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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 44 - Témoignages du 30 avril 2019


OTTAWA, le mardi 30 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 17 h 4, pour l’examen du projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je m’appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Avant de donner la parole à nos témoins, j’invite les membres du comité à se présenter.

Le sénateur McInnis : Le sénateur Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Poirier : Sénatrice Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Wells : Je suis David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Francis : Brian Francis, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Sénatrice Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Gold : Sénateur Marc Gold, du Québec.

[Traduction]

Le président : Ce soir, le comité poursuit son étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence. Je demanderais maintenant à nos invités de se présenter.

Siegfried Kiefer, président et chef de la stratégie, ATCO Ltd. et Canadian Utilities Ltd. : Je suis Siegfried Kiefer. Je suis président et chef de la stratégie d’ATCO Ltd. et de Canadian Utilities Ltd.

Patrick McDonald, directeur, Climat et innovation, Association canadienne des producteurs pétroliers : Patrick McDonald. Je suis directeur, Climat et innovation, à l’Association canadienne des producteurs pétroliers.

Janice Linehan, gestionnaire, Politique environnementale, Suncor Energy Inc., Association canadienne des producteurs pétroliers : Bon après-midi. Je suis Janice Linehan, gestionnaire, Politique environnementale, chez Suncor Energy.

Le président : Merci aux témoins de prendre le temps de se joindre à nous ce soir et de nous aider dans nos délibérations sur le projet de loi C-68. Nous sommes très intéressés à vous entendre. Je crois comprendre que vous avez des déclarations liminaires, après quoi nos sénateurs poseront des questions. J’aimerais mentionner aux sénateurs que je n’aime pas interrompre le débat, mais une soirée chargée nous attend, et nous devons nous efforcer de poser des questions ciblées. Je dirais la même chose à nos témoins en ce qui concerne leurs réponses. La parole est à vous.

M. McDonald : Nous ferons de notre mieux. Bon après-midi, mesdames et messieurs. Comme je l’ai indiqué, je suis Patrick McDonald, directeur, Climat et innovation, à l’ACPP. Vous savez peut-être que l’ACPP est une organisation dirigée par ses membres. Nos membres produisent environ 80 p. 100 des ressources pétrolières et gazières du Canada, sur la terre ferme et en mer.

Janice Linehan, de l’une des sociétés membres de l’ACPP, se joint à moi aujourd’hui. Je souligne que Suncor Energy a une production sur terre et au large des côtes.

L’ACPP, au nom de ses membres, se réjouit de cette occasion de donner son point de vue sur la révision de la Loi sur les pêches dans le cadre du projet de loi C-68. À titre d’information seulement, nous avons fourni un mémoire écrit la semaine dernière, que vous devriez tous avoir à votre disposition.

Pour commencer, je vais vous donner un aperçu de l’ACPP et de notre secteur. Notre industrie est le plus important investisseur du secteur privé au Canada. Nous construisons des projets sûrs au Canada depuis un certain nombre d’années, conformément aux cadres réglementaires actuels et antérieurs.

L’année dernière, nos membres ont injecté 41 milliards de dollars dans l’économie canadienne au moyen de projets d’immobilisations, mais il y a quatre ans, ils ont investi 81 milliards de dollars dans des projets.

Notre secteur est très actif dans un certain nombre d’études de mesures législatives en cours ici et qui cheminent actuellement au Sénat : les projets de loi C-68, C-48 et C-69, pour n’en nommer que quelques-uns. De manière générale, une série de mesures législatives rendent le système de réglementation plus complexe. Nous estimons que certains de ces changements ne sont pas significatifs pour les normes environnementales rigoureuses auxquelles notre industrie est déjà soumise. Parallèlement, les projets de loi ont une incidence sur la capacité de notre secteur à attirer des capitaux d’investissement. Nous voulons vraiment saisir cette occasion pour présenter notre point de vue au comité sénatorial afin de nous assurer que l’on puisse apporter des changements visant à réduire les incertitudes et à accroître l’attrait de nos investissements.

Pour le projet de loi C-68, l’ACPP a ciblé des possibilités d’amendement touchant trois aspects, qui semblent correspondre sensiblement aux interventions d’autres organisations à ce sujet. Le premier aspect a trait à la définition de l’habitat du poisson. Le projet de loi renferme actuellement un paragraphe 1(10), lequel crée un nouveau paragraphe qui assimile le débit d’eau à l’habitat du poisson.

À notre avis, cette nouvelle disposition a été ajoutée par la Chambre des communes, sans examen adéquat des considérations juridiques ou opérationnelles potentielles. Selon son libellé actuel, ce paragraphe pourrait accroître l’incertitude liée à la réglementation et avoir une incidence réelle sur l’application de la définition d’habitat du poisson dans la loi.

Le deuxième aspect concerne la délivrance de permis autorisant des projets désignés. Dans la loi, il est désormais exigé d’introduire ce terme « projet désigné ». Cependant, nous n’avons pas encore vu la liste de ces projets. Avec l’introduction de ces projets désignés, nous croyons comprendre que, étant donné cette nouvelle exigence, il faudrait obtenir un permis pour chaque activité d’un projet désigné en vertu de la Loi sur les pêches, même si cette activité ou cet ouvrage n’a pas eu d’incidence sur l’habitat du poisson ou des répercussions négatives sur cet habitat. Nous pensons que la mise en œuvre de ces nouvelles exigences en matière de délivrance de permis ajouterait une grande complexité en ce qui concerne les éléments à faible risque. Selon la proposition actuelle, elles ne permettraient pas à ces projets désignés d’utiliser tous les énoncés opérationnels ou codes de pratique. À mon avis, il y a place à amélioration dans ce domaine.

Le troisième aspect touche la mise en œuvre du projet de loi proprement dit. Pendant que le projet de loi C-68 chemine au Parlement, le gouvernement devra prendre de nombreuses mesures avant l’entrée en vigueur du projet de loi : il devra y avoir un plan complet de mise en œuvre et de transition par rapport à la loi actuelle; le personnel régional devra recevoir une formation; des politiques, lignes directrices et outils clés devront être élaborés; et des changements ultérieurs devront être apportés aux règlements.

Nous voulons nous assurer que ces modifications des mesures législatives et des règlements n’ont pas d’autres répercussions sur les emplois ni sur notre secteur, comme nous l’avons constaté. Nous demandons que la mise en œuvre se fasse de manière à réduire au minimum l’incertitude : par exemple, il convient de s’assurer que l’industrie et les gens comprennent bien les règlements, que ceux-ci sont en place, et qu’ils les comprennent effectivement avant l’entrée en vigueur du projet de loi.

Tout d’abord, il faut voir ce qui figurerait sur la liste de projets désignés. De plus, à mesure que ces règlements sont modifiés, il faudrait veiller à ce qu’ils suivent effectivement le processus de publication dans la Gazette du Canada, plutôt que de les faire passer rapidement à la publication dans la partie II de la Gazette du Canada. L’ACPP est en faveur d’un régime réglementaire administré en vertu de la Loi sur les pêches, qui préserve la certitude réglementaire, respecte des délais précis, accroît la compétitivité du Canada par rapport à d’autres pays, fixe des conditions d’approbation claires, uniformes et réalisables en plus de limiter réellement les possibilités de contestation judiciaire.

Ce sont les cinq mêmes points que nous avons soulevés il y a des années lorsque nous avons comparu devant le Comité parlementaire à ce sujet.

Pour conclure, encore une fois, en ce qui concerne un certain nombre de mesures législatives, en tant qu’industrie, nous voulons limiter l’incertitude qui règne chez nos membres afin qu’ils puissent obtenir la confiance des investisseurs. À l’heure actuelle, le Canada favorise davantage l’incertitude que l’injection de capitaux. Nous avons perdu et continuerons de perdre des investissements au Canada, à moins de pouvoir nous assurer que notre cadre de réglementation prévoit des règles, des décisions et des délais clairs, qui tiennent la route.

Merci de m’avoir permis de présenter la déclaration liminaire. Vos questions sont les bienvenues.

M. Kiefer : Merci. Nous sommes heureux de nous réunir sur le territoire traditionnel non cédé du peuple Anishinabe algonquin. Merci, mesdames et messieurs, de nous rencontrer aujourd’hui et d’entendre notre point de vue sur le projet de loi C-68.

Pour ceux qui ne connaissent pas ATCO, nous sommes une entreprise fièrement canadienne, fondée il y a plus de 70 ans, qui a son siège social en Alberta. Aujourd’hui, nous sommes une entreprise planétaire qui compte 6 000 employés. Notre entreprise fournit des solutions intégrées dans différents domaines : l’électricité, le logement, les structures, la logistique, les pipelines, les liquides, les ports, le transport ainsi que l’approvisionnement en énergie au détail.

ATCO a toujours soutenu la mise en place d’infrastructures hydroélectriques, et nous exploitons aujourd’hui la centrale hydroélectrique de la rivière Oldman dans le Sud de l’Alberta, en copropriété avec la nation Piikani. Cette centrale fournit de l’énergie propre à 25 000 foyers en Alberta.

Le secteur canadien de l’électricité produit, en moyenne, 82 p. 100 de son électricité à partir de sources n’émettant pas de gaz à effet de serre, dont environ 60 p. 100 provenant de l’énergie hydraulique. Toutefois, dans plusieurs administrations au Canada, l’électricité produite à partir de combustibles fossiles reste encore la principale forme de production. Nous croyons que l’hydroélectricité jouera un rôle important dans le remplacement de ces installations qui produisent de l’électricité à partir de combustibles fossiles à l’avenir afin de favoriser cette transition et de fournir un approvisionnement d’appoint pour d’autres formes d’énergies renouvelables intermittentes, comme l’énergie solaire et éolienne.

Pour faire progresser l’hydroélectricité, les producteurs ont besoin d’un cadre clair et de l’assurance qu’ils seront en mesure d’exploiter de manière fiable leurs centrales existantes et d’en construire de nouvelles, afin de répondre à la demande en énergie tout en passant à un réseau plus propre.

ATCO craint que, sous sa forme actuelle, le projet de loi C-68 ne crée une incertitude — comme vous l’avez entendu de la part de mes collègues de l’ACPP — quant à la portée et à l’application de la loi, au processus de réglementation qui sera suivi et aux exigences de conformité avec la loi également. Nous croyons que le projet de loi imposera également des contraintes à l’exploitation des projets hydroélectriques existants et entravera les investissements dans de nouveaux projets hydroélectriques.

Mesdames et messieurs, vous avez devant vous notre mémoire. Nous avons travaillé très fort pour préparer un ensemble d’amendements assortis de résultats clairs et ciblés visant à améliorer le projet de loi sans sacrifier ses objectifs. Dans la série d’amendements, vous retrouverez les trois problèmes principaux à résoudre. J’aborderai brièvement chacun de ces trois problèmes.

Le premier problème, comme vous l’avez entendu, est le débit d’eau. Le projet de loi C-68 ajoute la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau à la définition de l’habitat du poisson. Cette définition élargie de l’habitat du poisson entraînera une incertitude dans l’application de la loi et, croyons-nous, de nombreux litiges. Selon une interprétation rigoureuse, l’inclusion du débit d’eau donne à penser que l’habitat peut être altéré de manière néfaste, même par une altération temporaire ou une réduction du débit d’eau dans tout plan d’eau connu pour la présence de poissons, qu’il soit naturel ou artificiel. En conséquence, les efforts pour se conformer à la loi sont susceptibles d’imposer des contraintes déraisonnables et inutiles à l’exploitation des installations hydroélectriques existantes, où le débit peut être modifié en réponse à un certain nombre de facteurs, notamment la demande de charge, les phénomènes météorologiques et, fait plus important, la sécurité publique. Le projet de loi peut également rendre très difficile pour les parties d’effectuer des travaux de réparation ou d’entretien de routine sur les installations existantes ou d’obtenir le renouvellement des licences d’installations.

En outre, le projet de loi C-68 confère au ministre des pouvoirs étendus pour agir, lorsqu’un obstacle dans une voie d’eau affecte le poisson ou son habitat, notamment en ordonnant à un propriétaire de maintenir les débits d’eau en amont d’un obstacle. Dans la plupart des cas, le propriétaire d’un obstacle ne sera pas en mesure de contrôler les caractéristiques de l’eau ou le débit d’eau en amont de son installation. Les débits d’eau sont déjà gérés par divers mécanismes provinciaux et interprovinciaux, et les nouvelles dispositions sur les débits d’eau sont inutiles et créeront un risque de chevauchement et de conflit de compétences.

Le deuxième problème que j'aimerais aborder est celui du poisson et de la pêche. Le nouvel énoncé d’objet dans le projet de loi C-68 concerne la gestion et le contrôle adéquats des pêches ainsi que la conservation et la protection du poisson et de son habitat. Cela fait de la conservation un objectif plutôt qu’un moyen de faire progresser la gestion et le contrôle adéquats des pêches. S’il n’est pas corrigé, ce libellé créera un conflit entre l’objet de la loi et l’autorisation du ministère des Pêches et Océans de mener des activités susceptibles de tuer le poisson ou de nuire au poisson ou à son habitat sans avoir le moindre impact sur la durabilité de la pêche. Le projet de loi C-68 devrait mettre l’accent sur les effets qui concernent la population de poissons et non les poissons individuels.

Le troisième problème est l’équilibre entre les coûts les avantages. Le projet de loi C-68 ne tient pas compte des questions générales d’intérêt public, comme l’économie ou les coûts de la conformité avec la loi. Deux dispositions en particulier le démontrent. Selon l’article proposé 35.1, il est interdit d’exploiter un ouvrage compris dans un projet désigné, sauf en conformité avec un permis, même si l’exploitation d’un tel ouvrage n’aura pas d’incidence sur le poisson ou son habitat. Cette interdiction générale est inutile et n’avance en rien les objectifs de la loi.

Le deuxième exemple serait le paragraphe proposé 38(4), selon lequel on doit aviser de la mort de tout poisson, en toutes circonstances. Il devrait y avoir des exemptions claires à cette obligation, en particulier lorsque la mort de poisson fait partie des prises accessoires associées au fonctionnement normal d’installations qui existent depuis longtemps.

Ces dispositions sont excessivement lourdes et entraîneront des coûts administratifs et réglementaires ainsi qu’un fardeau pour le ministère des Pêches et des Océans et les propriétaires d’installations.

Enfin, les facteurs énoncés dans le projet de loi C-68, dont un décideur doit tenir compte lorsqu’il prend certaines décisions en vertu de la loi, n’incluent pas les avantages économiques potentiels d’un projet ou les coûts de la conformité avec une décision. Pour assurer un équilibre approprié des considérations, il faudrait inclure ces facteurs dans le processus décisionnel en vertu de la loi.

Outre les problèmes que j’ai soulignés, nous croyons qu’une orientation politique et réglementaire claire sera essentielle à la réussite de la mise en œuvre de ce projet de loi. S’il est adopté, nous exhortons le gouvernement fédéral à consulter les parties concernées à cet égard afin de veiller à ce que les préoccupations soient comprises et à ce que le règlement en tienne compte.

Pour conclure, ATCO apprécie le travail important du comité du Sénat et l’encourage vivement à examiner les amendements que nous avons proposés. Ces amendements visent à accroître la certitude chez les promoteurs et les propriétaires actuels d’installations, ce qui permettra aux projets de progresser et contribuera à la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone.

Je vous remercie d’avoir écouté mes observations et j’attends vos questions avec impatience.

Le président : Merci, monsieur Kiefer et monsieur McDonald. Le vice-président posera les premières questions.

Le sénateur Gold : Bienvenue, et merci de votre témoignage.

C’est une question qui s’adresse aux témoins, en général. Elle a trait à la question de l’habitat du poisson. Le projet de loi C-68, tel qu’il avait été présenté à la Chambre des communes à l’origine définissait l’« habitat du poisson » comme étant les eaux où vit le poisson et toute aire dont dépend, directement ou indirectement, et cetera. Un amendement — et vous n’êtes pas le premier à critiquer cette disposition — a été adopté. Il s’agit de la fameuse disposition « déterminative », qui est ainsi libellée :

Pour l’application de la présente loi, sont assimilés à l’habitat la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau qui sont nécessaires à la durabilité des écosystèmes d’eau douce ou estuariens de cet habitat.

Nous comprenons vos préoccupations et celles des autres personnes à ce sujet. Existe-t-il un terrain d’entente acceptable entre le projet de loi tel qu’il était avant l’amendement et le projet de loi contenant la disposition déterminative? Je vous demanderais en particulier de commenter une proposition que nous avons reçue en tant que comité et qui, je crois, circule depuis un certain temps parmi des associations de l’industrie et de l’agriculture. Elle provient du Forum for Leadership on Water. Il y est suggéré de supprimer complètement la disposition déterminative, mais de l’insérer dans la définition de l’habitat du poisson que j’ai lue au début de ma question afin qu’elle soit ainsi libellée : « Que l’habitat signifie les eaux où vit le poisson », et on y ajouterait « et inclut la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit de ces eaux, et toute aire ». La disposition contient ainsi le reste de la définition dans la loi.

Serait-ce une solution de compromis acceptable? Cela répond-il à vos préoccupations?

M. Kiefer : Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas avocat et que je ne suis pas le meilleur, pour ainsi dire, pour interpréter le jargon juridique associé à la formulation correcte de règlements.

Les débits d’eau sont aujourd’hui régis par un nombre important d’accords entre provinces et entre pays. Le chevauchement potentiel que crée la mention de débit d’eau au chapitre de l’habitat du poisson est un sujet qui me préoccupe beaucoup en ce sens que l’administration ne sait pas clairement qui régirait alors une obligation — en vertu de laquelle la Colombie-Britannique a l’obligation d’acheminer une certaine quantité du débit d’eau dans le réseau hydrographique du fleuve Columbia, qu’elle a l’obligation de fournir un apport d’eau en Alberta dans les bassins hydrographiques qui s’y trouvent — par rapport à cette loi pour ce qui est de la protection de l’habitat.

Ce qui me préoccupe en général, c’est que le fait de régir les débits d’eau crée un chevauchement entre les obligations des administrations. Je préférerais l’éviter dans cette loi.

M. McDonald : Nous pouvons apporter un peu plus de précisions à ce sujet.

En ce qui concerne le degré de complexité, si nous examinons la définition initiale, nos membres n’ont pas été inquiétés outre mesure lorsque le projet de loi a été renvoyé au comité. Aux termes des travaux du comité, je pense qu’un certain nombre de nos membres et d’autres organisations ont soulevé diverses préoccupations. Là encore, nous recommandons que l’amendement soit supprimé et abrogé.

En ce qui concerne le juste milieu, comme nous sommes une organisation composée de membres — et je suis ingénieur, non pas avocat non plus —, il nous faudrait un peu de temps pour examiner ce libellé. Je n’ai pas encore vu ce libellé, mais je serais heureux de l’examiner et de revenir devant le Comité pour donner une réponse à ce sujet. Encore une fois, à notre avis, la meilleure approche actuellement serait de supprimer la disposition.

Madame Linehan, voulez-vous intervenir?

Mme Linehan : Je vais ajouter quelque chose brièvement. Encore une fois, nous n’avons pas vu le libellé proposé. Je pense que ce que vous entendez encore et encore, c’est l’importance des mots et de leur interprétation potentielle. A-t-on déjà évalué le fait de présenter une nouvelle définition comme celle-ci? A-t-elle été examinée du point de vue des répercussions juridiques ou de son application?

