et sur « la préservation ou la promotion de l’indépendance des titulaires de licences ou de permis dans le cadre des pêches côtières commerciales ».
Nous croyons comprendre que ces dispositions sont incluses dans la loi afin de confirmer le pouvoir du ministre de modeler les politiques de délivrance des permis, les décisions en matière de répartition et les plans de gestion des pêches en fonction des objectifs sociaux, culturels et économiques, un pouvoir qui a été contesté dans de récentes procédures judiciaires.
Les membres du conseil appuient sans réserve ce libellé dans le projet de loi C-68, car l’exercice stratégique de l’autorité et de la responsabilité du ministre dans ces domaines est d’une importance cruciale pour le renouvellement de la main-d’œuvre. Nous avons récemment terminé une étude triennale de 1,7 million de dollars, financée par Emploi et Développement social Canada, sur les tendances de l’offre et de la demande de main-d’œuvre dans le secteur canadien de la pêche. Nous avons transmis le rapport au secrétariat du comité.
Les principales conclusions de l’étude sont, notamment : premièrement, l’industrie canadienne de la pêche connaît actuellement une croissance sans précédent en raison de la forte augmentation de la demande mondiale pour les produits de la mer. Depuis la fin de la grande récession en 2009, la valeur après inflation des exportations de produits de la mer a augmenté des deux tiers, et le revenu moyen des pêcheurs a doublé. J’ai annexé à votre document des données à ce sujet.
Selon la façon dont cette croissance est gérée, la pêche a le potentiel de générer un renouveau économique fort nécessaire dans les régions rurales et côtières ainsi que dans les collectivités autochtones du Canada.
Deuxièmement, nous avons du poisson et nous avons une demande du marché. La réduction de l’offre de main-d’œuvre constituera le principal obstacle à la réalisation de ce potentiel de croissance. Les données démographiques confirment que plus de 40 p. 100 de la main-d’œuvre actuelle — capitaines et équipages — se retireront de cette industrie d’ici 2025. En raison du déclin à long terme de la population rurale et de l’exode des jeunes, il n’y a tout simplement pas assez de nouveaux venus potentiels dans les collectivités côtières pour les remplacer.
Selon les données du recensement de 2016, pour l’ensemble de l’économie rurale de Terre-Neuve-et-Labrador, sur 100 travailleurs qui atteignent l’âge de la retraite, il n’y a que 60 jeunes qui entrent sur le marché du travail. Dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique, il y en a 75, et dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick et du Québec, seulement 70. De 25 à 40 emplois ne seront pas comblés dans toutes les industries rurales, à moins que l’on n’attire de nouveaux venus de l’extérieur de ces régions. Ce n’est pas juste un problème de l’industrie de la pêche; c’est un problème économique rural.
Au fur et à mesure que la valeur du poisson dans l’eau augmente, comme Jean l’a souligné, la valeur marchande des droits de pêche de ce poisson ne cesse de croître, créant de nouveaux obstacles au transfert intergénérationnel des entreprises de pêche. Les membres d’équipage et les nouveaux venus dans l’industrie ont de plus en plus de difficulté à obtenir suffisamment de capitaux pour acheter des entreprises aux propriétaires-exploitants qui prennent leur retraite, tandis que les transformateurs de poisson et les investisseurs extérieurs intensifient leurs efforts pour obtenir le contrôle des permis et des quotas, contribuant ainsi à l’inflation des prix.
Il s’agit d’une question qui risque de diviser les collectivités et les organisations de l’industrie en opposant les pêcheurs qui prennent leur retraite aux nouveaux venus et aux membres d’équipage qui aspirent à devenir propriétaires d’entreprise. Il faudra innover en matière de politiques et de programmes afin d’ouvrir de nouvelles voies vers le statut de propriétaire-exploitant et d’offrir des sources abordables de prêts et de capitaux d’investissement.
Quatrièmement, la pêche en Colombie-Britannique ne connaît pas la croissance que connaît actuellement le Canada atlantique, et nous attribuons cela en grande partie à l’absence de protections relatives aux propriétaires-exploitants et à la séparation des flottilles dans la région du Pacifique du MPO. De 2009 à 2015, le revenu moyen après inflation des pêcheurs de l’Atlantique a augmenté de 125 à 325 p. 100, mais de seulement 9 p. 100 en Colombie-Britannique. Si on remonte à l’année 2000, les pêcheurs avaient des revenus plus élevés que ceux dans la région de l’Atlantique. Depuis 2000, leurs revenus — après indexation à l’inflation — ont diminué de 29 p. 100.
Dans le marché spéculatif très ouvert en Colombie-Britannique, le prix des permis et des quotas devient inabordable pour les gens qui tirent leur subsistance de la pêche. Pour continuer à pêcher, de nombreux propriétaires-exploitants doivent payer de 70 à 80 p. 100 de la valeur de leurs prises pour louer des quotas à des investisseurs-propriétaires sur la terre ferme. Il est donc compréhensible que le défi du renouvellement de la main-d’œuvre en Colombie-Britannique soit le plus décourageant avec des revenus et une sécurité d’emploi qui ne sont pas concurrentiels par rapport aux autres industries. De nombreux jeunes des communautés autochtones ont besoin de perspectives de carrière, mais dans ces conditions, ils ont très peu accès à des emplois dans le secteur de la pêche commerciale.
Dans la région de l’Atlantique, les politiques sur les propriétaires-exploitants et sur la séparation des flottilles ont permis aux petites entreprises communautaires de conserver le contrôle des droits de pêche sur les stocks de poissons adjacents. Conséquemment, la forte hausse de la demande mondiale pour nos produits de la mer depuis des décennies a généré de solides revenus pour la classe moyenne et un nouvel optimisme dans nos collectivités.
Nous faisons toujours face à des défis pour la gestion durable de nos pêches et le renouvellement d’une main-d’œuvre vieillissante, mais nous le faisons en sachant que notre industrie a maintenant un brillant avenir économique. Nous voulons que nos frères et sœurs pêcheurs de la Colombie-Britannique aient les mêmes perspectives et les mêmes possibilités. Le MPO a un rôle de leadership important à jouer pour relever ces défis imminents en matière d’offre de main-d’œuvre. Il est particulièrement important d’assurer une application plus cohérente et plus efficace des politiques sur les propriétaires-exploitants et sur la séparation des flottilles de la région du Pacifique, afin de maintenir la propriété et le contrôle des droits d’accès par les entreprises indépendantes de pêche dans les collectivités adjacentes.
Nous entrons dans une nouvelle ère en matière de politique et de gouvernance des pêches, avec de plus grandes possibilités et de plus grands risques.
Grâce à la gestion durable de la récolte et à l’augmentation rapide de la demande mondiale de produits de la mer, la pêche continuera de générer de nouvelles richesses importantes. Mais la question essentielle qui demeure est : qui en bénéficiera?
À mesure que l’industrie prend de la valeur, le risque est de plus en plus grand que les dividendes de la croissance soient détournés des collectivités rurales par des sociétés éloignées et des investisseurs spéculatifs, comme cela s’est produit dans d’autres secteurs de production primaire et comme c’est maintenant la tendance en Colombie-Britannique. Les pêcheurs sont les principaux producteurs de cette nouvelle richesse et les principaux intendants des ressources dans les eaux adjacentes. Nos organisations membres veulent que les gens qui travaillent dans l’industrie conservent des parts équitables et substantielles pour assurer le renouveau économique rural et la revitalisation des communautés autochtones et non autochtones qui dépendent de la pêche depuis plusieurs générations.
