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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 18 - Témoignages du 18 mai 2017


MONTRÉAL, le jeudi 18 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 18 h 51, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour étudier les droits des prisonniers dans le système correctionnel. Pour vous mettre en contexte, nous sommes en déplacement depuis une semaine. Aujourd'hui, nous étions à Joliette, ainsi qu'au Pavillon de ressourcement. Nous sommes allés à Millhaven, Collins Bay, Bath et Joyceville, et nous avons pu observer de nos propres yeux la situation dans laquelle se trouve notre système.

Notre étude pourrait se prolonger, car nous pensons qu'il est très important que nous menions un examen approfondi de la situation à l'échelle du pays. Nous avons eu six réunions à Ottawa et entendu 23 témoins, mais rien ne vaut le fait de se déplacer et de prendre contact avec la réalité dans le système, et de voir ce que nous avons vu et d'entendre ce que nous avons entendu.

[Traduction]

Nous entendrons d'abord Isabelle. Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre votre témoignage, mais juste avant, j'aimerais demander aux membres du comité de se présenter.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice indépendante du Manitoba.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario.

Le président : Et je suis Jim Munson, le président du comité.

Allez-y.

[Français]

Isabelle Parent, présidente du conseil d'administration, Relais Famille : Nous sommes un organisme à but non lucratif qui est reconnu et financé par le ministère de la Famille. Nous sommes le seul organisme communautaire au Québec voué aux familles et aux proches des personnes en instance de détention, en détention ou en libération à la suite d'un emprisonnement. Il est important de savoir que le maintien des relations familiales est primordial dans la réinsertion sociale de la personne.

Il existe des différences significatives en ce qui concerne le taux de récidive des détenus qui ont des visites régulières des membres de leur famille. Des relations familiales fortes jouent un rôle important dans le taux de récidive. La Commission des libérations conditionnelles du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Québec considèrent que la présence de la famille et des proches est un élément capital.

Relais Famille existe depuis 1998 et notre mission est d'aider les familles. Nous aidons directement les familles et les proches qui veulent surmonter une épreuve sans se laisser détruire par des sentiments de honte, de peur, de rejet ou de culpabilité provenant souvent de leur entourage.

Ces gens ont surtout besoin de ventiler, d'être écoutés, d'obtenir un soutien moral. Ils veulent également obtenir de l'information concernant les processus judiciaire et carcéral, car c'est souvent l'inconnu pour eux. Nous sommes là pour les diriger vers les bons endroits et pour les aider.

Nous sommes à l'écoute de leurs préoccupations et nous les dirigeons vers les autres organismes. Nous rencontrons, sur rendez-vous, des personnes de façon individuelle. Nous tenons aussi des groupes de discussion afin de permettre un échange entre les personnes qui vivent les mêmes épreuves. Nous offrons des ateliers d'écriture et d'art thérapie. Nous accompagnons les familles au palais de justice et dans les pénitenciers. Nous donnons de l'information sur les processus carcéral et judiciaire. Nous offrons aussi des activités récréatives, notamment des fêtes communautaires en milieu carcéral. Nous organisons des conférences sur divers sujets pour aider les gens dans leurs épreuves. Nous allons organiser des activités pour aider les jeunes enfants à mieux comprendre ce qui se passe avec leurs parents. Nous avons obtenu une subvention du ministère pour créer des ateliers d'éveil à la lecture destinés surtout aux enfants de zéro à cinq ans.

Bref, notre organisme est là pour tous les proches et les membres de la famille de personnes judiciarisées. Nous offrons des rencontres confidentielles en groupe ou en privé. Nous aidons les familles à briser l'isolement en les encourageant à discuter de leur situation avec d'autres personnes aux prises avec des problèmes similaires. Notre but est de les soutenir tout au long de leurs épreuves.

Alors, voilà la mission de notre organisme. Je ne sais pas si Kim aimerait ajouter quelques commentaires.

Kim Parisé, coordinatrice, Relais Famille : Oui. En fait, les conférences portent souvent sur les libérations conditionnelles, le système de justice, la dépression et, parfois, nous présentons des témoignages. Par exemple, nous avons déjà eu Monique Lépine comme invitée. Ce sont toutes des personnes qui ont vécu des épreuves difficiles en lien avec le milieu criminel. Nous appuyons ces personnes dans leur démarche afin qu'elles ne se sentent pas seules.

Voilà qui conclut notre présentation. Nous sommes maintenant prêtes à vous écouter et à répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci.

Nous accueillons également Ruth Gagnon, directrice générale de la Société Elizabeth Fry du Québec, et Pharaoh Hamid Freeman et Will Prosper, de DESTA Black Youth Network.

Nous avons beaucoup de temps pour discuter et il y aura de nombreuses questions, mais nous entendrons d'abord l'exposé des représentants de DESTA Black Youth Network.

Pharaoh Hamid Freeman, DESTA Black Youth Network : Merci de nous avoir invités à comparaître.

DESTA est le Black Youth Network. Nous sommes situés dans la Petite-Bourgogne, mais nous desservons l'ensemble de Montréal. Nous offrons des services aux jeunes adultes de 18 à 35 ans. DESTA repose sur quatre piliers qui nous permettent de répondre aux besoins des personnes marginalisées, c'est-à-dire les personnes qui vivent des situations difficiles. Notre premier pilier concerne l'éducation permanente : nous offrons essentiellement du tutorat gratuit. Nous favorisons l'apprentissage. Nous avons établi une relation avec la Commission scolaire Eastern Township pour permettre aux participants, par notre entremise, d'obtenir leur diplôme d'études secondaires. Grâce aux relations que nous avons établies avec New Friend, par l'entremise de Collège Frontière, nous sommes en mesure de fournir aux étudiants le soutien dont ils ont besoin pour décrocher leur diplôme d'études secondaires à leur rythme. Nous subventionnons le coût des fournitures scolaires ou des manuels dont ils ont besoin pour obtenir leur diplôme.

Les intervenants de DESTA s'assurent de respecter le rythme des participants, car ils comprennent que certains d'entre eux sortent du système carcéral. En effet, nous aidons des gens qui souffrent de problèmes de santé mentale, des chefs de famille monoparentale, et cetera. Dans le cadre de notre pilier de l'éducation, nous respectons le rythme de chaque participant.

Notre deuxième pilier concerne la santé mentale, le bien-être et le développement personnel : nous offrons donc des services de consultation personnalisés. Nous offrons également des services de consultation en groupe. Par contre, nous n'offrons pas de services de clinique. Dans de nombreux cas, si l'écoute active et le soutien général ne suffisent pas, nous faisons venir des professionnels sur place ou nous leur amenons les participants, mais nous continuons de travailler avec les professionnels et les participants pour entretenir la relation.

Nous offrons également du soutien aux familles des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et qui ont simplement besoin d'un soutien moral. Ces personnes ont des questions, nous leur fournissons des réponses, et cetera. Toujours dans le domaine de la santé, nous faisons également du yoga et de la méditation. Nous avons aussi une serre. Nous encourageons nos participants à s'y rendre, afin de leur offrir un environnement différent. Pour certaines personnes qui sortent tout juste de prison, c'est un monde tout à fait différent. Ce sont donc nos activités liées à la santé et au développement personnel.

Notre troisième pilier concerne la justice. Nous recevons des appels à frais virés de prisonniers qui travaillent actuellement avec l'établissement de Cowansville. Ces prisonniers nous appellent à frais virés, car nous leur offrons des séances de consultation par téléphone. Nous les aidons à obtenir une place dans un foyer de transition approprié. Nous communiquons avec leur agent de libération conditionnelle, mais nous offrons également du soutien à leur famille.

Nous aidons surtout les gens de la communauté noire. Tout le monde peut avoir accès à nos services, mais la majorité de nos participants nous consultent parce qu'ils sont Noirs. Nous leur offrons ce soutien supplémentaire, ainsi qu'un soutien à leur famille.

Notre quatrième pilier concerne nos ressources communautaires et notre répertoire. En effet, nous avons environ 350 membres qui se dévouent pour offrir un soutien à ces personnes marginalisées. Lorsque nous accueillons une personne qui sort de prison, nous pouvons faire appel à des entreprises et à des organismes, ainsi qu'à des personnes de la communauté, pour lui offrir des services de mentorat, un stage ou un emploi. Cela permet donc à ces personnes de réintégrer la société et de pouvoir travailler et subvenir aux besoins de leur famille même si elles ont un casier judiciaire.

Voilà donc nos quatre piliers et la façon dont ils fonctionnent ensemble. Manifestement, lorsque nous accueillons des anciens prisonniers, nous utilisons différents éléments qui sont nécessaires pour leur offrir ce que nous appelons une approche plus holistique, afin de les appuyer et de les aider à se remettre sur pied. Ce réseau leur permet tout simplement d'avoir accès à un environnement et à des groupes différents, afin d'éviter qu'ils retournent dans le milieu qui leur a causé des ennuis au départ.

C'est notre objectif. DESTA existe réellement pour aider les gens à demeurer dans la communauté et pour leur donner une deuxième chance, une occasion de réintégrer la société. C'est ce que fait DESTA.

Le président : Merci.

Will Prosper, DESTA Black Youth Network : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.

Je travaille également pour DESTA. Je ferai mon possible pour vous livrer un exposé cohérent, car j'ai su très récemment que je participais à cette réunion. Je suis désolé si cela cause des difficultés.

J'ai été agent de la GRC pendant cinq ans au Manitoba, sur le territoire de la Première Nation Norway House. Pendant cette époque, j'ai observé de nombreuses personnes interagir avec le système carcéral, les services de police et tout le reste. Je fais également partie de la Ligue des droits et libertés, au Québec.

En ce moment, la plupart de mes travaux liés au renforcement des communautés s'effectuent à Hoodstock, un organisme d'incubation sociale, afin de trouver des solutions de rechange lorsque le système ne fonctionne pas. Cet organisme est établi à Montréal-Nord dans l'une des premières circonscriptions, non seulement de Montréal et du Québec, mais de l'ensemble du Canada, dont la population est en majorité composée de gens de descendance asiatique, noire et arabe. Évidemment, une grande partie de cette population vit sous le seuil de pauvreté, et nous tentons de résoudre cette situation.

Vous devez comprendre que nous perdons un grand nombre de nos jeunes à cause de la criminalisation de notre communauté. En 2015, l'Université McGill a publié un rapport qui indique que la cause principale de la présence accrue des policiers dans certaines villes du Canada n'était pas du tout liée au taux de criminalité, mais seulement au nombre de personnes racialisées et de membres des Premières Nations.

S'il y a beaucoup de profilage racial, tout comme à Toronto, nos jeunes sont également visés par le profilage racial plus souvent que tous les autres. À Montréal-Nord, ce taux a augmenté de 126 p. 100 après la création de l'escouade antigang appelée Éclipse, à Montréal. En 2007-2008, une base de données policière contenait le nom de 500 personnes qu'on associait à un gang. Après la création du groupe appelé l'escouade Éclipse, ce nombre a augmenté à 8 867 personnes en deux ans.

Cette augmentation est catastrophique pour les gens de notre communauté, car cela signifie qu'ils ne peuvent pas avoir accès à des emplois dans les services de police, les services de douane ou les aéroports puisqu'ils ne peuvent pas obtenir une attestation de sécurité. Il faut aussi fournir des références, surtout lorsqu'on tente de devenir policier ou d'occuper un emploi similaire. Si j'utilise Pharaoh comme référence, je ne sais même pas s'il fait partie de la base de données des personnes associées à un gang.

Il est plus probable que je n'obtienne pas cet emploi, et je ne travaillerai donc pas dans un pénitencier. Si des gens comme moi ne peuvent pas travailler dans un pénitencier, on se prive de la présence d'employés de descendance noire ou d'employés afro-canadiens plus sensibilisés à la cause des prisonniers noirs.

