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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule no 17 - Témoignages du 19 mars 2019


OTTAWA, le mardi 19 mars 2019

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, conformément à l’article 12-7(2)c) du Règlement, pour étudier les ordres et pratiques du Sénat et les privilèges parlementaires.

Le sénateur Leo Housakos (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues et cher public ici présents ou sur le Web, bonjour. Soyez les bienvenus à cette séance du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je demande à mes collègues de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, du Manitoba.

Le sénateur Greene : Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice des Laurentides, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, de Lorimier, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Seidman : Bonjour. Je suis Judith G. Seidman, de Montréal.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Serge Joyal, de la division de Kennebec, au Québec.

Le président : Je suis le sénateur Leo Housakos, président du comité, de Montréal.

Nous poursuivons notre étude des privilèges. En juin 2015, à la dernière séance du Parlement, notre comité a déposé un rapport, intitulé Une question de privilège : Document de travail sur le privilège parlementaire au Canada au XXIe siècle. Notre comité a accepté de poursuivre cet excellent travail et consacre maintenant une sixième séance à cette étude. Le privilège parlementaire est un élément essentiel de notre démocratie parlementaire. Son rôle est de permettre au Parlement de fonctionner efficacement, sans trop d’entraves.

Nous avons le privilège et l’honneur d’accueillir M. Dave Levac, un homme qui, comme plusieurs d’entre vous le savent, a accumulé deux décennies d’expérience parlementaire à Queen’s Park, a eu une carrière bien remplie et détient l’honneur d’y avoir exercé le plus longtemps la charge de Président de l’Assemblée législative de l’Ontario. Élu en 2011, il a siégé jusqu’en 2018, et il a produit des rapports et rendu des décisions historiques sur l’influence et la puissance des comités parlementaires.

M. Levac a pris le temps de comparaître devant nous. Je lui cède la parole pour qu’il nous fasse un exposé. Ensuite, j’espère qu’il répondra à nos questions.

Dave Levac, ancien Président, Assemblée législative de l’Ontario, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président.

[Note de la rédaction : M. Levac s’exprime en d’autres langues.]

C’était pour mes amis polonais et d’autres personnes.

Je profite de l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui pour vous faire part de certaines idées qui me sont venues, au fil des ans, à la faveur de conversations instructives avec beaucoup d’Ontariens, de Canadiens et d’étrangers sur les privilèges parlementaires.

Après un préambule, je suivrai le texte que j’ai préparé, mais, avant, j’ai des petits détails à vous communiquer.

Une partie du mérite revient à Meghan Stenson, greffière du Service de recherche à la table de l’Assemblée législative de l’Ontario, qui a préparé le texte; à la greffière Deborah Deller, de qui je relevais; et, plus encore, à Todd Decker, le greffier de l’Ontario, pour nos conversations sur le sujet, quand vous l’avez soulevé dans votre rapport de juin, immédiatement avant les élections ontariennes. Je suis demeuré Président de l’assemblée législative pendant encore un mois, avant sa convocation. Le sujet est revenu quelques fois sur le tapis entre nous.

Quand l’occasion s’est présentée, votre greffier m’a demandé si j’étais désireux d’avoir cette discussion avec vous, ce à quoi j’ai répondu : « Plus une discussion que la représentation d’un tiers. » J’essaierai d’être le plus bref possible et d’engager le dialogue sur ce qui se passe.

Je vous laisse un sujet de réflexion. Je ne crois pas que beaucoup de Canadiens sachent ce que sont les privilèges parlementaires et en connaissent le pouvoir ou le caractère sacré. Honnêtement, je crois que leur caractère sacré les préserve des empiétements du judiciaire et du risque de les accorder à une autre branche. Il faut se demander pourquoi on le ferait et, si on les détient déjà, pourquoi on les perdrait et on les céderait?

Je remercie aussi le greffier, Todd Decker, riche d’une vaste expérience acquise à ce poste et généreux d’une intarissable sagesse. Il a mis par écrit une grande partie de nos sujets de discussion en privé, qui se sont retrouvés dans mes décisions; j’ai donc contracté une immense dette de reconnaissance à l’égard de Deborah Deller et de Todd de m’avoir communiqué les idées qui m’étaient nécessaires pour m’exprimer avec un minimum d’intelligence sur les privilèges parlementaires.

Tout d’abord, je suis un retraité. Je sais que vous m’enviez tous, moi qui vous l’annonce, mais je tiens à rendre à César ce qui lui appartient : merci. Merci de votre travail, de votre patriotisme, de votre disponibilité pour les électeurs de vos circonscriptions, de vos provinces et, bien sûr, merci de votre point de vue sur la façon de devenir de meilleurs Canadiens. Je vous remercie avec assurance au nom de nombreux Canadiens qui, effectivement, prennent le temps de comprendre ce que vous faites. Ils comprennent que nous avons besoin de personnes qui, parce qu’elles sont les collègues, les frères et les sœurs de l’ensemble des élus, comprennent qui nous sommes.

Très peu de gens s’en sont aperçus, mais il n’y a eu que 43 Présidents de l’assemblée législative dans toute l’histoire de l’Ontario, et je suis l’un d’eux. Quand j’y pense, j’en éprouve de la stupéfaction mêlée d’humilité. Voilà un enfant d’Eagle Place, à Brantford, en Ontario, devenu Président de l’assemblée législative de cette province.

Ce n’est pas pour me vanter, moi, mais pour vanter notre système, qui permet cette ascension. Je suis attablé avec des personnes qui ont vécu à peu près la même chose dans un contexte différent : l’une d’elles, arrivée de l’étranger, est maintenant sénateur; une autre, ayant fui un pays déchiré par la guerre, siège maintenant comme député; une autre, dont la famille remonte à cinq générations, est maire d’une ville qu’il n’a jamais quittée en plus de 60 ans. Voilà un précieux témoignage pour le système, avec lequel nous jouons, à notre péril, en risquant son existence. Nous devons rester vigilants, et c’est ce que vous faites aujourd’hui. Alors, je vous en prie, permettez-moi de vous remercier et de vous dire que vous jouez un rôle important.

Le statu quo, les changements, l’écoute font partie du problème, mais ne le font pas disparaître. Vous allez votre petit bonhomme de chemin et, dans quelques années, un autre groupe de sénateurs discutera ici du prochain sujet à l’ordre du jour en essayant de comprendre son devoir.

Ma dernière observation est une mise en garde : je ne suis le porte-parole ni de l’Assemblée législative de l’Ontario ni du gouvernement actuel. Je suis un retraité qui exprime une opinion fondée sur la connaissance des faits et qui synthétise l’apport de nombreuses personnes pour qui j’ai travaillé au fil des ans. Meghan, Todd, Deborah, et de certains d’entre vous — avec qui j’ai eu des conversations intéressantes. Toutes et tous ont contribué à façonner cette opinion sur ce que nous sommes et sur le point où nous sommes rendus.

Enfin, et ce n’est pas une mince tâche que je vous confie, je vous lancerais un petit défi, celui de faire de notre moment de réflexion un exercice qui n’est pas isolé. Nous devons vraiment faire comprendre au public l’importance du sujet particulier que sont les privilèges.

À la fin, je ferai allusion à quelques courriels que j’ai reçus de Todd et à ses observations, avec lesquelles je suis absolument d’accord.

Les privilèges parlementaires de l’Assemblée législative de l’Ontario et des députés qui en font partie sont ancrés dans la Constitution et les lois. Certains éléments en sont codifiés dans la Loi sur l’Assemblée législative, ce qui signifie qu’il en existe déjà des codifications en Ontario.

Cependant, la conduite de l’Ontario a été d’éviter une codification exhaustive. L’assemblée a plutôt opté pour la défense sélective de ses privilèges devant les tribunaux et l’édiction de lois à ce sujet uniquement quand c’était nécessaire.

Les dispositions de la Loi sur l’Assemblée législative visant le privilège parlementaire régissent notamment :

Le pouvoir de l’assemblée d’assigner des témoins à comparaître devant elle ou ses comités et de produire les documents et les objets qu’elle juge nécessaires à ses travaux. J’ai rendu une décision à ce sujet.

Le pouvoir du Président de décerner un mandat pour obliger une personne à comparaître devant l’assemblée et ses comités et à produire des documents et des objets commandés par l’assemblée. J’ai moi aussi décerné des mandats.

Les dommages-intérêts, dont nul n’est passible, et les autres recours, auquel nul n’est sujet en raison d’actes accomplis sous l’autorité de l’assemblée. J’en ai été témoin.

La liberté de parole des députés. C’est codifié.

La protection des députés contre l’arrestation pour un motif ou une affaire de nature civile.

L’interdiction des significations dans des affaires civiles dans l’édifice de l’assemblée législative, un local où se réunit un comité ou le bureau d’un député. C’est arrivé dans une autre province.

L’exemption du devoir de juré pour les députés, les hauts fonctionnaires et les employés de l’assemblée ainsi que les témoins assignés à comparaître devant l’assemblée ou ses comités.

Le droit d’enquêter sur des violations de privilège ou des outrages et de les punir. J’ai trouvé des cas qui, d’après les premiers témoignages, paraissaient fondés.

La Loi sur l’Assemblée législative renferme une disposition de réserve, « Sauf dans la mesure où le prévoit l’article 41 », qui concerne les récompenses interdites, « la présente loi n’a pas pour effet de priver l’assemblée, ses comités ou ses membres des droits, privilèges, pouvoirs et immunités dont ils sont par ailleurs investis. » Rien ne saurait entraver les droits des députés.

Cela signifie que les dispositions susmentionnées de la Loi sur l’Assemblée législative ne visaient pas une codification exhaustive des privilèges, à l’exception des dispositions touchant la signification dans une affaire civile, ajoutées à la même loi en 1988. Toutes remontent aux versions les plus anciennes de la LAA, qui a été adoptée en 1876. À mon humble avis, cela prouve que, à l’époque, le législateur savait ce qu’il faisait.

Ce que sous-entend la codification : En la matière, il faut distinguer codification exhaustive et recours pragmatique à la loi — ce qu’a fait, dans son rapport de 2013, le comité mixte du privilège parlementaire du Royaume-Uni. La codification exhaustive exigerait l’édiction d’une loi couvrant tous les aspects des privilèges. En revanche, le recours pragmatique à la loi vise la clarification et la confirmation d’éléments précis de privilège, selon les besoins, souvent en réaction à des décisions judiciaires en la matière. Encore une fois, prenez note de la distinction.

