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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 30 - Témoignages du 6 juin 2018


OTTAWA, le mercredi 6 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 11 h 30, pour étudier les questions relatives aux droits de la personne et, entre autres, pour faire l’examen de l’appareil gouvernemental qui traite des obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne (sujet : la situation des droits de la personne des Rohingyas); procéder à l’étude article par article du projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains); et procéder à l’étude article par article du projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes.

La sénatrice Wanda Elaine Thomas Bernard (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Avant de commencer, chers collègues, êtes-vous d’accord pour que les communications soient autorisées à prendre des photos pendant l’audience de ce matin?

Des voix : D’accord.

La présidente : Merci. J’aimerais maintenant que les sénatrices se présentent en commençant par la vice-présidente.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Hartling : Sénatrice Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Omidvar, de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Ataullahjan : Et je suis l’autre vice-présidente, Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

La présidente : Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui l’honorable Bob Rae, envoyé spécial du premier ministre auprès du Myanmar.

Notre comité a étudié la situation des droits de la personne des Rohingyas à l’automne dernier. Aujourd’hui, nous sommes heureux de recevoir M. Rae pour qu’il nous fasse un compte rendu actualisé de la situation; il a déposé le 3 avril 2018 son rapport intitulé « Dites-leur que nous sommes humains », Ce que le Canada et le monde peuvent faire au sujet de la crise des Rohingyas.

Monsieur Rae, vous avez la parole. Merci.

L’honorable Bob Rae, C.P., C.C., O.Ont., C.R., envoyé spécial du premier ministre auprès du Myanmar, à titre personnel : Merci beaucoup, sénatrice. C’est un grand plaisir et un honneur pour moi d’être ici. Je vous remercie de me donner l’occasion de répondre à vos questions.

Mon exposé de ce matin sera assez bref parce que je pense que vous avez eu l’occasion de lire mon rapport. Aujourd’hui, je vais simplement ajouter quelques éléments aux questions clés que j’ai essayé de cerner dans ce rapport.

La première, c’est que le gouvernement du Canada a répondu à mon rapport dans des déclarations faites par la ministre des Affaires mondiales et la ministre du Développement international. D’après ce qu’elles ont annoncé, il est clair pour moi que le gouvernement prend le rapport et surtout, la situation des Rohingyas au Bangladesh et au Myanmar, au sérieux, même si je crois toujours que la recommandation que j’ai faite pour un engagement encore plus important et à plus long terme est logique. J’espère sincèrement que le gouvernement continuera d’écouter et de collaborer avec d’autres pays aux vues similaires et avec l’Organisation des Nations Unies pour réagir à l’ampleur et à la gravité de la crise.

Comme vous le savez, la saison des pluies a commencé. Avec le début de la saison des pluies, la situation dans le camp s’aggrave encore davantage. J’ai décrit dans mon rapport provisoire et dans mon rapport complet que nous devons bien comprendre les difficultés liées à ce camp du fait de son caractère improvisé. C’était une réponse à une situation d’urgence et sa géographie ainsi que les éléments qui le composent nous compliquent encore la tâche pour fournir le genre d’aide nécessaire aux réfugiés. C’est une situation humanitaire profondément préoccupante.

En ce qui concerne la situation humanitaire au Myanmar, comme vous le savez, l’ONU a signé un accord avec le gouvernement du Myanmar, ce que nous réclamions avec insistance. Le libellé de l’accord n’a pas été rendu public, mais le PNUD et le HCR ont signé l’accord.

La question clé que j’ai mentionnée dans mon rapport sur l’accès au nord de l’État de Rakhine semble être abordée dans ce document. Ce qui est plus important que le document, bien sûr, c’est ce qui se passe sur le terrain et les décisions qui sont prises chaque jour. Il faut comprendre que l’État de Rakhine est sous le contrôle de l’armée du Myanmar. Comme vous le savez, il existe une relation unique entre le gouvernement civil et l’armée. Le pays était sous le contrôle de la dictature militaire depuis 1962 et les militaires contrôlent toujours les ministères et les services clés, ainsi que les principales opérations de sécurité et ils ne relèvent pas du chef du parti qui compte le plus de sièges, en l’occurrence, bien sûr, Aung San Suu Kyi.

En ce qui concerne les changements politiques qui seront nécessaires, je pense que le principal problème, c’est que le gouvernement civil du Myanmar accepte maintenant le rapport Kofi Annan avec force, mais le commandant en chef n’a jamais accepté ce rapport et cela reste un problème. Je pense que cela continuera d’être un problème de taille.

Sur la question de la responsabilité et de l’impunité, la procureure de la cour pénale internationale, la CPI, a indiqué qu’elle aimerait entendre les arguments d’un certain nombre de parties sur la question de savoir si la CPI peut exercer sa compétence à l’égard du seul crime de déportation, en se basant sur le fait que le crime de déportation est constitué dans la situation actuelle au Bangladesh.

Comme vous le savez, le Bangladesh est signataire du Statut de Rome et le Myanmar ne l’est pas. Donc, en ce qui concerne les affirmations de la CPI disant qu’elle a compétence, c’est une question sur laquelle elle entendra des arguments au cours des prochains jours. Nous saurons, je crois, dans un avenir relativement proche si la CPI aura compétence ou non.

En ce qui concerne les autres questions que j’ai soulevées dans mon rapport au sujet des solutions possibles, je pense qu’il y a un consensus fort parmi un certain nombre de pays pour que la collecte de données soit organisée et systématique. Ce que j’ai entendu de la part d’un certain nombre de gouvernements différents au sujet de leur volonté de participer me paraît très encourageant. En fait, je ne pense pas qu’il soit approprié que je parle trop sur la place publique de ce qui se passe à cet égard parce que la collecte de preuves n’est pas un exercice politique. C’est un exercice juridique. Toutefois, je suis convaincu que les gens prennent cela très au sérieux. Je pense qu’il y a beaucoup d’espoir dans ce domaine.

Bien sûr, la question clé est de trouver un tribunal devant lequel présenter les preuves. C’est le défi que nous devons relever : où présenter ces preuves et à quoi peuvent-elles servir? C’est un dilemme que nous essayons tous de résoudre. Nous faisons toutefois des progrès sur la question de la collecte de preuves.

La mission d’enquête du Conseil des droits de l’homme aura terminé ses travaux en septembre. Ils feront l’objet d’une présentation orale au Conseil des droits de l’homme à Genève ce mois-ci, mais le rapport final ne sera pas disponible avant septembre. Comme vous le savez, la session de l’Assemblée générale débute en septembre, alors je suis sûr que ce sujet suscitera beaucoup d’intérêt et de préoccupation.

J’ai eu l’occasion d’assister à la réunion du Conseil de sécurité, au cours de laquelle les membres du Conseil de sécurité ont parlé du voyage qu’ils ont fait il y a quelques semaines. J’ai également eu l’occasion d’assister à des réunions avec l’ambassadeur Blanchard, pour voir où les lignes bougent et comment nous aimerions rencontrer d’autres pays, cette visite et cette réunion ont été très positives. Nous avons eu plusieurs autres réunions depuis.

Les fonctionnaires du ministère des Affaires mondiales font un suivi assidu de la création d’un groupe de travail informel auquel le Canada participera activement.

De plus, comme vous le savez, la ministre Freeland a discuté de cette question avec ses collègues, les ministres des Affaires étrangères du G7. On m’informe que le premier ministre discutera de cette question directement avec les chefs d’État du G7, qui se réuniront à Charlevoix en fin de semaine. Je pense que le communiqué qui sera publié à la fin de cette réunion nous donnera une idée des réactions à cet égard.

Cela a été une tâche difficile pour moi. Pas tant sur le plan intellectuel, tout va bien de ce point de vue, mais c’est plus émotionnel qu’autre chose. C’est une expérience très éprouvante et très émouvante. Je ne peux pas vraiment vous décrire l’ampleur de la crise humanitaire au Bangladesh et le sentiment que nous sommes dans une course désespérée contre le temps pour assurer la sécurité des gens. Je crains que des vies soient perdues et ce n’est pas quelque chose que j’accepte facilement.

