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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 44 - Témoignages du 2 mai 2019


OTTAWA, le jeudi 2 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, se réunit aujourd’hui, à 8 h 12, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous les sénateurs. Je m’appelle Fabian Manning, je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que président du Comité sénatorial des pêches et des océans.

Avant de céder la parole à nos témoins, ce matin, j’aimerais demander aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Poirier : Bonjour et bienvenue. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Francis : Brian Francis, Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, Colombie-Britannique.

Le sénateur Gold : Marc Gold, Québec.

Le président : Il y a peut-être d’autres sénateurs qui se joindront à nous. Il y a quelques rencontres de comités en même temps que la nôtre.

J’aimerais demander à nos témoins de se présenter et de préciser qui ils représentent, s’il vous plaît.

Frank Annau, conseiller en politique environnementale et scientifique, Fédération canadienne de l’agriculture : Frank Annau, Fédération canadienne de l’agriculture.

Erin K. Gowriluk, directrice générale, Producteurs de grains du Canada : Erin Gowriluk, Producteurs de grains du Canada.

Fawn Jackson, cadre supérieure, Gouvernement et relations internationales, Canadian Cattlemen’s Association : Fawn Jackson, Canadian Cattlemen’s Association.

Le président : Je remercie nos témoins de se joindre à nous aujourd’hui pour la poursuite de notre étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous voir.

Mme Jackson : Bonjour. Comme je l’ai mentionné, je m’appelle Fawn Jackson et je suis cadre supérieure, Gouvernement et relations internationales, à la Canadian Cattlemen’s Association, ou CCA. Nous portons la voix de 60 000 éleveurs et producteurs bovins au Canada, dont la plupart ont des fermes familiales de petite ou moyenne taille. Je vous remercie beaucoup de nous donner l’occasion de présenter nos préoccupations sur le projet de loi C-68.

Premièrement, les agriculteurs et les éleveurs ne sont pas contre la protection du poisson et de son habitat. Les producteurs bovins canadiens prennent l’intendance de l’habitat très au sérieux et adoptent des pratiques exemplaires de gestion de l’eau.

Nous craignons cependant que les modifications proposées à la loi n’élargissent la définition de l’habitat du poisson au point où cela impose un fardeau réglementaire écrasant aux fermes familiales, comme aux fonctionnaires qui devront la mettre en œuvre.

Nous craignons aussi que cet effort malavisé n’ait pas d’effet positif sur les pêches.

Il y a trois éléments en particulier qui nous inquiètent dans le projet de loi C-68. Premièrement, nous nous inquiétons de l’élargissement de l’habitat du poisson par l’assimilation à l’habitat. Deuxièmement, il y a l’absence d’exclusions pour les structures agricoles artificielles. Troisièmement, nous déplorons le manque de progrès afin de simplifier le processus réglementaire pour les projets présentant un risque faible.

Nous demandons principalement au Sénat de modifier le projet de loi C-68 par suppression du paragraphe 2(2), soit de la disposition traitant de l’assimilation à l’habitat.

D’après notre interprétation, cet article signifierait que si la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau sont suffisants pour la survie du poisson, il s’agit d’un habitat du poisson. Combinée au rétablissement du principe de la DDP, soit de la détérioration, de la destruction et de la perturbation de l’habitat, cette disposition crée une situation où il devient pratiquement impossible pour les producteurs bovins de respecter la loi.

Je vous donnerai rapidement quelques exemples de la façon dont cela s’applique à la ferme.

Nous comprenons que les modifications proposées seraient telles que la Loi sur les pêches s’appliquerait non seulement aux lacs et aux rivières qui bordent des fermes, mais aussi aux canaux d’irrigation et aux étangs-réservoirs, qui sont essentiellement des points d’eau pour les bêtes, aux eaux de crue, à l’eau stagnante après la pluie et aux eaux de ruissellement pendant la pluie.

Selon l’interprétation ou l’application de la loi, il ne serait pas possible de modifier des canaux d’irrigation, ni de faire de l’entretien de routine des points d’eau, ni de drainer l’eau stagnante après de fortes pluies sans obtenir de permis. Dans toutes ces situations, qui n’ont rien à voir avec les pêches, l’eau peut présenter les caractéristiques de l’habitat du poisson. Par conséquent, nous recommandons l’abrogation du paragraphe 2(2).

Dans la même veine, nous nous inquiétons du fait qu’il n’y ait pas d’exemptions pour les structures agricoles artificielles. Comme nous l’avons dit, les producteurs bovins et les grands éleveurs aménagent depuis toujours des points d’eau pour le bétail et des systèmes de collecte. Ces structures artificielles ne sont généralement pas assez grandes pour avoir une incidence sur l’habitat du poisson, les populations de poissons et les pêches, mais elles pourraient être assimilées à l’habitat.

La CCA tient beaucoup à ce que ces structures agricoles essentielles soient exemptées des interdictions.

Enfin, la CCA s’inquiète de l’absence de progrès afin de simplifier le processus réglementaire pour les petits projets et les projets à faible risque. Il est important que le fardeau réglementaire reflète l’ampleur du risque. Nous sommes tout à fait prêts à travailler avec MPO pour déterminer si l’on pourrait mettre en place un code de pratique ou d’autres méthodes pour aider les producteurs à se conformer à la loi et contribuer à instaurer de bonnes pratiques de travail sur le terrain.

Dans sa réponse aux recommandations du comité permanent, le gouvernement a exprimé son appui aux dispositions de la loi destinées à protéger les agriculteurs et les éleveurs. Il a également appuyé le recours accru aux pratiques volontaires et à l’intendance. Nous demandons au Sénat de sommer le gouvernement de respecter cet engagement, pour que les agriculteurs et les éleveurs aient le moyen de se conformer à la loi.

Nous savons qu’ECCC considère déjà les fossés en bordure de routes comme un habitat du poisson aux fins du paragraphe 36(3). Nous ne pouvons donc évidemment pas nous permettre d’attendre de voir si les réservoirs des agriculteurs sont les prochains en lice, ce qui nous empêcherait véritablement de nous conformer à la loi.