Notre conseil appuie donc sans réserve l’adoption du projet de loi C-68, qui constitue une étape essentielle pour s’assurer que le ministre du MPO a le pouvoir et la responsabilité, comme le prévoit le projet de loi, de préserver et de promouvoir :
[...] l’indépendance des titulaires de permis dans les pêches commerciales côtières [...]
Le seul amendement au projet de loi que nous proposons est de modifier ce libellé pour dire :
[...] préservation ou promotion de l’indépendance des entreprises de propriétaires-exploitants dans les pêches commerciales [...]
Ainsi, le libellé s’appliquerait de façon égale dans toutes les régions du Canada.
Merci pour cette occasion de présenter les résultats de nos recherches et notre point de vue sur les politiques.
Le président : Je remercie nos témoins de leurs excellents exposés. Le vice-président du comité, le sénateur Gold, posera la première question.
Le sénateur Gold : Bienvenue à chacun de vous.
[Français]
Ma première question s’adresse à M. Lanteigne. Le projet de loi prévoit que le ministre pourra prendre en considération, entre autres, et je cite l’article 2.5 que vous avez mentionné, les connaissances des collectivités, les facteurs sociaux, économiques et culturels dans la gestion des pêches, et la préservation ou la promotion de l’indépendance des titulaires de licences ou de permis dans le cadre des pêches côtières commerciales. Vous avez dit que le fait de prendre ces élément en considération répond à vos demandes d’élargir le mandat du ministère au-delà de la conservation et de la protection.
Pensez-vous que vous pouvez inclure vos connaissances communautaires par rapport aux facteurs sociaux, économiques et culturels aux mécanismes de consultation existants? Ou pensez-vous que le ministre aurait besoin de nouveaux mécanismes pour bien collaborer avec les collectivités affectées?
M. Lanteigne : Merci de votre question extrêmement pertinente. Commençons avec un seul élément, celui de la détermination des contingents. Les pêcheurs en mer sont les yeux du ministère. C’est là où on retrouve le plus de gens qui observent. Ils sont les premiers témoins de ce qui se produit.
En 2011, un stock de poisson rouge, de sébaste, a commencé à apparaître. Ce n’est pas le ministère des Pêches et des Océans qui s’en est rendu compte, mais bien les pêcheurs, parce qu’ils sont sur l’eau, ils ont des yeux partout et l’effort de pêche se pratique. Une fois arrivés à quai, ils témoignent de ce qu’ils ont vu, mais personne n’écoute. On en parle, mais le sujet reste sur les quais et nourrit les discussions dans les cafés.
Dans le projet de loi, on dit maintenant qu’on veut tenir compte des connaissances des collectivités. On invite les pêcheurs à la table, ce qui devient extrêmement intéressant.
Actuellement, on procède selon un modèle de comités consultatifs par espèce. On a un comité consultatif sur le hareng, un sur le poisson de fond, un autre sur le homard, mais on ne fait que consulter. Les décisions ne sont pas prises en collaboration avec l’industrie. On témoigne de certaines observations, le ministre retourne chez lui et prend ses décisions. Il est grand temps que l’on modernise cette façon de faire pour le secteur de la pêche. On ne veut pas nécessairement copier les modèles sur lesquels on se base ailleurs. Toutefois, plusieurs pays réservent une place importante au savoir et aux connaissances des gens qui pratiquent le métier. Cette priorité devient extrêmement importante si on veut en arriver à gérer les pêches, non seulement par espèce, mais aussi pour ce qui se passe sous l’eau.
On parle de reconstituer les stocks. Comment allons-nous les reconstituer si on ne dresse pas un portrait de la situation des phoques, qui mangent à peu près tout ce qui vit sous l’eau? On n’accepte pas de travailler en collaboration avec les pêcheurs pour apporter des solutions. C’est pourquoi cette partie de la loi nous intéresse beaucoup. On vient vraiment changer la vision du ministère et sa façon de gérer.
Le sénateur Gold : Si je comprends bien, la notion de collaboration est maintenant encadrée, ou elle le sera dans la loi. Cependant, il faudrait opérer un changement dans la façon de faire. C’est donc la mise en œuvre qui sera importante.
M. Lanteigne : On dit souvent que le diable est dans les détails. Je crois que tout le monde connaît bien l’expression. Dès qu’on met un cadre législatif en place, on veut savoir comment il va s’articuler et comment se feront les choses. Pour emprunter une expression bien connue, va-t-on réussir à passer des babines aux bottines? C’est une tout autre histoire. Au moins, le cadre législatif serait en place pour le permettre, car ce n’est pas le cas en ce moment.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Monsieur le président, j’aimerais poser une autre question, et j’invite M. Williams et M. Sullivan à y répondre. Elle porte sur l’importante question de la séparation des flottilles et de l’indépendance des détenteurs de permis. Les témoins et mes collègues autour de la table nous ont fait comprendre à quel point c’est important, pour le bien-être non seulement des familles, mais aussi de l’ensemble des collectivités. En effet, lorsque le ministre était ici très récemment pour lancer l’étude de ce projet de loi, il a abordé la question et les différences possibles entre les côtes Est et Ouest.
Monsieur Sullivan — et j’invite aussi M. Williams à se prononcer —, vous avez mentionné que la violation de la politique pour préserver l’indépendance de la flottille côtière ne serait pas actuellement considérée comme une contravention législative ou réglementaire, ce qui permettrait au ministre d’intervenir. Je pense que la phrase que vous avez écrite était qu’« une politique n’est pas une loi », ou quelque chose du genre.
Du côté de la Chambre des communes, les fonctionnaires envisagent d’inscrire leurs politiques sur les propriétaires-exploitants dans la réglementation, après avoir consulté des intervenants. Une fois que ces règlements seront en place, les agents des pêches seront en mesure de les faire respecter, par exemple, en vertu de l’article 9 du projet de loi C-68.
Je vous invite à me dire ce que vous en pensez. Trouvez-vous réconfortant que la loi soit sur la bonne voie?
M. Sullivan : Le recours à la réglementation est évidemment une très bonne chose. Une majorité écrasante dans l’Est du Canada appuie le renforcement de la politique. Elle existe déjà, mais un peu comme l’a fait valoir plus tôt M. Lanteigne à propos de la nécessité d’investir davantage, il est bon de pouvoir dire que nous allons gérer la question différemment, mais nous devons investir et passer à l’action.
Le suivi fait aussi partie des préoccupations. Je pense que le projet de loi va renforcer cela. De toute évidence, les aspects juridiques connexes et la mise en place de la réglementation sont importants. Nous avons ensuite besoin d’investir pour que les entreprises respectent les règles, qu’il s’agisse d’entreprises de transformation locales ou d’entreprises étrangères d’investissement qui cherchent à contrôler nos ressources et à extraire cette richesse. Nous devons investir davantage dans le respect des règles. C’est un des principaux aspects que je soulignerais à cet égard, surtout lorsqu’on travaille et vit sur la côte de Terre-Neuve-et-Labrador. C’est également un élément clé.