Deuxièmement, la situation de la population rohingya au Myanmar — il y a encore plusieurs centaines de milliers de personnes qui ne sont pas parties — demeure très précaire. C’est surtout le climat de haine qui a été créé dans ce pays pendant très longtemps qui est à l’origine de cette précarité. Les droits fondamentaux de la personne n’ont pas été respectés vis-à-vis des Rohingyas, leurs droits politiques n’ont pas été respectés et ils constituent maintenant la plus grande population apatride au monde. Dans le monde dans lequel nous vivons, être apatride, c’est être privé d’un lieu de vie, de droits, de la capacité de se déplacer, de la liberté de mouvement, de la liberté d’expression, de la capacité de dire ce que vous pensez et de savoir où vous serez demain. Voilà la tragédie à laquelle nous sommes confrontés.

Enfin, je pense que nous devons inscrire cela dans deux contextes de grande ampleur, ce que j’ai essayé de faire dans mon rapport. Le premier est l’ampleur de la crise mondiale des réfugiés, qui est extrêmement grave. C’est un défi pour le monde sans équivalent depuis 1945. Cette question fera l’objet de nombreux débats à l’Assemblée générale à l’automne.

C’est un véritable défi pour l’ordre mondial, parce qu’on demande beaucoup aux pays hôtes et qu’ils sont loin de recevoir l’aide dont ils ont besoin du reste du monde. C’est un véritable défi pour ces pays, ainsi que pour la situation des réfugiés eux-mêmes.

L’autre problème, c’est que la Chine et l’Inde sont les principales puissances régionales. Vous comprendrez que ce n’est pas le cas du Canada. L’une des questions que l’on me pose le plus souvent lorsque je me rends dans la région, ce que j’ai fait quatre fois au cours de la dernière année, c’est pourquoi êtes-vous ici? Qu’est-ce qui vous fait croire que le Canada a quelque chose à offrir? Lors de mon quatrième voyage, nous avions une plus grande crédibilité lorsque nous sommes revenus et avons dit : « Nous sommes encore ici. Nous sommes toujours intéressés et nous sommes toujours investis. »

C’est pourquoi j’attache une si grande importance dans mon rapport à ce principe de persévérance et de présence. Nous devons continuer d’être présents. Les Canadiens doivent comprendre que si nous voulons jouer un rôle, il en coûtera de l’argent et il faudra du temps, de la patience et la volonté d’être présents. C’est l’un des points les plus importants sur lesquels je reviens sans cesse.

Enfin, le cinquième point de mon rapport est que nous devons écouter les Rohingyas eux-mêmes. Dans tout accord entre le Myanmar et le Bangladesh, le parti absent de la table est le peuple rohingya lui-même. Vous, personnes participant au processus politique, savez que lorsque vous vous retrouvez dans une situation, vous commencez immédiatement à vous demander : « Qui sont les leaders ici? Quelles sont les forces politiques à l’œuvre au sein de la collectivité? » Depuis longtemps, il faut le reconnaître, la voix politique des Rohingyas est étouffée par le fait qu’ils vivent dans une dictature militaire et dans un contexte politique où ils ne savent pas qui les écoutera et ce qui se passera s’ils se font entendre.

Lentement mais sûrement, des voix politiques se font entendre au sein de la communauté rohingya; on les entend ici, au Canada, à Londres, à Paris et dans différentes parties du monde. L’important, c’est qu’elles soient entendues au Myanmar et au Bangladesh et que ces voix soient respectées et écoutées attentivement.

Je sais que le ministre a rencontré à plusieurs reprises les dirigeants des Rohingyas au Canada, tout comme moi. Cela aide à améliorer la situation qui est en train de se profiler.

Je vais m’en tenir à cela. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de m’adresser à vous. Je serai heureux de répondre à vos questions ou commentaires.

La présidente : Merci, monsieur Rae. Nous avons une liste des sénatrices qui ont des questions à poser. Nous allons commencer par une des vice-présidentes.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur Rae, d’être ici. Je vous remercie d’avoir pris le temps d’examiner cette question.

Nous nous sommes rencontrés pour la dernière fois lorsque vous étiez au Bangladesh et nous avons tous pris conscience de la tâche colossale qui consiste à se rendre dans les camps de réfugiés et à amener le gouvernement bangladais à écouter. Vous y êtes retourné plusieurs fois depuis.

J’ai tellement de questions que je vais essayer de formuler mes propos de façon à pouvoir en poser le plus grand nombre possible et laisser ensuite les autres sénatrices poser des questions. Si c’est nécessaire, je poursuivrai au deuxième tour.

Nous savons que le Bangladesh a d’énormes défis à relever. Lors de conversations que j’ai eues avec le ministre des Affaires étrangères au début du mois d’avril dernier, j’ai soulevé la question de la traite des jeunes filles. Il a dit : « Nous en sommes conscients. Nous surveillerons la situation de près. » Pourtant, nous entendons maintenant parler de fourgonnettes qui arrivent dans les camps de réfugiés et de jeunes filles qui sont emmenées. C’est un problème.

L’autre problème est d’amener le gouvernement du Myanmar à reconnaître son attitude à l’égard du peuple rohingya. Ce n’est tout simplement pas correct — et mes propos sont modérés. Aung San Suu Kyi est fortement appuyée par l’Inde et la Chine. Je pense que cela leur a donné la liberté d’agir comme ils le font. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à ce sujet. Lors de conversations que j’ai eues au printemps dernier, un porte-parole politique a même refusé de reconnaître le mot « Rohingya ». Il m’a regardé et m’a dit : « Pas de Rohingyas. » C’est tout ce qu’il avait à répondre à ma question.

M. Rae : Sur la première question, oui, il y a beaucoup de preuves de trafic. Il y a aussi beaucoup d’autres questions. Il y a le trafic de la drogue, qui est un problème considérable. Un camp de réfugiés regroupe 750 000 personnes dans un espace très restreint, des gens qui n’ont ni argent ni moyens et qui viennent d’un pays, le Myanmar, où le trafic de drogue est très répandu et où la route passe par Cox’s Bazar jusqu’au Bangladesh et en Inde. Donc, oui, le commerce de la drogue est un énorme problème et la traite de personnes est un énorme problème également, en particulier la traite des jeunes filles.

Je vous rappelle que, dans le camp, après 18 heures, tous les travailleurs humanitaires rentrent chez eux. Le soleil se couche et il n’y a pas d’électricité. Il y a donc 750 000 personnes qui vivent littéralement dans le noir. Il y a une force policière et une armée qui sont présentes et qui assurent une certaine sécurité, mais tout peut arriver. C’est une situation très difficile à contrôler et à gérer.

Nous avons établi que la situation des femmes et des filles était l’une des principales priorités de la politique canadienne dans le camp. Je sais que si vous invitiez la ministre Bibeau à comparaître, elle vous expliquerait de quelle manière ses services en font une priorité en choisissant les projets d’aide qui reçoivent de l’argent du gouvernement canadien.

Pour ce qui est de l’attitude à l’égard des Rohingyas, c’est un véritable problème. Le problème, c’est que tout le discours de l’establishment politique du Myanmar consiste à répéter que les Rohingyas ne sont pas un groupe ethnique appartenant à la famille constitutionnelle du pays. Leur argument est que les Rohingyas ont été amenés par les Britanniques et qu’ils ne sont pas « natifs » du Myanmar. Cette histoire est contestée par les Rohingyas eux-mêmes et par un certain nombre d’autres universitaires qui disent : « Non, les musulmans de Rakhine vivent dans l’État de Rakhine depuis des siècles. » Quant à savoir s’ils y vivaient aussi nombreux, c’est un autre débat, mais nous sommes ici pour parler de la réalité actuelle et non pas simplement du débat historique. Bien sûr, l’argument est aussi que « Rohingya » signifie « Je suis une personne de Rakhine » dans le dialecte des Rohingyas. Les Myanmarais disent : « Eh bien, c’est là toute la question. Vous utilisez un mot avec lequel vous établissez immédiatement votre statut. » C’est pourquoi le mot est contesté.