Pour terminer, je suis certaine que nous comprenons tous que les 60 000 fermes et élevages de bovins du Canada interagissent avec de l’eau dans leurs activités. Certaines sources d’eau existent parce que les agriculteurs et les éleveurs les ont construites, et maintenant, elles pourraient être considérées comme un habitat du poisson, même si elles ne contiennent pas de poissons. Il n’est pas faisable ni justifiable de devoir obtenir une autorisation pour toutes ces sources d’eau et interactions. Cela imposerait un fardeau déraisonnable tant aux agriculteurs et aux éleveurs qu’au gouvernement, qui doit faire appliquer la loi.

De plus, les coûts énormes qu’engendreraient ces démarches dépassent de loin les avantages négligeables que nous en retirerions.

Dans le contexte de l’agriculture, il serait bien mieux pour les pêches que nous investissions nos fonds limités dans les projets d’intendance dont l’effet positif sur le paysage agricole a été maintes fois prouvé .

Je répète que les agriculteurs et éleveurs du Canada demeurent très inquiets des effets néfastes du projet de loi C-68 sur leur mode de subsistance.

En toute déférence, le Sénat a l’occasion d’apaiser ces préoccupations en suivant les recommandations formulées par la CCA aujourd’hui : supprimer le paragraphe 2(2), prévoir des exemptions pour les structures agricoles artificielles et simplifier le processus réglementaire pour les projets à faible risque.

Je vous remercie infiniment de nous avoir donné l’occasion de vous faire part de nos préoccupations et recommandations.

Le président : Merci, madame Jackson.

Mme Gowriluk : Bonjour. J’aimerais commencer par remercier le comité sénatorial de nous donner l’occasion de lui faire part des réflexions de nos membres sur le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches.

Les Producteurs de grains du Canada forment une organisation nationale qui représente plus de 65 000 producteurs de grains, de légumineuses et d’oléagineux dans toutes les provinces du Canada. Nos membres sont des associations provinciales, régionales et nationales d’agriculteurs.

Partout au Canada, les céréaliculteurs s’efforcent de protéger l’eau douce. Il serait impossible pour un céréaliculteur de travailler sans accès à une eau propre, salubre et abondante. Cela dit, les céréaliculteurs comprennent et appuient aussi les efforts visant à protéger l’habitat du poisson. Cependant, ces efforts doivent viser l’habitat réel du poisson et ne devraient pas, à notre avis, imposer aux agriculteurs de fardeau ou de surveillance réglementaire inutile.

Quand il a été déposé, le projet de loi C-68 visait à établir un équilibre positif axé sur l’habitat du poisson et à instaurer des pratiques de gestion exemplaires et des codes de pratiques qui protégeraient efficacement le poisson. Toutefois, à l’étape du comité, le projet de loi C-68 a été modifié et le paragraphe 2(2), soit celui sur l’assimilation à l’habitat, y a été ajouté. Cette disposition dicte que sont assimilés à l’habitat la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau qui sont nécessaires à la durabilité des écosystèmes d’eau douce ou estuariens de cet habitat.

Selon ce paragraphe, presque toute l’eau qui s’écoule au Canada pourrait être considérée comme un habitat du poisson et bénéficier de l’entière protection de la Loi sur les pêches. Un tel élargissement de la définition laisse entendre que tout écosystème aquatique qui pourrait soutenir le poisson mais ne le ferait pas dans des circonstances naturelles serait considéré comme un habitat du poisson protégé.

Notre deuxième sujet de préoccupation concerne les modifications proposées au paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches, qui, dans sa forme actuelle, prévoit ce qui suit :

Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant des dommages sérieux à tout poisson visé par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche.

Cependant, la modification proposée viendrait abaisser le seuil de dommages et élargir la cible des écosystèmes aquatiques pour lesquels il faudrait obtenir une exemption à la loi ou au règlement sur les pêches et l’habitat du poisson pour exploiter un ouvrage ou une entreprise ou y exercer une activité.

Le nouveau paragraphe se lirait comme suit :

Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson.

Pour gérer l’eau sur leurs terrains, les agriculteurs creuseront parfois des fossés de drainage, des réservoirs ou des canaux d’irrigation, qui sont tous déjà assujettis à la réglementation provinciale qui protège l’écoulement des eaux. Selon cette définition élargie de l’habitat du poisson, ces structures artificielles pourraient être considérées comme un habitat du poisson. Par conséquent, il serait interdit de les détériorer ou de les perturber. Cela signifie qu’un céréaliculteur ne pourrait pas déplacer un fossé de drainage ni remplir un réservoir dont il n’a plus besoin, même s’il n’a jamais contenu de poisson.

La version originale du projet de loi C-68 comprenait des dispositions visant à établir des codes de pratique qui guideraient les gens quant à la façon d’éviter de causer des dommages au poisson ou à son habitat. Les céréaliculteurs appuient cette idée et souhaitent travailler avec le gouvernement en ce sens. Cependant, le libellé du projet de loi C-68, dans sa forme actuelle, alourdirait le fardeau pour les producteurs sans aucun avantage pour l’habitat du poisson.

Il existe déjà des lois et règlements provinciaux et territoriaux qui protègent l’écoulement des eaux. La Loi sur les pêches actuelle protège l’habitat du poisson. La modification proposée au paragraphe 2(2) n’ajoute rien, à notre avis, pour protéger le poisson. En revanche, elle pourrait imposer aux agriculteurs des démarches lourdes et coûteuses pour obtenir des permis afin d’effectuer des changements qui n’auront aucune incidence sur le poisson.

C’est la raison pour laquelle les Producteurs de grains du Canada implorent les membres du comité de recommander la suppression du paragraphe 2(2) et du paragraphe 35(1).

Sur ce, je tiens à remercier le comité de m’avoir permis de comparaître aujourd’hui pour venir lui faire part de nos réflexions sur ce projet de loi important.

Le président : Merci, madame Gowriluk.

Monsieur Annau.

M. Annau : Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Frank Annau et je suis conseiller en politique environnementale et scientifique à la Fédération canadienne de l’agriculture. La FCA est la plus grande organisation agricole générale du Canada; elle représente plus de 200 000 agriculteurs du pays.