Comme on me pose la question à brûle-pourpoint, je dois me risquer à dire « non ».

Là encore, avec la réponse d’ATCO en ce qui concerne le débit d’eau, les gens ne débattent pas de l’importance du débit pour ce qui est de l’habitat et du poisson. La difficulté tient à la définition de « débit » et d’« habitat ». C’est là que le bât blesse, et je pense donc que la réponse à laquelle nous reviendrons est « non ». Nous aimerions aborder notre demande afin de l’abroger.

Le sénateur Gold : Merci. Je n’avais pas l’intention de vous brusquer. C’est simplement que nous avons reçu cette recommandation, et c’est la première occasion que nous avons de la vérifier auprès des représentants de groupes qui ont exprimé leur malaise, voire leur opposition, face à cette disposition. Je vous remercie. Si vous avez d’autres réflexions à ce sujet, vous pouvez communiquer avec la greffière, et c’est avec plaisir que nous accueillerons vos commentaires.

M. McDonald : Si nous pouvions obtenir ce libellé officiel...

Le sénateur Gold : Ce n’est pas officiel, mais c’est une recommandation. La greffière peut vous la fournir. Je vous remercie.

Le président : Si vous avez connaissance de quelque chose du genre ou d’autre chose après notre départ, veuillez en faire part à la greffière, qui nous en informera tous.

La sénatrice Poirier : Merci à tous d’être venus. Ma question s’adresse à ATCO. En ce qui concerne l’hydroélectricité au Canada, selon vous, quelle pourrait être l’incidence du projet de loi C-68 sur l’aménagement hydroélectrique à l’avenir? De plus, quelles sont, à votre avis, les conséquences imprévues du projet de loi C-68 pour vous?

M. Kiefer : C’est une excellente question. Nous étudions l’hydroélectricité depuis les années 1980, personnellement et en tant que société. C’est l’un des premiers projets que j’ai entrepris lorsque je me suis joint à l’entreprise.

C’est une proposition difficile dans une province qui, si vous voulez, n’a pas la chance de disposer du type de ressources en eau dont dispose le Québec, le Manitoba ou la Colombie-Britannique. Néanmoins, l’Alberta dispose de plusieurs voies navigables sur lesquelles l’énergie hydroélectrique aurait un sens économique dans le contexte actuel.

L’effet du projet de loi C-68 sur notre évaluation serait que nous ne proposerions pas d’aménagement hydroélectrique en vertu de cette loi aujourd’hui. La raison en est le manque de clarté sur les trois problèmes que je vous ai exposés et qui, à mon sens, ne permettent pas d’obtenir l’avantage économique lié à la perturbation du débit d’une voie navigable, comme le fait chaque projet hydroélectrique.

Je pense que le projet de loi C-68 aurait pour effet le retrait de l’analyse et des propositions relatives à l’élaboration de nouveaux projets hydroélectriques. En fait, aujourd’hui, les responsables des installations hydroélectriques existantes sont déjà mis au défi de tenter de comprendre ce qu’ils doivent faire en vertu de la loi proposée pour le renouvellement de leur licence. Nous avons un exemple en Saskatchewan : une centrale hydroélectrique a été construite dans les années 1950 et ne peut obtenir le renouvellement de sa licence pour le moment en raison de l’incertitude liée à la nouvelle loi. Ce serait notre principale préoccupation, à savoir que la portée et l’application de cette loi créeraient un degré d’incertitude, de telle sorte que des entreprises retireraient les propositions d’investissement relatives à l’hydroélectricité.

La sénatrice Poirier : À votre avis, diriez-vous que le Canada applique déjà des normes élevées en matière de processus de réglementation pour les produits hydroélectriques?

M. Kiefer : Non. J’appuierais de nombreux aspects du projet de loi C-68, outre les trois problèmes que nous avons mentionnés comme étant des lacunes importantes, puisqu’ils constituent une amélioration par rapport à la situation actuelle.

Nous ne vous demandons pas de considérer le projet de loi comme une n’apportant pas d’améliorations. Je pense que c’est une amélioration à bien des égards, mais il y a trois points critiques à corriger.

La sénatrice Poirier : Si je comprends bien, la principale préoccupation tient à l’ajout de la disposition relative au débit d’eau dans le projet de loi et rendrait effectivement impossible pour vous l’achèvement de nouveaux projets futurs ou entraînerait des problèmes à cet égard?

M. Kiefer : Je dirais qu’il s’agit vraiment des trois éléments : le débit d’eau, les répercussions sur les poissons individuels et les populations de poissons et le manque de considération des avantages économiques associés à un projet sur une voie navigable. C’est la combinaison de ces trois éléments qui freinerait les investissements, dans notre esprit.

La sénatrice Poirier : Avez-vous discuté de ces préoccupations avec le MPO et le ministère provincial des Pêches des dispositions relatives au débit d’eau dans le projet de loi C-68? Vous ont-il donné une interprétation de la disposition et vous ont-ils laissé entendre qu’ils seraient disposés à modifier le projet de loi C-68 et à supprimer cette partie?

M. Kiefer : Nous avons eu de longues discussions avec le ministère de l’Environnement et du Changement climatique et le ministère des Pêches et des Océans. Je pense qu’ils sont conscients des conséquences d’une partie du libellé de la loi. Ils ne m’ont pas donné l’assurance que, si nous reformulions le texte de la manière que nous leur avons proposée, ce serait acceptable pour eux, mais je pense qu’ils sont sensibles aux problèmes que nous soulevons. C’est la plus grande assurance que je puisse obtenir de leur part.

M. McDonald : Pour enchaîner là-dessus, nous avons également collaboré avec le ministère. Peu après l’ajout de la nouvelle disposition, nous avons adressé une lettre au ministre et avons obtenu une réponse : les représentants étaient au courant des préoccupations associées à cette disposition, et le Sénat allait manifestement l’étudier; et, si elle était maintenue, il serait possible de l’aborder dans le règlement.

Lors de tous ces examens, nous avons dit que le fait de traiter des questions liées à la législation dans le cadre du règlement n’est pas une pratique adéquate. S’il y a un problème dans le projet de loi, il est préférable de le résoudre au lieu d’essayer de le faire plus tard par voie de règlement.

Le sénateur Campbell : Merci d’être venus aujourd’hui. Sommes-nous en train de frapper à coup de massue sur quelque chose qui n’est pas très important? J’aimerais savoir : à votre connaissance, combien de fois des poissons sont-ils morts en masse, par exemple, à cause de centrales hydroélectriques, et quelles ont été les circonstances de ces mortalités? Il semble que nous nous dirigions à contre-courant. Y a-t-il quelqu’un qui peut me dire combien d’événements de ce type sont survenus? Je n’ai rien entendu là-dessus.

M. Kiefer : Je ne sais pas si j’ai assez d’exemples précis. Nous exploitons un grand bassin hydrographique industriel sur la rivière Saskatchewan Nord. Il apporte au centre industriel de l’Alberta de l’eau qui sert à bon nombre des processus dans les diverses centrales. Chaque année, nous devons subir une inspection et un test, où vous prenez une mandarine épluchée et la jetez dans la prise d’eau, et elle doit ressortir intacte de l’autre côté si nous voulons continuer d’exploiter notre installation. C’est le test. On le fait depuis 10 ans, et nous n’avons pas encore endommagé de mandarine non épluchée. Je crois donc que nous sommes très exigeants envers nous-mêmes dans ce pays.

Concernant la difficulté, vu le libellé, à arriver à protéger les poissons individuels, voyons-nous des poissons morts dans la rivière Saskatchewan Nord? Oui. Meurent-ils de causes naturelles? Oui. Les gens pêchent-ils dans la rivière? Oui. Il y a beaucoup de causes. Si nous assumons le fardeau administratif qui consiste à recenser chaque poisson que nous découvrons qui est mort dans la rivière, je crois que nous demandons juste beaucoup de travail administratif par rapport à quelque chose qui ne porte pas à conséquence. Si nous tuions de grandes quantités de poissons et nuisions à la population de poissons dans un plan d’eau, alors oui, nous devrions tous être préoccupés par rapport à cette situation et devrions la déclarer, trouver la cause et corriger le problème.

Je pense que nous nous sommes égarés et avons produit un libellé qui nous amène à une position extrême plutôt qu’à une position raisonnable.

M. McDonald : Pour poursuivre dans la même veine, en ce qui concerne les procédés réglementaires additionnels, c’était le deuxième élément que j’ai fait ressortir dans ma déclaration liminaire. En ce moment, si un projet est désigné — et encore une fois, nous n’avons pas de clarté quant aux critères ou aux types de projets dont il s’agirait —, on imposerait des autorisations pour tout ouvrage ou toute entreprise qui ne serait peut-être même pas problématique si cela n’avait pas d’incidence sur l’habitat du poisson. Il serait inutile pour nous de nous soumettre à un processus d’autorisation pour quelque chose qui n’a pas d’incidence sur l’habitat du poisson, et cela pourrait être considéré comme un coup de massue.

Mme Linehan : Je crois que vous avez raison de poser la question. Je crois que nous ne devons pas perdre de vue le prix. Quel est le résultat environnemental attendu ou l’avantage de certains des changements envisagés? Nous devons remettre en question une partie de ces changements, car cela semble ajouter un important fardeau administratif dans certains cas où nous n’obtenons pas l’avantage ou les résultats environnementaux clairs que nous recherchons.

Le sénateur Campbell : Je n’ai jamais entendu parler auparavant de la DDP, la détérioration, destruction ou perturbation. Cela ramène toute cette idée. Comme pour un si grand nombre de projets de loi que nous recevons, il n’y a pas de définitions. On dira : « Nous attendrons le règlement ». C’est comme si vous attendiez que votre bonne fée apparaisse : tout sera parfait une fois que le règlement sera adopté.

Tout d’abord, devrait-on la définir dans la loi plutôt que dans le règlement? Qu’a-t-on fait en l’absence de DDP? On dit qu’on la ramène. Évidemment, ce n’était pas là, et maintenant c’est de retour. Que s’est-il passé durant cette période pour que tout le monde se sente « interpellé » par rapport à ça et dise qu’il fallait y revenir parce que c’est important?

Mme Linehan : En ce qui concerne la DDP, c’est ce que nous connaissons de la loi précédente, et nous savons comment travailler avec celle-ci. Tant les promoteurs que le gouvernement ont une bonne expérience antérieure de travail avec la DDP.

Pour ce qui est de la définir dans la loi, encore une fois, il y a beaucoup d’expérience et d’interprétations juridiques existantes. J’ignore donc si le fait de la définir ajouterait quoi que ce soit.

Le sénateur Campbell : Ce n’est pas parce que le projet de loi est présenté que la DDP n’est plus là. Est-ce exact?

Mme Linehan : Non, la DDP est de retour. C’est la DDP qui est arrivée lorsque les dommages sérieux et nos répercussions sur les pêches commerciales, autochtones et récréatives ont commencé à apparaître; il y a donc eu un changement. Maintenant, nous retournons à ce qui était déjà là auparavant.

Encore une fois, cela ressort dans nos commentaires sur la mise en œuvre et la transition. Cette transition, à l’époque, ne s’est pas faite très en douceur. Pour nous en particulier, ce n’est pas une grosse affaire de retourner à la DDP.

M. McDonald : Nos activités et nos industries ont fonctionné avec le cadre réglementaire actuel et les cadres qui l’ont précédé; nous possédons donc cette expérience. Quand le degré d’incertitude augmente, alors nous apportons de nouvelles définitions qui doivent être mises à l’essai, et les gens ne savent pas bien ce que ces éléments signifient. Pour ce qui est de la DDP, nos membres sont à l’aise de travailler avec cette notion.

M. Kiefer : J’aimerais ajouter une préoccupation subtile. L’ajout du débit d’eau à la définition de l’habitat donne un tout nouveau sens à la DDP pour l’industrie et crée un précédent dans les tribunaux. Vous devez être prudents dans la législation. Je vois ça un peu comme un système. Un petit changement ici a des effets énormes dans l’ensemble de la loi.

Donc, en vertu de la définition précédente de l’habitat du poisson, tout le monde comprend ce que la DDP signifie. Aux termes de la nouvelle définition, je ne crois pas que nous comprenions ce que cela veut dire. C’est l’incertitude qui se retrouve actuellement dans le projet de loi C-68. Ce serait ma mise en garde pour vous.

La sénatrice Petitclerc : J’étais aussi inquiète par rapport à la mort de poissons. C’était également ma question. Juste pour conclure la question à laquelle vous avez déjà très bien répondu, est-ce que l’industrie comprend que ce serait appliqué par le MPO? Comment cela fonctionnerait-il, à votre avis, ou bien croyez-vous que cela ne fonctionnerait pas bien?

M. Kiefer : Ma préoccupation, ce serait que l’objectif de la loi consistant à protéger le poisson individuel plutôt que la population changerait énormément l’intérêt principal de l’industrie, et nous pourrions perdre de vue la forêt, car nous serions perdus au milieu des arbres.

Des poissons meurent autour des installations, et des poissons meurent dans la nature; les installations n’ont rien à voir là-dedans. Le libellé est devenu tellement précis au sujet de toute mort de poisson, dans quelque circonstance que ce soit, que je ne suis pas certain qu’il soit profitable pour l’industrie, l’environnement ou le gouvernement de prévoir ce niveau de déclaration. Je dirais que c’est exagéré. Peut-être que l’image n’est pas bien choisie, mais c’est vraiment comme utiliser une massue pour tuer un moustique.

Les populations de poissons sont quelque chose que l’industrie comprend. Nous comprenons comment elles sont surveillées. Nous surveillons depuis longtemps, au pays, les populations de poissons. Bien franchement, je crois que nous nous en tirons bien.

J’ai beaucoup voyagé. Notre secteur d’activité est assez international. Je dirais que nos normes relatives aux pêches et aux océans sont comparables, voire supérieures, aux meilleures du monde.

La sénatrice Petitclerc : Dites-vous que cette déclaration des poissons morts devrait être éliminée du projet de loi ou avez-vous en tête un certain type de compromis?

M. Kiefer : Nous avons recommandé de conserver le principe entourant la mort accidentelle, qui est dans la législation actuelle, dans ce nouveau projet de loi. Il permet les occurrences accidentelles, mais oblige la déclaration de tout problème systémique que vous pourriez rencontrer relativement aux populations de poissons. Je crois que cela établit un juste équilibre avec le libellé sur la mort accidentelle que nous avons recommandé.

Cela n’enlève pas l’obligation de se préoccuper des populations de poissons, mais vous impose une forte obligation de continuer de surveiller et de déclarer ces choses, sans se limiter au poisson individuel.

Le sénateur McInnis : Merci beaucoup de votre présence.

Je crois que je sais où l’on veut en venir avec la qualité de l’eau et le débit d’eau. Il y a plusieurs années, on avait un réseau hydroélectrique et une série de barrages hydroélectriques, et nous nous efforcions de faire remonter le poisson en amont. Le problème était de permettre le rejet d’une certaine partie de l’eau. Je crois que c’est ce dont on parle, et je le comprends.

Mon problème ici tient à la compétence. Je n’arrive pas à voir comment votre activité, à moins qu’elle tienne aux eaux de marée, serait du ressort du gouvernement fédéral. Il m’apparaît que ces activités, si elles sont situées en amont en eau douce, relèvent de la compétence, dans notre cas, de la province de la Nouvelle-Écosse et des provinces.

Je soupçonne plutôt que, si vous construisez une centrale hydroélectrique sur une rivière ou un fleuve, vous auriez affaire à la province où vous la construisez, et je présume qu’elle a prévu certaines mesures de contrôle et conditions quant à cette activité. J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

Je ne vais pas aborder ce soir le projet de loi C-69, mais il se trouve que j’ai siégé la semaine dernière à un comité durant des audiences, et j’ai entendu, monsieur McDonald, comment vous avez géré l’énorme perte d’investissement qui en a résulté. Ce soir, j’entends dire avec le projet de loi C-68 qu’il n’y aura peut-être pas de centrales hydroélectriques supplémentaires qui seront construites si certains amendements ne sont pas apportés.

Quand ce type de situation par rapport à une loi qui entre en vigueur se présente... Avez-vous été consultés à l’avance? Habituellement, les politiciens n’essaient pas de trouver le moyen de vous arnaquer. Ils essaient de faire des choses de façon légitime. Mon expérience avec la législation, c’est qu’elle émane habituellement d’un groupe d’intérêt, que ce soient des groupes environnementaux ou d’autres, ou en fait des industries comme celles que vous recherchez.

À votre avis, d’où cela vient-il et avez-vous été consultés? Ce ne sont que quelques questions.

M. Kiefer : Vous êtes très perspicace, monsieur. Certainement, lorsque vous regardez les débits d’eau et les accords sur les débits d’eau, ils relèvent des provinces. Toute installation hydroélectrique qui a une incidence sur les débits d’eau doit effectivement exercer des activités en respectant des lignes directrices strictes de la province et doit avoir négocié avec quiconque se trouve en aval de ce débit d’eau.

Avec son projet du Site C, la Colombie-Britannique a dû négocier les débits d’eau avec l’Alberta afin de permettre à cette installation d’être mise en place et de fonctionner. Ces accords sont assez précis par rapport aux débits annuels et aux débits en période de détresse ou d’inondation. Ils couvrent beaucoup de conditions différentes, dont certaines que j’ai mentionnées dans ma déclaration, comme les différentes choses qui influent sur votre désir de modifier le débit.

Oui, je suis d’accord avec vous pour dire que les administrations provinciales et les dispositions réglementaires, si vous voulez, sur les débits d’eau sont assez matures dans le pays et sont traités de façon responsable entre les administrations.

Pour ce qui est des consultations, je dois le dire — et ce n’est peut-être pas approprié —, mais juste parce que je ne suis pas paranoïaque, ça ne veut pas dire que le monde ne veut pas s’en prendre à moi. C’est une blague au sujet des règlements et de la source des règlements.

Le Canada a une excellente feuille de route pour ce qui est de protéger son environnement. Si vous regardez le reste du monde, vous constatez que nous avons de magnifiques espaces, ressources et terres au pays. Nous profitons aussi d’une qualité de vie qui est nettement supérieure à celle de la plupart des régions du monde. Pourquoi? Parce que nous savons comment mettre en valeur les ressources de façon responsable. Cela suppose parfois de faire des compromis économiques et de trouver une approche équilibrée à l’égard des enjeux propres au développement.

Le pays ne serait pas où il est en ce moment s’il n’avait pas mis en valeur les ressources comme il l’a fait.

Nous devons nous assurer que la législation proposée est équilibrée, et c’est pourquoi nous avons mentionné les facteurs économiques dans le projet de loi C-68. Nous les avons aussi mentionnés dans le projet de loi C-69. Je ne peux pas imaginer de projet dont l’élaboration entraînerait des conséquences nulles. Il y aura toujours un certain degré de conséquences. Que pouvez-vous faire pour les atténuer et les rendre aussi faibles que possible? Ce sont d’excellents éléments à considérer; les dispositions législatives et réglementaires et les autorités qui les appliquent devraient s’efforcer de les respecter. Nous ne devrions pas nous retrouver dans une position où nous disons que nous n’allons pas exploiter nos ressources, car cela se fait au détriment de la prospérité future.