Je crois que personne ne devrait revenir sur ce mot pour une simple raison, à savoir que les gens peuvent s’appeler comme ils le veulent, d’abord. Deuxièmement, on ne peut nier le fait historique de la présence des Rohingyas dans l’État de Rakhine et au Myanmar. On ne peut pas prétendre que ce n’est pas le cas. C’est le cas.

J’ai rencontré un général il y a quelques mois et il a utilisé le mot « Bengali ». J’ai dit : « N’utilisez pas ce mot parce qu’il est aussi argumentatif que n’importe quoi d’autre, parce que ce mot signifie essentiellement qu’ils ne sont pas ici; qu’ils n’ont pas leur place ici. » Bien sûr, les Bengalis eux-mêmes, les Bengalais, comme on dit désormais, ne considèrent pas les Rohingyas comme faisant partie de leur pays. Ils ne considèrent pas que ces gens qui sont partis il y a longtemps et qui vivent dans l’État de Rakhine depuis 170 ou 200 ans sont membres de la communauté bengalaise. C’est pourquoi il y a ce phénomène des apatrides. Personne ne veut dire : « Ces gens font partie de notre peuple. » Sur le plan géographique et historique, les Rohingyas sont des natifs de Rakhine.

Les bouddhistes de Rakhine y vivent. Le royaume d’Arakan existe depuis des siècles. Je comprends tout cela, mais on ne peut pas nier l’existence d’un peuple.

La sénatrice Ataullahjan : Je pense que c’est là le nœud du problème. Quand nous étions au Bangladesh, nous avons vu que le Myanmar refusait de les reconnaître et que, de leur côté, les Bengalis disaient que ces gens n’étaient pas bengalais. Ils sont donc vraiment apatrides.

Cela m’amène à la question des filles et des femmes. Vous dites que le Canada s’est engagé très sérieusement envers les femmes, que les filles et les femmes sont une priorité pour nous. Il y a eu des viols collectifs et des femmes qui, de ce fait, sont tombées enceintes. Qu’est-il advenu d’elles? Avons-nous des chiffres sur les enfants nés de ces viols?

M. Rae : Si vous remontez neuf mois en arrière, c’est maintenant, dans la période actuelle, que les naissances surviennent. Les médecins dans les camps s’efforcent de bien noter les naissances et de qui les enfants naissent. Cependant, vous comprendrez, sénatrice, que c’est une question extrêmement difficile et délicate. Certains rapports font état d’interruptions de grossesse chez des femmes qui, ayant été violées, ne veulent pas de l’enfant à naître. Il y reste aussi à savoir si les femmes mariées, enceintes de l’enfant d’un soldat birman, le diraient nécessairement à leur mari.

C’est, à mes yeux, un sujet délicat, mais, dans l’optique du point de vue de la collecte de preuves, si des tests génétiques pouvaient être effectués — c’est-à-dire, si on avait la permission de les faire —, ce serait certainement un moyen objectif, pas pour prouver nécessairement l’absence de relation consensuelle, mais pour avoir une idée plus juste de ce qui s’est passé.

Ce qu’un Canadien pense de ce qui aurait pu ou qui pourrait se produire n’a rien à voir avec le fait qu’une femme consente ou non à ce que cela se fasse ou à ce que ces tests soient effectués. Ce sont des questions difficiles qui doivent être traitées avec beaucoup de sensibilité par les gens qui sont sur le terrain.

Ce qui est certain, c’est qu’il y a une hausse importante du nombre de naissances qui a commencé il y a environ un mois.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, monsieur Rae, de votre présence et du travail exceptionnel que vous continuez de faire dans le domaine des droits de la personne. Cela fait vraiment une différence. Je sais que vous avez probablement l’impression, parfois, de donner des coups d’épée dans l’eau et que rien ne change. Je vous assure que votre action n’est pas inutile.

Votre rapport était excellent. Les mots me manquent pour lui rendre justice, mais votre présence ici est très utile. Dans le rapport, vous dites :

Les crises faisant des réfugiés rohingyas ne datent pas d’hier. Si la crise actuelle n’est pas gérée différemment, il y aura d’autres crises qui se traduiront par plus de violence, plus de pertes en vies humaines et plus de difficultés dans les années à venir.

Nous avons été témoins de différentes crises. Le Canada a très bien réussi à faire venir des réfugiés syriens. Je leur ai parlé et ils étaient allés dans des camps. Cela a été très difficile pour eux. Maintenant, il y a les Rohingyas. Que faisons-nous? Ces crises ne cessent de se produire, et il y a des gens qui sont dans une situation désespérée. Comment pouvons-nous améliorer les choses? Que peut faire la communauté internationale?

M. Rae : Je crois que l’essentiel, sénatrice, c’est que la plupart des gens qui se penchent sur la question depuis longtemps diraient que la meilleure solution serait de permettre le retour des réfugiés au Myanmar, mais que leur retour se fasse différemment de ce qui s’est fait dans le passé, c’est-à-dire sans ambiguïté quant à leur cheminement vers la citoyenneté, quant à leur sécurité et quant à leurs droits et à leur situation. Qu’ils puissent envoyer leurs enfants à l’université, qu’ils puissent faire des études, qu’ils puissent avoir leur place dans l’avenir constitutionnel du Myanmar. Toutefois, je dois dire que, même si le gouvernement du Myanmar a indiqué que, oui, les gens peuvent revenir, ce n’est pas ainsi que les choses se sont produites dans le passé. Des gens sont revenus et, comme il n’y avait pas eu de changement, leur position est devenue encore moins certaine et moins sécuritaire.

C’est pourquoi je pense qu’un certain nombre de personnes, en particulier au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ont le sentiment qu’il faut des signes plus clairs de réels changements sur le terrain.

Comme je vous l’ai déjà dit, il y a encore une très grande population rohingya à Rakhine. Si le gouvernement du Myanmar voulait vraiment prouver que, cette fois-ci, la situation serait différente, il prendrait sans tarder des mesures pour régler la situation des Rohingyas qui se trouvent actuellement à Rakhine, dont la plupart n’ont pas la capacité de se déplacer. Des milliers, des dizaines de milliers d’entre eux sont dans des camps de personnes déplacées. Ils n’ont aucune liberté de circulation. Leurs enfants ne pouvant aller à l’université reçoivent une éducation quelconque dans les camps où ils se trouvent et, même s’ils ont peut-être une carte de citoyenneté, cela importe peu parce qu’ils ne peuvent pas se déplacer pour faire quoi que ce soit.

Il faut donc que cela change. Si vous me demandiez : « Et si cela ne change pas? », je répondrais alors que la situation serait différente de celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Ce que nous faisons actuellement, c’est que nous — et quand je dis « nous », je veux dire la communauté internationale, les Nations Unies et d’autres — essayons de créer avec les gouvernements du Myanmar et du Bangladesh les conditions qui permettront le retour sécuritaire, digne, sûr et durable des réfugiés. Telle est la position officielle que nous avons tous adoptée.

Bien sûr, cela ne fonctionnera peut-être pas, et dans ce cas, je pense que tout le monde, y compris le Bangladesh et tous les autres pays, devra réfléchir aux autres options. Je ne peux pas prétendre que les choses vont nécessairement s’améliorer. À l’heure actuelle, au Myanmar, il y a d’autres conflits d’importance, notamment un conflit militaire dans l’État de Kachin, situé très au nord près de la frontière chinoise et qui compte une importante population chrétienne.

D’importants combats se déroulent dans l’État voisin du Chin, qui borde l’Inde, ainsi qu’à Karen et dans d’autres petits États à la frontière de la Thaïlande.

On ne peut pas dire que le processus de paix est en cours et que tout le monde attend le règlement de la situation pour forger une nouvelle constitution. Nous n’en sommes pas là actuellement.