Vous connaissez probablement le rapport de l'agent correctionnel Howard Sapers. Le nombre d'arrestations de personnes appartenant aux communautés noires a augmenté de 70 p. 100 au cours des 10 dernières années. Je crois que cette augmentation est de l'ordre de 35 p. 100 pour les membres des Premières Nations. Même si le taux de criminalité a diminué de façon constante au cours des 30 dernières années, de plus en plus de membres de notre communauté sont incarcérés. Cela devient donc le problème des prisons. Nous devons traiter ces gens avant qu'ils se retrouvent en prison, car cette situation est catastrophique pour de nombreuses communautés et elle ressemble à la colonisation, surtout pour les jeunes des Premières Nations et les jeunes Noirs qui grandissent dans nos quartiers.

Si vous souhaitez vous attaquer aux vrais problèmes, il faut surtout viser les enjeux liés à la santé publique et à la pauvreté. En effet, si nous commençons à nous pencher sur ces enjeux, nous pourrons diminuer le nombre de personnes qui se retrouvent en prison. Cela devrait être notre objectif.

Pour vous donner un aperçu, le nombre de Noirs est toujours à la hausse dans la population carcérale. De plus, le nombre de femmes incarcérées a doublé. En fait, le nombre d'individus incarcérés diminue seulement dans le cas des hommes de race blanche. Tous ces gens commettent le même nombre de crimes dans toutes les collectivités, mais la réalité au Québec, c'est que si vous êtes Noir, vous êtes sept fois plus susceptible d'être arrêté pour possession de marijuana. Si vous êtes plus susceptible d'être arrêté, cela signifie évidemment que vous êtes plus susceptible de vous retrouver en prison. Une fois que vous êtes dans le système carcéral du Québec, on se charge de vous attribuer des liens. Selon votre quartier d'origine, on déterminera que vous êtes membre du gang des Blues ou des Reds. On vous assignera une cellule différente au sein d'une population, même si vous avez seulement une adresse et aucune affiliation avec un gang. On vous associera avec les membres d'un gang. Il est probable que vous trouviez ensuite un terrain d'entente. Je ne devrais pas dire un terrain d'entente, mais vous serez renseigné pour les mauvaises raisons. C'est ce qui se produit actuellement dans les prisons.

De plus, il y a trois mois, une étude a révélé qu'en raison de la question des gangs, et cetera, les Noirs actuellement incarcérés dans les prisons québécoises sont placés en isolement de 23 à 24 heures plus souvent que tous les autres au Québec. Ce nombre a augmenté au cours des dernières années pour cette raison. Cela soulève le fait que de nombreuses personnes — de 12 à 25 p. 100 de la population masculine — ont consulté pour des problèmes de santé mentale avant de se retrouver en prison. Cela signifie qu'un grand nombre de personnes qui sont arrêtées en ce moment souffrent de problèmes de santé mentale. Si vous les placez en isolement, vous ne ferez qu'accroître les problèmes de santé mentale dont souffrent les personnes qui se trouvent actuellement dans notre système carcéral.

Souvent, nous ne tenons pas compte des difficultés physiques dont souffrent les gens qui sont en isolement 23 ou 24 heures par jour. Nous avons organisé une conférence de presse à l'Université Concordia avec une personne qui avait subi ce traitement pendant des années. Au Canada, des gens ont été placés en isolement pendant quatre ans et souffrent maintenant de traumatismes physiques en raison de leur séjour dans une cellule de prison.

La conséquence la plus évidente est celle à laquelle nous n'avions jamais pensé. En effet, si vous enfermez une personne dans une petite cellule et qu'elle se trouve près du mur, elle perd sa vision et devra utiliser des lunettes. Elle perdra sa capacité physique de voir. Lorsqu'un humain lit de nombreux livres sans arrêt, il ne peut plus voir de loin. Je ne me souviens plus du mot pour décrire cela.

Une voix : Myope.

M. Freeman : Myope, c'est cela. Une personne qui vit dans une cellule de prison pendant 23 heures par jour développera aussi des problèmes de vision.

Je ne suis pas très cohérent, car je n'ai pas eu le temps de me préparer.

Le président : Vous pouvez ralentir.

M. Freeman : Je parle très rapidement. Je suis désolé.

Le président : Il n'y a pas de problème. Nous parlons tous rapidement.

M. Freeman : Exactement. Je vais tenter de ralentir. J'ai présumé que de nombreuses personnes me comprenaient, et j'ai donc tenté de parler plus vite. Je suis désolé.

De plus, une personne noire est plus susceptible d'être battue par les gardiens de prison. C'est également le cas des membres des Premières Nations. Cette information se trouve dans le rapport de l'agent correctionnel Howard Sapers publié en 2014, je crois.

De plus, nous devons parler du fait que le nombre de femmes incarcérées a doublé au cours des 10 dernières années. J'ai mentionné que 12,5 p. 100 des gens avaient consulté pour recevoir de l'aide relativement à un problème de santé mentale. Dans le cas des femmes, cette proportion est de 25 p. 100. Cela signifie qu'un grand nombre d'entre elles ne reçoivent aucun traitement pour leurs problèmes de santé mentale, et qu'elles sont arrêtées par la suite. Manifestement, la situation ne fera que s'aggraver.

Aussi, en ce moment, dans le système carcéral, il faut tenir compte de la population des personnes transgenres. En effet, lorsqu'on emprisonne des personnes transgenres, elles sont victimes de violence. Elles sont battues et le taux de mortalité est plus élevé chez les personnes de la communauté transgenre. Nous devons donc trouver un endroit différent pour ces personnes.

De plus, un groupe du mouvement Black Lives Matter et un groupe du mouvement Montréal Noir ont soulevé la question, au Québec, du viol dont sont victimes les femmes incarcérées qui subissent des fouilles jusque dans leurs parties intimes. Elles ont l'impression qu'il s'agit d'un viol continuel encouragé par le gouvernement. Cela se produit, le gouvernement l'autorise et nous payons pour cela.

J'aimerais mentionner une autre histoire, celle d'une personne qui ne veut pas être identifiée. Nous avons parlé à quelques jeunes dans le système carcéral du Québec. L'un d'entre eux a mentionné qu'il avait eu des problèmes avec un gang de rue. Il vivait dans le quartier de ce gang. Les membres de ce gang voulaient le blesser gravement. Lorsqu'il a été emprisonné, il a déclaré qu'il voulait être emprisonné dans un bloc de cellules différent. Il ne voulait pas faire l'objet de menaces. C'est seulement un exemple que je vous donne. Le gardien de prison lui a répondu qu'on allait tout simplement le placer en isolement, car il n'y avait aucun autre endroit. Il lui a dit que s'il voulait être placé dans un autre bloc de cellules, il allait être confronté à d'autres gens qui pourraient faire la même chose.

Il a été placé en isolement, et après quatre semaines, il a déclaré qu'il en avait assez et qu'il ne voulait plus y aller. Il a décidé de prendre le risque d'être placé dans le bloc de cellules en question, et il a été sévèrement battu. Il a passé deux semaines à l'infirmerie. Ensuite, on a tenté de le placer dans un endroit différent, mais il n'y avait pas suffisamment de place. Cela s'est produit dans la prison de Donnacona.

Plutôt que d'investir dans la construction de prisons de béton, il faudrait regarder ce qui se passe en Norvège et en Suède, où les gens vivent dans des pavillons. Il y a moins de gardiens de sécurité. C'est beaucoup plus sain pour la population carcérale. Le taux de récidive est moins élevé, parce qu'évidemment, les gens se sentent plus proches de la nature que d'un bloc de béton.

Ces prisons coûtent moins cher. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral investit 127 000 $ par prisonnier, je crois. Ce montant atteint 210 000 $ pour les femmes en prison. En réduisant ces coûts, on pourrait vraiment aider ces gens non pas à se battre, mais bien à réintégrer la société.

Cela peut vouloir dire deux, trois ou quatre emplois pour notre collectivité. Ces emplois sont nécessaires pour aider tous les membres de la collectivité. Le taux de criminalité sera moins élevé et on ne placera plus les gens dans cette jungle de béton qu'est la prison. Il faut trouver une autre façon de faire.

De plus, la Suède fait quelque chose de très intéressant : on procède à une évaluation psychologique — une évaluation de la santé mentale — obligatoire. On a constaté qu'un nombre important de personnes incarcérées vivaient avec un TDAH. Une fois celui-ci contrôlé, elles étaient beaucoup moins susceptibles de commettre un crime. On s'assure de détecter les problèmes de santé mentale.

C'est un sujet très délicat. Je ne dis pas qu'il faut donner des pilules à tous les prisonniers, mais nous devrions étudier la question afin de trouver une solution de rechange. À l'heure actuelle, 75 p. 100 des personnes incarcérées au Canada ont commis des crimes mineurs. On parle de cas de fraude, de manquement aux conditions de la probation ou de dommages matériels, mais ces gens ne sont pas les violeurs dont tout le monde a peur. Je ne crois pas que notre société puisse être efficace si elle incarcère les gens qui commettent ces crimes mineurs. On crée plutôt l'effet contraire. Au lieu de dépenser de l'argent pour trouver d'autres façons d'incarcérer ces personnes, il faudrait trouver un moyen de les garder en dehors des prisons.

Mon dernier point a trait aux bébés qui naissent en prison et au droit de la mère d'élever son enfant en prison. Je crois que les conservateurs ont fait passer de quatre à deux ans l'âge maximal des bébés pouvant rester dans la prison avec leur mère. Le temps que passent la mère et l'enfant ensemble les aident à créer des liens forts. Les enfants qui grandissent en prison forment des liens solides avec leurs parents, mais il ne faut pas qu'ils grandissent dans une jungle de béton.

Voilà qui met fin à ma longue déclaration. Vous m'excuserez, mais il y a beaucoup à dire au sujet du système carcéral d'aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Prosper. Vous avez soulevé de nombreux points intéressants. Nous souhaitons examiner les modèles de la Norvège, de la Suède et de l'Écosse.

Nous allons maintenant entendre Ruth Gagnon, de la Société Elizabeth Fry. Bienvenue, madame.

[Français]

Ruth Gagnon, directrice générale, Société Elizabeth Fry du Québec : Merci. Je tiens d'abord à vous remercier pour l'invitation.

Je viens partager avec vous quelques éléments de réflexion sur les femmes dans le système pénal et correctionnel. La Société Elizabeth Fry du Québec a pour mission d'intervenir exclusivement auprès des femmes judiciarisées. Nous les aidons dans le cadre de leur intégration dans la communauté depuis 40 ans. Notre réflexion sur le système pénal est teintée de notre expérience et de la réalité et des besoins des femmes que nous avons aidées depuis plusieurs décennies.

Pour comprendre leur situation et les enjeux auxquels elles doivent faire face, nous devons tenir compte du fait que les femmes représentent d'abord un groupe minoritaire au sein du système pénal. L'histoire nous enseigne que les femmes ont toujours été victimes de discrimination systémique. Avant toute chose, tout a été pensé et élaboré en fonction de la réalité masculine. Minoritaires dans l'univers carcéral, les femmes sont aux prises avec une culture et des pratiques correctionnelles héritées de l'univers masculin et les besoins de la clientèle masculine.

Au Canada, entre 85 et 90 p. 100 de la population séjournant dans un pénitencier ou dans une prison provinciale est masculine. Par exemple, les femmes ont hérité d'infrastructures trop sécuritaires pour leurs besoins et souvent très éloignées de leur milieu d'origine. Elles doivent encore aujourd'hui être incarcérées dans des établissements à des milliers de kilomètres de leur résidence et de leur famille.

Il n'existe qu'un pénitencier pour femmes par région au Canada. De nombreuses femmes sous sentence provinciale sont emprisonnées dans les établissements pour hommes trop sécuritaires en fonction du risque qu'elles représentent, les privant d'infrastructures et de programmes mieux adaptés à leurs besoins.