Nous souhaitons avant tout féliciter le gouvernement pour la recommandation formulée en 2017 par le Comité permanent de la Chambre des communes, afin que le MPO établisse les dispositions qui protégeront les agriculteurs sous le régime de la nouvelle Loi sur les pêches. Nous vous demandons en toute déférence d’y ajouter des exemptions pour les petits projets agricoles de routine essentiels à la production alimentaire pour les Canadiens.

Malheureusement, certains passages du projet de loi pourraient compromettre ces protections. Depuis la troisième lecture du projet de loi, les agriculteurs ont exprimé leurs inquiétudes à l’égard du paragraphe 2(2), qui porte sur l’habitat du poisson. Celui-ci prescrit que sont assimilés à l’habitat la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau qui sont nécessaires à la durabilité des écosystèmes d’eau douce ou estuariens de cet habitat. Comme les Producteurs de grains du Canada l’ont bien expliqué, il y a tout lieu de craindre que cet élargissement de la définition de l’habitat du poisson ne s’applique désormais à des eaux qui pourraient soutenir le poisson, mais ne le font pas dans des circonstances naturelles.

Par exemple, si un agriculteur devait drainer sur ses terres cultivées un bassin causé par des pluies extrêmes, on craint que ce bassin puisse être considéré comme un habitat du poisson.

De même, il y a d’autres structures, comme les fossés d’alimentation en eau, qui pourraient être visées en raison de leurs fonctions d’orientation du débit d’eau. Cet abaissement du seuil de préjudice pourrait obliger les agriculteurs à demander un permis pour des activités banales, un fardeau réglementaire qui nuirait aux protections recommandées par lecomité permanent de la Chambre des communes.

La FCA a recommandé que le gouvernement clarifie l’interprétation du paragraphe 2(2) pendant nos consultations. Nos membres de la Saskatchewan ont également appris, lors d’une rencontre avec l’ancien ministre LeBlanc, que le règlement définirait clairement les dispositions relatives aux exemptions agricoles. Ces précisions n’ont pas encore été apportées, ce qui laisse les répercussions du paragraphe 2(2) sujettes à interprétation.

La FCA a aussi rencontré Tony Maas, directeur du Forum for Leadership on Water, pour obtenir des précisions sur la signification du débit d’eau au sens du paragraphe 2(2). M. Maas a déclaré que ce libellé venait de la définition des débits environnementaux qu’on trouve dans la Déclaration de Brisbane de 2007, qui fait mention de la quantité, de la qualité et de l’échelonnement dans le temps des débits d’eau nécessaires pour soutenir les écosystèmes d’eau douce et les moyens de subsistance de l’homme qui en dépendent.

Dans ce contexte, les moyens de subsistance de l’homme comme l’agriculture font l’objet de considérations plus larges, mais cet élément a été retiré du paragraphe 2(2) à la faveur d’une orientation écosystémique étroite. Il ne serait nullement contraire aux règles de modifier ce libellé, mais il ne semble pas refléter l’esprit de l’intention de la définition originale.

Le président : Pourriez-vous ralentir un peu votre débit, pour les interprètes?

M. Annau : Je suis désolé. Je m’emballe quand je parle.

Le président : J'ai l'habitude, je viens de Terre-Neuve-et-Labrador.

M. Annau : Je m’excuse. Je viens du Yukon, où on parle tout aussi vite.

Il ne serait nullement contraire aux règles de modifier ce libellé, mais il ne semble pas refléter l’esprit de l’intention de la définition originale, qui est de reconnaître le rôle des moyens de subsistance dans une approche intégrée de la gestion du débit d’eau.

Le gouvernement a déployé des efforts pour réduire la complexité de la définition des débits environnementaux.

En 2014, Pêches et Océans Canada a publié un Cadre d’évaluation des exigences relatives au débit écologique nécessaires pour soutenir les pêches au Canada. Ce cadre indique que les méthodes holistiques — qui peuvent inclure des considérations d’objectifs socioéconomiques ou, dans notre cas, des activités à la ferme — sont les mieux adaptées pour évaluer les débits. Ces considérations font cruellement défaut au paragraphe 2(2).

Il est également indiqué dans ce cadre que les exigences en matière de débit constituent une science émergente qui nécessitera des recherches supplémentaires. En ce qui concerne les eaux de ruissellement associées aux précipitations, le rapport indique que l’analyse n’a pas tenu compte directement de ces situations et que les conseils qu’il présente ne s’appliquent pas nécessairement à des événements temporaires comme ceux-là. Par conséquent, on a de nouveau recommandé que des recherches supplémentaires soient effectuées.

Le cadre a été cité dans un rapport sommaire de 2014 sur les besoins en débits environnementaux, qui a été présenté au Conseil canadien des ministres de l’Environnement. La définition des débits environnementaux qu’on y trouve comprend les considérations liées aux moyens de subsistance de l’homme qui ont été omises au paragraphe 2(2).

Le rapport sommaire mettait en évidence la nécessité d’une loi qui permettrait de mieux comprendre ce qui constitue un débit environnemental efficace. Le paragraphe 2(2) n’améliore toutefois pas cette compréhension.

Le rapport sommaire fait également ressortir des lacunes dans les évaluations des débits environnementaux, y compris pour l’établissement de seuils transparents et de liens entre la gestion de l’utilisation des terres et la gestion des ressources en eau. Nous croyons que le paragraphe 2(2) aggrave la situation en omettant ce lien et en laissant le seuil de dommages non défini et largement sujet à interprétation.

La FCA a d’abord recommandé que l’interprétation du paragraphe 2(2) soit clarifiée afin de déterminer son incidence sur l’agriculture, mais, comme nous n’avons toujours pas de précisions ni de directives sur les débits environnementaux et que le projet de loi a depuis été renvoyé au Sénat, nous recommandons respectueusement de supprimer ce paragraphe.

Nous encourageons également le gouvernement à respecter son engagement à définir clairement les dispositions qui devraient faire l’objet d’exemptions à des fins agricoles dans le règlement et à faire en sorte que ces exemptions s’appliquent aux petits projets agricoles de routine.

Il est important de rappeler que les agriculteurs sont les gardiens de la terre et qu’ils aspirent à laisser aux générations futures des milieux agricoles sains. Nous voulons d’une Loi sur les pêches qui aide les agriculteurs à gérer leurs terres tout en demeurant rentables et concurrentiels. Malheureusement, le paragraphe 2(2) risque de compromettre cette aptitude en considérant des pratiques courantes à la ferme comme des menaces à l’habitat du poisson.