Les principaux arguments pour la codification exhaustive privilégient plutôt la clarté et la certitude. Les privilèges parlementaires sont un sujet complexe, souvent mal compris, et l’exhaustivité pourrait en clarifier la signification et l’étendue, orienter l’étude des tribunaux et offrir à un parlement un moyen de définir ses propres privilèges en amont.

Au Canada, on confie une partie de la détermination de l’existence des privilèges et de leur étendue aux tribunaux. S’il craint que d’éventuelles décisions judiciaires n’en limitent l’étendue ou l’application, le Parlement peut affirmer ses privilèges dans une loi.

Malheureusement, la certitude va de pair avec la rigidité.

Les privilèges du Parlement sont anciens, mais le contexte de leur exercice a considérablement changé et il continue d’évoluer.

Le codificateur pourrait très difficilement prévoir toutes les applications possibles des privilèges et leurs éventuelles modifications. En 2013, dans son témoignage devant le comité mixte susmentionné du Royaume-Uni, l’ancien greffier de la Chambre des communes, Robert Rogers, a affirmé qu’il était impossible et contre-indiqué de dresser une « liste d’épicerie » qui prévoirait toutes les possibilités d’évolution des privilèges parlementaires. Devant ces difficultés, il est préférable de conserver la souplesse et l’adaptabilité nécessaires à leur interprétation.

La stratégie de la codification sélective permet à un parlement de légiférer en dernier recours seulement, pour résoudre un problème particulier ou combler une lacune particulière.

C’est ce qu’a finalement préconisé le comité susmentionné de 2013. Dans son témoignage devant ce comité, le lord juge en chef a déclaré :

C’est au Parlement de décider s’il possède les privilèges suffisants pour mener ses travaux comme il l’entend. Si vous avez des réserves à ce sujet, vous devez construire un système qui vous permet de réunir les conditions dans lesquelles vous pouvez vous acquitter convenablement de vos responsabilités... À moins que vous ne soyez mécontents des résultats qu’ils donnent, je ne toucherais pas aux privilèges.

Quand le Parlement ne s’inquiète pas de son bon fonctionnement, il est inutile de codifier les privilèges.

On cite souvent les parlements de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande comme exemples ayant adopté des codes exhaustifs relatifs à leurs privilèges. La loi australienne de 1987 sur les privilèges parlementaires et la loi homologue de 2014 pour la Nouvelle-Zélande codifient toutes les deux les paramètres de plusieurs éléments de privilèges et le rôle des tribunaux dans l’interprétation des privilèges ainsi que les pouvoirs punitifs dont disposent les parlements.

Cependant, les deux parlements ont affirmé que ces lois n’aspiraient pas à l’exhaustivité. Les deux lois renferment des articles qui conservent les privilèges de la Chambre des communes du Royaume-Uni comme fondements des privilèges de ces deux parlements.

La loi néo-zélandaise va jusqu’à affirmer que l’un de ses objectifs est d’énoncer de façon générale, dans un seul texte, et de clarifier la raison d’être et certains autres aspects des privilèges parlementaires, mais en évitant une codification exhaustive. Alors, même ceux qui ont affirmé avoir codifié les privilèges finissent, avec de grands ménagements, par se dédire.

Ces dispositions empêchent de considérer les lois comme exhaustives dans leur définition des privilèges et de limiter l’interprétation et l’exercice de ces privilèges. Il a aussi été largement reconnu que les décisions des deux parlements d’édicter des lois sur les privilèges répondaient directement à des décisions judiciaires insatisfaisantes. Pour ces motifs, il conviendrait peut-être mieux de catégoriser les lois de ces deux pays comme des recours pragmatiques à la loi que comme des codifications exhaustives.

Qu’en est-il de l’Ontario? Voici comment cela se passe maintenant. Je ne suis pas le porte-parole de l’assemblée; j’exposerai ce qu’on sait de son mode de fonctionnement.

L’Assemblée législative de l’Ontario adopte une démarche pragmatique et sélective dans la défense de ses privilèges. Un certain nombre de décisions rendues par des tribunaux administratifs et judiciaires ont porté sur des questions touchant les privilèges des assemblées législatives, particulièrement depuis la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982. Toutefois, depuis, l’assemblée n’a pas entrepris d’étude exhaustive des privilèges ni modifié sensiblement leur régime.

Depuis 1876, date de la première loi régissant certains de ces privilèges, elle n’a modifié qu’une seule fois les dispositions de la Loi sur l’Assemblée législative régissant les privilèges. En 1987, un député, membre du comité des comptes publics, a été cité à comparaître dans des procès en diffamation pendant une séance de ce comité. Le comité a signalé l’incident à la Chambre, et l’affaire a ensuite été renvoyée au Comité permanent de l’Assemblée législative pour plus ample réflexion.

Ce comité a déterminé que l’incident équivalait à outrage à la Chambre. Il a recommandé la modification de la Loi sur l’Assemblée législative pour clarifier l’interdiction de la signification de citations à comparaître dans des affaires civiles, réaffirmer cette interdiction pour toute personne se trouvant dans l’édifice de l’assemblée législative et proposer le libellé d’articles à ajouter à la loi. En 1988, la Chambre déposait les projets de modification de la LAA.

Quand les tribunaux examinent les questions touchant les privilèges de l’assemblée, celle-ci retient les services d’avocats pour protéger ses privilèges en amont. Cette précaution est une reconnaissance implicite du rôle légitime des tribunaux dans l’interprétation des privilèges. Jusqu’ici, l’assemblée n’a pas introduit de mesures officielles, législatives ou autres, en réaction aux décisions des tribunaux sur ses privilèges, ce qui signifie que l’écart entre les deux organes était compris. Cela laisse entendre que l’assemblée est, dans l’ensemble, satisfaite des décisions rendues par les tribunaux relativement aux privilèges.

Une affaire récente dans laquelle l’Ontario a été saisie d’une question touchant directement les privilèges de l’assemblée législative est celle de Marin c. l’Ontario (Bureau de l’ombudsman). André Marin était l’ombudsman de l’Ontario et titulaire d’une charge, créée par une loi, de fonctionnaire supérieur de l’assemblée, nommé par le lieutenant gouverneur en conseil sur adresse à l’assemblée. À la fin de son mandat, il a intenté des poursuites contre l’assemblée, alléguant, entre autres choses, son congédiement injustifié. En réponse, l’assemblée a prétendu que l’affaire n’était pas de la juridiction du tribunal puisqu’elle avait la compétence exclusive en la matière sur ses propres travaux, notamment l’élaboration et la teneur d’une adresse à l’assemblée, ainsi que sur la nomination, la reconduction dans leur poste et la gestion des hauts fonctionnaires du Parlement qui l’aident à s’acquitter de ses fonctions, particulièrement celle d’exiger des comptes du gouvernement.

En déboutant M. Marin, le juge a déclaré qu’un éventuel procès obligerait le tribunal à enquêter sur les procédures internes de l’assemblée et sur ses motivations en ce qui a trait à la nomination d’un haut fonctionnaire de l’assemblée et l’élaboration d’une adresse. Il a conclu que, dans les deux cas, ces catégories de privilèges parlementaires étaient garanties par la Constitution et échappaient ainsi à la compétence du tribunal — encore une fois, la séparation des deux pouvoirs.

Grâce à l’arrêt Marin, l’Assemblée législative de l’Ontario remportait une victoire importante pour la reconnaissance de ses privilèges. Rien n’est gagné d’avance. On reconnaît, par exemple, que l’arrêt récent de la Cour suprême dans l’affaire Chagnon c. le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec risque, en fin de compte, de limiter ses privilèges relativement à ses employés. Cependant, actuellement, l’assemblée reconnaît généralement le rôle et la démarche des tribunaux dans la détermination de l’existence et de l’étendue de ses privilèges. Rien ne montre son désir ou son intention ou ceux de ses membres de modifier leur stratégie pour leurs privilèges. C’est l’opinion actuelle de l’assemblée.

Pour conclure, deux grands moyens juridiques permettent de régir les privilèges : la codification exhaustive et le recours pragmatique aux lois.

La codification exhaustive peut aider à clarifier les paramètres des privilèges et offre à un parlement un moyen d’affirmer en amont ses privilèges. En revanche, elle risque aussi de se révéler inutilement restrictive et rigide. L’Assemblée législative de l’Ontario a préféré notamment affirmer ses privilèges par des procédures judiciaires et clarifier de façon pragmatique les éléments de ses privilèges dans des lois, selon les besoins. Elle semble, en général, satisfaite des décisions rendues sur la question par les tribunaux canadiens et ne prévoit pas, en ce moment, de remettre en question l’ensemble de ses privilèges.

Dans un souci de simplification de ces observations, je vous communique un commentaire offert par Todd Decker, greffier de l’assemblée législative.

L’assemblée législative n’a pas fait son propre examen ou sa propre étude détaillée de ses privilèges depuis, essentiellement, les débuts de la Confédération, comme vous le dites dans votre rapport. En conséquence, on ignore la position que les députés adopteraient de fait et collectivement. J’insiste encore une fois pour dire que je ne suis pas le porte-parole des députés et que si on posait la question aux députés, nous ignorons quelle serait en définitive leur réponse. Ce n’est pas comme si, après m’avoir entendu, votre comité songeait à entendre l’Assemblée législative de l’Ontario exposer son propre point de vue.

M. Decker ne favorise pas personnellement une codification exhaustive des privilèges parlementaires dans une loi, parce que, en visant à énumérer les privilèges en les séparant de ce qui n’en est pas, on contribuerait à limiter les privilèges à ceux que l’assemblée aurait désignés comme tels, à l’exclusion de ceux qu’elle aurait oublié, négligé de voir ou été incapable de prévoir ou ceux qui n’existaient même pas au moment de la codification. Pourquoi serait-il sensé d’agir de la sorte? On se lie les mains avant même de connaître la nature du problème qui viendrait remettre en cause le privilège. Il vaut mieux, d’après moi, tout laisser en suspens et se défendre soi-même en invoquant, au besoin, tel ou tel privilège, selon le cas qui se présente.

Enfin, j’ai une dernière observation. La question qu’il pose est la suivante : pourquoi devriez-vous céder votre privilège à une autre institution? Il dit que si vous codifiez et laissez le soin aux tribunaux de s’occuper du reste, vous cédez votre propre pouvoir aux tribunaux et vous les laissez définir votre privilège, ce qui n’était pas l’intention lorsque la Constitution a été rédigée. Elle a été rédigée dans le but de séparer les pouvoirs pour veiller à ce que les droits des personnes soient protégés par les tribunaux et l’assemblée législative, et plus particulièrement les députés. Nous ne semblons pas être arrivés au point où le Parlement peut remettre en question ses pouvoirs, mais les tribunaux peuvent remettre en question et limiter les pouvoirs du Parlement. Nous pouvons seulement dicter aux tribunaux quoi faire par l’entremise de lois, mais ils peuvent nous dire si nous codifions et oublions quelque chose.