La sénatrice Cordy : Je siège également au Comité des affaires étrangères, et nous avons entendu parler de situations dans des camps — quoique pas dans celui-ci — où des bébés, nés dans les camps, sont devenus adultes et s’y trouvent toujours. Ce n’est pas ce que nous voulons. Ils sont apatrides, et vous aimeriez qu’ils soient renvoyés, mais les conditions de leur retour, comme vous venez de le dire et comme vous le dites dans votre rapport, ne sont pas sécuritaires.

Ce n’est pas dans le rapport, mais vous avez dit plus tôt que ce n’était pas seulement à Rakhine; c’est aussi tout autour. Comment cela se passe-t-il? Cela se fait-il à l’interne avec de l’aide de l’extérieur? Comment faire en sorte que les Rohingyas puissent rentrer dans leur pays en toute sécurité? Parce qu’en tant qu’apatrides, dire qu’ils sont très désavantagés est un euphémisme, et c’est vraiment un énorme défi.

M. Rae : Le principal organisme international est le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui a la responsabilité première de donner le feu vert. Un envoyé spécial du Secrétaire général se rendra bientôt au Myanmar. Je suis sûr que l’une de ses grandes priorités sera de discuter avec le gouvernement du Myanmar de la façon de créer, sur le terrain, les conditions qui permettront le retour en toute sécurité.

Ce n’est pas une décision qui revient seulement au Myanmar. Le principe premier, c’est que tout retour doit être volontaire, si bien que les gens qu’il faut convaincre que c’est une bonne idée de rentrer sont les Rohingyas eux-mêmes. C’est pourquoi je dis qu’il faut les écouter. À l’heure actuelle, ils ne retournent pas. Ils ne bougent pas. Il faut se poser la question : que va-t-il falloir pour les convaincre de rentrer? Je pense que c’est une situation que nous suivons tous très attentivement.

La sénatrice Cordy : Merci.

La sénatrice Omidvar : Merci, monsieur Rae, d’être venu. Je ne pense pas que vous savez à quel point nous apprécions le travail que vous accomplissez, non seulement au nom des Canadiens, mais du monde entier. J’espère vivement que vous serez la voix de notre conscience, une voix qui nous obligera à demeurer présents.

J’ai quelques questions. À cause de l’état des choses au Myanmar et dans les camps, il est difficile de ne pas être submergé par un sentiment de désespoir et d’impuissance. Je me demande si vous accepteriez de commenter ce qu’on pourrait interpréter comme deux signes de progrès ou d’espoir. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le premier signe, c’est la présence de la première ministre du Bangladesh à Québec cette semaine pour une réunion préparatoire au Sommet du G7 et pour soulever la question des réfugiés rohingyas auprès des chefs de gouvernement. J’espère qu’il en sortira quelque chose, mais j’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le deuxième signe, compte tenu du prolongement des déplacements dans les camps de réfugiés que l’on peut prévoir — pensons au Kosovo et maintenant à Cox’s Bazar, où des gens naissent, grandissent et deviennent adultes dans ces camps —, c’est le Pacte mondial pour les réfugiés qui sera signé cette année. Pensez-vous que ce pacte nous apportera une lueur d’espoir pour ce qui est, à titre d’exemple, de la participation d’autres États-nations au partage des responsabilités avec le Bangladesh?

M. Rae : Je ne suis pas d’accord pour dire que la situation est désespérée. Je m’interdis, presque par principe, d’admettre qu’une situation soit désespérée.

Parfois, c’est très difficile, et parfois on peut constater à quel point il y a peu d’options, mais il y a encore des options devant ce qui se passe au Bangladesh, l’état des camps et le sort des Rohingyas. Il y a des choses que nous pouvons faire. Nous pouvons tous faire des choses qui changeront vraiment la situation.

En fait, le président Roosevelt avait l’habitude de dire que nous n’avons à avoir peur de rien, sauf de la peur elle-même, Il en est de même du désespoir. C’est la pire chose à faire parce que nous ne pouvons pas, dans notre monde, tel qu’il est aujourd’hui, nous payer le luxe du désespoir. Nous devons continuer à nous battre pour faire avancer les choses, même si la situation est difficile.

Je rencontrerai la première ministre du Bangladesh lundi matin, à sa demande, à Toronto, et j’ai hâte de discuter avec elle de ce qui se fait et de ce qui, selon elle, peut être fait et de la capacité de faire avancer les choses. Je pense que le Canada a fait de bons progrès avec le Bangladesh pour consolider ses relations. J’ai assisté à de nombreuses réunions entre les ministres des Affaires étrangères et j’ai rencontré des diplomates et un certain nombre de fonctionnaires, et je pense qu’ils ont tous parlé d’une relation de travail très étroite entre nos deux pays pour ce qui est de la façon de procéder.

Je pense que ce que le Bangladesh doit entendre de la part d’un certain nombre de pays, c’est que nous ne le laisserons pas seul face à ce problème. Il y a certaines choses que le Bangladesh peut faire pour améliorer la situation. Si vous parlez aux travailleurs humanitaires, ils vous diront qu’il y a un processus bureaucratique très difficile à suivre pour faire entrer de l’aide et des gens dans les camps; nous avons reçu de nombreuses demandes et fait beaucoup d’interventions. Notre haut-commissaire, M. Préfontaine, est un fonctionnaire de grand mérite qui travaille jour et nuit pour s’assurer que les fournitures canadiennes arrivent et que les bénévoles canadiens y ont accès, et nous travaillons en très étroite collaboration avec les principaux organismes pour que cela se produise.

Pour répondre brièvement à la deuxième question, je dirais que oui, je crois que le Pacte mondial pour les réfugiés est essentiel. Je trouve regrettable que les États-Unis aient dit qu’ils n’y participeraient pas, ni au Pacte mondial pour les migrations. Je pense que c’est profondément regrettable, mais cela fait partie d’un problème plus vaste que nous éprouvons avec la politique étrangère américaine en ce moment. Je pense que nous devons faire de notre mieux. D’autres doivent combler les lacunes, et nous devons tous travailler ensemble pour déterminer comment nous allons faire face à la crise.

Je n’ai pas besoin de vous dire qu’il y a plus de réfugiés aujourd’hui qu’il y en avait à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays est encore plus élevé. Je pense que c’est un énorme problème.

Je me souviens de la comparution de M. Guterres, alors haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, devant le comité de la Chambre dont j’étais membre. Il a prédit le problème de tous les combats, ces guerres qui se déroulaient, les problèmes importants du changement climatique et d’autres problèmes qui forcent les gens à déménager et à partir, ce qui crée ce problème de migration massive et le problème supplémentaire des réfugiés. Ce sont des choses différentes; la migration massive est différente de la question des réfugiés, mais la question des réfugiés est énorme.

Le sénateur Ngo : Merci, monsieur Rae. J’ai quelques questions. Nous savons que le Myanmar a signé avec les Nations Unies, en mai, un accord de réinstallation volontaire au Myanmar. Quelle est votre évaluation de cet accord?

Deuxièmement, croyez-vous qu’Aung San Suu Kyi soit en mesure d’influencer l’armée de façon à atténuer ce conflit ou à y mettre fin?

M. Rae : Je vais vous donner mon point de vue aussi directement que possible. L’accord est préférable à l’absence d’accord, mais la clé de tout accord est son exécution. J’ai vu signer beaucoup de protocoles d’entente, d’ententes et de documents de toutes sortes. Là n’est pas vraiment le problème; l’essentiel, c’est de savoir si cet accord sera vraiment exécuté et si les mesures nécessaires seront prises de manière à instaurer la confiance au point où les gens diront : « Il est maintenant acceptable de rentrer. »

Je ne pense pas que le gouvernement du Myanmar soit suffisamment conscient de tout ce qui doit être fait, plutôt que simplement l’annoncer — ce sont deux choses différentes — avant que cette confiance soit instaurée. Cette confiance ne viendra pas d’un seul discours du conseiller d’État. Ce ne sera pas en brandissant un document et en disant que nous, aux Nations Unies, sommes tous d’accord que les gens diront qu’il est maintenant possible de rentrer chez eux.