Nous avons connu une certaine avancée avec la construction des établissements pour femmes par le gouvernement fédéral au début des années 1990. Ces établissements ont offert aux femmes un modèle d'incarcération plus adapté à leurs besoins, mais leur niveau de sécurité a augmenté au fil des années, au détriment d'une approche correctionnelle novatrice qui aurait pu se développer.

Il est difficile de ne pas souligner l'impact des années Harper qui ont nui à l'avancée des femmes dans le système correctionnel et pénal, et qui sont en partie la conséquence de l'augmentation de la présence des femmes en milieu carcéral : augmentation des peines minimales; création de nouvelles infractions; abolition du sursis pour certaines infractions; mise en place d'une philosophie correctionnelle qui a privilégié l'incarcération au détriment du processus de libération conditionnelle; abolition de la loi de la dernière chance permettant à une personne ayant reçu une sentence à vie de demander au tribunal l'autorisation de postuler pour une demande de libération conditionnelle après 15 ans d'incarcération; obligation des personnes débutant une sentence à vie à séjourner dans une unité à sécurité maximale malgré une cote de sécurité moyenne ou minimale. Ce ne sont que quelques exemples d'une décennie de politiques correctionnelles axées sur une approche sécuritaire et punitive.

Ces changements de paradigmes ont eu un impact indéniable sur la culture carcérale des établissements pour femmes où la sécurité statique a pris de plus en plus de place au détriment d'un modèle axé sur la sécurité dynamique.

Les pénitenciers pour femmes n'ont pas été épargnés. Ils se sont vu imposer aussi des règles sécuritaires qui ne sont pas nécessaires. Ainsi, au Québec, nous avons hérité d'un agrandissement du secteur à sécurité maximale dont nous n'avons pas besoin, à mon humble avis, une dépense de plusieurs millions de dollars qui auraient pu être investis dans les services aux femmes.

Lorsqu'on s'intéresse à la situation des femmes dans le système pénal, on comprend rapidement que la pauvreté demeure la principale cause de la criminalité féminine. Ici, comme ailleurs, nous judiciarisons la misère humaine. Chaque fois que je visite une prison pour femmes, je fais le même constat : 85 p. 100 des femmes incarcérées ont vécu dans une grande pauvreté. La pauvreté est un terrain fertile à la croissance des problèmes sociaux et, chez les femmes incarcérées, la diversité de leurs problèmes est importante, car ils sont nombreux et complexes.

Il faut admettre que l'incarcération a des impacts sur les enfants et les femmes, qui perdent leur logement et leurs biens. À leur sortie, elles ont de la difficulté à se trouver un emploi ou un logement. Ce ne sont que quelques-unes des conséquences de l'incarcération.

Le Canada occupe le cinquième rang par rapport aux pays d'Europe pour son taux d'incarcération. Il est de beaucoup supérieur à de nombreux pays du continent européen ayant un développement socioéconomique comparable.

Le Québec est la province ayant le moins recours à la libération conditionnelle. Il faut l'admettre : on incarcère beaucoup et, paradoxalement, le taux de criminalité est en baisse.

Cependant, je tiens à souligner que les femmes sous sentence fédérale depuis quelques mois ont de plus en plus accès à la libération conditionnelle. Je ne peux que souligner l'impact positif de cette pratique mise en place par Service correctionnel Canada, le service correctionnel de la région du Québec et la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Cette référence importante au sein de la communauté, qui existe depuis seulement quelques mois, doit être accompagnée d'un développement de ressources pouvant accueillir les femmes à leur sortie de prison. À ce titre, certaines régions ou provinces font face à des pénuries de ressources locales, ce qui oblige les femmes à séjourner dans des centres pour hommes ou à entreprendre une réintégration sociale loin de leur milieu d'origine.

De plus, les femmes autochtones et inuites ont peu de services adaptés à leurs besoins au sein de la communauté, tant en milieu urbain qu'au sein de leur collectivité. Les besoins sont importants.

L'engorgement des tribunaux, la surreprésentation des Autochtones et des Inuits dans les prisons, la judiciarisation des personnes itinérantes et des personnes souffrant de santé mentale et la croissance continue de la judiciarisation et de l'emprisonnement des femmes devraient nous alerter, nous imposer une réflexion et nous permettre d'amorcer une discussion sur notre système pénal et correctionnel.

Dans un contexte de compressions budgétaires, où l'emprisonnement est la mesure la plus coûteuse et la moins efficace pour résoudre les problèmes des personnes ayant de graves problèmes sociaux, je vous invite à poser la question suivante : pourquoi la prison occupe-t-elle une place aussi importante dans notre société? Le Canada et ses provinces pourraient prendre un virage communautaire et se doter d'une réelle politique de mesures de rechange à l'incarcération faisant de l'emprisonnement une vraie mesure de dernier recours.

Cependant, un changement aussi important de philosophie pénale ne pourrait s'actualiser sans une volonté politique et gouvernementale engagée à déconstruire le mythe que la prison est le seul moyen valable pour établir la justice et nous garantir la sécurité à laquelle nous nous attendons de nos gouvernements.

En attendant, nous continuons à investir des sommes importantes dans le milieu carcéral au détriment de nos besoins en matière d'éducation, de santé, de logements à prix modique et de prise en charge de nos personnes âgées à faibles revenus.

Merci de votre attention.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Nous voulons vous poser des questions et discuter avec vous. Vos témoignages sont très importants pour le comité.

Sénatrice McPhedran, voulez-vous commencer?

La sénatrice McPhedran : J'aimerais poser une première question à Mme Parisé et à Mme Parent, si vous me le permettez, au sujet de la violence au sein des familles.

L'une des choses que nous avons constatées pendant notre visite, c'est que plusieurs hommes avaient des antécédents de violence familiale. Je crois qu'il est juste de dire que ces prisonniers regrettaient sincèrement ce qui s'était passé, mais il faut reconnaître que c'est un problème.

Avez-vous un programme ou une politique qui aide les familles à progresser ensemble? Comment intervenez-vous dans les cas de violence familiale? Nous savons qu'elle a une incidence très grave non seulement sur la mère et la famille, mais aussi sur les enfants.

[Français]

Mme Parisé : En fait, nous avons des groupes de discussion qui permettent à toutes les personnes qui vivent une telle épreuve d'en parler. Bien entendu, nous n'aidons pas directement les personnes incarcérées ou celles qui ont commis un acte de violence. Nous aidons les femmes qui ont vécu la violence conjugale. Grâce aux groupes de discussion et aux ateliers d'écriture, elles ont l'occasion de partager leurs problèmes. Donc, c'est vraiment ça. Il y a aussi les conférences sur la violence conjugale qu'on veut offrir.

Relais Famille n'a pas encore de programmes sur la violence conjugale en ce moment. Les groupes de discussions permettent aux personnes de partager ensemble. Nous pouvons les rencontrer individuellement pour les écouter et leur apporter des conseils, mais des programmes précis...

Mme Parent : Mais on dirige...

Mme Parisé : On les dirige, exactement, c'est ça. Il y a des programmes ou des organismes spécialisés en violence conjugale. On peut leur donner leur numéro puis leur conseiller...

Mme Parent : Si nous ne sommes pas capables d'offrir le service, on ne laissera jamais une famille ou une personne sans réponse. On va les diriger vers les endroits ou organismes qui pourront les aider. On ne touche pas vraiment à tout, comme la violence conjugale. On a des gens qui viennent pour échanger avec d'autres personnes. On est là pour les écouter, pour communiquer avec eux, pour les aider à traverser ces moments pénibles. Si on n'a pas les ressources pour les aider, on les dirige vers d'autres organismes ou des centres spécialisés pour les aider. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui. Je demanderais à chacun d'entre vous de nous dire quels sont les trois principaux enjeux en matière de droits de la personne au sein de votre organisation, afin d'orienter notre étude. Vous en avez peut-être parlé, et il y a beaucoup plus que trois enjeux. Je ne veux pas vous restreindre, mais nous tentons d'établir des recommandations provisoires et des recommandations à long terme.

Aussi, j'aimerais que vous nous parliez des articles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition que vous utilisez pour aider les gens à sortir de prison. De façon particulière, l'article 29 vous permet de libérer une personne sous caution pour des raisons de santé. L'article 81 permet aux gens de purger leur peine dans la collectivité et l'article 84 permet de libérer les détenus au sein de la collectivité.

Ils visent les prisonniers autochtones, mais l'intention du législateur était de tenir compte d'autres groupes de prisonniers. On peut penser aux Afro-Néo-Écossais ou aux Afro-Canadiens. On peut penser aux personnes transgenres ou à d'autres groupes qui pourraient purger leur peine dans la collectivité ou être libérés sous condition.

Qui veut commencer?

M. Freeman : Je veux être certain d'avoir bien compris la question. Vous voulez qu'on vous parle de nos trois principaux problèmes?

La sénatrice Pate : Des enjeux relatifs aux droits de la personne. Ensuite, j'aimerais savoir si vous avez songé à utiliser ces dispositions particulières.

M. Freeman : Comme nous sommes au Québec, la langue est un enjeu important pour les prisonniers à qui l'on rend visite ou qui nous appellent. On emprisonne de jeunes noirs anglophones, mais leurs agents de libération conditionnelle leur remettent de la documentation en français.

Je souligne que je parle uniquement de la région dans laquelle je travaille. Nous avons beaucoup de difficulté à trouver des agents de libération conditionnelle pour les personnes que nous aidons parce qu'il y a une certaine stigmatisation à leur égard. Il semble qu'elles doivent dépasser les objectifs établis pour prouver qu'elles se sont rétablies, qu'elles doivent faire l'impossible pour convaincre les agents de libération conditionnelle qu'elles sont prêtes à réintégrer la société.

Aussi, lorsque ces personnes sont libérées, on les place dans des maisons de transition qui ne sont pas adaptées à leurs besoins. Elles sont obligées d'y aller. Encore une fois, c'est un problème de langue et leurs agents de libération conditionnelle ne défendent pas leurs intérêts de manière appropriée. Je dirais que ce sont nos trois principaux problèmes.

Quelle était la deuxième partie de votre question?

La sénatrice Pate : Serait-il juste de paraphraser le tout — et surtout le deuxième problème — en disant que le système de classification, les programmes et le système de libération conditionnelle sont biaisés?

M. Freeman : Tout à fait.

La sénatrice Pate : Les trois problèmes ont trait aux droits de la personne.

M. Freeman : Oui.

La sénatrice Pate : Ensuite, dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous caution, certaines dispositions permettent de libérer les prisonniers pour certaines raisons.

L'article 29 vise des raisons de santé. On l'utilise habituellement pour des problèmes de santé physique, mais on pourrait aussi l'utiliser pour des problèmes de santé mentale.

L'article 81 permet aux prisonniers de purger leur peine dans la collectivité s'ils sont parrainés par une organisation — une organisation autochtone ou une organisation noire — qui peut offrir le soutien et la supervision nécessaires.

L'article 84 permet aux gens d'être libérés au sein de la collectivité. À l'heure actuelle, on semble l'utiliser dans des cas institutionnels, mais nous aimerions entendre d'autres exemples. Avez-vous des idées quant à d'autres façons de faire?

M. Freeman : Nous n'avons pas eu recours à ces articles. Nous avons beaucoup de difficulté à faire le pont avec les institutions. Il est très difficile de faire des suggestions alors pour le moment, nous travaillons avec ce que nous avons.

Souvent, ce sont les prisonniers eux-mêmes qui communiquent avec nous. Ce ne sont pas les agents de libération conditionnelle ni les procureurs. Il est très difficile d'entrer dans le système et de tenter d'apporter des changements, surtout parce que nous sommes perçus comme étant une organisation anglophone, alors que nous sommes bilingues. Comme la population que nous aidons est principalement anglophone et que les intervenants du système sont principalement francophones, on ne nous dit rien. C'est très difficile. On ne peut mettre quoi que ce soit en œuvre pour le moment.

