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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 21 - Témoignages du 18 octobre 2017


OTTAWA, le mercredi 18 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui à 11 h 34, pour mener une étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je dis bonjour au grand public et à mes collègues du Sénat. Nous avons le quorum. D’autres sénateurs et témoins vont arriver, et la salle se remplira; c’est pourquoi nous allons commencer.

La sénatrice Ataullahjan, vice-présidente, arrivera bientôt. Elle assiste à une autre réunion. Je demanderais aux sénatrices ici présentes de se présenter, après quoi nous donnerons la parole aux témoins. Commençons par ma droite.

La sénatrice Eaton : Sénatrice Eaton, de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

La sénatrice Bernard : Sénatrice Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Jim Munson, de l’Ontario.

Nous poursuivons une étude d’actualité qui concerne les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

Je vous présente nos témoins d’aujourd’hui, Maxcine Telfer, directrice générale, et Aundre Green-Telfer, directeur général, Programmes et services ethnoculturels, de l’entreprise Audmax Inc.

Nous allons également bientôt accueillir deux autres témoins, Farley Flex, directeur et fondateur et Roderick Brereton, directeur et fondateur de l’entreprise Urban Rez Solutions.

Comme je l’ai déjà dit, d’autres sénateurs arriveront plus tard, mais nous commençons tout de suite. Qui voudrait commencer?

Aundre Green-Telfer, directeur général, Programmes et services ethnoculturels, Audmax Inc. : Je vais commencer. Merci beaucoup de nous avoir invités.

Je tiens tout d’abord à remercier les membres très estimés du Comité sénatorial permanent des droits de la personne de nous accorder de votre temps aujourd’hui et de nous avoir invités à participer à une discussion d’une si grande importance.

Premièrement, je vais nous présenter rapidement, Maxcine et moi. Nous formons l’équipe de direction d’Audmax Inc., dont le nom est composé de nos deux prénoms, Aundre et Maxcine. Nous offrons des services de consultation sur l’intégration des politiques culturelles, ce qui a attiré l’attention du programme du Service correctionnel du Canada, et c’est en raison du travail que nous effectuons dans le cadre de ce programme que nous sommes venus ici aujourd’hui pour témoigner.

En 2010, le Service correctionnel du Canada, le SCC, a demandé à notre entreprise d’offrir en son nom le programme ethnoculturel.

À partir de là et jusqu’en mars 2015, nous étions responsables au nom du SCC de la plus grande partie du processus décisionnel et des programmes visant les délinquants autres que les délinquants blancs et les délinquants autochtones, ou, si le SCC s’en occupait lui-même, c’est après nous avoir consultés comme il se doit. Nous avons été ainsi en mesure de rencontrer les détenus de l’Ontario et de voir à l’œuvre les efforts de réhabilitation et de réinsertion sociale déployés par le Service correctionnel du Canada.

Comme j’ai toute votre attention, je vais vous parler de l’expression « préjugés inconscients » et du fait que ces préjugés persistent, au sein du Service correctionnel du Canada, à l’égard des délinquants ethnoculturels, c’est-à-dire ceux qui ne sont ni de race blanche, ni d’origine autochtone. Vous comprendrez pourquoi il faut consacrer davantage de ressources aux interventions comme celles du programme ethnoculturel, pourquoi il faut élargir sa portée et celle de programmes du même type, pourquoi il faut l’étendre à d’autres régions et pourquoi il faut promouvoir davantage les droits des détenus ethnoculturels.

Pour en revenir à l’expression « préjugés inconscients », je l’ai choisie parce qu’elle reflète le fait qu’il ne s’agit pas de gestes délibérés du Service correctionnel du Canada, mais que le phénomène découle d’une absence générale d’intervention aux premiers jours de l’incarcération de ces délinquants.

La plupart des délinquants de race blanche sont des criminels en col blanc. La plupart d’entre eux sont scolarisés et font jusqu’à un certain point confiance aux systèmes en place, même les systèmes qui régissent les installations correctionnelles.

Les délinquants ethnoculturels — en particulier les délinquants de race noire — ont commis des crimes liés principalement à la drogue, aux armes, aux voies de fait, et ainsi de suite. Ils ne font pas confiance aux institutions et systèmes publics et ne savent pas comment s’y retrouver. Ils sont victimes de préjugés inconscients.

Je vais vous montrer comment cela se passe dans les faits dans ces établissements. Supposons que vous êtes un détenu sous responsabilité fédérale. Supposons que vous voulez organiser un événement quelconque et inviter les délinquants de votre établissement à manger, à apprendre ou à s’amuser. Comment est-ce que cela doit se passer à partir du moment où vous avez cette idée jusqu’au moment où l’événement aura lieu?

Premièrement, vous allez mettre sur pied une équipe composée de certains codétenus et de certains membres du personnel correctionnel qui vous aideront à planifier l’événement. Vous vous réunissez pour élaborer votre proposition dans un local ou un autre, avec la permission que vous avez obtenue du directeur.

Ensuite, vous élaborez votre proposition et la communiquez à la personne qui est, dans votre établissement, gestionnaire des programmes. Cette personne va transmettre la proposition au directeur adjoint, Interventions, qui la fera approuver par le directeur.

Ensuite, vous continuez à vous réunir pour faire le point sur les préparatifs, les suggestions et tout le reste, et vous modifiez au besoin votre proposition.

Ensuite, vous devez demander ou commander des services externes, par exemple, des repas, des haut-parleurs, des divertissements, des décorations et tout le reste. Puis vous examinez le local afin de savoir comment vous allez le décorer, comment vous allez vous y prendre pour préparer les repas et comment le spectacle sera organisé.

Enfin, les invités arrivent, mangent, apprennent et repartent le cœur content.

Mais que se passerait-il si vous deviez courir à gauche et à droite simplement pour rencontrer des codétenus et former votre équipe? Qu’arriverait-il si on vous mettait des bâtons dans les roues lorsque vous dites : « J’aimerais travailler avec celui-ci ou celui-là »? Que se passerait-il si vous n’obteniez jamais la permission d’utiliser une salle de réunion? Qu’arriverait-il si votre proposition n’était jamais transmise à qui de droit et qu’on ne vous donne aucune raison? Qu’arriverait-il si l’on vous refusait le droit d’organiser un événement que d’autres détenus ont régulièrement le droit d’organiser et qu’on vous donne pour cela une raison parfaitement insatisfaisante?

C’est ce qui arrive à de nombreux délinquants ethnoculturels, et c’est en raison des préjugés inconscients.

Mesdames et messieurs les sénateurs, ce sont des choses qui arrivent souvent, et je suis convaincu que vous êtes déjà au courant. Fait plus important encore, c’est un obstacle majeur à la confiance qui doit impérativement régner entre les délinquants et ceux qui sont chargés d’en faire des citoyens respectueux de la loi. Le problème de cet arrangement est évident. Des gens qui n’ont jamais fait confiance aux systèmes publics ou sociaux comme le système d’éducation ou le système juridique considèrent qu’il s’agit tout simplement d’un autre système gouvernemental auquel ils ne peuvent pas faire confiance ni témoigner de respect. Pour eux, la réhabilitation n’ira pas très loin.

Les problèmes ne s’arrêtent pas à la porte des établissements correctionnels. Lorsque notre entreprise, Audmax Inc., était responsable du programme ethnoculturel, la structure hiérarchique était claire, du moins pendant un certain temps. Les directeurs d’Audmax Inc., Maxcine et moi, et les principaux bénévoles relevaient d’un gestionnaire de projet qui au bout du compte a été nommé gestionnaire des programmes et services ethnoculturels, et ce gestionnaire et son équipe disposaient d’une autonomie adéquate par rapport à l’administration régionale du Service correctionnel du Canada en Ontario.

À la fin de la vie de ce programme, ces postes ont été intégrés au secteur des communications; la bureaucratie s’est alourdie, l’autorité et le pouvoir décisionnel se sont érodés. Mais, parmi les autres tâches du secteur des communications, les enjeux ethnoculturels n’ont pas la priorité, puisque le secteur est chargé par exemple des suites du décès d’Ashley Smith. Je ne veux surtout pas minimiser l’importance de l’affaire Ashley Smith, mais, au moment où le public se demande s’il doit faire confiance aux programmes du Service correctionnel du Canada, comment les décideurs du secteur des communications peuvent-ils accorder de l’importance aux enjeux ethnoculturels alors qu’ils nagent en plein cauchemar de relations publiques?

Ces enjeux méritent qu’on y affecte une équipe qui s’y consacrerait exclusivement sans être gênée par d’autres responsabilités. Les preuves de ce besoin sont claires. Pendant que le SCC apportait ces changements administratifs, les dossiers ethnoculturels n’ont pas obtenu l’attention qu’ils exigeaient, et aucune politique n’a été élaborée ni mise en œuvre par l’administration régionale. Les femmes noires de l’Établissement Grand Valley pour femmes, à Kitchener, se sont vu privées de quasiment tous les produits d’hygiène conçus spécifiquement pour les femmes noires, au point où elles avaient commencé à perdre leurs cheveux. Le cas est documenté.

Le magasin de l’Établissement Warkworth, par exemple, n’offrait aucun des produits dont les délinquants de race noire avaient pourtant désespérément besoin. Par exemple, ces détenus ne pouvaient pas obtenir un produit comme l’huile de l’arbre à thé, qu’ils utilisent pour régler le problème des poils incarnés, un problème qui se présente presque toujours directement après un rasage au rasoir manuel, que les détenus sont obligés d’utiliser dans les établissements correctionnels. De petits problèmes comme celui-là, s’ils ne sont pas réglés, peuvent se transformer en graves problèmes de santé, et il ne faut pas les prendre à la légère.

Audmax Inc. a décidé d’agir à l’échelon des établissements et de convaincre les directeurs et les directeurs adjoints de modifier les politiques, et nous avons attiré leur attention sur le fait que de petits changements peuvent avoir des effets énormes sur le comportement des délinquants concernés.

Audmax Inc. s’est donc donné le devoir de défendre les droits de ces délinquants pour que le Service correctionnel du Canada puisse espérer remplir son mandat, la réhabilitation des délinquants. Audmax Inc. s’est donné le devoir de collaborer avec CORCAN, l’organe privé du Service correctionnel du Canada, qui exploite ses installations dans tous les établissements.

Nous nous sommes donné la responsabilité de collaborer avec eux afin de renseigner les employeurs des collectivités ethniques au sujet des compétences que les délinquants étaient en train d’acquérir en travaillant dans les établissements du SCC en tant que plombier, technicien, soudeur, spécialiste de la conception assistée par ordinateur, dans d’autres professions très recherchées. Audmax Inc. s’est donné le devoir de travailler auprès des délinquants ethnoculturels qui occupaient ces postes afin de les renseigner sur des institutions comme l’Ordre des métiers de l’Ontario, ce qu’ils auraient déjà dû savoir, surtout s’ils occupaient des postes comme ceux de plombier, de soudeur, et cetera. Audmax Inc. a assumé la responsabilité de s’assurer que CORCAN tenait les registres de ces genres de métiers à jour et les communiquait à l’Ordre des métiers de l’Ontario.

Pour finir, Audmax Inc. a décidé d’expliquer aux délinquants comment devenir des éléments productifs dans une petite entreprise, étant donné qu’un bon nombre de ceux qui trouveront un emploi après leur sortie de prison ne travailleront pas dans une grande organisation. Lorsqu’ils trouvent un emploi, neuf fois sur dix, c’est dans une petite entreprise, par exemple un petit garage de mécanique à Etobicoke ou une entreprise de plomberie qui n’emploie en tout que quatre personnes, à North Bay.

Honorables membres du comité, je vous parle de ces enjeux parce que notre entreprise n’est plus titulaire du contrat du programme ethnoculturel. Nous n’avons plus le pouvoir ni les ressources nécessaires pour faire fonctionner ce programme, et, jusqu’ici, rien ne l’a remplacé.

Ensuite, ces enjeux ne sont pas propres à la région de l’Ontario. Tout le monde s’entend sur le fait que les mêmes obstacles se présentent dans les régions du Québec, de l’Atlantique, du Pacifique et des Prairies. Cette conclusion a été confirmée par le Comité consultatif national ethnoculturel, le CCNE, du Service correctionnel du Canada. Il y a aussi dans chaque région un CCRE, c’est-à-dire un comité consultatif régional ethnoculturel.

Le CCNE n’a cessé de recommander qu’un programme comme celui qu’offrait Audmax Inc. en Ontario soit étendu ou repris de manière autonome dans les autres régions. Il faut se poser une question: le Service correctionnel du Canada dispose d’un budget de 2,6 milliards de dollars, alors pourquoi consacre-t-il moins d’un centième de ses ressources opérationnelles à la mise en œuvre d’un programme ethnoculturel? Lorsque nous étions responsables de ce programme, de 2010 à 2015, nous avions droit à un millième de 1 p. 100 de ce budget; aujourd’hui, pas un sou n’est consacré à des programmes de ce type.