Le sénateur Gold : Monsieur Williams, pourriez-vous nous en parler et nous parler aussi, peut-être, de ce que le ministre nous a dit hier, à savoir que l’industrie s’est développée différemment sur la côte Est par rapport à la côte Ouest. Il a dit qu’il se penche sur la question, mais j’ai pu constater qu’il hésite à s’engager à faire ce que vous demandez, je crois, c’est-à-dire d’adapter d’une certaine façon les protections utilisées sur la côte Est aux collectivités de la côte Ouest.
M. Williams : À propos de votre première question, je ne suis pas avocat, mais d’après ce que j’en comprends, les politiques sur les propriétaires-exploitants et sur la séparation des flottilles existent depuis les années 1980 et peuvent être modifiées par le ministre. Au cours des 15 dernières années, trois ou quatre ministres nous ont dit qu’il est temps de les modifier. L’industrie se mobilise et les différends sont énormes. Lorsque le ministre a, au moyen de la politique Préserver l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien, PIFPCAC, renforcé la politique, des entreprises s’y sont opposées devant les tribunaux en affirmant que le ministre n’a pas le pouvoir dans ces domaines de se prononcer sur des résultats sociaux et économiques.
Du point de vue de l’industrie et selon les gens que nous représentons, il est extrêmement important que ce ne soit plus une politique.
En ce qui a trait à la côte Ouest, je ne suis respectueusement pas d’accord avec le ministre lorsqu’il décrit la situation comme une omelette qu’on ne peut plus défaire. Cela remonte à loin, mais au début des années 1990, les côtes Est et Ouest avaient toutes les deux trop de pêcheurs et pas assez de poissons. Les stocks s’étaient effondrés sur les deux côtes et la situation sur les marchés avait radicalement changé compte tenu du saumon, de l’aquaculture et ainsi de suite, et il a fallu restructurer l’industrie sur les deux côtes.
Il y avait environ 6 000 entreprises sur la côte Ouest et environ 30 000 sur la côte Est dans quatre provinces, et différents types de pêche. On a parlé d’omelette, n’est-ce pas? Ce que la côte Est avait, ce sont les politiques sur les propriétaires-exploitants et sur la séparation des flottilles. La restructuration, la rationalisation et la réduction des effectifs se sont toutes faites à l’aide d’un processus de cogestion qui misait sur la participation des organisations de pêche et sur la mise en place de mesures dans le cadre de la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique, d’autres programmes de rachat des permis et ainsi de suite. L’industrie était au cœur de la réflexion sur la façon de procéder.
Sur la côte Ouest, personne ne s’est manifesté pour dire que le principal objectif était la protection des collectivités côtières et la préservation de l’économie halieutique pour les soutenir. Ce n’était qu’une toute petite partie de l’économie de la Colombie-Britannique dans les pêches avec 6 000 petites entreprises. Nous l’avons simplement soumise à une rationalisation axée sur le marché.
Sur les deux côtes, la taille de l’industrie a radicalement diminué dans les années 1990, mais elle s’est stabilisée au début des années 2000. Depuis ce temps, et malgré la grande récession, la parité du dollar avec le dollar américain et de nombreuses autres perturbations, le secteur des pêches de la côte Est a connu une croissance progressive, a pris de l’expansion et s’est développé grâce à une solide conservation, au rétablissement et, comme l’a souligné Keith, à des changements dans la composition des stocks. Nous nous penchons sur tout cela.
Sur la côte Ouest, la valeur des exportations ne s’est aucunement améliorée. Les revenus n’ont pas augmenté. La taille de la main-d’œuvre est demeurée inchangée. À mon avis, après avoir tout juste terminé deux ou trois années d’études approfondies sur la question, le secteur des pêches de la côte Ouest tombera très bientôt dans un précipice démographique. Personne ne travaillera dans le milieu. On verra des flottilles étrangères et des travailleurs étrangers occuper l’espace. À l’heure actuelle dans les Maritimes, nous n’avons pratiquement pas d’usine de transformation sans travailleurs étrangers temporaires compte tenu de la façon dont l’industrie fonctionne. Nous verrons la même chose sur la côte Ouest pour ce qui est de la pêche.
Je pense que nous devons défaire l’omelette si nous voulons une industrie qui soutient les collectivités adjacentes aux ressources en Colombie-Britannique. Je m’excuse de la longueur de mon intervention, mais c’est une situation complexe.
Le sénateur Gold : Merci.
Le président : Merci, sénateur Gold. Je pense que nous convenons tous que c’est une industrie complexe. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici pour essayer de prêter main-forte.
La sénatrice Poirier : Une fois de plus, je vous remercie tous de votre présence.
[Français]
Mes premières questions s’adressent à M. Lanteigne. Premièrement, merci encore d’être ici.
Vous avez partagé avec nous vos inquiétudes par rapport à la main-d’œuvre, plus particulièrement les difficultés qui se posent pour les plus jeunes qui veulent entrer dans l’industrie de la pêche. Selon vous, comment peut-on modifier le projet de loi C-68 afin d’assouplir les conditions et le transfert des permis, tout en faisant en sorte que ces transferts n’affectent pas négativement les communautés? Selon vous, comment le gouvernement peut-il vous aider à recruter une main-d’œuvre plus jeune?
M. Lanteigne : Voilà une question fondamentale. Aujourd’hui, si on se présente dans une école secondaire et qu’on demande à des jeunes s’ils sont intéressés à faire carrière dans la pêche, à l’exception d’enfants de propriétaires de bateaux, on verra très peu d’intérêt. Personne, nulle part, ne fait la promotion du métier de pêcheur. On veut tous que nos enfants aient des carrières professionnelles de médecins, d’avocats, d’architectes, d’ingénieurs, d’enseignants et le reste, sauf le métier de la pêche. Le point de départ est donc de susciter de l’intérêt pour ce secteur.
Comme je l’ai dit plus tôt, nous sommes ni plus ni moins devant une créature à deux têtes. Le ministère des Pêches a la responsabilité d’octroyer les permis, de décider qui va sur l’eau et comment. Le volet « formation » est de compétence provinciale. La collaboration entre les juridictions fédérales et provinciales, à l’heure actuelle, est minime et varie selon les gouvernements. Un jour, on remarque une bonne collaboration entre les instances gouvernementales. Tout à coup, le gouvernement change, au fédéral ou au provincial, et c’est carrément différent. Il faut faire cette réflexion pour savoir comment aborder le problème.
Pour nos cousins américains, la valeur du permis est de zéro, car c’est l’État qui le détient. L’État donne le permis au pêcheur. Une fois qu’il a terminé, le permis prend fin et l’État en réémet un nouveau.
Ici, on a commencé à donner une valeur au permis, ce qui est tout nouveau. Si on recule un peu, la vente de permis ne date pas de si loin. À ce sujet, le ministère des Pêches et des Océans répond que, pour eux, le permis est gratuit et le morceau de papier ne coûte rien. Pour la transaction sous-jacente, toutefois, ils ne sont pas au courant. Cela équivaut tout simplement à se mettre un bandeau sur les yeux et à dire qu’on ne veut pas voir cela. Le modèle ne fonctionne plus.
Il faudrait donc carrément faire une réflexion. Or, le sujet est tabou. Le pêcheur a fait de cet enjeu son plan de retraite. Une licence pour la pêche au homard se transige autour de 1 million de dollars — on en a même vu à 1,2 million de dollars sur la côte de la Gaspésie. Le pêcheur se dit : « Voilà un bon plan de retraite qui équivaut à tous mes régimes enregistrés d’épargne-retraite. » Si, tout à coup, le permis tombe à zéro, ce sera la révolte, vos bureaux seront alors très occupés. Nous n’avons pas le choix; il faudra bien aborder le sujet, car il viendra un temps où les choses ne fonctionneront plus.