La sénatrice Pate : L'accès aux prisonniers est aussi un problème pour vous. Vous avez de la difficulté à entrer dans les prisons.

M. Freeman : Oui, c'est très difficile.

Le président : Isabelle ou Kim?

[Français]

Mme Parisé : Donc, je me suis rendu compte qu'il y a beaucoup de problèmes au niveau de la diffusion d'information auprès des membres de la famille de la personne incarcérée, que ce soit la mère, la conjointe, lorsqu'il s'agit d'obtenir des réponses à leurs questions. Quand ils appellent dans les pénitenciers, ils se font refuser automatiquement toute information, même si c'est un membre de leur famille, que ce soit leur fils ou leur conjoint. Cela a créé, je crois, un sentiment d'impuissance, ce qui brise un peu la relation qu'il peut y avoir entre les deux. Comme on l'a mentionné un peu plus tôt en matière de réinsertion sociale, il est primordial que la famille soit impliquée pour favoriser la réinsertion de façon positive.

Lorsqu'ils n'obtiennent pas de réponse, cela crée un éloignement entre les deux. Ils disent qu'ils ne peuvent même pas obtenir de l'information sur les effets personnels qu'ils ont le droit d'apporter à leur fils ou quoi que ce soit. Cela crée un éloignement. À mon avis, c'est le principal problème au sein de notre organisme.

Mme Gagnon : C'est bien évident : moins il y a de femmes en prison, mieux ce sera. L'accès à la libération conditionnelle demeure une priorité importante pour la clientèle féminine.

Malheureusement, les femmes qui sont en établissement au Québec ont très peu d'occasions de bénéficier de mesures préparatoires à la libération conditionnelle à travers les permissions de sortie avec ou sans escorte. Cela demeure une activité qui est encore très peu utilisée.

Le problème, ce sont les établissements à multiniveaux. Au Québec, on n'a pas d'établissement, de vrai secteur à sécurité minimale. Les femmes qui sont incarcérées dans un établissement à sécurité minimale, à Joliette, vivent en réalité dans un établissement à sécurité moyenne.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, au fil des ans, les établissements ont connu une croissance importante. Il y a beaucoup plus de préoccupations en matière de sécurité qu'il y a 20 ans. Les 10 dernières années ont été marquantes à ce chapitre.

Les femmes, quand elles sortent de l'établissement pour participer à un programme à l'extérieur de l'établissement, doivent subir des fouilles à nu, ce qui n'est ni nécessaire ni acceptable. Donc, si le processus de fouille est conditionnel à la sortie de l'établissement pour aller suivre un programme à l'extérieur, je crois que ça crée un préjudice important. Bon nombre de femmes y renoncent parce qu'elles ne veulent pas subir de fouille à nu.

En ce qui concerne la préparation à la sortie de prison par l'entremise des programmes de développement personnel, certains programmes sont intéressants, mais en ce qui a trait à la formation après les études secondaires, collégiales ou universitaires, il y a très peu de services. Elles ne peuvent suivre de formation à distance parce qu'elles n'ont pas accès à Internet dans les établissements. Les possibilités de préparation à une formation sont très limitées. Cela leur demanderait de sortir de l'établissement et d'aller dans une école de formation professionnelle. Les sentences sont souvent trop courtes et les programmes qui favorisent leur sortie sont souvent annulés à la dernière minute pour des questions de sécurité.

Alors, la formation professionnelle dans les établissements, malheureusement, est encore très peu développée et encore très axée sur un modèle traditionnel. En fait, ce qui marche le plus, c'est l'atelier de couture. Et c'est assez limité.

En conclusion, l'incarcération est une réalité. Le temps passé en prison devrait être le minimum possible et l'investissement devrait se faire en communauté. Les prisons ne sont pas des milieux ouverts. Ce sont des milieux fermés. Les prisons sont très sécuritaires, mais empêchent les femmes de pouvoir sortir. L'accès à la libération conditionnelle est encore la meilleure chose pour les femmes. Le travail doit se faire au sein de la communauté et être soutenu par la communauté. Voilà.

[Traduction]

M. Prosper : Pour répondre à votre question, bien sûr qu'il y a violation des droits de la personne avant l'incarcération, en raison du profilage racial dont sont victimes nombre des citoyens de nos collectivités et du manque d'aide pour lutter contre la pauvreté et favoriser le travail. C'est inexistant. De nombreux membres de notre communauté abandonnent leurs études. Il n'y a pas beaucoup de politiques pour lutter contre cela. Ce serait vraiment bien si l'on pouvait le faire.

En prison, il y a l'isolement, que l'on considère être de la torture. On en voit souvent. Une grande partie de mon exposé se centrait là-dessus. De plus, le surpeuplement dans les prisons est un grave problème. Au Québec, de nombreux prisonniers vivent dans des cellules surpeuplées.

Aussi, les prisonniers n'ont pas accès à des services pour dénoncer la brutalité qu'ils subissent de la part des gardiens de sécurité. À qui peuvent-ils en parler? L'aide juridique est déficiente à cet égard.

Enfin, on ne voit pas de progrès en matière d'éducation avant et après l'incarcération. On se demande pourquoi on n'aborde pas ce problème de façon appropriée. L'accès à l'éducation permettra à ces prisonniers d'avancer dans la collectivité. À l'heure actuelle, ils sont confrontés maintes et maintes fois à l'exclusion. Lorsqu'ils sortent de prison, ils sont exclus du système scolaire. Lorsqu'ils sont libérés selon des conditions plus strictes, ils sont confrontés à l'exclusion encore une fois. Ces personnes sont exclues à répétition.

La sénatrice McPhedran : Divers témoins ont parlé de rétablissement. Dans le contexte canadien, le Québec est souvent cité à titre de meilleur exemple de réinsertion sociale dans la documentation, notamment par l'entremise des peines purgées dans la collectivité.

Est-ce que vous voudriez nous parler de votre évaluation des peines purgées dans la collectivité dans le cadre du processus de réinsertion sociale?

M. Freeman : Je peux dire qu'on ne voit pas cela souvent dans la communauté noire. Ce que vous venez de dire m'a presque surpris, en fait.

[Français]

Mme Gagnon : Je comprends qu'au Québec il y a énormément d'organismes communautaires. Le Québec, je pense, a environ 4 000 organismes communautaires, des organismes à but non lucratif qui sont impliqués dans la réadaptation et la réinsertion sociale des personnes judiciarisées, comme d'autres problématiques, et cetera. Oui, j'admets qu'il y a beaucoup d'organismes communautaires au Québec et qu'il y a une particularité aussi qui est importante que bon nombre d'autres provinces ne connaissent pas. Au Québec, en ce qui concerne la Loi sur les services correctionnels, les organismes communautaires sont enchâssés dans la loi. Ils sont partie prenante de cette loi-là. Au Québec, les organismes communautaires sont amenés à participer et à collaborer au processus de réinsertion sociale.

Cela dit, cela n'empêche pas qu'il peut y avoir des problèmes de droits de la personne dans les prisons en raison de la surpopulation, et cetera. C'est sans doute l'une des provinces où il y a beaucoup de services pour la population judiciarisée.

L'avantage des sentences purgées en communauté, que ce soit à l'intérieur d'une ordonnance de probation ou d'un sursis d'emprisonnement, c'est que cela évite à la personne d'être séparée de ses enfants, de sa famille. Cela évite également à la personne de perdre son logement et son emploi. Ça lui permet de rester dans la communauté et de travailler au moins pour garder ses acquis.

En matière d'incarcération, le problème, c'est qu'une fois que la personne est incarcérée, elle perd son logement. Souvent, elle perdra ses biens personnels, elle s'appauvrira. À sa sortie de prison, elle n'aura plus nécessairement accès à un logement qu'elle payait à prix modique. Il y a beaucoup de problèmes de ce type. Le système carcéral est tel que si une personne entre en prison, il est sûr que quand elle en sortira, elle fera face à des difficultés sur le plan de l'organisation matérielle. Elle a besoin de soutien et elle est certainement plus pauvre que quand elle est entrée. C'est le système qui est fait comme ça.

Selon moi, il est clair que des sentences purgées en communauté ou des sentences communautaires sont une solution à l'incarcération quand on peut éviter l'incarcération.

[Traduction]

Le président : Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Prosper : Oui. On a souvent cité le Québec à titre d'exemple en matière de réintégration, surtout en ce qui a trait aux peines moins sévères, mais nous ne voyons pas cela beaucoup dans la communauté noire parce que de nombreux membres se plaignent de ne pas avoir droit aux mêmes services juridiques que les autres. La plupart du temps, on leur demande de plaider coupable pour accélérer le processus. Ils n'ont pas le droit au même traitement que les autres. On nous impose des peines plus longues.

Le processus dans son ensemble est problématique. Le plus gros problème, c'est que les conditions de libération des membres de la communauté noire sont beaucoup plus sévères que celles des autres.

Une autre lacune du système québécois par rapport au système fédéral, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de données sur les noirs, les Autochtones et les femmes en prison pour vérifier certaines choses. Il faut plus de données pour avoir un plus grand bassin de renseignements.

Est-ce que la qualité des services d'aide juridique offerts aux communautés noires est inférieure à celle des services offerts aux autres personnes? Est-ce que les membres de ces communautés purgent des peines plus longues pour un même crime? Certaines études prouvent que oui, mais nous n'avons pas d'étude complète qui le prouve. Je crois qu'il faut mettre l'accent là-dessus. Il est aussi très important de savoir quelle formation est offerte aux juges dans le but d'éviter les préjugés implicites.

Le système de justice alternative n'est pas vraiment présent dans notre collectivité. Il n'y a qu'une seule organisation qui offre un tel système. Trajet OJA le fait depuis quelques années, mais l'organisme ne présente pas nos collectivités comme étant parmi les plus pauvres. C'est ce que nous tentons de faire dans Montréal-Nord, par exemple, nous tentons de mettre sur pied un système de justice alternative pour lutter contre la criminalisation des jeunes. C'est ce que nous voulons faire.

M. Freeman : Pour répondre rapidement à cela, certains des jeunes avec lesquels nous travaillons nous disent que les agents de libération conditionnelle ou leurs auxiliaires juridiques les forcent pratiquement à plaider coupables. Nombre d'entre eux ne comprennent pas ce qui se passe. On parle de possession mineure de marijuana. Pour la suite, cette petite infraction peut nuire gravement aux chances de ces personnes de se trouver un emploi, de réintégrer le marché du travail et de contribuer à la collectivité.

M. Prosper : Pour ajouter à cela, il y a aussi ce qu'on appelle les doubles peines. Certaines de ces personnes n'ont pas la citoyenneté canadienne et plaideront coupables simplement parce qu'elles connaissent mal le système pénal. Si elles plaident coupables, elles risquent d'être expulsées. Elles font face à une double peine.

C'est aussi un manque de connaissances à l'égard du système de justice et de son fonctionnement. De nombreux immigrants n'ont pas ces connaissances et ne savent pas ce qui se passe.

Le président : J'aimerais vous poser une brève question au sujet du salaire des prisonniers. Le salaire le plus élevé est de 6,90 $ par jour, je crois, et le plus bas serait d'environ...?

[Français]

Mme Gagnon : Et 6,24 $ par jour, avant la réduction de 30 p. 100 pour l'hébergement, la nourriture et le téléphone.

[Traduction]

Le président : Nous avons échangé avec des prisonniers de tous les établissements dont j'ai parlé, sans exception. Nous étions en Ontario, la semaine dernière. Les salaires n'ont pas augmenté depuis 1984. Selon le système actuel, les prisonniers sont libérés avec 50 $ en poche. Vers la fin de leur période d'incarcération, leur agent de libération conditionnelle leur dit, par exemple, au Québec : « Tu viens de la Gaspésie, mais nous t'envoyons dans une maison de transition à Montréal, une grande ville, avec 50 $ en poche. » Ce processus ne semble pas fonctionner pour la réadaptation de gens ayant des compétences limitées, puisque 50 à 70 p. 100 d'entre eux récidivent.