M. McDonald : Pour poursuivre dans la même veine, nous n’exploitons pas de barrages hydroélectriques, mais nous envisageons les choses du point de vue de l’industrie pétrolière et gazière. Je vais commencer par la question sur la consultation. Tout cet examen fédéral environnemental et réglementaire, les projets de loi C-69 et C-68, visait à répondre au mandat du gouvernement de rétablir les protections perdues et de regagner la confiance du public envers le système environnemental global et les protections perdues dans la Loi sur les pêches.

Même si les opinions variaient quant aux protections qui avaient été perdues et au fait de savoir si des incidents majeurs étaient survenus depuis le dernier changement apporté à la Loi sur les pêches, par rapport à ce que vous avez dit, sénateur Campbell, je n’ai rien entendu. Il n’y a rien qui soit arrivé aussitôt que le changement a été fait, et qui a fait en sorte que, soudainement, tout l’habitat du poisson ait été touché.

Nous avons joué un rôle actif dans les consultations sur les projets de loi C-69 et C-68. Pour ce qui est du degré de préoccupation lié au projet de loi C-68 en particulier, il commence à être élevé, à nos yeux, compte tenu de l’introduction de ce changement de la définition de l’habitat du poisson et de l’inclusion de ce projet désigné.

Encore une fois, nous nous heurtons à une difficulté pour ce qui est d’obtenir des investissements, et beaucoup de ces choses tiennent sur la complexité réglementaire. Cela nous touche assurément, et nous constatons l’ajout d’une très grande complexité, sans amélioration de la performance environnementale rigoureuse dont nous faisons preuve.

Comme celle de l’hydroélectricité, notre industrie est reconnue dans le monde entier pour sa norme environnementale robuste. En tant qu’ancien responsable de la réglementation de l’industrie pétrolière et gazière, j’ai une expérience directe avec la rigueur inhérente aux règlements sur la conformité et l’application de la loi. Ainsi, quand nous mettons des choses de l’avant, nous devons passer par ces consultations. Nous avons présenté un certain nombre d’observations, et elles n’ont pas toutes été acceptées.

Par rapport à ce dossier, dès que nous en avons eu connaissance, nous avons soulevé la question de la définition de l’habitat du poisson; pourtant, nous voilà encore ici aujourd’hui en train d’en parler et de voir si c’est un problème.

Je le répète, nous devons suivre le processus et apporter ces changements, puis nous pourrons faire avancer le travail pour obtenir des investissements et commencer à construire des projets au Canada. En ce moment, la réputation du Canada pâtit : des projets majeurs ne peuvent pas être construits, et c’est en raison de ces modifications législatives comme les projets de loi C-48, C-69 et C-68 dont nous parlons aujourd’hui.

M. Kiefer : Au sujet du projet de loi C-68, malgré des centaines de mémoires, le seul amendement qui a été apporté concernant l’élargissement de la définition de l’habitat du poisson pour inclure les débits d’eau. Même dans le cas du projet de loi C-69, où on a reçu des milliers de mémoires, plus de 100 modifications ont été apportés en raison de ces mémoires. Cela n’a pas été le cas avec le projet de loi C-68. Il a été soumis au Sénat pratiquement tel qu’il avait été rédigé, à cette exception près.

Le sénateur Wells : Merci, mesdames et messieurs, de comparaître et de présenter des témoignages. Monsieur McDonald, dans votre exposé, vous avez dit que le paragraphe 1(10) du projet de loi C-68 crée un nouveau paragraphe concernant le débit d’eau et l’habitat du poisson et que le nouveau paragraphe a été ajouté par la Chambre des communes sans prise en considération et examen adéquats des répercussions juridiques ou opérationnelles possibles. On entend souvent cela.

Je sais que vous êtes ingénieur et non avocat, mais pourriez-vous me dire quelles seraient les répercussions non pas juridiques, mais opérationnelles pour les installations existantes si le projet de loi est adopté?

M. McDonald : Pour ce qui est des répercussions opérationnelles, je vais m’en remettre à ma collègue.

Mme Linehan : Encore une fois, les installations existantes offrent quelques inconnues. Pour ce qui est du débit d’eau lui-même qui est défini comme l’habitat du poisson, vous pourriez probablement débattre au sujet de régions où un débit d’eau n’avait pas été défini au préalable comme un habitat du poisson et qui aura maintenant une incidence sur le poisson dans l’avenir, et il vous faudrait donc en tenir compte ou le compenser. Il vous faudra l’atténuer, toutes ces sortes de choses. Si on faisait une révision, ou encore une fois, si on ne comprend pas comment se déroulerait la transition avec les installations existantes... Il y a assurément des répercussions pour les installations existantes et les nouvelles installations.

Le sénateur Wells : à la lumière de cette inconnue, seriez-vous d’accord pour que l’on accorde des droits acquis aux installations existantes qui ont reçu une autorisation en vertu des dispositions réglementaires actuelles?

Mme Linehan : C’est une bonne question. Je vais peut-être devoir vous revenir à ce sujet.

Le sénateur Wells : Parce que les investissements ont déjà été consentis, et l’électricité est produite, ou quoi que ce soit d’autre se passe déjà.

Mme Linehan : Oui. Si la portée de ce qui, à nos yeux, est touché ne change pas, ce serait favorable.

Le sénateur Wells : Ma prochaine question porte sur le faible seuil qui serait établi pour la DDP. Puisqu’il n’est pas facile de définir le terme « harmful » en anglais, ou qu’il se peut que ce soit le seuil le plus faible que vous puissiez trouver, ce qui peut être « harmful » — La mort d’un poisson ou la vitesse du débit dans un barrage hydroélectrique.

Le problème lié à la réintroduction de la DDP tient-il au fait que c’est un seuil vraiment faible pour entraver un projet?

M. McDonald : Cela revient au critère et à la norme du caractère raisonnable. Nous exerçons nos activités depuis de nombreuses années en vertu de ce cadre, et les gens exécutaient des projets et recevaient des autorisations ou prenaient des mesures pour atténuer ou éviter les conséquences afin que leurs projets puissent être construits.

Oui, il y a un peu d’incertitude dans cette définition, mais compte tenu de l’expérience historique de nos activités dans ce domaine, ce serait quelque chose avec quoi nous serions à l’aise d’aller de l’avant, monsieur.

M. Kiefer : Mon seul autre commentaire concerne la norme sur la DDP. Selon votre définition d’« habitat du poisson », cela a fonctionné pendant de nombreuses années au pays. La modification de la définition de ce qui constitue l’« habitat du poisson » crée une norme complètement différente par rapport à ce que la DDP pourrait englober dans le cadre des activités existantes et des nouvelles propositions. Pour moi, c’est un terrain dangereux dans le projet de loi C-68 aujourd’hui. L’élargissement de la définition d’« habitat du poisson » crée maintenant un nouveau critère de DDP, une norme à laquelle les projets doivent satisfaire.

Le sénateur Wells : Sommes-nous en train de réparer quelque chose qui n’est pas brisé?

M. Kiefer : Voici ce que je dirais. Nous avons de très bonnes normes en matière de pêches, d’océans et de cours d’eau au Canada aujourd’hui. Nous avons construit des projets très responsables en vertu de ce modèle.

Je réitère que le projet de loi C-68 améliore certaines choses. Ce n’est pas une loi qu’on devrait mettre au rebut. On doit modifier les aspects critiques que nous avons mentionnés afin de pouvoir en faire une bonne loi que le pays mettra en œuvre et qu’il respectera.

M. McDonald : Pour ce qui est de réparer quelque chose qui n’est pas brisé, nous ne pouvons pas donner d’exemples, parce que nous ne voyons pas de choses comme des gros problèmes liés à la mortalité des poissons. Il est toujours possible de s’améliorer au chapitre de la législation. Le projet de loi prévoit un examen quinquennal, ce qui est logique, parce que nous pourrions mieux comprendre certaines choses. Il suppose un changement très important quant à la façon dont ces éléments seront mis en œuvre par le promoteur et interprétés par l’organisme de réglementation, et il introduit maintenant un risque juridique. Si quelqu’un ne sait pas s’il obtiendra une autorisation, eh bien lorsqu’il obtiendra l’autorisation, il pourrait se heurter à quelques difficultés.

Le degré de complexité de l’examen n’ajoute pas vraiment d’avantages sur le plan environnemental. Nous sommes tenus de respecter une norme environnementale très élevée dans tous les secteurs d’activité, que ce soient les émissions, l’utilisation des terres ou le débit d’eau. Nous devons être très attentifs lorsque nous faisons ces choses, parce que c’est la façon de faire des Canadiens. Nous voulons toujours améliorer les choses, et c’est parfait, mais nous devons nous assurer de ne pas les compliquer à l’extrême, aux dépens de notre capacité, en tant que société, de maintenir et de faire avancer des projets qui amélioreront fondamentalement l’économie et profiteront aux collectivités de partout au pays.

Le sénateur Wells : D’accord. Merci beaucoup.

Le sénateur Christmas : Merci de comparaître ce soir.

Monsieur Kiefer, j’ai lu récemment un article au sujet d’ATCO et de ses partenariats avec des groupes et des entreprises autochtones dans l’ensemble du pays, comme vous l’avez mentionné. Je tiens à vous féliciter de votre audace et des progrès réalisés dans le cadre de votre travail avec des peuples autochtones au Canada. C’est clairement souligné par de nombreux peuples autochtones. Je tiens à vous féliciter à cet égard.

M. Kiefer : Merci.

Le sénateur Christmas : Je veux revenir sur la mort du poisson pour un instant. Nous avons demandé aux témoins de Pêches et Océans Canada ce qu’ils pensaient de la mort des poissons. Ils ont dit que l’interdiction touchant la mort des poissons reposerait sur la santé des populations de poissons. Par conséquent, cela peut varier d’une région ou d’un stock à l’autre, ce genre de choses.

Est-ce la manière dont l’industrie comprend que la mort des poissons serait appliquée par le ministère des Pêches et des Océans, le MPO?

M. Kiefer : Je dirais que non, ce n’est pas ainsi que nous le comprenons. La législation est contestée devant les tribunaux, pas devant le ministère des Pêches et des Océans. Nous avons travaillé avec le MPO pendant de nombreuses années sur de nombreux projets. Ce sont des gens très talentueux. Nous croyons qu’ils excellent dans ce qu’ils font.

Toutefois, le projet de loi proprement dit est évalué devant les tribunaux pour ce qui est de la conformité. Nous observons une augmentation du niveau d’activité associé à tout projet par le truchement de groupes d’intérêt qui ont des préoccupations au sujet d’affaires particulières, mais qui ne saisissent pas nécessairement bien les répercussions globales d’un projet.

Notre préoccupation concernerait davantage la capacité de contestation, compte tenu du nouveau libellé dans la législation et de son caractère précis pour tout poisson dans toute circonstance. Encore une fois, je ne suis pas avocat, mais pour moi, ces mots veulent dire que vous pourriez découvrir un poisson mort en aval d’une installation, puis remettre en doute cette installation et chercher à savoir si elle est responsable du décès de ce seul poisson.

Ce serait notre préoccupation. On ne dit pas tant que les employés du ministère des Pêches et des Océans sont des gens déraisonnables ou qu’ils ne sont pas à même de faire preuve d’un juste équilibre, mais la législation est un concept juridique au sein duquel d’autres personnes peuvent remettre en doute ce caractère raisonnable.

Le sénateur Christmas : L’interprétation que vous venez de fournir ressemble à ce que disait un mémoire de Manitoba Hydro que j’ai vu. Vous avez dit que la déclaration de la mort de tout poisson dans toute circonstance est exagérément contraignante. Selon la définition, si vous voyiez un seul poisson mort, il s’agirait d’une violation de la loi. J’essaie de comprendre comment cette disposition serait appliquée et interprétée. Bien sûr, nous avons posé cette question au ministère. Il nous a dit que non, elle vise davantage une population générale.

J’aimerais juste souligner, aux fins du compte rendu, qu’il y a des niveaux dans l’interprétation de la « mort du poisson ». C’est peut-être quelque chose que nous, en tant que comité, devrions examiner.

M. Kiefer : Dans les amendements que nous avons proposés, nous avons inclus la mort accidentelle du poisson dans la définition. Cela clarifie les choses. Plutôt que de soumettre cela à l’interprétation, la formulation clarifie la façon d’interpréter la disposition sur la mort du poisson.

La clarté est un aspect important de toute législation. Les mots peuvent être mal interprétés par qui que ce soit.

Le sénateur Christmas : Exact. Merci d’avoir fourni ces amendements. Nous vous en sommes reconnaissants.

M. Kiefer : Merci.

Le sénateur Christmas : Monsieur McDonald, j’aimerais revenir à un point que vous avez soulevé dans vos commentaires au sujet de l’autorisation de projets désignés. Vous avez donné quelques détails, mais j’aimerais vous fournir l’occasion d’en donner un peu plus. Pourriez-vous expliquer clairement pourquoi l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’ACPP, recherche plus de clarté par rapport aux projets désignés?

Par exemple, j’ai entendu dire que tout serait plus clair s’il y avait une liste de projets désignés. Êtes-vous de cet avis? Comment voudriez-vous obtenir plus de clarté avec des projets désignés?

M. McDonald : Il serait utile d’avoir une liste pour comprendre les attentes ou les types de projets qui seraient visés. Est-ce que cela permettrait de répondre à toutes les questions? Je dirais que non. Par rapport au texte de loi, nous recherchons le résultat que la disposition sur le projet désigné fournit vraiment ici. Est-ce amélioré? Y a-t-il une moins grande destruction de l’habitat? Notre interprétation, c’est que oui, nous aurions des projets désignés. Des gens qui n’avaient peut-être pas besoin d’autorisations par le passé pourraient maintenant avoir besoin des permis? C’est le premier facteur.

Le deuxième, c’est qu’ils pourraient avoir besoin de permis, mais sans vraiment nuire à l’habitat du poisson. Nous assumons ce fardeau administratif et réglementaire lié à certains procédés réglementaires avec le ministère et des promoteurs pour obtenir un résultat environnemental amélioré limité ou nul.

Peut-être que Mme Linehan aimerait poursuivre sur cette idée également.

Mme Linehan : Je suis d’accord. Comme je l’ai dit plus tôt, nous remettons en question les avantages que représentent ces changements au chapitre des améliorations environnementales ou de la diminution du fardeau réglementaire.

En ce moment, si vous examinez la disposition relative au projet désigné, elle exige un projet qui sera désigné. Donc, il est probable que les mines de sables bitumineux se retrouveraient sur la liste des projets désignés. Nous nuisons au poisson et à son habitat. Toutefois, en ce moment et par le passé, nous pouvions faire des choses supposant des activités à faible risque, comme des ponts à portée libre, des ponceaux, l’enlèvement de barrages de castors, ce qui ne nécessitait pas nécessairement des permis distincts.

En ce moment, on comprend — et, je le répète, c’est une interprétation du fonctionnement éventuel — que nous aurions besoin de permis pour tous ces types d’activités distinctes. Encore une fois, pour ce qui est de la mise en œuvre, cela ne semble tout simplement pas logique. Sans compter que les projets désignés ne sont pas autorisés à utiliser ce mécanisme pour les codes de conduite ou ce qui existait précédemment comme énoncés de principes opérationnels pour ces activités à faible risque. En fait, cela empêche l'utilisation de projets désignés, ce qui doit être une conséquence imprévue, à mon avis. Ce n’est pas logique.

M. McDonald : Si ce n’est pas un projet désigné, ces activités pourraient utiliser les codes de conduite prévus et n’auraient pas besoin d’un permis.

Le sénateur Christmas : J'ai une question générale. M. Kiefer avait dit que, à l'exception des préoccupations qu’il avait soulevées, il appuie dans l’ensemble le projet de loi et la loi. L’ACPP serait-elle du même avis, hormis ces éléments qui vous préoccupent fortement? Que pensez-vous du reste du projet de loi?

M. McDonald : Pour ce qui est de la loi elle-même, on y trouve beaucoup d’éléments positifs : la capacité d’apporter des amendements à des permis, ce qui n’était pas là auparavant; et l’application et la gestion d’un système de crédits que les gens peuvent maintenant utiliser. Il y a beaucoup d’éléments qui sont positifs.

Toutefois, dans sa forme actuelle, le projet de loi, avec ces éléments qui présentent maintenant ce risque de litige et ce fardeau administratif, ce qui peu avantageux, représente dans l'ensemble un défi. Si on réglait ces problèmes au moyen d’amendements ciblés, nous irions de l'avant sans hésitation.

Mme Linehan : Encore une fois, un des avantages, c’est qu’il reconnaît officiellement des codes de conduite et des normes, jusqu’à ce que nous nous rendions compte que la disposition sur le projet désigné empêche tout simplement l'utilisation de ces projets. Je le répète, c’était un avantage, mais selon le libellé actuel du projet de loi, ce n’est vraiment pas avantageux pour des projets d’envergure.

Le président : Voilà qui précise les choses. Sénateur Campbell, voyez si vous pouvez tirer tout cela au clair pour nous.

Le sénateur Campbell : On a répondu à ma question lorsqu'on a répondu à celle du sénateur Wells. En somme, je crois que dans certains cas, nous avons une solution qui crée un problème. C'est un problème auquel notre comité devra s'attaquer en ce qui concerne la DDP et la mort du poisson. Je remercie le sénateur Wells. Comme toujours, il a réussi à me devancer. Je vous remercie encore une fois. Merci, monsieur le président.

Le sénateur McInnis : Vous avez parlé plus tôt de l’entrée en vigueur des dispositions. J’ai lu la loi il y a quelques semaines, mais je crois que la disposition sur la proclamation renferme quelques articles ce qui signifie que certaines dispositions entreraient en vigueur plus tard. Toutefois, en ce qui concerne les dispositions qui ne sont pas mentionnées, parce qu’on n’en parle pas, je crois comprendre que lorsque le projet de loi recevra la sanction royale, il aura force de loi. Je ne vois pas la disposition sur la proclamation ici, mais je crois que c’est ce qu’on dit. Autrement dit, vous envisagez la fin juin.

M. McDonald : Pour ce qui est de l’entrée en vigueur des dispositions, il y a dans le projet de loi une disposition qui permet au gouverneur en conseil de fixer la date à laquelle ces autres articles seraient adoptés. Encore une fois, je n’ai pas examiné dans son intégralité chaque disposition sur la liste, mais la disposition sur l’entrée en vigueur accorde cette latitude au gouverneur en conseil.

En examinant le projet de loi dans son ensemble, nous voulons repérer tout règlement qui doit faire l'objet d'une modification.Nous recherchons avant tout la clarté du libellé. Avant l’entrée en vigueur du projet de loi, nous souhaitons que ces dispositions réglementaires soient présentées ensemble. Vous ne voulez pas que le projet de loi entre en vigueur sans que le règlement soit adopté. Cela créera encore plus d’incertitude dans l'esprit de ceux qui doivent le mettre en application et au sein du ministère qui est chargé de l'administrer.À notre avis, si les modifications corrélatives à d’autres lois et règlements ne sont pas adoptées on devrait , à tout le moins, les suspendre jusqu’à ce que le tout soit complété.