La distribution, dans l’industrie de la pêche, implique le propriétaire de l’entreprise et les hommes de pont. Un bateau est un bateau. L’un ne va pas sans l’autre. Sans équipage, il n’y a pas de pêche. Encore une fois, on voit énormément d’inégalités. Le capitaine récupère, dans bien des cas, la plus grande partie des revenus, et les hommes de pont retournent chez eux bien souvent avec des sommes dérisoires. Dans de telles circonstances, un jeune pêcheur n’aura pas grand intérêt à vouloir faire carrière dans le secteur de la pêche. La seule possibilité de carrière réelle est de détenir un permis. C’est là où le métier devient lucratif. Comme je l’ai dit plus tôt, le coût étant de 8,2 millions de dollars, il n’est pas vrai qu’un pêcheur peut se permettre de dépenser une telle somme. Ce sera plutôt une compagnie qui tentera de mettre la main sur un permis. On est vraiment ici dans le nerf du problème. La solution nécessitera un effort collectif entre le gouvernment fédéral et le gouvernement provincial pour ce qui est de l’accès et de la formation des pêcheurs. Or, la question de la formation du pêcheur est inexistante. Un jeune traîne sur les quais. On lui demande : « Qu’est-ce que tu fais, mon jeune, les deux mains dans les poches? Il me manque un gars ce matin; veux-tu embarquer? » Le jeune embarque, monte en mer et tout à coup devient intéressé. Le capitaine lui dit alors : « Eh bien, il te faut ton permis. Va le chercher et je te donne un emploi. » C’est un bref résumé de la situation.
Il n’y a pas grand métier au Canada qui est aussi facile d’accès. On ne peut pas devenir concierge dans une école sans avoir au moins un diplôme de 12e année. Il y a donc de grosses lacunes. M. Williams a très bien expliqué le principe. Cette industrie a le taux de croissance le plus élevé au Canada. Or, personne ne s’en occupe. Nous aurions vraiment intérêt à nous pencher sur la question.
[Traduction]
Le président : Je vais vous laisser le temps de poser une question, mais notre temps est limité. Je suis conscient qu’il y a beaucoup à dire et que vous voulez nous en dire beaucoup, mais nous devons raccourcir les réponses d’une certaine façon. Je déteste devoir intervenir ainsi; j’aime que l’information soit transmise sans interruption, mais cinq autres sénateurs veulent poser des questions, et notre temps est limité. J’aimerais que les questions soient précises et, dans la mesure du possible, que les réponses le soient autant.
La sénatrice Poirier : Je vais en poser une autre, et si le temps le permet, je vais intervenir au deuxième tour.
[Français]
Monsieur Lanteigne, le projet de loi propose plusieurs changements pour l’obtention et le transfert des permis de pêche. Lorsque j’ai questionné le ministre à ce sujet, mardi soir, sa réponse n’était pas claire. Comme pour la plupart de ses réponses, il dit que tout sera inclus dans les règlements à venir. Toutefois, il n’existe pas d’échéancier précis. Est-ce que ces changements vous inquiètent? Avez-vous été consultés sur l’élaboration de ces changements, en tant qu’organisation?
M. Lanteigne : La réponse précise est oui. Nous avons été consultés, nous continuons d’être consultés et le travail se fait. Nous espérons toutefois que les choses se fassent le plus rapidement possible et que la mise en œuvre du projet de loi puisse se faire aussi rapidement. Pour répondre à votre question, le processus consultatif se déroule auprès de chacune des organisations.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Merci à vous tous d’être venus comparaître. Vos exposés m’ont donné plus de questions que de réponses.
Je ne suis pas certain de savoir où vous vouliez en venir, monsieur Lanteigne, lorsque vous avez parlé du coût des permis. Vous avez fait une analogie et vous avez dit que l’État les possède et les récupère ensuite. Dans mon coin de pays, sur la côte Est de la Nouvelle-Écosse, je me rappelle que les pêcheurs étaient généralement pauvres.
De nos jours, dans les faits, lorsqu’on a un permis de pêche au homard et un bateau, on a sûrement un bon fonds de pension, si on veut le céder. Je ne décourage aucunement cela. Le capitaine, de toute évidence, est celui qui prend le risque, mais il a aussi droit à une bonne part des profits. Je ne sais pas à quoi vous faites allusion. Je ne voudrais pas que le permis appartienne à l’État. Je crois que les membres d’équipage gagnent raisonnablement bien leur vie.
Je ne sais pas si ce que vous laissez entendre représente une orientation à venir pour ce qui est de la possession de nos permis de pêche au homard.
M. Lanteigne : Oui. Merci. Je vous parlais d’autres modèles, ailleurs. Les États-Unis ont une approche différente. Je ne dis pas que nous devrions nous engager dans cette voie, mais aux États-Unis, quand on cesse de pêcher ou qu’on prend sa retraite, le permis retourne au ministre qui l’accordera de nouveau. Le permis n’a en quelque sorte aucune valeur. C’est un modèle. Je ne dis pas que c’est celui que nous devrions retenir.
Pour répondre à la question de la sénatrice Poirier, on a recours à d’autres modèles ailleurs dans le monde. Je ne dis pas que c’est celui que nous voulons retenir. Si nous procédons ainsi maintenant, il y aurait sans aucun doute une crise étant donné que chaque pêcheur tient à son permis. Cela remonte à la réglementation issue de l’arrêt Marshall. Lorsqu’elle est entrée en vigueur, lorsque le gouvernement a commencé à magasiner des permis et à y accorder de la valeur, les pêcheurs ont soudainement découvert que leurs permis valaient quelque chose et ils ont commencé à spéculer. Nous en sommes rendus là.
Jusqu’où irons-nous? Je ne le sais pas. La réponse courte qu’on nous donne sans cesse est qu’un plan stratégique doit être mis en place pour réduire le coût des permis.
En l’absence du projet de loi C-68 à l’heure actuelle, nous parlons de la vigueur de la politique par comparaison à la loi. En ce moment, toutes sortes de stratégies sont mises en place pour la contourner. Cela met de la pression sur la valeur et les prix. De toute évidence, les pêcheurs s’en réjouissent. L’homme qui a vendu son permis pour 8,2 millions de dollars est heureux aujourd’hui. Il vient de gagner à la loterie. L’an dernier, la transaction était de 6 millions de dollars, et cette année, elle est de 8,2 millions de dollars. Cependant, si l’on examine la situation, ce n’est probablement plus un pêcheur qui détient le permis. C’est probablement une usine de transformation du poisson qui a utilisé un nom.
C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de cette loi pour nous assurer que l’accès aux permis est réservé aux pêcheurs et ne fait pas l’objet de subterfuges où des gens se livrent à des petits jeux car cela ne fonctionnera évidemment pas.
Vous avez tout à fait raison de dire que les pêcheurs développent le secteur et les navires et investissent dans l’industrie de la pêche, et c’est quelque chose qui compte beaucoup pour eux. Nous devons également penser à la façon dont nous réussirons à transférer ce permis ou ce droit aux jeunes qui pourront prendre la relève.