Nous étudions la possibilité de recommander une augmentation de la rémunération des prisonniers. Comme on dit, c'est évident. C'est une question de dignité pour les prisonniers, une question de valorisation du travail effectué.

J'aimerais vous entendre sur le sujet.

M. Freeman : Je peux vous en parler, car c'est l'une des situations que nous vivons en ce moment. Un détenu atteint d'un coup de feu à l'intérieur de l'établissement a décidé de porter plainte contre l'établissement. On ne lui a pas permis de se représenter lui-même, ce qui l'a empêché d'aller plaider sa cause. Il a été reconnu coupable et doit payer ses propres frais judiciaires. On parle ici de dizaines de milliers de dollars, alors qu'il ne gagne que 6 $ par jour. Il n'a aucun soutien pour défendre sa cause.

Nous tentons, de l'extérieur, de lui trouver de l'aide, mais c'est presque impossible d'obtenir de l'aide pour un détenu compte tenu de ses revenus. Le système ne favorise pas la réinsertion. Les prisonniers n'ont pas de soutien pour se remettre sur pied en vue de leur libération.

[Français]

Mme Parisé : Puisqu'on aide les familles au niveau du salaire des personnes incarcérées, je ne suis pas vraiment au courant de ça.

Mme Gagnon : Les détenus sous juridiction fédérale se sont appauvris depuis 1984. Dans la dernière décennie, le gouvernement conservateur a instauré plusieurs mesures qui ont fait que la population carcérale s'est vraiment appauvrie. Le salaire maximum que vous pouvez gagner dans un établissement fédéral est de 6,24 $ avant vos contributions de 30 p. 100 pour votre participation à l'hébergement, puis à la nourriture et au téléphone. Cela représente un salaire de 5 $ par jour, soit le revenu maximum. Souvent, on complique la situation pour éviter de payer le salaire maximum. Donc, en général, les gens gagnent entre 4, 4,5 et 5 $, pas plus.

Alors, c'est une situation qui, selon moi, ne peut plus durer. Les personnes incarcérées ne sont pas en mesure de mettre de l'argent de côté, d'assumer leurs responsabilités familiales. Elles ne peuvent pas contribuer aux frais d'éducation de leurs enfants. Je trouve que cela les rend complètement dépendantes de leur entourage.

Les plus chanceux qui pourront sortir et amorcer leur réinsertion sociale dans un centre résidentiel communautaire recevront de l'aide, mais les autres, quand ils se retrouveront directement dans la rue, vivront des conditions difficiles.

C'est une forme de salaire qu'on peut comparer à une forme d'esclavage. On les fait travailler à 5 $ par jour. Cela ne fait pas de sens. Il est inconcevable que le gouvernement fédéral maintienne cette position-là.

Dans les établissements provinciaux au Québec, un détenu qui travaille dans un atelier ou une buanderie, par exemple, gagnera 3,50 $ par jour. Les provinces, qui sont en principe plus pauvres que l'État fédéral, sont capables de payer leurs détenus 3,50 $ par jour. Je pense donc que le gouvernement fédéral pourrait faire la même chose. Malheureusement, ce n'est pas la situation à l'heure actuelle. Il faut dire aussi que tout ce dossier-là est actuellement devant la Cour fédérale. On attend la décision de la Cour fédérale sur cette question-là. La question du salaire des détenus a été contestée sur le plan judiciaire.

[Traduction]

M. Prosper : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une chose. Si la pauvreté est une cause directe de l'incarcération, alors un revenu de 5 $ par jour est certainement une cause directe de la réincarcération. C'est un problème énorme. Je suis heureux que vous ayez abordé le sujet.

J'ignore si vous avez entendu parler du programme PEP, Prison Entrepreneurship Program, au Texas. Les responsables de ce programme ont demandé à diverses entreprises dans leurs communautés si elles voulaient participer à la réinsertion de la population carcérale. Ils ont tenté d'ajuster leur formation de façon à ce que dès qu'ils sont libérés, les détenus ont un emploi qui les attend, ce qui favorise leur réinsertion dans la société.

Il s'agit d'un programme très intéressant. Je ne demande pas à ce que les entreprises intègrent le système carcéral, mais je crois que nous pourrions créer des partenariats avec beaucoup d'organisations et de groupes différents pour mettre sur pied un programme qui cible le genre d'emplois qui plairaient aux détenus libérés. Beaucoup de nos frères et sœurs seront satisfaits d'un tel programme s'ils trouvent un emploi. C'est une option qu'il faudrait certainement étudier.

J'ajouterais que la réalité avec laquelle les détenus noirs doivent composer nous tient beaucoup à cœur. Nous aimerions qu'il existe un programme dans le système carcéral qui ferait appel aux gens de nos communautés pour faire valoir notre culture et nos valeurs. Nous aimerions que ces détenus aient un accès direct aux membres de notre communauté afin d'établir des liens solides et de corriger ce qui ne va pas. Nous voulons tisser des liens solides pour nous assurer que, lorsqu'ils sont libérés, les détenus ont le sentiment d'être aimés et que la communauté a besoin d'eux plutôt que de se sentir comme des restants de la société, des gens dont on ne veut rien savoir. Les communautés noires devraient disposer de tels programmes pour refléter notre culture et nos valeurs afin de faciliter la réinsertion des détenus noirs dans nos communautés.

Le président : C'est ce que nous ont dit les détenus des établissements que nous avons visités en Ontario. Ils ont parlé du respect de la culture, que ce soit la communauté noire, musulmane ou autochtone. Il y a un lien continu avec les valeurs. On nous l'a répété.

Je réfléchissais à la question de l'emploi dans les prisons. Aujourd'hui, à Joliette, nous avons vu les prisonnières travailler fort, dans un environnement qui semblait joyeux, à la fabrication de sous-vêtements pour hommes pour les détenus d'autres établissements un peu partout au pays. Mme Gagnon a parlé d'Internet, notamment. Je m'interroge au sujet de l'innovation et de l'idée des circuits fermés. Que fait-on pour préparer les prisonniers libérés à intégrer ce nouvel environnement de gazouillis et à s'ajuster à toute l'électronique qui existe? C'est une question à laquelle je réfléchissais, mais ce n'est qu'un commentaire.

La sénatrice Pate : J'aurais une question à poser à chacun d'entre vous, mais n'hésitez pas à réagir aux questions posées aux autres.

Je vais d'abord m'adresser à vous, madame Gagnon. Pourriez-vous nous décrire le modèle que suivent les défenseurs de cause à Joliette et nous parler de certains des problèmes entourant la reddition de compte? Selon vous, le système de grief fonctionne-t-il? Existe-t-il de bons mécanismes de reddition de compte pour les prisonniers victimes d'une infraction à la loi ou aux politiques?

Madame Parisé et madame Parent, vous dites que les familles ne peuvent pas obtenir de renseignements sur leurs proches. Selon mon expérience, on affirme souvent que ce sont les établissements qui disent vouloir protéger la vie privée des prisonniers, alors qu'en réalité, s'ils permettaient un meilleur accès à Internet, Skype ou FaceTime pour que les prisonniers puissent échanger avec leurs familles, ou un meilleur accès à un service téléphonique qui ne coûte pas les yeux de la tête, les familles auraient probablement plus de nouvelles de leurs proches.

Vous me corrigerez si j'ai tort, mais j'ai l'impression que les établissements serrent la vis et limitent les accès des prisonniers. Ils disent ensuite que l'incapacité des prisonniers à communiquer avec leurs familles est une question de vie privée, alors qu'en réalité, c'est le résultat de mesures de sécurité accrues et de l'accès limité qu'ont les prisonniers à leurs familles. Les familles n'ont pas la liberté de communiquer avec leurs proches. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Nous avons également entendu des plaintes au sujet des détecteurs ioniques et des difficultés qu'ont les gens à être admis dans les établissements. Certains voyagent pendant six heures ou plus pour visiter leurs proches en prison, mais se font refuser l'accès à l'établissement sans savoir pourquoi, et le prisonnier n'est même pas informé que sa visite a été annulée. Auriez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet?

Monsieur Prosper et monsieur Freeman, en vous écoutant, j'ai pensé à une chose qu'il faudrait inclure dans le rapport. Les autres membres du comité devront être d'accord, mais, selon ce que vous dites, il faudrait presque un préambule à ce rapport concernant la façon dont les conditions préalables contribuent à l'augmentation de la criminalité chez les plus pauvres et les gens d'origines ethniques différentes. Ceux qui ont déjà été persécutés et victimes de violence devraient être inclus. Peut-être pourrait-on recommander l'attribution d'un revenu raisonnable garanti et l'intervention de la communauté plutôt que l'emprisonnement. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

J'ignore si vous le savez, mais il existe une disposition dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui oblige les juges à examiner tous les autres régimes avant l'incarcération et, s'ils choisissent l'incarcération, ils doivent justifier leur décision. Non seulement cette disposition a-t-elle permis de réduire, voire couper de moitié le nombre de jeunes en détention, elle a également exposé ce dont vous avez parlé, soit le racisme et le sexisme qui existe dans le système, puisque le système comptait désormais moins de jeunes et de filles racialisés.

Si l'un ou l'une d'entre vous souhaite répondre aux questions posées aux autres, n'hésitez pas. Je voulais simplement donner à chacun de vous une question sur laquelle réfléchir.

[Français]

Mme Gagnon : Le problème avec le processus de grief dans les pénitenciers fédéraux, c'est que ce n'est pas un processus indépendant. Dison qu'un agent correctionnel s'est mal conduit envers une personne, puis qu'elle dépose un grief, qui sera évalué par le confrère. Alors, on dit souvent que le processus de grief au fédéral, c'est un processus qui est un peu incestueux, car il n'est vraiment pas indépendant. En général, cela donne l'impression aux personnes incarcérées que ça ne sert absolument à rien de faire un grief, parce que de toute façon, la personne qui va évaluer le grief, c'est un collègue de travail de la personne qui est concernée. Alors, c'est vraiment un problème.

Les Sociétés Elizabeth Fry du Canada ont la possibilité d'être présentes en établissement, d'intégrer l'établissement. C'est vraiment une situation qui a été gagnée à la suite d'événements graves qui sont arrivés par le passé dans les établissements pour femmes, particulièrement à l'établissement de Kingston, en Ontario, et à la suite de la commission d'enquête de la juge Louise Arbour. Cela a permis qu'un organisme comme la Société Elizabeth Fry du Canada puisse être présent, aller visiter et rencontrer les femmes et les aider dans à faire respecter leurs droits, et à les appuyer dans cette démarche-là.

Dans la dernière année, l'Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry a gagné le droit de travailler avec des femmes en prison pour les aider à être ce qu'on appelle des « advocacy workers », c'est-à-dire les aider à faire un travail de défense des droits auprès des autres détenues pour leur transmettre de l'information sur leurs droits et les aider aussi à faire respecter leurs droits.

Je pense que les femmes, à ce titre, sont privilégiées par rapport à la clientèle masculine, parce qu'il n'y a pas de service comparable dans aucun pénitencier pour hommes. Sincèrement, je pense que ce système-là devrait être exporté dans les établissements pour hommes. Alors, cela permettrait à des organismes de défense des droits de travailler auprès de personnes qui ont des besoins particuliers, comme la communauté noire, la communauté latino, les hommes qui proviennent des minorités — des Autochtones, des membres des communautés autochtones et inuites — d'être appuyés par des organismes qui défendent leurs intérêts.

Je vous dirais que, souvent, les femmes ont été dans des situations où elles ont subi, à travers leur histoire d'incarcération, beaucoup d'effets négatifs liés au fait qu'elles faisaient partie d'un groupe minoritaire. À ce titre, je vous dirais que le fait qu'un organisme communautaire comme le nôtre puisse intégrer une prison pour y rencontrer des femmes et avoir accès à la population carcérale est un avantage dont nous tirons parti de façon importante. On fait notre travail à ce niveau-là.