M. Kiefer : Nous serions également de cet avis. On doit miser avant tout sur la clarté.

Le sénateur Gold : J’ai un commentaire à formuler dans l’intérêt du comité et des témoins. J'ai lu les dispositions sur l'entrée en vigueur et on dit que ces dispositions liées au processus de permis pour les nouveaux projets sont celles qui n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par le gouverneur en conseil, ce qui donnerait au ministère suffisamment de temps pour élaborer les politiques — ce que tout le monde souhaite, je crois — afin d'apporter plus de précisions quant aux répercussions de cette loi sur des projets, et ainsi de suite. C’est ainsi que je la comprends. Ces dispositions n’entreront pas en vigueur tant que des politiques et des normes ne seront pas en place. Merci, monsieur le président.

Le président : Je remercie nos témoins de l’excellente discussion. On vous a demandé certaines choses. Comme je l’ai dit plus tôt, si vous avez le temps d’envoyer les informations à notre greffière, nous vous en saurions gré. Si vous pensez à autre chose après votre départ, veuillez faire parvenir vos commentaires à notre greffière alors que nous poursuivons nos travaux.

Nous allons commencer avec notre deuxième groupe de témoins. Nous recevons deux témoins qui comparaissent par vidéoconférence.

Je vais demander à nos témoins de se présenter et de dire qui ils représentent. Nous passerons ensuite aux déclarations liminaires. Par la suite, les sénateurs poseront des questions.

Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et affaires réglementaires, Association minière du Canada : Justyna Laurie-Lean, je travaille à l’Association minière du Canada.

Pam Schwann, présidente, Saskatchewan Mining Association : Pam Schwann, présidente, Saskatchewan Mining Association.

Brady Balicki, chef, Sciences de l’environnement et évaluation des risques (SSEQ), Conformité et permis, Cameco Corporation, Saskatchewan Mining Association : Je suis Brady Balicki, de la Cameco Corporation.

Mme Laurie-Lean : Je vous remercie, mesdames et messieurs, de nous donner l’occasion de vous présenter le point de vue de l’Association minière du Canada sur le projet de loi C-68.

Dans notre mémoire écrit, nous mettons en évidence trois enjeux : le premier, l’amendement de la Chambre des communes selon lequel des caractéristiques du débit d’eau seraient assimilées à l’habitat du poisson; le deuxième, l’impossibilité d’appliquer les dispositions sur les projets désignés telles qu’elles sont actuellement rédigées; et le troisième, l’importance d’une préparation méticuleuse en vue de la mise en œuvre avant l’entrée en vigueur des amendements.

Les déclarations du sénateur Harder et du ministre Wilkinson nous ont encouragés : nous constatons que le gouvernement est ouvert à des amendements sur le débit d’eau et les projets désignés.

Les préoccupations de l’Association minière du Canada, l’AMC, au sujet de l’amendement concernant le débit d’eau concernent tout particulièrement le paragraphe 2(2) proposé, qui est difficile à interpréter dans le contexte des dispositions de la loi sur l’habitat.

Nous ne remettons pas en question l’intention de l’amendement. Toutefois, nous croyons que le libellé pourrait mener à des années de confusion et de litiges, sans contribuer à l’amélioration de la protection de l’habitat du poisson. La quantité, la qualité et l’échelonnement dans le temps du débit d’eau s’inscrivent déjà dans la portée de la Loi sur les pêches.

Puisque vous entendrez de nombreux témoins soulever des préoccupations relativement à l’amendement sur le débit d’eau, mon exposé sera axé sur les dispositions concernant les projets désignés. Dans leur forme actuelle, elles sont inapplicables, car elles créent un fardeau administratif sans renforcer la protection de l’habitat du poisson. Pour m’expliquer, j’aimerais vous présenter une illustration de la série d’instruments offerts pour permettre des exceptions aux interdictions figurant au paragraphe 34.4(1), la « mort du poisson », et au paragraphe 35(1), les dommages causés à l’habitat. Vous devriez avoir en main ces documents.

Cette illustration reprend l’exposé de Pêches et Océans Canada et elle présente la façon dont les instruments prévus par la loi sont gradués de manière à minimiser le fardeau inutile qui incombe aux promoteurs et au ministère. Cette approche vise à prévenir les dommages. Un promoteur pourrait éviter les pertes de temps et les dépenses liées à des autorisations propres aux projets en respectant tous les codes de conduite et les règlements pertinents.

Cette approche encourage aussi les promoteurs à choisir, quand c’est possible, des projets ayant des incidences plus faibles, comme un pont à portée libre plutôt qu’un ponceau.

Les nouvelles dispositions sur les projets désignés s’éloignent de ce concept en créant une nouvelle interdiction. Par rapport à l’interdiction concernant les dommages causés au poisson et à son habitat figurant aux paragraphes 34.4(1) et 35(1), les dispositions sur les projets désignés s’appuient sur une nouvelle interdiction au paragraphe 35.1(1) applicable à l’ensemble des ouvrages, entreprises ou activités compris dans un projet désigné, peu importe les dommages possibles. Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité comprise dans un projet désigné sans un permis. Les promoteurs ne pourraient pas aller de l’avant en se fondant sur les autres instruments de conformité, comme les normes ou les règlements.

Par exemple, un pont à portée libre peut être installé, entretenu et retiré sans que cela touche l’habitat du poisson. Il existe des pratiques de gestion exemplaires qui sont reconnues pour la réalisation d'un tel projet. Une personne pourrait effectuer des travaux d’entretien sur un pont à portée libre en appliquant une telle norme. Toutefois, une société minière aurait besoin d’un permis si l'exploitation minière faisait partie d'un projet désigné en vertu de la Loi sur les pêches.

Il n’y a aucune raison de croire qu’une société minière serait moins disposée qu’un particulier à respecter une norme. En créant un tel fardeau administratif inutile, cette disposition viendrait réduire l’incitatif visant à éviter de causer des dommages, puisque le fardeau administratif imposé à des projets désignés ne serait pas lié au degré de dommages qui pourraient se produire.

Nous vous demandons instamment de modifier le projet de loi C-68 en vue de réduire les exigences touchant les permis pour les projets désignés à ces seuls ouvrages, entreprises et activités qui sont susceptibles de causer des dommages au poisson ou à son habitat. Pour ce faire, plusieurs moyens sont à notre disposition. Dans notre mémoire, nous proposons que le ministre soit autorisé à désigner quels ouvrages, entreprises et activités dans le cadre de chaque projet désigné nécessiteraient un permis. L’effet d’un tel changement serait de transformer les dispositions sur les projets désignés en un examen obligatoire.

En plus des changements déjà mentionnés, il est essentiel que l’exception figurant au paragraphe 34(3) soit retirée de manière à ce que toutes les dispositions de la loi s’appliquent aux ouvrages, entreprises et activités, peu importe le projet dans lequel ils sont compris. Le retrait de cette exception permettrait à des ouvrages, entreprises et activités courants à faibles incidences dans le cadre d'un projet désigné d’aller de l’avant en fonction des autres instruments conformes à la loi comme les normes ou les règlements.

Préparons-nous maintenant à la mise en œuvre de la loi modifiée, Notre préoccupation est fondée sur notre expérience relative aux modifications précédentes. La plupart des instruments de protection du poisson et de son habitat que nous venons d’aborder existent déjà en vertu de la loi actuelle, mais ils n’ont pas été mise en place. Le ministère s’est fondé presque exclusivement sur des examens et des autorisations propres à des projets, ce qui demande beaucoup de temps aux promoteurs et au ministère.

En l’absence de normes, de codes de conduite et de règlements, le ministère sera inondé de demandes spécifiques à des projets à des fins d'examens et d'autorisations. La demande excédera les ressources du ministère, qui ont récemment été augmentées. Cela entraînera une augmentation du nombre de plaintes en raison des retards et les agents seront dépassés par le nombre de demandes qu'ils devront traiter. Ceux-ci ne pourront promouvoir le respect des dispositions et la protection du poisson et de son habitat.

C'est dans l'intérêt supérieur du poisson, de son habitat et de l’économie du Canada que le ministère prend le temps qu’il faut pour se préparer à l'entrée en vigueur des dispositions. Merci.

Mme Schwann : Je tiens à remercier le comité de me donner l’occasion aujourd’hui d'exprimer le point de vue de l’industrie minière de la Saskatchewan sur le projet de loi C-68. J’aimerais également vous présenter mon collègue, Brady Balicki, de Cameco, qui m’accompagne.

Notre association représente plus de 35 entreprises membres qui explorent et produisent des minéraux, dont la potasse, l’uranium, le charbon, l’or et d’autres minéraux en Saskatchewan. Nous exploitons plus de 20 sites miniers actifs dans l’ensemble de la Saskatchewan. Nous avons également des bureaux à Saskatoon et à Regina.

Le secteur de l’exploitation et de l’exploration minières est important pour l’économie de la Saskatchewan. Ce secteur emploie plus de 27 000 personnes dans les collectivités rurales, nordiques et urbaines, achète pour plus de 1,5 milliard de dollars par année auprès d’entreprises de la Saskatchewan, verse plus de 1,7 milliard de dollars par année en taxes provinciales, fédérales et municipales et appuie des activités communautaires.

Nous aimerions vous parler d’un succès particulièrement marquant qui témoigne de l’importance de l’industrie minière dans le Nord de la Saskatchewan. Au début de 2018, environ un emploi sur cinq, dans cette vaste région peu peuplée, était lié à l’exploitation minière. Nos données les plus récentes remontent à 2017. Au cours de cette année, l’industrie minière du Nord a acheté pour une valeur de 261 millions de dollars à des entreprises appartenant à des organismes de développement économique autochtones ou à des coentreprises de développement économique autochtones ou encore à des entrepreneurs autochtones.

Dans les mines du Nord de la Saskatchewan, 41 p. 100 de tous les travailleurs sont d’origine métisse ou proviennent des Premières Nations, ce qui représente un des taux d’emploi les plus élevés chez les Autochtones au Canada et une masse salariale annuelle de 89 millions de dollars. Le travail effectué par l’industrie minière dans le Nord de la Saskatchewan est un exemple concret de réconciliation économique avec les peuples autochtones, que ce soit sur le plan de l’emploi direct, de la participation aux entreprises ou du soutien éducatif et culturel.

La Saskatchewan Mining Association, la SMA, et nos membres ont collaboré activement avec le gouvernement fédéral à l’examen du projet de loi C-68, en présentant des mémoires au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes et, plus récemment, au présent comité. Il s’agit d’une question qui revêt une importance capitale pour notre industrie, particulièrement dans le Nord de la Saskatchewan.

La SMA travaille en étroite collaboration avec son homologue, l’Association minière du Canada. Nous appuyons les dispositions qu’elle a soulevées. Nos exposés sont passablement conformes.

La SMA propose trois modifications et une recommandation que nous jugeons essentielles au succès continu de l’industrie minière de la Saskatchewan. Premièrement, supprimer le terme « débit d’eau » de la définition d’« habitat du poisson »; deuxièmement, supprimer le terme « eaux où vit le poisson » de la définition d’« habitat du poisson »; et troisièmement, supprimer l’expression « projet désigné ».

Avant de décrire certains des motifs qui sous-tendent ces modifications, j’aimerais souligner l’engagement continu de nos membres à l’égard de la protection du poisson et de son habitat. Nos préoccupations au sujet de la loi proposée ont trait à la façon dont certaines des modifications mettraient de côté des décennies de jurisprudence et de pratiques opérationnelles. À notre avis, la loi proposée entraînerait de nombreuses contestations judiciaires et des années, voire des décennies, d’incertitude pour le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, les exploitants industriels et agricoles ainsi que les municipalités rurales et urbaines, et minerait davantage les investissements au Canada.

Un certain nombre de propositions visant à modifier la loi actuelle semblent avoir pour but de combler les lacunes perçues en matière de protection du poisson et de son habitat. D’après l’expérience de nos membres, les lacunes étaient liées non pas à la loi, mais plutôt à l’absence de documents à l’appui de la réglementation, de ressources ministérielles et de formation qui sont nécessaires si l’on veut que les dispositions de la loi fonctionnent comme prévu.

De plus, il existe un besoin continu d’assurer une application équitable des dispositions de la loi pour tous les secteurs — municipalités, foresterie, agriculture, loisirs — et non pas seulement de faire porter l’attention sur l’exploitation minière.

Dans le mémoire que nous avons présenté au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes en 2016, nous avions souligné cette question : la SMA croit que la fermeture des bureaux de district a été un des facteurs dans la perception selon laquelle nous avions perdu de vue la protection des ressources halieutiques. La SMA appuierait fortement le rétablissement des bureaux de district, par opposition aux domaines d’expertise régionaux, car nous sommes d’avis que le fait d’avoir accès à des représentants locaux du MPO, qui connaissent intimement les plans d’eau, les industries et les collectivités autochtones de la Saskatchewan, ainsi que les besoins généraux des ressources halieutiques, contribuerait grandement à améliorer à la fois l’application de la loi et la confiance du public.

Toutefois, revenons aux modifications que nous proposons. D’abord, en ce qui concerne le terme « débit d’eau », nous sommes d’avis que le paragraphe 1(10) a été ajouté sans que la Chambre des communes ait examiné adéquatement les répercussions juridiques et opérationnelles de ce changement de fond. La nouvelle disposition entraînerait une incertitude réglementaire nouvelle et importante, et minerait le fonctionnement des dispositions de la loi relatives à l’habitat du poisson. Un certain nombre de secteurs soutiennent notre point de vue sur cette question. La SMA soutient que l’ajout proposé du « débit d’eau » à la définition d’« habitat du poisson » n’est pas nécessaire, puisque le MPO considère déjà le « débit d’eau » comme une caractéristique de l’habitat du poisson en vertu de la loi actuelle. C’est la raison pour laquelle un certain nombre d’opérations existantes sont nécessaires pour maintenir un débit minimal toute l’année, en fonction des particularités du plan d’eau récepteur.

La SMA recommande donc d’abroger le paragraphe 1(10) du projet de loi C-68, ce qui éliminerait le terme « débit d’eau » de la définition d’« habitat du poisson ».

Notre deuxième amendement concerne l’ajout proposé du terme « eaux où vit le poisson » dans la définition d’« habitat du poisson », ainsi que la définition proposée de « détérioration, destruction ou perturbation de l’habitat du poisson », qui élargit considérablement et inutilement la portée de la loi. En plus de l’ajout proposé du débit d’eau que je viens de mentionner, cette proposition met en péril des années de jurisprudence et de pratiques opérationnelles, et imposerait inutilement un fardeau administratif, opérationnel et financier supplémentaire à l’industrie, aux municipalités et au MPO. Si l’on inclut les « eaux où vit le poisson » dans la définition d’« habitat du poisson », il en résulterait que des endroits qui ne sont pas essentiels pour que les processus du cycle de vie des pêches soient assujettis à la loi, même si ces endroits ne font l’expérience de l’eau qu’une fois tous les 5 à 100 ans.

Il y a quelques années, une station de télévision locale a diffusé un reportage montrant de petits poissons nageant aux pieds d’un agriculteur qui avait de l’eau jusqu’aux chevilles, tandis qu’il se tenait debout au milieu d’un de ses champs inondés; c’est une situation que vous connaissez tous trop bien en ce moment en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Nous pensons à vous ici. Nous ne connaissons pas les problèmes d’inondation que vous avez en ce moment.

Une situation semblable s’est aussi produite à Richelieu, au Québec, où des agents du MPO ont dit à des agriculteurs que leurs nouveaux champs inondés étaient assimilés à l’habitat du poisson et qu’ils pourraient s’exposer à des amendes s’ils tuaient des poissons en pompant l’eau de leurs champs inondés. Je suis sûre que la loi n’a jamais eu l’intention d’empêcher le milieu agricole d’accomplir son travail régulier sur des terres agricoles essentielles en raison d’une inondation, mais c’est ce qui peut se produire si le libellé de la loi est défini librement ou n’est pas harmonisé avec l’intention du projet de loi.

L’inclusion des « eaux où vit le poisson » dans la définition d’« habitat du poisson » pourrait avoir des conséquences imprévues semblables. Nous recommandons donc la suppression de l’expression « eaux où vit le poisson » dans la définition d’« habitat du poisson ».

La troisième modification a trait aux projets désignés. Vous avez déjà entendu ma collègue Justyna, de l’AMC, vous parler des dispositions relatives aux projets désignés. J’aimerais vous donner un exemple qui pourrait aider à expliquer notre préoccupation au sujet de l’adoption de ce terme. Nous comprenons que les rédacteurs ont peut-être tenté de reproduire la terminologie utilisée dans le projet de loi C-69 concernant la Loi sur l’évaluation d’impact, mais puisque ces lois sont essentiellement aussi semblables les unes aux autres que des pommes et des oranges, l’utilisation de ce terme dans la Loi sur les pêches exigera, involontairement, que l’on obtienne un permis pour des ouvrages, des entreprises ou des activités qui n’auraient jamais besoin d’être approuvés s’ils n’avaient pas été compris dans un projet désigné.

L’exemple que je donnerai ici concerne l’entretien courant des ponceaux. Dans ce scénario, l’entretien courant d’un ponceau sur une route qui ne fait pas partie d’un projet désigné n’exigerait pas l’obtention d’un permis et pourrait être effectué immédiatement, conformément aux codes de conduite établis par le MPO, afin de réduire au minimum les répercussions possibles sur le poisson et son habitat. En revanche, la même activité réalisée sur une route qui fait partie d’un projet désigné exigerait qu’un permis soit obtenu au terme d’un processus complexe qui serait assujetti à des délais administratifs et réglementaires, plutôt qu’au moyen de codes de conduite établis, afin d’obtenir les mêmes résultats que le processus de délivrance de permis d’une manière plus efficace et efficiente.

Puisque le résultat est le même pour les deux scénarios, il est clair que l’introduction du terme « projet désigné » ne sert à rien sur le plan pratique et constitue un obstacle supplémentaire à la réalisation de projets au Canada. Nous recommandons donc de supprimer les dispositions relatives aux projets désignés.

Par rapport à notre recommandation sur la période de transition, au regard de notre expérience des modifications apportées en 2012 à la loi, il apparaît clairement qu’il y a lieu de planifier et de mettre en place des mesures transitoires relativement aux dispositions révisées si l’on veut éviter la confusion et l’imposition de coûts indus aux promoteurs. Bien que cela ne soit pas expressément mentionné comme modification dans notre mémoire au comité, la SMA encourage fortement le comité à modifier les dispositions relatives à l’entrée en vigueur de la Loi sur les pêches afin que cela soit au plus tôt un an après la sanction royale. Le MPO pourra utiliser ce temps pour élaborer un plan de mise en œuvre qui comprend une orientation et une formation adéquates, tant pour le personnel du MPO que pour la collectivité assujettie à la réglementation, avant l’entrée en vigueur de toute modification. Lorsque des modifications à la Loi sur les pêches ont été apportées pour la dernière fois en 2012, le personnel du MPO a reçu une formation sur les nouvelles dispositions en même temps que les intervenants, ce qui ne constituait manifestement pas une situation optimale.