Il est évident qu’il faut proposer de nouvelles idées, de nouveaux processus et de nouveaux programmes. Le gouvernement en place et ses ministres doivent élaborer ces processus et programmes en tenant compte des préjugés inconscients et du manque de confiance qui a fini par les accompagner. On ne peut pas continuer à agir derrière des portes closes, ni à confier l’exécution d’un programme à une seule entité. Ottawa devra trouver le moyen de nouer des liens et de travailler avec des fournisseurs de services adaptés aux différentes cultures dans les villes, villages et collectivités de tout le pays, puisque, au moment où on se parle, les fournisseurs ayant la capacité d’avoir une incidence durable sont très rares.

Sur ces mots, je laisse la parole à Maxcine.

Maxcine Telfer, directrice générale, Audmax Inc. : Merci. Je vais parler de deux ou trois autres sujets. J’ai entre les mains une copie d’une lettre qui nous a été remise le 23 février 2015, dans le cadre de la célébration du Mois de l’histoire des Noirs. Cette lettre a été écrite par un délinquant, elle n’est pas de notre cru. C’est une copie approuvée. La lettre était adressée à M. Head, mais elle a été publiée dans le cadre de la célébration du Mois de l’histoire des Noirs, et c’est pourquoi nous en avons une copie: « Le racisme au SCC, y compris et en particulier à l’Établissement de Warkworth ».

L’homme en question, Frank Dorsey, écrit au nom de la population ethnoculturelle de tout le Canada, non pas seulement celle de l’Ontario. Il purge une peine d’emprisonnement à vie et a déjà passé 30 ans dans le système. On l’a trimballé dans toutes les régions du pays. J’ai quelques extraits de son exposé.

Avant de commencer, toutefois, j’aimerais ajouter un élément clé à ce que vous a dit Aundre: nous avons examiné la DC 767 avec la sénatrice Bernard. Elle s’intéresse à ce dossier depuis l’université. L’une des principales raisons pour lesquelles nous avons décidé de nous attacher à la DC 767… Je vous explique ce que ça veut dire. Il s’agit d’une directive du commissaire qui concerne les populations ethnoculturelles du Canada.

Malheureusement, en 2015, la DC 767 a été supprimée par la direction du Service correctionnel du Canada. Quand nous avons cherché à savoir pourquoi, on nous a répondu qu’on voulait la revoir. Nous nous y sommes donc intéressés.

En ce qui concerne le CCNE et le CCRE, nous avons décidé d’élaborer un exposé de principe pour qu’une place leur soit donnée et que, à tout le moins, la DC 767 soit mise en lumière.

Je vais donc maintenant lire des extraits du document « Le racisme au SCC, y compris et en particulier à l’Établissement Warkworth »:

Dans les établissements de l’Ontario, la récidive systémique commence par le bas et remonte petit à petit dans tous les établissements provinciaux et fédéraux. En même temps, le racisme systématique, en Ontario, commence dans les postes de police et dans les tribunaux. Des établissements provinciaux aux établissements fédéraux.

Le racisme est évident à toutes les étapes.

Le détenu affirme que Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada et enquêteur correctionnel, s’est penché sur la question, mais qu’il ne pouvait à lui seul faire le travail.

Un homme qui travaillait pour le SCC avait eu une idée et il l’a présentée à ses supérieurs; après, il s’est adressé à moi, puisque j’étais le commissaire aux sports, à Joyceville, à cette époque. Il m’a dit qu’il voulait mettre sur pied un comité distinct du comité des détenus et l’appeler le comité multiculturel.

Il affirme que l’idée a été balayée sous le tapis parce que le Service correctionnel du Canada — il a précisé qu’il s’agissait de la région de l’Ontario — n’en voyait pas le besoin. Les responsables ne voyaient pas pourquoi un comité multiculturel, dans ce contexte, serait nécessaire.

Il poursuit:

À mon avis, le racisme a empiré dans tous les établissements du SCC, mais comme je suis ici, je vais seulement parler de l’Établissement de Warkworth. À mon avis… le racisme ici est pire que jamais, il est présent partout dans l’établissement.

Je vais m’attacher à un autre aspect de ce qu’il écrit, qui est davantage pertinent pour nos arguments. Il ajoute:

Dans le monde, on voit davantage de bonnes pratiques pour les délinquants ethnoculturels, noirs, musulmans ou autres. Ici, à Warkworth, les bonnes pratiques s’effacent d’une année à l’autre.

On voit davantage de comportements antisociaux, dans les collectivités avoisinantes, en raison de la lutte. Le SCC doit embaucher davantage d’animateurs noirs [pour offrir les programmes et services ethnoculturels].

Il ajoute encore:

Je suis pour l’égalité pour tous, pas seulement pour une seule nationalité. Oubliez-moi, la vie m’a donné des chances, et je les ai laissées passer, mais aujourd’hui, je repense à l’époque où je suis arrivé ici en 1985, et je me dis que si j’avais eu accès à de bons programmes ethnoculturels, je ne serais peut-être plus ici 30 ans plus tard. Le SCC parque les jeunes Noirs, et les jeunes Noirs ne sont jamais placés dans les secteurs à sécurité minimale, à l’Établissement Warkworth. Les détenus noirs doivent aller à Bath ou à Fenbrook. C’est insensé. Les Blancs condamnés à perpétuité vont au camp de vacances.

Je ne sais pas si vous comprenez la signification de l’expression « camp de vacances »: elle s’applique aux établissements à sécurité minimale. Les détenus noirs doivent aller dans les établissements à sécurité maximale.

Je vais vous dire pourquoi le personnel du SCC est convaincu que la plupart des jeunes hommes noirs se promènent avec le fond de culotte à terre, qu’ils sont ignorants, écoutent de la musique à plein volume, aiment le rap, fument de la drogue, et que leurs mères sont souvent des enfants. Écoutez-moi bien; on écoute du rap à cause de la lutte et de la liberté d’expression. Le rap, ça nous ressemble, les fonds de culotte à terre, ça nous ressemble [c’est un reflet de notre culture]…

J’ai commencé à faire mon temps à Warkworth en 1985. Le SCC n’embauche jamais de Noirs comme gestionnaires correctionnels, directeurs ou directeurs adjoints. Il lui arrive de nous donner un os à ronger et d’embaucher un ALC noir. Depuis 1985, j’ai vu seulement un surveillant noir, M. Foster, et un directeur adjoint noir, M. Hypolite. La lutte, ça n’est pas seulement pour les détenus noirs et la minorité noire. Le racisme systémique existe aussi pour les Noirs dans le personnel et la direction.

Avant de continuer, je vais vous raconter une anecdote.

C’est son histoire. Comme je l’ai déjà dit, ce détenu a été placé dans tous les établissements.

J’étais à l’Établissement Frontenac, dans les années 1990, et j’étais à la cafétéria, une semaine, et les employés et les détenus mangeaient dans la même salle. Le personnel avait lancé une rumeur, à savoir que l’Établissement Frontenac allait avoir un directeur adjoint noir, d’origine africaine. Je voulais voir ça, je ne croyais pas que cela était possible. Donc, je suis assis à ma table, et un Africain entre. Il s’appelait M. Hypolite. Il avait la peau très foncée. Il s’est mis en file pour attendre son repas, et j’ai jeté un coup d’œil aux autres employés. Ils avaient tous la tête baissée parce qu’ils voulaient éviter un contact visuel avec lui, et ils ne lui ont pas fait de place à leur table.

Il a dit avoir compris que c’était du racisme. Étant donné cette déclaration, la situation générale, nous devons commencer à examiner cela. Nous devons commencer à enquêter. Nous devons commencer à créer une culture qui représente la culture de tous de tous les Canadiens.

Le président : Madame Telfer, il nous reste bien sûr une heure avec vous quatre, et nous aimerions bien que vous nous fassiez parvenir ces lettres, si c’est possible. Pourriez-vous conclure en quelques minutes, pour les prochains témoins? Je suis certain que les questions que nous vous poserons vous permettront de parler du fond du cœur et aussi de nous communiquer ce que vous savez.

Mme Telfer : D’accord, oui. Merci. J’ai presque terminé.

En somme, pour résumer cette lettre d’un détenu, une lettre parmi tant d’autres, sur le chemin, hier, nous avons reçu un appel de l’Établissement de Bath, au sujet d’un autre détenu canadien condamné à perpétuité. Nous n’avons pas pu l’aider, nous n’avons pas de contrat; donc, comme personne n’a de contrat, on nous appelle encore.

Essentiellement, pour résumer — je m’appuie sur ce qu’Aundre a déjà dit —, nous demandons que l’on examine ce qui se passe actuellement au sein du Service correctionnel du Canada, dans les établissements et à l’extérieur, dans les collectivités. Nous affirmons que c’est nécessaire.

Selon John Clark, qui a observé pendant 30 ans l’établissement de l’intérieur, nous devons commencer à envisager un changement. Nous devons commencer à intégrer tout le monde, la culture et la représentativité du Canada, pour faire ce changement. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup. Le fait de savoir qu’il y a un vide et que ce que vous avez fait tous les deux pendant cinq ans ne se fait plus est pertinent pour la question qui nous occupe. Nous allons devoir vous poser plus de questions quant aux raisons pour lesquelles ça s’est passé ainsi.

Nous accueillons des témoins d’Urban Rez Solutions. Merci d’être venus, messieurs. Nous accueillons Farley Flex, directeur et fondateur, et Roderick Brereton, directeur et fondateur. J’apprécierais que vous ne dépassiez pas cinq ou sept minutes, puisque, comme vous le savez, nous aimerions beaucoup vous poser des questions et avoir des réponses.

Roderick Brereton, directeur, fondateur, Urban Rez Solutions : Bonjour tout le monde. Merci de nous recevoir. Je suis directeur et fondateur d’Urban Rez Solutions, une entreprise axée sur la gestion des conflits et les changements sociaux, dont le siège social est situé à Toronto, en Ontario.

Nous sommes venus ici aujourd’hui pour vous parler du changement de culture dans les établissements, du travail fructueux que nous avons fait avec le Service correctionnel du Canada, et en particulier le groupe d’intervention contre les bandes criminalisées et les armes à feu de Toronto, pour les libérations conditionnelles, et aussi pour vous soumettre quelques recommandations de ce que nous considérons comme des pratiques exemplaires.

Farley Flex, directeur, fondateur, Urban Rez Solutions : Je suis le cofondateur d’Urban Rez Solutions. Je vais surtout parler de l’identité culturelle et du racisme systémique en montrant comment ces deux éléments sont essentiels quand on cherche à éradiquer l’inégalité et la disparité que nous observons, dans les établissements.

Il est important de comprendre que le racisme systémique est littéralement un tueur silencieux parce qu’il est inconnu des membres de la société dominante et en raison du manque de résilience de ceux que le racisme systémique victimise, tant dans le milieu carcéral que dans nos collectivités.

M. Brereton : Je vais vous parler aujourd’hui des programmes adaptés à la culture dont nous nous servons, encore une fois, avec les intervenants de ce domaine.

Il y a environ deux ans, nous avons reçu un coup de téléphone de l’Établissement de Collins Bay. C’est une coordonnatrice qui travaillait à cet endroit depuis 30 ans qui nous appelait. Elle s’apprêtait à partir à la retraite et s’occupe des programmes qui s’adressent à la population carcérale. Sa principale préoccupation, c’est que les programmes d’antan — ceux des années 1980 — ne sont plus pertinents aujourd’hui.

Si on parle de la mobilisation de la population carcérale, il faut savoir que le profil démographique a évidemment changé. Elle dit elle-même qu’il y a 30 ans, les détenus étaient principalement des Anglo-saxons qui avaient probablement été liés aux réseaux des motards et que certaines cellules étaient aussi occupées par des Canadiens des campagnes, avec qui elle assurait la coordination du programme. Elle disait par contre qu’aujourd’hui, tout cela est plutôt dépassé. Elle voit des « membres de groupes criminalisés » des centres-villes de l’Ontario, du Québec et d’ailleurs, dans les populations auxquelles elle doit maintenant offrir des programmes, et elle ne sait pas du tout comment mobiliser les détenus.

Elle nous a dit que son travail au sein des établissements était en fait devenu plus dangereux, parce que les gens ne sont pas capables de se mobiliser. Par exemple, elle pourrait avoir parlé d’aller passer du temps dans les bois, au chalet. Les détenus qui viennent de ces milieux sont nombreux à n’avoir aucune idée de ce à quoi peut ressembler un chalet.

Elle cherchait de l’aide, elle voulait trouver et élaborer des programmes pertinents, et c’est pour cette raison qu’elle nous a appelés.