[Traduction]

Le président : Il nous reste probablement une dizaine de minutes, mais nous avons encore deux réponses à entendre et la sénatrice McPhedran aimerait poser une dernière question.

Nous aimerions entendre vos dernières réflexions. Nous avons eu une séance très informative.

[Français]

Mme Parisé : Pour moi, c'est plus au niveau de la question concernant Internet. Personnellement, je crois vraiment que Skype serait une bonne idée, parce que ça favoriserait bien sûr le lien entre les membres de la famille et le détenu lui-même. Ce serait, sans contredit, très positif également pour leurs enfants. C'est très éprouvant pour un enfant de ne plus voir ses parents pendant longtemps. Il y en a beaucoup justement qui vivent très loin du pénitencier, donc ils n'ont pas la chance de voir leurs parents aussi souvent qu'ils le voudraient. Bien sûr, il faudrait que ce soit fait de manière sécurisée, donc il s'agirait peut-être de prévoir une salle supervisée par des gardiens qui permettrait ce genre d'échange. Je ne crois pas qu'Internet devrait être accessible n'importe où et n'importe quand pour eux, mais cela permettrait vraiment aux gens qui habitent plus loin de garder un lien avec leurs familles et les détenus, et surtout de renforcer le lien parent-enfant.

Mme Parent : Si notre organisme travaille fort là-dessus, c'est qu'on trouve qu'il s'agit d'une chose très importante.

[Traduction]

Le président : Allez-y, messieurs.

M. Freeman : En ce qui a trait à la prévention, d'abord, il est absolument nécessaire de créer un préambule, car, actuellement, les jeunes, entre autres, entrent dans le système sans connaître les conséquences de leurs gestes.

Toutefois, nous avons remarqué qu'il est quelque peu difficile de travailler avec des organisations comme Batshaw, un centre de détention pour jeunes. Les responsables travaillent à un projet de logements intermédiaires et de transition. Ils travaillent avec des jeunes de 17 ans et moins et tentent ensuite de les aider à réintégrer la communauté.

Ce qui se produit, c'est que nous recevons un flot de jeunes, mais, en tant que centres communautaires, nous n'avons pas les moyens financiers pour assumer cette charge. Nous devons communiquer avec les établissements qui nous envoient ces jeunes pour leur demander des indemnités journalières, par exemple. C'est une situation difficile pour eux aussi. Cela crée un cercle vicieux, car nous voulons aider les jeunes, mais nous sommes limités dans le soutien que nous pouvons leur offrir. C'est l'un des problèmes que nous avons remarqué et qui doit être réglé.

J'aimerais revenir à la question qui m'a été posée plus tôt au sujet de la violence familiale. Tous les anciens détenus avec qui nous travaillons doivent apprendre à gérer leur colère. Nous voulons éviter que les jeunes aient des ennuis. Ils ne s'identifient pas nécessairement aux gens qui travaillent dans les CLSC et ne voient pas nécessairement l'utilité, pour eux, des services de santé offerts. Ils reviennent nous demander de l'aide.

Encore une fois, nous n'avons pas les moyens financiers de leur offrir les services d'un psychologue ou d'un travailleur social noirs. Nous avons besoin de ressources pour offrir aux participants qui en ont besoin les services professionnels et adaptés nécessaires.

J'aimerais revenir brièvement sur la question des détenus à qui l'on empêche d'avoir accès à la technologie. Confrontés à un monde où tout fonctionne à la vitesse grand V, les détenus s'isolent. Les choses bougent trop rapidement. Le manque d'intégration et d'accès à Internet, notamment, nuit à la réinsertion des détenus dans la communauté. C'est le genre de choses que nous avons remarquées.

M. Prosper : Merci d'avoir abordé le sujet. Donner aux prisonniers l'accès à Skype, c'est bien, mais nous devons aussi trouver une autre façon de permettre aux enfants de visiter leurs parents incarcérés, car il peut être traumatisant pour un enfant de voir les conditions violentes dans lesquelles vivent leurs parents. Il serait bien que les enfants puissent rendre visite à leurs parents dans un endroit différent. Ce serait très important.

Aussi, il est très important de créer un préambule, car, comme je l'ai clairement expliqué, nous sommes confrontés à la criminalisation, mais les enfants de ceux qui vivent dans la pauvreté vont à l'école le ventre vide. Ils ont de la difficulté à apprendre et échouent. De plus, certains élèves qui terminent leurs études dans le système public ne seront pas aussi compétents que d'autres qui fréquentent des écoles privées plus riches. Ils seront confrontés à cette dichotomie, mais se sentiront moins qualifiés que les autres. Ils risquent d'abandonner les études collégiales ou universitaires simplement parce qu'ils ont l'impression de ne pas être à la hauteur.

À titre d'exemple, à l'époque où je fréquentais l'école Calixa-Lavallée, à Montréal-Nord, en 8e année, j'ai participé à un concours d'épellation en français et j'ai gagné. J'ai gagné un concours auquel participaient des représentants de toutes les années et j'ai gagné alors que j'étais en 8e année. Ensuite, j'ai participé à un autre concours d'épellation pour l'ensemble de Montréal, et j'ai gagné. J'ai battu des adolescents de la 12e année avant de perdre en demi-finale. Je n'étais qu'en 8e année, mais j'ai échoué à mes cours de français à l'école secondaire. C'est le genre de situation que l'on ne voit pas ailleurs, car les responsables voient le potentiel et le talent des élèves et investissent chez ces jeunes.

Actuellement, nous n'investissons pas chez les jeunes. Nous manquons à nos engagements à leur égard. Ils se sentent exclus et se tournent vers ce genre de violence. Ils risquent d'emprunter une voie différente et de se trouver dans un quartier où il y a beaucoup de criminalité. Cela ne nous aide pas du tout, surtout lorsqu'il y a un contrôle excessif de la part des policiers. Nous devons nous pencher plus sérieusement sur le décrochage.

J'ai déjà parlé du système judiciaire et du système d'aide juridique. Nous avons le sentiment d'avoir échoué ou nous sommes incarcérés, parce que nous n'avons pas accès au même service d'aide juridique que les autres.

Nous avons un taux de chômage plus élevé que le reste de la communauté. C'est drôle, car même avec un diplôme universitaire, un noir à moins de chance de se trouver un emploi au Québec qu'un blanc sans diplôme d'études secondaires. C'est une réalité qui frappe la communauté noire.

Quel genre d'impact cela a-t-il sur les gens? Ils comprennent que même avec un diplôme universitaire, ils n'obtiendront pas l'emploi qu'ils méritent, contrairement aux autres. C'est la raison pour laquelle dans ma communauté, 1 personne sur 10 a un diplôme d'études supérieures, comparativement à 1 sur 4 à Montréal. Ces chiffres démontrent que le système nous laisse tomber à bien des égards.

C'est la raison pour laquelle nous avons besoin... Il serait bien d'avoir un nouveau préambule. Nous devons recueillir des données sur le profilage racial, le contrôle excessif exercé par les policiers et ce qui se produit dans les prisons. Il serait bien d'avoir des données sur les choses avec lesquelles notre communauté doit composer.

En terminant, il est important que le gouvernement appuie des initiatives comme DESTA et d'autres groupes semblables. Nos emplois, y compris ceux de mes collègues à ma droite, sont tous précaires. Nous éprouvons aussi des difficultés et cela nuit à notre efficacité. C'est difficile à dire, mais c'est un système en crise. C'est la réalité.

La sénatrice Pate : Outre ce que je vous demandais, vous semblez dire que ce préambule devrait aborder la réaffectation de ressources pour lutter contre la discrimination systémique qui existe.

Vous avez mentionné le rapport de l'enquêteur correctionnel. Je veux être certaine de vous avoir bien compris. Nous ne devrions pas passer plus de temps à recueillir davantage de données : nombre de données montrent qu'il existe un racisme et des préjugés systémiques; que les Autochtones, les Noirs et les femmes sont mal protégés, qu'ils sont surveillés excessivement par la police et qu'ils sont démesurément incriminés; et que ce sont les gouvernements qui prennent la décision stratégique d'investir l'argent dans les services de police et les services correctionnels plutôt que dans la prévention. Cette interprétation est-elle juste?

M. Prosper : Oui. Si nous investissions ces fonds dans nos collectivités, cela aiderait énormément.

En outre, ce serait peut-être une bonne idée d'offrir aux juges et aux procureurs de la Couronne de la formation sur leurs partis pris implicites, pour changer la situation. C'est phénoménal. Je crois qu'au Québec, la majorité des procureurs de la Couronne — plus de 99 p. 100 d'entre eux, sinon tous — sont blancs.

Le président : Nous allons tenir une assemblée publique de 30 minutes pour permettre à ceux et celles qui attendent leur tour de prendre la parole. La dernière intervenante sera la sénatrice McPhedran.

La sénatrice McPhedran : C'est la transition parfaite pour la question que je veux poser concernant les incidences de la racialisation à divers égards, que je vais résumer brièvement. Ce que je vais dire n'est que l'impression que les derniers jours m'ont donnée.

Tout d'abord, la grande majorité des gardes, dans tous les établissements sauf celui de Joliette et le Centre de guérison pour hommes autochtones, sont des hommes blancs. J'ai une question précise sur les jeunes parce que vous avez parlé des enjeux liés à la transsexualité et à l'identité de genre. J'inclurais aussi l'orientation sexuelle, et non seulement les questions qui touchent les personnes transgenres. J'aimerais avoir votre avis sur deux points liés à ces groupes marginalisés. Premièrement, une augmentation considérable du nombre de gardes noirs dans les prisons aurait-elle une incidence positive?

Monsieur Prosper, je vous invite, si vous le voulez, à nous parler de ce que vous avez vécu au sein d'un organisme paramilitaire, puisque vous avez mentionné que vous avez renoncé à votre carrière à la GRC.

La deuxième partie de ma question porte sur la documentation parce qu'il a été dit maintes fois qu'il fallait mener des recherches et réunir de la documentation. Serait-il possible et croyez-vous que ce serait une bonne idée d'établir des partenariats entre les groupes et les universités dans le but d'effectuer des recherches sur les effets de la racialisation? D'après votre expérience, combien de temps faudrait-il pour mener un tel projet à terme? La question s'adresse à quiconque peut y répondre.

La première question, pour MM. Freeman et Prosper surtout, concerne les observations sur la racialisation, et la deuxième cherche à savoir si la présence de gardes noirs changerait la donne.

M. Freeman : D'après moi, la réponse est oui. Je ne sais pas quoi dire de plus. Leur présence changerait certainement la donne puisque nous parlons d'une division culturelle. Il y a une sorte d'écart à l'heure actuelle parce que la majorité des gardes sont blancs et le nombre de personnes noires incarcérées est énorme. Dans certaines histoires que nous avons entendues, on dirait que les gardes ont peur des détenus, ce qui provoque chez eux certaines réactions.

Ma réponse est fondée sur notre expérience et sur ce que certains détenus m'ont dit. Cela aurait une incidence importante sur la façon dont les détenus vivent leur incarcération.

M. Prosper : Concernant l'identité de genre, je trouve ce point très important en ce qui touche les communautés noires et les personnes ayant une orientation sexuelle différente. Ces personnes sentent souvent qu'elles sont ciblées davantage que les autres. Elles sont plus souvent victimes de crimes violents. Parfois, leurs témoignages ne sont pas pris en considération. Lorsqu'elles se retrouvent dans le système carcéral, elles font l'objet d'attaques violentes aux mains des gardes, des détenus, de tous. Nous devons trouver des endroits sûrs pour les gens ayant une identité de genre différente. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, il faut d'autres pavillons. Sinon, ces personnes seront victimes de plus de gestes violents. C'est à nous qu'il incombe que tous soient placés dans des endroits sûrs, et c'est très important.