La Constitution garantit le privilège parlementaire. Elle garantit également l’indépendance de la magistrature — c’est sa raison d’être —, mais pas au détriment de la suprématie du Parlement. De plus, la Charte n’a pas préséance sur le privilège parlementaire. Le privilège parlementaire prévaut. Je préférerais défendre l’affirmation du privilège du Parlement dans une situation ignoble que d’y renoncer complètement à l’avance. Pourquoi accepter sa culpabilité avant que l’accusation soit portée?

Je n’ai rien à ajouter. Merci beaucoup.

Le président : Vous avez soulevé d’excellents arguments, monsieur Levac.

Je vais céder la parole à mes collègues pour la période des questions. Le sénateur Wells va commencer.

Le sénateur Wells : Merci, monsieur le Président, de votre excellent exposé. J’ai été étonné par de nombreuses remarques que vous avez faites. Une remarque en particulier portait sur le système; nous jouons avec le système à nos risques et périls. Je sais que le système que nous avons au Sénat du Canada a résisté à l’épreuve du temps et a très bien réussi.

Monsieur le Président, j’aimerais vous ramener en 2012. Vous avez rendu une décision sur la divulgation obligatoire de documents liés à l’annulation des usines de gaz en Ontario. Vous avez statué que l’affaire des documents sur les usines de gaz constituait à première vue une question de privilège et que le gouvernement doit divulguer les documents au comité par l’entremise d’une entente parmi les leaders parlementaires à la Chambre. Votre décision faisait ressortir que le droit d’ordonner la production de documents est fondamental et nécessaire au fonctionnement approprié de l’assemblée.

Pouvez-vous vous prononcer sur le rôle et le pouvoir des comités relativement à la production de documents et sur son importance? Ce n’est peut-être pas important. Je ne devrais pas présumer votre réponse, même si on a confirmé ce que j’affirme pendant 20 minutes.

M. Levac : Cette décision était probablement la situation la plus difficile dans laquelle je me suis retrouvé au cours de mes deux carrières, pas seulement en raison de la capacité de prendre la décision, mais aussi en raison du défi de m’assurer de prendre cette décision pour la bonne raison. Ma responsabilité en tant que Président était de faire respecter les droits de tous les membres. En m’appuyant sur la Constitution et dans le cadre de nos discussions à propos de la décision, la première idée qui m’est venue à l’esprit est ce dont j’ai parlé aujourd’hui, à savoir le droit du Parlement, en vertu de ses privilèges, de demander des renseignements et de délivrer des mandats. C’est assez sérieux. C’est une responsabilité importante à assumer pour s’assurer que les gens respectent les droits. C’est une autre raison pour laquelle j’ai le plus grand respect pour les juges et les gens qui doivent prendre des décisions à partir d’une réponse ouverte et impartiale.

Dans ma décision, deux points ont retenu mon attention. Le premier était les preuves écrites voulant que les renseignements allaient être mis à la disposition. Dans les circonstances, j’ai fait quelque chose d’un peu différent et unique. J’ai offert à tous les partis de se réunir pendant une semaine avant que je rende la décision finale pour qu’il discute et détermine s’il s’agissait d’une violation ou non. L’explication du gouvernement était que des entités privées avaient des secrets, et que s’il devait y avoir des discussions ouvertes, cela pourrait causer des problèmes à certaines entreprises privées.

J’ai dû faire passer cela avant le droit au privilège des députés. Il y a eu de l’obstruction, mais j’ai accordé aux députés une semaine — ils ont eu quatre réunions — pour trouver une solution de rechange à la divulgation publique complète des documents. On pouvait notamment saisir un juge de l’affaire, tenir une réunion condensée ou à huis clos, ou convoquer des experts pour essayer de codifier ce que l’on considérait être des renseignements personnels. Ils n’ont pas trouvé de solution, si bien que j’ai fondé ma décision sur ces considérations.

J’ai essentiellement fondé ma décision sur la Constitution et sur la définition de privilège. C’était un défi de taille pour moi, mais ce n’était pas une décision difficile à prendre, car c’était une violation.

Le sénateur Wells : Vous leur avez donc accordé le privilège, pour ainsi dire, de mettre de côté certains documents. Ils ne pouvaient pas le faire, alors la pratique s’est poursuivie.

M. Levac : Exact.

Le sénateur Wells : Vous avez parlé plus tôt de documents et de choses. Qu’entendez-vous par « choses »? Des courriels et des messages?

M. Levac : Le mot « choses » est l’un de ces merveilleux termes qui ont été inventés il y a longtemps pour englober tous les éléments connexes. C’est un petit exemple de quelque chose dont nous n’avons jamais entendu parler. Demandez à une personne de 80 ans si elle a déjà entendu l’expression « faire une litanie de choses ». Donc, le terme « choses », si on fait preuve d’ouverture d’esprit, peut être défini dans ce qui suivra.

Le sénateur Wells : C’est un terme non limitatif.

M. Levac : Oui, c’est un terme qui pardonne. Il pardonne votre confusion lorsque vous ne prenez pas conscience que Twitter ou Facebook seront inclus.

Le sénateur Wells : Merci beaucoup.

Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Levac.

Votre dernier commentaire m’a particulièrement frappé — je vais tenter de citer vos paroles, et corrigez-moi si je me trompe —, car vous avez dit que le privilège l’emporte, c’est‑à‑dire que les droits conférés par la Charte n’ont pas préséance. Ce n’est pas mon interprétation des décisions précédentes rendues par la Cour suprême, surtout dans l’affaire New Brunswick Broadcasting Co., en 1993 et dans l’affaire Harvey, en 1996. En effet, la Cour suprême a affirmé que la Constitution était divisée en deux parties. Les privilèges sont reconnus dans l’article 18, et il y a aussi la Charte. Une partie de la Constitution ne devrait jamais avoir préséance sur l’une ou l’autre. L’ancienne juge Beverley McLachlin a d’ailleurs affirmé qu’aucune partie de la Constitution ne devrait avoir préséance sur l’autre. Il revient donc au tribunal de réconcilier ces deux parties et de rétablir l’équilibre; il reconnaît ainsi que la Charte renferme une obligation morale liée à l’utilisation des privilèges. Autrement, on affirmerait que les privilèges ont préséance. Toutefois, ce n’est pas ce qu’a déclaré le tribunal.

La Cour suprême a rendu des décisions liées à des questions de privilèges, par exemple dans l’affaire Vaid, un cas célèbre de 2005 que vous avez sûrement lu, et dans l’affaire Chagnon, une décision rendue cette année et dans laquelle le Président de l’Assemblée législative de l’Ontario est intervenu. Je m’en souviens très bien, car j’ai aussi plaidé dans cette affaire. Ce que je retiens de ces deux décisions importantes, c’est que lorsque le tribunal est saisi d’un cas de jouissance d’un privilège qui violerait les droits d’une tierce partie — dans l’affaire Vaid, c’était le chauffeur du Président et dans l’affaire Chagnon, c’était un garde de sécurité, et il s’agit donc de tierces parties, et non d’un député fédéral ou d’un député de l’Assemblée législative de l’Ontario ou, au Québec, d’un membre de l’Assemblée nationale —, le tribunal doit relever le défi de protéger les droits de la tierce partie tout en préservant le privilège. Lorsque le tribunal peut trouver une façon de reconnaître les droits de la tierce partie, il le fait; c’est ce qui a mené à la décision unanime dans l’affaire Vaid et à la décision qui a été rendue dans l’affaire Chagnon.

Nous devons reconnaître que, à notre époque, lorsque le Parlement invoque la jouissance d’un privilège qui viole les droits d’une tierce partie, le tribunal ne tranchera pas immédiatement en faveur du privilège du Parlement. Il tentera plutôt de réconcilier les deux parties et de trouver une façon, dans le système, de reconnaître et de respecter les droits de la tierce partie. C’est mon interprétation de ces décisions de la Cour suprême.

Je nuancerais votre dernier commentaire relatif au défi auquel fait face notre assemblée législative — ou toute autre assemblée législative au Canada — lorsqu’il s’agit de préserver nos privilèges sans les codifier. Si les droits d’une tierce partie sont bafoués par l’utilisation d’un privilège, nous devons avoir un moyen de remédier à cette situation, c’est-à-dire que le système doit offrir à la personne qui se sent lésée la possibilité de faire appel à un conseil de l’assemblée ou à un organisme qui serait créé pour procéder à la réconciliation des droits. À mon avis, le Canada est arrivé à cette étape, que ce soit à l’échelon fédéral ou dans les provinces.

M. Levac : Je crois que vous avez saisi l’essentiel de mes commentaires, sauf en ce qui concerne « la préséance de la Cour suprême ». Tout à l’heure, j’ai dit — et je crois que cela nuance mes commentaires — que, si cela nous posait un problème, nous avons toujours le pouvoir de légiférer des assemblées législatives, plutôt que la codification. Ce que je dis, c’est que si vous choisissez de faire cela, vous pouvez tenter de trouver une façon de protéger une tierce partie. Toutefois, dans cette discussion sur le privilège, nous parlons des droits des députés.

Le privilège parlementaire est conçu spécifiquement pour les députés, et le Président de chaque assemblée législative est responsable de défendre les droits de ces personnes.

Les membres du personnel et toutes les autres personnes qui sont considérées comme étant des tierces parties peuvent être visés dans le droit judiciaire ordinaire. Toutefois, si une décision indique que le privilège parlementaire crée des problèmes à des tierces parties, il reviendrait alors à l’assemblée législative d’évaluer la situation et de décider s’il est nécessaire d’adopter une loi pour établir un système de vérification et rétablir l’équilibre à cet égard. Les tribunaux ont tendance à s’occuper de ces questions. Le point que je faisais valoir, c’est que l’Ontario n’a encore rien fait pour laisser croire que les droits des députés ont été éliminés sans qu’on ait même codifié le privilège. On a même déclaré, dans certaines décisions — par exemple celle de Marin contre le Parlement —, qu’on ne veut pas aborder cela, car c’est un privilège et le droit de l’assemblée législative. Il était une tierce partie, mais il était aussi un membre de l’assemblée législative en raison de la nature de sa nomination.