Elle avait présenté sa demande à ses supérieurs, et nous attendons toujours une réponse, quelle qu’elle soit.

Encore une fois, si l’on veut que les établissements soient plus sûrs, il faut que les gens soient mobilisés, tout le monde le sait, il faut que les gens sachent qu’ils ont tous un rôle à jouer, et c’est par ce biais qu’on peut les mobiliser. Nous avons correspondu, et nous avons bien sûr donné quelques conseils et souligné certaines choses, mais, en ce qui concerne le racisme systémique qui existe au Canada, à l’insu souvent des gens au pouvoir, les décideurs, les changements doivent aujourd’hui être amorcés par le haut, ils doivent viser la sécurité des collectivités, la sécurité des détenus et la sécurité des gens qui travaillent dans les établissements.

Je vais brièvement parler de notre expérience du travail avec le Service correctionnel du Canada, c’est-à-dire le groupe d’intervention contre les bandes criminalisées et les armes à feu de Toronto. Nous offrons beaucoup de programmes communautaires ciblant les individus « à risque élevé », et nous avons constaté que, quand la pertinence était au rendez-vous, quand ces gens pouvaient faire profiter les autres de leur expertise, il était évidemment bien plus probable qu’ils puissent vraiment réussir leur réinsertion sociale en misant sur leurs forces.

Nous examinons leurs compétences, leurs intérêts et leurs traits de personnalité, puis nous pouvons aider ces personnes à trouver leur « vocation », ou des points de rencontre entre ces éléments, afin qu’elles puissent participer de façon significative au sein de la société. Évidemment, un accompagnement important est offert, car l’institutionnalisation marginalise encore plus les gens. Toutefois, du point de vue de la réinsertion sociale, nous avons constaté que le fait de leur permettre d’apporter leur expertise et d’en tirer profit est très bénéfique pour tous les éléments de la société.

Ce faisant, nous avons travaillé auprès de plusieurs délinquants. Jusqu’ici, les délinquants, sans égard à la période qu’ils ont passée avec nous, ne sont pas retournés dans les établissements. Le taux de récidive est très faible à cet égard. Encore une fois, en ce qui concerne le fait de les rendre capables de contribuer, nous estimons que c’est très bénéfique. Encore là, il y a de nouveaux ensembles de compétences, et de nouvelles valeurs et règles d’éthique qu’ils n’ont souvent pas acquis dans les établissements et qu’ils appliquent maintenant au sein de la collectivité.

Nous estimons que l’instauration de ces mesures dans les établissements, même dans le cadre de la planification de la transition ou de je ne sais quoi... Si cela peut se produire, la probabilité — encore une fois — que les gens soient capables d’acquérir, de retenir ainsi que de mettre en pratique ces apprentissages au moment où ils retourneront dans la collectivité est une bien meilleure idée; ainsi, nous ne ferons pas que continuer de recycler des détenus ou de perpétuer le phénomène de la porte tournante.

Une dernière chose avant que je cède la parole à Farley : les gens qui passent plusieurs années dans les établissements sont d’excellents porte-parole qui peuvent aider les personnes sur le point de prendre de mauvaises décisions et je ne sais quoi, surtout si on leur demande de parler aux jeunes, surtout, ce qui leur permettra d’entendre ce qu’est vraiment l’institutionnalisation. Il y a des malentendus et des idées fausses, dans la rue, relativement à l’institutionnalisation. De telles mesures sont très bénéfiques.

Même si les délinquants n’ont pas trouvé de vocation, de carrière ou de domaine qui leur convient, le fait de parler aux gens est l’une des choses qui, encore une fois, présentent divers avantages liés au fait de dissuader des personnes qui pourraient songer à l’adoption d’un certain mode de vie.

M. Flex : J’aimerais commencer mon exposé en m’assurant que vous comprenez que nous faisons tout notre travail en adoptant ce que nous appelons le « point de vue de la culture populaire ». La culture populaire et le fait de passer de nombreuses années dans l’industrie du divertissement permettent d’en savoir plus sur les différents aspects du racisme systémique que monsieur et madame tout le monde.

Quand nous regardons les établissements et comprenons l’incidence du racisme systémique, qui se distingue tout à fait du racisme anti Noirs, nous devons comprendre que la formation dont parle Roderick et la sensibilisation sont les aspects cruciaux de la façon dont nous réglerons le problème. La plupart des gens qui prennent part au racisme systémique ne sont même pas conscients qu’ils le font. La sensibilisation devient vraiment la première étape de l’atténuation du problème. Nous devons nous assurer que les gens sont conscients du fait qu’ils contribuent au racisme systémique par leurs comportements normaux. Tant que les responsables des établissements et des enjeux que nous abordons ne seront pas conscients de cela, qu’on ne leur en fera pas prendre conscience, qu’ils ne seront pas formés et qu’on n’aura pas contré le lavage de cerveau qu’ils ont subi, littéralement, afin qu’ils comprennent ce que signifient vraiment l’équité et la justice, et ainsi de suite, il sera futile d’aborder la question et de parcourir la liste des problèmes pour prétendre que nous les réglons, car, en fait, cela commence par le système en tant que tel.

Ensuite, du bas vers le haut, les personnes qui sont victimisées par le racisme systémique... Le problème général et le besoin, de notre point de vue, tiennent à l’établissement d’une identité culturelle. Pour ceux d’entre vous qui connaissent l’histoire des gens de descendance africaine, j’en présenterai une version la plus abrégée possible. Quand nous parlons du Passage du milieu ou de la transition géographique de la traite des esclaves de l’Atlantique jusqu’à l’hémisphère occidental, nous devons comprendre que seul le tiers de nos ancêtres sont sortis vivants de cette traversée. Alors, le message que nous devons envoyer à nos jeunes et aux personnes qui risquent d’avoir des démêlés avec le système de justice pénale doit porter sur leur patrimoine génétique exceptionnel et sur le renforcement du sentiment de confiance qu’ils ont à l’égard de la société où ils sont perçus comme étant minoritaires.

Je suis en train de lire un excellent livre qui s’intitule The Triple Package et qui désigne trois facteurs comme ayant contribué à l’essor et au déclin des communautés d’immigrants. Premièrement, il faut reconnaître qu’elles font effectivement l’objet de préjugés; deuxièmement, elles doivent avoir un sentiment de supériorité en ce qui a trait aux personnes qui ont des préjugés contre elles. C’est non pas d’un point de vue raciste, mais du point de vue de la confiance, de l’estime de soi, et cetera. De nombreuses communautés d’immigrants affichent ces caractéristiques.

La troisième chose, et la plus importante — bien franchement — ou, du moins, d’importance égale, c’est le sentiment de gratification différée. Quand on vient d’un milieu pauvre, la gratification différée est difficile à mettre en œuvre dans son mode de vie. Quand on est marginalisé, cette gratification est également difficile à trouver. Si nous ajoutons cela à ce qui se passe relativement à la technologie, nous constatons qu’en réalité la technologie envoie le message selon lequel il faut tout avoir maintenant.

Si nous n’examinons pas la vraie cause fondamentale des problèmes, c’est-à-dire le racisme systémique, tout ce qui a été mentionné par nos collègues ici présents du point de vue des inégalités que nous observons dans les établissements… les gens qui gèrent ces situations ne sont peut-être pas conscients de leurs actes, dans bien des cas. Souvent, toutefois, ils le sont. La séparation physique et les inégalités physiques sont une chose, mais la propension mentale au racisme, quand on n’est pas conscient de ses actes, constitue un énorme problème.

Nous ne pourrons rien régler de la liste de qui que ce soit avant que les personnes responsables des établissements soient ouvertes et honnêtes et qu’elles reconnaissent, surtout du point de vue des RH, comment nous contrôlons les gens qui travaillent dans nos établissements. Que savons-nous de leurs tendances racistes, conscientes ou non?

Il importe que nous examinions la situation du point de vue de l’équité et de l’équilibre. Pour que la population soit un juste reflet des détenus incarcérés, elle doit aussi l’être au chapitre des gens qui gèrent et qui fournissent des services aux détenus.

M. Brereton : Pour rejoindre les propos que tenait Farley, j’ajouterai que les gens doivent voir ce qui se produit par la suite. Lorsque les personnes sont incarcérées et institutionnalisées, au moment de leur libération, s’il n’y a pas eu de véritable intervention, cela devient la culture dans la rue. Nous n’avons pas besoin de regarder très loin, chez nos voisins américains, pour voir comment la culture carcérale, une culture négative et antisociale, a intégré la société dans les villes.

En tant que Canadiens, nous avons bien sûr la responsabilité d’apporter des changements positifs à l’échelon du système et de donner l’exemple au monde quant à la façon de bien faire les choses. Je pense que nous pouvons encore faire cela. Chaque jour est un jour nouveau, et le temps file, mais nous devons assurément adopter une position afin d’apporter un véritable changement.

Nous devons également étudier notre histoire. Elle n’a pas été toute rose, mais nous devons assurément reconnaître là où nous avons commis des erreurs ou nous sommes trompés et apporter des changements pour corriger la situation.

Le président : Je voudrais commencer la période de questions, à moins que, monsieur Flex, vous ayez un dernier argument à formuler.

M. Flex : Ça va.

La sénatrice Eaton : Monsieur Flex, j’ai été très impressionnée par les propos que vous avez tenus, selon lesquels vous ne tentez pas de créer des victimes. Vous voulez leur instiller la confiance et les renforcer.

Mes premières questions s’adressent aux Telfer. Pourriez-vous nous donner de bons exemples de certains programmes ethnoculturels que vous avez mis en œuvre dans des prisons et qui ont été fructueux?

M. Green-Telfer : Pour vous donner une petite leçon d’histoire, au départ, ce que nous devions faire, c’était aider à combler le fossé entre la direction et les délinquants d’origine ethnoculturelle. Nous avions donc pour tâche de fournir des gens qui pouvaient parler la langue d’un délinquant qui se présentait devant la Commission des libérations conditionnelles, afin que le délinquant en question comprenne ce qui lui arrivait — ce qui est son droit —, devant tout comité judiciaire comme celui-là.

En outre, selon le contrat initial, nous devions nous rendre dans chacun des 13 établissements de l’Ontario, à ce moment-là, et offrir ce que nous appelions des ateliers sur la diversité et l’inclusion. Ces ateliers ont été présentés aux délinquants, aux agents et aux membres du personnel des établissements, et ainsi de suite.

Cela dit, le succès que nous avons connu grâce à certains de ces programmes et à des volets du programme de visite que nous devions également offrir au titre de ce contrat… Nous avons élaboré des propositions pour dire: « Certains de vos problèmes sont causés par le fait que l’information dont ont besoin les délinquants ne se rend pas à destination. » Prenez, par exemple, un délinquant qui est admissible à la libération conditionnelle et qui, bien entendu, veut sortir et retourner auprès de sa famille. Le problème que pose cette situation tient au fait qu’il faut dresser un plan de mise en liberté que la Commission des libérations conditionnelles acceptera. J’en ai parlé dans mon discours initial.

En grande partie, cela signifie qu’il faut savoir ce qu’on va faire si on veut fréquenter un établissement d’enseignement postsecondaire, ou bien ce qu’il faut faire si on prévoit devenir une personne de métier. Cette information n’était pas vraiment très bien transmise à la population ethnoculturelle.

Pour répondre à votre question, sénatrice, l’un des programmes les plus fructueux que nous avons menés s’appelait l’Education and Trades Workshop — l’atelier sur l’éducation et les métiers —, dans le cadre duquel je me rendais dans chacun des établissements. Je m’occupais des établissements pour hommes. Toute question concernant les établissements pour femmes devra être adressée à Maxcine.

Je me rendais dans les établissements, et je disais aux détenus: « Si vous prévoyez recevoir tout type de formation postsecondaire, voici comment vous devez présenter une demande d’inscription, et voici comment vous devez procéder pour obtenir de l’aide financière. » J’apportais beaucoup de documents. J’ai travaillé avec les services des admissions de beaucoup de collèges et d’universités. Ils m’envoyaient de l’information que je pouvais ensuite m’assurer de mettre à la disposition des délinquants, là-bas.

L’autre, c’est le programme de préparation relatif aux petites entreprises qui a été instauré. Il n’y avait pas que des délinquants d’origine ethnoculturelle qui y participaient. Il répondait à leurs besoins, mais ce n’était pas que des non-Blancs, non-Autochtones. Beaucoup de délinquants blancs et autochtones y ont participé. On offrait le programme afin de dire: « Voici comment on fait la transition pour appliquer certaines compétences que vous avez acquises dans l’établissement sur le lieu de travail », et ainsi de suite.

Dans le cadre du programme, il s’agit de certains des services les plus utiles que nous avons fournis.

La sénatrice Eaton : Je pense que vous avez affirmé dans votre déclaration qu’une grande part de la population carcérale noire était détenue en raison de la drogue.

