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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 9 - Témoignages du 5 octobre 2016


OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 30, pour étudier l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (Sujet : Analyse comparative entre les sexes dans l'établissement des politiques et lois fédérales.)

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour, chers sénateurs, et bienvenue à cette séance du Comité des droits de la personne qui se tient dans nos locaux.

[Français]

Avant de commencer, j'aimerais que tous les sénateurs se présentent.

[Traduction]

Nous allons commencer par ma droite. La vice-présidente Salma Ataullahjan n'est pas ici aujourd'hui. Elle assiste à d'autres réunions.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario, qui remplace aujourd'hui la sénatrice Ataullahjan.

La sénatrice Andreychuk : Sénatrice Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Omidvar, de Toronto.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le président : Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario.

Avant d'accueillir notre groupe d'experts, je tiens d'abord à souligner que la sénatrice Nancy Ruth est une grande défenseure de ces questions. La semaine dernière, j'ai appris beaucoup de choses moi aussi sur la question de l'analyse comparative entre les sexes.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur l'analyse comparative entre les sexes dans l'établissement des politiques et lois fédérales. Nous recevons aujourd'hui Joanna Maycock, secrétaire générale du Lobby européen des femmes, qui témoignera par vidéoconférence; nous accueillons aussi Kate McInturff, recherchiste principale du Centre canadien de politiques alternatives; puis nous avons Shelagh Day, cofondatrice de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, qui témoigne également par vidéoconférence.

Je voudrais aussi souhaiter la bienvenue à la sénatrice Yonah Martin, qui vient de se joindre à nous, et qui est une membre estimée de notre comité.

Madame McInturff, je vous invite à commencer, après quoi nous laisserons les sénateurs poser des questions. Nous avons le temps de tenir une discussion approfondie et d'en apprendre davantage.

Kate McInturff, recherchiste principale, Centre canadien de politiques alternatives : Bonjour, tout le monde. Je m'appelle Kate McInturff, et je suis recherchiste principale au Centre canadien de politiques alternatives. Je tiens à vous remercier d'avoir entrepris ces travaux importants et de m'avoir invitée aujourd'hui.

Je veux commencer par dire que les femmes ne forment pas un groupe d'intérêt particulier. Elles représentent la moitié de la population, 48 p. 100 de notre population active et 53 p. 100 des diplômés universitaires. Cependant, même si nous avons beaucoup de choses en commun, les hommes et les femmes sont confrontés à des défis distincts en matière de sécurité personnelle et économique.

Pour vous donner quelques exemples des différences qui influencent la sécurité économique des hommes et des femmes, les femmes sont 2 fois plus susceptibles de travailler à temps partiel, et 21 fois plus susceptibles de dire que c'est parce qu'elles doivent s'occuper des enfants. Elles travaillent dans des secteurs professionnels autres que les hommes, et en échange d'une rémunération différente. Elles sont 10 fois plus susceptibles de prendre un congé parental, et elles prennent en moyenne une année de congé après la naissance d'un enfant, comparativement à une moyenne de 2,5 semaines de congé chez les hommes. Elles sont plus susceptibles de vivre sous le seuil de faible revenu et d'être à la tête d'une famille monoparentale. Dans le cas des familles monoparentales, une femme sur trois vit dans la pauvreté.

L'analyse comparative entre les sexes n'est ni plus ni moins qu'un outil permettant de décrire ces différences et de concevoir des politiques et des programmes afin de répondre à ces besoins et défis distincts. La mise en œuvre de l'analyse nécessite une volonté politique, sans quoi nous perdons notre temps et, bien franchement, épuisons beaucoup d'analystes. Il nous faut aussi comprendre que lorsque nous servons bien les deux moitiés de notre population, nous permettons à ces gens de participer pleinement à la vie en société et à notre économie, ce qui est à l'avantage de tout le monde.

Dans certains des témoignages précédents devant le comité, j'ai remarqué une tendance à décrire les femmes comme étant bénéficiaires de programmes et de services, ce qu'elles sont, mais je tiens aussi à souligner que la main-d'œuvre féminine profite à nous tous. L'arrivée des femmes sur le marché du travail ces trente dernières années a contribué à augmenter le revenu des ménages à une époque où le salaire des hommes stagnait essentiellement. Les femmes contribuent aussi à la croissance économique et aux recettes publiques grâce à leurs impôts sur le revenu.

Élaborer une politique économique à partir de l'analyse comparative entre les sexes n'est pas un acte de gentillesse ou de charité, mais plutôt une bonne politique économique qui est dans l'intérêt de tous. Je salue la détermination du gouvernement à mener une analyse comparative entre les sexes et à y donner suite au sein de ses organismes centraux.

Je sais que le Conseil privé et le Conseil du Trésor vous ont déjà parlé des travaux qu'ils réalisent. Plutôt que d'en parler dans mon exposé, j'aimerais me tourner vers Finances Canada et prendre l'exemple du budget fédéral de 2016. En effet, je crois qu'il y a encore du travail à faire à ce chapitre et que ce bon exemple démontre très clairement l'incidence que peut avoir une analyse comparative entre les sexes. Cela illustre aussi la raison pour laquelle nous devons faire en sorte qu'une telle analyse soit au cœur d'une bonne gouvernance, plutôt que de faire l'objet d'un programme spécial à l'intention d'un groupe particulier.

Tout d'abord, qu'est-ce que l'analyse comparative entre les sexes nous apprend sur l'apport distinct de chaque sexe à notre économie? Elle nous révèle que les hommes et les femmes ont tendance à travailler dans différentes professions : les hommes constituent la majorité des travailleurs dans des domaines tels que la construction et l'ingénierie, alors que les femmes sont prépondérantes du côté de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Dans une période de faible croissance, le gouvernement a raison de se préoccuper de la création d'emplois et de la productivité, et l'analyse comparative entre les sexes nous dit que nous devrions investir dans la création d'emplois tant dans les secteurs occupés par des hommes que dans ceux où les femmes travaillent majoritairement.

Toutefois, pour ce qui est des 11,6 milliards de dollars de nouvelles mesures budgétaires en 2016 qui visent la création d'emplois, mes calculs montrent que les femmes ne constitueront qu'environ le tiers des personnes qui bénéficieront de ces emplois, alors qu'elles forment près la moitié de la population active. Voilà qui dénote à tout le moins un écart dans la mise en œuvre de la politique, qui est peut-être attribuable à une tendance à voir les femmes comme un groupe d'intérêt particulier et comme des bénéficiaires de programmes gouvernementaux, plutôt que comme étant des participantes actives à l'économie et à la politique qui peuvent favoriser la croissance de notre économie.

Selon cette logique, c'est Condition féminine Canada qui doit s'occuper de l'analyse comparative entre les sexes, et non pas Finances Canada. Pourtant, la recherche montre clairement que si nous investissons surtout dans des secteurs professionnels à prédominance féminine parallèlement à nos investissements dans des projets d'infrastructures physiques, par exemple, nous assisterions à une augmentation de la main-d'œuvre féminine.

L'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, estime que si nous pouvions réduire l'écart de moitié entre les niveaux d'emploi des hommes et des femmes, nous ajouterions 8 p. 100 à la croissance du PIB au cours des deux prochaines décennies.

Voilà qui pourrait expliquer pourquoi les représentants du Fonds monétaire international, ou FMI, qui étaient en ville plus tôt cette année pour examiner la situation de l'économie canadienne, voulaient parler de dépenses dans l'infrastructure, mais dans les services de garde aussi. Pourquoi donc? Ce n'est pas parce que le FMI est une organisation sœur, mais parce que ces gens trouvent essentiel d'augmenter la participation des femmes à la population active pour accroître la productivité de l'économie canadienne.

J'exprimerai peut-être une évidence en disant que l'analyse ne suffit pas. Il doit y avoir des mécanismes en place pour que les décisions soient prises à la lumière des conclusions de cette analyse.

Qui plus est, le gouvernement doit examiner les politiques et les programmes, une fois qu'ils sont en place et avant qu'ils ne prennent fin, pour s'assurer qu'ils ont réellement répondu aux besoins des hommes et des femmes.

Le gouvernement de la Norvège est un bon exemple. Il exige que les ministères fournissent une analyse comparative entre les sexes lorsqu'ils proposent de nouveaux programmes et politiques, mais en plus, les ministères doivent analyser le programme une fois que celui-ci est en place. S'il s'avère que le programme ne répond pas adéquatement aux besoins des femmes et des filles, des modifications y sont apportées.

Enfin, le comité a mis l'accent à juste titre sur le rôle du gouvernement et du Parlement pour s'assurer que l'analyse comparative entre les sexes est effectuée, mise en œuvre, et j'ajouterais même qu'elle doit être révisée.

Cependant, la recherche démontre également que la société civile joue un rôle essentiel dans l'élaboration de politiques publiques qui tiennent compte de la spécificité des sexes. La société civile est une importante source d'expertise et d'expérience. Les organisations qui mettent en œuvre les programmes ont aussi des informations importantes sur la mesure dans laquelle ces programmes fonctionnent ou non. Les chercheurs et les universitaires qui travaillent en dehors du gouvernement le font aussi, et je pense que votre propre liste de témoins en est la preuve.

Pourtant, nous accordons actuellement au financement de Condition féminine Canada moins de 0, 02 p. 100 des dépenses totales consacrées aux programmes fédéraux, à l'exception des paiements de transfert. Par conséquent, la part de subvention du budget de Condition féminine serait d'encore moins de deux centièmes de pour cent. Ce sont des pacotilles, d'après les mots de fonctionnaires d'expérience.

L'analyse comparative entre les sexes ne doit pas être une autre facette du travail non rémunéré effectué par des femmes. Investir dans les organisations de femmes permet aux gouvernements de bénéficier des vastes connaissances de ces organisations, alors que celles-ci ont rarement le temps ou les ressources nécessaires pour les diffuser.