Le sénateur Joyal : L’affaire Vaid était très intéressante, car elle concernait le chauffeur du Président, qui était donc l’employé du Président. Vous avez déjà été Président. Vous savez qu’un Président gère un certain nombre d’employés.

Dans l’affaire Chagnon, votre ancien collègue, M. Chagnon, a affirmé que, à titre de Président, il était responsable de préserver les privilèges de l’assemblée législative. Il s’agit des privilèges de chaque député, comme mes privilèges de sénateur et ceux de tous les autres sénateurs présents, mais il y a également le privilège de l’institution elle-même. Le privilège de l’institution est essentiellement entre les mains de l’assemblée législative et entre les mains du Président au nom de l’assemblée législative.

Donc, comme on l’a très clairement indiqué dans la décision Chagnon, des limites très précises ont été établies pour le privilège lorsqu’il est question de la gestion des employés. Toutefois, cela ne signifie pas que les employés de la Chambre ne devraient pas être protégés. Ils doivent aussi être protégés.

J’utiliserai l’exemple du harcèlement sexuel. Vous savez, il y a 20 ans, le harcèlement sexuel n’existait pas. À l’époque, personne ne pensait que les assemblées législatives du Canada devraient se préoccuper de cet enjeu. C’était un problème, mais personne ne voulait le voir.

Nous sommes maintenant saisis du problème. Nous devons nous en occuper, et nous ne voulons pas que le tribunal intervienne dans la gestion des employés des sénateurs ou du Président. Il s’agit donc de savoir comment nous pouvons soustraire la jouissance de nos privilèges à la supervision du tribunal tout en protégeant les droits des employés.

J’ai utilisé l’exemple du harcèlement sexuel, mais il s’agit d’un problème de relation de travail entre un sénateur et ses employés ou entre les employés de l’ensemble du Sénat. De plus, ce ne sont pas tous ces employés qui sont visés par le privilège de la Chambre. C’est dans ces cas-là que nous devons fixer la limite et, à mon avis, c’est le vrai défi auquel nous faisons face.

M. Levac : Tout cela est lié à mon commentaire sur la responsabilité de la loi, car, à une certaine époque, nous n’avions pas de lois sur le harcèlement sexuel, mais nous en avons maintenant. D’autres évènements nous informeront à mesure. Toutefois, si vous codifiez cela en précisant une certaine interprétation, les tribunaux rendront tout de même des décisions. De plus, si vous invoquez le privilège pour faire valoir que cela dépasse les fonctions de la Cour suprême, je pense qu’il serait plus efficace d’avoir recours à une loi plutôt que d’affirmer que vous appliquez les privilèges à tout cela. Les tribunaux rendront tout de même des décisions. La notion du privilège parlementaire a été invoquée au Québec, et le tribunal a tout de même rendu une décision. Toutefois, il n’y avait pas de loi qui protégeait les tierces parties ou qui contenait une définition de tierce partie.

Dans le processus de codification, vous pouvez expliquer que selon vous, le privilège parlementaire vise le personnel, les employés et d’autres intervenants. Toutefois, ce n’est pas indiqué dans la Constitution. La Constitution indique que cela s’applique aux députés.

Je crois que nous sommes confrontés au défi de régler ces problèmes, car nous avons observé des exemples de situations que nous n’avions jamais prévues. Nous ne pensions pas que ces situations se produiraient, mais elles se sont produites, et il faut maintenant décider comment réagir. À mon avis — et je l’ai mentionné à quelques reprises —, l’assemblée législative peut adopter des mesures législatives qui aideraient à résoudre ces problèmes, et ces mesures deviendraient la codification des protections que vous tentez d’obtenir. Cela revient à l’exemple du harcèlement sexuel, du sextage, et cetera, des choses pour lesquelles nous n’avions pas de règlements à une certaine époque faute d’avoir les instruments nécessaires, mais nous les avons maintenant, et des gens ont trouvé des façons très inappropriées de les utiliser; c’est pourquoi nous prenons des règlements pour régir ces types de communications.

Le président : Sénateur Joyal, je pourrais peut-être vous ajouter à la deuxième série de questions, car le témoin a suscité de nombreuses questions.

Le sénateur Dalphond : La plupart de mes questions ont été posées de façon très compétente par le sénateur Joyal, et je poserai donc une seule autre question.

D’après ce que je comprends, votre bureau est intervenu dans l’affaire Chagnon et vous faites valoir le raisonnement selon lequel les tribunaux devraient rendre la décision finale lorsqu’il s’agit de la portée des privilèges parlementaires, car dans une certaine mesure, c’est presque inévitable. Les juges, et non les assemblées législatives, auront toujours le dernier mot à cet égard.

Puis-je vous demander votre avis sur la décision rendue dans l’affaire Chagnon et sur les mesures prises par l’Assemblée législative de l’Ontario pour se conformer à cette décision?

M. Levac : Comme je l’ai précisé, ma dernière journée de travail a eu lieu le 4 juin. J’ai ensuite été Président provisoire jusqu’en juillet. Je pense que ma déception était liée au fait que, selon ce que je savais de la situation, cela ressemblait davantage à un piège qu’à l’arrivée imprévue d’une personne. Apparemment, selon les évènements, les choses qui ont été faites démontrent clairement que l’individu qui a fait cela n’avait aucune idée de ce qu’était le privilège parlementaire. Toutefois, il en savait assez pour éloigner la personne de l’endroit où il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait faire.

Selon moi, cela aurait dû représenter l’élément central des privilèges parlementaires, car ils ne devraient pas administrer des documents. Comme je l’ai indiqué dans la délégation, ils ne devraient pas distribuer des ordonnances du tribunal. Ils ne devraient rien faire à l’intérieur de l’assemblée législative, car en termes simples, c’est une bulle; on n’a pas le droit d’y entrer. Lorsque nous en sortons, comme le sait toute personne qui a été élue à l’échelon fédéral ou provincial, la première chose que fait l’opposition — pas l’opposition officielle, juste ceux qui parlent contre les représentants élus —, c’est de demander aux représentants élus de répéter leurs paroles à l’extérieur. Parce qu’ils savent qu’ils sont protégés à l’intérieur. Aussitôt qu’ils sortent, ils ne le sont plus. C’est une simplification de la notion du privilège parlementaire.

Ce qui m’a déçu, c’est qu’on n’a pas semblé reconnaître clairement que les privilèges existaient et qu’on devait les protéger. Nous devrions nous en charger.

Je présume que le point que je fais valoir, c’est que je ne suis pas certain que la codification permettrait d’obtenir cette réponse ou cette assurance. Je suis convaincu que la meilleure façon de procéder consiste à faire la même chose que l’Ontario — comme je l’ai décrit — et d’avoir recours au tribunal lorsqu’une telle situation se produit. L’Ontario n’a pas modifié son approche, mais a indiqué très clairement que si quelque chose arrive, il ne faut pas intervenir, même si vous savez que cela ne devrait pas arriver. Nous avons pris cela comme un exemple concret de ce qui pourrait nous arriver, car c’est arrivé au Québec.

Cet exemple a été utilisé pour faire comprendre aux gens que s’ils se retrouvent dans une sorte de piège, ils doivent bien réfléchir avant d’agir ou demander conseil à une personne qui est en mesure de les aider.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur Levac. Une personne de votre compétence est toujours très utile. Merci d’être ici. J’ai été membre de l’Assemblée nationale du Québec pendant 12 ans. L’extension du privilège parlementaire est un point qui n’a jamais été éclairci par les tribunaux.

Nous sommes d’accord pour dire que le privilège parlementaire se trouve à l’intérieur du Parlement, ou des salles qui appartiennent au Parlement et où les députés se réunissent. Lorsqu’on parle de bureau de circonscription, selon vous, est-ce une extension du Parlement?

Les documents informatiques ainsi que le matériel informatique, comme les tablettes, les ordinateurs et les cellulaires, sont d’abord la propriété de l’assemblée du Parlement, ils sont confiés à un député pour les fins de son travail, alors cela devient automatiquement une extension du privilège parlementaire. Êtes-vous d’accord avec ce principe?

[Traduction]

M. Levac : C’est une question intéressante. À ce jour, d’après ce que je comprends, on ne considère pas qu’il s’agit de matériel visé par le privilège, à moins qu’il soit directement lié au comité. Donc, si les membres d’un comité se rendent dans le Nord de l’Ontario ou à Windsor, le privilège s’applique au comité qui a été créé et dans lequel le travail s’effectue, mais par à l’extérieur de celui-ci.

En ce qui concerne le matériel, je crois qu’il s’agit seulement du matériel qui serait directement lié à ce comité. Donc, si une personne participe à une délégation et que ce matériel devient le matériel du comité ou si le comité demande à un expert de Windsor de comparaître à Windsor, cette personne est liée par la demande au même titre que s’il s’agissait d’un comité de la Chambre.

À part cela, j’ai discuté avec mon sergent d’armes, Dennis Clark, et la greffière précédente, Deb Deller, des façons de protéger les bureaux de circonscription par l’entremise de l’assemblée législative. Cela a fait l’objet d’un examen à l’époque. En passant, je n’ai pas participé à cet examen. J’ai reçu une recommandation selon laquelle les bureaux de circonscription ne faisaient pas partie de l’assemblée législative et que le service de police local était donc responsable de leur protection. Ainsi, on a seulement fait des recommandations liées à la sécurité des personnes à l’intérieur. On présumait donc que la protection offerte par le privilège de l’assemblée législative ne s’appliquait pas. C’est ce que je comprends, mais il faudrait que j’approfondisse la question.

Selon mon expérience, cela ne s’applique pas seulement lorsque les membres du comité se réunissent dans le cadre d’un voyage du comité ou dans le cadre d’un voyage lié à l’assemblée législative. Il y a donc eu de telles situations.

Autrefois, on a célébré l’anniversaire et on a installé une maison à Niagara-on-the-Lake. Officiellement, il s’agissait d’une assemblée législative et elle était également protégée par le privilège. L’essence de cet endroit est donc protégée par le privilège.

Par contre, je ne connais pas la réponse en ce qui a trait aux documents administratifs et aux bureaux de circonscription. Il serait bon de mener une évaluation pour vérifier si nous devrions faire cela. C’est comme tenter de prédire l’avenir.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous conviendrez que cette tablette contient tous les documents qui circulent en comité, et que c’est donc mon bureau que je transporte avec moi. Donc, si, pour une raison quelconque, un service judiciaire pouvait s’en saisir, il ne me saisit pas seulement moi, il saisit également les documents appartenant aux comités et au Sénat, et c’est là que cela pose problème. Il y a 50 ans, on n’avait pas ce genre de problème, parce qu’il n’y avait pas d’informatique.