J’aimerais attirer l’attention du comité sur le fait que le MPO a indiqué aux intervenants que le gouvernement ne prévoyait pas permettre une période de consultation — c’est-à-dire aucune période d’examen de la partie I de la Gazette du Canada — en ce qui concerne les modifications qu’il est proposé d’apporter aux demandes d’autorisation en vertu de l’alinéa 35(2)b) du Règlement sur les pêches. Ce manque de consultation est incompatible avec le programme du gouvernement fédéral visant à accroître la transparence. De plus, cela est fortement inquiétant, car le Sénat n’a pas encore terminé son étude du projet de loi et, par conséquent, les modifications à la loi proposée recommandées par le Sénat, y compris les trois que nous avons soulevées, auraient des répercussions importantes sur l’élaboration des règlements et des politiques connexes.

Comme les lacunes dans le déploiement de 2012 nous ont permis de le constater, il est essentiel que la loi, les règlements et les politiques soient harmonisés. Le gouvernement doit prendre le temps nécessaire pour élaborer des règlements, des politiques et des documents d’orientation appropriés qui soutiendraient la mise en œuvre réussie de la loi révisée, y compris la fourniture de possibilités de consultation prévues par les examens de la partie I de la Gazette du Canada.

J’aimerais conclure mon allocution en vous remerciant de votre étude du projet de loi C-68. Mon collègue et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci. Comme à l’habitude, la première question sera celle de notre vice-président.

Le sénateur Gold : Merci, mesdames, de vos témoignages. Ceux-ci ont été très utiles.

Ma question s’adresse à vous deux. Je comprends les préoccupations que vous avez exprimées relativement à l’entrée en vigueur du projet de loi. Vous vous inquiétez du fait qu’il pourrait entrer en vigueur alors que le gouvernement n’a pas encore mis en œuvre les politiques, les normes et les codes de conduite nécessaires applicables à des projets qui n’ont pas été désignés. Cela va créer de l’incertitude et pourrait mettre un frein à des choses pour les promoteurs de projets.

Selon ma lecture du projet de loi, à la fin, on dit que les dispositions sur le processus de délivrance de permis pour des nouveaux projets n’entreraient en vigueur qu’à la date fixée par le gouverneur en conseil. Cela donnerait au ministère le temps nécessaire pour faire tout le travail qui s’impose avant que le système n’entre en vigueur. Pourriez-vous vous prononcer sur cette question et dire si cela atténue certaines de vos préoccupations relativement à cet aspect du projet de loi?

Mme Laurie-Lean : Non, cela n’atténue pas les craintes. Les préoccupations consistent à savoir si, nonobstant les dispositions sur le débit d’eau au paragraphe 1(10), la définition d’« habitat du poisson » a été changée par adjonction de l’expression « eaux où vit le poisson ». Un certain nombre d’autres changements ont été apportés et ne s’assortissent d’aucune politique ni orientation. Le ministère est en train d’augmenter ses effectifs. Il a embauché de nouveaux employés. Ceux-ci auront besoin d’une formation. Il n’y a pas beaucoup de temps pour les former, et il ne peut pas vraiment commencer la formation avant que le projet de loi reçoive la sanction royale et que le règlement soit élaboré.

Je parle d’une pyramide complexe ou d’une pyramide raffinée d’instruments de conformité, mais tout dépend de la génération et de l’opérationnalisation de cette pyramide, et en ce moment, ce n’est pas en place. Même si l’on fait abstraction des projets désignés, tout le monde devrait demander une autorisation ou un examen. Aucun des codes de conduite et des règlements ni aucune des normes ne sont en place. S’ils ne sont pas en place, tout le monde est forcé de demander une autorisation. Selon notre expérience passée en vertu de la loi actuelle, nous croyons que le ministère n’a pas une capacité suffisante pour traiter les autorisations aussi rigoureusement qu’elles devraient l’être.

Comme vous pouvez vous l’imaginer, il recevra un nombre beaucoup plus important de demandes d’autorisation. Il a reçu davantage de ressources, mais pas à un point tel que certains vont demeurer assis à se demander quoi faire. Ils seront soumis à une si grande pression pour traiter les demandes courantes qu’ils n’auront jamais le temps d’élaborer les dispositions réglementaires, les codes de conduite, et cetera, pour faciliter les choses et réduire la charge de travail. C’est la préoccupation.

Le sénateur Gold : Je veux m’assurer que je comprends bien votre réponse. Vous répondriez la même chose, même si — et je souligne « même si » — des amendements qui atténueraient vos préoccupations au sujet du débit d’eau et de l’habitat du poisson étaient présentés et adoptés? Vos préoccupations demeureraient les mêmes?

Mme Laurie-Lean : Oui. Si vous regardez le témoignage que nous avons présenté lorsque la Chambre des communes a examiné la loi actuelle et nos mémoires sur le projet de loi C-68, le principal enjeu à nos yeux a toujours été le fait que vous vous assuriez de prévoir la mise en œuvre et l’opérationnalisation et de mettre en place des choses pour gérer la charge de travail. Il y a en ce moment des instruments qui n’ont pas été opérationnalisés, car je ne crois pas que le ministère ait une capacité suffisante pour le faire. Il faut du temps et des gens pour élaborer des règles. Vous devez mener des consultations, faute de quoi vous ne trouverez jamais le temps de le faire, arrivant à peine à garder le rythme, et les gens commenceront à se plaindre.

La dernière transition a été douloureuse. Nos membres ont été pris dans une situation où une demande remplie — et ce sont des demandes complexes — avait été envoyée au ministère. On leur avait assuré qu’elle était conforme. Le jour de l’entrée en vigueur, ils ont reçu un appel où on leur disait : « Désolé, vous devez rédiger de nouveau votre demande en fonction du nouveau libellé de la nouvelle loi. »

C’est donc ce qu’ils ont fait. Cela a pris plusieurs mois. Puis, ils ont encore une fois entendu : « Non, désolé, vous devez tout recalculer. Ce sont maintenant des plans d’eau différents. Vous devez maintenant tenir compte de la productivité des pêches. » Comment pouvons-nous faire cela? Ils ont répondu : « Nous l’ignorons; nous ne l’avons pas encore déterminé. »

C’est ce que nous voulons éviter. C’est un problème réel.

Le sénateur Gold : Merci.

M. Balicki : Je suis d’accord avec ce que ma collègue Justyna vient de mentionner. À la suite de ces changements précédents, l’industrie a dû faire face à beaucoup de difficultés en ce qui concerne les incohérences sur le plan régional. C’était directement attribuable à un manque de transition, et au fait que des politiques et des orientations connexes devaient être élaborées pour soutenir le changement.

On devrait prévoir une année supplémentaire pour aider le ministère, ainsi que les intervenants dans le cadre d’une consultation appropriée, à élaborer l’orientation et les politiques appropriées. Cela débouchera sur une meilleure mise en œuvre de la loi révisée. Au final, cela pourrait créer plus de certitude pour la communauté réglementée et rehausser les avantages sur le plan environnemental.

La sénatrice Poirier : Merci à vous tous d’être des nôtres ce soir.

Ma première question s’adresse à l’Association minière du Canada. En tout temps, si les témoins qui comparaissent par vidéoconférence souhaitent intervenir, n’hésitez pas à le faire.

En 2017, les sociétés minières ont contribué à hauteur de 97 milliards de dollars au PIB du Canada. Croyez-vous que le projet de loi C-68 aura une incidence sur le développement de projets miniers futurs qui contribueront au PIB?

Mme Laurie-Lean : Je ne pourrais pas prédire exactement pour vous quelle sera cette incidence. Cela dépend de la qualité du travail que vous faites dans le cadre de l’examen du projet de loi et de la qualité du travail que le gouvernement fait pour le mettre en œuvre. C’est l’accumulation de tous les changements réglementaires qui présentera un défi. Même des changements bien intentionnés, des changements pour le mieux, peuvent créer de l’incertitude. Si les changements ne sont pas pour le mieux, même si les gens perçoivent le processus décisionnel comme étant de plus en plus plombé, cela va détériorer davantage la situation.

Les investissements dans notre secteur ont accusé une baisse. Au début, on s’est dit que cela tenait au cycle des produits, quand la baisse a eu lieu au début de la décennie. Puis, le prix des produits a rebondi. Nous avons vu une reprise importante dans d’autres pays producteurs de minéraux, mais nous n’avons pas vu la même chose ici, au Canada. Nous sommes en train de perdre notre compétitivité relative. Cela ne tient pas à une seule chose ou à un seul gouvernement. C’est l’ensemble de ces choses qui a créé cette atmosphère où le Canada n’est plus aussi compétitif que d’autres administrations.

S’il est adopté tel quel, le projet de loi contribuerait probablement à une détérioration supplémentaire. Si ces amendements essentiels visant à assurer la faisabilité sont adoptés, et que le ministère les met réellement en œuvre comme prévu, avec un fardeau administratif graduel proportionnel au niveau de risque dans l’ordre du raisonnable, alors je crois que l’incidence serait neutre pour notre secteur du point de vue de la compétitivité.

Mme Schwann : Je souscris aux propos de Mme Laurie-Lean. Nous avons subi environ 10 ans d’examens réglementaires portant sur quelques lois et règlements importants. Cela a un effet cumulatif sur le fait de savoir si les investisseurs investiront au Canada ou chercheront à investir ailleurs. C’est l’incertitude et les délais qui sont critiques. Il y a eu beaucoup d’incertitude quant à la façon dont nous pouvons faire avancer des projets au Canada et en Saskatchewan également.

La sénatrice Poirier : Par rapport aux projets désignés, il semble que cette nouvelle disposition soit plus technique, mais qu’elle apporte aussi un fardeau inutile, si j’ai bien compris. Pourriez-vous nous donner un exemple concret d’un projet approuvé avant l’introduction du projet de loi C-68 et ce à quoi il ressemblerait avec la nouvelle disposition après l’entrée en vigueur du projet de loi? Y a-t-il quelqu’un qui pourrait nous donner un exemple?

Mme Laurie-Lean : Un certain nombre de projets sont allés de l’avant. Dans le cas de la Loi sur les pêches, cela ne s’applique pas seulement à de nouveaux grands projets. C’est le travail continu d’installations où on doit créer un nouvel ouvrage de franchissement de cours d’eau ou élargir l’installation. Un exemple récent a suscité beaucoup d’inquiétudes pour nous; un projet minier devait détourner une partie de route pour assurer la sécurité. On a demandé aux promoteurs du projet d’obtenir l’approbation au titre de la Loi sur les pêches pour déplacer la route, parce qu’ils déplaçaient les fossés de drainage.

La sénatrice Poirier : En quoi cela serait-il différent après l’adoption du projet de loi C-68?

Mme Laurie-Lean : En vertu du projet de loi C-68, avec les dispositions relatives aux projets désignés telles qu’elles sont rédigées actuellement, nous ne savons pas si un projet minier pourrait aller de l’avant s’il s’agissait d’un projet désigné. Nous ne sommes pas certains que les activités existantes pourraient continuer. Nous ne saurions pas si le fait de changer un rouleau de papier de toilette dans la salle de bains de l’entreprise serait considéré comme une activité comprise dans le projet. Cela veut-il dire que l’on doit obtenir un permis? Le MPO nous a dit qu’un avocat constitutionnel qui examinerait les rubriques de compétence constitutionnelle déterminerait que le changement du papier de toilette ou le fait d’installer un drapeau en haut d’un mât n’aurait pas d’incidence sur l’habitat du poisson; par conséquent, cela ne relèverait pas de la Loi sur les pêches.

Nos membres n’emploient pas d’avocats constitutionnels au Nunavut. Ils ne sont juste pas très faciles à trouver, et je ne peux pas imaginer devoir prendre cette décision chaque fois. C’est juste ainsi que c’est rédigé; il est difficile d’imaginer comment cela pourrait fonctionner.

La sénatrice Poirier : Merci. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Balicki : Je crois que nous sommes d’accord avec les exemples qui ont été fournis. Un autre exemple qui me vient à l’esprit serait un ponceau associé à un nouveau projet d’envergure. Par exemple, selon le vieux système, si vous aviez exploité une mine et qu’il y avait des routes ou des ponts connexes, la réparation ou l’entretien du pont lui-même n’exigerait pas nécessairement l’obtention d’un permis. En vertu du projet de loi C-68, si ce pont était associé à votre mine et que des travaux d’entretien devaient être effectués, il est possible que le promoteur doive obtenir un permis pour réaliser des travaux qui n’ont pas d’incidence sur le poisson ou son habitat. Je crois que cela alourdit le fardeau administratif, tant du côté du promoteur que du ministère.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur McInnis : Merci beaucoup de votre présence. J’ai posé la question au groupe de témoins précédent et je n’ai pas obtenu de réponse. À votre avis, d’où vient l’idée des amendements? Y a-t-il des groupes d’intérêt qui les ont demandés? Manifestement, vous ne les avez pas demandés.

Mme Laurie-Lean : Nous ne l’avons pas fait. Je ne sais pas d’où viennent les projets désignés. Je n’en suis pas certaine. C’était peut-être une idée bien intentionnée selon laquelle ils harmoniseraient la Loi sur les pêches avec la Loi sur l’évaluation d’impact, mais ce sont deux lois très différentes qui fonctionnent différemment, et je ne sais pas si quelqu’un n’y a tout simplement pas réfléchi.

L’amendement sur le débit d’eau a été proposé par un certain nombre de groupes environnementaux, mais sous une forme différente. Ce libellé particulier, je crois, a été conçu par les rédacteurs de la Chambre des communes, parce que je n’ai vu ce libellé dans aucun des mémoires présentés par d’autres organisations.

Je crois que le fait de passer de dommages sérieux à la DDP se voulait en quelque sorte une réponse à la perception quant à savoir ce que signifiait « dommages sérieux ». Quant à l’ajout des « eaux où vit le poisson » à la définition d’« habitat du poisson », nous n’avons pas été à même d’obtenir une réponse satisfaisante du ministère quant à son objectif ou à ce qu’il fait.

Le sénateur McInnis : Cet amendement va vraiment toucher les municipalités du pays. Si elles veulent remplacer un ponceau ou quoi que ce soit où, à un moment donné, on aurait pu voir un poisson, cela s’applique. Elles devront obtenir des permis pour cela.

Mme Laurie-Lean : S’il s’agit d’un projet désigné, oui.

Le sénateur McInnis : Exactement, oui. Ce n’est pas juste les mines.

Mme Laurie-Lean : Non.

Le sénateur McInnis : Cela aura un effet réel sur tout. Si vous n’avez pas été consultés à l’avance, pourquoi vous attendriez-vous à être consultés avant l’établissement du règlement?

Mme Laurie-Lean : Nous espérons que nous serons consultés. Il y a eu un document de travail portant sur la demande d’autorisations, mais dans la plus récente version, on disait qu’on passerait directement à la partie II de la Gazette du Canada. C’est préoccupant, car cela veut dire que nous ne verrons pas le libellé réglementaire réel avant sa version définitive. Cela soulève des préoccupations selon lesquelles le ministère prévoit précipiter la mise en œuvre. Cela ne laisserait pas assez de temps pour mener des consultations, élaborer et publier une orientation et s’assurer que tout le monde émet des commentaires.

Je n’essaie pas de critiquer les représentants; je crois qu’ils sont excellents. Ils sont travaillants et compétents, mais tout le monde peut se tromper. Nous ne devrions pas créer de politiques, d’orientation et de règlements derrière des portes closes sans consulter les personnes touchées, concernées ou visées par la réglementation et sans collaborer avec elles. Le ministère n’aurait assurément pas le temps de former ses employés sur le terrain s’il précipite l’entrée en vigueur.

Le sénateur McInnis : Oui. Ils veulent revenir à la situation d’avant 2012. C’est l’intention, ici. J’ai posé la question au ministre en ce qui concerne la logique. Je comprends pourquoi ils veulent procéder ainsi, parce que, en 2012, il s’agissait des pêches commerciales, autochtones et récréatives. C’était précis. Ils veulent ratisser plus large, mais ils ajoutent des choses qui font en sorte que c’est préjudiciable et, franchement, ce sera difficile à appliquer, et le problème ne tient pas seulement au temps qu’il faut pour fournir la formation. Je crois que ce sera laborieux, et je prévois qu’il y aura beaucoup de litiges qui découleront de tout cela. Avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet?

M. Balicki : Oui. Merci. Si je peux me permettre une précision relativement à votre question — qui est très bonne —, c’est que je crois qu’une bonne partie de tout cela découle de la perception de perte de protection, et surtout en ce qui concerne la modification liée au débit. Le débit de l’eau est déjà inclus dans la loi actuelle. En fait, c’est quelque chose qui faisait partie d’une évaluation environnementale mise en œuvre par le ministère des Pêches et des Océans en 2012, qui exigeait le maintien d’un débit minimal dans un ruisseau susceptible d’être touché par des opérations minières. Par conséquent, la capacité du ministère d’appliquer les conditions en matière de débit existait déjà, et il n’est pas nécessaire de modifier quoi que ce soit afin de satisfaire à cette exigence cette fois-ci non plus.

Le sénateur McInnis : Merci.

Le sénateur Campbell : Une fois que la loi sera adoptée, je suis préoccupé par l’enjeu des ressources et la capacité du MPO d’élaborer la réglementation. Vous en avez parlé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Croyez-vous que le ministère devra embaucher beaucoup de nouvelles personnes afin d’y arriver ou s’agit-il de former, j’imagine, les milliers de personnes qui travaillent au sein du MPO?

Mme Laurie-Lean : Je ne crois pas qu’il y en ait des milliers. Il y a eu d’importantes compressions vers 2012. Nous ne faisons pas partie du ministère, mais on avait l’impression qu’ils avaient tout juste assez d’employés pour assurer le déroulement des opérations et qu’il n’y en avait pas assez pour élaborer des instruments, opérationnaliser les codes de pratique ou les normes afin de permettre aux activités ayant une faible incidence d’aller de l’avant sans avoir à obtenir une autorisation propre au site.

Dans le dernier budget, le ministère a bénéficié d’une importante augmentation de ses ressources, et nous constatons des annonces en vue d’embaucher des gens dans les bureaux régionaux du MPO. Cependant, ce ne sera pas assez si les changements apportés par la loi entraînent une augmentation des demandes d’autorisation et que les employés se retrouvent à faire encore la même chose, soit traiter des demandes de routine liées à des projets de faible incidence en si grand nombre qu’ils n’auront pas les capacités pour aussi travailler sur les codes de pratique, la réglementation et ainsi de suite.

Si le ministère procédait autrement et qu’il prenait maintenant le temps et qu’il utilisait ces ressources supplémentaires pour mettre au point ces instruments relativement à des activités de routine comme l’entretien des ponceaux, l’installation de ponts à portée libre et des choses du genre, des choses qui intéressent les municipalités et les agriculteurs ainsi que les responsables des transports, on pourrait ainsi éliminer la très importante et très lourde base de la pyramide qui compte de très nombreux petits projets ayant peu ou pas d’impact. On bénéficierait ainsi d’une protection améliorée de l’habitat du poisson, parce que les gens bénéficieraient des instructions sur la façon de faire les choses correctement. Puis, on aurait le temps de travailler sur les projets complexes ayant une incidence importante, les cas où une autorisation est bel et bien requise.