Le sénateur McInnis : C’était un système de marché libre. Je crois fermement à ce système. C’est notre avenir. L’industrie de la pêche, avec l’ouverture du marché de l’Asie, par exemple, a pris énormément d’expansion. Il est merveilleux de voir, plus particulièrement avec le prix du homard, que le détenteur du permis touche une somme raisonnable. Je pense que c’est merveilleux. On finira par atteindre un équilibre. Merci beaucoup. J’ai d’autres questions concernant les fiducies notamment. Je les adresserai à la deuxième série de questions.
Le président : Merci, sénateur McInnis. En passant, j’ai grandi et je vis encore dans une petite communauté de pêcheurs à Terre-Neuve-et-Labrador. Pendant de nombreuses années, les pêcheurs étaient complètement au bas de l’échelle en ce qui concerne les entreprises. À l’heure actuelle, il y a des professionnels qui exploitent des entreprises. Je crois que la valeur de ces entreprises leur donne une certaine indépendance quant à la façon de traiter avec le gouvernement, les entreprises de transformation et d’autres intervenants. C’est une parenthèse dont je voulais vous faire part.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Merci de vos présentations. Monsieur Lanteigne, je comprends que votre fédération a célébré son 50e anniversaire l’an dernier. Félicitations!
Dans votre présentation, vous avez soulevé deux grandes préoccupations : d’abord, celle qui est liée aux droits et aux frais; puis, celle qui est liée à la relève et à la formation. En réponse à une question posée par la sénatrice Poirier, vous avez parlé de vos préoccupations en ce qui a trait à la relève et à la formation.
J’aimerais brièvement vous entendre sur la question des droits et des frais. Je comprends qu’en ce moment les pêcheurs font face à de nouvelles dépenses, en plus des coûts existants liés aux permis. J’aimerais vous entendre sur ces préoccupations. Est-ce que le projet de loi C-68 vient rectifier cette situation? C’est surtout ce que je veux savoir.
M. Lanteigne : Il sera intéressant de voir si c’est le cas. C’est un peu notre inquiétude, car, dans ces deux articles, on vient dire que le ministère a le droit d’imposer des frais et d’aller chercher des dépenses. À l’heure actuelle, cette dépense est déjà élevée et inéquitable. Tout à coup, on décide d’inclure cette mesure dans la loi. Nous ne nous y opposons pas. C’est une ressource naturelle et la propriété de tous les Canadiens. Que ceux qui l’exploitent donnent une redevance au gouvernement, les pêcheurs le comprennent très bien. Cependant, on veut que la répartition soit équitable pour tous les types de pêche. À l’heure actuelle, c’est très aléatoire. Prenons un exemple simple. Pour la pêche au homard, on n’impose aucune pesée à quai. On pèse le homard tout simplement pour en connaître le poids, et la pratique n’est pas surveillée. Pour le crabe des neiges, une compagnie s’occupe de la pesée et le pêcheur doit en défrayer les coûts. Comment se fait-il que le pêcheur doive payer pour la pesée à quai du crabe des neiges, mais pas pour le homard? C’est une pratique inéquitable. Si on doit payer pour le pesée à quai, que tout le monde paye et contribue. On remarque donc des inégalités importantes dans le système.
Il y a également l’exemple des observateurs en mer. On dit qu’il faut des observateurs en mer pour surveiller ce qui se passe à bord du bateau, la capture et les prises accessoires, et on se base sur des pourcentages. Dans une pêche, le taux peut être de 20 p. 100, comme c’est le cas pour le crabe des neiges. Pour la crevette, le taux d’observateurs est de 5 p. 100, et la facture est refilée à 100 p. 100 aux pêcheurs. En plus, c’est le gouvernement qui décide quelle compagnie sera chargée d’assumer cette tâche. Quelques pêches sont identifiées pour lesquelles on exige un observateur en mer, alors que, pour d’autres pêches, on n’en exige pas. Ou bien on l’exige, ou bien on ne l’exige pas. Si on se dirige vers un tel système de surveillance, encore une fois, nous disons que tout le monde devrait être traité équitablement. Nous espérons que le fait d’inclure cette mesure dans le projet de loi apportera de tels éléments de solution.
Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Lanteigne.
[Traduction]
La sénatrice Busson : Ma question s’adresse à M. Williams, mais messieurs Lanteigne et Sullivan, j’aimerais entendre votre opinion également. Vous avez beaucoup parlé de la différence entre la côte Est et la côte Ouest. Nous avons entendu d’autres témoins parler de cette différence considérable et de l’historique. Je vous suis reconnaissante des notes que vous nous avez remises à ce sujet.
Vous avez dit, lorsque vous avez recommandé un amendement, s’il est possible de suggérer de trouver une façon de débrouiller les cartes. Serait-il possible — je déteste l'expression revenir en arrière — de régler ce problème? J’ai l’impression que votre recommandation concernant la côte Est fait suite à ce qui s’est passé sur la côte Ouest. Est-ce une simplification à outrance? Vous protégez-vous, sur la côte Est, contre ce qui s’est passé sur la côte Ouest?
M. Williams : Il est intéressant que lorsque nous avons créé le Conseil canadien des pêcheurs professionnels, nous avons réuni pour la première fois des pêcheurs chefs de file de flottes des deux côtes à la fin des années 1990. Ils ont discuté ensemble. Bon nombre des efforts déployés par les organisations sur la côte Est en vue de militer pour les propriétaires-exploitants et la séparation des flottilles découlent de ce qui s’est fait sur la côte Ouest. Si nous permettons ces accords de contrôle, ces accords de fiducie et ces atteintes, nous nous retrouverons dans cette situation. Il y a un lien entre les deux.
Le comité des pêches de la Chambre des communes a tenu une étude spéciale sur le système de délivrance des permis en Colombie-Britannique. De nombreux groupes de l’industrie ont fait des présentations sur la transition. Il y a environ 4 000 ou 5 000 entreprises, dont la majorité sont de petites entreprises. Nous parlons de quelques centaines de millions de dollars en quotas de pêche.
La sénatrice Busson : Ce serait une situation de rachat?
M. Williams : Le permis serait transféré d’un ensemble de propriétaires à un autre, de personnes qui ne pêchent pas à des personnes qui pêchent. Il y a un éventail de stratégies qui utilisent des banques de permis et des organismes sans but lucratif, notamment.
Je pense que le comité des pêches de la Chambre des communes rendra public un rapport sous peu qui, espérons-le, relèvera des stratégies en ce sens. C’est très pratique. La PIFPCAC a été rendue publique en 2010. Elle a donné aux entreprises qui avaient acheté des permis en catimini sept ans pour retourner les permis aux propriétaires-exploitants.
M. Lanteigne : 2007.
M. Williams : Cela a maintenant été fait. Un assez grand nombre de permis qui ont été achetés par des entreprises illégalement ou à l’encontre de la politique sont maintenant de nouveau entre les mains des propriétaires. Si l’on fixe un délai, on permet que des transactions commerciales normales soient effectuées et on donne accès aux capitaux, puis ces droits peuvent changer de main.
La sénatrice Busson : Merci beaucoup.
Le sénateur Christmas : J’ai une question pour M. Sullivan. J’ai été un peu troublé par votre observation selon laquelle il est extrêmement facile de contourner les politiques relatives à la séparation des flottilles et aux propriétaires-exploitants ces dernières années. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous avez vu dans les communautés? Comment ces politiques relatives à la séparation des flottilles et aux propriétaires-exploitants ont-elles été contournées?