Cela ne réglera pas le problème. La solution doit reposer sur la confiance qu’ont les gens de ne pas être attaqués par qui que ce soit, d’être protégés et de trouver une voie claire et définitive vers l’inclusion politique, ce qui, à mon avis, comprend la citoyenneté.

Avant que cela ne se produise, il faudra encore beaucoup de négociations détaillées. Nous n’en sommes pas encore là, non.

Le sénateur Ngo : Cela m’amène à ma deuxième question. Aung San Suu Kyi est-elle en mesure d’influencer l’armée? Nous savons que le commandant en chef exerce le contrôle. Pensez-vous qu’elle a de l’influence? Quelle est la position du commandant en chef?

M. Rae : Tout d’abord, le commandant en chef n’a pas accepté le rapport de Kofi Annan. Le conseiller de l’État et le gouvernement l’ont fait. Le gouvernement a dit publiquement qu’il voulait rapatrier tout le monde, et il est résolu à mettre en œuvre le rapport de Kofi Annan.

Le commandant en chef n’a pas exprimé de telles idées. En fait, il a fait et dit beaucoup de choses qui portent à croire qu’il est très sceptique quant à savoir si le rapatriement complet est possible ou souhaitable. C’est ainsi que j’ai lu certaines des choses qu’il a dites et faites.

La nature du défi consiste à dire : « Si tout le monde est d’accord, alors montrez-nous comment l’accord sera exécuté par tous. Voyons à quel point tout le monde est sérieux dans cette voie. »

Par exemple, sur la question de la citoyenneté, selon la position adoptée par les dirigeants des Rohingyas dans le camp, ceux-ci ne rentreront au pays qu’une fois qu’ils auront obtenu la citoyenneté. Il ne s’agit pas simplement d’une carte de vérification de nationalité, c’est-à-dire une carte qui permet de travailler et faire certaines choses, mais qui ne confère pas la citoyenneté. Par ailleurs, le gouvernement du Myanmar dit que la carte de vérification de nationalité est une étape qui mènera à la possibilité d’obtenir un jour la citoyenneté.

Je suis négociateur. Il faut trouver un moyen de rapprocher les deux parties sur cette question cruciale afin qu’elles puissent voir, de façon très claire, le chemin vers la citoyenneté. Je peux certainement comprendre l’argument du gouvernement du Myanmar, à savoir que l’on ne peut pas dire que tout le monde devient automatiquement citoyen parce qu’il peut fort bien y avoir des gens qui essaient d’entrer au pays en prétendant faussement qu’ils y ont toujours vécu à tel ou tel endroit.

Dans tous les pays du monde, vous devez vous soumettre à une vérification avant d’obtenir votre passeport ou avant qu’il soit approuvé. On ne peut pas dire qu’il n’y aura pas de processus de vérification. Aucun pays n’accepterait cela, mais vous devez dire que le processus de vérification doit être clair, transparent, raisonnable et rapide. Il faut s’entendre pour qu’à la fin du processus, la personne obtienne la citoyenneté.

C’était l’entente initiale conclue en 1948, et c’est l’entente qui a été rompue. C’est ce qu’il faut reconnaître comme étant le problème.

Le sénateur Ngo : Comment voulez-vous que le commandant en chef participe à ce processus?

M. Rae : C’est un processus d’engagement politique, et c’est pourquoi, dans mon rapport, vous remarquerez que j’emprunte une voie différente de ce que d’autres ont fait, en ce sens que je dis qu’il n’est pas temps d’imposer des sanctions générales ou de nous éloigner de l’engagement avec le gouvernement du Myanmar, y compris l’armée. Je soutiens fermement dans mon rapport que nous devons consulter tout le monde, tous les éléments du gouvernement. Cela ne veut pas dire que nous faisons de l’entraînement militaire. Cela ne veut pas dire que nous signons une entente militaire, mais cela signifie que nous comprenons que l’armée est une force politique, économique et sociale dans la vie du pays. Si nous voulons être efficaces sur le plan diplomatique, nous devons nous engager au moins au point où nous pouvons envisager que nous les rencontrons, que nous discutons avec eux et que nous ne nous contentons pas de tenir tout le monde à distance.

Je ne suis pas d’accord avec certaines personnes qui disent qu’on ne devrait jamais parler aux militaires parce qu’ils ont fait des choses terribles. Le fait est qu’il faut négocier avec toutes sortes de personnes avec lesquelles on n’est pas d’accord. Vous n’aimez peut-être même pas la façon dont ils se sont comportés, mais il faut négocier pour arriver à quelque chose.

Le sénateur Ngo : Merci.

La sénatrice Andreychuk : Merci, monsieur Rae, d’être ici. Ce n’est pas la première fois que vous négociez. Je me souviens de la situation tamoule au Sri Lanka et des frustrations que vous avez eues là-bas. Il semble que la patience et la persévérance constituent les leçons à en tirer. Je suis heureuse que vous ayez retenu ces leçons parce que nous sommes souvent confrontés à des crises, nous y faisons face et nous passons à autre chose. Cela fait partie du problème avec les Rohingyas: nous examinons la situation, puis nous nous tournons vers la prochaine crise. Vous êtes donc là pour nous le rappeler.

J’aimerais notamment me concentrer, et vous l’avez très bien expliqué dans votre rapport et dans vos commentaires, sur les camps de réfugiés. La dynamique là-bas n’est pas différente de ce qu’elle est en situation de crise, à savoir à quel point les gens sont vulnérables dans leurs camps, parfois menacés par leurs propres dirigeants ou par des gens de l’extérieur.

Ce que j’entends dans d’autres pays, c’est que les deux entités qui finiront par régler le problème sont le Bangladesh et le Myanmar. Ce sont les deux pays qui détiennent les leviers, en fin de compte. Certains disent qu’il ne faut pas exercer autant de pression sur le gouvernement civil parce que cela pourrait le faire tomber.

Qu’en pensez-vous? Nous comprenons les militaires; nous comprenons leur rôle. Certaines personnes disent très durement que nous devrions exercer plus de leviers sur le gouvernement civil parce qu’il en a probablement, mais qu’il ne les a pas utilisés dans la crise des Rohingyas. D’autre part, nos yeux sont tournés vers cette crise, et la situation au Bangladesh n’est pas rassurante d’un point de vue démocratique, en ce sens qu’elle marginalise de plus en plus l’opposition, et ainsi de suite.

Comment ces grands enjeux entrent-ils en ligne de compte?

Ma dernière question concerne la Chine et l’Inde. Comment tirer parti de ces deux pays pour leur faire comprendre que la déstabilisation de la région finira par leur nuire, eux et leurs collectivités?

M. Rae : Ce sont de très bonnes questions. Si vous attendez qu’une démocratie parfaite s’installe au Myanmar ou au Bangladesh, vous risquez d’attendre très, très longtemps. Tous les pays ont des imperfections, des problèmes et des défis à relever. J’ai reçu aujourd’hui un courriel d’un groupe qui disait : « Comment pouvez-vous autant travailler en collaboration avec le Bangladesh alors que sont commises dans ce pays de graves violations des libertés civiles et que le chef de l’opposition est en prison, entre autres problèmes? »

À mon avis, il faut tenir compte de tout cela, mais il faut aussi aborder les problèmes de plein front. Notre gouvernement a été élu démocratiquement. Nous devons composer avec ce gouvernement. C’est la même chose au Myanmar. Un gouvernement civil y a été élu, et l’armée joue un rôle crucial dans le pays depuis l’indépendance. Il faut donc composer avec elle. Comme je l’ai dit, cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord avec eux ou que nous approuvons les atrocités qui se sont produites et qui continuent de se produire, mais cela veut dire que nous devons être en mesure de dialoguer avec eux, d’apprendre et de trouver une façon de changer la situation.