M. Green-Telfer : Beaucoup d’entre eux sont détenus pour des infractions liées à la drogue et aux armes à feu, ou pour des agressions.

La sénatrice Eaton : Offrez-vous des programmes pour les aider s’ils ont une dépendance? Comptez-vous des programmes antidrogue qui sont spécialisés pour la population noire?

Mme Telfer : Tout d’abord, le Service correctionnel du Canada possède ses programmes correctionnels. Dans tous ses établissements du Canada, il offre le volet correctionnel afin de corriger cet élément, c’est-à-dire la drogue et tous les autres aspects.

Notre volet concernant la diversité ethnoculturelle visait vraiment à compléter ce que le service correctionnel a à offrir. Nous avons dressé ce qu’on appelait une liste d’épicerie. Elle comprenait les 12 établissements, en 2012, et visait à découvrir quels étaient les besoins. La liste d’épicerie englobait l’ensemble des délinquants, des directeurs d’établissement et des gestionnaires. Une fois que nous découvrions quels étaient les besoins, nous mettions en œuvre des solutions afin de les combler.

Ce que nous avons constaté, c’était que l’équipe responsable de la gestion… Et, encore une fois, j’affirme qu’il s’agit d’une excellente équipe de gestion, mais, comme Farley vient tout juste de le dire, ainsi qu’Aundre dans son exposé, le volet relatif aux préjugés inconscients contre les minorités ethnoculturelles est manquant, et les membres de cette équipe en sont conscients. Alors, nous avons dû intervenir et élaborer des programmes et des services dans le cadre desquels nous avons formé les agents de libération conditionnelle, les directeurs d’établissement et les gestionnaires qui ont participé au programme sur la diversité, l’équité et l’inclusion.

Un autre volet de ce que nous faisions, c’est que, tous les mois, nous envoyions des rapports. Aux trois mois, nous rencontrions les gestionnaires régionaux. Une fois par année, nous produisions notre rapport, qui contenait des recommandations. En nous fondant sur ces recommandations, nous avons créé des politiques.

L’une des politiques s’appelait Behind the Ethnocultural Door et il s’agissait d’une politique de sensibilisation visant à mobiliser les travailleurs afin qu’ils comprennent mieux ce que veut dire le fait de siffler et de ne pas être renvoyé à un échelon supérieur et même le fait de gesticuler et de ne pas être renvoyé à un échelon supérieur, car, une fois qu’ils font cela, une fois qu’ils comparaissent devant leur agent de libération conditionnelle, ce sont les choses qui se produisent habituellement

Dans un autre contexte, nous avions Chris Mangan, à l’époque. Elle nous avait donné le feu vert pour que nous élargissions le contrat. Il l’a été dans le contexte où nous avions la série du consul général. Pourquoi? Parce que nous travaillons avec les services frontaliers, avec les gens de l’immigration ainsi qu’avec le gouvernement provincial de l’Ontario, une fois que les délinquants passent de la responsabilité fédérale à celle de l’Ontario à des fins d’expulsion.

Ce que nous avons constaté, c’est que, quand nous téléphonions pour préparer le personnel à une expulsion, le consul général ne savait pas de quoi nous parlions. En fait, nous devons applaudir Chris Mangan et le Service correctionnel du Canada d’avoir changé le système des établissements pour femmes, à l’époque, de manière à leur permettre de revenir. Alors, les femmes sont expulsées, et, bien souvent, elles reviennent. Cela n’aurait pas pu arriver, parce qu’à ce moment-là, ce que nous devions faire, c’était communiquer avec chaque pays pour accepter la personne expulsée. En l’acceptant, nous devions également communiquer avec les responsables du pays eux-mêmes afin de leur dire voici les nouveaux changements. Lorsque nous faisions la série du consul général, un député se présentait à certains des événements que nous tenions.

Je pourrais continuer encore et encore.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup. Mes collègues voudraient poser des questions.

La sénatrice Bernard : Je ne vais poser qu’une question pour l’instant. Merci à tous de votre exposé et de nous parler précisément des délinquantes et délinquants noirs, car il s’agit d’une partie importante de notre travail.

Si vous le pouviez, je voudrais que vous abordiez un peu les volets de financement et les renseignements ou les connaissances que vous pourriez avoir concernant la raison pour laquelle les programmes fructueux ne continuent pas d’être financés.

Mme Telfer : Je vais répondre à cette question. Je dispose de deux minutes, et je vais tenter de le faire dans cette période. Tout d’abord, notre compréhension du volet de financement est fondée sur notre travail auprès de Citoyenneté et Immigration Canada et de tous les autres organismes. Ce qui arrive, à cet égard, c’est que, quand on fait la proposition, l’argent est accordé. Si on n’a pas les chiffres, le financement est retiré. C’est dans le cas de Citoyenneté et Immigration et de tous les autres. De notre point de vue, nous avons remporté le contrat contre 20 personnes qui avaient présenté une demande au titre du volet de financement du Service correctionnel du Canada.

C’était pour trois ans. Nous touchions 11 000 $ par mois, mais nous avions une quantité astronomique de travail parce que notre passion est de vraiment réinsérer ces citoyens dans la société. Nous les appelons les citoyens de retour — nous ne voulions pas les appeler des prisonniers — parce que nous croyons que l’habilitation est plus appropriée que la négativité dans ce contexte.

Dans cette optique, le travail que nous faisions était extraordinaire, mais nous étions payés une petite somme pour le faire. Ce contrat a été étendu à cinq ans à la lumière de notre rendement. Alors, concernant la question que vous avez posée en ce qui a trait au financement, il s’agit vraiment du peu d’information que je peux vous donner.

En outre, nous avons demandé plus de financement, ou plus d’argent, et on nous a dit que le Service correctionnel du Canada ne disposait pas des fonds nécessaires.

La sénatrice Bernard : Simplement pour m’assurer que je comprends clairement, y a-t-il eu une autre occasion de présenter une demande, ou bien cette cagnotte a-t-elle été discontinuée? Vous avez dit que vous aviez présenté une demande.

M. Green-Telfer : Quand le programme initial, mené de 2010 à 2015, a approché la fin de son cycle, comme l’a déclaré Maxcine, tout au long de sa durée de vie, nous avions demandé plus de ressources. Je devrais dire que les réductions budgétaires qui avaient cours durant cette période sont l’une des raisons les plus importantes pour lesquelles nous n’avons pas obtenu plus de ressources ou pour lesquelles il n’y a aucun programme. Je me rappelle très bien que, quand nous lui avons posé la question, le sous-commissaire a déclaré: « Nous aimons vraiment votre programme, réellement », mais, à ce moment-là — en 2013 ou 2014 —, Sécurité publique avait demandé au Service correctionnel de rembourser 300 millions de dollars du budget précédent. Il allait recevoir 300 millions de dollars de moins dans le prochain budget. Pour répondre à votre question, c’était l’un des obstacles importants. C’était probablement l’une des raisons les plus importantes.

La deuxième raison en importance, et je veux être prudent dans ma façon d’exprimer ceci, c’est… Je ne veux pas dire un manque d’intérêt. Je ne veux pas vraiment utiliser une expression aussi dure, mais l’intérêt à l’égard de la prestation de certains de ces programmes était absent. Les recommandations étaient lourdes. Celles qui avaient été adressées au commissaire provenaient de ses conseillers: le Comité consultatif national ethnoculturel, le Comité consultatif régional ethnoculturel et le Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui a découvert l’existence de notre programme, et je pense que le titulaire actuel de ce poste est Ivan Zinger. Nous l’avons rencontré plusieurs fois, et il a formulé des recommandations, mais ce n’est allé nulle part.

La dernière chose que je dirai en réponse à votre question, sénatrice, c’est que nous avons obtenu certaines directives du ministre Goodale. Nous lui avions envoyé la proposition, ce que nous proposions de faire. Avec l’appui du Comité consultatif national ethnoculturel, nous avons proposé d’étendre ce programme ethnoculturel, d’ajouter d’autres ressources pour sa prestation en Ontario afin de miser sur notre succès là-bas et de le mettre en place dans les régions de l’Atlantique, du Québec et du Pacifique. Quand c’est venu aux oreilles du ministre Goodale, il nous a informés du fait que nous devions parler à Scott Harris.

Quand le projet lui a été présenté, M. Harris, conscient de bon nombre des réductions budgétaires qui avaient eu lieu, nous a demandé continuellement de réduire la portée de ces programmes. Alors, au départ, ce que nous avions proposé, c’était un programme complet qui aurait été offert à l’échelle du Canada. La rétroaction que nous avons reçue nous enjoignait de nous concentrer uniquement sur une partie de la région de Toronto, disons Scarborough, North York ou Etobicoke. Voilà la réponse que nous recevions en ce qui concerne ce programme. À ce jour, rien n’a encore pleinement remplacé notre programme à l’intérieur des établissements. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Bernard : Oui, merci. Si vous avez une recommandation particulière à nous adresser, que vous voudriez que nous prenions en considération, veuillez le faire.

Le président : J’allais dire que ce n’est pas une question d’argent. Il est question de la vie de personnes qui sont incarcérées. Ce vide est là, et nous ne faisons que parler d’argent. Je terminerai là-dessus. Cela n’arrive pas dans d’autres provinces. Vous avez abordé des cas humains dont on devrait tenir compte chaque jour. En tant que président du comité, je ne prends habituellement pas la parole, mais je suis choqué de voir que c’est arrivé. On n’aurait pas dû permettre à cela d’arriver, lorsqu’il est question d’argent et de gens.

La sénatrice Pate : Je voulais simplement clarifier le fait que l’initiative du PARD a été menée au moment où votre contrat a été réduit. Je veux le clarifier pour le compte rendu.

M. Green-Telfer : C’était presque toutes les années où le programme relatif au déficit était mis en œuvre. À la fin de 2013, après que les trois premières années se sont écoulées, le gestionnaire du programme et des services ethnoculturels a vraiment dû se battre. Le Service correctionnel était prêt à sabrer dans le programme à la fin de la durée de vie initiale prévue dans le contrat et à ne pas donner suite aux deux années d’option qui avaient été prévues dans le contrat initial. Il était prêt à le sabrer. C’était grâce à l’effort du gestionnaire des programmes et services ethnoculturels qui, à l’époque, était Blair Donovan; il travaille encore pour le Service correctionnel du Canada, mais il occupe maintenant un autre poste. Certains des gestionnaires précédents ont dû intervenir et dire: « Si vous retirez ce programme, il y aura de réelles conséquences. »

La sénatrice Pate : J’essaie simplement de clarifier la question pour le compte rendu. C’est le PARD qui a causé la réduction, puis, dois-je comprendre qu’on vous a ensuite dit de vous adresser à chaque sous-commissaire régional? N’y avait-il pas un commissaire national?

Mme Telfer : Après trois ans, nous avons recommandé que le programme soit étendu. Nous envisagions de l’offrir à l’échelle du Canada, car le comité national — le CCNE — et les comités régionaux s’étaient rassemblés et avaient donné leur consentement. Nous avons créé des solutions cibles, en appliquant des pratiques exemplaires en Ontario. Alors, c’est dans l’ensemble du Canada, actuellement, car tout le monde attend que ce soit offert à cette échelle. Voilà ma réponse.

Après trois ans, le gestionnaire régional ethnoculturel a dû négocier avec le commissaire afin d’étendre le programme. Ainsi, en 2015, il a soumis des propositions à l’échelle du Canada, car le Comité consultatif national ethnoculturel avait recommandé que nous l’offrions à l’échelle du pays. Nous attendons.

La sénatrice Omidvar : Je veux passer à un autre genre de question. Vous avez tous longuement parlé de l’expérience des détenus noirs. Pouvez-vous nous aider à comprendre plus directement l’expérience des femmes noires dans les prisons? Quelles interventions se sont avérées fructueuses pour ce qui est de leur procurer, disons, un emploi dans la prison ou de les faire participer à des programmes communautaires qui les aident à réintégrer la société? Qu’avez-vous observé? Je pose la question à vous tous, car nous nous intéressons à la population carcérale en général, mais je pense que nous sommes nombreux à nous intéresser précisément à l’expérience des femmes dans ces prisons et à ce que nous pouvons faire pour améliorer cette situation.

M. Brereton : D’après notre expérience, lorsque les femmes sont mises en liberté, la formation que les prisons offrent est très limitée. Elle ne permet pas d’acquérir des ensembles de compétences, d’apprendre un autre métier ou je ne sais quoi au moyen d’une expérience pratique. De fait, beaucoup de femmes noires qui sont libérées finissent par recevoir des services sociaux. Compte tenu des accusations et des condamnations associées à leur nom et du projet de loi exigeant que vous divulguiez le fait que vous avez été reconnu coupable d’une infraction, la probabilité d’emploi est très faible au moment de la mise en liberté.