Ce n'est pas un geste de charité. Il faut se rappeler que les femmes représentent la moitié de notre population et 48 p. 100 de notre main-d'œuvre, et que si on leur en donne la chance, elles auront bien des conseils à donner au gouvernement sur la meilleure façon de gouverner.

Le président : Merci, madame McInturff. Nous sommes en compagnie du sénateur Grant Mitchell, qui est l'agent de liaison et le whip du gouvernement au Sénat. Je suis le président du comité, mais je suis un ancien whip.

Afin de poursuivre ce matin notre analyse comparative entre les sexes, nous allons maintenant écouter Shelagh Day, de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale.

Shelagh Day, présidente, Comité des droits de l'homme, et cofondatrice, Alliance canadienne féministe pour l'action internationale : Je vous remercie infiniment.

Je tiens à remercier la sénatrice Nancy Ruth de tous nous garder à l'affût dans cette question. Je pense que c'est extrêmement important. Je souhaite également remercier le gouvernement de son engagement à l'égard de l'analyse comparative entre les sexes. Mes remarques d'aujourd'hui portent davantage sur les détails pratiques de la question à l'étude.

Je veux commencer par dire que, selon moi, l'objectif de l'analyse comparative entre les sexes est essentiellement de remplir les obligations du gouvernement, qui ont déjà été convenues, plus particulièrement dans la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Ainsi, le Canada s'est engagé à prendre « dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes [...] ».

Nous avons adopté cette convention en 1979. La Déclaration et Programme d'action de Beijing en découle, et a ensuite donné lieu à l'analyse comparative entre les sexes, un outil pour vérifier si les gouvernements ont pris toutes les mesures nécessaires pour assurer le plein épanouissement de la femme.

Les gouvernements sont un joueur extrêmement important dans cette question de l'égalité des femmes et ont un très grand rôle à jouer.

Pour commencer, j'ai regardé les documents que le comité examine, je pense, et je constate qu'il manque certains éléments dont j'aimerais parler un peu.

Tout d'abord, pour autant que je sache à partir des documents que nous avons, le processus qui est proposé, planifié et mis en place est uniquement tourné vers l'avenir. Il semble donc supposer que le statu quo rime avec égalité. Ce n'est toutefois pas le cas, comme Kate l'a fait valoir. Le maintien du statu quo signifie l'inégalité des femmes.

Par conséquent, il est très important que toute analyse comparative entre les sexes que nous entreprenons maintenant, avec le nouvel engagement du nouveau gouvernement, prenne véritablement en compte les mesures déjà en place qui prônent l'égalité des femmes ou l'entravent. Il ne suffit pas d'examiner que les nouveaux programmes, les nouvelles propositions ou les nouveaux projets de loi à venir, mais aussi les mesures qui sont déjà en place.

Cela m'amène à vous parler de mon deuxième point : pour réaliser une analyse comparative entre les sexes convenable en 2016, il faut selon moi un plan gouvernemental. En d'autres termes, je pense que le gouvernement et le Cabinet doivent se pencher de façon générale sur leurs programmes, leurs politiques et leur législation, puis établir leurs priorités concernant la modification, le changement et la transformation des politiques en place et des stratégies à venir.

D'après les documents que j'ai reçus, il ne semble y avoir ici ni de plan ni de procédé de planification. Il y a beaucoup de processus, de sorte que les ministères ont bien des façons et des moyens de faire une analyse comparative entre les sexes à l'interne, puis de soumettre le tout à l'examen du Bureau du Conseil privé et du Conseil du Trésor, entre autres. Mais il n'existe aucun plan visant à identifier les problèmes importants qui doivent être réglés et à y travailler, en vue de s'attaquer aux véritables enjeux relatifs à l'égalité des femmes qui se rapportent à l'égalité économique, aux femmes sur le marché du travail, et ainsi de suite — Kate a abordé certains d'entre eux.

En troisième lieu, d'après les documents que j'ai vus, il ne semble pas y avoir de plan normal pour une budgétisation qui tienne compte des sexospécificités, ou pour une analyse comparative entre les sexes des budgets. C'est pourtant extrêmement important, comme Kate l'a mentionné.

L'organisation pour laquelle je travaille a notamment tenté de rapprocher droits de la personne et argent. L'application des droits de la personne dépend entièrement de la façon dont nous allouons des ressources financières à des stratégies et des programmes particuliers, de sorte que ce qui se passe dans un budget est probablement le plus important outil en matière de droits de la personne dont le gouvernement dispose année après année.

Kate vous a donné l'exemple des dépenses d'infrastructure du budget de l'année dernière. Je peux vous donner un autre exemple qui me tient à cœur. Dans le budget de 2016, 88 millions de dollars ont été attribués à un nouveau financement du droit pénal et de l'aide juridique. Or, rien n'a été accordé à l'aide juridique civile. Nous savons toutefois qu'il existe une énorme différence quant au type d'aide juridique dont les hommes et les femmes ont besoin. Les hommes sont les principaux utilisateurs de l'aide juridique en droit pénal, tandis que les femmes ont surtout recours à l'aide juridique civile, plus particulièrement pour le droit de la famille.

L'aide juridique familiale est en crise au pays. Les contributions à ce secteur ont considérablement diminué au cours des 20 dernières années. Par conséquent, les femmes dans des situations très conflictuelles sont très vulnérables quand elles ne peuvent pas obtenir le genre de représentation juridique dont elles ont besoin.

Quand je regarde le budget de 2016, je constate que des fonds ont été alloués à l'aide juridique pénale, mais pas expressément à l'aide juridique civile ou au Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Celui-ci dit pourtant qu'il faut accorder de l'argent de cette enveloppe budgétaire à l'aide juridique civile en raison de son importance pour l'égalité des femmes. J'y vois donc une problématique homme femme qui doit être prise en compte.

L'analyse comparative entre les sexes que nous effectuons au gouvernement nécessite un cadre de protection des droits de la personne. Dans nos travaux sur l'analyse comparative entre les sexes, il nous faut comprendre que pour l'essentiel, nous essayons de donner effet aux droits que nous nous sommes engagés à protéger dans notre Constitution, nos dispositions sur les droits de la personne et les traités internationaux que nous avons signés. C'est un cadre important pour comprendre ce que nous essayons d'accomplir, et nous devrions donc analyser les mesures que nous prenons, soit déterminer si elles donnent effet aux droits que nous nous sommes engagés à défendre.

Encore une fois, je suis tout à fait d'accord avec Kate : les organisations de femmes de la société civile ont un rôle essentiel. Au pays, les connaissances à cet égard, sur des questions précises ou générales, sont immenses. Il est extrêmement important que le gouvernement agisse en partenariat avec des organismes de la société civile et qu'il utilise les compétences et les connaissances qu'il a à sa disposition. Autrement, on gaspille ces ressources, alors qu'en fait, elles pourraient beaucoup aider le gouvernement.

Dans le milieu universitaire, le Canada compte des ressources en études féministes extraordinaires dont le gouvernement devrait se servir dans cette démarche. Il devrait y avoir un processus pour ce type de collaboration avec les organisations de la société civile qui, souvent, assurent la prestation de services, ainsi qu'avec les chercheurs en études féministes.

Il s'agit peut-être de se remettre sur la bonne voie, mais cette démarche a besoin d'une impulsion. C'est peut-être l'élément le plus important, et il faut qu'elle vienne d'en haut. Jusqu'à maintenant, ce que je vois dans les documents me semble correspondre à l'inverse — c'est-à-dire que si nous formons beaucoup de gens et que nous avons divers porte- drapeaux dans différentes parties des ministères, alors les connaissances sur l'analyse comparative entre les sexes se traduiront par l'adoption de bonnes politiques qui sont bénéfiques tant aux femmes qu'aux hommes.

Or, je crois que nous sommes rendus au point où les gens qui sont au sommet de la pyramide, et je parle de la plus haute hiérarchie ici, doivent vraiment agir en chefs de file. De plus, je trouve le point qu'a soulevé Kate au sujet du ministère des Finances extrêmement important. Nous ne pouvons pas dire que cela relève de la ministre de la Condition féminine au premier chef. Elle n'a pas l'influence nécessaire au Cabinet. Je ne parle pas de Patty Hajdu en particulier. Je veux dire qu'aucune personne ayant occupé les fonctions de ministre de la Condition féminine au Canada n'a eu l'influence nécessaire au sein du Cabinet, parce que son portefeuille n'a pas l'argent qu'il faut, et qu'au Cabinet, le pouvoir réside ailleurs. Bien que la ministre ait un rôle extrêmement important, ce sont les portefeuilles bien garnis qui ont vraiment les pouvoirs, et ce sont eux qui doivent donner l'impulsion.

Il est très important que nous comprenions que pour que cela fonctionne et que la situation des femmes change réellement au Canada, nous avons besoin de leadership de la part des gens qui sont au sommet de la pyramide, à la tête du gouvernement, des portefeuilles, du Bureau du Conseil privé, du ministère des Finances, soit des gens qui ont les capacités d'élaborer des stratégies gouvernementales et de déterminer où les fonds sont affectés.

Enfin, la reddition de comptes est d'une importance capitale. Il ne peut s'agir d'un processus secret. Cela ne peut se passer au sein des ministères et ne pas être connu des sénateurs, des parlementaires, de la population, ou des organisations de femmes de la société civile. Il faut que ce soit fait de façon transparente et que ce soit examiné et surveillé de façon très rigoureuse.

Je vais revenir sur le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le Canada fera l'objet d'un examen de ce comité le 25 octobre, à Genève, et un certain nombre d'organisations de femmes soumettent des mémoires et se rendront à Genève, tout comme le feront des représentants du gouvernement Canada.