Je suis d’accord, en fait, pour dire que les enjeux clés sont le Bangladesh et le Myanmar, les deux ensemble, et ceux, comme la Chine et l’Inde, qui croient fermement que c’est leur région et que l’Occident peut tout simplement se retirer et que les autres pays peuvent rentrer chez eux et leur laisser le soin de s’en occuper. Je ne pense pas que le monde fonctionne de cette façon. Il y a des enjeux et des normes, des liens et des connexions entre nous, par exemple, et les Bangladais qui remontent à très loin. Il y a une énorme communauté bangladaise au Canada. Nous ne pouvons pas faire la sourde oreille et dire que nous n’allons pas écouter leurs préoccupations parce que cela n’a pas d’importance, et que cette partie du monde ne nous préoccupe pas vraiment.

Nous sommes allés au-delà de cette position en droit international et, je dirais, en diplomatie, mais il faut comprendre que nous devons vraiment collaborer avec la Chine et l’Inde — et le Japon, par exemple, qui est un important donateur financier au Myanmar et au Bangladesh — et vraiment essayer de comprendre ce qu’est exactement la sensibilité régionale. Plus on l’explore, plus on se rend compte que c’est un paysage très complexe. Ce n’est pas que tout le monde veut simplement que vous partiez. Ils veulent que vous écoutiez certaines des leçons à retenir.

Personnellement, la meilleure leçon qu’on m’a enseignée avant que j’accepte ce poste a été celle de la ministre des Affaires étrangères de l’Indonésie. Je suis allé la voir en Indonésie avant de faire mon premier voyage dans les camps parce que j’avais entendu dire qu’elle entretenait une relation solide avec la première ministre du Bangladesh et avec Aung San Suu Kyi. Je lui ai demandé quels conseils elle avait à me donner. Elle a dit : « J’ai deux conseils. Le premier est d’écouter », ce qui est un défi pour moi, comme vous le savez peut-être. Mais j’apprends, et je m’améliore. Le deuxième était : « Ne leur faites pas la leçon, mais demandez-leur plutôt de faire ce qu’ils disent qu’ils font. Demandez-leur de faire ce qu’ils disent avoir accepté de faire. »

Par exemple, nous devons sans cesse répéter aux Myanmarais : « D’accord, vous dites que vous allez procéder à la mise en œuvre ». Pour être juste envers Aung San Suu Kyi, elle a nommé Kofi Annan, puis après avoir accepté, Kofi Annan a dit : « Je veux que la moitié du groupe soit myanmarais. Je veux que les progrès viennent de l’intérieur autant que de moi. » C’était une combinaison de personnalités internationales et nationales. Puis, le rapport a été déposé et elle a dit : « J’accepte les recommandations du rapport. » Vous dites : « D’accord, mais si vous les acceptez, il faut les mettre en œuvre. Faites-le. Comment pouvons-nous vous aider à les mettre en œuvre? Comment pouvons-nous insister pour vous aider à faire ce que vous dites vouloir faire? »

C’est une façon beaucoup plus efficace de s’engager que d’arriver en faisant la leçon. Comme Canadiens, dans nos pires moments, il nous est arrivé de faire cela. Nous sommes déjà vraiment arrivés en réprimandant les gens. Nous devons réfléchir à l’efficacité de cette façon de procéder. Ce n’est pas vraiment très efficace. Ce qui est efficace, c’est l’écoute et la persistance de notre engagement.

J’aimerais revenir sur un point que vous avez soulevé. Dans le monde moderne d’aujourd’hui, nous ne portons pas suffisamment attention au fait qu’il faut du temps pour résoudre les problèmes, et qu’il faut de la persévérance pour les résoudre. Il faut connaître l’histoire, la culture, la dynamique interne d’un pays, et il faut beaucoup de persévérance parce que nous avons tendance à oublier. Particulièrement dans le monde des communications modernes, tout le monde veut dire : « Eh bien, il nous faut un communiqué de presse. Quels sont vos produits livrables aujourd’hui? Quels sont vos produits livrables demain? » Il faut être patient et reconnaître qu’il n’y aura pas de produit à livrer aujourd’hui ou demain.

Si quelqu’un disait : « Monsieur Rae, vous y êtes allé quatre fois. Qu’avez-vous accompli? », je répondrais : « Eh bien, j’ai rédigé un rapport. J’ai poussé les gouvernements à faire plus qu’ils n’étaient prêts à faire auparavant. Je pense que nous avons établi de bonnes voies de communication avec un certain nombre de pays. » Vous pouvez dire que cela a été un effort valable, mais si vous disiez « Eh bien, nous nous attendions à ce que vous fassiez ceci, ceci, ceci et cela », vous diriez en quelque sorte : « Eh bien, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Il faut plus de temps que cela et plus de persévérance. »

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup, monsieur Rae. Je vous remercie de votre présence et de vos connaissances, de votre travail et de votre patience. Et l’espoir, parce que je pense que c’est vraiment important dans notre monde, malgré ce que vous dites au sujet du nombre de réfugiés qui est si élevé, et je pense qu’il ira encore en augmentant.

Il y a quelques mois, un témoin nous a parlé de sa situation familiale et du décès de certains membres de sa famille. Cela nous a beaucoup touchés. Vous avez dit que cela vous touchait sur le plan émotionnel. Si vous deviez nous décrire la situation pour que nous puissions nous assurer que les autres Canadiens prennent conscience de la gravité de la situation, que pourriez-vous nous dire au sujet de ces répercussions, des conséquences émotionnelles, qui serait concret pour les Canadiens ici?

M. Rae : Il me vient trois choses à l’esprit. L’une d’elles concerne une réunion que j’ai eue dans le camp, lors de ma première visite à l’automne, où j’ai dit : « J’aimerais avoir la chance de rencontrer des gens en petits groupes. » Ils ont donc permis, à moi et à une ou deux autres personnes, de rencontrer quelques personnes — des femmes — pour les écouter parler de ce qui leur était arrivé dans leur village. Je pense que vous avez vu les rapports, mais quand on réalise à quel point c’est un crime contre l’humanité que d’utiliser le viol comme arme de guerre — parce que, dans l’histoire de la guerre, on pense que la guerre se fait entre des armées, entre des gens qui connaissent les règles. Il y a des règles de combat, des règles d’engagement, des règles sur la façon de traiter les prisonniers de guerre et des règles sur ce qui va trop loin. Depuis la création de la Croix-Rouge au milieu du XIXe siècle, nous avons créé des normes et les Conventions de Genève, et nous avons passé une longue période à les observer. Ce qui s’est passé, en particulier, au cours des dernières années, c’est que ce sont des guerres qui touchent les civils et qui ont des répercussions directes sur les populations civiles de la façon la plus brutale. Je n’oublierai jamais le témoignage de ces femmes.

La deuxième, et j’en ai parlé dans mon rapport, qui s’intitule « Dites-leur que nous sommes humains ». J’ai raconté l’histoire à maintes reprises, lorsqu’un homme à qui j’ai parlé s’exprimait très clairement, en contrôle de ses émotions et de façon responsable. Nous avons eu une très bonne conversation sur ce qui lui était arrivé, sur la discrimination dont il avait été victime et sur les difficultés qu’il avait dû surmonter pour aller à l’université, et dans la vie en général. Lorsque je lui ai dit au revoir, j’ai ajouté : « J’irai faire rapport à notre premier ministre. Qu’aimeriez-vous vous que je lui dise? » Il m’a attrapé par le bras et il a commencé à pleurer. Il m’a tenu le bras pendant un bon moment et m’a enfin dit : « Dites-lui que nous sommes humains. »

L’un des aspects de la haine, et du processus des crimes contre l’humanité et du génocide, consiste à déshumaniser les gens et à faire comme s’ils n’étaient pas humains et qu’il était donc normal de les exterminer. Vous pouvez les éliminer, puisque ce ne sont pas vraiment des êtres humains. Ils sont différents. C’est ainsi qu’il faut penser pour tuer autant de gens. C’est terrible.

Je dois vous dire que les camps sont pleins de jeunes. Ce que j’ai ressenti, comme père et grand-père, c’est que ce ne sont que des enfants.

La présidente : Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.

La sénatrice Coyle : Merci de votre humanité, monsieur Rae. C’est très apprécié. Je vous remercie de nous en avoir fait part, même si cela a été difficile pour vous et pour nous.