En outre, beaucoup de femmes noires ont des enfants au moment où elles sont institutionnalisées. Évidemment, il y a un manque sur le plan de leur participation en tant que parent, ainsi qu’un rattrapage qui doit avoir lieu.

Les taux d’emploi chez les femmes noires qui ont été institutionnalisées sont très faibles.

Mme Telfer : En ce qui concerne l’Établissement Grand Valley, nous y sommes allés. En ce qui a trait à la dimension du genre, je vais vous donner une explication indirecte. Nous avons travaillé sur de nombreuses politiques au fil des ans. Nous avons travaillé sur des politiques d’immigration et tout le reste. Cela touche l’immigration et l’expulsion.

Voici ce que nous faisons à l’Établissement Grand Valley. Cet établissement se spécialise dans la couture de couvertures pour le MDN, c’est-à-dire la Défense nationale. Je ne sais pas si tout le monde le sait. Il y a là un système de couture qui fonctionne en collaboration avec CORCAN. Quand nous sommes intervenus, nous avons permis aux détenues d’accéder au système de couture. Il y a également le salon de coiffure dont elles sont censées faire partie.

Malheureusement, après les recommandations, elles n’en ont pas fait partie en raison du type de cheveux et aussi à cause des formateurs. On étudiait davantage les cheveux de Blanches, alors les femmes noires n’avaient pas la permission d’entrer.

Vous devez vous rappeler que nous n’avons pas que des revendeurs de drogues; nous avons des médecins, des avocates et tous les types de femmes. Nous offrons également des services correctionnels communautaires. Nous avons tenu de nombreuses conférences. L’une d’entre elles s’intitulait « Removing the Stigma » et s’adressait aux organismes sans but lucratif de façon à les rejoindre. Dans le cadre de ces conférences, les employeurs savent que diverses délinquantes seront libérées. Certaines d’entre elles étaient prêtes et disposées à travailler et capables de le faire. Elles avaient suivi une formation en service à la clientèle dans des domaines comme les services alimentaires et sur ce qu’on peut faire quand on sort de prison.

On utilisait cette approche avant leur sortie des établissements.

Cependant, il y a toujours le décalage lié au fait que celles qui n’ont reçu aucune forme d’éducation éprouvent encore des difficultés.

La sénatrice Omidvar : Pouvez-vous me dire dans quelle mesure les détenus noirs, hommes ou femmes, peuvent terminer leurs études secondaires pendant qu’ils sont en prison? Connaissez-vous des programmes et des services?

Mme Telfer : Cette question s’adresse-t-elle à nous?

La sénatrice Omidvar : À tout le monde.

M. Brereton : Selon notre expérience, beaucoup de détenus terminent leurs études secondaires ou obtiennent leur FG en prison. C’est une bonne chose lorsqu’ils terminent ces études, car elles augmentent leur valeur sur le marché du travail et les préparent aux études postsecondaires, mais, dans le grand ordre des choses, ils ne devraient pas avoir à aller en prison pour faire leurs études secondaires, et cela montre que, dans le cadre de leur vie quotidienne, avant qu’ils soient institutionnalisés, la structure de l’éducation était absente, ou bien il y avait d’autres éléments systémiques qui faisaient en sorte qu’il était plus difficile pour les Noirs de terminer ces études rudimentaires.

M. Green-Telfer : Pour ajouter à ce que disait M. Brereton, le fait de terminer ses études secondaires est une chose, tout comme le fait de subir l’épreuve d’équivalence et de faire cela. Mais le fait de suivre les cours qui peuvent vous permettre de faire des études postsecondaires ou d’exercer un métier en est une autre.

Pour répondre à votre question, ce n’est pas le fait qu’ils ne peuvent pas terminer leurs études secondaires en établissement. Ils le peuvent, et on leur donne les ressources nécessaires pour le faire. Toutefois, ils n’ont pas d’orientation en ce qui a trait aux cours qu’ils ont besoin de suivre.

Pour vous donner un exemple, beaucoup de ceux qui ont assisté à mes ateliers portant sur les petites entreprises et sur l’éducation sont arrivés en voulant devenir électriciens. Beaucoup d’entre eux disaient: « J’ai obtenu mon diplôme de secondaire. » La question que je leur posais était la suivante: « Premièrement, savez-vous ce qu’est l’Ordre des métiers de l’Ontario? » Ils ne le savaient pas, et il y avait une raison à cela: beaucoup d’entre eux avaient été incarcérés avant l’instauration de l’Ordre des métiers de l’Ontario. Autrefois, il était sous l’égide du ministère de la Formation et des Collèges et Universités. L’Ordre des métiers de l’Ontario relève encore de ce ministère, mais son organisation est différente.

Alors, l’information qui est donnée à ceux qui veulent exercer un métier est lacunaire. Le problème tient à l’orientation.

Revenons aux gens qui voulaient devenir électriciens. La première question que je leur posais visait à savoir s’ils connaissaient le syndicat des électriciens. La moitié répondait par l’affirmative, l’autre par la négative. Dans le cas des gens qui répondaient par l’affirmative, je leur posais la question suivante: « Savez-vous quels cours d’études secondaires l’ordre va exiger? Les responsables vont regarder votre relevé de notes et vous dire qu’il vous manque un cours d’études secondaires. Savez-vous de quel cours il s’agit? »

Dans mon discours d’introduction, je vous ai dit que c’était devenu la tâche d’Audmax Inc. que de fournir cette information.

Durant mes ateliers sur l’éducation et les métiers, je les informais du fait que, s’ils voulaient devenir électriciens et faire partie du syndicat, ils devaient suivre le cours de physique préparatoire à l’université de 11année, car le syndicat l’exige.

La question ne consiste pas simplement à déterminer s’ils peuvent terminer leurs études secondaires; il s’agit de savoir, au moment où ils terminent leurs études secondaires, ce qu’ils peuvent faire grâce à ce diplôme. La plupart d’entre eux n’ont pas suivi les cours de mathématiques ou les cours préalables nécessaires pour exercer un métier ou pour suivre une formation postsecondaire au niveau universitaire.

Mme Telfer : Dans ce contexte, je voudrais ajouter que l’ALS est un défi. On a recommandé au Service correctionnel du Canada de se pencher sur l’ALS pour les détenus noirs et parlant d’autres langues. Il y a des détenus noirs qui viennent de pays hispanophones.

Donovan Blair avait communiqué avec un spécialiste de l’ALS. La recherche est là, mais, malheureusement, en raison des réductions dont le programme a fait l’objet, on n’est pas allé de l’avant. Alors, il y a cet aspect de la situation. Un pourcentage important des messieurs dans les établissements à sécurité maximale, minimale et moyenne sont prêts à sortir, mais, malheureusement, c’est un obstacle.

La sénatrice Bernard : Ma question complémentaire concerne cette discussion au sujet de la préparation scolaire dans le système carcéral et du manque de connaissance et d’information des gens. Bien franchement, nous le constatons chez les élèves noirs dans les écoles secondaires. Il s’agit de l’une des façons dont fonctionne le racisme systémique dans le système scolaire. Un grand nombre d’élèves noirs n’obtiennent pas leur diplôme d’études secondaires et ne reçoivent pas l’information ni le soutien nécessaires pour poursuivre des études postsecondaires. Voilà comment nous percevons toute cette filière qui mène de l’école à la prison.

Cela témoigne du travail qui doit être fait relativement à la prévention. Y en a-t-il parmi vous qui se penchent sur cette question?

M. Flex : Ceci répondra à cette question et rejoindra ce qui a été dit auparavant.

Nous adoptons une approche légèrement différente. Un emploi occupé en désespoir de cause est différent d’un emploi occupé par intérêt. Plus tôt, Roderick a mentionné trois éléments: les intérêts, les traits de personnalité et les ensembles de compétences. Ces éléments sont fondamentalement ceux que nous utilisons relativement à la mobilisation des élèves, des collectivités et des personnes, en général.

Essentiellement, nous aidons les gens à se découvrir. Nous pouvons, selon leurs intérêts, leurs traits de personnalité et leurs ensembles de compétences, les orienter vers une profession particulière. En général — et vous m’avez entendu mentionner la culture populaire, plus tôt —, beaucoup des jeunes qui finissent par avoir des démêlés avec le système de justice pénale connaissent peu leurs intérêts et les possibilités qui s’offrent à eux. Nous regardons ce qui les intéresse de leur propre gré. Cela peut sembler stéréotypé, mais c’est le sport, le divertissement et des éléments de la culture populaire qui ressortent. Ils sont inondés de façon répétée par ces choses dans les médias, que ce soit par le truchement des médias sociaux ou des médias traditionnels. Vous constaterez que c’est dans ce domaine qu’ils ont les plus grandes connaissances.

Ce que nous faisons, c’est utiliser cet intérêt, et ce que font les médias, essentiellement — et je fais partie de cela —, c’est transmettre le message selon lequel, si vous aimez le basket-ball, soyez LeBron James, ou bien si vous aimez la mode, soyez telle personne, et, si vous aimez la musique, soyez Beyoncé. Nous utilisons ce catalyseur de mobilisation et étudions avec eux et leur présentons l’infrastructure qui soutient ces postes emblématiques.

Si une personne a une plus grande propension pour les mathématiques, mais qu’elle a un faible pour l’industrie de la musique, l’intérêt pour la musique ne risque pas de déboucher sur une carrière en chant. Cela peut mener la personne à devenir gestionnaire d’entreprise. Si vous avez une propension pour la mode, peut-être qu’il y une voie qui vous permettra de devenir styliste de mode.

Nous avons offert des programmes avec le Conseil scolaire du district de Toronto et le Conseil scolaire du district de Durham, et cetera, auprès de jeunes qui ont eu des démêlés avec le système de justice pénale dans des collectivités comme Jane, Finch et Malvern, et les avons aidés à se découvrir en fonction d’un vaste éventail d’options. Ce qui arrive, c’est que, s’il n’y a aucune intervention ni prévention et qu’ils n’ont pas la possibilité de se réinventer, ils s’en tiennent à ce qu’ils connaissent. Si ce que vous savez n’est pas suffisant, c’est inacceptable. Nous présentons ce que nous appelons le buffet de la vie, où ils peuvent être exposés à plus de choses et choisir leurs repas préférés parmi ces options. Le degré de mobilisation est littéralement la différence cruciale entre le fait de travailler animé par un sentiment d’éthique de travail, de désir, de promesse et de vision et celui d’avoir une mentalité qui vous pousse à dire: « Je peux devenir telle chose parce que j’ai une propension pour cela. J’ai un penchant et de l’intérêt pour ce métier. Je possède les ensembles de compétences qui complètent mes intérêts et mes traits de personnalité. » Voilà le modèle que nous utilisons. Nous l’appelons R.E.A.L. School, et l’acronyme désigne, en anglais, la réalité, l’éducation et l’application des aptitudes à la vie quotidienne. Il est très efficace pour nous.

J’ai cette voix et je porte cet accoutrement parce que je débarque tout juste d’un vol de nuit en provenance d’Edmonton, où je travaillais auprès d’élèves autochtones pour le conseil tribal de Yellowhead. C’est la même situation. Lorsque nous étudions ce qui unit nos populations autochtones et les gens de descendance africaine dans notre hémisphère, il est question du traumatisme qui n’est pas encore guéri. Il n’y a eu aucune guérison de ce traumatisme. Ces choses doivent faire l’objet de discussions ouvertes et approfondies afin que l’on comprenne pourquoi un nombre disproportionné de jeunes Noirs décrochent, peuplent les établissements et ont des démêlés avec le système de justice pénale en général. Nous devons étudier le problème depuis sa source. Bien franchement, nous ne sommes pas assez nombreux à faire cela. Je ne dirais pas que personne ne le fait, mais nous ne sommes pas assez nombreux à le faire.

Tout le crémage sur le gâteau, c’est fantastique. Nous pouvons le redécorer tant que nous le voulons, mais nous ne savons pas quels sont les ingrédients du gâteau. Bien franchement, nous amenons les organismes communautaires à faire du bon travail, mais ce travail n’est pas nécessairement le bon. Nous menons nos activités un peu partout, et tout le monde cherche à obtenir du financement de façon distincte, mais c’est pour cela que ce n’est pas durable.

En guise de recommandation, je proposerais que nous examinions le problème depuis sa source, comme l’ont fait d’autres collectivités. Ceux d’entre vous qui savent qui est Simon Wiesenthal, verront comment il a abordé l’antisémitisme en général et les conséquences de l’holocauste sur la population juive. Le sujet est examiné d’un point de vue populaire. Le TSPT a été compris dans cette optique. Nous n’avons pas abordé le fait que ce qui est en train d’arriver à nos frères et à nos sœurs autochtones et de descendance africaine est dû au fait que la traversée de l’Atlantique a eu des répercussions sur les jeunes qui se trouvent dans ces prisons actuellement. Si nous n’abordons pas toutes ces questions, avec tout le respect que je vous dois, c’est une perte de temps.