M. Sullivan : Cela survient de bien des façons différentes. Le plus souvent, c’est fait par les entreprises de transformation du poisson de plus grande taille. C’est fait par d’autres personnes, des gens en dehors de l’industrie et en dehors de notre province également. Essentiellement, ils trouvent un pêcheur admissible et concluent une entente. Je dirais que cela a été conçu et amélioré par des équipes juridiques pour que ces entreprises puissent investir dans des fiducies.
Nous avons vu des exemples et les avons transférés au MPO qui a clairement dit que ce pêcheur ne pourrait pas vendre le permis ou bénéficier de la vente de son permis. Il n’avait pas l’occasion de prendre des décisions au sujet d’un permis donné. Souvent, les pêcheurs ne possédaient pas de bateau et, par l’entremise d’un ensemble de politiques, ils n’étaient pas à bord d’un bateau. Parfois, les pêcheurs disaient, « Le nom de cette personne figure sur un permis ». Ils ne connaissaient pas la couleur du bateau. On est très loin des propriétaires-exploitants, et la situation a empiré. Dans toutes les communautés où nous allons, les gens connaissent les entreprises qui sont exploitées par quelqu’un qui n’est pas un pêcheur. Ces gens sont payés moins pour leurs prises. Les gens qui travaillent sur le pont du bateau ne tirent pas d’avantages.
Nous constatons déjà une partie de cette transformation en Colombie-Britannique où les pêcheurs, les pêcheurs légitimes, doivent parfois payer 80 p. 100 seulement pour avoir le droit ou le privilège de pêcher. Il ne reste plus rien pour les pêcheurs, l’équipage et les membres de la communauté. Je dirai très brièvement, parce que j’allais répondre à une question précédente, qu’à Terre-Neuve-et-Labrador, même s’il y a des défis liés à la démographie, un grand nombre de jeunes s’intéressent à la pêche.
Dans l’exemple que j’ai donné de la jeune femme, j’ai parlé à plus d’une centaine de personnes qui sont intéressées par le secteur de la pêche, mais qui ne peuvent pas rivaliser. L’analyse de rentabilisation ne tient pas la route pour permettre à un pêcheur d’investir dans le secteur de la pêche, car il y a cette société ou un autre groupe qui a déjà fait une meilleure offre.
Pour quelqu’un qui pêche sur un bateau, c’est insensé.
Je veux revenir au point soulevé par le sénateur McInnis voulant que les revenus des pêcheurs au homard dans sa région sont aussi bons que ceux de nombreux bateaux à Terre-Neuve-et-Labrador. S’ils paient beaucoup trop pour l’obtention du permis et que l’analyse de rentabilisation est insensée, ils ne s’en tirent peut-être pas aussi bien qu’il le dit. La meilleure façon d’attirer les jeunes dans le secteur de la pêche est de veiller à ce que la séparation des flottilles des propriétaires-exploitants soit appliquée et qu’il y ait une concurrence loyale et un accès équitable.
Si on veut aller un peu plus loin, on devrait permettre aux pêcheurs d’avoir davantage leur mot à dire dans la gestion. Comme M. Lanteigne l’a dit, les experts sont ceux qui sont sur l’eau à longueur d’année et qui connaissent très bien les conditions et les espèces.
Merci de m’avoir accordé quelques secondes supplémentaires pour faire valoir ce point.
Le sénateur Christmas : Ma deuxième question s’adresse à M. Williams. Vous aviez proposé une modification au paragraphe 2.5(h). Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet. J’ai remarqué quelques-uns des changements que vous aviez suggérés. À l’heure actuelle, le paragraphe se lit comme suit :
[...] la préservation ou la promotion de l’indépendance des détenteurs de permis de pêche commerciale côtière.
Ce que vous aviez suggéré dans votre amendement, si je ne m’abuse, monsieur Williams, c’est de remplacer les termes « détenteurs de permis » par « entreprises de propriétaires-exploitants », et de supprimer le terme « côtière ». Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous expliquer pourquoi vous proposez ces changements?
M. Williams : En Colombie-Britannique, une proportion élevée de détenteurs de permis ne sont pas des pêcheurs actifs. Ce sont des gens qui pêchaient dans le passé et qui sont allés à Hawaï et ont loué leur permis ou leur entreprise, et cetera. En utilisant l’expression « entreprises de propriétaires-exploitants », on parle de pêcheurs actifs.
Sur la côte de l’Atlantique, lorsque nous parlons de la flottille de pêche côtière, nous parlons de 65 pieds ou moins, soit de la pêche semi-hauturière et de petits bateaux. Les intervenants n’utilisent pas cette terminologie dans la région du Pacifique et n’établissent pas de distinction entre les zones côtières, si bien que ce n’est qu’une terminologie inclusive.
Le sénateur Christmas : De façon générale, par l’entremise de ces amendements, vous incluez les deux côtes dans la disposition.
M. Williams : Le libellé inclut les deux côtes et met l’accent sur l’entreprise indépendante et non pas sur le détenteur de permis.
Le sénateur Christmas : D’accord, merci.
Le sénateur Gold : Merci de cette explication. C’était très utile. Le libellé continue de permettre au ministre ou au règlement de peaufiner l’approche à adopter pour la côte Ouest par rapport à la côte Est, s’il y a lieu de le faire. Autrement dit, il ne présuppose pas l’adoption d’une approche universelle.
M. Williams : Ce libellé, d’après ce que j’en comprends, fait connaître une intention ou un objectif. Il ne dit pas que « seulement ces personnes peuvent pêcher ».
Le sénateur Gold : Merci.
La sénatrice Hartling : Je veux poser une question à M. Sullivan. J’examine le problème des pénuries de main-d’œuvre, et plus particulièrement l’exode dans les régions rurales. J’ai trouvé vos propos intéressants concernant Stephanie et les femmes dans ce secteur et ce champ d’activités, car nous les oublions souvent. Avez-vous des suggestions concernant des mesures incitatives, des stratégies de recrutement ou même du soutien financier pour encourager les femmes à se lancer dans ce secteur, surtout lorsque nous avons tant de femmes chefs de famille qui ont besoin d’un bon revenu?
Je ne dis pas que les hommes ne peuvent pas se lancer dans ce secteur également, mais je sais que dans les autres corps de métier comme la plomberie, il y a des pénuries.
Avez-vous des idées, ou les autres témoins ont-ils des idées, sur la façon d’encourager plus de femmes à participer à ce secteur d’activités?
M. Sullivan : C’est une excellente question. Nous voyons déjà beaucoup plus de femmes participer plus activement dans le secteur des pêches, même en tant que propriétaires-exploitantes indépendantes. L’histoire de Stephanie n’est plus aussi unique. Les jeunes s’intéressent beaucoup au marché, y compris les jeunes femmes dans notre province. Nous avons des pêcheurs qui sont formés, et la formation dans la province est bonne.
Plus particulièrement, il n’y a pas d’incitatif supplémentaire pour les femmes par rapport aux hommes. Je pense que si nous uniformisons les règles du jeu pour les hommes et les femmes dans ces communautés rurales qui veulent pêcher, j’ai déjà parlé des modifications à la loi et à la réglementation. Je pense que c’est le principal obstacle. En tant qu’organisation, nous encourageons les femmes à participer à la prise de décision. Nous veillons à ce qu’il y ait des postes disponibles dans les conseils d’administration pour les femmes. Nous y voyons un grand intérêt.