J’ai deux questions qui font suite à certaines des questions qui ont déjà été posées.

Vous avez écouté les Rohingyas. Les Rohingyas sont-ils d’accord entre eux quant à leurs souhaits pour l’avenir?

Deuxièmement, pour revenir à la question de la sénatrice Andreychuk sur les leviers, je m’intéresse toujours aux leviers, surtout à l’échelle internationale. Le commandant en chef, qui semble être un personnage puissant, semble avoir un rôle clé à jouer — je suis tout à fait d’accord avec vous là-dessus — dans nos rapports avec eux, précisément où et comment nous pouvons établir ces rapports et avec qui nous pouvons les établir. D’après vos observations, quels sont les facteurs d’influence ou les leviers qui pourraient permettre d’orienter cet important dirigeant vers la mise en place d’un contexte sûr pour le retour des Rohingyas?

M. Rae : Pour répondre à la première question, il serait juste de dire que les dirigeants rohingyas ont établi ce que j’appellerais une position organisée. Ils l’ont publié dans un certain nombre de documents, et on en parle beaucoup comme d’une liste de 10 ou 12 demandes.

En général, il y a deux points qui me semblent forts. L’un d’entre eux concerne la demande de citoyenneté; l’autre est la demande de protection pour le retour au pays.

Lorsque j’en ai parlé, il est clair qu’ils font un parallèle avec le Kosovo où, vous vous en souviendrez peut-être, le retour des Kosovars dans leur pays s’est fait sous la protection directe de l’OTAN, et il s’agissait d’un engagement militaire. C’était dans le contexte d’un engagement militaire de longue date entre l’OTAN et la Serbie, et ainsi de suite. Je pense que cela correspond tout à fait à leurs souhaits, puisque c’est à ce moment-là que la responsabilité de protéger a été mise en place et que les gens ont dit : « D’accord. Nous allons vous protéger. Vous pouvez rentrer. »

Encore une fois, je ne me fais pas beaucoup d’amis quand je dis cela, mais je n’ai pu déceler nulle part un désir d’engagement militaire direct avec l’armée du Myanmar. Le général Min Aung Hlaing a dit publiquement que si quelqu’un pense que les gens vont revenir sous la protection des troupes, ce sera le début d’une autre guerre du Vietnam. Ils tracent une ligne de démarcation entre leur souveraineté et leur obligation militaire d’assurer la sécurité de leur propre peuple, et ils n’accepteront pas la présence de troupes armées étrangères sur leur territoire. En ce moment, c’est leur position.

Lorsque je parle au gouvernement de notre pays et à d’autres gouvernements, je leur demande s’ils sont intéressés à participer à un exercice militaire. Ils se contentent tout simplement de hocher la tête pour dire non. Je pense que c’est un aspect où il faut poursuivre le dialogue avec les dirigeants des Rohingyas pour dire que, pour toutes sortes de raisons, c’est très difficile et que cela ne se produira pas de cette façon. L’ONU ne peut pas agir seule. Ce sont les États membres qui déterminent si ce genre de mesure est adopté. Nous devons être francs quant à la probabilité que cela se produise.

L’autre point, c’est que dans le camp, lorsque vous parlez à des gens en privé sans la présence de nombreuses autres personnes, vous obtiendrez une diversité beaucoup plus riche de points de vue sur ce qu’il leur faudrait pour qu’ils retournent chez eux. On nous dit : « Eh bien, je veux m’assurer de récupérer mes terres et de pouvoir travailler comme agriculteur et vendre mes produits sur le marché. Je suis prêt à le faire. » Et les hommes — et ce n’est pas tout à fait représentatif —, ceux qui avaient un emploi, une ferme, une terre ou du bétail disent : « Je veux retourner les chercher parce que cela vaut beaucoup. » Les femmes qui ont été victimes de violence ne tiennent pas autant à rentrer au pays. Je n’ai pas vu beaucoup de volonté de rentrer chez elles de leur part.

Il est très intéressant d’avoir le genre de conversation qui vous permet de déterminer l’opinion publique. Il faut aussi savoir qu’il y a des groupes qui mènent des sondages. Ils posent des questions et essaient de se faire une idée de l’opinion dans les camps. Que se passe-t-il réellement? Cette information est communiquée aux gouvernements et à d’autres. Je pense que c’est très utile, mais même si nous regardons tous les sondages, nous voulons vraiment entendre ce que les gens ont à dire. Donnez-moi une idée de ce que sont vos options véritables. C’est là-dessus que nous devons vraiment davantage insister.

En terminant, j’aimerais mentionner un fait historique et social bien connu : à partir du moment où une diaspora se crée, elle est généralement plus militante que la population restée sur place, qui vit la situation au quotidien. Ceux qui sont partis ont une vision de ce qui devrait se passer, alors que pour les autres, au contraire, cette vision est constamment remplacée par des événements. Je pense que c’est une chose que les Canadiens savent très bien et dont nous devons être particulièrement conscients.

La présidente : Merci, monsieur Rae. Honorables sénateurs, je suis désolée, mais nous n’aurons pas le temps de faire un autre tour. Toutes mes excuses.

La sénatrice Ataullahjan : J’aimerais simplement dire deux phrases à Bob Rae, s’il vous plaît.

Monsieur Rae, je tiens à vous remercier. Votre témoignage est l’un des plus puissants que le Comité des droits de la personne a entendu depuis longtemps. Merci d’avoir montré que tout le monde est humain et que tout ce que nous faisons est lourd de conséquences, chaque jour. Je vous en remercie.

La présidente : Monsieur Rae, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé ce matin. Plus important encore, je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez fait et que vous continuez de faire.

Comme nous l’avons compris dans votre déclaration liminaire et dans vos réponses aux questions des sénateurs, les choses ne s’arrêtent pas là pour vous. Le travail se poursuit.

Je tiens également à vous remercier de nous avoir rappelé le coût émotionnel associé à ce travail. Je crois que le premier ministre a fait un excellent choix lorsqu’il vous a choisi comme envoyé spécial du premier ministre au Myanmar. Merci de votre travail.

J’ai été profondément marquée par une chose que vous avez dite dans votre déclaration d’aujourd’hui, et je cite : « Je m’interdis, presque par principe, d’admettre qu’une situation soit désespérée. » Puis, vous avez ajouté : « Nous ne pouvons nous payer le luxe du désespoir. »

Je vous remercie de nous avoir rappelé tout cela. Merci de la passion et de la compassion dont vous faites preuve dans cette tâche et merci du temps que vous accordez au comité sénatorial aujourd’hui.

M. Rae : Merci, sénatrice. Je vous en suis très reconnaissant. En venant ici, je n’avais pas l’intention de devenir aussi émotif que je l’ai été pendant un moment, mais je suis heureux d’avoir eu l’occasion de partager tous les aspects de cette expérience. Je l’apprécie énormément.

Comme vous le savez, mon mandat en tant qu’envoyé spécial se terminera à la fin de juin. Certains d’entre vous m’ont demandé quelle serait la prochaine étape, mais j’ignore quelle sera la suite des choses. Peut-être faudrait-il demander à la ministre Freeland, et même au premier ministre, s’ils ont d’autres plans, mais s’ils en ont, je ne les connais pas.

La présidente : Si vous demandiez au Comité sénatorial permanent des droits de la personne de faire une recommandation, quelle serait-elle?

M. Rae : Eh bien, je ne pense pas qu’une nomination à vie soit une bonne idée. L’autre jour, j’ai écrit à la ministre pour lui dire que j’aimerais avoir la possibilité de discuter avec elle des prochaines étapes, avant la fin de mon mandat. Elle m’a répondu sans tarder et m’a affirmé que c’est ce qu’elle voudrait faire aussi. Nous verrons ce que ce qui va se passer.

Le fait est qu’il s’agit maintenant d’une obligation partagée entre le Parlement et le gouvernement. Il existe de nombreuses possibilités d’engagement et d’action de la part du comité et d’autres intervenants. J’encourage tout le monde à demeurer vigilant dans l’examen de la situation.