Pour répondre à votre question concernant l'époque où j'étais agent de la GRC sur le territoire d'une Première Nation, les habitants du territoire cri m'ont accueilli très chaleureusement. J'ai été mieux reçu que les autres personnes qui travaillaient sur ce territoire. Le détachement comptait sept agents, et j'étais le seul Noir. Même lorsque je travaillais avec le conseil de bande, les membres m'accordaient une plus grande confiance qu'aux autres. Ils se sentaient en sécurité lorsqu'ils me parlaient. J'avais directement accès à eux.

J'étais aussi entraîneur de basketball et je participais à d'autres activités dans la communauté. Il y avait un bar où les agents de police n'avaient pas le droit d'aller, sauf moi, et j'y étais le bienvenu. J'ai tissé des liens étroits avec les gens de cette communauté, et nombre d'entre eux sont toujours mes amis.

Cette expérience montre aussi qu'il y a beaucoup de ressemblances entre les territoires des Premières Nations et Montréal-Nord. Nombre de services trouvés ailleurs, dans d'autres villes, n'y sont pas offerts. Il n'y a pas de services pour les victimes de violence conjugale et les alcooliques. Nous arrêtions parfois la même personne chaque semaine pour ivresse et inconduite dans un endroit public, mais il n'y avait nulle part dans la communauté où nous pouvions l'amener pour traiter son alcoolisme.

C'est pareil à Montréal-Nord. Je travaille avec des personnes à Montréal-Nord qui sont aux prises avec les mêmes problèmes, et elles ont seulement accès à des services à l'extérieur de l'arrondissement. On les envoie donc à Hochelaga, où la réalité n'est pas la même. C'est aussi un grave problème.

J'ai parlé des troubles de santé mentale. Les policiers ne sont pas outillés pour aider quelqu'un qui fait une crise de panique. De telles crises peuvent entraîner la mort, comme nous l'avons vu dans des cas comme celui qui s'est produit à Ottawa, avec une personne atteinte d'autisme. C'est très important que les policiers comprennent les troubles de santé mentale qui touchent certaines personnes. S'ils sont en mesure de leur offrir des services adéquats ou de les diriger vers les bons services, peut-être que bon nombre d'entre elles éviteront l'incarcération.

Je répondrai peut-être à la question concernant les partenariats de recherche entre les groupes et les universités à une autre occasion, mais bien sûr qu'il est très important de tenter d'en établir. En outre, il ne faut pas oublier qu'un grand nombre d'universitaires sont issus de communautés blanches. Les membres des différents groupes doivent croire qu'on discutera avec eux et qu'on leur posera des questions. Nous avons des personnes qualifiées pour mener des recherches, et elles comprennent mieux nombre d'enjeux. Leur présence est importante pour éviter d'augmenter l'oppression de certains membres de groupes divers.

Le président : Merci. Je demanderais aux autres témoins qui souhaitent présenter des observations finales d'être brefs, s'il vous plaît.

M. Prosper : Je suis désolé.

Le président : Non, non. Vos propos sont extrêmement importants parce qu'ils touchent les mesures qu'on peut prendre à l'intérieur de la communauté pour éviter que les personnes se retrouvent dans de grands établissements en béton. Les mesures prises dans la rue aideront à éviter tous ces problèmes, qu'il soit question de déficience intellectuelle ou de santé mentale. C'est ce que nous devons vraiment comprendre et réexaminer.

Vos dernières observations, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Parisé : C'était vraiment complet, ils ont bien répondu, alors je n'ai rien à ajouter.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Vos témoignages nous ont beaucoup éclairés.

Nous allons maintenant tenir une assemblée publique au cours de laquelle les gens qui le souhaitent pourront prendre la parole, mais d'abord, je tiens à remercier publiquement la sénatrice Wanda Bernard, qui a recommandé que ces messieurs soient ici ce soir.

Bien sûr, la question des femmes est aussi importante, la surpopulation des femmes en milieu carcéral, en particulier des femmes autochtones, ainsi que celle de la réunification des familles, car les familles sont les alliées des prisonniers.

Merci beaucoup.

Nous débutons maintenant la partie « assemblée publique » de nos audiences publiques. Nous nous sommes déplacés toute la semaine et nous avons visité des établissements en Ontario. Nous sommes à Montréal depuis deux jours.

Rene Callahan-St. John se joint à nous ce soir pour participer à notre étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

Bienvenue, Rene. Nous sommes ravis de vous écouter.

Rene Callahan-St. John, à titre personnel : Merci beaucoup.

Je suis un homme transgenre homosexuel et j'habite à Montréal. J'ai commencé à faire du bénévolat pour un groupe qui appuie des détenus transgenres aux États-Unis et au Canada. Je fréquente aussi ASTT(e)Q, un centre communautaire pour les personnes transgenres, et Cactus, un centre de santé pour les personnes transgenres. Je participe un peu aux activités de la communauté trans ici à Montréal. Mon bénévolat auprès de Projet de correspondance pour prisonniÈr.e.s m'a fait découvrir certaines difficultés que les détenus transgenres affrontent.

Une augmentation salariale : les détenus ont besoin de plus d'argent, d'une allocation quotidienne généreuse. Je pense que le comité s'est déjà penché sur la question aujourd'hui. En ce qui concerne précisément les personnes transgenres incarcérées, les articles servant à affirmer son genre peuvent coûter cher. Si ces personnes ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts et si elles doivent dépenser plus d'argent pour acheter des choses comme du rouge à lèvres, elles ne pourront peut-être pas se procurer les articles dont elles ont besoin pour affirmer leur genre, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives considérables sur leur santé mentale.

La facilité d'accès pour les groupes communautaires : je parlais à un travailleur d'ASTT(e)Q qui essaie de rendre visite à des personnes transgenres incarcérées, et les obstacles sont nombreux, surtout au Québec. Les détenus doivent parfois choisir entre leurs amis, les membres de leur famille ou un travailleur communautaire parce que le nombre de personnes qu'ils peuvent inscrire sur leur liste de visiteurs est limité. La facilité d'accès pour les groupes communautaires est très importante pour la communauté trans et les détenus transgenres.

J'ai entendu le comité parler plus tôt de solutions de rechange à l'incarcération, ce qui est formidable. Je serais ravi de voir une diminution du nombre de détenus transgenres.

Des détenus transgenres m'ont aussi informé que le temps d'attente pour consulter un psychiatre en vue d'obtenir un diagnostic de dysphorie de genre est très long. Les personnes transgenres devraient avoir accès à un psychiatre plus rapidement.

À ce sujet, les personnes qui deviennent conscientes qu'elles sont transgenres peuvent décider qu'elles veulent prendre des hormones ou subir une opération, ou elles peuvent simplement vouloir parler à un psychiatre du fait qu'elles sont transgenres. C'est après qu'elles comprennent qu'elles sont transgenres et pendant qu'elles attendent des soins de santé qu'elles sont le plus à risque de se suicider. Il est très important que les personnes transgenres aient rapidement accès à des professionnels de la santé, et que cet accès soit continu.

Elles n'ont peut-être pas besoin qu'un psychiatre arrive, confirme leur dysphorie de genre, puis reparte. En réalité, elles ont besoin d'un appui émotionnel continu de la part d'un professionnel de la santé et, idéalement, elles doivent avoir accès à d'autres membres de la communauté trans.

En tant que personne transgenre qui a vécu le processus de transition, je peux affirmer qu'à cette étape-là, j'avais besoin de beaucoup d'appui de la communauté trans et aussi d'un thérapeute pour m'aider à réduire l'anxiété et le stress qui accompagnent la transition ou le choix de procéder à la transition.

La sénatrice McPhedran : Monsieur Callahan-St. John, pourriez-vous nous en dire plus sur le Projet de correspondance pour prisonniÈr.e.s et inviter aussi vos collègues à répondre?

M. Callahan-St. John : Je dirais que nous avons trois fonctions principales. Nous gérons un programme de correspondance pour les détenus allosexuels et transgenres. Les détenus nous écrivent, et nous tentons de les jumeler avec une personne allosexuelle ou transgenre non incarcérée afin qu'ils créent des liens d'amitié et qu'ils s'appuient mutuellement sur le plan émotionnel. Le but est de sortir les détenus allosexuels et transgenres de l'isolement qu'ils vivent en prison.

Les détenus allosexuels et transgenres sont souvent plus isolés du monde extérieur que les autres prisonniers, car peu de programmes de correspondance s'adressent à eux. Ils sont aussi parfois isolés de leur famille. Notre programme de correspondance vise donc à rompre cet isolement.

En outre, nous avons un centre de documentation qui compte entre 60 et 80 publications sur divers sujets, comme l'aide juridique, le genre, la sexualité, les pratiques sexuelles sans risque et la réduction des méfaits liés à la consommation de drogues. Nous essayons de fournir de l'information aux détenus allosexuels et transgenres.

Personnellement, je ne peux pas imaginer vivre une transition ou être une personne transgenre sans l'aide de Google, car les questions sont innombrables. Chaque fois que je voulais savoir quelque chose, je pouvais utiliser Google ou faire une recherche sur Internet.

Nombre de détenus transgenres sont isolés. Ils n'ont peut-être pas accès à toute cette information et à des pairs. Je pouvais aussi m'adresser aux membres de la communauté; si je vivais ou si je ressentais quelque chose, je pouvais en parler à un pair. Les détenus transgenres n'ont pas nécessairement cette possibilité. Ils n'ont peut-être pas de réseau de soutien communautaire.

Que faisons-nous aussi?

Parker Finley, à titre personnel : C'est un bon résumé.

Le président : Sénatrice Pate, avez-vous des questions?

La sénatrice Pate : Juste pour donner suite à la question de la sénatrice McPhedran, le Projet de correspondance pour prisonniÈr.e.s est basé aux États-Unis.

M. Callahan-St. John : Non, il est basé ici, à Montréal.

La sénatrice Pate : L'erreur est la mienne. Savez-vous si des gens reçoivent l'information que vous envoyez dans les prisons?

M. Callahan-St. John : Non, l'information n'est pas reçue. Merci beaucoup de soulever la question.

Surtout en Alberta en ce moment, beaucoup de nos documents nous sont renvoyés, pour des raisons qui semblent arbitraires. On reçoit parfois une note qui explique pourquoi les documents sont refusés. Il arrive qu'ils contiennent des représentations de la sexualité, mais le contenu n'est jamais explicite. Nous avons cherché les politiques sur ce qui est considéré comme explicite, et notre contenu ne l'est pas, mais nos documents nous sont renvoyés sous ce prétexte. Nous croyons que c'est parce que la sexualité représentée est habituellement de l'homosexualité. Les représentations sont probablement jugées plus explicites que s'il s'agissait d'hétérosexualité.

Nous n'envoyons rien d'explicite dans les prisons, mais nos documents nous sont continuellement renvoyés.

La sénatrice Pate : Dans le même ordre d'idées, connaissez-vous la publication Cell Count de PASAN?

M. Callahan-St. John : Oui, nous en avons entendu parler.

La sénatrice Pate : Vous savez probablement que nombre de prisons ne l'acceptent pas.

M. Callahan-St. John : Oui.

La sénatrice Pate : Je crois comprendre que la raison est souvent que le contenu fait la promotion de la correspondance. Qu'est-il écrit sur les notes que vous recevez lorsque vos documents vous sont renvoyés? Le contenu sexuel explicite est une des raisons invoquées. Pourriez-vous transmettre au comité des exemples de documents que vous avez envoyés et de réponses que vous avez obtenues du Service correctionnel? Cela nous aiderait à déterminer si le contenu va à l'encontre des politiques ou de la loi, par exemple.

M. Callahan-St. John : Bien sûr, nous pourrons vous l'envoyer sans problème. Je pense que nous avons commencé à en faire le suivi au Canada. Nous avons créé une base de données sur ce qui nous est renvoyé, car nous ne savons pas exactement pourquoi il arrive que notre matériel soit accepté dans certaines prisons, mais pas dans d'autres, même s'il s'agit dans tous les cas de prisons fédérales. Nous essayons de maintenir une base de données et d'en faire le suivi.