Mme Telfer : Notre organisation existe depuis 24 ans. Nous travaillons avec la plupart des systèmes scolaires. Alors, nous prenons en charge les jeunes en difficulté dans le système. On nous appelle constamment pour nous faire dire que l’une des filles ou l’un des garçons dont nous nous occupons a un problème. Les jeunes viennent à nous et nous participons avec eux à un programme de formation de six mois. Nous les suivons du début à la fin, qu’il s’agisse des études secondaires, de l’obtention d’un emploi, d’une formation sur les manipulateurs d’aliments, de la santé et de la sécurité et de tous les autres aspects. Voilà l’un des domaines sur lesquels nous nous concentrons.

Nous travaillons également avec l’Université de Toronto et, dans la région de Mississauga, avec des groupes sexospécifiques parce que nous nous concentrons également là-dessus dans le contexte de l’établissement de liens entre la collectivité, l’université, le collège et l’école secondaire. Il y a aussi cet aspect sur lequel nous travaillons une fois par mois dans la région.

M. Green-Telfer : Je vais poursuivre sur le sujet dont parlait Maxcine. Un homme appelé Leo Barbe dirige une organisation appelée Think Don’t Shoot, qui a récemment été renommée TDS Education, parce que Think Don’t Shoot, c’était trop négatif.

Cet homme se rend dans les écoles primaires et secondaires de premier et deuxième cycles de partout en Ontario. Il est allé à Montréal et à Québec. Je pense qu’il est actuellement à Halifax et qu’il est sur le point de revenir. Il enseigne au sujet de la croissance émotionnelle. Je pense que ce que disait M. Flex, c’est que la croissance émotionnelle fait partie des enjeux et des obstacles importants qui empêchent une réelle croissance socioéconomique chez nos frères et sœurs autochtones, pour le paraphraser, et chez les personnes de descendance africaine.

Quand j’allais dans les établissements pour donner des ateliers sur les métiers, je posais d’abord la question suivante: « Combien d’entre vous occupent un emploi à CORCAN? » Presque aucun des délinquants noirs ne levait la main. Ma deuxième question était: « Pourquoi? » Je connaissais déjà la moitié de la réponse, soit ce dont nous avons discuté relativement au racisme systémique. L’autre moitié, c’était les attitudes qui sont nourries à l’égard du fait de travailler pour CORCAN ou pour un organisme qui vous fera acquérir une compétence applicable à l’extérieur de l’établissement.

L’une des premières choses que je devais faire consistait à me présenter en tant que personne qui, autrefois, vivait dans la collectivité de Keele et Finch. Dès que je faisais cela, la glace qui me séparait de ces délinquants à qui j’enseignais était presque rompue. Je les regardais et leur disais qu’ils devaient comprendre que les problèmes liés à la paye, au fait d’avoir affaire à un patron qu’ils n’aiment pas et tout ce genre de choses sera présent à l’extérieur s’ils n’obtiennent pas ces emplois qu’offre CORCAN, par exemple en conception assistée par ordinateur.

Maxcine, les membres du CCNE et moi avons visité une installation de l’Établissement Warkworth que gère CORCAN. On y conçoit nombre des belvédères et des abris qu’a commandés l’Agence des services frontaliers du Canada pour les installer le long de la frontière entre le Manitoba et le Minnesota — et ailleurs —, où il n’y a pas de frontière définie.

Par exemple, lorsque vous allez aux États-Unis à partir d’ici, vous devez traverser une rivière ou un point de repère géographique qui vous indique clairement que, d’un côté, vous êtes au Canada et que, de l’autre, vous êtes aux États-Unis. Dans les Prairies, je suis certain que la sénatrice de la Saskatchewan comprendrait que ce n’est pas toujours le cas. Vous pouvez marcher pendant 10 minutes et vous retrouver aux États-Unis sans le savoir. Les installations commandées par l’Agence des services frontaliers du Canada étaient des créations de CORCAN — du début à la fin —, de la conception jusqu’à la livraison, en passant par l’inventaire des stocks et la production.

Nous avons effectué cette visite pour voir comment on construisait ces installations. J’ai vu des travailleurs en conception assistée par ordinateur, des charpentiers, des soudeurs, des gens de métier spécialisés, ainsi de suite. Sur les 100 personnes environ que j’ai rencontrées cette journée-là, je dirais que deux étaient des Noirs. J’ai demandé aux gens de l’Établissement de Warkworth si on leur avait offert un emploi à cet endroit. Cela découle de ce qu’ont dit mes collègues, ici. La réponse est non. Pourquoi? Eh bien, on se dit: pourquoi devrais-je faire ce type de travail alors que je peux gagner le même salaire seulement en lavant le plancher de la cuisine?

Je les ai regardés et leur ai dit : « C’est une vision à très court terme parce que, si vous travaillez pendant deux ans en conception assistée par ordinateur et que CORCAN peut l’attester, devinez combien vous allez gagner avec cette compétence en travaillant à Toronto? Presque 100 000 $. » Dès que j’ai dit 100 000 $, vous pouvez vous imaginer le changement d’expression sur les visages de certaines personnes.

Pour revenir à la question initiale, à savoir pourquoi cela se produit et qu’est-ce qui se passe dans le système d’éducation, j’aimerais attirer votre attention sur deux rapports. Le premier a été rédigé par le Bureau de l’enquêteur correctionnel en partenariat avec le Bureau de l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes de l’Ontario. Le rapport était intitulé Occasions manquées. M. Zinger a témoigné la semaine dernière devant le Comité de la sécurité publique à ce sujet ou il y a deux semaines. Si vous voulez obtenir plus d’informations, ce serait probablement l’endroit où commencer.

Le rapport porte sur les occasions manquées en matière d’intervention qui se manifestent maintenant dans le scénario que je viens de vous décrire.

Lorsque j’étais au secondaire, je me souviens que je suis allé parler au conseiller d’orientation professionnelle pour lui dire que je voulais aller en économie. Il ne m’a pas dit: « Essaie l’Université de Toronto, l’Université York, l’Université de Western Ontario ou l’Université de Waterloo. » Il m’a dit d’envisager l’Université Trent ou l’Université de Nippissing. Je ne veux pas dire qu’il s’agit d’universités de « second rang », car ce sont des institutions respectables, mais on ne parle pas de l’Université de Toronto ou de Western Ontario ni de l’Université York.

Il existe une raison précise pour laquelle on m’a parlé de ces institutions plutôt que celles de haut niveau de l’Ontario. Mon cas n’est pas unique, et je suis certain que MM. Brereton et Flex vous diront que je ne suis pas le seul à qui c’est arrivé.

Les jeunes sont — je ne veux pas dire « forcés » —, mais ils sont contraints à aller dans les filières de métiers du système d’éducation ontarien. Vous ne pouvez pas vous rendre à l’université avec les cours de ces filières. Ils sont précisément destinés aux personnes qui veulent aller au collège parce que c’est quelque chose de plus concret et seulement obtenir un diplôme.

C’est la principale pierre d’achoppement. C’est pourquoi, plus tard dans leur vie, je dois dire aux personnes qui viennent me voir « avec ce type d’emploi, vous pouvez gagner beaucoup d’argent ». La plupart d’entre nous ici le savent très bien, mais eux, ne le savent pas. C’est là où le fossé se creuse.

Pour répondre à votre question : y a-t-il des programmes au moyen desquels ces personnes peuvent acquérir des compétences? La réponse est oui. La grande question est la suivante: combien de délinquants appartenant à des minorités ethnoculturelles occupent ces emplois? Quelques-uns, et cela découle de leur manque de confiance envers le système.

Le président : Nous allons poursuivre nos travaux jusqu’à 13 h 15 parce qu’il s’agit d’une conversation intéressante. Nous passerons ensuite à huis clos à 13 h 15 pour la présentation du budget de notre étude. Celle-ci durera environ un an et demi de plus, mais juste pour vous informer, nous espérons publier un rapport d’étape au cours des prochaines semaines, mais le délai a été repoussé jusqu’en octobre 2018. Nous devons publier quelque chose parce que nous travaillons en temps réel.

Nous étions censés terminer nos travaux à 13 heures, mais les sénateurs sont des personnes très curieuses. Veuillez poser des questions concises.

La sénatrice Pate : Merci à vous tous d’être venus et du travail que vous avez effectué dans les pénitenciers.

Avant d’arriver au Sénat, j’ai passé plus de 35 ans à rendre visite à de jeunes adultes dans les établissements pour hommes et pour femmes. Une des choses qui m’ont frappée pendant votre témoignage, c’est que certains d’entre vous ont présenté l’information sous un jour différent et pour en faire des faits. Par exemple, le fait qu’avec le programme CORCAN, peu de personnes occupent un emploi. Ce n’est pas seulement une question de racisme. Je conviens qu’il s’agit de racisme, mais c’est également une question de savoir si on offre, dans la plupart des établissements, un emploi dans le cadre du programme CORCAN, particulièrement aux femmes. Il y en a peut-être de 5 à 10 pour 200 personnes. Je tiens à situer les choses dans leur contexte.

Monsieur Flex, j’ai aimé vos commentaires à propos des problèmes systémiques et de l’examen de certaines de leurs causes. Je suis certaine que vous avez tous trouvé ces commentaires intéressants.

Une des choses qui m’ont frappée, c’est qu’une grande partie de la discussion… Et vous avez parlé de la cerise sur le gâteau. Certains d’entre vous ont parlé de réagencer les fauteuils sur le pont d’un navire qui coule.

En réalité, il existe actuellement des options qui fourniraient du financement afin d’offrir des solutions très créatives dont, selon mon expérience, nombre de collectivités autochtones, noires et autres ne connaissent même pas l’existence. Par exemple, les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettent aux collectivités, particulièrement les collectivités autochtones, de faire sortir des personnes d’un établissement, non pas seulement au moyen d’une semi-liberté, mais pour qu’elles purgent leur peine. Pourtant, la plupart des collectivités ne savent même pas que ces options existent ni même que, si les politiques — les directives du commissaire — les limitent vraiment, ces options ne peuvent pas, en fait, être limitées parce qu’elles sont prévues par la loi.

Nous n’avons vu que de très rares demandes présentées par des collectivités autochtones ou d’autres si tant est qu’il y en ait eu.

Pouvez-vous réfléchir à cela, à ce que vous pourriez faire avec ces ressources si vous les demandiez au ministre de la Sécurité publique afin de transférer certains de ces prisonniers noirs, des hommes et des femmes — non pas des jeunes à moins qu’ils n’aient fait l’objet d’un transfèrement — du système fédéral vers la collectivité et à la façon dont vous pourriez utiliser ces ressources, particulièrement lorsqu’on connaît les coûts d’une incarcération? Les prisonniers autochtones et noirs sont plus susceptibles d’avoir une cote de sécurité élevée et moins susceptibles d’avoir accès à ces programmes.

Je ne suis pas certaine de la somme actuelle pour les hommes. C’était 117 000 $ par année. Pour les femmes, c’est au moins 211 000 $ ou 348 000 $ si on se fie aux chiffres du Bureau du directeur parlementaire du budget.

Quel genre de choses pourriez-vous faire dans la collectivité avec ces ressources, et comment renforceriez-vous la capacité communautaire pour procéder à ces types d’intervention? Vous pouvez tous répondre à cette question.

Vous avez également mentionné l’éducation postsecondaire. Il n’y a pas de financement pour la moindre éducation postsecondaire. Des salons et toutes sortes de choses ferment leurs portes dans les pénitenciers fédéraux depuis des années. Ce financement n’est plus offert depuis 1992, mais cela m’étonne de vous entendre parler de possibilités éducatives pouvant bénéficier de ces dispositions.

Pouvez-vous parler de ce qui pourrait être possible si vous, votre collectivité ou des communautés de soutien de groupes de prisonniers noirs présentiez une demande pour obtenir ces ressources. Selon vous, qu’est-ce qui serait possible?

M. Flex : J’aimerais répondre à votre question en parlant de deux points.

Une des choses que Roderick, moi ainsi que nos partenaires faisons, c’est de croire qu’on doit établir un contact avec les gens avant de leur enseigner. En général, cela s’applique largement aux jeunes en ce qui concerne la mobilisation.

Je vais parler de votre point concernant l’utilisation ou la connaissance de ces programmes. On les conçoit, on réalise des recherches à leur sujet et on fait toutes sortes de choses sans faire le moindre marketing à leur égard. Lorsque je dis « pas le moindre marketing », je veux parler d’intervenants communautaires qui pourraient en réalité promouvoir ces programmes comme nous le faisons.