Si on regarde l’affaire Guy Ouellette, les tribunaux ont décidé d’interdire l’ouverture des ordinateurs et de les rendre à son propriétaire, le député Guy Ouellette. Voilà la jurisprudence des tribunaux à ce sujet. Il faudrait que cette garantie soit donnée aux parlementaires — et je regarde le sénateur Dalphond, un ancien juge —, c’est très important, non seulement pour le parlementaire, mais pour la sécurité de l’institution, et, si on extrapole, pour la sécurité de l’État. Ces tablettes contiennent énormément d’informations qui servent exclusivement aux parlementaires, mais elles doivent rester la propriété de son usager, qui est un parlementaire, et la propriété de l’institution qu’est le Sénat.

Avez-vous eu à vous prononcer au sujet du privilège parlementaire lorsque vous étiez Président de l’assemblée législative?

[Traduction]

M. Levac : Oui. Dans deux ou trois cas, à la Chambre, un député s’est plaint que ses droits avaient été bafoués lorsqu’un parti a tenu une activité et ne permettait pas à des membres d’autres partis d’y participer. Je devais prendre une décision et c’était une pente glissante, car je voulais m’assurer que tout le monde reconnaissait que tout député a le droit de se trouver n’importe où dans l’édifice, à moins qu’il y ait un problème de sécurité et que les portes soient verrouillées. Il s’agissait d’un événement médiatisé, mais on ne disait pas qu’il était ouvert. Ainsi, le parti l’a tenu dans sa propre salle de caucus, ce qui était protégé par son droit d’avoir une salle de caucus, et une personne a refusé de laisser le député y entrer.

Dans ma décision, j’ai réprimandé le parti, parce qu’il n’avait pas dit clairement qu’il s’agissait d’une activité réservée au caucus et à ses invités, mais j’ai également dit au député que ses droits n’avaient pas été bafoués, car l’activité n’était rien de plus que cela. Toutefois, j’ai indiqué clairement... Dans mes décisions, j’allais toujours un peu de l’autre côté et réprimandais toute personne qui pensait que c’était un petit jeu. C’est arrivé à deux ou trois reprises.

Un leader qui venait d’être élu a décidé de tenir une activité, et la sécurité lui a dit qu’il n’était pas autorisé à faire ce qu’il faisait. L’un des membres du personnel est venu et s’est tenu devant le gardien de sécurité et le tenait occupé pendant que l’activité avait lieu. J’ai donc réprimandé le leader et son personnel, et j’ai réprimandé la personne qui avait joué un petit tour au gardien de sécurité pour qu’il se tienne loin afin que l’événement ait lieu. J’ai dit également que, en agissant ainsi, non seulement ils m’avaient insulté et avaient insulté l’endroit, mais qu’ils avaient affaibli l’endroit. Je leur ai dit que la prochaine fois, ou si cela se reproduisait, je leur retirerais certains de leurs privilèges, parce qu’il ne s’agissait pas simplement d’un vilain tour à mon avis. C’était une insulte à l’institution. C’était une insulte à notre façon de fonctionner. Quelqu’un a dit que j’étais allé trop loin, mais j’ai répondu que je n’étais pas allé assez loin, parce qu’il faut protéger le caractère sacré de l’institution.

Je reviens rapidement sur votre autre point au sujet des documents. Cela requiert des précisions et une codification, mais c’est sur le coup. Nous devrions donc examiner dans quelle mesure nos privilèges se prolongent à l’extérieur de la Chambre. Avons-nous des privilèges qui s’appliquent au-delà de la Chambre? Il n’y avait pas de tablettes à l’époque. Vous avez tout à fait raison. Or, maintenant qu’elles existent, posez la question à n’importe quel ministre qui a été démis de ses fonctions au Cabinet, parce qu’il a laissé un dossier quelque part. C’est du matériel sacré. Je crois donc qu’il faut éclaircir la question et faire en sorte que les gens le comprennent.

Nous avons des membres — si je puis dire, et je ne veux insulter personne —, des sénateurs, des députés fédéraux, des députés provinciaux et des conseillers qui ne connaissent pas les règles, qui ne savent pas ce qu’est le privilège et qui ne savent rien de ces choses. Donc, nous utilisons ce type d’événements pour informer les gens en plus d’améliorer la compréhension de tout cela, et c’est pourquoi nous devrions faire les choses que nous faisons.

Le sénateur Sinclair : J’ai trouvé votre exposé très intéressant, monsieur le Président. Je vous remercie de nous faire connaître votre point de vue. Je me demande si vous pouvez faire des observations sur trois questions qui pourraient nous guider dans notre étude. Vous en avez parlé dans une certaine mesure. Je me demande si vous avez des réflexions quant à la mesure dans laquelle notre comité devrait examiner le privilège dans le contexte de ces trois questions.

Il y a tout d’abord la question du privilège parlementaire et des médias sociaux. Vous en avez parlé un peu, mais il y a peut-être des choses que vous aimeriez ajouter.

Il y a aussi la question du privilège parlementaire et de la diffusion des délibérations. Récemment, bien sûr, le Sénat a commencé à diffuser les délibérations sur le Web et à la télévision, de sorte que cela soulève la question de savoir dans quelle mesure le privilège s’applique.

J’aimerais en savoir davantage sur ce que vous pensez de la question du privilège parlementaire et des comités en déplacement. Je me demande s’il y a des limites à l’application du privilège parlementaire dans ces délibérations à votre avis. Je sais qu’on pourrait dire que le privilège parlementaire s’applique dès que la réunion commence et jusqu’à ce qu’elle se termine, mais que se passe-t-il lorsque le comité est en déplacement, par exemple?

M. Levac : Sénateur, puisque cette question est plus difficile, je vais la garder pour la fin.

J’utilise une phrase quand j’explique à quel point parfois des choses en apparence simples sont complexes et des choses complexes peuvent être simplifiées. J’appelle cela valser avec grâce sur un tapis roulant.

Comment faut-il s’y prendre? Les médias sociaux sont devenus le point central de la liberté de parole. Le privilège parlementaire est condensé. On se voit accorder le privilège parlementaire uniquement parce qu’on a été élu et parce que cette institution est tellement importante qu’elle est protégée et séparée de la magistrature et d’autre chose. Les médias sociaux constituent une voie qui élargit le cadre, de sorte que je pense que cela doit être précisé. Je pense que nous devrions nous en servir pour clarifier les choses.

Si les travaux du comité — et j’inclus la diffusion là‑dedans — sont utilisés comme un moyen de transmettre les droits et les privilèges des membres et qu’ils sont effectués au sein d’un comité, à la Chambre, les médias sociaux doivent être suffisamment définis pour s’inscrire dans ce cadre.

Je vais vous parler d’une brève décision que j’ai rendue verbalement à la hâte. Les médias prenaient des photos, et n’avaient pas l’autorisation officielle qu’ils sont censés avoir, et ils prenaient des photos de gens qui jouaient à Pacman ou à Candy Crush pour ensuite les publier. J’ai estimé que c’était interdit. J’ai dit qu’une telle chose n’était pas censée arriver, non pas parce que la personne était en train de jouer à Candy Crush — ce qui, en passant, fait passer le temps. J’ai pris la personne à part et je lui ai dit qu’elle devait bien choisir ses moments. C’est ce que j’appelle la prière BlackBerry, soit lorsque quelqu’un est en train de parler et qu’une personne joue avec son BlackBerry la tête baissée et qu’on a l’impression qu’elle est en train de prier.

Une fois, on m’a déjà accusé d’être en train de dormir, non pas lorsque j’étais Président, mais bien lorsque je siégeais à titre de député. Je ne suis jamais tombé endormi.

En ce qui concerne la valeur des médias sociaux et les travaux, sénateur, ce serait un élément à prendre en considération sur le plan de la clarté, quant à la question de savoir si cela peut faire partie du privilège parlementaire. Or, il faut également comprendre qu’on parle d’une diffusion dans le monde entier. Voilà comment fonctionnent des médias sociaux. C’est diffusé partout dans le monde.

Comment peut-on gérer cela? L’Ontario a des lois qui n’existent pas au Québec, le Québec a des lois qui n’existent pas en Colombie-Britannique, sans parler du reste du monde. Pouvez-vous imaginer qu’un législateur poursuive le gouvernement chinois en lui disant qu’il a violé le privilège parlementaire?

Nous devons donc nous pencher sur l’utilisation des médias sociaux dans le cadre du privilège parlementaire. Il faut éclaircir les choses et discuter davantage de leur utilisation. C’est différent par rapport à la tablette ou à l’ordinateur portatif qu’on utilise pour y intégrer du contenu de sorte qu’on puisse faire son travail ou rédiger des questions ou des réponses. C’est bien différent des médias sociaux, et je pense que c’est peine perdue d’essayer de contrôler cela.

En ce qui a trait à la diffusion, le système canadien de diffusion a des règles et des règlements précis quant à ce qui peut être diffusé ou non. En toute honnêteté, je dirais que ce sont les règles habituelles qui existent à l’échelle canadienne et provinciale qui seront suivies.

Encore une fois, le privilège est le privilège. Tout ce qui est diffusé est protégé par le privilège. Supposons que vous prononcez un discours et qu’il est diffusé. Il ne plait pas à une personne, qui décide de vous poursuivre. C’est impossible. C’est votre privilège. Vous pouvez toujours dire ce que vous voulez dans ce lieu parce que vous êtes protégés. Que ce soit diffusé ou non, cela importe peu. Il demeure que vous prenez la parole à la Chambre.

Pour ce qui est des comités en déplacement, je crois comprendre que les comités qui sont formés font partie de la Chambre. Votre observation est justement celle sur laquelle nous avons besoin de précision, c’est-à-dire que lorsque le coup de marteau est donné et que la réunion commence, vous êtes en comité. Lorsque le coup de marteau est donné à la fin de la réunion, vous n’êtes plus en comité. Une fois que vous êtes en comité, vous êtes protégés; à partir du moment où vous n’êtes plus en comité, vous n’êtes plus protégés. Une fois que je sors de la Chambre, je ne suis plus protégé. La même règle s’applique.

Si je tiens des propos diffamatoires à la Chambre et que quelqu’un me crie : « Dites-le à l’extérieur de la Chambre », et que je sors de la Chambre et répète ce que j’ai dit, je m’expose à des poursuites, car je sais que je suis en train d’enfreindre la loi. Dès que j’entre dans la Chambre, je suis protégé.