Je vous remercie de nous avoir permis de prendre la parole. Je suis prêt à répondre à vos questions. Je suis désolé de mon débit si rapide.

Le président : Je vous remercie toutes et tous de vos exposés. Comme d’habitude, nous laisserons à notre vice-président l’honneur de poser les premières questions. Sénateur Gold, la parole est à vous.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de vos déclarations.

J’ai une observation à faire, puis une question à poser aux témoins.

Mon observation est assez simple : nous avons entendu de la part du représentant du gouvernement, ainsi que du ministre quand il a comparu devant nous, que le gouvernement était prêt à modifier les dispositions sur l’assimilation à l’habitat et de manière générale, les dispositions portant sur l’habitat du poisson. On peut présumer que, s’il suit vos conseils, cela apaisera au moins l’une de vos inquiétudes à l’égard du projet de loi. C’est mon observation. Je sais que vous avez d’autres inquiétudes. J’aimerais vous poser une question plus générale.

Plusieurs d’entre vous ont souligné l’importance de simplifier le processus et d’établir des critères d’exemption pour les petites activités à faible risque. Pouvez-vous nous expliquer si, selon vous, cela signifierait d’exempter les projets désignés ou quelque chose d’autre du nouveau processus d’approbation? C’est la première partie de ma question.

La raison pour laquelle je vous la pose est la suivante : quand le ministre a comparu devant nous, il a dit que la liste des projets désignés en vertu du projet de loi C-68 serait la même que celle qui s’appliquerait sous le régime du projet de loi C-69, aux fins de la Loi sur l’évaluation d’impact. Hier, le gouvernement a soumis une liste de projets désignés potentiels pour consultation. Au moins, pour les projets agricoles, il ne semblait pas y avoir quoi que ce soit sur cette liste qui exigerait un nouveau permis.

Souhaitez-vous l’exemption des projets désignés? Sinon, pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous souhaitez et nous dire ce que vous pensez de l’absence de projets agricoles dans la liste des projets désignés?

M. Annau : Je pense que nous réclamons avant tout un code de pratique, un guide, comme Fawn le disait, qui indiquerait le genre de projets propres à l’agriculture qui seraient soustraits aux exigences d’autorisation. Bien entendu, il faudrait un libellé très clair sur la façon dont tout cela s’appliquerait à l’agriculture, pour laisser le moins de place possible à l’interprétation.

Mme Jackson : Je suis d’accord avec Frank. Je pense que la mise en place d’une norme ou un code de pratique, par exemple, clarifierait beaucoup les choses pour les producteurs quant à la question de savoir à quel moment et de quelle manière les différentes activités qu’ils mènent sur leur exploitation pourraient être touchées par la Loi sur les pêches. Je crois que l’établissement d’un processus d’autorisation qui indique essentiellement que s’ils respectent la portée d’un code de pratique, ils peuvent continuer leurs activités offre une orientation sur la façon de faire certaines des choses qu’ils doivent faire et aiderait à améliorer certaines activités menées dans le paysage fonctionnel. Cela leur permettrait de savoir très clairement s’ils font quelque chose de façon incorrecte, j’imagine. Telle chose ne respecterait pas la loi. Je crois que ces précisions seraient utiles.

Mme Gowriluk : La seule chose que j’ajouterais, c’est que toute occasion pour le gouvernement et les intervenants de collaborer à l’élaboration de ces codes et de ces pratiques permet, à mon avis, de mieux comprendre la nature des divers types d’activités et des processus qui sont les plus sensés pour l’agriculture tout en respectant l’esprit et l’objet du projet de loi.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de cette dernière observation. Je crois que, devant le comité de l’autre endroit, M. Annau a également soulevé l’importance des consultations.

Lorsque le ministre a comparu devant notre comité, il a dit ceci :

En ce qui concerne les petits projets — ceux qui sont généralement entrepris par les éleveurs —, nous mettons au point des outils, au moyen de codes de pratique, pour réduire le fardeau des promoteurs.

Êtes-vous au courant de l’existence de processus relativement à l’élaboration de ces règles ou de ces codes de pratique, ou est-ce que certains de vos membres ont participé à un tel processus?

Mme Jackson : Nous sommes au courant, mais pour ce qui est de la participation à leur élaboration, rien ne s’est passé à cet égard. Je crois que nous espérons que ce soit possible dans l’avenir. Il y a certainement beaucoup d’expertise quant à la façon dont les choses se passent concrètement sur le terrain. De plus, il y a un certain nombre d’organismes d’intendance avec lesquels les producteurs de bœuf et un certain nombre d’autres experts agricoles collaborent qui ont également beaucoup d’expertise, et il serait excellent de combiner tout cela.

Un exemple qui me vient à l’esprit, c’est celui des vaches et des poissons. C’est un programme qui obtient de très bons résultats en Alberta qui, je crois, donne une bonne idée de la façon dont on pourrait aller de l’avant avec un code de pratique.

Le sénateur Gold : Au fur et à mesure que le gouvernement élabore ceci, s’il communique, en fait, comme il convient, avec des intervenants comme vous et d’autres, cela contribuerait dans une certaine mesure à apaiser vos inquiétudes quant aux répercussions sur les producteurs de bœuf ou, plus généralement, sur le secteur agricole. J’essaie de connaître votre impression du projet de loi en général, mis à part les préoccupations légitimes que vous soulevez. Si le gouvernement est disposé à régler la question liée à l’habitat du poisson et s’il consulte, comme il le devrait, les intervenants au moment d’élaborer les règles du jeu pour les codes de conduite et les normes de pratique, cela serait-il satisfaisant pour vous et vos membres?

M. Annau : Oui, dans une large mesure, à mon avis. Nos intervenants aimeraient qu’on les consulte, surtout dans l’élaboration des règlements ou des exemptions.