La présidente : Merci. Votre présence ici aujourd’hui nous a grandement aidés.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant procéder à l’étude article par article du projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes, et du projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains).

Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs un certain nombre de points. Si, à un moment ou à un autre, vous ne savez plus trop où nous en sommes dans le processus, n’hésitez pas à demander des précisions. Je tiens à faire en sorte que chacun d’entre nous sache en tout temps où nous en sommes. Avant que nous n’examinions un amendement à un article, je vérifierai si d’autres sénateurs avaient l’intention de proposer un amendement modifiant une ligne précédente du même article. Le cas échéant, ils auront l’occasion de le faire.

Une petite précision : si un sénateur s’oppose à un article en entier, la procédure normale en comité n’est pas de proposer une motion pour supprimer l’article au complet, mais plutôt de voter contre le maintien de l’article dans la mesure législative.

Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que, en cas de doute quant aux résultats d’un vote par oui ou non, ou d’un vote à main levée, la façon la plus harmonieuse de procéder est de demander un vote par appel nominal, qui aboutira à des résultats clairs. Les sénateurs savent qu’en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.

Avez-vous des questions sur ce que je viens de dire? Sinon, nous pouvons commencer.

Nous commençons l’étude article par article du projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes. Êtes-vous d’accord pour que le comité procède à une étude prudente du projet de loi?

Des voix : D’accord.

La présidente : L’étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

La présidente : Le préambule est-il reporté?

Des voix : D’accord.

La présidente : L’étude de l’article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

La présidente : L’article 2 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : L’article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Le préambule est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Adopté.

Le comité envisage-t-il d’annexer des observations au rapport?

Des voix : Non.

La présidente : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D’accord.

La présidente : Voilà, c’est fait.

Le sénateur Dawson : Je tiens à remercier le comité de sa rapidité. Comme nous tenons vraiment à adopter ce projet de loi avant la fin de la session, il est important que nous l’examinions au plus tôt, comme vous le savez. Le temps file et la troisième semaine de septembre approche à grands pas. Je n’ai pas eu le choix de la semaine, mais il se trouve que c’est la semaine de mon anniversaire, alors merci beaucoup. Ce sera mon cadeau d’anniversaire.

La présidente : Merci.

Nous passons maintenant à l’étude du prochain projet de loi, le projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains).

La sénatrice Andreychuk : Je n’ai pas pu être présente lorsque vous avez entendu les témoins. À titre de précision, les responsables du ministère de la Justice ont-ils été invités à comparaître devant le comité? Si oui, quelle a été leur réponse?

La présidente : J’ai moi-même manqué une des réunions, parce que j’ai dû m’absenter. Je sais cependant que des gens du ministère ont été invités et qu’ils ont refusé l’invitation.

La sénatrice Andreychuk : D’accord. Merci.

La présidente : Y a-t-il d’autres questions?

Êtes-vous d’accord pour que nous procédions à l’étude article par article du projet de loi S-240?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

L’étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

L’article 1 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Adopté.

L’article 2 est-il adopté?

La sénatrice Ataullahjan : J’ai un amendement.

La présidente : La sénatrice Ataullahjan propose un amendement.

La sénatrice Ataullahjan : Je propose:

Que le projet de loi S-240 soit modifié à l’article 2, à la page 2,

a) par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit:

« a) obtient un organe à des fins de greffe »;

b) par substitution, à la ligne 3, de ce qui suit:

« l’organe a été prélevé n’a pas donné un »;

c) par substitution, aux lignes 6 et 7, de ce qui suit:

« b) se livre ou participe au prélèvement d’un organe sur une autre personne, ou facilite pareil »;

d) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit:

« a été prélevé n’a pas donné un consente- »;

e) par substitution, aux lignes 14 et 15, de ce qui suit:

« gane sur une autre personne sachant que la personne à qui l’organe a été prélevé n’a ».

La présidente : Sénatrice, pourriez-vous expliquer aux membres du comité qui n’étaient pas présents à la réunion et qui n’ont pas entendu les témoins?

La sénatrice Ataullahjan : Cet amendement est fondé sur les témoignages que nous avons entendus.

La sénatrice Cordy : Il y a eu une certaine confusion au sujet de la définition de « tissu », et les témoins ont estimé qu’il serait préférable de parler d’« organe ». Le titre du projet de loi ne porte que sur les « organes ».

La sénatrice Ataullahjan : Plus précisément, vous touchez tout l’éventail des possibilités.

La présidente : Plaît-il aux honorables sénateurs d’adopter la motion d’amendement proposée?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

Votre deuxième amendement, s’il vous plaît, sénatrice.

La sénatrice Ataullahjan : Je propose:

Que le projet de loi S-240 soit modifié à l’article 2, à la page 2, par adjonction, après la ligne 18, de ce qui suit:

« (1.1) Pour l’application du présent article, consentement éclairé s’entend du consentement donné par une personne capable de prendre des décisions en matière de santé et qui connaît et comprend tous les faits importants, y compris la nature de la procédure de prélèvement d’organes, les risques et les effets secondaires potentiels. »

C’est une autre question qui revenait sans cesse. Comme je l’ai souligné lors du témoignage, le terme « consentement éclairé » a été employé dans le projet de loi sur l’aide médicale à mourir. Nous nous sommes dit que nous devrions l’employer ici aussi. On nous avait dit que le terme n’était habituellement pas utilisé dans le Code criminel, mais l’a été dans ce projet de loi.

La sénatrice Cordy : C’était simplement pour clarifier ce qu’est le « consentement éclairé », parce que nous avons entendu M. Kilgour et M. Matas parler de greffes qui ont été pratiquées sans le consentement éclairé.

La présidente : Cet amendement a donc pour but d’inclure le « consentement éclairé ».

La sénatrice Cordy : Oui.

La présidente : Y a-t-il d’autres questions?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement proposée?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

Adopté. Sénatrice Ataullahjan?

La sénatrice Ataullahjan : Je propose:

Que le projet de loi S-240 soit modifié à l’article 2, page 2, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit:

« sible d’un emprisonnement maximal de 14 ans ».

Cela correspond à la peine maximale pour voies de fait graves. Nous avons également précisé qu’au bout du compte, la détermination de la peine relève du juge. Celui-ci a la capacité d’adapter la peine à l’infraction, mais nous nous contentons de fixer la peine maximale pour voies de fait graves, qui est de 14 ans.

La sénatrice Cordy : C’est à cause des témoignages?

La sénatrice Ataullahjan : Oui, des témoignages que nous avons entendus.

La présidente : Y a-t-il d’autres questions ou commentaires sur cet amendement?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

La présidente : Il nous reste une question.

La sénatrice Ataullahjan : Je propose:

Que le projet de loi S-240 soit modifié à l’article 2, à la page 2, par adjonction, après la ligne 28, de ce qui suit:

« 240.2 Un médecin tel que défini à l’article 241.1 qui traite une personne en lien avec une greffe d’organe fait rapport, dès que les circonstances le permettent, à l’autorité désignée à cette fin par décret du gouverneur en conseil le nom de la personne, s’il est connu, ainsi que le fait qu’elle a reçu une greffe d’organe. »

Une fois de plus, cela s’appuie sur les témoignages que nous avons entendus. En vertu des lignes directrices provinciales sur le signalement, le médecin qui traite une victime de blessures par balle est tenu de produire un rapport à cet égard. Je le répète, c’est simplement ce que nous avons entendu.

La présidente : Y a-t-il d’autres commentaires ou questions sur l’amendement? Non?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

La présidente : Adopté.

L’article 2 modifié est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Merci, sénatrice Ataullahjan, pour ces amendements. Nous passons maintenant à l’article 3.

L’article 3 est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Le projet de loi modifié est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Le comité envisage-t-il d’annexer des observations au rapport? Non.

Puis-je faire rapport du projet de loi modifié au Sénat?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

Ce sont là les deux projets de loi. Je vous remercie et je vous félicite.

(La séance est levée.)

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