Nous jugeons cela extrêmement important, entre autres parce que c'est le seul mécanisme de reddition de comptes dont nous disposons. Nous n'avons pas un tel mécanisme au pays au moyen duquel nous pouvons parler aux gouvernements de la situation des femmes et des mesures à prendre pour faire progresser la cause des femmes. Nous utilisons donc le mécanisme auquel nous avons accès — la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes — afin de participer à ce débat, et je crois que nous pourrions faire mieux. Nous pourrions en fait également poursuivre les discussions au Canada, ce qui serait utile pour les gouvernements et les femmes, et je crois que nous pouvons le faire. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Day, qui est à Vancouver.

C'est maintenant au tour de Mme Joanna Maycock, qui se trouve à Bruxelles. Mme Maycock est la secrétaire générale du Lobby européen des femmes. Bienvenue à notre comité.

Joanna Maycock, secrétaire générale, Lobby européen des femmes : Je vous remercie beaucoup, et je vous transmets les salutations de Bruxelles. Bonjour.

Je suis vraiment ravie d'avoir été invitée à venir vous parler aujourd'hui, et je félicite les sénateurs de s'intéresser à ce sujet. De plus, je dois dire que nous avons été particulièrement étonnés d'apprendre que c'est le Comité des droits de la personne qui tient ces discussions. Cela nous semble une indication de l'importance que le Canada accorde à ces travaux.

Le Lobby européen des femmes est un organisme-cadre comprenant des associations de femmes de partout dans les pays de l'Union européenne. Nous représentons donc plus de 2 000 organisations de femmes de 31 pays — ce qui comprend tous les États membres de l'Union européenne et les pays qui sont en train de négocier leur adhésion, donc de la Turquie à l'Irlande et de la Finlande au Portugal.

On m'a invitée à présenter de l'information sur la situation de l'Europe en particulier. Tout d'abord, l'Europe n'est malheureusement pas un paradis pour l'égalité des sexes. En dépit des énormes progrès réalisés au cours des 50 dernières années, nous avons constaté que nous avons cessé de progresser au chapitre de l'égalité des sexes au cours de la dernière décennie. Nous avons donc — et c'est quelque chose que je vous propose de faire si vous ne le faites pas déjà — d'excellentes statistiques que nous utilisons et que nous recueillons officiellement partout dans l'Union européenne et que nous intégrons tous les deux ans dans ce que nous appelons l'indice de l'égalité entre les sexes. Il s'agit d'examiner les statistiques officielles concernant huit thèmes et plusieurs indicateurs, et de fournir de l'information sur les progrès réalisés ou l'absence de progrès sur le plan de l'égalité des sexes dans l'ensemble de l'Union européenne. Malheureusement, il y a 10 ans, le résultat était de 51,5 p. 100 et il est maintenant de 52 p. 100, ce qui, à notre avis, est un signe de stagnation.

Comme Shelagh vient de le dire, essayer d'atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes — qui est un engagement officiel pris par l'Union européenne et dans le cadre de traités internationaux —, c'est comme pousser une grosse pierre jusqu'au sommet d'une colline. Imaginez une pente très abrupte. Plus il y a de gens qui poussent, plus il est facile de faire rouler la grosse pierre jusqu'en haut, mais dès qu'on arrête de pousser ou qu'on dirige son attention ailleurs, ou que certaines parties s'en vont, il devient beaucoup plus difficile de faire rouler la pierre jusqu'en haut. En fait, elle peut très facilement reculer. Un nombre important de pays européens reculent bel et bien sur le plan de l'égalité des sexes, dont le Danemark et le Royaume-Uni, croyez-le ou non.

Je veux vous donner de l'information sur la façon dont fonctionne, en Europe, l'analyse comparative entre les sexes, comme vous l'appelez. En Europe, nous parlons principalement d'intégration de la dimension de genre et de budgétisation favorisant l'égalité des sexes. En fait, en Europe, l'intégration de la dimension de genre est un élément du Traité sur l'Union européenne. Donc, non seulement il y a un engagement sur l'égalité entre les hommes et les femmes, qui correspond au deuxième article du Traité sur l'Union européenne, mais il y a également un article qui stipule qu'il est obligatoire d'analyser l'incidence sur l'égalité des sexes qu'ont chaque politique et chaque mesure législative qui sont traitées par l'Union européenne. C'est comme cela depuis au moins une décennie.

Comme le disait Shelagh, cela découle également d'engagements pris à Pékin et d'autres engagements pris auparavant. De plus, en un sens, des engagements pris récemment sur des objectifs de développement durable constituent également des engagements internationaux visant à faire progresser l'égalité des sexes. C'est parce que, comme l'a déjà dit l'intervenante précédente, il y a tellement d'éléments. Il s'agit d'une question liée aux droits de la personne d'abord et avant tout, et il s'agit également de remplir les engagements qui ont été pris sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Or, on parle également ici d'adopter des politiques judicieuses, d'établir de bons budgets et de prendre des décisions économiques intelligentes. Il s'agit en fait d'adopter des politiques en reconnaissant l'importance des gens, en tenant compte de la façon dont ils vivent leur vie. Les hommes et les femmes n'ont pas la même expérience de vie, et les femmes n'ont pas non plus toutes la même expérience de vie.

Nous constatons que malgré l'engagement officiel pris à l'égard de l'intégration de la dimension de genre, il s'agit trop souvent d'une pensée après coup, en fait, ou bien on confie le dossier à un employé subalterne, dont le poste se situe tout en bas de la hiérarchie d'une institution. On n'y accorde pas les ressources qu'il faut sur le plan des pouvoirs dont parlait Shelagh un peu plus tôt. On confie parfois la tâche à une personne, tâche qui vient alors s'ajouter à ses activités quotidiennes, et bien qu'il puisse s'agir d'une personne très dévouée et très intelligente, elle n'a pas la marge de manœuvre nécessaire au sein de son institution, de son service ou de son organisme.

Nous avons des éléments centraux concernant les questions d'égalité des sexes, dans tous les comités du Parlement européen, et dans les différents services de la Commission européenne. Trop souvent, nous constatons que c'est l'un des trois premiers dossiers pour lequel on réduit les dépenses ou sur lequel on fait marche arrière. Généralement, le premier volet qui subit des réductions de dépenses publiques — et nous avons vu bien des cas comme cela en Europe au cours de la dernière décennie —, ce sont les investissements dans les droits de femmes et l'égalité des sexes. C'est le premier volet qui saute, et c'est parce que dès le départ, les règles du jeu ne sont pas équitables. Je voulais seulement vous donner un ou deux exemples.

Mon premier exemple concerne les vagues d'austérité en Europe. Selon notre analyse, l'austérité est une catastrophe pour tous les Européens et pour l'économie, mais c'est doublement vrai pour les femmes. Dans certaines de nos publications, que nous pouvons vous fournir, nous montrons que parce qu'on ne tient pas compte de répercussions que peuvent avoir les dépenses publiques sur l'égalité des sexes, trop souvent, les compressions dans les services publics et les réductions des dépenses publiques pénalisent les femmes deux fois plus.

C'est l'une des raisons pour lesquelles nous croyons que l'égalité des sexes cesse de progresser en Europe. Pourquoi? C'est non seulement parce que les femmes utilisent probablement davantage les services publics pour toutes les raisons que Kate a mentionnées au début, mais aussi parce que les femmes ont plus tendance que les hommes à devenir fonctionnaires, à avoir un emploi dans le secteur public et le type d'emplois qui seront éliminés, surtout les postes à temps partiel ou des contrats précaires dans le secteur public.

Chose inquiétante, une étude portait sur les conséquences qu'a eues l'austérité à Londres non seulement sur l'égalité des sexes, mais aussi sur l'égalité des races. En effet, on a découvert qu'à Londres, une femme noire risque 10 fois plus qu'un homme blanc de perdre son emploi lorsque des mesures d'austérité sont prises. Il y a donc d'autres préoccupations en ce qui a trait aux différents groupes de femmes.

Un autre exemple, à l'opposé, concerne la Banque européenne d'investissement, qui est une institution européenne et qui, par conséquent, est tenue de respecter les mêmes normes dans le cadre du traité. La Banque européenne d'investissement prend des décisions en matière d'investissement représentant environ 70 milliards d'euros par année, mais elle n'a pas encore adopté de stratégie d'intégration de la dimension de genre ou de stratégie concernant l'égalité, quelle qu'elle soit. Pour nous, cela signifie qu'elle prend des décisions d'investissements représentant 70 milliards d'euros qui accentuent les inégalités entre les sexes. Elle ne contribue pas à l'atteinte de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Je voulais dire ce qu'il est nécessaire de faire, à notre avis, pour que l'intégration de la dimension de genre, la budgétisation selon le genre et l'analyse comparative entre les sexes fonctionnent. J'ai écouté une partie des témoignages de la semaine passée, et je conviens que cela concerne en grande partie la formation du personnel dans les services et les ministères. Or, selon nous, l'indicateur principal de réussite, c'est la volonté politique et le leadership au sommet de la pyramide, qu'il s'agisse d'une institution, d'un ministère ou d'une autorité locale. Souvent, ce sont les maires qui sont capables de vraiment changer la donne s'ils sont vraiment résolus à faire avancer les choses. Sans volonté et direction politiques, cela ne fonctionnera jamais, franchement, de la façon dont les choses peuvent fonctionner.

Il faut également mettre en place des mécanismes de reddition de comptes. Cela prend un examen public, un examen parlementaire et, surtout, la participation d'organisations de femmes, de groupes féministes et du milieu universitaire. On a besoin de savoir-faire, mais on ne devrait pas avoir peur. Parfois, je pense que les gens pensent que c'est un domaine qui demande tellement de connaissances techniques qu'ils renoncent. Il ne s'agit que d'élaborer des politiques en tenant compte des gens et de prendre en considération des répercussions qu'elles ont sur eux.