Le principal problème pour nous, bien entendu, c’est que la plupart de ces autorisations prévoiraient des exemptions concernant toute activité entraînant la détérioration ou la destruction de l’habitat du poisson. Ce qui nous préoccupe surtout, c’est que, si l’on jugeait que l’habitat du poisson comprend des activités agricoles en vertu du paragraphe, nous nous demanderions quelle serait l’incidence sur le reste des exemptions qui seraient nécessaires ou qui seraient accordées.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie tous de votre présence. D’autres groupes ont soulevé les mêmes préoccupations que vous devant notre comité.

J’ai deux ou trois questions. Si je prends trop de temps, j'imagine que le président va m'interrompre.

Le président : Il vous le signalera.

La sénatrice Poirier : Il me le signalera.

Ma première question s’adresse à Mme Jackson. Dans votre document, vous mentionnez qu’on a élargi la définition de l’habitat du poisson sans consulter des intervenants. Vous a-t-on dit pourquoi on ne vous avait pas consulté ou pourquoi on n’avait pas pris contact avec vous pour obtenir votre avis sur cette disposition?

Mme Jackson : Je ne crois pas avoir dit qu’on ne nous avait pas consultés.

La sénatrice Poirier : Je pense que c’était dans le document que vous avez envoyé, que nous avons reçu. Je croyais que vous aviez dit que, avant que les modifications soient apportées, avant l’ajout du paragraphe 2(2), vous n’aviez pas été consultés. J’ai peut-être mal compris.

Mme Jackson : Je crois qu’on a raté l’occasion de consulter au sujet du paragraphe 2(2). À mon avis, cela a fait en sorte que la portée de la disposition sur l’assimilation à l’habitat est très large.

La sénatrice Poirier : Il est clair que, dans le projet de loi C-68, l’objectif est de revenir au modèle qui existait avant 2012, avec les changements apportés de nouveau en ce qui a trait au principe de la DDP de l’habitat. Si je comprends bien, on le fait, mais en créant plus d’incertitudes et en ajoutant des fardeaux réglementaires. Est-ce que je comprends bien?

Mme Gowriluk : Je dirais que c’est probablement le cas. Ce qui nous préoccupe plus particulièrement, c’est le paragraphe 2(2), dont le libellé devrait être plus clair à cet égard en particulier.

La sénatrice Poirier : Quelqu’un d’autre veut-il intervenir? Est-ce à peu près cela?

M. Annau : Je crois qu’Erin a bien résumé les choses.

La sénatrice Poirier : Je sais que vous avez mentionné beaucoup de choses dans votre exposé, plus précisément, vous, madame Jackson, au sujet des activités quotidiennes qui sont menées dans votre industrie, des répercussions. Pourriez-vous en dire un peu plus sur la mesure dans laquelle ces modifications auraient des effets sur votre industrie plus généralement? Quelles répercussions le projet de loi C-68 aurait-il sur le développement s’il restait tel quel?

Mme Jackson : Je pense qu’il aurait des répercussions sur un certain nombre d’aspects.

Tout d’abord, s’il incluait une exigence d’obtenir des autorisations pour les interactions avec l’habitat du poisson, je pense que ce ne serait pas réaliste. Nous établissions le nombre d’agriculteurs que nous représentons tous. Ce nombre serait extrêmement élevé, et je crois que ce serait une mauvaise utilisation des fonds limités dont nous disposons en ce qui a trait à l’intendance pour le paysage fonctionnel.

Tout cela aurait un impact, mais également, à mesure qu’on déterminerait la portée de la définition, il y aurait beaucoup d’incertitudes. Pour une entreprise, l’incertitude n’est pas la bienvenue dans les activités. À mon avis, il est extrêmement important d’établir très clairement ce qui est visé et ce qui ne l’est pas.

La sénatrice Poirier : Vers la fin de votre document, vous avez parlé du travail qui doit commencer avant l’entrée en vigueur des modifications. Pourriez-vous en dire davantage sur la disposition relative à l’entrée en vigueur des modifications? Selon vous, faut-il la changer pour assurer une transition en douceur vers le nouveau régime?

Mme Jackson : Excusez-moi, mais pourriez-vous clarifier la question?

La sénatrice Poirier : Oui. Vers la fin de votre document — je parle de celui qui a été soumis auparavant —, vous avez parlé du travail qui doit commencer avant l’entrée en vigueur des modifications. Pourriez-vous en dire plus sur la disposition relative à l’entrée en vigueur des modifications? Selon vous, faut-il la changer pour assurer une transition en douceur vers le nouveau régime?

Mme Jackson : Je crois que je devrai vous revenir là-dessus. Merci.

La sénatrice Poirier : Vous avez mentionné également le rapport du Conseil canadien des ministres de l’Environnement sur les débits environnementaux, dans lequel on n’a même pas tenu compte du régime fédéral. J’aimerais savoir pourquoi c’est le cas. Est-ce parce qu’il s’agit d’une compétence provinciale ou territoriale, à votre avis?

Mme Jackson : Je crois qu’il y a un certain nombre de préoccupations en ce qui concerne le chevauchement avec les compétences provinciales. En ce qui a trait à la portée de la disposition sur l’assimilation à l’habitat, comment cela s’ajouterait-il à ce qui existe déjà dans la loi? Je pense que ce sont là deux préoccupations.

La sénatrice Poirier : Merci.

Le sénateur Christmas : Je vous remercie de comparaître devant nous ce matin. Je crois que vous avez très bien expliqué vos préoccupations relativement au paragraphe 2(2). Nous avons reçu un certain nombre de mémoires et d’observations à ce sujet. Il est très clair que l’inclusion du débit d’eau dans la définition de l’habitat pose problème.

Si vous me le permettez, madame Gowriluk, j’aimerais revenir sur vos observations. J’aimerais examiner vos points de vue sur le paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches. Environ au deux tiers de votre document, vous mentionnez ce qui suit :

Notre deuxième sujet de préoccupations concerne les modifications proposées au paragraphe 35(1) de la Loi sur les pêches, qui, dans sa forme actuelle, prévoit ce qui suit :

Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant des dommages sérieux à tout poisson visé par une pêche commerciale, récréative ou autochtone, ou à tout poisson dont dépend une telle pêche.

C’est une disposition de la loi mise en place en 2012.

Voici ce que le projet de loi C-68 — et vous en avez parlé également dans vos observations — propose :

Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson.