Je crois que c’est la même chose pour les comités en déplacement. C’est mon interprétation, mais je crois qu’il vaudrait la peine de clarifier les choses, car on a ajouté cette petite particularité qui amène une personne à se demander si elle est protégée lorsqu’elle se prépare, documents en main, à une réunion d’un comité pendant qu’elle se rend à ladite réunion en voiture. Je dirais probablement que c’est la même chose que si je fais le trajet entre mon appartement et la Chambre à Toronto à pied. Je dois attendre d’être rendu à la Chambre avant de dire et faire des choses et être protégé. Si je suis à l’extérieur et que j’adopte un comportement imprudent, je peux recevoir une contravention.

Voilà ma petite contribution, sénateur.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Bonjour, monsieur Levac. Merci d’être avec nous aujourd’hui. Est-ce que je comprends bien de ce que vous nous dites que le privilège est associé directement à l’exercice des fonctions parlementaires, peu importe le lieu où cela se passe, que ce soit en comité ou à l’extérieur de la Chambre, et peu importe le moyen utilisé, que ce soit un ordinateur ou autre chose?

[Traduction]

M. Levac : Oui, dans sa définition correspondant aux travaux de la Chambre, aux travaux d’un comité en déplacement.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Avez-vous eu l’occasion, dans l’exercice de vos fonctions à titre de Président de l’assemblée, de traiter du privilège de l’assemblée comme institution par opposition au privilège d’un membre de l’assemblée? Autrement dit, y a-t-il des domaines où l’un peut entrer en conflit avec l’autre? On a parlé plus tôt des tierces parties. Toutefois, lorsqu’on parle du privilège de l’institution par opposition au privilège d’un membre de cette institution, la question se pose.

[Traduction]

M. Levac : Spontanément, je pourrais probablement dire que Queen’s Park, à Toronto, directement sur le site de l’assemblée législative, c’était auparavant la propriété de l’Université de Toronto. Le campus principal de l’université est juste de l’autre côté de la rue. L’université et la Ville de Toronto travaillaient à un plan de grande envergure visant à revitaliser une rue, les terrains de leur côté et même des terrains qui entraînaient des changements pour l’assemblée législative, qui, en passant, est propriétaire du terrain et en a fait l’acquisition; de sorte que ce n’était pas l’université. Toutefois, elles planifiaient des choses qui auraient eu des répercussions sur l’assemblée. Nous avons dû en parler et encourager gentiment la Ville et l’Université de Toronto à nous en parler la prochaine fois qu’elles planifieraient quelque chose.

Cela aurait eu des répercussions mineures sur les droits des membres. Cela aurait changé des choses pour les stationnements assignés et les membres n’auraient pas eu accès à certaines zones pendant les travaux de construction. Mes décisions portaient davantage sur l’assemblée. De plus, il ne s’agissait pas du privilège; il s’agissait plutôt de l’entretien. Aucun privilège n’a été retiré excepté le fait que cela nous empêcherait d’accéder à certains endroits à certains moments.

En toute honnêteté, je ne peux penser à un exemple, à moins que nous parlions de ce que le Canada a fait en ce qui concerne le déménagement du Sénat et des sénateurs. Leurs droits et privilèges quant à l’accès ont dû être réduits, puis améliorés et changés. Pendant ce temps, le privilège d’avoir le Parlement en place, c’est la décision de dépenser de l’argent pour le réparer et l’agrandir.

Ce sont les seuls exemples qui me viennent à l’esprit quant à la possibilité d’un conflit entre des droits législatifs. Lorsqu’on parle de privilèges, on ne parle pas du privilège de la Chambre; on parle de la Constitution qui confère à l’assemblée sa responsabilité de protéger les droits des membres, de sorte que je ne vois pas comment les deux pourraient entrer en conflit. Ce que je verrais, c’est que si les droits des membres sont réduits par des organismes externes, comme la magistrature ou la police, qui empiètent sur ce qui a déjà été octroyé au Parlement, les seules personnes qui devraient réduire cela d’une façon quelconque, si elles devaient le faire ce sont les membres eux‑mêmes et non les tribunaux, la police ou d’autres personnes.

C’est pourquoi je dis que vous avez déjà des privilèges. Vous avez déjà le privilège parlementaire. Pourquoi en réduire l’importance? Tout ce que je ferais, c’est soit l’améliorer, soit le changer. Or, si vous le codifiez, vous imposez des limites, et vous retirez quelque chose automatiquement. Tôt ou tard, quelque chose qui n’est pas codifié émergera et il appartiendra à quelqu’un d’autre de décider ce qui se passera.

Je reviens à la case départ, mais je ne crois pas que les deux peuvent entrer en conflit. Je ne pense pas que l’on contesterait le Président en disant que les droits de l’assemblée ont préséance sur les droits des membres, car selon la définition que j’ai apprise, j’étais là pour protéger les droits de chaque membre. Donc il importe peu où nous sommes.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’aimerais préciser le sens de ma question, parce que votre réponse m’amène à poser une sous‑question. Si je comprends bien votre réponse, vous nous dites que, en tant que sénateurs, nous avons aussi une responsabilité de préserver nos privilèges, y compris dans une entreprise de codification qui pourrait mettre en péril ces privilèges, selon notre point de vue, dans une loi fédérale qui serait proposée au Sénat?

[Traduction]

M. Levac : Oui. Je vous recommande de ne pas vous lancer dans une codification complète. Donnez-vous une certaine marge de manœuvre.

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie beaucoup de nous parler de l’expérience que vous avez de cette question.

Je suis peut-être de la vieille école, car je crois vraiment que pour notre institution, le privilège correspond au fait que je puisse prendre la parole, et le matériel que j’utilise pour exercer ma liberté de parole joue un rôle central. Je ne dirais pas que c’est une crainte, mais je m’inquiète de voir que les parlementaires vont peut-être parfois trop loin dans la liberté de parole, et je fais un lien avec les observations du sénateur Joyal sur les employés.

J’ai suivi de loin l’histoire d’André Marin. Dans quelle mesure s’agissait-il de l’exercice de la liberté de parole? Je me pose encore la question. Le privilège parlementaire que nous avons, c’est la liberté de parole à la Chambre, au sein des comités, qui est un prolongement de la Chambre. Je considère que ce dont je me sers pour exercer cette liberté, qu’il s’agisse d’une tablette, d’un document écrit ou d’une discussion directe avec un citoyen inquiet, s’inscrit dans la notion de privilège. Je trouve que nous devons être prudents et ne pas abuser du privilège. On peut avoir une marge de manœuvre, mais dans quelle mesure elle nous permet d’abuser de la notion de privilège?

Je suppose que vous comprenez ce que je dis. Il doit y avoir un équilibre. Je dois pouvoir, en tant que parlementaire, m’exprimer librement sans m’exposer à des conséquences judiciaires, à des poursuites civiles, et cetera, comme je ne dois pas traiter les employés et les autres de façon dictatoriale et violente. Pour moi, cela l’emporte sur le privilège.

M. Levac : Si je puis me permettre, il y a d’autres mécanismes de contrepoids pour cela.

On s’est servi du privilège, à l’époque où la Constitution a été établie, pour reconnaître qu’il fallait protéger les parlementaires de toute influence extérieure, de l’appareil judiciaire ou même des médias, parce que, à l’époque, les médias étaient extrêmement puissants, tout comme la police. Il a fallu créer cette bulle pour les protéger, pour assurer le libre flux d’informations, d’idées et de réponses.

Il y a d’autres sources aussi qui nous confèrent les protections dont vous parlez, comme le commissaire à l’intégrité, l’ombudsman. Il y a plusieurs entités qui existent dans le système et qui interviennent lorsque surviennent des problèmes pour les raisons que vous venez d’évoquer. Il y a notamment le Président de l’assemblée législative. En effet, c’est un autre pouvoir du Président.

Il y a d’ailleurs une chose qui n’a pas été inscrite dans la loi, si cela vous intéresse : le Président n’a pas de liste des mots ne pouvant pas être prononcés dans la Chambre, à tout le moins en Ontario. En Ontario, c’est le ton qui compte. Il ne faut pas enflammer la Chambre. Si quelqu’un traite quelqu’un d’autre de vendeur de salades, je peux le rappeler à l’ordre parce que cela sème le chaos à la Chambre. Il n’y a pas de liste exhaustive, dans la loi, des mots interdits à la Chambre.

Nous savons que nous ne pouvons traiter personne de menteur ni utiliser toutes les façons créatives de le dire autrement. Le Président doit être alerte et prompt quand il entend quelque chose, si quelqu’un accuse quelqu’un d’autre de « raconter des bobards », de « vendre des salades » ou de « mener les autres en bateau ». Ce ne sont pas des injures en tant que telles, mais le Président peut tout de même demander à la personne de retirer ses paroles parce qu’elle ne peut pas dire cela.

Le Président a la responsabilité et le devoir de maintenir l’ordre dans la Chambre, pour que les parlementaires n’utilisent pas à mauvais escient les droits que leur confèrent leurs privilèges. Je vais vous donner un exemple : dans un tribunal, un juge tolérerait-il n’importe quoi sur le parquet? Il maintient l’ordre dans la salle d’audience et s’il n’aime pas le ton des intervenants, il peut leur demander de se calmer.

Il y a d’autres institutions qui sont là pour nous garantir que ces privilèges n’aillent pas trop loin. De mon humble avis, le commissaire à l’intégrité est très utile. Certaines personnes font aussi partie de syndicats. Un syndicat peut accuser un parlementaire de mauvais traitements à l’égard d’un employé.

Il y a une dernière chose qui peut être très irritante, mais qui ne m’inquiète pas outre mesure : les médias. Les journalistes savent donner une raclée. « Tel député maltraite son personnel et est accusé d’avoir fait quelque chose de mal. » Si c’est vrai, l’affaire éclatera au grand jour. Si c’est faux, l’histoire mourra dans l’œuf.

Il y a donc beaucoup de mécanismes de contrepoids. En ce qui a trait à l’idée d’encadrer le privilège dans la loi, je suis de l’avis général que, si l’on commence à prescrire trop de choses dans les lois, on s’aventure sur une pente glissante et on risque de s’imposer des contraintes excessives ou d’oublier des choses qui pourraient émerger plus tard. La seule réponse possible sera alors : « Nous devons continuellement modifier le code. »

Le président : En ce qui concerne ce que vous venez de dire, tout récemment, ici même au Sénat, l’un de nos anciens collègues a dû démissionner en grande partie à cause d’un reportage dans les médias. Tout a commencé par un reportage dans les médias, et cela s’est terminé par une démission. Vous avez bien raison de dire qu’il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des médias.