D'après ce que nous avons observé, cela fonctionne lorsque le ministre des Finances et les comités sur le budget — donc ceux qui ont l'argent ou qui font l'examen des dépenses — ont dans leurs rangs des spécialistes ou des analystes des droits des femmes. C'est dans cette situation que cela fonctionne vraiment, car c'est souvent là que les décisions financières se prennent.

À notre avis, l'analyse comparative entre les sexes doit comprendre une analyse budgétaire. Nous pensons qu'il est utile qu'il y ait des spécialistes dans tous les ministères et qu'ils communiquent, mais il faut que quelqu'un les écoute au sommet du gouvernement, du ministère, de l'autorité locale, peu importe. De plus, il faut investir dans l'aide aux organisations de femmes, qu'il s'agisse des fournisseurs de services ou des organisations qui ont l'expertise intellectuelle en matière de politique, car ces gens savent ce qui fonctionne. C'est la bonne nouvelle que je veux vous donner.

Le Canada occupait auparavant le premier rang au chapitre de l'égalité des sexes, mais malheureusement, il a glissé sous le 20e rang, je crois. En fait, vous savez quoi faire. Vous avez une expérience et un savoir-faire extraordinaires auxquels vous pourriez donner un nouveau souffle. Nous savons que c'est possible.

L'autre bonne nouvelle, c'est que le Canada pourrait devenir l'un des meilleurs pays à cet égard. Vous avez la capacité de le faire, en plus de la volonté politique. De l'autre côté de l'Atlantique, nous voyons votre premier ministre faire de nombreuses déclarations publiques sur son appui au féminisme, aux droits des femmes et à l'égalité des sexes. Il nous semble que le Canada a une occasion en or de donner l'exemple et d'être un principal phare. Nous vous encouragerions certainement.

Je veux ajouter une dernière chose. Je pense que vous m'avez demandé de donner des exemples, et je pourrais en parler plus tard. En Europe, nous avons un organisme officiellement responsable des questions de l'égalité des sexes. Il s'agit de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est l'organisme qui recueille les statistiques officielles dont j'ai parlé plus tôt, mais il fournit également des ressources en ligne formidables. Il a publié récemment une nouvelle partie sur son site web, qui est complètement ouvert au public et qui contient plein de documents formidables, d'exemples, de ressources de formation conviviales et de pratiques exemplaires qui portent sur l'intégration de la dimension de genre. Je vais vous envoyer le lien, car c'est une source très utile qui comprend une foule d'exemples étonnants.

Il est également en train de préparer un ensemble de documents sur la budgétisation selon le genre et l'analyse budgétaire comparative entre les sexes dont, nous croyons, la publication est prévue en janvier. Encore une fois, il y aura des exemples formidables dont vous pourrez vous inspirer, et tout est accessible.

Je m'arrêterai là. Je pourrai vous donner des exemples concrets si vous voulez plus de détails, mais je commencerai par cet aperçu. Je vous remercie encore une fois de nous avoir invitées.

Le président : Merci, madame Maycock. La raison pour laquelle le volume de la chaîne que vous captez est un peu bas, madame Maycock, c'est qu'il y a eu un problème d'interprétation pendant quelques minutes, mais tout est rentré dans l'ordre. Nous assurons un accès équitable dans les deux langues ici, donc nous voulions nous assurer que tout fonctionne. Les sénateurs peuvent mettre leurs écouteurs pour poser des questions et entendre Mme Maycock.

Nous commencerons la période de questions avec la sénatrice Nancy Ruth, que j'ai déjà nommée. Je viens d'entendre le mot « champion » qu'utilisent les ministères, un peu partout, mais je ne suis pas sûr d'aimer ce mot, donc je vous dirai que nous avons un leader. La sénatrice Nancy Ruth peut donc partir le bal des questions.

La sénatrice Nancy Ruth : Je ne sais vraiment pas par où commencer, mais je vous remercie toutes de vos observations. Comment? Il nous faut des exemples. Je crois que nous avons besoin de nouvelles idées. Comment sensibiliser le ministre des Finances? Il est peut-être plus facile d'amener le premier ministre à se prononcer sur la question, mais comment pouvons-nous amener le ministère des Finances à être radical dans son analyse?

La semaine dernière, nous avons vu la liste de vérification du Bureau du Conseil privé, qui ne contient aucune analyse. Concrètement, cela ne sert à rien, me suis-je dit. J'aimerais entendre vos idées sur la façon de procéder.

Cela relève du véritable tour de force tellement il y a de résistance au sein du ministère. Depuis des années, au Comité des finances, ils refusent de répondre à la question de savoir où se fait l'ACS. Ils n'en font tout simplement pas. J'ai soupé à quelques reprises avec la championne en la matière, qui avait vraiment hâte de se débarrasser de cette partie de son travail.

Il est donc un peu difficile pour nous de vendre cette idée. Veuillez nous donner d'autres idées, s'il vous plaît. Vous avez totalement raison, cela ne marche pas, cela ne sert à rien.

Le président : Madame Maycock?

Mme Maycock : J'ai quelques pistes de réflexion qui pourraient vous donner des idées, je l'espère. Je pense à un exemple vraiment inspirant que nous avons vu en Europe, en France. La ministre des droits des femmes, en France, qui comme vous pouvez l'imaginer, n'est pas celle qui détient le plus grand budget ni le plus de pouvoir (comme c'est le cas dans tous les gouvernements, malheureusement) a réussi à persuader le président Hollande d'imposer une formation obligatoire à tous ses ministres sur l'analyse comparative entre les sexes. Cette formation a été judicieusement offerte en groupe. Tous les ministres ont dû participer collectivement à une séance de formation, qui avait été préparée avec grand soin pendant plusieurs mois, comme vous pouvez l'imaginer.

La formation devait durer une heure, pas plus. Elle était très adaptée à la situation en France. Elle visait à défaire certaines idées préconçues selon lesquelles l'égalité entre les sexes serait chose faite et à démystifier un peu ce qu'on entend par intégration de l'analyse comparative entre les sexes. Cette formation avait une saveur très politique, tout comme le fait que tous devaient y participer ensemble. Le président lui-même y était, et la formation a été très bien planifiée.

Je crois qu'elle a eu une énorme incidence à l'échelle du gouvernement parce qu'il y a une imputabilité mutuelle qui s'est établie entre les ministres et envers le président. Dans cet exemple, le message venait d'en haut. Nous serons heureuses de vous mettre en contact avec les personnes qui ont organisé cette formation. Elles pourront vous en parler.

Elle a connu tellement de succès qu'elle a engendré de nombreux changements concrets dans les politiques et même dans les lois en France. C'est l'un des pays qui s'améliorent le plus au chapitre de l'égalité entre les sexes, en Europe, même s'il faut avouer que la France avait évidemment du chemin à faire.

Je pense que cela s'avère extrêmement fructueux. C'était aussi en partie parce que le président y voyait une solution gagnante pour l'économie, pour la société et pour lui, politiquement parlant. Il est évidemment très important, quand on fait affaire avec des ministres, qu'ils puissent y voir un intérêt politique.

Le gouvernement belge a depuis suivi l'exemple et a essentiellement demandé une formation similaire à l'échelle fédérale ainsi qu'à l'échelle régionale, en Belgique. Cette formation s'est tenue en début d'année, donc je ne suis pas encore certaine de son incidence à long terme. Je pense que ce pourrait être une option très intéressante et très pratique, puisque c'est aussi l'occasion de prendre de bonnes photos avec les politiciens participants.

Il y a ensuite toute l'utilisation des pressions externes. Je ne sais pas vraiment ce qui fonctionne en contexte canadien. En Europe, cette pression vient souvent du FMI, qui a beaucoup de pouvoir en Europe et exerce une forte influence sur les orientations politiques et stratégiques, particulièrement pour ce qui est de l'austérité, malheureusement. Mais les gens du FMI se sont soudainement rendu compte du fait que l'égalité entre les sexes était une carte intelligente en économie. Ils portent de plus en plus attention à l'analyse comparative entre les sexes et à la budgétisation sensible à la sexospécificité. De même, le ministre des Finances est probablement plus enclin à tendre l'oreille au FMI qu'aux autres groupes mentionnés par Shelagh.

Il y a autre chose qui fonctionne très bien dans différentes régions d'Europe, et c'est l'intervention à l'échelon municipal. Beaucoup de villes ont d'énormes budgets en Europe. Les grandes villes comme Vienne ou Bruxelles gèrent une énorme partie des deniers publics. Nous voyons souvent d'excellents exemples du leadership des maires et des conseils et des effets d'une bonne analyse comparative entre les sexes et d'une bonne budgétisation tenant compte du genre. On peut en démontrer l'efficacité par l'exemple, montrer que cela ne coûte rien mais que c'est très sensé d'un point de vue politique. D'autres exemples politiques sont souvent cités, et il faut y consacrer plus de temps. Il y a un excellent programme à Vienne. La ville effectue un genre d'analyse comparative entre les sexes dans tous ses services depuis environ une dizaine d'années. Cela a vraiment transformé la vie dans la ville et les investissements qui sont faits, qu'on pense aux garderies gratuites, aux soins des personnes âgées ou à l'accessibilité en poussette ou en fauteuil roulant. Cette dimension a vraiment été intégrée à la planification urbaine. Ce sont là seulement trois exemples qui me viennent à l'esprit pour persuader les ministres les plus difficiles à convaincre.

Le président : Je vous remercie. Nous venons d'avoir un autre problème technique. Tout semblait bien fonctionner sur le canal anglais, mais celui de l'interprétation n'a pas fonctionné. Il y a quelque chose sur la ligne. Je suis content que vous ayez eu l'occasion de dire ce que vous avez dit pour l'instant, et nous continuerons d'essayer de résoudre le problème, parce que c'est extrêmement important. On me dit qu'il serait illégal que vous continuiez à nous parler si nous ne pouvons pas vous entendre dans les deux langues officielles du pays. Nous avons pris note de vos arguments jusqu'à maintenant, et il nous reste beaucoup de temps pour avoir cette conversation. C'est très apprécié. Sénatrice Nancy Ruth, voulez-vous continuer?