Cela se fait déjà. Ce qui bloque les jeunes, hommes et femmes, c’est le manque d’accès.
Les jeunes doivent également pouvoir accéder à des capitaux. Là encore, ce n’est pas forcément une question que nous abordons. Je ne vois pas comment vous l’abordez ici, mais je pense que nous devons examiner des façons d’accéder aux capitaux pour qu’il soit plus facile d’effectuer ces investissements qui, comme nous en avons discuté, peuvent être très élevés lorsqu’il est question de navires, d’équipement et de permis, bien entendu.
La sénatrice Hartling : Merci. Avez-vous d’autres observations à faire?
M. Lanteigne : Rick peut probablement vous donner de meilleurs renseignements à ce sujet. Soit dit en passant, je suis également le président du Conseil canadien des pêcheurs professionnels, si bien que je porte deux chapeaux.
Dans le cadre de l’étude que nous effectuons, il y a plus de femmes qu’auparavant dans le secteur de la pêche. Dans notre cas, il y a une nouvelle femme. Son père lui a transféré son permis de pêche au crabe. À l’heure actuelle, nous avons deux femmes qui possèdent leur propre bateau de pêche et qui pratiquent la pêche. C’est un peu nouveau pour nous que des femmes pêchent sur des bateaux, car il y a un certain nombre de pêcheuses, mais nous constatons une augmentation du nombre de femmes propriétaires de bateaux. Cependant, il n’y a pas de programme spécial pour cela.
La sénatrice Hartling : D’accord.
M. Williams : Je veux revenir sur le point que Keith a fait valoir. J’ai signalé que nos recherches démographiques laissent entendre qu’il n’y a pas de jeunes dans les communautés de pêche à l’heure actuelle. Nous devrons les attirer pour qu’ils y retournent, si bien qu’un système de formation et l’accès à des capitaux sont deux mesures qui permettraient d’accélérer une participation accrue des femmes. Elles se lancent dans ce secteur au moyen des systèmes de formation, comme nos recherches le démontrent.
La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.
Le président : Comme question supplémentaire, la plupart d’entre vous ont abordé la possibilité pour les jeunes de participer à l’industrie, et nous parlons aussi des permis qui valent parfois des millions de dollars. Quel accès les jeunes qui veulent acheter un permis ont-ils à l’heure actuelle, à savoir les jeunes qui travaillent sur un bateau et qui veulent acheter d’un capitaine qui s’apprête à prendre sa retraite un permis qui est évalué à 1 million de dollars?
À qui ces jeunes peuvent-ils s’adresser? Il y a plusieurs années, nous avions la Commission des prêts aux pêcheurs à Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, à qui nous pouvions faire appel pour présenter une demande de financement.
Monsieur Sullivan, pourriez-vous nous donner une idée du processus en place pour les jeunes à l’heure actuelle?
M. Sullivan : Il y a évidemment différentes avenues, selon la personne. L’avenue pour la majorité des gens, s’ils n’ont pas accès à du capital dans un autre secteur, est de s’adresser aux banques traditionnelles, comme la Banque de développement du Canada, par exemple. Les gens s’adressent à ces institutions, car elles traitent beaucoup avec les intervenants du secteur de la pêche et font preuve d’une certaine flexibilité.
Comme nous le savons, aucune entreprise n’est prévisible et facile à gérer, mais le secteur de la pêche plus particulièrement, avec les fluctuations du marché et les quotas notamment, est un secteur difficile et imprévisible. Une banque comme celle-là offre certaines possibilités.
Il y a un programme de prêts pour la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous voulons vraiment le passer en revue et en clarifier les exigences et les conditions. Il ne donne pas au pêcheur la flexibilité voulue et dissuade parfois les gens à présenter des demandes plutôt que de les encourager.
À l’heure actuelle, nous n’avons pas d’incitatifs spéciaux ou d’efforts ciblés, surtout dans un secteur où nous avons besoin de travailleurs, et c’est un secteur en pleine croissance. Et la valeur de la pêche sauvage ne fera qu’augmenter. C’est une bonne occasion, surtout pour les régions rurales de notre province. Nous devons mettre davantage l’accent sur cette possibilité plutôt que de la mettre de côté et dire que le secteur de la pêche se débrouillera seul. Il a besoin d’orientation. Le programme de prêts est un secteur où nous pouvons grandement nous améliorer.
M. Williams : La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont des commissions de prêts aux pêcheurs. Elles n’ont commencé que récemment à octroyer des prêts pour l’achat de permis. Dans le passé, elles n’en octroyaient que pour l’achat de navires et d’équipement. Elles offrent des taux spéciaux aux jeunes pour les attirer dans le secteur. Cependant, la majorité des gens font appel à des banques régulières et à des coopératives de crédit parce que le secteur de la pêche est robuste et les banques sont disposées à investir. La Colombie-Britannique n’a absolument rien en place pour le secteur de la pêche.
M. Lanteigne : J’ajouterais que ce succès attire également des investissements étrangers. Nous commençons lentement à le constater. J’ai assisté au Congrès mondial du secteur des produits de la mer à Reykjavik il y a deux ans. Des sociétés de financement étaient intéressées à financer des permis au Canada. Il y a deux semaines, à la Foire internationale des produits de la mer de Boston, des représentants de ces sociétés étaient là. Ils lèvent la main.
Or, je ne pense pas que ces investissements étrangers soient forcément de bonnes nouvelles pour nous. Mais comme Rick l’a dit plus tôt, la réussite financière crée toutes sortes de possibilités. Certaines sont positives, d’autres, non. Nous devons faire attention. Mais il y a d’autres sources de revenu pour l’industrie de la pêche à l’heure actuelle.
M. Williams : Les sociétés de pêche ont toujours prêté de l’argent aux pêcheurs et ont toujours conclu des ententes avec eux. Vous me prêtez de l’argent pour que j’achète de l’équipement et je vais vous vendre les produits de ma pêche. Je ne pense pas qu’aucun de nos organismes de pêcheurs ne s’opposerait à ce type d’entente, dans la mesure où elle respecte les limites d’une entente volontaire. Keith peut peut-être expliquer ce qu’il en est à Terre-Neuve, mais nous ne sommes pas contre l’idée que des entreprises aident financièrement des jeunes pêcheurs à se lancer dans l’industrie, dans la mesure où la séparation des flottilles des propriétaires-exploitants est respectée.
M. Sullivan : Oui, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit qui réglemente si je prête de l’argent à un ami ou si c’est une société de pêche. Ce qui compte, c’est la personne qui détient ce permis de propriétaire-exploitant. C’est évidemment là où le bât blesse, lorsque des gens de l’extérieur du secteur de la pêche ont le droit de posséder ces permis. C’est de bonne guerre, Rick.
Le sénateur Campbell : Nous n’arrêtons pas de tourner autour du pot en ce qui concerne la côte Ouest. En fait, l’argent est investi dans le permis. C’est l’investissement dans la façon dont c’est établi. C’était intéressant. Je parlais avec M. Williams, et l’analogie qu’il a utilisée était parfaite. Tous ceux qui connaissent l’industrie du taxi comprendront en quoi consistent les permis et à quel point ils sont importants. Au lieu de tourner autour du pot, comment pouvons-nous changer le système? Que devons-nous faire pour le changer?