Encore une fois, je veux vous aider à comprendre le problème. Comme nous sommes dotés d’une sensibilité populaire, nous savons que nous devons promouvoir des initiatives avant de susciter une mobilisation et une participation. Si les programmes existent et que personne ne s’informe à leur sujet, ne les utilise ni ne présente de demande d’inscription, c’est d’abord en raison d’un problème fondamental de manque de sensibilisation.

Si des personnes connaissent le Plan ontarien d’action pour les jeunes Noirs et la Direction générale de l’action contre le racisme, nous ne constatons pas de demandes d’autres personnes, mais nous savons qu’on fait preuve actuellement de beaucoup de créativité dans le cadre du plan. Les gens ont de brillantes idées: des bandes dessinées, des programmes intégrés créatifs préconisant le renforcement de la capacité communautaire, et cetera. On fait beaucoup plus de marketing à cet égard aujourd’hui que par le passé relativement aux possibilités que vous avez mentionnées.

L’autre élément est que nous avons actuellement un programme — et il porte encore une fois sur la créativité — en partenariat avec l’Université Ryerson pour un cours de gestion des conflits sur le campus. Nous avons négocié cette relation et accepté de le faire, mais nous voudrions que le cours soit également accessible à très peu de frais aux collectivités. L’Université Ryerson n’a pas le budget pour financer ce cours. Nous avons dû faire preuve de créativité et trouver le soutien d’un tiers afin de nous assurer de l’accessibilité de ces mécanismes.

Il s’agit d’un modèle préventif dans nombre de cas. Il permet des interventions dans certains cas parce que des gens des collectivités dont nous nous occupons ont des démêlés avec le système de justice pénale, mais d’autres n’en ont pas.

L’idée est que, avant d’aller dans ces collectivités, nous devons dire aux gens que ces ressources sont accessibles. Nous choisissons de le faire au moyen de la mobilisation. Si vous voyiez un de nos dépliants, vous penseriez, très honnêtement, que nous organisons une fête.

Si simple et léger que cela puisse paraître, je ne crois pas que nous ayons jamais eu un taux de rétention plus bas que 100 p. 100 pour notre programme au cours des 10 dernières années. Nous commençons par une cohorte de peut-être 20 personnes. Nous finissons avec une de 35. Si nous avons 50 personnes au début du programme, nous en aurons 75 à la fin. Si nous en avons 100, nous finirons avec 130. La mobilisation, encore une fois, doit se faire.

Les types de programmes dont vous parlez feront l’objet de sensibilisation lorsque les personnes qui s’inquiètent de leur collectivité reconnaîtront que leurs idées peuvent maintenant être financées et appuyées.

La sénatrice Pate : Ce n’est pas qu’il y a du financement ou un programme à l’heure actuelle. Lorsqu’on a présenté ces parties du projet de loi, le but était de commencer à réduire en particulier le nombre de prisonniers autochtones, mais on a également examiné d’autres groupes comme les prisonniers noirs et sud-asiatiques. L’idée était qu’il s’agissait d’un mécanisme que les collectivités pouvaient utiliser afin de retourner ces prisonniers dans la collectivité pour ensuite faire le genre de choses dont vous avez parlé.

Ce n’est donc pas une entente de financement en soi; c’est une demande pour faire sortir en réalité des personnes qui sont actuellement incarcérées, mais on avait déjà utilisé cette option.

M. Flex : Je comprends.

La sénatrice Pate : Je ne crois pas que cela change ce que vous ferez peut-être avec les ressources, mais juste pour que ce soit clair, je ne voulais pas vous induire en erreur.

M. Brereton : Pour ce qui est des interventions, ce qui est important, c’est lorsque vous renforcez l’estime de soi et la confiance d’une personne… Encore une fois, notre programme, pour le compte rendu, est intitulé « Take Back Your World Navigate Your Life ». Nous parlons davantage de pertinence et de gens qui sortent des établissements ou qui n’ont pas trouvé un emploi rémunérateur ou n’ont pas été mobilisés. Notre programme porte essentiellement sur le renforcement de la confiance et de l’estime de soi qui, souvent, encore une fois, n’existaient pas au départ.

Lorsque vous constatez que les gens ont maintenant une voix et peuvent effectuer une analyse critique au moment de prendre des décisions, la possibilité de trouver un emploi ou d’être mobilisés de manière concrète et gratifiante est encore plus grande parce qu’ils ont retrouvé ou acquis quelque chose qui n’existait pas par le passé.

Le président : Madame Telfer, j’aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

Mme Telfer : Je vais utiliser le modèle de la Société Elizabeth Fry parce que les responsables de l’Établissement Grand Valley ont examiné l’hébergement, l’approche globale. L’hébergement, l’emploi et l’éducation des enfants sont des éléments clés que les délinquants noirs peuvent en réalité examiner. Le modèle global suppose que vous devez assurément avoir un logement à votre sortie de l’établissement.

La Société Elizabeth Fry a lancé en 2010 un nouveau programme dans le cadre duquel un particulier peut louer une maison ou une chambre au Service correctionnel du Canada. Je crois qu’il existe encore aujourd’hui. C’est un aspect. Le logement est une composante importante que nous devons examiner selon une approche globale.

Nous devons également nous pencher sur la capacité en matière de santé mentale des personnes appartenant à des minorités ethnoculturelles qui sortent des établissements. Vous connaissez le pourcentage, alors je n’aborderai pas cet aspect.

La prochaine composante est de savoir si la personne peut travailler parce qu’il existe une exigence obligatoire visant la libération conditionnelle. Elle doit travailler et se conformer aux politiques de la Commission des libérations conditionnelles relativement aux autres aspects.

La semaine dernière, nous étions à la Société d’aide à l’enfance de Peel. Nous allons travailler avec ses représentants parce qu’ils éprouvent un problème. Ce sont les personnes qui aident les enfants, je ne dirais pas destinés à relever de la responsabilité du Service correctionnel du Canada, mais qui se retrouvent dans une voie qui les mène dans le système correctionnel. Nous leur avons dit d’examiner l’occupation de manipulateur d’aliments. Il faut former chaque enfant dès l’âge de 15 ans et les délinquants qui retournent dans la collectivité afin qu’ils puissent travailler dans n’importe quel établissement en ayant une certification de manipulateur d’aliments.

L’autre composante est celle de trouver un logement. La semaine prochaine, nous serons là pour parler de la politique du logement. Nous avons établi une excellente relation avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement qui nous a accordé une subvention allant jusqu’à 50 000 $ pour trouver des logements. Nous sommes prêts à travailler avec la société.

J’adore le fait que si nous pouvons obtenir davantage de ces ressources, ou qu’on nous recommande de les utiliser en conséquence.

Je dirai également maintenant que nous aimerions faire partie de — j’allais faire cela après — parce qu’il s’agit d’une approche de collaboration. J’adore cette excellente pièce, la pièce manquante, parce que, comme le monsieur l’a écrit — un Noir — j’adore les fonds de culotte à terre, la musique et tous les autres aspects.

Le président : Nous avons fait quelque chose de bien aujourd’hui.

La sénatrice Andreychuk : Merci de l’information. Vous avez abordé de nombreux points et m’avez mise au courant de beaucoup de choses qui se passent, particulièrement en Ontario. Nous allons examiner la situation à l’échelle nationale, alors nous espérons trouver tous les autres morceaux du casse-tête.

Je devrai revoir l’ensemble de votre témoignage parce que vous avez parlé de programmes qui aident la population carcérale, mais qui rendent également les établissements plus sûrs pour tous. C’est un type de programmes.

L’autre aspect est la préparation des détenus à leur mise en liberté. Il y a ensuite la prévention. Il ne s’agit peut-être même pas d’enfants qui sont destinés à l’incarcération. Vous concevez ces programmes pour les aider à mieux s’adapter à leur vie; vous leur donnez ce que nous appelions une formation en dynamique de la vie. Je crois comprendre que vous participez à ce programme.

Comme je faisais partie du système judiciaire à l’époque — on me dit que c’est très différent maintenant —, je trouve que tout cela est important; il faut faire des études, et cetera. Mais vous commencez particulièrement par les jeunes délinquants et passez ensuite aux services correctionnels pour adultes. Ils ont d’énormes besoins affectifs et traînent un lourd bagage au départ en raison de problèmes de toxicomanie, de violence familiale, tous ces problèmes. Je ne vous ai pas entendu parler de la manière dont vous allez mettre en place cette solution, ce qui est extrêmement important. Vous pouvez faire toutes les études que vous voulez, mais si vous n’avez pas réglé certains de vos problèmes et compris certaines de vos expériences, vous retournerez dans la collectivité et en serez toujours au même point. Les gens qui vous ont fait basculer dans la criminalité seront probablement toujours là.

Comment offrez-vous toute cette formation en dynamique de la vie, non pas la formation sur la prévention, parce que je ne crois pas que nous avons le temps d’en parler, mais aux gens qui peuvent être destinés à se retrouver dans nos établissements carcéraux? Comment vous en occupez-vous dès le départ? Avez-vous des programmes à cet égard, particulièrement lorsque les délinquants sont mis en liberté?

M. Flex : Mme Telfer fournira une réponse précise, mais j’aimerais parler d’une chose d’ordre général. L’expression « incidence collective » est, selon moi, un des aspects les plus importants que nous devons comprendre lorsque nous abordons de telles questions parce qu’il n’existe aucune organisation qui peut relever tous les défis. Il faut des efforts concertés. Je voulais le préciser parce que cela répond à nombre de questions qu’on m’a posées.

Une entité ne peut pas résoudre à elle seule un problème sociétal. On doit adopter une approche de collaboration, et il existe des millions de modèles. Nous en avons conçu.

Pour répondre à ce volet de votre question, je peux vous dire précisément que je n’en ai pas parlé parce que je connais d’autres personnes qui le peuvent. Je ne veux pas prétendre que je peux ou que nous pouvons le faire, mais nous avons des partenaires qui le peuvent parce que nous travaillons en collaboration avec eux. C’est la transition vers la réponse que vous allez maintenant entendre.

Mme Telfer : Un point important de ce que nous examinons — nous l’avons appliqué et continuons de l’appliquer —, c’est l’encadrement en matière d’éducation des enfants. En général, être parent peut représenter un défi; les parents sont un des éléments clés de la vie de leur enfant. L’encadrement en matière d’éducation des enfants est un aspect important de ce que nous examinons.

On analyse également ce que nous appelons l’enquête objective distincte. Dans le système scolaire, Aundre, qui est mon fils — nous adoptons une approche mère-fils lorsque nous allons dans l’établissement, ce qui représente un modèle —, a parlé de son expérience à l’école secondaire. Lorsque je lui ai dit, en tant qu’enseignante et nutritionniste jamaïcaine, de m’écouter, il m’a répondu: « Non, maman, l’enseignant a toujours raison. »

Nous choisissons également les parents et les formons afin qu’ils puissent bien communiquer avec le système scolaire. Nous choisissons aussi des organismes sans but lucratif dans la communauté noire afin qu’ils obtiennent une certification d’enquêteur au sein des services correctionnels communautaires.

Cela fait partie de nos solutions cibles que comprend la composante pancanadienne.

M. Green-Telfer : Je veux ajouter une autre chose, sénatrice Andreychuk. Une des façons que j’ai trouvées pour aider les personnes dont vous avez parlé était la mobilisation. Avec l’atelier sur la diversité et l’intégration, le programme initial devait être offert dans les unités d’évaluation initiale. Pour les personnes qui ne savent pas ce qu’est une unité d’évaluation initiale, c’est l’endroit où se retrouve un délinquant incarcéré dans un établissement fédéral; s’il est en Ontario, il ira à l’unité d’évaluation initiale. Cette unité se trouvait dans l’Établissement de Millhaven. Je crois que c’est toujours le cas, mais il se peut qu’elle soit dans l’Établissement de Joyceville maintenant.

Nous y avons offert des programmes, particulièrement aux délinquants parce que, comme je l’ai mentionné, nous les avons également offerts au personnel. Nous avons également examiné les pires traumatismes des délinquants. Dans le système carcéral, particulièrement l’établissement que j’ai visité, une des pires insultes qu’un délinquant peut lancer à un autre délinquant, c’est de le traiter d’oiseau. Nous avons utilisé cette insulte et l’avons intégrée au programme en utilisant les oiseaux comme exemple dans le cadre d’études de cas. On nous a demandé pourquoi nous avions utilisé des oiseaux.

Une des études de cas était « Up the River, Down the River ». Nous avons également utilisé le livre Un paon au pays des pingouins à titre d’exemple. Les délinquants nous demandaient: « Pourquoi utiliser des oiseaux? Savez-vous ce que le terme « oiseau » signifie en prison? » Je répondais: « Bien sûr. J’ai regardé beaucoup d’émissions de télévision comme Oz et des choses du genre sur le monde carcéral. Je sais ce que ce terme signifie. Pourquoi pensez-vous que j’ai décidé d’utiliser ce terme avec vous? » Ils ne savent pas quoi répondre.