La sénatrice Nancy Ruth : Je crois que Mme McInturff allait dire quelque chose.

Mme McInturff : C'est une question qui m'est très chère. Je serais très heureuse de pouvoir m'asseoir avec le ministre des Finances pour lui parler. Concrètement, je pense qu'il y a divers instruments pour en faire un incontournable aux Finances.

Je crois qu'il faut d'abord veiller à ce que tout le monde parle le même langage et à ce que tout le monde se comprenne. Cela signifie qu'il faut, par exemple, qu'il y ait des économistes parmi l'effectif de Condition féminine et des économistes féministes parmi l'effectif du ministère des Finances. Je pense qu'on s'y perd parfois dans la traduction.

Cela dit, je partage les préoccupations de Joanna : il ne faut pas confier cette tâche à un analyste inexpérimenté qui n'a tout simplement pas le pouvoir de faire en sorte que cette analyse donne lieu à des mesures concrètes. C'est la première chose.

La deuxième mesure que je recommande en est une que ma propre organisation applique dans le cadre du projet de l'Alternative budgétaire fédérale, que nous produisons depuis plus de 20 ans déjà. Depuis quelques années, notre alternative budgétaire, qui s'accompagne d'une ventilation complète des coûts, s'accompagne également d'une analyse distributionnelle des effets des mesures que nous proposons. Par exemple, quel groupe d'âge bénéficierait de telles mesures fiscales? Les hommes et les femmes bénéficieraient-ils tous deux de telles mesures de création d'emplois? Cette année, nous pourrons faire une analyse encore plus pointue. Nous utilisons les données de Statistique Canada. Je pense que si nous arrivons à déposer un budget qui s'accompagne d'une analyse distributionnelle avec un seul employé à temps plein et quelques contributions bénévoles, notre ministère des Finances a sûrement les moyens d'en faire autant. Je pense que ce serait utile pour tout le monde de montrer aux Canadiens comment les mesures budgétaires les touchent. Bien souvent, l'effet est positif, donc il me semble que nous ne devrions pas avoir peur.

Je pense que nous pourrions également faire appel au Bureau du directeur parlementaire du budget. Je parlais dernièrement à une personne de son bureau, et nous avons abordé la question de la budgétisation sensible à la sexospécificité. Je lui ai demandé très gentiment pourquoi son bureau ne faisait pas d'analyse budgétaire comparative entre les sexes, et elle m'a répondu : « Cela ne fait pas partie de notre mandat. » Si tel est le cas, il faudrait peut-être revoir le mandat du Bureau du directeur parlementaire du budget. Il joue un rôle important, et nous avons bien pu voir l'influence qu'il exerce sur des questions comme le partage du revenu et d'autres mesures fiscales ou financières qui ont été prises. Je pense que c'est un autre levier qu'on pourrait utiliser. Ce seraient quelques pistes pour convaincre le ministère des Finances.

La sénatrice Nancy Ruth : Voici ma dernière question : l'une de vous voit-elle un rôle pour les parlementaires quant à la responsabilisation et à l'établissement des priorités, puisque nous n'avons pas tous le pouvoir de mettre en œuvre certaines de ces excellentes recommandations?

Mme McInturff : Il est essentiel. L'une des choses les plus puissantes que j'observe non seulement au Canada mais dans mon travail avec des coalitions d'ONG et d'organisations de la société civile dans le monde, c'est le pouvoir de l'information. Les parlementaires peuvent demander la divulgation d'information d'une façon qui n'est pas toujours à la portée des organisations de la société civile. Ces organisations ne comprennent pas toujours comment y parvenir, mais les parlementaires peuvent demander ce genre d'analyse et le dépôt de rapports. C'est à la fois utile pour les parlementaires eux-mêmes et pour la société civile, pour savoir comment l'argent est dépensé, s'il y a des analyses qui sont faites et si les recommandations sont suivies ou non. C'est important.

La sénatrice Nancy Ruth : Madame McInturff, estimez-vous utile que les projets de loi déposés dans l'une ou l'autre des deux chambres du Parlement s'accompagnent d'une analyse comparative entre les sexes claire des effets financiers et sociaux du projet de loi?

Mme McInturff : Oui, c'est essentiel.

Le président : Nous avons des difficultés d'équité linguistique, encore une fois. Les interprètes arrivent à traduire ce que vous dites, madame McInturff. Vous serez donc occupée. Le signal vidéo est bon de Bruxelles et de Vancouver, mais j'ai bien peur que les gens de Bruxelles et de Vancouver doivent se contenter d'écouter et d'apprendre, parce qu'il y a de la statique sur la ligne et que les interprètes n'arrivent pas à travailler. Nous ne pouvons pas vous entendre dans ce contexte, selon les lois du Canada. C'est une occasion d'apprentissage, donc nous prendrons tous des notes et profiterons des lanternes de Mme McInturff.

J'explique que nous ne pouvons pas poser de questions aux deux témoins de Vancouver et de Bruxelles, mais que nous pouvons vous faire part de réflexions et que vous pouvez prendre des notes. Je suis infiniment désolé. Les techniciens essaient de résoudre le problème. Restez avec nous.

Mme Maycock : Je comprends parfaitement. Nous vivons dans un environnement multilingue à Bruxelles aussi. Nous serons heureuses de vous envoyer de l'information par courriel pour répondre aux questions, et vous pourrez faire traduire nos réponses, si vous le souhaitez.

Le président : Je vous en remercie. Continuons.

La sénatrice Hubley : Ma question s'adressait à Mme Day, mais peut-être Mme McInturff pourra-t-elle y répondre elle aussi. Il y a énormément de travail qui se fait au Canada pour appuyer les travailleuses et, en collaboration avec divers acteurs, pour élaborer des politiques et des programmes robustes pour assurer l'égalité des femmes. Que pensez- vous du cadre ACS+ élaboré par Condition féminine Canada? Le jugez-vous adéquat? De même, compte tenu de toute l'information que nous entendons, y aurait-il moyen de le renforcer ou de l'améliorer à certains égards?

Mme McInturff : Condition féminine Canada fait du bon travail avec les très maigres ressources à sa disposition, mais on fixe vraiment des objectifs impossibles à atteindre pour un cours en ligne souvent optionnel. Encore une fois, malgré les meilleures intentions de tous, cette formation en ligne ne peut pas aborder toutes les préoccupations des fonctionnaires.

La formation est certes utile, mais doit aborder... Quand on me demande conseil pour offrir ce genre de formation, j'aime préciser qu'il faut bien comprendre les problèmes auxquels les fonctionnaires sont déjà confrontés, les tâches qui leur sont confiées, et montrer comment ce type d'analyse les aidera à résoudre leurs problèmes, à mieux faire leur travail et à être plus efficaces. C'est l'effet de l'analyse comparative entre les sexes, et beaucoup d'études le montrent.

On ne peut toutefois pas aborder la réalité particulière d'un fonctionnaire d'Environnement Canada dans un cours en ligne, à moins que ce sujet soit ciblé. Il faut donc voir au-delà d'un cours en ligne. Ce n'est pas suffisant. C'est peut- être un premier pas. Maintenant que tout le monde connaît ces termes, que les gens ont une vague idée de leur signification, ils peuvent commencer à poser des questions, mais nous ne pouvons pas nous en contenter.

Comme Shelagh et Joanna l'ont dit toutes les deux, c'est fondamentalement une question de droits de la personne et de service au peuple que vous représentez. Cela signifie que c'est politique. C'est une question de relations de pouvoir, de dynamique politique, d'engagement à défendre l'égalité entre les sexes.

En fait, je me rends compte que quand l'objectif est clair, les gens sont beaucoup plus motivés, parce que nous parlons des valeurs d'égalité que bon nombre d'entre nous avons très à cœur, même si on travaille dans le domaine des pêches.

Cette approche sera utile. Encore une fois, comme tout le monde l'a dit, le leadership doit venir d'en haut. Cela ne peut pas s'ajouter à la charge de travail d'une personne.

Le sénateur Mitchell : C'est un témoignage puissant et convaincant. J'ai plusieurs questions à poser. Je dois d'abord poser la question suivante à Mme McInturff, bien qu'elle ait été soulevée par Shelagh Day. L'idée d'un mécanisme national de responsabilisation pique ma curiosité. Nous n'avons rien de tel. Il serait utile, dans le cadre de notre étude, d'avoir une idée de la forme que ce mécanisme pourrait prendre. Serait-ce un conseil de juges? Serait-ce un organe du gouvernement ou lié d'une quelconque façon au gouvernement? Quelle serait la formule la plus efficace?

Mme McInturff : J'aimerais beaucoup pouvoir entendre la réponse de la bouche de Shelagh. C'est hors de mon champ de compétences. Je vois les recommandations formulées par FEWO, le Comité permanent de la condition féminine. Il est question dans son rapport d'un ou d'une commissaire, d'une personne en position d'autorité qui aurait pour mandat exclusif de suivre la question et d'exiger une reddition de comptes.

C'est très utile, parce qu'on se rend compte que l'intégration des considérations liées à l'égalité entre les sexes mène partout et nulle part. Je répète à quel point le ministère de la Condition féminine est sous-financé. Je suis d'accord avec les observations qui ont été faites sur le manque de pouvoir à la table du Cabinet : il faut les prendre au sérieux.

Il serait utile d'établir une institution comme celle d'un commissaire. Outre cela, j'espère que Shelagh et Joanna, qui connaissent mieux que moi ce genre de questions structurelles, pourront vous éclairer davantage dans leurs réponses écrites.