Nous ferons maintenant un deuxième tour. C’est stimulant jusqu’à maintenant.

Le sénateur Joyal : Ma question déroge un peu de l’ordre du jour de ce matin. J’aimerais vous demander ce que vous pensez de la décision du Président de la Chambre des communes de Westminster, qui a refusé de soumettre certains amendements à un vote de la Chambre, citant des précédents des années 1700...

M. Levac : C’est dangereux.

Le sénateur Joyal : Cela pourrait trouver écho quelque part.

M. Levac : Honnêtement, c’est dangereux.

Je dois préciser que c’est mon point de vue et mon interprétation du rôle du Président : je crois que le rôle que s’est donné le Président dans les circonstances va un peu trop loin.

Le sénateur Joyal : Revenons à la question qui nous occupe ce matin et à votre interprétation des critères de la Cour suprême, pour répondre en partie aux questions soulevées par les sénateurs Sinclair et Maltais, de même qu’à une observation de la sénatrice Dupuis. La Cour suprême a statué que tout ce qui est directement lié à l’exercice des fonctions d’assemblée législative et délibérante est protégé par le privilège. D’après votre expérience, comment définiriez-vous ce qui est « directement lié à l’exercice des fonctions d’assemblée législative et délibérante »?

M. Levac : Là, j’en assumerais la responsabilité plutôt que de le céder. Qu’il s’agisse de documents, de médias sociaux ou d’un voyage de comité, revendiquez ce privilège, et vous pourrez toujours vous faire dire ensuite que ce n’est pas possible. C’est mieux que de ne pas protéger ceux qui peuvent revendiquer ce qu’on considère comme un privilège.

Je pense que la plupart des décisions respectent le privilège parlementaire, parce que la plupart des juges, voire tous, feront leurs devoirs à ce sujet. Ils se rendront compte que l’intention était de créer cette possibilité et cette protection.

En Ontario, il n’y en a pas d’exemple et c’est pourquoi, vers la fin, j’ai dit essentiellement que cela a fait ses preuves jusqu’à maintenant, parce qu’il n’y a pas eu de contestation du privilège devant les tribunaux.

Bref, je répète que j’en assumerais la responsabilité. Je dirais que quand nous sommes en voyage, nous sommes protégés. Quand nous utilisons nos tablettes, nos mécanismes et nos appareils dans le cadre des travaux d’un comité, nous sommes protégés.

Il y a toutefois une chose que le sénateur Sinclair a mentionnée qu’il vaudrait la peine d’éclaircir, je crois, et sur laquelle il faudrait peut-être de demander conseil, en droit civil ou constitutionnel, et c’est tout ce qui entoure la préparation au voyage et les déplacements du comité. Si j’avais un chauffeur et que j’étais assis sur le siège arrière d’une voiture — je n’ai jamais eu de chauffeur, même quand j’étais Président de l’assemblée législative —, que j’étais en train de me préparer en vue des travaux du comité et que nous avions un accident, puis que ma tablette était propulsée à l’extérieur, serait-elle protégée? Honnêtement, je ne connais pas la réponse à cette question, donc cela mérite des précisions. Quand commence et quand finit la protection relative aux travaux de la Chambre? C’est là où il faudrait préciser un peu les choses, parce qu’il vaut mieux revendiquer ce privilège avant d’y renoncer.

Le sénateur Joyal : La question de la tablette est plutôt problématique, parce qu’on pourrait y trouver l’ébauche d’un rapport du comité, par exemple. Comme le sénateur Maltais le mentionnait, j’ai l’ébauche du rapport du comité dans ma tablette, qui est protégée par le privilège, bien sûr. Avec cette même tablette, j’ai une conversation avec mon adjoint, qui peut être considérée de nature privée. Si je lui demandais de faire une réservation pour le souper du soir, ce ne serait pas lié aux fonctions d’assemblée législative et délibérante de la Chambre ni du comité. Nous utiliserions toutefois le même appareil pour la faire. Donc si quelqu’un voulait regarder dans mon ordinateur ou ma tablette, comment ferait-on la distinction entre ce qui est directement lié à ces fonctions, comme une ébauche de rapport, et ce qui ne l’est pas, comme une discussion externe ou un échange de points de vue? Je pense que c’est le problème qui se pose.

M. Levac : Vous avez raison, et c’est là où les tribunaux peuvent nous aider. Je ne suis ni juge ni avocat, mais les policiers doivent obtenir un mandat de perquisition, et celui-ci doit décrire ce qu’ils cherchent. Les personnes ici présentes qui sont avocates ou juges peuvent peut-être m’aider.

Il devrait y avoir un processus en parallèle du privilège, pour qu’on puisse déterminer quelle est l’information protégée par le privilège, soit qui ne peut pas être prise ni révélée. Elle doit être protégée par un verrou. Par contre, les messages provocateurs échangés ne sont pas protégés.

C’est donc ce que les tribunaux peuvent faire pour nous. C’est ce pour quoi ils sont là. Nous revendiquerions alors le privilège pour protéger l’information, c’est-à-dire que si un sénateur était victime d’un accident et que quelqu’un prenait sa tablette, il pourrait exiger de la récupérer parce qu’elle contient de l’information protégée par le privilège. Quiconque l’a en sa possession, comme un voyou, la police ou quelqu’un d’autre, devrait alors suivre les règles de droit.

Le sénateur Joyal : Nous avons eu le même problème il y a quelques années avec le vérificateur général, dans le cadre de son audit des dépenses des sénateurs. Le vérificateur général voulait avoir accès à toutes les données contenues dans les ordinateurs des sénateurs, pas seulement à l’information liée à leurs dépenses.

M. Levac : Tout le reste.

Le sénateur Joyal : Oui, tout le reste. Le vérificateur général a alors demandé aux sénateurs de signer une renonciation à tous leurs privilèges.

M. Levac : J’espère que tous les sénateurs lui ont dit... Je n’oserais pas utiliser de mot qui ne serait pas digne d’un parlementaire, mais j’espère que tous les sénateurs lui ont dit : « Non, merci. »

Le sénateur Joyal : C’est très poli. Il y a des sénateurs qui ont refusé de renoncer à leurs privilèges comme le leur demandait le vérificateur général dans sa lettre, mais d’autres ont accepté. Cela me semble très dangereux. Il n’y a pas de critères pour déterminer dans quelles conditions un sénateur pourrait être obligé d’accorder l’accès à ses informations...

M. Levac : Je conviens que si vous pouvez établir une liste de choses que vous pouvez décrire, pour les protéger ou les inscrire dans la loi, ce serait bien que vous le fassiez, parce qu’il y a un besoin. J’ai indiqué dans mon exposé qu’il y a des circonstances où ce serait souhaitable. Dressez une liste des informations visées, faites-le, mais je vous disais de manière générale qu’il serait préférable de ne pas tout codifier de façon détaillée.

Tous ces autres exemples aideraient vraiment à clarifier les choses : adopter une page de définitions de ceci et cela; inscrire dans la loi des exemples précis comme des échanges avec le personnel ou ce qui arrive en cas d’accident. Ce sont autant de possibilités qui existent. Il faut faire quelque chose pour prévenir toute mauvaise utilisation des privilèges parlementaires par des entités externes. Ce n’est pas pour en diminuer l’importance. Il s’agit en fait d’expliquer la profondeur des privilèges et de modifier ce qu’il est nécessaire de modifier aujourd’hui, au XXIe ou au XXIIe  siècle. Il faut toutefois des dispositions assez larges pour vous laisser de la marge de manœuvre.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, monsieur Levac, de nous consacrer autant de vos précieuses minutes.

J’aimerais revenir sur deux points. Il y a environ 30 ans, la Loi sur le lobbying est entrée en vigueur dans les provinces et au fédéral.

Si, aujourd’hui, j’acceptais toutes les demandes de rencontres de lobbyistes, je ne pourrais pas être ici, au Sénat ou à mon autre comité qui se réunit ce soir.

La Loi sur le lobbying leur permet de solliciter des rencontres, et c’est à nous de les accepter ou de les refuser. Jusqu’à quel point peut-on être responsable comme parlementaire, selon la Loi sur le lobbying ?

[Traduction]

M. Levac : Je pense que vous avez résumé l’essentiel. Vous n’êtes obligés d’accepter aucune de ces rencontres, comme vous n’êtes pas contraints de les refuser, selon les définitions. Vous pouvez, comme personnes, comme représentants du peuple, participer à des rencontres. Cependant, si elles portent atteinte à vos responsabilités, alors vous devez demander à quelqu’un (à votre planificateur, à vos adjoints ou même à vous-même) de déterminer si c’est vraiment une rencontre nécessaire.

Je l’ai déjà vécu. Même à titre de Président de l’assemblée législative, je recevais des demandes de lobbyistes. J’ai déjà dû demander à des gens de sortir de mon bureau parce qu’ils voulaient m’influencer dans mon rôle de Président. La plupart du temps, toutefois, les gens venaient me voir pour des choses qui devaient être changées ou faites. Si vous, personnellement, êtes considéré comme quelqu’un qui s’intéresse de près à l’agriculture, vous serez sollicité par les agriculteurs et l’industrie agricole. Ils voudront vous rencontrer pour que vous puissiez relayer leurs préoccupations avec passion. Il n’y a pas d’attente définie selon laquelle un élu devrait accepter une rencontre, quelle qu’elle soit, mais de par la nature même de vos fonctions, ce serait plutôt le contraire qui s’imposerait.

Si vous regardez mon calendrier du temps où je travaillais — et ce n’est pas pour me vanter, mais par honnêteté, parce que je pense que plus de politiciens gagneraient à être plus honnêtes —, nous travaillons sept jours sur sept. Vous travaillez le jour de votre fête. Vous travaillez le jour de votre anniversaire. Vous travaillez même à Noël. Vous travaillez parce que c’est la nature même de ce travail et que c’est une roue qui tourne sans cesse. Je défends les parlementaires bec et ongles exactement pour la raison que vous évoquez. Vous n’avez plus de temps à vous.

Je suis d’avis, toutefois, que vous devriez pouvoir dire : « Je n’accepte pas cette rencontre. » Il m’est déjà arrivé de conseiller à des députés de ne pas accéder à une demande de rencontre en raison de la situation dans laquelle elle les placerait. Si vous présidez un comité qui étudie un projet de loi donné et que quelqu’un veut vous rencontrer pour exercer des pressions sur vous et vous dire :  « Non, n’adoptez pas ce projet de loi », je vous conseillerais de ne pas le rencontrer, de déléguer plutôt cette tâche à une autre personne qui pourra recueillir l’information, puis vous la présenter.