On rétablirait ainsi la disposition sur la détérioration, la destruction et la perturbation de l’habitat du poisson.

Ce que j’essaie de comprendre, c’est que, entre ces deux sections de vos observations, vous mentionnez que la modification proposée viendrait abaisser le seuil de dommages. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cette nouvelle disposition abaisserait le seuil de dommages?

Mme Gowriluk : Je crois que cela nous ramène au paragraphe 2(2) et à la définition de l’habitat du poisson. Notre préoccupation concerne surtout la détérioration et la perturbation. J’ai mentionné, comme nous l’avons tous fait, les diverses façons dont les agriculteurs et les éleveurs gèrent l’eau sur leurs terrains. Si le plan d’eau, qu’il s’agisse d’un fossé de drainage ou d’un canal d’irrigation, était considéré comme un habitat du poisson, au titre de la nouvelle disposition du paragraphe 35(1), notre crainte, c’est que les agriculteurs ne pourraient changer cet habitat d’aucune façon. C’est ce qui nous préoccupe. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Christmas : Oui. Je n’avais pas lu les deux ensemble, mais maintenant que je l’ai fait, je comprends. En ce qui a trait à votre observation sur l’abaissement du seuil de dommages, c’est que, si des bassins ou des fossés de drainage étaient considérés comme un habitat du poisson, alors, cette disposition ferait en sorte, évidemment, que les éleveurs, les agriculteurs, ou toute personne du secteur agricole ne pourraient y apporter aucune modification.

Mme Gowriluk : À notre avis, c’est exact. Même s’il s’agissait d’un plan d’eau artificiel construit par eux, ils ne pourraient pas le modifier. Nous croyons que le paragraphe 35(1), ne le leur permettrait pas.

Le sénateur Christmas : Dans vos observations, je crois que vous parlez de la différence entre les cours d’eau artificiels et les cours d’eau naturels. Si l’habitat du poisson devait être défini comme étant exclusivement des cours d’eau naturels et que la définition n’incluait pas les cours d’eau artificiels, est-ce que cela apaiserait certaines inquiétudes?

Mme Gowriluk : Je crois assurément que cela apaiserait certaines inquiétudes. Malheureusement, je ne peux pas parler autant que je le voudrais de ce qui se passe à l’échelle provinciale et territoriale. En ce qui concerne les lois qui régissent les plans d’eau des provinces et des territoires, nos membres — des agriculteurs de partout au pays — ont dit clairement qu’ils doivent entreprendre des démarches pour obtenir des permis lorsqu’ils veulent gérer les terres sur leur propriété.

Ils étaient d’avis que cet aspect est déjà couvert par les lois provinciales et que le projet de loi ajouterait une couche supplémentaire, surtout, pour revenir à ce que vous disiez, en ce qui concerne ces plans d’eau qui ont été construits sur leurs propriétés.

Le sénateur Christmas : Avez-vous d’autres observations à faire avant que nous passions au prochain intervenant?

Mme Jackson : Je suppose que, en ce qui a trait à l’idée de restreindre la portée de la disposition sur l’assimilation à l’habitat, même si cela apaiserait certaines de nos inquiétudes, je crois qu’il resterait certaines inquiétudes sur les chevauchements quant aux compétences et à ce que cela ajoute à la définition actuelle de l’habitat, en plus du principe de la DDP de l’habitat dans la loi et de la distinction.

Nous voudrions que le paragraphe 2(2) soit supprimé, et non pas légèrement modifié.

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vais poser ma question en français; elle s’adresse à Mme Jackson.

[Traduction]

Je ne suis pas membre du comité. Je veux dire que je remplace la sénatrice Busson, au cas où ma question a déjà été posée.

[Français]

Je veux bien comprendre la question des habitats et des cours d’eau. Dans un mémoire que vous avez présenté ici — et vous nous l’avez rappelé ce matin —, l’ouvrage agricole devrait être exclu des habitats de poisson. La nation dénée a comparu ici le 9 avril et nous a dit ce qui suit, et je cite :

Nous devons nous rappeler que, à certains endroits, des gens tirent leur subsistance de ces poissons et de ces canards qui vivent sur des terrains marécageux à côté des fermes. Nous ne pouvons présumer que ces endroits ne devraient pas être protégés.

Selon votre expérience, est-ce que certains ouvrages agricoles peuvent servir d’habitat aux poissons? Si oui, qui détermine s’il s’agit d’un habitat de poisson? Sont-ils considérés comme un habitat de poisson toute l’année ou seulement pendant une partie de l’année? J’aimerais mieux comprendre la question. Je ne comprends pas l’organisation des territoires et je ne connais pas la différence que peuvent avoir dans leur vision vos membres et les membres des Premières Nations. Pouvez-vous m’éclairer sur cette question? Merci.

[Traduction]

Mme Jackson : Je crois que vous soulevez un très bon point quant à ce qui devrait être exclu ou inclus et quant à la possible confusion. Vous avez également soulevé un bon point relativement à l’intendance de l’habitat. Faire les choses correctement dans un paysage fonctionnel est extrêmement important pour un certain nombre d’intervenants dont les activités interagissent avec le paysage.

Cela illustre qu’une définition déroutante comme celle du paragraphe 2(2) ne ferait qu’aggraver le problème. Recourir à un programme d’intendance ou à des codes de pratique, par exemple, ce qui rendrait les choses plus claires, constituerait une meilleure utilisation des ressources.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci. Je veux m’assurer de bien comprendre : quel processus de réglementation les agriculteurs doivent-ils respecter à l’heure actuelle pour entretenir les ouvrages agricoles réputés être un habitat de poisson? Quel processus de réglementation devez-vous suivre?

[Traduction]

Mme Jackson : Les agriculteurs suivent tant les lois et la réglementation provinciales que les lois et la réglementation fédérales qui s’appliquent à eux. La Loi sur les pêches actuelle, dans certains cas, s’applique aux agriculteurs, tout comme les lois provinciales.

Le sénateur McInnis : Merci beaucoup. Je suis ravi de vous voir, vous tous qui venez de l’Ouest.