Le président : J'en profite pour rappeler aux témoins par vidéoconférence que si vous prenez des notes sur ces questions, nous apprécierions que vous nous fassiez parvenir vos réponses par courriel, télécopieur ou autrement, par l'intermédiaire de notre greffier. Vos réponses à ces questions nous seront extrêmement utiles dans notre étude. Encore une fois, nous sommes désolés de ne pas pouvoir vous entendre en ce moment.

Le sénateur Mitchell : Ma deuxième question révélera sans doute mon ignorance en la matière. Il y a actuellement un problème de harcèlement et d'agression sexuelle à la GRC, au Canada. C'est un problème endémique, dans une certaine mesure, mais il touche particulièrement les femmes.

Peut-on faire une analyse comparative entre les sexes de la culture d'un ministère? L'analyse comparative entre les sexes semble viser un projet de loi, des projets de loi ou des politiques, mais quand on analyse un budget, il faudrait peut-être disposer d'une analyse comparative entre les sexes de l'ensemble d'une organisation comme celle-là, parce que le problème doit être réglé et qu'il ne l'est pas.

Mme McInturff : Tout à fait. Je parle surtout de la politique économique, parce que c'est ma zone de confort. Pour ce qui est de la sécurité personnelle, nous savons non seulement que les femmes subissent du harcèlement sexuel en milieu de travail, mais que les femmes qui vivent de la violence conjugale à la maison ont souvent beaucoup de mal à travailler. Le Congrès du travail du Canada a publié de bonnes études sur la façon dont cela touche les femmes en milieu de travail.

Bref, il est effectivement possible d'analyser les structures qui doivent être mises en place pour prévenir, d'abord, l'agression et le harcèlement sexuel, mais aussi pour réagir de façon proactive lorsque des incidents surviennent, pour que le fardeau ne pèse pas exclusivement sur les épaules de la victime de harcèlement.

Comme Joanna l'a dit, il y a des gens qui savent comment résoudre ce genre de problèmes, ou à tout le moins comment s'y attaquer. Nous avons ces compétences dans les universités, dans les organisations de la société civile qui offrent un service public, bien souvent en échange d'une très maigre rétribution ou même gratuitement. Je pense qu'il faut s'inspirer de ce qu'elles font et le reproduire là où c'est nécessaire.

Il y a de l'excellent travail qui se fait sur le maintien de l'ordre et les biais implicites, non seulement le profilage racial, dont on entend beaucoup parler dans les médias, mais également le profilage sexuel. Comment faire en sorte que les gens ne se disent pas « cette personne est le policier de l'égalité entre les sexes et vient ici pour m'arrêter », mais pour vraiment échanger avec la GRC sur les façons dont elle peut améliorer ses pratiques et se doter d'un milieu de travail qui permet à toutes les personnes de travailler les unes avec les autres dans le respect et la dignité.

Le sénateur Mitchell : Il y a beaucoup de recherches qui montrent que les sociétés qui comptent plus de femmes au sein de leur conseil d'administration réussissent mieux que les autres. À votre connaissance, existe-t-il une analyse sur les conseils d'administration des sociétés d'État ou des entreprises liées au gouvernement : une analyse qui dépeindrait la situation et qui nous indiquerait si la situation est comparable dans les sociétés d'État et dans le secteur privé?

Mme McInturff : Les conclusions de la recherche que je connais sur les femmes siégeant dans les conseils d'administration s'appliqueraient bien, d'après moi, aux conseils d'administration des sociétés d'État. Elles disent qu'une femme ne suffit pas. Je me souviens d'avoir témoigné devant le Comité des finances, qui, à l'époque, comptait une femme. Après mon témoignage, elle est venue me dire qu'elle était très heureuse que je soulève ces questions, parce qu'elle ne se sentait pas la force de le faire à elle seule. Elle trouvait que ça la ferait remarquer d'une façon qu'elle tenait à éviter. La recherche nous a montré que nous avions besoin d'être plus d'une, et je ne vois pas en quoi ce serait différent dans une société d'État.

La recherche a aussi porté sur des endroits comme la Norvège, où il est obligatoire, depuis un certain nombre d'années, de nommer un nombre minimal de femmes dans les conseils d'administration. Ça nous apprend l'existence d'un deuxième seuil. La tendance est de nommer dans divers conseils d'administration un petit groupe de femmes, qui supportent une charge excessive. De plus, à un certain niveau, ces femmes trop peu nombreuses sont incapables de représenter un vaste ensemble. D'après moi, il faut franchir ce second seuil, c'est-à-dire ne pas seulement nommer des femmes, pas seulement plus d'une femme, mais, aussi, nous assurer que ces nominations permettent une représentation fidèle de toutes les femmes et des autres groupes qui subissent la discrimination, ce qui permet d'apporter aux conseils d'administration un plus grand nombre de points de vue.

La sénatrice Omidvar : Monsieur le président, si vous permettez, j'ai quelques questions à poser. La première est assez difficile et j'essaierai de bien la formuler.

Dans notre société, dans notre pays, l'inégalité est subie différemment par les différentes tranches de la population. On a eu l'impression, dans les collectivités racialisées, que le mouvement des femmes, le mouvement pour l'égalité des sexes, était hiérarchisé. C'est une relation et un partenariat, mais il arrive que ça finit par se gâter un peu.

Comment, alors, s'assurer que la marée soulève tous les navires et pas seulement ceux des femmes blanches?

Je voudrais savoir quelle suite vous avez donnée à vos initiatives et expériences pour que l'ensemble des droits de la personne dont vous parlez toutes — à propos, vos trois exposés étaient excellents, et je suis désolée de ne pas pouvoir vous parler, mais j'espère que vous pourrez me parler plus tard... Je voudrais savoir comment vous comprenez le caractère inclusif des droits de la personne.

J'en aurais long à dire sur notre sujet des femmes siégeant dans les conseils d'administration, mais j'en ai absolument marre de parler d'une élite très sélecte qu'on fait parader dans les mêmes conseils d'administration. Ce n'est pas l'égalité. Je voudrais connaître votre réaction à certaines des frustrations que j'exprime ici.

Mme McInturff : Vous avez absolument raison. Disons d'abord qu'une analyse comparative entre les sexes qui n'est pas intersectionnelle n'est pas une bonne analyse. La différence dans mon secteur, où je travaille sur l'accès des femmes à l'emploi, est immense entre les immigrantes collectivement mieux instruites que les femmes non immigrantes. On semble parfois vouloir dire qu'elles ne seraient pas aussi instruites, qu'elles manquent d'expérience. C'est visiblement faux. Ça ressemble à de la discrimination. Il en va de même pour les femmes autochtones, les femmes handicapées et les femmes racialisées. On observe des taux différents de pauvreté et des salaires différents — un plus grand écart salarial pour ces groupes — et différents niveaux d'accès à l'emploi. Cette analyse est impossible si on ne tient pas compte de ces différences entre les femmes, des différences bien visibles.

Plus nos politiques publiques et nos lois seront conçues avec précision, plus elles seront efficaces. Il faut donc comprendre que ces différences épousent intrinsèquement, comme Joanna l'a dit, le mode réel de vie des personnes qu'elles touchent. Pour que nos politiques ou nos lois soient efficaces pour ces personnes, elles doivent répondre à ces différences.

Vous avez demandé des exemples. Pour moi, ç'a été mon travail sur la pauvreté des femmes, où mes collègues, mes alliées et d'autres organisations m'ont incitée à ne pas seulement parler d'hommes et de femmes, mais à vraiment parler de ce que ces intersectionnalités changent. La pauvreté dont je parle n'est pas seulement celle des femmes, mais celle des femmes autochtones, des femmes handicapées et des femmes racialisées et immigrantes.

Dans ce cas, on possède des données. On peut utiliser les données de l'État. Les données annuelles proviendraient de l'Enquête sur la population active. Ça se complique quand on commence, comme je l'ai fait, à l'échelle des villes. Les échantillons ne renferment pas assez d'individus pour donner un aperçu des femmes autochtones à Ottawa possédant ce niveau d'instruction. Les seules données exhaustives sont celles du recensement. Voilà pourquoi je me réjouis du retour du questionnaire détaillé.

Mon autre exemple — et, encore une fois, c'est le rôle de la société civile et des militants d'en parler — est que notre recensement ne prévoit que deux possibilités, homme ou femme. Or, des Canadiens se sentent oubliés par ce choix. Nous en saurions beaucoup plus sur ceux qui se perçoivent comme transsexuels par le simple ajout d'une case supplémentaire, qui pourrait transformer la recherche que nous pourrions faire et modifier le discours sur les difficultés que ce groupe doit affronter et sur les réponses que nous pouvons y apporter grâce à nos politiques publiques et à notre gouvernance. C'est donc absolument vrai qu'il n'y a pas de bonne analyse comparative entre les sexes si elle n'est pas intersectionnelle.

Le sénateur Omidvar : Je vous remercie de continuer à nous parler des intersections de manière si enrichissante pour nous.

Ma prochaine question est beaucoup plus pratique, ce que, moi-même, je suis beaucoup, au fond. Comme l'analyse comparative entre les sexes ne fait pas partie de la marche à suivre dans tous les ministères — actuellement un seul doit la pratiquer, et c'est Citoyenneté et Immigration — se trouve-t-il une organisation de la société civile à qui nous pouvons nous fier quand nous sommes saisis d'un projet de loi? Vu que cette analyse nécessaire n'est pas toujours faite, il existe peut-être une autorité extérieure pour nous conseiller, par exemple, d'examiner tel ou tel aspect du projet de loi. Vous avez parlé du pouvoir d'organisations de la société civile dans ce domaine.

Mme McInturff : Malheureusement, nous avons perdu beaucoup de nos organisations féminines nationales, ces coalitions qui réunissaient l'expertise nationale.