Le sénateur Campbell : Je m’adresse maintenant à tous les témoins. J’ai laissé entendre au dernier groupe de témoins qu’on faisait face en quelque sorte à une solution qui se cherchait un problème lorsqu’il est question de la détérioration, de la destruction ou de la perturbation de l’habitat du poisson.

Un des témoins sait-il pourquoi de tels changements sont apportés grâce à ces modifications et dans cette loi en particulier? Jusqu’à présent, je n’ai entendu aucun motif légitime à cet égard. Cela ne me semble pas logique du tout. Comprenez-vous ce que j’essaie de dire?

M. Balicki : C’est une autre bonne question, et je crois qu’elle est liée au point précédent que j’ai soulevé sur la perte perçue de protection. Selon nous, les changements apportés en 2012 ont élargi la portée de la loi. En fait, l’industrie minière a tendance à pencher du côté de l’aversion au risque. Lorsque cela a été modifié grâce aux dispositions sur « la mort du poisson », cela a en fait créé pas mal de nouveaux défis, qui sont venus s’ajouter au fait que nous avions perdu certains effectifs régionaux, ici, en Saskatchewan.

Lorsqu’il est question de modification de la terminologie, comme vous dites, ce n’est pas nécessairement une perte de protection. C’est davantage lié à l’interprétation qu’en font les employés à l’échelle du pays. Par conséquent, la formation accrue, des politiques et des directives renforcées et la consultation des intervenants aident à réduire au minimum les défis auxquels l’industrie est confrontée. De façon générale, c’est une façon d’aider à accroître la conformité et les retombées environnementales.

Le sénateur Campbell : Qui a une telle perception? Vous avez dit que certaines personnes voient les choses ainsi. De qui parlez-vous? Qui a l’impression que la loi n’est pas assez bonne? Le gouvernement? Le MPO? Il est évident que les intervenants de l’industrie minière et de l’industrie pétrolière et gazière ne voient pas les choses ainsi. ATCO ne voit pas les choses ainsi.

Le dernier groupe de témoins a reconnu qu’il y avait certaines choses positives dans la loi, mais aussi beaucoup de ratés qu’il faut régler. Par conséquent, qui, selon vous, voit les choses ainsi?

Mme Laurie-Lean : Je ne crois pas que ce soit à nous de répondre, monsieur Balicki, sauf si vous voulez répondre. Il faudrait examiner les témoignages reçus par la Chambre des communes dans le cadre de l’étude. Nous mettons l’accent sur une loi qui atteint les objectifs du gouvernement et qui est viable pour nous.

Le sénateur Campbell : Si la loi est adoptée telle quelle, vous aurez des problèmes.

Mme Laurie-Lean : C’est exact.

Le sénateur Campbell : Je dois comprendre d’où tout cela vient. Je n’ai aucune idée, mais il est clair que quelqu’un a cru qu’il s’agissait de choses importantes à inclure, et je n’arrive pas à savoir qui.

Le sénateur Gold : Je vais changer un peu de sujet et profiter de votre expertise et de votre expérience pour obtenir vos points de vue sur une partie du projet de loi dont on n’a pas encore beaucoup parlé et qui a été encore moins abordé dans le cadre des témoignages.

Je veux parler des accords sur les mesures de rechange. De tels accords sont envisagés à l’article 47 du projet de loi, qui aurait pour effet d’introduire de nouveaux articles dans la loi. Les accords sur les mesures de rechange sont décrits comme des accords conclus entre le procureur général — fédéral ou provincial — et le suspect — quelqu’un qui aurait violé la loi — afin d’offrir une solution de rechange à une procédure judiciaire probablement très longue visant les personnes accusées en vertu de la loi.

Je veux savoir, du point de vue de l’industrie, si vous avez une expérience ou pouvez formuler des commentaires sur les avantages ou les inconvénients de cette nouvelle mesure? Pêches et Océans Canada a déclaré que l’utilisation de tels accords sur les mesures de rechange permettrait de réduire les coûts et la récidive. Avez-vous des commentaires à formuler sur ce point de vue?

Mme Laurie-Lean : Pas vraiment. De façon générale, en tant qu’association, nous ne discutons généralement pas d’application de la loi. Nous visons une conformité à 100 p. 100 avec l’esprit et la lettre de la loi. C’est probablement la raison pour laquelle nous avons vécu la situation de 2012 différemment de tout le monde. Nous avons en fait dû présenter plus de demandes d’autorisation qu’avant. Je suis sûre que tout le monde espère ne pas être un récidiviste. Je n’ai pas pris part à des discussions à ce sujet.

Le sénateur Gold : Merci. J’aimerais savoir ce qu’en pense notre invitée de la Saskatchewan.

Mme Schwann : Je dirais que ce n’est pas un sujet sur lequel nous nous penchons non plus, parce que nous visons la conformité et que nous l’atteignons. Ce n’est pas un sujet auquel nous nous attardons autant qu’aux trois autres demandes que nous avons formulées.

Le sénateur Gold : Merci.

Le sénateur Christmas : J’adresse ma question à quiconque veut répondre. Nous avons récemment reçu un mémoire du Forum for Leadership on Water. Les représentants proposaient certains libellés de rechange visant à éliminer l’incertitude quant à la définition des débits d’eau. Ils ont indiqué dans leur mémoire qu’ils avaient rencontré un certain nombre d’associations de l’industrie pour discuter de l’enjeu, et il y a des gens qui m’ont appelé pour me dire qu’ils avaient parlé à des associations de l’industrie au sujet de tout le dossier des débits d’eau. Avez-vous vu des libellés de rechange liés à toute cette question des débits d’eau? Dans l’affirmative, que pensez-vous de l’élaboration d’une définition ou de l’adoption d’une interprétation plus large des habitats du poisson?

Mme Schwann : Nous n’avons pas vu de définition de rechange relativement aux débits d’eau. Nous croyons que la notion des débits d’eau est abordée de façon adéquate dans la loi. Nous ne voyons aucunement le besoin d’élargir la définition, ce qui pourrait avoir pour effet de modifier la réglementation ou les procédures opérationnelles actuelles.

Le sénateur Christmas : Merci.

Mme Laurie-Lean : Ma réponse sera compliquée. Je m’en excuse.

Du point de vue précis de ce qui nous préoccupe, la modification liée au libellé de rechange du FLOW serait beaucoup plus facile à interpréter. Par conséquent, on ne créerait pas ce genre de confusion pendant de 5 à 10 ans. De ce point de vue, c’est une amélioration.

Cependant, comme on l’a déjà souligné, il y a la nécessité et ainsi de suite, mais il y a aussi le fait qu’il existe un lien avec les eaux où vit le poisson. Même si l’AMC n’a pas demandé que ce soit éliminé — en partie pour essayer de respecter les volontés du gouvernement, mais aussi pour se concentrer sur les amendements les plus cruciaux —, le passage qui nous préoccupe a été étoffé au fil du temps. Le projet de loi a été déposé en février 2018, et le ministère ne nous a pas encore expliqué l’incidence de l’ajout.

Des avocats nous disent que, lorsqu’on ajoute quelque chose à une définition, l’ajout doit apporter quelque chose de différent au reste de la définition. Cela signifierait que l’ajout de « eaux où vit le poisson » ne serait pas lié — directement ou indirectement — au cycle de vie du poisson. Si c’est le cas, de quoi parle-t-on alors? Quelles eaux non nécessaires où vit le poisson veut-on ajouter ici? Cela crée de la confusion, alors pourquoi l’ajouter? Si on fait un lien entre le « débit » et ces « eaux où vit le poisson », cela nous rend nerveux. Parle-t-on seulement du débit des eaux où vit le poisson qui n’est pas nécessaire au cycle de vie des poissons ou est-ce que la mesure s’appliquerait maintenant à tout cela?

Comme le sénateur Campbell l’a dit, c’est un marteau à la recherche d’un clou. On peut difficilement interpréter ce que cela signifierait. Chaque fois qu’il y a ce genre d’incertitude, nous devenons nerveux, mais c’est moins difficile à interpréter que le libellé actuel du paragraphe 2(2).

La dernière chose que j’aimerais mentionner, c’est que, dès que l’amendement a été adopté par la Chambre des communes, nous avons écrit au MPO. L’une des questions que nous avons posées était la suivante : les quantités d’eau sont déjà gérées par les provinces. La qualité de l’eau est déjà gérée, par désignation, par Environnement et Changement climatique Canada. Quels mécanismes mettriez-vous en place pour vous assurer qu’il y a une coordination afin qu’on ne soit pas pris entre deux maîtres, qui nous fourniront éventuellement des directives contradictoires? Nous n’avons jamais reçu de réponse. Par conséquent, sans ce plan du MPO en matière de gestion de la quantité et de la qualité du débit de l’eau en coordination avec les autres parties qui sont déjà présentes dans ce contexte réglementaire, nous craignons qu’on finira par nous dire : « Non, allez leur dire de faire l’autre chose. » C’est une situation inconfortable dans laquelle nous ne voulons pas nous retrouver.

Le sénateur Christmas : Merci.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins d’avoir participé à notre discussion. Comme je l’ai dit aux témoins précédents, s’il y a quoi que ce soit que vous voulez nous envoyer après cet après-midi, n’hésitez pas à l’envoyer à notre greffière, surtout si vous voulez proposer des amendements au projet de loi.

Avant d’accueillir nos prochains témoins, je tiens à dire aux membres du comité, que comme la plupart d’entre vous le savent déjà, nous travaillons sur un échéancier, ici, et nous avons reçu des amendements de plusieurs de nos témoins des dernières semaines. La greffière et l’analyste ont compilé ces amendements, comme nous l’avons fait pour le projet de loi C-55, afin que nous ayons un document à étudier le moment venu. Il y a un assez grand nombre d’amendements, comme vous pouvez le comprendre, des témoins qui ont comparu. Nous allons en recevoir encore quelques-uns, comme cela a été le cas aujourd’hui.

La raison pour laquelle j’en parle, c’est que, si un sénateur a un amendement à proposer, il doit le fournir à la greffière le plus rapidement possible, parce qu’il faut que le légiste fasse des vérifications pour s’assurer que les libellés sont appropriés et qu’ils ne créent pas d’interférence avec une autre loi. En outre, il doit s’assurer d’éviter les dédoublements.

Par exemple, en ce qui concerne les témoins d’aujourd’hui, il y avait beaucoup de symétrie, et, par conséquent, certains des amendements sont les mêmes. Je tiens à vous dire que, assurément d’ici la semaine prochaine — et probablement, au début de la semaine prochaine — les sénateurs qui ont des amendements à proposer doivent les communiquer. Nous nous rendons compte que, dans le cas du projet de loi C-55, nous avions seulement trois ou quatre amendements possibles et nous avons fini par passer pas mal de temps sur ce projet de loi. Je crois qu’il y aura beaucoup plus d’amendements dans le cas du projet de loi C-68. C’est donc mon dernier appel pour les amendements des sénateurs ici présents, et nous arriverons à un moment où nous ne les accepterons plus. Nous pouvons les accepter jusqu’à la journée de la réunion, mais j’essaie d’accélérer les choses, ici.

Nous tenons à dire à tout le monde que quiconque envoie un amendement au légiste donne aussi le droit à ce dernier de communiquer l’amendement à Chantal Cardinal. De plus, les amendements pourront faire partie de la trousse que nous utiliserons, ici, lorsque nous aurons réuni tous les amendements.

Mme Cardinal me dit que tout cela reste confidentiel. Je la crois, et j’espère que vous la croyez aussi.

Cela dit, nous allons accueillir notre dernier groupe de témoins et souhaiter la bienvenue à deux invités. Nous accueillons Terrance J. Paul, chef et coprésident responsable du portefeuille pour la pêche, et Bruce H. Wildsmith, conseiller juridique.

Je crois savoir que le chef Paul a une déclaration préliminaire. Merci de prendre le temps de vous joindre à nous ce soir et d’être arrivés un peu plus tôt. Après votre déclaration préliminaire, les sénateurs vous poseront des questions.

La parole est à vous.

Terrance J. Paul, chef, coprésident, responsable de portefeuille pour la pêche, Assemblée des chefs Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse : Pour commencer, bonsoir, monsieur le président, et bonsoir aux membres du comité, aux autres témoins et aux invités. Merci de nous accueillir ici aujourd’hui pour discuter des répercussions du projet de loi C-68 sur nos pêches. Je représente les Micmacs de la Nouvelle-Écosse. En tant que coprésident de l’Assemblée des chefs Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse, responsable du portefeuille pour la pêche et chef de ma propre collectivité, Membertou, je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine, qui a vécu ici depuis de temps immémoriaux.

Même si vous le savez peut-être déjà, l’Assemblée des chefs Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse se compose des chefs de 13 collectivités micmaques de la Nouvelle-Écosse. Ensemble, nous travaillons, avec l’autorité déléguée, à superviser toutes les questions communes à toutes nos collectivités, et la question d’aujourd’hui en est un très bon exemple. Ce qui nous réunit tous aujourd’hui, c’est notre préoccupation au sujet du projet de loi C-68.

Pour commencer, le projet de loi comporte une grave lacune dans sa définition des « pêches autochtones ». Actuellement, dans le projet de loi, la notion de pêche autochtone se limite seulement aux personnes qui pêchent à des fins alimentaires, sociales, cérémoniales et de subsistance. Par cette définition, monsieur le président, le projet de loi C-68 continue de porter atteinte à notre droit, protégé par la Constitution de pêcher et de vendre du poisson pour subvenir à nos besoins. Nous attendons depuis près de 20 ans, depuis la décision rendue dans l’affaire Marshall, en septembre 1999, la mise en œuvre de notre droit de pêcher pour gagner notre vie convenablement.

L’article 9 définit ainsi la pêche autochtone comme :

la pêche pratiquée par une organisation autochtone ou ses membres à des fins de consommation personnelle, à des fins sociales ou cérémoniales ou à des fins prévues dans un accord sur les revendications territoriales conclues avec l’organisation autochtone.

Cette définition de pêche « autochtone » ne reconnaît pas et ne protège pas toutes les pêches uniques aux Autochtones. Cela mine grandement l’objectif de réconciliation du projet de loi C-68.

Même si les Autochtones pourront participer à la pêche commerciale et récréative, comme tout le monde, en vertu des mêmes permis, règles et règlements, cette définition — qui est identique à la définition de la pêche autochtone introduite en 2012 — continue de nous empêcher d’avoir accès à toute autre pêche fondée sur nos droits autochtones protégés par la Constitution ou par traité.

Pour les Micmacs en particulier, cela signifie que la Loi sur les pêches nous interdira toujours d’exercer notre droit, confirmé par la Cour suprême, de pêcher pour gagner convenablement notre vie.

Une pêche pour subsistance convenable n’est ni une pêche de subsistance ni une pêche commerciale. Le droit des Micmacs de pêcher pour gagner leur vie repose sur une série de traités conclus de 1760 à 1761 et confirmés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Marshall de 1999.

Notre droit de pêcher pour avoir un moyen de subsistance convenable est un droit issu d’un traité protégé par la Constitution, reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle.

Non seulement le projet de loi C-68 ne tient pas compte de cela, mais il pose aussi aux nôtres et à la Couronne de sérieux obstacles.

Les modifications apportées à la Loi sur les pêches en 2012 ont introduit la définition de « pêche autochtone ». En utilisant indéfiniment cette définition, le Canada continue de nous refuser le droit de pêcher pour nous assurer un moyen de subsistance convenable.

Avant notre comparution devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles en 2012, le ministre des Pêches et des Océans nous a dit que, malgré nos droits constitutionnels, toute pêche sans permis serait considérée comme étant illégale et passible de poursuites. Cela a été confirmé.

Le déni continu de notre droit de participer à une pêche pour subsistance convenable a eu des conséquences majeures pour notre peuple. Nombreux sont ceux qui, dans nos collectivités, continuent d’échanger ou de vendre ce qu’ils récoltent par la chasse, la pêche et la cueillette pour subvenir aux besoins de leur propre famille. Cette pêche n’est pas une question de richesse. Cela ne l’a jamais été. Il a toujours été question de survie.

L’incapacité persistante de reconnaître notre pêche pour subsistance convenable rend les modifications proposées à la Loi sur les pêches à la fois sous-inclusives et inconstitutionnelles.

Avant de céder la parole à mon collègue, Bruce Wildsmith, pour discuter plus à fond de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-68, j’espère que vous comprendrez à quel point nos préoccupations sont profondément ancrées dans les traditions, la vie et la culture de notre peuple. L’incapacité de reconnaître et de protéger nos pêches fondées sur les droits dans le projet de loi C-68 aura des répercussions sur la vie de notre peuple et sur les fondements que nous avons tenté d’établir dans le cadre de notre relation de nation à nation.

Pouvons-nous suggérer que, si la pêche “autochtone” doit être définie dans la loi, elle devrait l’être comme suit :

Autochtone, en ce qui concerne une pêche, s’entend du poisson pêché par une organisation autochtone ou l’un de ses membres en vertu de la reconnaissance et de l’affirmation des droits ancestraux et issus de traités prévus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou à toute fin prévue dans toute mesure d’application des droits dont conviennent la Couronne et les peuples autochtones.

Nous vous demandons de recommander la modification de la définition du terme « autochtone » afin de nous assurer que les droits constitutionnels des Micmacs ne soient plus négligés et rejetés.

Mon coprésentateur, M. Bruce Wildsmith, conseiller juridique de l’Assemblée des chefs Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse, va maintenant aborder d’autres sujets préoccupants liés au projet de loi C-68,

Wela’lioq. Je vous remercie de votre temps.

Bruce H. Wildsmith, conseiller juridique, Assemblée des chefs Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse : Merci, monsieur le président, et merci aux sénateurs et invités.

Je veux revenir sur le deuxième aspect de la définition d’« Autochtone » relativement aux pêches. Le chef Paul a parlé du fait que la façon dont la signification ou la définition est structurée fait intervenir deux types d’approches. Une approche consiste à définir l’objectif de l’activité de pêche qui a lieu, et elle est maintenant définie pour inclure ce que le MPO appelle les pêches à des fins de consommation et à des fins sociales ou cérémoniales. Ce que cela n’inclut pas, c’est l’objectif dont le chef Paul a parlé, celui qui découle de la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Marshall en 1999 et de la série de traités conclus en 1760 et 1761 dans les Maritimes avec les peuples autochtones de la province de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Gaspésie, au Québec, et je veux ici parler de la capacité d’assurer une subsistance convenable.

Si vous abordez la définition du point de vue de l’objectif de la pêche, nous disons qu’elle est sous-inclusive parce que les Micmacs, les Malécites et les Passamaquoddy ainsi que les Micmacs de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Gaspésie ont un droit constitutionnel protégé par l’article 35 et confirmé par la décision de la Cour suprême du Canada. Toutes ces nations sont bénéficiaires du même ensemble de traités relativement au droit de pêcher à des fins de subsistance convenable. Du point de vue de la définition, l’objet est sous-inclusif.

L’autre aspect de la définition concerne les accords sur des revendications territoriales. Nous voulons attirer votre attention sur le fait que, par l’intermédiaire du ministère qu’on appelle maintenant Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord du Canada, une nouvelle approche est adoptée à l’échelle du pays dans le cadre d’un processus de remplacement des documents de revendications globales ayant découlé de ces accords.