Dans certaines municipalités, nous l’avons changé simplement en délivrant de nouveaux permis gratuits que vous pouviez garder pendant toute la période où vous conduisiez le taxi. Si vous pêchez, pouvez-vous garder ce permis pendant tout le temps que vous pêchez? Lorsque vous arrêtez de pêcher, il est émis à nouveau. Pour une raison quelconque, pour que la côte Ouest puisse obtenir la valeur et les recettes que nous voyons sur la côte Est, nous devrons dénouer la question. Comment pouvons-nous nous y prendre? Nous affrontons des entreprises extrêmement riches et puissantes. Comment pouvons-nous y arriver?
M. Williams : Dans la recommandation que j’ai formulée au groupe d’étude du comité des pêches de la Chambre des communes à ce sujet, j’ai suggéré un mécanisme simple. Vous prenez une décision stratégique selon laquelle d’ici 2028, vous permettez aux gens de déterminer comment commercialiser les transactions et comment récupérer ces permis. S’il est logique pour les jeunes dans la communauté d’avoir accès à des capitaux pour investir dans une entreprise et d’accéder par la suite à des capitaux raisonnablement abordables, ils le feront. Avec le temps, les gens qui perdront ces permis sauront qu’ils doivent les vendre pour obtenir des prix raisonnables. Les gens qui veulent acheter des permis savent dans quoi ils s’embarquent et qu’ils paieront un prix raisonnable.
Je vais être bref. Si vous fixez un délai et offrez un accès à des capitaux, le marché s’adaptera, car les poissons continueront de prendre de la valeur.
Le sénateur Campbell : Je pense que c’est l’élément clé. Nous nous penchons sans cesse sur ces permis, mais dans les faits, nous nous soucions des poissons. Ce sont les poissons que nous voulons. Nous perdons cela de vue lorsque quelqu’un dit : « J’ai un permis qui vaut 3 millions de dollars et je ne pêche même pas. J’habite à Point Grey, à Vancouver. » C’est perçu comme étant un investissement. Je ne connaissais vraiment pas, pour être honnête, la différence entre les deux jusqu’à ce que je commence à examiner ce projet de loi et à discuter avec le ministre.
Je pense que c’est un aspect sur lequel nous devons vraiment nous pencher, car sur la côte Ouest, si je me fie à vos données, il ne vaut pas la peine d’aller sur l’eau. Il ne vaut pas la peine d’obtenir le permis de pêche, car chaque fois que vous déplacez votre bateau, vous êtes bloqué. Où puis-je vendre mes prises? Où puis-je pêcher? Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.
La sénatrice Poirier : Je vais revenir à M. Sullivan. En lisant votre mémoire, une grande partie de ce que vous dites ressemble à ce que nous avons entendu dans d’autres déclarations. Vous parlez de la préoccupation entourant les propriétaires-exploitants et leurs flottes, la difficulté pour les jeunes de se lancer dans le secteur de la pêche, et les inquiétudes relativement aux gens qui doivent rivaliser contre des investisseurs de Bay Street ou de grandes sociétés pour obtenir un permis.
Il n’y a pas que les Terre-Neuviens qui nous font part de cette préoccupation. Je l’ai entendue au Nouveau-Brunswick. À votre avis, le projet de loi C-68, dans sa forme actuelle, règle-t-il ces préoccupations? S’il ne le fait pas, quels amendements recommanderiez-vous d’apporter pour les régler? Devraient-elles être réglées dans le projet de loi C-68 ou dans un projet de loi semblable?
M. Sullivan : Je pense que ce qui est prévu dans le projet de loi nous donne cette occasion. Il clarifie le mandat du gouvernement et du ministre et nous offre cette possibilité. Mais comme je l’ai déjà dit, nous devons aller plus loin.
Des gens ont soulevé que ce sont les détails qui posent problème. Nous avons également besoin du règlement connexe. C’est un secteur où nos membres et les gens qui pêchent et qui se soucient de l’avenir de l’industrie tiennent à s’assurer que la réglementation cadre avec la volonté de l’industrie et les besoins de nos provinces et de nos économies rurales pour réussir. Ce sont quelques secteurs.
Il y a aussi — et je sais que des investissements sont prévus dans ce projet de loi, mais je ne sais pas trop où ils iront — l’application pour veiller à ce qu’il n’y ait plus de dérapage et que nous ne trouvions pas d’autres moyens de contourner ce qui deviendra des lois, comme nous l’avons fait avec la politique. Des entreprises ont été capables de contourner les politiques, et le ministère des Pêches et des Océans et le gouvernement n’ont pas été en mesure de les faire appliquer. On a besoin de mesures de suivi. Je pense que le projet de loi nous donne cette occasion, renforce les politiques et clarifie ce que les gens veulent dans l’Est du Canada, ce qui, à mon avis, aidera l’économie et les pêcheurs en Colombie-Britannique.
La sénatrice Poirier : Monsieur Williams, si je vous ai bien compris il y a quelques minutes, lorsque vous avez témoigné devant le comité de la Chambre des communes, vous avez parlé du fait que les permis ne devraient pas pouvoir être vendus ou transférés à personne d’autre qu’un pêcheur ou un propriétaire qui pêchera, ce qui signifie qu’on élimine la possibilité qu’un investisseur de Bay Street, une entreprise ou une grande usine de transformation du poisson l’achètent.
Pouvez-vous nous faire part des réactions que vous avez reçues? Le projet de loi C-68 ne règle pas cette question, n’est-ce pas?
M. Williams : Non. L’étude qui est réalisée par le comité des pêches de la Chambre des communes est une étude de suivi. Durant les consultations sur le projet de loi C-68, il a reçu beaucoup de commentaires des membres des communautés et de l’industrie de la Colombie-Britannique, si bien qu’il a créé une étude distincte pour se pencher sur cet enjeu. Hier, le ministre a signalé qu’il s’attend à ce que le rapport soit rendu public sous peu. Il offrira des options et des stratégies sur la façon de procéder possible.
La sénatrice Poirier : Croyez-vous qu’un amendement devrait être apporté au projet de loi C-68 pour régler cette question?
M. Williams : Non. Si le libellé dont nous avons discuté ici est adopté, alors le ministre aura le pouvoir, et j’espère, la responsabilité d’aller de l’avant et de dire : « Pourquoi aurions-nous un ensemble d’objectifs stratégiques sur la côte Est et une politique complètement différente sur la côte Ouest? » Un ministre pourrait alors décider qu’il a le pouvoir d’intervenir, ce qu’il aurait par l’entremise de règlements et d’autres politiques.
Ce serait une décision stratégique en matière de délivrance de permis pour déterminer qui pourra détenir un permis d’ici sept ans. Il est inutile d’aborder cette question dans le libellé.
La sénatrice Poirier : Merci.
Le président : Je remercie nos témoins de l’excellente discussion que nous avons eue à la suite de la comparution du ministre il y a quelques jours.
Je suis certain que vous suivrez nos discussions avec d’autres témoins. N’hésitez pas à envoyer à la greffière du comité des notes ou des renseignements dont vous souhaitez nous faire part à une date ultérieure.
Merci beaucoup du temps que vous nous avez consacré ce matin et de nous avoir fait bénéficier de votre expertise.
(La séance se poursuit à huis clos.)