J'ai constaté que cette expertise, il n'en manque pas, mais qu'elle réside dans des organisations maintenant financées seulement pour fournir des services. Un exemple concret, pratique serait le réseau de maisons de refuge pour femmes. C'est une organisation consultative, dont la raison d'être est de donner de bons conseils sur les politiques touchant la violence contre les femmes. Je pense que, actuellement, son personnel est de deux personnes. Elles reçoivent des appels, comme je le faisais quand j'étais directrice de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, de femmes en détresse.

Leur directrice a consacré une journée à chercher un refuge pour une femme qui avait appelé notre bureau et qu'on avait fait patienter un certain temps. Elle a composé le 311, et on l'a fait patienter une heure. Elle était visiblement en détresse. Elle ne savait pas à qui s'adresser. La directrice a donc consacré une journée à lui trouver un lit. Son organisation n'était même pas une fournisseuse de services.

Les ressources des fournisseurs de services, qui connaissent bien ces problèmes, qui possèdent une capacité formidable d'analyse et de prestation de conseils, sont étirées au maximum. En fin de compte, leur temps ira à la recherche d'un lit pour quelqu'un plutôt qu'à la rédaction d'un document d'orientation.

Il importe de comprendre que l'expertise existe, mais qu'il faut payer pour s'en servir. Elle ne peut pas être gratuite.

La semaine dernière, madame Lahey est venue vous dire comment les femmes consacrent deux fois plus de temps que les hommes à du travail non rémunéré. Il faut que ça cesse. Il existe un vaste bassin de compétences dans lequel on pourrait puiser et qui pourrait bien aider les parlementaires.

Un excellent travail a été réalisé par une universitaire du nom de Miriam Sawyer, qui travaille en Australie, mais, comme vous le savez, le système parlementaire y est très semblable à celui de Westminster. Elle a notamment suivi le parcours d'un projet de loi, de sa naissance à la promulgation de la loi. Elle a constaté un dialogue permanent entre le législateur et la société civile. Ce dialogue et les compétences employées rendaient non seulement possible le dépôt du projet de loi, quand les circonstances politiques étaient favorables, mais, de plus, les parlementaires étaient en mesure de s'adresser à des groupes qui s'intéressaient à la question quand elle n'était pas si populaire et ils pouvaient l'amener sur le tapis. Il en résultait une loi meilleure.

Des études ont aussi montré, dans plusieurs pays, le même phénomène à une échelle beaucoup plus grande, à une échelle longitudinale.

Le président : Nous aurons le temps pour une deuxième série d'interventions. Ce doit être douloureux pour les deux témoins qui nous observent. Nous avons hâte de prendre connaissance de toutes vos observations sous forme imprimée.

Madame Martin, je pense que vous aviez une observation à ce sujet et une question.

La sénatrice Martin : Je remercie tous les témoins.

Je viens d'obtenir une réponse à la question de ma collègue Omidvar sur les organisations de la société civile qui pourraient fournir ce genre d'expertise. Le facteur constant est l'absence de financement et d'envergure nationale, mais il existe de vraiment bons groupes dans les provinces, que le gouvernement du Canada et d'autres devraient consulter.

Je viens de la Colombie-Britannique, mais je suis sûre que Shelagh Day connaît l'association de cette province qui s'appelle Ending Violence Association of BC. Je sais que cette association a fait d'excellentes analyses et recherches stratégiques sur le sujet de notre discussion. J'ai été tellement impressionnée par ses analyses que je suis restée en contact avec elle.

Je pense que les pratiques exemplaires sont appliquées un peu partout. Je me demandais notamment si nous devions nous inspirer des provinces et des territoires qui font d'excellentes analyses et si l'une de vous connaît de tels groupes — j'en ai mentionné un — ou même d'autres États.

Ma question se rattache à notre séance de la semaine dernière sur l'outil élaboré récemment et désormais utilisé, celui de la diligence requise et de l'analyse fondée sur les données probantes pour les mémoires au Cabinet. Nous en avons tous reçu copie.

Dans la partie où l'analyse comparative entre les sexes est requise, on voit des cases. Elles sont plus grandes lorsque certains faits doivent être communiqués.

Ma question concernerait l'obligation de reddition de comptes. Comment faire le suivi ou les vérifications nécessaires pour s'assurer qu'on a bien prévu les répercussions négatives ou les bonnes mesures à prendre? J'ai participé à toutes sortes de réunions où l'on faisait le bilan et où on produisait toutes sortes de listes de choses à améliorer, mais, par la suite, on constatait que, souvent, c'était resté lettre morte. Je suis curieuse d'en savoir plus sur l'obligation de rendre compte, le suivi à faire et les recommandations à faire dans notre rapport.

Mme McInturff : Je suis d'accord. C'est indispensable. Comme je l'ai dit, toutes les analyses du monde sont inutiles si elles ne donnent pas suite aux recommandations.

Le mémoire au Cabinet précède la naissance d'un projet de loi, d'un budget ou d'une politique. L'obligation de rendre compte devrait viser la mise en œuvre. Ainsi, en consultant les recommandations, verrait-on des indices que la politique en a tenu compte, qu'elles l'ont façonnée?

Le gouvernement norvégien emploie un processus très semblable à cette sorte de diligence requise pour le mémoire au Cabinet, mais une fois que les programmes suivent leur cours, il les vérifie. Ce serait aux gestionnaires d'en juger, après un, deux ou trois ans, mais avant la fin du programme. On mettrait ainsi fin au jeu des bilans post mortem, aux analyses après coup.

Ça signifie aussi la possibilité de changements en cours de route. Les auteurs de ces programmes sont bien intentionnés, et je pense qu'il pourrait être efficace d'examiner les programmes mis en œuvre et de se demander s'ils répondent, après un an ou deux, aux besoins des femmes et des hommes de la collectivité, toute la clientèle visée selon les vœux du début et, sinon, que faire tout de suite pour les améliorer.

J'ai déjà enseigné dans une université. Ces établissements, à la fin d'un semestre, font évaluer les professeurs par les étudiants. Les professeurs reçoivent les évaluations environ deux mois après la fin des cours. Elles renferment souvent de bons conseils et, parfois, des correctifs qui auraient facilement pu être appliqués. Après quelques années, j'ai commencé à demander une évaluation très officieuse à mes étudiants, pour connaître leurs réactions à mi-chemin avant la fin des cours. Par exemple, si mes diapositives en PowerPoint étaient impossibles à lire, je pouvais corriger le tir bien avant la fin des cours.

Peut-être voudrez-vous vous renseigner auprès de fonctionnaires de la Norvège sur leur manière de faire.

C'est aussi vrai des programmes de l'État. Nous les vérifions après leur lancement et nous pouvons constater, le cas échéant, qu'ils ne semblent pas correspondre aux besoins de la clientèle qu'on essaie de servir. Que faire? Quelle amélioration apporter? Est-ce possible maintenant?

Le bilan du programme se fera à la fin, mais on se donne la chance de l'améliorer, ce qui est plus motivant, parce que les responsables du programme ne se sentent pas mis sur la sellette. On leur donne la possibilité de faire mieux.

La sénatrice Nancy Ruth : Votre idée sur les bilans post mortem répond à ce que disait Mme Day, que nous devons examiner maintenant les politiques. C'est notamment ce qu'évite absolument l'analyse comparative entre les sexes pratiquée au Canada. Je suis très heureuse que vous l'ayez dit, parce que je pense que c'est indispensable.

La sénatrice Andreychuk : Je remercie tous les témoins. Ma collègue Nancy Ruth a absolument raison. Nous avions des outils avant sa mise en œuvre. La mise en œuvre, si nous pouvions commencer par là.

Le comité a fait de l'excellent travail sur la Commission de la fonction publique. Après tout, les fonctionnaires sont censés être représentatifs des collectivités. Nous avons constaté que quatre groupes étaient très mal partis. En jonglant avec les outils et les dispositifs, nous avons trouvé deux points névralgiques. Le premier était que l'embauche avait lieu trop souvent à Ottawa, coupée du reste du Canada. Il faut aller chercher trop de candidats dans des collectivités inaccessibles si ce n'est par leurs propres moyens — journaux locaux, et cetera — si nous tenons à la diversité dans notre politique étrangère.

Nous en sommes arrivés à une conclusion : pour travailler avec quelque groupe que ce soit, un avantage financier ou la retenue d'une prime sont d'excellents outils. Cela aiguise l'esprit, quand vient la paye. Nous avons recommandé dans notre rapport qu'aucun sous-ministre n'obtienne de prime sans qu'il ait pu démontrer que lui-même, personnellement, et son ministère ont examiné la possibilité d'augmenter le nombre de femmes et de membres de minorités visibles, entre autres.

Devrions-nous faire la même chose pour encourager les gens ici à faire de même? Autrement, je pense que cela devient un exercice sur papier. Vous pouvez noter ce que vous avez fait et voir les rapports, mais cela ne se traduit pas en gestes concrets. La fonction publique devrait donner l'exemple en matière d'équité entre les sexes.

Mme McInturff : Tout à fait. Et c'est une chose qu'à travailler avec des économistes — un groupe pas très diversifié... c'est une chose à laquelle, dans ma propre organisation, nous réfléchissons beaucoup. Nous cherchons à déterminer comment ne pas reproduire le groupe entièrement composé d'hommes que nous trouvons assez souvent dans le domaine de l'économie.