Alors, oui, il y a des accords sur les revendications territoriales, mais nous avons maintenant entrepris à l’échelle du pays quelque chose que, dans les Maritimes, on appelle le processus de réconciliation des droits, qui mènera — nous l’espérons dans le cas des pêches — à des ententes de reconnaissance des droits. À l’échelle nationale, la terminologie est différente de celle du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord du Canada, et les responsables parlent maintenant d’un processus de reconnaissance des droits autochtones et d’autodétermination des Autochtones.

Mme Cardinal a distribué quelque chose tiré du site web du ministère. Il y est question des différentes nouvelles façons de travailler en collaboration. Il y a 27 pages dans le document original, mais je vous en transmets seulement quatre qui précèdent la liste des différents endroits et des processus entrepris à l’échelle du pays qui figure sur le site du ministère.

À la page 2, il est indiqué qu’il y a 75 tables à l’échelle du pays qui parlent de cela, qui font intervenir 380 collectivités autochtones et assurent leur représentation pour une population totale de plus de 700 000 personnes. Je crois savoir que les chiffres sont maintenant encore plus élevés, mais c’est ce qui figurait aux dernières nouvelles sur le site web.

Si vous passez en revue ces deux ou trois pages, le mot qui ressort, selon moi, et j’espère que c’est aussi votre cas, c’est le mot « accords ». Plutôt que de parler d’accord sur les revendications territoriales, il est question de reconnaissance des droits autochtones et d’accords d’autodétermination. Ce genre de choses engloberait de toute évidence un large éventail de sujets, mais je peux vous dire parce que je participe à ce processus, que dans le cadre du processus en cours en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et en Gaspésie, il est question de la pêche.

Si nous devons avoir une définition dans la loi qui nomme précisément certains accords, assurément il faudrait inclure les accords conclus avec les gouvernements autochtones de partout au pays en vertu du nouveau processus dont on parle, le processus de reconnaissance des droits autochtones et d’autodétermination.

Vous constaterez dans le mémoire écrit que nous avons soumis que nous parlons des droits conférés par les accords de réconciliation sur les droits. C’est le nom qu’on donne à ces ententes dans les provinces maritimes et en Gaspésie aussi, je crois, parce que ce processus qui a été mis en œuvre à l’échelle nationale a commencé en Nouvelle-Écosse. C’est un processus créé en Nouvelle-Écosse dont des représentants de l’ancien ministère des Affaires indiennes avaient remarqué la sagesse.

Parce que ces négociations étaient au point mort à l’échelle du pays, les gens se sont dit qu’on avait besoin d’un nouveau processus. Peut-être qu’il s’agit d’un processus qui permettra de conclure des accords dans les domaines où les accords sur les revendications territoriales globales ne livrent pas la marchandise. Nous pourrons avoir des accords sectoriels. Les pêches, comme le chef Paul l’a souligné, sont l’une des choses que les Autochtones des Maritimes ont très à cœur. C’est une réalité quotidienne. En fait, le chef Paul a rencontré aujourd’hui le négociateur fédéral en chef des pêches pour parler du processus.

Les travaux se poursuivent. Il fait l’objet d’une protection pour éviter tout préjudice, alors on peut seulement en parler en termes généraux, mais, essentiellement, c’est un processus évolutif qui est en cours et le Cabinet l’a approuvé. C’est donc là.

Par conséquent, pourquoi est-ce que la définition qui est dans la Loi sur les pêches modifiée, qui, à première vue, devrait tenter d’inclure toutes les pêches uniques aux Autochtones, n’inclut pas le fruit de ce nouveau processus aussi?

Le président : Merci, monsieur Wildsmith. Comme d’habitude, la première question revient à notre vice-président.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup de votre présence et d’avoir réorganisé votre horaire pour ce faire. Merci aussi de la spécificité de vos recommandations.

J’ai des questions interreliées qui concernent les enjeux que vous avez soulevés. Premièrement, en ce qui a trait à la définition de pêche autochtone dans le projet de loi C-68, avez-vous soulevé ce problème dans le cadre de vos discussions avec le gouvernement, les discussions qui concernaient les accords de reconnaissance des droits et le processus que vous venez de décrire? Avez-vous soulevé vos préoccupations auprès du gouvernement au sujet de cette loi précise? Dans l’affirmative, quel genre de réponses avez-vous obtenues?

M. Wildsmith : Voici ma réponse : il y a eu un processus de négociation avec les négociateurs fédéraux en chef et un négociateur fédéral en chef responsable des pêches. Dans le cadre de ce processus, on a entre autres discuté de la façon d’appliquer de telles ententes. Le fait de parler des liens avec les lois actuelles ou de la modification des lois a été soulevé durant ce processus. Tout ce que je peux dire, c’est que les choses se sont passées de cette façon. Pour ce qui est de savoir ce qu’ils en ont fait à partir de là, ce sont ces personnes ou les représentants du ministère des Pêches et des Océans qui pourraient vous le dire.

Le sénateur Gold : Je crois comprendre que je ne dois pas trop insister. Nous aurons des occasions, j’en suis sûr, de leur parler à nouveau, mais je veux tout simplement savoir si vous pouviez nous faire part du genre de réactions que vous avez obtenues relativement à cette notion d’utiliser une définition plus large et complète de pêche autochtone dans la loi.

M. Wildsmith : Une chose que nous pouvons dire avec certitude, c’est que, lorsque ces amendements ont été apportés — je crois que le chef Paul a dit que c’était en 2012 —, c’était encore après la décision Marshall. Nous avons comparu devant le comité sénatorial à l’époque et soulevé le fait que le dossier de Donald Marshall concernant les droits constitutionnels et les droits de pêcher à des fins de subsistance convenable sont des choses qui auraient pu être incluses, mais elles ne l’ont pas été.

Le sénateur Gold : Vous avez aussi formulé des commentaires sur l’incohérence apparente dans la loi entre l’article 2.3, la soi-disant clause de non-dérogation, et la prise en compte de l’incidence de l’article 2.4. Je crois que nous comprenons tous que les clauses de non-dérogation, peu importe leur libellé, ne remplacent pas la clarté, la précision et la portée appropriée du libellé législatif, mais elles ont un rôle à jouer et c’est la raison pour laquelle elles sont incluses dans les lois.

Le libellé de l’article 2.3 n’est pas le plus récent, mais c’est une version plus récente d’une clause de non-dérogation que celle qui a été utilisée pour la première fois après le rapatriement. Certains estiment qu’elle est plus protectrice, d’autres, qu’elle l’est moins. Ma question ne concerne pas le détail de la clause de non-dérogation. Ma question est la suivante : à la lumière de votre expérience, lorsque le gouvernement ne respecte pas assez ou ne respecte pas les droits ancestraux, est-ce en raison du libellé précis d’une clause de non-dérogation ou est-ce plutôt parce que les pratiques, les politiques et la volonté n’étaient pas là pour faire respecter les droits reconnus et affirmés dans la Constitution?

L’avocat en moi dit, bien sûr, que le libellé est très important, mais la question est la suivante : « À quel point la version de la clause de non-dérogation qui figure dans la loi est-elle importante » comparativement à ce qui est vraiment en jeu, soit la façon dont le gouvernement entreprend la relation de nation à nation avec vous et avec les autres afin de faire respecter concrètement vos droits?

M. Wildsmith : D’après mon expérience, je n’ai jamais vu une situation où quelque chose tenait à la précision du libellé. Je me souviens de deux choses précises. Je me rappelle deux situations où des avocats de la Couronne n’ont pas respecté ces clauses initialement, mais, lorsque la situation a été portée à leur attention, ils ont en quelque sorte reculé et n’ont pas fait la chose non conforme qu’ils envisageaient de faire. Ça a été très utile dans ce cas.

Je me rappelle un autre témoin non spécialiste du ministère des Pêches et des Océans qui a dit ce qui suit à la barre des témoins : « Eh bien, je pensais que ça voulait toujours dire la même chose ». En d’autres mots, c’est sans préjudice et non dérogatoire. Le témoin pensait que c’était du pareil au même et que ça ne tenait pas au libellé en tant que tel.

Le sénateur Gold : Merci.

M. Wildsmith : Si je peux me permettre de revenir sur quelque chose pour souligner le point que nous tentions de faire valoir dans le mémoire, pourquoi le libellé manque-t-il d’uniformité? Quelle est l’intention d’utiliser des libellés différents dans deux dispositions qui se suivent?

Comme vous devez le savoir, un des principes fondamentaux de l’interprétation, qu’on parle d’un document ou d’une loi comme celle-ci, c’est que, si on utilise deux libellés différents pour essayer d’exprimer la même chose, il doit y avoir une raison pour laquelle on utilise des mots différents. C’est l’une des choses sur lesquelles se penchent les avocats, qui se demandent : « Pourquoi est-ce ainsi? » Comme vous pouvez le voir dans notre mémoire, nous ne disons pas qu’il y a une raison, mais les auteurs et les parrains du projet de loi vont probablement vous dire quelle est, selon eux, la différence. Ils ne nous l’ont pas dit à nous.

Le sénateur Gold : Vous avez donc répondu à ma question complémentaire et je n’ai pas à la poser. Vous ne savez pas pourquoi. Merci.

Le président : Le sénateur Gold est aussi un avocat, alors il va peut-être le découvrir et nous le dire.

Le sénateur Campbell : Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Pour ce qui est de la décision Marshall de 1999, qu’est-ce qui s’est passé de 1999 à 2012 avant qu’ils utilisent l’expression pêche « autochtone »?

M. Paul : Qu’est-ce qui s’est passé?

Le sénateur Campbell : Il s’est écoulé 13 ans après qu’une décision qui semble assez claire a été rendue, puis, tout d’un coup, en 2012, le gouvernement décide d’ajouter l’expression pêche « autochtone ». Qu’est-ce qui se passait? Avez-vous pu pêcher? Avez-vous pu tirer une subsistance convenable de la pêche ou était-ce illégal?

M. Paul : L’un de nos problèmes, c’est que nous sommes des gens très patients. Par conséquent, le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère des Pêches et des Océans, a mis en place des mesures provisoires. C’est en vertu de telles mesures que nous pêchons depuis, puisque nous continuons de pêcher du poisson en vertu de la réglementation du MPO comme tout le monde. Les responsables ont mis en place une mesure provisoire parce qu’il n’y avait rien en place pour appliquer la décision de la Cour. La décision de la Cour n’était pas celle qui avait été prévue. Personne au gouvernement ne croyait que nous allions gagner cette affaire.

Le sénateur Campbell : C’est là où je veux en venir. Je ne suis pas avocat, alors je ne comprends pas certaines des subtilités de tout ça. Selon moi, il y a une décision de la Cour suprême qui confirme que le droit de pêcher à des fins de subsistance convenables est fondé non seulement sur le traité de 1760 et 1761, mais aussi sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Je me trompe?

Par conséquent, concrètement, le MPO — et nous tous, par extension — agissons de façon non constitutionnelle contre les Autochtones. Est-ce bien ce que je dois comprendre?

M. Paul : Je crois que oui.

M. Wildsmith : Oui, et si je peux me permettre de préciser quelque chose, peu après tout ça, il y a eu des actes de violence sur l’eau lorsque nos gens ont tenté d’exercer leurs droits. Ils ont été arrêtés par des agents d’application de la loi du MPO. Il y a eu un incident majeur à Burnt Church, un incident à la baie St. Mary’s, en Nouvelle-Écosse, et des gens ont été poursuivis.

Le sénateur Campbell : Ils ont été déclarés coupables?

M. Wildsmith : Comme le chef Paul l’a dit, la réaction du MPO a été en partie de dire qu’il pouvait y avoir une mesure provisoire. La mesure provisoire consistait à donner un accès pratique à l’eau aux fins de pêche commerciale et de négocier à l’avenir la façon dont seraient vraiment appliqués les droits. Ça a été la réponse du MPO.

Le processus est encore en cours, pourrait-on dire. Il a fallu jusqu’en 2017 pour qu’on ait une entente-cadre pour structurer tout ça dans l’ensemble du Canada, pas seulement relativement au MPO. Il a fallu ensuite six ou sept ans, jusqu’à environ 2012 ou 2013, avant que le MPO se présente à la table et dise : « Nous avons maintenant un mandat ». Ce mandat a changé au moment de la nomination du ministre fédéral des Pêches de l’époque, Dominic LeBlanc, en novembre dernier, lorsqu’il a rencontré l’Assemblée des chefs Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse et d’autres chefs des Maritimes pour dire que le Cabinet avait maintenant nommé un homme, Jim Jones, un directeur général régional à la retraite du MPO de la région du golfe en tant que négociateur en chef du gouvernement fédéral pour négocier avec nous. C’est arrivé en septembre dernier. Comme je l’ai dit, le processus est en cours.

Ce qui se produit, c’est que, à maintes reprises, nous demandons : « où est notre pêche à des fins de subsistance convenable? » Au 10e anniversaire de la décision Marshall, en 2009, il y a un événement majeur, une conférence de presse où des personnes ont pris la parole pour demander au Canada de préciser où on en était dans le dossier d’une pêche à des fins de subsistance convenable. Ça fait 10 ans, maintenant.

Le sénateur Campbell : La décision date d’il y a 20 ans.

M. Wildsmith : Oui, ça fait maintenant 20 ans.

Le sénateur Campbell : La patience a des limites, chef, ça fait trop longtemps.

M. Wildsmith : Comme le chef l’a expliqué, si quelqu’un prend le large et exerce son droit, le MPO lui dira qu’il n’a pas de permis pour le faire. Par conséquent, c’est illégal, et la personne contrevient à la Loi sur les pêches.

Le sénateur Campbell : Je ne veux pas m’éterniser, mais le MPO ne peut pas vous dire que vous n’avez pas de permis pour pêcher, parce que la Cour suprême a dit que vous n’avez pas besoin d’un permis pour le faire. Je ne comprends pas de quelle façon nous tous, en tant que gouvernement, pouvons ignorer ouvertement une décision de la Cour suprême. Vous savez, ça n’a selon moi aucun sens. Je ne suis pas un avocat. Je ne cherche pas des excuses.

Le sénateur Gold : Nous ne sommes pas le gouvernement.

Le sénateur Campbell : Nous en faisons partie. Merci de votre patience.

M. Wildsmith : Si je peux me permettre une précision, il y a eu des poursuites durant la dernière année, et un représentant du ministère des Pêches a apparemment témoigné et a dit : « Eh bien, nous n’avons aucune réglementation pour cette pêche. » Par la suite, le ministère de la Justice a suspendu la poursuite.

Maintenant, les pêcheurs dont les prises ont été saisies , et ainsi de suite, ont maintenant entrepris une poursuite civile affirmant qu’ils ont été poursuivis à tort, et ils demandent des dommages-intérêts en conséquence.

Le sénateur Campbell : Merci.

Le président : On apprend de nouvelles choses chaque jour, mais on a une nouvelle définition de « provisoire », c’est sûr.

Le sénateur McInnis : Heureux de vous revoir, chef Paul. Monsieur Wildsmith, vous vieillissez bien. Vous n’avez pas changé depuis 20 ans. Je ne peux pas dire la même chose pour moi. Je suis heureux de vous voir. Il est évident que votre réputation vous précède. Selon moi, vous avez rendu de nobles services aux collectivités autochtones dans notre région.

La raison pour laquelle le gouvernement n’a pas inclus dans la loi ce qui est négocié actuellement, c’est parce que vos négociations ne sont pas terminées. C’est exact? Elles se poursuivent.

M. Wildsmith : Je ne peux pas parler pour eux à ce sujet, mais une partie du problème que je constate, c’est qu’une fois qu’on conclut un nouvel accord, grâce à ce nouveau processus, il n’est reflété d’aucune façon dans la Loi sur les pêches.

Le sénateur McInnis : Selon vous, nous devrions prendre les devants?

M. Wildsmith : Oui.

Le sénateur McInnis : De quelle façon envisagez-vous cet accord de réconciliation? Sera-t-il, au bout du compte, inscrit dans la loi?

M. Wildsmith : Vous posez une très bonne question, monsieur le sénateur. C’est une question qu’on pose tout le temps, et la réponse qu’on nous donne est la suivante : probablement, s’il y a des amendements législatifs requis, ce pourrait être le cas, mais, actuellement, nous œuvrons dans le cadre législatif actuel. Par conséquent, on peut seulement faire ce que la Loi sur les pêches nous permet de faire.

Le sénateur McInnis : Une fois que cet accord sera conclu, le processus se poursuivra-t-il? Y aura-t-il des modifications supplémentaires qui seront apportées par la suite et ainsi de suite? Les négociations se poursuivront-elles et seront-elles toujours ouvertes?

M. Wildsmith : Ce qu’on espère obtenir, c’est un niveau de certitude pendant un certain temps. C’est l’une des grandes différences entre les accords sur les revendications territoriales qui se voulaient globaux et un pieu en plein cœur du processus pour y mettre fin, et le nouveau processus, qui est un processus continu assorti de limites de temps. En ce moment — pour ce qui est des pêches —, on parle de 10 à 25 ans. C’est ce dont on discute en ce moment. Dans le dossier des pêches et des océans, d’après ce qu’on me dit, le minimum sera de 10 ans une fois l’accord conclu.

Le sénateur McInnis : D’accord. Vous êtes dans la salle — pas vous, personnellement, mais peut-être d’autres personnes — pour représenter les Premières Nations dans le cadre de ces négociations. Vous êtes là, avec les représentants du gouvernement fédéral, j’imagine. Ces sujets sont-ils abordés? Vous ont-ils consultés au sujet du projet de loi C-68? Y a-t-il eu des discussions quelconques? Je sais que vous n’étiez pas là directement pour parler du projet de loi, mais en aviez-vous connaissance? Il me semble que ce ne devrait pas être très difficile pour Pêches et Océans d’inclure la notion de « subsistance convenable » dans la définition. Ça me semble tellement logique. La décision R. c. Marshall fait maintenant partie de la common law, et on aurait pu s’attendre à ce qu’il soit difficile — comme le sénateur Campbell l’a souligné — de condamner une personne parce qu’elle travaille ou pêche comme le faisait le défunt Donald Marshall fils.

Comment se fait-il que Pêches et Océans ne l’a pas reconnu? On peut adopter des lois pour modifier certains aspects de la common law, c’est déjà arrivé, mais, dans ce cas-ci, la common law existe. De quel droit Pêches et Océans a-t-il pu changer quoi que ce soit et vous empêcher de faire les choses différemment de Tom McInnis? Vous devez obtenir un permis, sans quoi il y aura des accusations. Ce n’est pas la common law au pays, et ce ne l’était pas non plus à l’époque. Alors comment en est-on arrivé là?

M. Wildsmith : Je crois que c’est une excellente question. Je suis désolé, cependant, de ne pas avoir de réponse, à part vous dire que, lorsque la question a été soulevée, la réponse n’a pas été positive.

Dans le cadre des négociations dont on parle, les accords de reconnaissance des droits pourraient mener à la reconnaissance de ce droit et à son application. Au bout du compte, on espère savoir avec assez de certitude ce que les Mi’kmaq peuvent faire sur l’eau sans craindre des poursuites. C’est le niveau de détails que nous espérons obtenir au terme des négociations, mais, pour l’instant, la réponse standard, c’est que ce n’est pas encore autorisé.