Je leur ai dit ce qui suit : « Et si je vous disais que traiter une personne d’oiseau pour l’insulter est contre-productif? » Parce que les oiseaux d’aujourd’hui sont les animaux qui sont le plus près, sur le plan génétique, des plus grands et des plus féroces animaux qui ont peuplé la Terre: les dinosaures. Lorsque je parle de leurs paradigmes de cette façon-là, on voit un changement sur le plan mental qui se manifeste sur le plan physique.

Pour ajouter quelque chose aux commentaires de M. Flex, une seule organisation ne peut pas tout faire. La raison pour laquelle nous n’en avons pas parlé, encore une fois, c’est parce que nous connaissons des gens qui en parlent. Mais il y a des façons subtiles dont nous avons apporté des changements à leurs paradigmes relativement à ce qu’ils pensent les uns des autres et ce qu’ils pensent du système afin de commencer à établir une certaine confiance; nous avons obtenu du succès en faisant cela.

M. Brereton : Dans le cadre du programme « Take Back Your World Navigate Your Life », nous expliquons le processus de colonisation. Notre nom, Urban Rez Solutions, comporte deux volets. Le terme « Urban », urbain, évoque habituellement les Noirs et les personnes qui vivent ce style de vie « culturel »; et le terme « Rez » est une abréviation du mot « réserve ».

Beaucoup de personnes qui sont dans le système de justice pénale ne comprennent pas exactement ce qui s’est passé au cours du processus de colonisation. Lorsque vous comprenez ce processus et voyez de quelle façon la pauvreté fonctionne, que vous constatez le nombre disproportionné de maisons individuelles et l’effet continu de ces éléments au cours du processus de colonisation, lorsque vous pouvez agir, alors vous avez les outils pour changer le comportement problématique.

Évidemment, lorsque vous êtes dans le système carcéral, vous ne connaissez pas le coût par année de votre incarcération. Si on compare 100 000 $ par année à la somme de 6 000 $ pour aller à l’université ou au collège, le calcul est facile à faire. C’est une question de choix. Mais, encore une fois, lorsque vous connaissez ces faits, lorsque vous y êtes sensibilisé, alors la possibilité de recommencer… Cette information invite au moins à la réflexion, et vous êtes maintenant informé. Vous ferez peut-être preuve d’arrogance si vous poursuivez dans cette voie, mais au moins vous comprendrez la situation.

La sénatrice Bernard : Je veux vous donner l’occasion de parler très brièvement de l’effet, à votre avis, qu’aura peut-être sur votre travail dans l’avenir un rapport de l’ONU publié récemment sur les personnes de descendance africaine au Canada.

Le président : Sénatrice Omidvar, pourriez-vous aussi poser votre question? Nous la prendrons en note et nous pourrons avoir la réponse aux deux questions.

La sénatrice Omidvar : Bien sûr. C’est un peu inhabituel, monsieur le président, car elles sont différentes, mais ça va.

Le président : D’accord. Nous attendrons. Pas de problème. Je suis une personne égalitaire.

Répondez à cette question, et nous passerons ensuite à l’autre.

Mme Telfer : Nous avons collaboré avec l’enquêteur correctionnel pour ce rapport des Nations Unies. Nous avons aussi envoyé des documents au ministre de la Sécurité publique. Ce rapport a mis certaines choses de l’avant.

Premièrement, il a présenté de nouveau les défis auxquels on a fait face au fil du temps.

Deuxièmement, il nous a ouvert les yeux sur le fait qu’il y a de petits, de minuscules changements qui sont survenus au cours, disons, des dernières décennies en ce qui concerne le contexte afro-canadien.

Troisièmement, ce que j’adore de ce rapport, c’est qu’il souligne les recommandations qui doivent être mises en place pour que le Canada participe aux efforts des Nations Unies. En fait, il y a quelques années, nous avons rencontré Condition féminine parce que nous établissons des politiques sexospécifiques pour promouvoir la condition féminine au fil des années, en collaboration avec les Nations Unies. Lorsque j’examine ce rapport, il ne fait que répéter. Rien n’a changé. On en est au même point pour ce qui est de l’urgence de la situation. On tourne en rond, et ça se retourne contre nous.

L’élément clé, c’est que nous voulons faire une différence. Nous sommes ici pour faire partie du comité. Nous avons recommandé au ministre de la Sécurité publique de mettre en place des services offerts par des organismes travaillant auprès des personnes noires partout au Canada afin de parvenir à un changement. Nous en sommes clairement là.

M. Green-Telfer : Pour être franc, cela n’a pas eu une grande incidence sur ce que nous faisons, parce que nous connaissions ces problèmes. La différence, c’est que l’ONU a confirmé ce que nous savions depuis déjà un certain temps, pour répondre à votre question, sénatrice.

M. Flex : J’espère que vous êtes tous conscients que, lors de la dernière décennie, on s’est concentré essentiellement sur les peuples autochtones. Si vous parlez à des Autochtones de partout au pays, ils ne considèrent pas vraiment que cela a eu des retombées positives.

Pour ce qui est des Canadiens africains, les demandes dont on parle consistent à demander, par exemple, des excuses de la part de la reine et du premier ministre notamment pour la traite transatlantique des esclaves et pour l’esclavage qui a eu lieu au Canada, dont la plupart des Canadiens ne sont même pas au courant.

Sur une note positive, il s’agit d’une plateforme qui peut permettre de sensibiliser davantage les gens. Ensemble, nous faisons ce travail parce que nous croyons que les gens sont fondamentalement bons. S’ils sont sensibilisés et bons, nous pouvons espérer que cela se traduise en action.

M. Brereton : Il s’agit d’une question de sensibilisation non seulement des Canadiens africains, mais de toute la société, car tout le monde a un rôle à jouer.

Le président : C’est bien. C’est très important de l’entendre.

La sénatrice Omidvar : Je serai très brève, car je sais que nous n’avons plus beaucoup de temps. Je n’ai pas besoin que tout le monde réponde; je laisserai le président décider du nombre de personnes qui doivent répondre à cette question assez simple.

Au fur et à mesure que nous lisions au sujet des problèmes et du contexte des établissements carcéraux, nous lisions au sujet des solutions proposées. J’aimerais connaître votre réponse concernant l’une des solutions et savoir ce que vous en pensez. Il s’agit de la création d’un poste d’agent de liaison sur l’ethnicité dans chaque établissement fédéral. Dans le cas qui nous occupe, je présume qu’il s’agirait d’un agent de liaison pour les personnes de race noire. Je suppose que cette personne serait responsable de négocier au nom des détenus au sein de l’établissement carcéral et à l’extérieur de celui-ci et, espérons-le, qu’elle parvienne à faire comprendre aux membres du personnel le racisme systémique ou le racisme individuel que vivent les délinquants.

Le président : Un représentant par organisation.

La sénatrice Omidvar : Est-ce une bonne idée? Le cas échéant, est-ce que cette personne devrait être un membre du personnel du Service correctionnel du Canada ou devrait-elle être une personne de l’extérieur?

M. Flex : Très rapidement, si je peux me permettre... Les dames d’abord.

Mme Telfer : Parfait. Cette proposition nous a été lancée au cours de notre mandat de cinq ans. L’Établissement Grand Valley a commencé à le faire, et nous a demandé quelles seraient les qualités et les compétences, mais nous lui avons répondu qu’on ne pouvait pas procéder comme ça. Je suis une femme de race noire, et la communauté noire compte des Asiatiques, qui font partie de la communauté noire dans son ensemble. Ce que l’on dit, c’est qu’il nous faut une équipe.

M. Flex : Je suis heureux d’avoir laissé la dame parler en premier. La Nouvelle-Écosse a un ministère des Affaires afro-néo-écossaises. Je crois que l’Ontario a d’abord besoin d’un ministère des Affaires afro-ontariennes et qu’il serait sûrement une excellente idée de mettre en place un tel poste au sein de celui-ci.

La sénatrice Bernard : Je crois que le rapport de l’ONU recommandait qu’il y ait quelque chose à l’échelle fédérale, semblable à l’Office des affaires afro-néo-écossaises, c’est-à-dire une personne qui s’occupe spécifiquement de ces questions à l’échelle fédérale.

Une autre des recommandations spécifiques était que le gouvernement abolisse l’isolement et l’isolement préventif et qu’il cherche des solutions de rechange à l’incarcération. Je ne sais pas si vous avez examiné cette recommandation précise, mais qu’en pensez-vous?

Mme Telfer : Je suis parfaitement d’accord avec cela. L’exposé d’Aundre mentionnait le cas d’Ashley Smith. C’est l’isolement qui est à l’origine de l’affaire Ashley Smith, qui s’est suicidée.

La sénatrice Pate : Elle ne s’est pas suicidée.

Mme Telfer : À Grand Valley?

La sénatrice Pate : Elle croyait que le personnel entrerait et la sauverait.

Mme Telfer : Je croyais que nous avions joué un rôle. Peu importe, parmi tous les autres aspects, il y a le fait qu’elle était en isolement. On peut regarder le cas de M. John Clark, qui a passé 30 ans incarcéré. Oui, nous sommes d’accord, nous croyons que les êtres humains ont besoin d’êtres humains. Nous avons besoin de cohésion sociale et de contacts sociaux. Nous avons aussi besoin de communiquer. Si on prétend réadapter les gens, on ne peut pas le faire pour les exclure; on le fait pour les inclure, pour qu’ils retournent dans la société en tant que citoyens respectueux des lois.

Le président : Sénatrice Pate, avez-vous d’autres questions? Non?

La sénatrice Pate : La sénatrice Bernard a soulevé la question, car un comité de l’ONU, en plus des dispositions de la LSCMLC, offrirait certaines options en matière de désincarcération.

Le président : Nous voulons vous remercier. Nous avons pris deux heures. Les connaissances sont essentielles, et vous en avez fourni beaucoup pour notre rapport. En fait, j’espère que le gouvernement porte attention à vos témoignages d’aujourd’hui avant que nous publiions notre rapport. Je crois que cela fait partie du processus.

Si vous pouviez attendre un peu, nous croyons en l’ouverture et en la transparence du Sénat en matière de dépenses. Dans le cadre de la prochaine étape, le comité espère se rendre à Kitchener et à Edmonton ainsi que dans les Maritimes, à des endroits comme Truro et Dorchester. Dans le cadre de ce processus, nous demandons actuellement au comité d’approuver la demande de fonds que je ferai avant Noël au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Nous espérons pouvoir en faire une partie. Si nous pouvons obtenir l’approbation, je peux lire un état financier pro forma afin de présenter cette demande au sous-comité, et ensuite au Sénat. Êtes-vous d’accord? Nous pouvons en discuter ouvertement.

Le sénateur Ngo : Je ne sais pas.

Le président : Il suffit que l’on adopte l’idée de me donner l’autorité de faire une demande de financement afin d’effectuer ces déplacements pour entendre des témoignages.

Avant de faire cela, nous sommes vraiment heureux de votre présence. Merci. Il s’agit d’une partie très importante de notre étude.

Comme je l’ai mentionné, nous espérons nous rendre à Kitchener et à Edmonton ainsi que dans l’est du Canada dans le cadre de notre étude. Nous disposons d’un certain budget. Je demande au comité l’approbation de me présenter au sous-comité, et ensuite le comité directeur précisera les détails des déplacements, de ce que nous pouvons faire. Puis, dans le cadre du processus, la demande sera présentée au Sénat de façon publique, ouverte et transparente. Êtes-vous d’accord?

La sénatrice Bernard : J’ai une question concernant le transport aérien. Je remarque que le coût des déplacements des sénateurs est beaucoup plus élevé. Je suppose que c’est parce que l’on propose aux sénateurs de voyager en première classe?

Le président : Non.

La sénatrice Bernard : En classe affaires?

Le président : Mais pour le Canada atlantique — je viens de là, mais je vis en Ontario... C’est en classe économique. De Kitchener au Canada atlantique, ou sur une distance semblable, ce serait en classe économique. Je crois que l’on parle d’Edmonton. Nous pouvons voyager en classe affaires. C’est la même règle pour tous.

La sénatrice Omidvar : Il y a une règle qui précise dans quelles circonstances on peut voyager en classe affaires.

Le sénateur Ngo : Plus de deux heures.

Le président : Oui. Je vais lire l’état financier pro forma.

Est-il convenu que la demande de budget pour l’exercice se terminant le 31 mars 2018, pour l’étude spéciale à Kitchener, à Edmonton et dans l’Est du Canada à des fins d’audiences publiques et de recherche des données, qui fait partie de l’étude du comité sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers, est approuvée avec les modifications mentionnées aujourd’hui, et que le Sous-comité du programme et de la procédure est autorisé à approuver la version finale du budget pour que le président le présente au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration?

Les députés : D’accord.

Le président : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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