S'il est une chose qui est devenue claire, c'est que vous devez commencer par la formation, le mentorat et les stages. Vous devez joindre les personnes là où elles vivent en vous adressant aux organisations universitaires, aux organisations de quartiers ou aux organisations représentant une communauté en particulier, et en leur disant que vous êtes à la recherche de membres de leur communauté. Vous pouvez organiser des stages dont la priorité ou l'objectif est, par exemple, de former et d'embaucher un économiste autochtone — c'est un exemple de ce que j'essaie de faire au sein de mon organisation —, pour qu'il y ait un bassin de personnes diverses qui travaillent sur le terrain là où nous en avons besoin. Cependant, nous leur donnons du soutien au début. Ainsi, pour commencer, ces personnes pensent à la fonction publique comme option de carrière et, ensuite, vous savez qui ces personnes sont et elles savent qui vous êtes, de sorte qu'elles posent leur candidature quand vous offrez le poste, soit l'étape suivante du processus.

Je sais que la fonction publique fait beaucoup de suivi, mais vous ne pouvez résoudre un problème si vous ne savez pas que vous l'avez, alors la transparence et le suivi vont beaucoup changer les choses. J'ai vu cela concernant les écarts de salaires. J'ai fait de la recherche à ce sujet au sein de la fonction publique. Il y a encore de forts écarts de salaires au détriment des femmes, des Autochtones et des membres de minorités visibles et de groupes racialisés. Le savoir représente la première étape à franchir pour agir.

Il est essentiel d'avoir le bâton et la carotte. Il faut non seulement des mesures d'incitation, mais aussi des mesures de dissuasion, au cas où vous ne le feriez pas. Je pense que le levier financier est assez efficace.

Le président : Nous passons au deuxième tour.

Mme Day ne peut répondre à des questions parce que nous avons des difficultés techniques. Vous avez signalé que tout doit venir d'en haut. Parlons-nous du premier ministre? Outre la lettre de mandat, est-ce que le premier ministre du pays doit faire une déclaration, ou prononcer un discours en public? Est-ce le leadership que vous réclamez?

Mme McInturff : Absolument. Je pense que cela doit venir du premier ministre. Je pense que cela doit se passer au Cabinet. Il faut qu'il soit clair que ce n'est pas optionnel, que cela fait partie de la façon dont nous gouvernons et que c'est un élément de bonne gouvernance.

Je pense que les résultats de recherches le démontrent. Je pense que beaucoup d'études démontrent que chacun des portefeuilles des ministres du Cabinet profitera de cela. Je pense qu'il serait aussi utile de vérifier et d'utiliser une forme de bâton pour aller avec la carotte, ce qui fait que votre financement ne serait approuvé que si vous prenez des décisions fondées sur les résultats d'analyses comparatives entre les sexes.

Le président : Espérons qu'il écoute aujourd'hui.

Mme McInturff : Je l'espère.

Le sénateur Mitchell : J'ai trouvé très intéressants vos propos selon lesquels les femmes sont désavantagées par le financement de la création d'emplois. Je pense que cela est en grande partie attribuable à l'importante part de ce financement qui va à l'infrastructure, donc à la construction, ce qui est défavorable aux femmes.

Nous menons une étude sur le financement de l'infrastructure, au comité des finances, alors c'est très opportun. Comment structureriez-vous les efforts de stimulation de la création d'emplois de manière à éviter ce problème?

Mme McInturff : La première chose qu'il faut, c'est comprendre où les hommes et les femmes travaillent. Dans certains domaines, les nombres sont à peu près égaux, même si on y trouve toujours une certaine stratification, par exemple, en médecine, où les nombres sont assez égaux, mais où les hommes et les femmes qui sortent avec un diplôme tendent à opter pour des domaines médicaux différents. Les hommes se dirigent vers les spécialités les mieux payées, alors il y a là aussi des différences dans les salaires ainsi que dans les taux de promotion et ainsi de suite.

Quand nous cherchons à créer des emplois, il faut voir si nous le faisons dans des secteurs où les femmes ont tendance à travailler. Étant donné que les domaines où les femmes travaillent surtout ont tendance à relever de la compétence des provinces, cela signifie qu'il nous faut le leadership du fédéral, mais qu'il faut aussi discuter avec les provinces. Je sais que nous envisageons en ce moment des négociations avec les provinces en vue de certains transferts, et c'est pour le gouvernement fédéral l'occasion de permettre aux provinces de faire ce genre de dépenses et de création d'emplois, dans les domaines où les femmes travaillent et où elles peuvent avoir des salaires décents. C'est essentiel.

Nous avons beaucoup parlé des différences entre les hommes et les femmes dans la sphère économique, mais nous avons tendance à tous vivre ensemble dans nos collectivités, alors nous devons voir cela comme étant positif pour tout le monde.

Prenez comme exemple ce qui se passe en Alberta. Malheureusement, l'Alberta affiche le plus important écart de salaires entre les hommes et les femmes, et l'un des plus grands écarts concernant l'emploi. L'une des raisons de cela, c'est qu'il y a eu une forte croissance des secteurs dominés par les hommes : la construction est le plus important secteur d'emploi pour les hommes en Alberta; le secteur pétrolier et gazier de l'Alberta demeure un secteur dominé par les hommes. Les secteurs où nous avons vu une hausse de l'emploi des femmes sont des domaines où les salaires sont faibles, comme l'hôtellerie et la vente au détail.

Quand nous avons une chute des cours des matières premières, ce qui se produit pour le pétrole, mais aussi pour les pièces d'automobiles et d'autres secteurs, beaucoup d'hommes perdent leur emploi. Si ces hommes ont une famille et que leur femme travaille au Tim Hortons, ils ont de gros problèmes, mais pas si leur femme est une infirmière. Ils vont passer au travers de la période difficile. Le gouvernement doit voir cela comme une façon de créer de la sécurité pour tout le monde. Cela permettra à nos citoyens de sortir de ces difficultés économiques inévitables — pas prévisibles, mais inévitables.

C'est bon pour tout le monde. J'y reviens encore. Les femmes ne forment pas un groupe d'intérêt. Elles font partie de nos familles, de nos collectivités et du pays. Quand nous faisons des choses qui leur sont bénéfiques, tout le monde gagne.

La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais obtenir votre réponse sur la fonction de la Bibliothèque du Parlement. Depuis mon arrivée ici, au fil des années, j'ai posé de nombreuses questions sur toutes sortes de choses, et ils m'ont fourni des résultats d'études intéressantes réalisées partout dans le monde, mais cela ne s'accompagne généralement pas d'une analyse comparative entre les sexes. Je me demande si vous voyez un rôle à jouer là. Ils nous donnent de l'information pour chaque séance du comité, de même que pour les parlementaires particuliers qui s'intéressent à un sujet donné. Je souhaite rendre cela public, en partie pour que les parlementaires soient conscients de ce problème.

L'autre chose, c'est qu'ils fournissent parfois des listes de témoins parmi lesquels les comités directeurs peuvent choisir. Je ne sais pas s'il y a des groupes féministes pour tous les domaines, que ce soit l'agriculture, la défense ou autre, mais je dirais qu'il serait bon qu'ils en incluent.

Deuxièmement, je serais portée à croire que bon nombre de ces groupes n'ont pas toujours la capacité financière de préparer et de transmettre des documents. J'ai remarqué dans le budget de l'année passée que le gouvernement a peut- être augmenté l'argent attribué à Condition féminine Canada, mais qu'il n'a pas augmenté le financement de base de quelque groupe de femmes que ce soit.

Comment feriez-vous pour exiger que les gens de la Bibliothèque du Parlement incluent une analyse comparative entre les sexes dans toutes ses analyses, tant individuellement que pour des groupes, et pour qu'ils cherchent les analyses féministes dans tous les domaines auxquels le Parlement s'intéresse?

Mme McInturff : Je reviendrais à ce que je disais : qu'on ne peut résoudre un problème quand on ne sait pas qu'on l'a. Si les chercheurs parlementaires n'attirent pas l'attention sur les écarts qui touchent les femmes dans tous les cas où on leur demande de présenter de l'information, vous n'obtenez pas la meilleure recherche possible. Il faut une forme de mandat visant cette recherche.

Je dirais que, quand vous parlez de recherche et d'analyse, il vous faut vraiment l'expertise. C'est bien de donner de la formation aux gens, mais je vais assez régulièrement dans des écoles d'études féminines pour parler à des personnes qui font des maîtrises et des doctorats en études féminines. Il faut des personnes engagées à temps plein dans des postes de durée indéterminée qui sont capables de mener cette recherche approfondie et de jouer un rôle de leader au sein de l'équipe de chercheurs à la Bibliothèque du Parlement. Je pense qu'il vous faut ce niveau de compétences.

Oui, absolument. Si cela ne se fait que lorsqu'un parlementaire le demande, le degré d'analyse est alors inégal et vous n'obtenez pas les outils qu'il vous faut pour adopter des mesures législatives qui vont fonctionner pour les deux moitiés de la population.

Le président : C'était ma liste de questions pour cette séance. Je vois que vous me faites signe, alors je vais enfreindre la loi pour 10 secondes. Allez-y.

Mme Maycock : Je voulais simplement savoir si nous pouvions être excusées.

Le président : Absolument. Nous avons presque fini.

Mme Maycock : Merci à vous tous.

Le président : Merci. Brièvement, madame Day, vous avez 10 secondes.

Mme Day : Je voulais simplement vous remercier et vous dire à quel point il est frustrant d'entendre toutes ces excellentes questions sans pouvoir y répondre. Merci beaucoup. Nous espérons pouvoir poursuivre la discussion d'une façon ou d'une autre.

Le président : Merci. Nous vous en savons gré. Je souligne que si vous avez des réponses à donner aux dernières observations et questions, nous vous saurions gré de nous les transmettre aussi. Encore une fois, je suis désolé pour les difficultés techniques que nous avons eues.

Je veux vous remercier, madame McInturff, pour toute l'information que vous nous avez donnée aujourd'hui. C'est d'une très grande utilité. Je remercie la sénatrice Nancy Ruth d'avoir porté ce sujet à notre attention. Tout cela a été extrêmement utile.

(La séance est levée.)

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