Le sénateur McInnis : Comme on l’a mentionné précédemment, je vous remercie d’être une personne patiente et raisonnable, mais, monsieur Wildsmith, votre excellente réputation juridique vous précède. Une contestation aurait été possible. Personne n’aime comparaître continuellement devant la Cour suprême dans le cadre d’affaires qui ont déjà été réglées par l’arrêt Donald Marshall fils, mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi personne n’y a donné suite par principe. Je ne devrais pas le dire, mais c’est probablement typique de la façon dont vous avez été traités par le passé, et ce n’est pas juste.

La sénatrice Poirier : Merci à vous deux d’être des nôtres. Au début d’avril, le ministre des Pêches et des Océans, lorsqu’il a comparu devant le comité, a dit qu’une des intentions du projet de loi C-68 était d’assurer une importante participation autochtone. Depuis, le comité a reçu des mémoires et des témoignages de groupes autochtones, et certains sont d’accord — et d’autres non — avec cette déclaration. Selon vous, est-ce que la Loi sur les pêches, modifiée par le projet de loi C-68, permettrait d’assurer une importante participation autochtone?

M. Paul : Pas avec le libellé actuel. Le droit n’est toujours pas appliqué. Ce qui a été mis en place jusqu’à présent, c’est un processus provisoire. En fait, les processus provisoires du gouvernement ne sont pas vraiment provisoires. J’ai l’impression que le gouvernement a interprété la décision de la Cour de la façon la plus étroite possible.

Je vais vous donner un exemple. Pêches et Océans a reçu comme premier mandat du gouvernement... Je ne suis pas sûr, mais je crois que c’était environ 10 ans après la décision. Il y a donc finalement eu un mandat. Je suis dans la salle et j’entends tout ça. La personne qui représente le MPO dit qu’elle a finalement le mandat d’appliquer nos droits, mais elle ajoute qu’il ne peut pas y avoir de nouvel accès. Par conséquent, les responsables vont appliquer nos droits sans qu’on puisse pêcher, et nous sommes censés accepter ça. C’est tellement flagrant.

À l’époque, la même personne que celle à qui je parlais et qui représentait le MPO a eu un autre mandat lorsque le gouvernement a changé; c’est venu s’ajouter au précédent. Maintenant, nous allons parler d’accès.

La sénatrice Poirier : Donc, si j’ai bien compris, l’intention du ministre, lorsqu’il a dit que le projet de loi C-68 allait être d’assurer une importante participation des Autochtones... Eh bien, le projet de loi C-68 ne fait rien de bon pour vous. C’est exact?

M. Paul : Eh bien, ça ne donne pas suite à la décision de la Cour suprême selon laquelle nous avons un droit issu de traités de pêcher à des fins de subsistance. Ce n’est pas ce qui fait l’objet des discussions aux plus hauts niveaux. Je suis désolé, mais c’est ainsi que je vois les choses en raison de mon expérience au fil des ans. J’ai été chef pendant 35 ans, et la bureaucratie qui est là a une certaine façon de penser qui ne nous inclut pas. C’est tout à fait nouveau pour la bureaucratie. La bureaucratie n’était pas prête pour une telle décision. Je le dis, parce que c’est ce que m’ont dit les fonctionnaires en tant que tel.

La sénatrice Poirier : Ils ne sont pas prêts depuis 20 ans, et je ne sais pas combien de temps il leur faudra pour être prêts à l’avenir.

M. Paul : Je crois que c’est un peu une dynamique de « nous contre eux ». C’est comme si nous allions causer du tort à l’économie du pays, alors que, en fait, à la lumière de mon expérience et de mon travail, nous participons positivement à l’économie. Il y a des études qui le prouvent.

Je suis membre du Conseil national de développement économique des Autochtones. Nous avons certaines données repères dans un certain nombre de domaines. Ce que ces études nous disent, au bout du compte, c’est que les Autochtones au pays contribuent de façon positive plutôt que négative. Nous ne coûtons rien au gouvernement en fait. Nous redonnons plus que nous en obtenons du gouvernement.

J’ai l’impression que l’état d’esprit n’est pas le bon. Pour une raison ou pour une autre, tout ce qu’on offre aux Autochtones c’est peut-être une case qu’on peut cocher une fois qu’ils ont été consultés. On n’a pas eu d’accord. Ils n’ont pas aimé ce qui s’est produit. Ils ne sont pas d’accord avec tout ça, mais on peut tout de même cocher la case parce qu’on les a consultés, mais la consultation est censée être significative.

La sénatrice Poirier : Merci.

M. Wildsmith : Si je peux ajouter quelque chose à ce dont le chef Paul vient de parler, lorsqu’il a mentionné l’existence de ces accords ou de ces mesures provisoires, c’est qu’on a maintenant un mandat en matière d’accès : toutes les pêches qui présentent un intérêt du point de vue de la subsistance convenable sont ce que le MPO appelle des pêches à accès limité, ce qui signifie qu’il ne peut pas y avoir de nouvelles personnes qui entrent dans le secteur sans que d’autres l’abandonnent, parce que les pêches sont entièrement souscrites.

La pêche au homard est un exemple de pêche que les Mi’kmaq aimeraient utiliser à des fins de subsistance convenable, mais toutes les licences et occasions de pêche au homard sont déjà attribuées. Certaines l’ont été à des Premières Nations à des fins commerciales, mais le point, c’est qu’il n’y a plus de place pour personne. Par conséquent, dès qu’un pêcheur mi’kmaq sans permis va pêcher, il se fait dire, bien sûr, que c’est un risque pour la conservation et qu’on ne peut pas permettre à de nouveaux pêcheurs sans permis de pêcher. Il faut faire quelque chose pour permettre à de nouvelles personnes de pêcher. La seule façon qu’ils permettent à une nouvelle personne d’entrer dans le domaine, c’est si elle achète le permis de ceux qui ont déjà le droit.

Si un permis de pêche au homard coûte 800 000 $, pour obtenir un permis, quelqu’un doit trouver 800 000 $ pour qu’il y ait de la place pour un nouveau pêcheur. Le problème tient en partie à la façon dont on peut obtenir accès à la pêche au poisson de fond, aux crabes des neiges, aux crevettes, aux pétoncles et aux homards. Il faut acheter les permis à des gens qui en ont déjà, parce que ce n’est pas acceptable sur le plan politique de retirer le permis à quelqu’un sans son consentement.

Le président : C’est une discussion très intéressante, et je dois dire au chef Paul que j’ai constaté, depuis que je suis ici, que les Autochtones qui viennent participent toujours de façon significative et constructive à nos délibérations. Nous sommes heureux de pouvoir accueillir des gens comme vous.

Le sénateur Christmas : Chef Paul, vous représentez le portefeuille des pêches pour les 13 chefs de la Nouvelle-Écosse. Pouvez-vous décrire pour le compte rendu ce que signifie une pêche « aux fins de subsistance convenable ». Vous avez souligné que, dans bon nombre de vos collectivités, les gens échangent ou vendent encore ce qu’ils ont recueilli grâce à la chasse, la pêche et la collecte pour subvenir aux besoins de leur famille. Cette pêche ne vise pas à créer de la richesse. Ça n’a jamais été le cas. Elle a toujours été une question de survie.

La plupart des gens comprennent ce qu’est une pêche vivrière et ce qu’est une pêche commerciale, mais pouvez-vous nous expliquer, pour le compte rendu, en quoi consiste une pêche à des fins de « subsistance convenable »?

M. Paul : Selon moi, c’est la capacité des nôtres de subvenir aux besoins de leur famille de façon moderne, et cela signifie pêcher assez de poissons pour payer les factures, avoir un logement, subvenir aux besoins de ses enfants, que ce soit les vêtements et tout le reste. Peut-être avoir un véhicule à soi, peut-être deux, je ne veux pas faire des promesses. C’est de la même façon que le reste du monde vit de façon moderne, mais je ne parle pas du 1 p. 100 des gens qui sont au-dessus de la classe moyenne.

On parle d’un revenu de classe moyenne, vraiment, un revenu qui permettrait aux Mi’kmaq qui pêchent de prendre soin de leur famille. Ils vont pêcher pour subvenir aux besoins de leur famille, et c’est ce que tous les nôtres veulent.

Le sénateur Christmas : Chef Paul, je sais que l’assemblée a fait beaucoup de travail à ce sujet. Vous avez déployé des efforts pour réaliser des études et vous avez demandé à des chercheurs d’aller sur le terrain pour essayer de quantifier ce que signifie une pêche « aux fins de subsistance convenable ». Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon l’assemblée en est venue à définir cette notion et ce qu’elle signifie précisément pour vos collectivités et vos familles?

M. Paul : Je peux vous donner l’exemple de n’importe quelle pêche vivrière. Nous ne sommes assurément pas là où nous devrions être du point de vue de la pêche vivrière, qui permet simplement de pêcher le poisson qu’on mange.

Comme vous l’avez mentionné, il y a une étude qui a été réalisée il y a plusieurs années par les représentants de notre pêche vivrière. Un fait frappant qui a été constaté dans le cadre de l’étude, c’est que, en Nouvelle-Écosse, collectivement, nous ne pêchons pas un total de 800 000 livres de poisson par année. On parle de nourriture qu’on ne peut pas obtenir pour des raisons de sécurité sur l’eau. Si nous mettons nos trappes à l’eau, les lignes seront coupées la même nuit. C’est ce qui s’est produit. C’est connu.

Nous sommes allés voir le MPO, et il ne pouvait ou ne voulait rien faire. Nous avons demandé pourquoi. Nous devrions avoir droit à la même protection. « Désolé, vieux, nous vivons ici. » C’est la réponse.

C’est une façon malheureuse de découvrir de quelle façon on ne peut pas gagner sa vie, et ça fait partie de tout ça.

Ça réglerait beaucoup de problèmes si nous pouvions le faire ne serait-ce qu’en ce qui concerne notre pêche vivrière. Même à ce niveau-là, la plupart du temps, nous ne pouvons pas aller pêcher. Ce n’est pas que nous ne voulons pas. C’est en raison de ce qui arrivera à notre matériel et de ce qui nous arrivera à nous.

Le sénateur Christmas : Je sais que ce n’est pas personnel, mais je crois que c’est important. Vous étiez un bon ami de Donald Marshall fils, et, malheureusement, il n’a pas vécu assez longtemps pour voir cette pêche mise en place.

Si vous aviez l’occasion de lui parler et de lui demander ce qu’il essayait de faire en établissant une telle pêche à des fins de subsistance convenable, que croyez-vous qu’il aurait répondu?

M. Paul : Il aurait dit plusieurs choses. C’était pratiquement un frère pour moi, et le processus a été très difficile pour lui. Assurément, j’ai été en contact avec lui pendant que tout ça se passait, lorsque ses filets, sa production et ses bateaux étaient saisis. Je me rappelle que je lui parlais chaque jour et qu’il m’appelait. Dès qu’il y avait une question sur les prochaines étapes, j’obtenais à tout coup des conseils juridiques à ce sujet, principalement, voire toujours, auprès de Bruce Wildsmith, qui est ici.

La déclaration dont je me souviens le plus au sujet des conseils qui lui étaient prodigués — et c’est probablement ainsi qu’il aurait répondu à votre question —, c’est : « Continuez de pêcher. Continuez de pêcher. » Parce que nous avons le droit de le faire.

Je ne sais pas si le comité sait qu’il a passé 11 ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis. C’est un excellent exemple de ce que la société fait aux gens qui ne sont pas acceptés. C’est ce qui le préoccupait le plus, de ne pas avoir à retourner là.

Je lui ai parlé de l’importance de tout ça, de ce qu’il faisait, et il y croyait. Il croyait qu’il avait le droit de pêcher. C’était ancré dans lui. Son père était le grand chef des Mi’kmaq pendant plus de 30 ans, et faire ce qui est juste lui avait été inculqué.

Je sais que son nom était déjà connu. Lorsque le gouvernement voit son nom et les accusations, eh bien, il ouvre l’œil... Nous pourrions en parler. C’est la raison pour laquelle il a continué. Il a maintenu le cap pour tous les gens, tous les Mi’kmaq, et pas pour lui-même. Il n’a pas tiré grand-chose de ses activités de pêche ou de sa décision.

En fait, ça a été un lourd fardeau pour lui. Plus tard, après la décision, il a dû subir une double intervention chirurgicale au poumon. Cela lui a donné huit ans de plus. Ça a été très difficile pour lui et sa famille, et beaucoup de Mi’kmaq ont aussi été touchés par ça.

Ma réponse serait donc : « Continuez de pêcher. »

Le sénateur Christmas : Merci, chef.

Le sénateur Wells : Merci, messieurs, de comparaître devant nous aujourd’hui. Je vais changer de sujet et parler des articles 21 et 40 du projet de loi.

L’article 21 du projet de loi C-68 exige du ministre ou de l’autorité visée par règlement qu’ils tiennent compte des connaissances autochtones qui ont été fournies avant la délivrance des autorisations et des permis.

Dans notre processus législatif, nous nous sommes attardés à des mots comme « exige » et « peut » et « doit », « doit » étant une directive. Dans ce cas-ci, on exige du ministre qu’il tienne compte des connaissances autochtones.

L’article 40 vise à s’assurer que les connaissances autochtones fournies resteront confidentielles et prévoit les circonstances précises dans lesquelles le ministre peut les communiquer.

Puisque notre processus d’octroi des permis est censé être fondé sur les données scientifiques, et maintenant qu’on inclut les connaissances autochtones — qui, je l’admettrais, sont aussi scientifiques parce qu’elles sont fondées sur des connaissances historiques — que pensez-vous de cette exigence qu’a le ministre d’être transparent lorsqu’il obtient des connaissances autochtones au moment d’envisager d’octroyer des licences?

Dans le projet de loi, l’article 40 vise à garantir que les connaissances autochtones fournies au ministre resteront confidentielles et prévoit des circonstances précises dans lesquelles le ministre peut communiquer l’information après avoir consulté ceux qui lui ont fourni l’information et après avoir précisé à qui l’information sera communiquée.

Avant que je ne pose ma question, permettez-moi de dire que cela révèle un manque de transparence dans le cadre du processus décisionnel et en ce qui concerne la prise en considération des connaissances autochtones, qui sont valides. Nous savons tous qu’elles sont valides. En tout cas, moi je reconnais leur validité dans le cadre des processus décisionnels. Je sais que l’ancien ministre LeBlanc, par exemple, dans sa décision sur la mactre de Stimpson, a eu certains problèmes parce qu’il n’a pas été transparent, et la décision a été annulée.

Que pensez-vous de cette absence d’exigence de transparence, qui fait en sorte que le ministre n’a pas à communiquer des connaissances autochtones prises en considération au moment de prendre sa décision?

M. Paul : En général, je dirais que les connaissances autochtones sont des renseignements exclusifs, comme toute autre connaissance technique dans le domaine des pêches. Je vais vous donner un exemple. Des entreprises comme Clearwater possèdent des renseignements exclusifs sur la façon de pêcher la mactre de Stimpson. C’est compris. Pourquoi leurs connaissances exclusives devraient-elles être visée par des exigences de transparence alors que cette information leur permet de poursuivre cette pêche de façon économique, efficiente et durable?

Le sénateur Wells : En ce qui a trait aux connaissances de Clearwater, l’information est fournie au gouvernement, qui prendra une décision sur les zones de récolte et les quotas. Toute l’information est fournie au gouvernement et n’est pas, en fait, exclusive. C’est de l’information qui est déclarable et publiée.

M. Paul : Les prises, mais pas la manière de pêcher.

Le sénateur Wells : Le dragage de la mactre est aussi une technique bien connue.

M. Paul : L’entreprise possède des technologies exclusives à cet égard. Personne d’autre ne le fait. Personne d’autre ne sait comment faire.

Le sénateur Wells : Vous croyez que les connaissances autochtones qui ont été fournies avant l’octroi de l’autorisation devraient rester confidentielles et ne devraient pas être transparentes relativement à cette ressource de propriété commune?

M. Paul : S’il s’agit d’information exclusive aux Mi’kmaq, si c’est leur savoir.

Le sénateur Wells : Pouvez-vous me donner un exemple de ce qui pourrait être exclusif dans les connaissances autochtones fournies afin d’obtenir une autorisation pour un permis? Je ne comprends pas du tout.

M. Paul : Si vous voulez un exemple, quelqu’un a mentionné que les décisions du gouvernement — du MPO en particulier — sont fondées sur les données scientifiques, et ce, malgré la situation de surexploitation, alors je ne sais pas dans quelle mesure le MPO écoute vraiment la science... C’est quelque chose qu’on peut lire chaque jour dans les journaux.

Grâce à leur expérience, nos aînés ont beaucoup de connaissances au sujet de la façon dont les poissons se comportent au moment de se reproduire et où ils se reproduisent. Ils tiennent compte de ces renseignements lorsqu’ils pêchent, pour déterminer quand c’est le meilleur temps de le faire et pas durant la période de reproduction. Par conséquent, cette connaissance est utilisée par les Mi’kmaq pour assurer une pêche vivrière durable, pour obtenir le poisson que nous voulons.

Le sénateur Wells : Je ne vais pas vous contredire sur ce point, mais merci de votre réponse à ma question.

Le président : Pour revenir au document que vous nous avez communiqué précédemment, vous avez mentionné la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Gaspésie. À des fins de précision, la table de discussion dans la région comme une table de l’« Atlantique ». Est-ce que cela signifie que Terre-Neuve-et-Labrador participe aussi? Fait-il cavalier seul?

M. Wildsmith : Je sais, monsieur le sénateur, que les 26 pages suivantes, environ, que nous ne vous avons pas fournies dressent la liste de toutes ces collectivités. Il faudrait que je la consulte pour vous répondre au sujet du Labrador. Comme vous le savez, le Canada a adopté la position selon laquelle l’arrêt Marshall et tous ces traités ne s’appliquent pas à l’île de Terre-Neuve et au Labrador. Cependant, je sais qu’il y a un accord qui a été conclu au Labrador avec les Inuits, je crois, et je serais très surpris qu’il n’y ait pas de discussions en cours avec les Innus. Je sais que les Métis participent au processus.

Le président : C’est parfait. Je vais le découvrir. Je suis ici depuis 12 ans, et il y a beaucoup de bureaucratie et de choses qui se terminent à Halifax, alors je veux m’assurer que ce n’est pas le cas. C’est parfait, monsieur Wildsmith, je vais trouver l’information.

Merci à vous tous et merci à nos témoins de cette conversation très intéressante et de leur importante participation dans le cadre de notre étude du projet de loi C-68. Je tiens à vous remercier à nouveau d’avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd’hui. Comme je l’ai dit aux témoins précédemment, s’il y a quoi que ce soit qui vous vient à l’esprit après que vous avez quitté l’endroit, ce soir, que vous auriez dit ou auriez aimé nous dire, n’hésitez pas au cours des prochaines semaines à envoyer l’information à notre greffière tandis que nous nous approchons du fil d’arrivée en ce qui concerne l’étude du projet de loi C-68.

Merci encore une fois au nom des membres du comité. Merci à tous nos témoins. La soirée a été intéressante. Nous aurons beaucoup de renseignements à prendre en considération au cours de prochaines semaines.

(La séance est levée.)

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