J’ai examiné ceci. Vous représentez à peu près 325 000 producteurs de bœufs, de grains et de légumineuses et organismes agricoles au pays. Il s’agit d’une bonne partie de l’industrie agricole au Canada. On penserait — et vous pouvez répondre à la question si vous le souhaitez — que tout gouvernement qui présente un projet de loi pouvant avoir des effets néfastes sur votre industrie aurait dû vous consulter. Il me semble que les gouvernements, dans l’élaboration d’un projet de loi, agissent à la demande de quelqu’un. Je ne comprends pas comment ils n’ont pas vu l’effet que cela peut avoir sur l’industrie agricole, un effet d’une telle ampleur.

Le gouvernement a-t-il communiqué avec l’un ou l’une d’entre vous? Qu’est-ce qui l’a incité à modifier la définition de l’habitat du poisson, selon vous?

M. Annau : Je peux certainement parler de la motivation qui sous-tend la définition. Comme je l’ai mentionné, il s’agit de la Déclaration de Brisbane, un document de 2007. Je pense qu’il a été produit par la Conférence internationale sur les débits écologiques. Comme je l’ai dit, la définition initiale mentionnait les moyens de subsistance des humains qui dépendent aussi de l’écoulement et des écosystèmes de l’eau douce. Ce sont ces types de considérations qui permettraient d’avoir une discussion plus ouverte avec les intervenants du milieu agricole sur ce que représentent ces moyens de subsistance des humains et leurs impacts potentiels...

Le sénateur McInnis : Pourriez-vous aller un peu moins vite?

M. Annau : Oui. La définition de l’assimilation à l’habitat du poisson était plus restreinte pour être davantage axée sur l’écosystème. Malheureusement, les consultations ont été menées avant que je fasse partie de la FCA. Je ne peux donc pas parler de l’envergure des consultations qui ont été menées avec mon prédécesseur. Cependant, ce sujet a été abordé dans le cadre de notre rencontre avec Tony Maas, lorsqu’il était directeur du forum sur le leadership en matière d’eau. C’est lui qui avait proposé en premier au gouvernement du Canada de parler de débit d’eau dans le libellé. Il fait aussi partie des gens qui ont plaidé pour discuter des occasions qui se présentaient et cela concernait précisément la définition initiale qui mentionnait les moyens de subsistance des humains. À l’époque, c’est-à-dire après la première lecture, on lui avait fait clairement comprendre qu’on n’était pas intéressé à modifier la définition de l’habitat du poisson. Il a toutefois avoué avoir été très surpris lorsqu’il a constaté, à l’étape de la troisième lecture, que la disposition sur l’assimilation avait été ajoutée. Je crois qu’il s’agissait d’un ajout de dernière minute proposé par la députée Elizabeth May; je pense qu’elle a proposé le libellé. La préoccupation principale concerne la question de savoir si ce libellé a été ajouté sans tenir compte des répercussions sur les activités agricoles et sans savoir s’il y avait suffisamment de directives sur la façon de gérer la conformité à cette disposition en ce qui concerne les débits.

Mme Gowriluk : Je n’ai rien à ajouter aux commentaires de M. Annau. Selon nous, ils sont exacts. En effet, nos membres appuient, comme je l’ai dit plus tôt, l’esprit et l’intention du projet de loi. Toutefois, nous sommes d’avis que cette disposition va à l’encontre de ce que le projet de loi tente d’accomplir et de ce qu’il accomplira concrètement.

Le sénateur McInnis : Donnez-moi un exemple de structure fabriquée par l’humain qui aurait des effets préjudiciables sur l’estuaire. D’après ce que je comprends, elle doit toucher un cours d’eau. On ne peut pas parler d’un plan d’eau stagnante. Laissez-vous entendre que ce serait effectivement le cas? Parlez-vous des étangs? De quoi parlons-nous dans ce cas-ci?

Mme Gowriluk : Je pense que c’est une très bonne question et je pense qu’on n’a pas clairement établi les éléments exacts dont il est question lorsqu’on parle de la façon dont les agriculteurs et les éleveurs gèrent l’eau sur leur exploitation, qu’il s’agisse d’un étang, d’un réservoir, d’un fossé de drainage ou d’un canal d’irrigation. Certains de ces plans d’eau ont un débit, d’autres non. On n’a pas précisé clairement ce qui serait assimilé à l’habitat du poisson. D’après ce que nous comprenons, tous ces exemples pourraient être assimilés à l’habitat du poisson.

Mme Jackson : Une mare-réservoir serait un bon exemple. Il s’agit essentiellement de creuser, dans un champ, un trou qui se remplit d’eau continuellement, mais qui n’est pas relié à l’habitat du poisson. Il sert à abreuver le bétail. Cela pourrait être un exemple d’un plan d’eau qui n’est pas relié et qui ne devrait vraiment pas être visé par la Loi sur les pêches.

Le sénateur McInnis : Je crois que l’intention du projet de loi lorsqu’il mentionne cela — j’en ai parlé l’autre soir lorsque nous avons reçu des représentants du secteur de l’hydroélectricité. Je pense qu’on parle de barrages qui mènent à une installation hydroélectrique, c’est-à-dire lorsque la qualité et le débit de la rivière sont contrôlés par des barrages et la société hydroélectrique. Je pense que c’est ce dont on doit parler. Je ne peux honnêtement pas croire qu’on parle d’un plan d’eau stagnante pour abreuver des animaux sur une exploitation agricole. Je crois qu’il est nécessaire d’apporter cette précision.

Je sais que cela pourrait être le cas, et vous avez raison de le souligner. Je pense qu’il y a une certaine confusion dans ce cas-ci.

En ce qui concerne — la sénatrice Poirier avait d’ailleurs abordé le sujet — la mise en œuvre si le projet de loi est adopté, la plus grande partie deviendra loi lorsqu’il recevra la sanction royale. Certaines parties précises de l’article sur la proclamation indiquent que cela se fera plus tard, mais la plus grande partie du projet de loi deviendra loi. Il y aura aussi des règlements. Vous dites que des codes seront présentés. Cela devrait prendre un certain temps, car tous les agents d’exécution de la loi devront recevoir une formation sur ces dispositions. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Nous examinerons des suggestions de modifications et nous verrons où cela nous mène. Merci.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Pensez-vous qu’il est possible que la ministre de l’Agriculture ait rencontré le ministre des Pêches pour parler de la façon dont leurs portefeuilles respectifs pourraient converger à un certain point? Croyez-vous que cela arrive parfois?