Il semble que l'Alberta est peut-être une province plus conservatrice, ce qui pourrait expliquer le phénomène, mais j'ai l'impression que le matériel est refusé en fonction de la personne qui travaille dans la salle de courrier. Ce n'est pas une question de politique. Tout dépend de la personne qui reçoit le courrier et de ses préférences personnelles.

Le président : Rene, vous avez parlé d'un substitut à l'incarcération. Pourriez-vous nous expliquer à quoi cela pourrait ressembler, à votre avis?

M. Callahan-St. John : Je pourrai difficilement répondre à la question parce que j'aimerais vraiment qu'il y ait un groupe de soutien communautaire effervescent. Il faut des groupes de soutien au Québec et à Montréal, mais le financement de l'Action santé travesti(e)s et transsexuel(le)s du Québec, ou ASTT(e)Q, vient d'être réduit, alors que c'est un de nos principaux groupes de soutien. À mes yeux, un substitut à l'incarcération serait des groupes de financement qui pourraient aider les personnes transsexuelles. Un groupe comme l'ASTT(e)Q pourrait jouer ce rôle, mais son financement a été réduit. Le groupe a simplement besoin de ressources supplémentaires.

Si nous avions plus de ressources, nous pourrions bel et bien offrir des programmes. Nous pourrions avoir des programmes de travail ou de responsabilité envers la communauté.

M. Finley : J'aimerais simplement ajouter une chose. Nous avons également discuté et réfléchi à ce qui se passe avant qu'une personne finisse par être envoyée en prison. Nous avons songé à créer des solutions de rechange pour qu'il y ait moins de personnes dans des cellules d'isolement et pour alléger ou abolir les lois qui touchent plus particulièrement les personnes allosexuelles et transsexuelles. Par exemple, je ne me souviens pas du nom des auteurs, mais une recherche montre que les personnes allosexuelles et transsexuelles sont plus susceptibles d'être impliquées dans les économies de la rue ou de la criminalité.

C'est en large partie attribuable à la phobie des personnes allosexuelles et transsexuelles qui règne en milieu de travail, de sorte que ces personnes ont de la difficulté à trouver un emploi. Elles sont alors poussées à faire un travail qui les criminalise, après quoi elles aboutissent en prison. Nous pourrions bel et bien trouver d'autres endroits où envoyer ces personnes, et nous pourrions aussi réfléchir à une façon de limiter le nombre de personnes qui finissent en prison en abrogeant ces lois.

Je sais que la vente de drogue fait partie de ces économies. Avec la légalisation imminente de la marijuana, une chose que nous espérions voir se réaliser, mais qui n'est pas encore faite, il semble que les personnes qui ont un passé ou des antécédents criminels n'auront pas le droit de participer à l'économie légale et autorisée. Nous supposons donc que cela poussera les gens encore plus creux dans ces économies criminalisées, étant donné qu'ils ne pourront pas faire le travail pour lequel ils ont été formés et ont l'expertise, même s'ils le faisaient illégalement. Il faut aussi penser à ces choses pour avoir une vue d'ensemble.

Le président : D'après votre expérience auprès de la communauté transsexuelle dans les prisons, quelles sortes d'histoires ces personnes vous ont-elles racontées quant à l'attitude des gardiens de prison et des autres prisonniers? Vous avez dit qu'elles sont en danger. J'imagine que ce n'est pas un environnement très confortable d'emblée pour la communauté transsexuelle.

La sénatrice McPhedran : J'aimerais ajouter un autre aspect à la question, qui découle de discussions ou de questions que nous avons posées dans différents établissements cette semaine. Lorsque nous avons demandé aux responsables de nous parler des problèmes d'identité de genre, la plupart d'entre eux ont dit ne vraiment pas être au courant de problèmes semblables. C'est probablement un aspect intéressant de la question aussi. Vous entendez peut-être une version tout à fait différente de l'histoire.

M. Callahan-St. John : Pourriez-vous répéter la question?

La sénatrice McPhedran : La plupart des responsables n'ont pas pu nous donner de détails sur les prisonniers pour lesquels l'identité de genre pose problème. Qu'il s'agisse de la transition ou du fait qu'ils s'identifient comme allosexuels ou transsexuels, c'est comme s'ils n'étaient pas vraiment visibles. Bon nombre des responsables ne les voient pas.

M. Callahan-St. John : Je peux dire que nous avons reçu une lettre d'une femme transsexuelle qui est actuellement détenue dans une prison fédérale. Sa cellule a été fouillée. Elle avait du maquillage, et tout a été détruit par les agents qui ont fouillé sa chambre. Je suppose qu'elle a déposé un grief auprès du commandant pour se le faire remplacer, mais elle n'a pas eu gain de cause. C'était une rude épreuve.

Grâce à cette lettre, je connais une personne transgenre qui se sent ciblée et qui a été visée par les gardiens.

M. Finley : Pour compléter, je pense savoir où vous voulez en venir. Nous entendons parler de nombreuses personnes transsexuelles qui ne s'affichent pas dans les prisons, par exemple une femme transgenre qui vit dans une prison pour homme, et qui prétend être un homme tout en étant forcée d'en être un dans cet établissement. Elle a pris la décision de ne pas s'afficher comme transsexuelle aux yeux de tous, tant des gardiens que d'autres détenus, par crainte très réelle pour sa sécurité.

Cela pose aussi un problème de taille. Il s'agit d'un gros problème pour la santé mentale. C'est un stress mental considérable. Évidemment, les prisons sont déjà des endroits incroyablement stressants, mais il est particulièrement horrible d'être pris au piège dans une cage qui se trouve dans une cage.

Avons-nous oublié de répondre à la première question qui nous a été posée?

Le président : Je voulais simplement connaître des histoires qui se seraient produites dans le système carcéral.

M. Callahan-St. John : Je peux vous raconter celle d'une femme transsexuelle qui était ciblée et dont les effets personnels ont été détruits.

Le président : D'accord.

M. Callahan-St. John : C'est également un problème lorsque les personnes transgenres veulent avoir des vêtements pour affirmer leur genre, mais en sont privées. J'entends par là une situation où une femme transgenre voudrait une robe, mais essuierait un refus. Ne pas pouvoir exprimer son genre par ses vêtements peut engendrer beaucoup de tensions émotionnelles, ce qui semble fréquent dans les prisons canadiennes.

Il y a une situation que j'aimerais mentionner. Grâce à mes relations avec la communauté transgenre, j'imagine, j'ai entendu parler de la mort d'une femme transsexuelle dans la prison Archambault en mars dernier. Les circonstances entourant son décès semblaient être assez explicites et détaillées. J'ai personnellement essayé de faire appel à mes contacts pour trouver de l'information sur la situation, mais je n'ai rien pu apprendre. J'ai contacté des groupes transsexuels comme ASTT(e)Q. Nous avons tous été en communication pour essayer de comprendre les circonstances de la mort, mais nous n'avons pu obtenir aucun détail.

L'information entourant les décès est censée être rendue publique. La seule information que nous pouvons trouver sur le Web porte sur les décès attribuables à des causes naturelles, je crois, mais je doute que cette personne soit morte d'une cause naturelle. Il semble qu'elle ait perdu la vie parce que ses organes génitaux ont été enlevés, mais nous ignorons si elle s'est opérée elle-même, si c'était de l'automutilation, ou s'il s'agissait d'une attaque.

Cette affaire a été portée à mon attention et à celle de certains membres de la communauté transsexuelle il y a environ un mois ou deux. Depuis, nous n'avons pu trouver aucune information ni même confirmer qu'il y avait eu un décès ou une blessure grave. Ces renseignements provenaient de la prison Archambault et de notre milieu, mais nous n'avons rien entendu à ce propos.

M. Finley : Pour situer l'affaire dans son contexte, c'était une femme transsexuelle incarcérée dans un établissement fédéral pour hommes. La politique dit encore qu'un homme transsexuel qui n'a pas encore subi de chirurgie pour devenir une femme doit être détenu dans une prison pour hommes, et qu'une femme transsexuelle qui n'a pas encore subi de chirurgie pour devenir un homme doit être détenue dans une prison pour femmes. Pour pouvoir effectuer la transition dans le milieu carcéral, la personne doit obtenir un diagnostic de dysphorie sexuelle. Il y a ensuite des problèmes relatifs à la période d'attente, puis à l'obtention de la chirurgie. Il faut donc surmonter ces obstacles. Une personne transgenre doit obtenir le diagnostic et la chirurgie pour pouvoir changer de prison.

La sénatrice McPhedran : Avez-vous le nom de la personne qui vous préoccupe?

M. Callahan-St. John : Non. Nous venons de l'apprendre. Je suppose que des personnes qui étaient dans la prison l'ont dit à des gens de la communauté. J'ai beaucoup hésité à en parler aujourd'hui, mais après avoir passé environ deux mois à essayer sans succès de trouver l'information, en collaboration avec les groupes communautaires pour lesquels je travaille, j'ai décidé d'en parler.

Le président : Est-ce que l'affaire a fait l'objet d'une couverture médiatique?

M. Callahan-St. John : Non.

La sénatrice Pate : Je ne veux rien divulguer en raison de l'enquête en cours, mais je tiens à ce que vous sachiez que l'affaire fait l'objet d'une enquête.

M. Callahan-St. John : Bien.

La sénatrice Pate : Je dirais de rester en communication. Un des défis est souvent le suivant : si l'individu, après avoir subi des lésions importantes, ne veut pas que l'information soit divulguée, les renseignements ne seront pas diffusés. Il en va de même s'il y a un décès et que la famille ne veut pas divulguer l'information. Ne perdez pas cela de vue dans ce contexte.

M. Callahan-St. John : Bien.

La sénatrice Pate : Je ne sais pas si vous étiez ici lorsque j'ai demandé aux témoins précédents d'appliquer l'article 81 aux prisonniers transsexuels, une disposition qui permet aux gens de purger leur peine dans la collectivité, ainsi que l'article 84, qui permet aux gens d'obtenir une libération conditionnelle dans la collectivité. Je pense que vous avez partiellement répondu à la question, car compte tenu du manque de soutien à l'égard de la communauté transsexuelle en général, il serait difficile de demander d'aider la communauté.

Une des choses qui accompagnent l'article 81 est le financement, mais vous voudrez peut-être en discuter. Je serai ravie de parler des dispositions, soit par l'intermédiaire du comité ou distinctement. Je vous invite à le faire, parce que d'après mon expérience de l'époque où je travaillais dans le système, de nombreuses femmes transsexuelles voulaient être dans des prisons pour femmes, alors que la plupart des hommes transsexuels ne voulaient pas être dans des prisons pour hommes. Personne ne voulait être en isolement non plus, évidemment. J'ignore si vous avez ces renseignements ou si ce serait utile, mais dans l'affirmative, je serais heureuse de vous les remettre aussi.

Le président : Nous tenons à vous remercier infiniment d'avoir comparu. Je suis ravi que vous ayez su que nous étions ici. J'ignore comment vous l'avez appris, mais nous avons publié des communiqués pour aviser de notre présence.

Pendant les nombreuses années que j'ai passées au Sénat, j'ai appris que ces assemblées publiques sont des tribunes incroyables pour nous tenir informés. Il y a des groupes qui témoignent devant nous, mais au bout du compte, dans une assemblée publique comme celle-ci, l'information est toujours de la plus haute importance.

Comme je l'ai dit la semaine dernière en Ontario dans tous les établissements, nous sommes le Comité des droits de la personne, et tout le monde a des droits, peu importe de qui il s'agit. Qu'il s'agisse d'un détenu ou d'un citoyen libre, peu importe le genre et le reste, nous sommes tous des Canadiens et nous méritons d'être entendus et respectés.

Nous voulons vous remercier d'être venus.

(La séance est levée.)

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