M. Annau : Je n’ai pas suffisamment d’information sur ce sujet pour répondre.

Mme Gowriluk : Je ne sais pas, mais on peut l’espérer.

Le sénateur Campbell : Pendant 20 ans, j’ai planté et j’ai récolté des cultures dans les Prairies. Je peux vous dire que je n’ai jamais vu d’agent des pêches là-bas. Je suis extrêmement surpris de cette inclusion, car elle va plus loin que... Vous avez parlé d’étangs-réservoirs pour les animaux. J’ai vécu sur une exploitation agricole sur laquelle l’étang-réservoir servait à toute la famille. Nous creusions un étang-réservoir derrière la maison, l’eau de pluie le remplissait et nous l’utilisions, car nous cultivions des terres non irriguées. La plupart des agriculteurs sont très heureux d’avoir un marécage, car cela signifie qu’il y a toujours de l’eau sur leurs terres. Il s’agit en totalité d’eau stagnante. Aucun cours d’eau ne traverse les terres. Il n’y a pas de rivière. Je ne comprends tout simplement pas comment cette disposition s’est retrouvée dans le projet de loi et, si c’est par l’entremise de ma députée, Elizabeth May, je serai heureux de lui en parler, car ce n’est pas applicable. Tout d’abord, ce n’est pas exécutoire. Que fera-t-on? Demandera-t-on à un groupe de personnes d’aller examiner les marécages, les étangs-réservoirs et les flaques d’eau qui se forment lorsqu’il pleut suffisamment?

Je pense qu’il s’agit de l’un des articles du projet de loi qui doivent être examinés. Nous devons envisager de le modifier, car cela n’a aucun sens. C’est absolument insensé pour quiconque qui s’y connaît, même juste un peu, en agriculture.

On ne parle pas d’un cours d’eau qui traverse une propriété. Je comprends cela. Je ne voudrais pas qu’on creuse dans un cours d’eau qui contient des poissons, peu importe l’espèce. Vous avez parlé de « structures agricoles ». C’est très bien. Je vais ramener ce terme sur l’exploitation agricole, car nous les appelions seulement des marécages là-bas. Il faut faire quelque chose à cet égard. Ce n’est pas convenable. Merci.

Le président : Nous retenons notre souffle, sénateur Campbell.

Le sénateur Campbell : Je voulais que vous vous remettiez à respirer. J’étais inquiet.

Le président : Cela doit s’être retrouvé dans le marécage.

Le sénateur Gold : Merci. Mon intervention sera davantage un commentaire qu’une question, afin d’apporter des précisions à ceux qui nous regardent ou nous suivent en ligne. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration, nous avons déjà entendu le représentant du gouvernement, et le ministre s’est fait l’écho du représentant du gouvernement dans le commentaire du Sénat lorsqu’il a dit qu’il était prêt à se pencher sur la question et à modifier le projet de loi.

En effet, comme on l’a laissé entendre, d’après ce que je comprends, cela n’était pas du tout dans le projet de loi qui a été présenté à l’étape de la première lecture et ce n’était pas dans le projet de loi lorsqu’il a été approuvé dans l’autre endroit à l'étape de la deuxième lecture. Ainsi, nous ne devrions pas être surpris qu’il n’y ait pas eu de discussion entre la ministre de l’Agriculture et le ministre des Pêches sur cette question, car le gouvernement n’avait pas l’intention de présenter cette disposition sur l’assimilation. Elle a été présentée par Elizabeth May lors d’une réunion de comité, et elle a été adoptée.

Nous sommes maintenant saisis de cet enjeu qui, comme vous et plusieurs autres personnes l’avez souligné, pose des problèmes imprévus dans votre secteur.

J’aimerais seulement dire aux membres du comité que nous sommes également saisis de cette question et que l’ouverture du gouvernement à réexaminer cette disposition nous encourage. Si je disais qu’il faut nous confier l’affaire ou nous faire confiance, cela me rappellerait un peu trop les paroles de Richard Nixon. Je ne divulguerai pas le rang qu’il occupe dans le palmarès de mes présidents favoris, ou plutôt celui des présidents que j’aime le moins. Nous sommes saisis de cette question et nous vous remercions de la réitérer aujourd’hui.

Mme Jackson : Je suis tout à fait d’accord au sujet du manque de consultation sur l’ajout de la disposition sur « l’assimilation à l’habitat ».

Je dirais que des consultations ont été menées sur les autres parties qui ont été réintroduites — la détérioration, destruction ou perturbation de l’habitat du poisson, par exemple. Je pense qu’il y a une grande force dans la Loi sur les pêches et de nombreuses directives qui pourraient provenir des codes de pratiques et qui pourraient être nouvelles.

Je recommande d’explorer ces documents qui ont fait l’objet de recherches et de consultations approfondies et de voir où cela nous mènera lorsqu’il s’agit de la protection de l’habitat du poisson, plutôt que d’ajouter quelque chose qui créera seulement plus de confusion et qui sera moins productif sur le plan de la protection du poisson et de son habitat.

Le président : Merci.

Le sénateur Gold dit qu’il faut nous confier l’affaire et nous faire confiance. Nous ne cherchons pas à obtenir des votes, et c’est donc encore plus vrai ici.

Je tiens à remercier les témoins d’avoir comparu aujourd’hui et d’avoir réitéré leurs préoccupations à l’égard du projet de loi C-68. D’autres témoins ont livré des témoignages semblables aux vôtres. Nous poursuivrons nos travaux au cours des prochaines semaines et nous tiendrons certainement compte des enjeux et des préoccupations que vous avez soulevés au cours de la réunion d’aujourd’hui.

Comme je le dis à tous les témoins qui comparaissent devant notre comité, si vous pensez à quelque chose que vous auriez aimé nous avoir dit ou fourni, n’hésitez pas à communiquer à la greffière, après la réunion, tout renseignement supplémentaire qui serait utile, selon vous, dans nos délibérations.

C’est ce qui conclut la réunion. À mardi prochain.

(La séance est levée.)

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