Vous devez faire preuve de prudence parce que le public prendra cette information et l’exploitera de toutes sortes de façons. Voilà ce qui se passe : « Oh, vous avez rencontré M. Untel, il vous a dans sa poche. » Automatiquement, c’est ce que les gens diront sans même savoir ce qui s’est dit pendant cette rencontre. Même si vous lui avez claqué la porte au nez, que vous lui avez dit : « Sortez de mon bureau, vous êtes ici pour exercer des pressions sur moi et je ne suis pas d’accord, donc sortez. » Cela ne transparaîtra pas dans les nouvelles. On dira plutôt que vous avez rencontré M. Untel et qu’il vous a dans sa poche. Nous sommes notre pire ennemi dans ce genre de situation.

[Français]

Le sénateur Maltais : C’est un excellent point.

J’aurais un autre point à faire valoir en terminant.

Si on prend en compte les privilèges parlementaires qui existent dans le système britannique, et qui sont à peu près semblables d’une province à l’autre et au fédéral, par opposition à la Charte canadienne des droits et libertés, qu’est-ce qui a la priorité? Est-ce que la Charte canadienne des droits et libertés est au-dessus de tout ou n’inclut-elle pas les privilèges parlementaires?

[Traduction]

M. Levac : J’ai plutôt tendance à être d’accord avec ce que le sénateur a dit un peu plus tôt, c’est-à-dire que la Cour suprême n’accorde la priorité ni à l’un ni à l’autre. Moralement, peut-être. Je ne peux pas savoir ce qui se passe dans la tête des juges de la Cour suprême, mais je vous dirai ceci : la Charte des droits et libertés est brandie comme un épouvantail. Certains diront qu’elle vous protège trop et vous permet trop de choses. D’autres, en revanche, croient que la Charte des droits et libertés devrait être encore plus robuste.

La Cour suprême réussit plutôt bien depuis des décennies et des siècles (et c’est la même chose des autres cours suprêmes au monde) à comprendre l’intention à la base de ce genre de charte. Certains ne se rendent pas compte que Louis Riel a probablement mis en place le premier code des droits de la personne, à titre de traître. Je le dis un peu à la blague, mais le fait est qu’il a protégé les Blancs minoritaires à l’aide de son code des droits de la personne et que c’est ce qu’il disait, mais on n’en a pas entendu parler avant des années plus tard.

La Charte des droits et libertés devrait être vue comme une preuve de civilité dans un pays. C’est là où il n’y a pas de charte des droits qu’on constate les pires abus.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous rappelle ce qu’on a vu au Québec il y a 20 ou 25 ans, à la suite d’un jugement de la Cour suprême qui obligeait l’affichage bilingue devant les commerces. Les commerçants avaient invoqué la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui a entraîné l’adoption d’une loi à l’Assemblée nationale avec une disposition de dérogation, c’est-à-dire qu’il fallait aller à un échelon supérieur à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Charte des droits et libertés de la personne pour adopter une loi qui soit en conformité avec le jugement rendu par la Cour suprême.

Ce n’est pas commun. Ce genre de situation n’arrive pas souvent et j’espère qu’elle ne se produira plus, parce que cela entraîne des conséquences. Ce que vous venez de dire est très important, à l’effet que la Cour suprême et la Charte ne vont pas nécessairement de pair. Comment un parlementaire de bonne foi doit-il se comporter dans une telle situation?

[Traduction]

M. Levac : Les parlementaires doivent parler avec leurs tripes. Ils doivent défendre leurs convictions avec passion. L’intention de l’arrêt de la Cour suprême ou celle de la Charte des droits et libertés, c’est d’établir que tous sont égaux aux yeux de la loi. Vous remarquerez qu’il a fallu y ajouter des choses. L’Ontario a ajouté des choses à sa charte, le Québec en a ajouté à la sienne, et le Canada aussi, au fur et à mesure que l’on se rend compte que tout le monde n’a pas les mêmes droits et les mêmes libertés. C’est la valeur fondamentale de la Charte des droits et libertés.

Dans une véritable démocratie, on croit fondamentalement que les droits de toutes les personnes sont égaux, qui que soit la personne et quoi qu’elle fasse. Ses droits doivent être protégés, et c’est la raison pour laquelle je crois que la Cour suprême ne s’inscrit pas souvent en faux contre la théorie de la Charte des droits et libertés, mais la Loi constitutionnelle est un document vivant comme les autres. Il a parfois besoin de modifications et de révisions.

Demandez aux Américains combien ils ont d’amendements et combien sont mal interprétés. Je parle très souvent de celui qui leur confère le droit du port d’armes. Si les gens faisaient vraiment leurs devoirs et s’informaient de l’histoire de cet amendement, ils se rendraient compte que ce n’était pas l’intention des pères fondateurs. En fait, cet amendement était pour les Minutemen, parce que les Américains n’avaient pas d’armée et qu’ils voulaient s’assurer que tout le monde soit armé pour combattre les Britanniques, entre autres.

Ce sont donc deux documents vivants, fluides, qui doivent être révisés et modernisés de temps en temps, parce que bien franchement, dans le monde actuel, il y a des pays où une personne peut être tuée à cause de son homosexualité. Le contraste est frappant. Je crois personnellement que c’est mal, mais eux croient que c’est juste. C’est tout un contraste avec les droits de la personne, et les conséquences sont énormes. À mon avis, ces droits doivent être protégés à peu près comme ce dont nous parlons, c’est-à-dire les privilèges des élus. Ils sont sacrés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Levac, merci infiniment.

La sénatrice Dupuis : Merci encore, monsieur Levac. J’aimerais poursuivre dans la même veine que la réponse que vous avez donnée concernant le lobbyisme. Je crois que vous avez bien fait ressortir la situation actuelle. Il y a énormément d’interventions de lobbyistes, et elles se font différemment au Sénat maintenant, parce que plusieurs sénateurs sont indépendants. Ce qui était canalisé vers un leader ou un whip est maintenant ouvert à chaque individu. On observe, par exemple, le phénomène de lobbyistes qui inscrivent au Registre des lobbyistes qu’ils ont fait du lobbyisme auprès de tous les membres d’un comité. Cela fait en sorte que d’autres groupes pensent, à tort, que, parce qu’ils se sont inscrits comme lobbyistes et qu’ils ont déclaré avoir fait du lobbyisme auprès de l’ensemble des sénateurs membres du comité, ils ont été privilégiés en étant invités à témoigner devant le comité. J’ai une inquiétude à titre de sénatrice et de membre d’une institution. L’institution n’a-t-elle pas la responsabilité de défendre l’intégrité de son processus en faisant, par exemple, des interventions auprès de la commissaire au lobbyisme pour que cela soit corrigé?

[Traduction]

M. Levac : En un mot, oui. S’il y a suffisamment de membres dans un comité qui estiment être utilisées par quelqu’un, qui prétend pouvoir faire du lobbyisme auprès de tout un comité. Tant que l’on ne sait pas ce que la personne a demandé ni ce que l’autre a répondu, comme chacun d’entre vous a sa propre indépendance d’esprit et que vous avez des divergences d’opinions, les lobbyistes pourront prétendre exercer des pressions sur vous tous et vous parler d’un sujet, mais ils ne donneront jamais suffisamment d’information pour que l’on sache, par exemple, s’ils se sont fait jeter dehors ou s’ils se sont fait dire qu’ils ne devraient pas être là. Ensuite, je pense qu’il revient au comité de déterminer s’il souhaite ou non s’exposer au lobbyisme.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Dans ce cas, je peux confirmer que je n’avais pas été approchée. Je ne veux pas dire non plus que c’était avec une mauvaise intention. Il est possible qu’une personne, par excès de prudence, ait peur de se faire accuser d’avoir fait du lobbyisme en essayant d’obtenir une comparution devant le comité. Par excès de prudence, cette personne inscrira qu’elle a fait du lobbyisme. Dans le cas où on n’a pas essayé de rencontrer l’individu, comme c’était mon cas — et je ne peux pas me prononcer pour les autres membres du comité —, je me demandais si l’institution n’avait pas également, à votre avis, une responsabilité au-delà de chacun des individus?

[Traduction]

M. Levac : Oui et non. Encore une fois, je pense que sur le parquet, n’importe quel sénateur pourrait se lever pendant les débats ou même faire des recommandations ou proposer une motion pour demander une étude à ce sujet et analyser si le Sénat souhaite que les lobbyistes puissent déclarer avoir approché ses comités. Vous avez le pouvoir de déterminer comment vous voulez régir le lobbyisme.

Si je comparais à titre de lobbyiste devant un comité sur un sujet, ce n’est pas du lobbyisme en tant que tel. Si je suis lobbyiste et que je dis : « J’ai fait une présentation devant le comité et j’ai exercé des pressions sur tous ses membres pour qu’ils fassent telle ou telle chose », c’est très différent d’une simple intervention.

On pourra dire que j’ai témoigné devant tel comité sénatorial et que j’ai répondu à ses questions. On ne dira pas que j’ai exercé du lobbying sur le Sénat pour qu’il n’adopte pas une loi. C’est la différence entre les deux. Donc si un lobbyiste se vante d’avoir exercé des pressions sur le comité pour qu’il fasse telle ou telle chose, vous avez absolument le droit d’expliquer de quoi il s’agit. Je vous dirais probablement que votre comité, l’ensemble des comités ou le Sénat lui-même peuvent définir ce que les lobbyistes peuvent dire ou non. Si ensuite un lobbyiste affirme sur son site web avoir exercé du lobbyisme sur le comité, on pourra lui envoyer une lettre, publier un communiqué ou aviser la personne que c’est faux, qu’elle a simplement fait une présentation devant le comité.

Ce n’est vrai que si vous ne contredisez pas la personne. Je peux me faire passer pour un lobbyiste qui a créé cette chose extraordinaire et qui a résolu les problèmes du monde entier, alors qu’en fait je n’ai fait que témoigner devant le comité.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Lorsque vous avez dit : « I would take it », en d’autres mots, que je réclame le privilège et je me laisse redire par un tribunal que je n’ai pas ce privilège, avez-vous considéré par ce terme le moyen de préciser le privilège? Par exemple, plutôt que de modifier le Règlement du Sénat, pourrait‑on publier ce qui pourrait être de l’ordre d’une directive ou d’un guide d’interprétation, par le Sénat, de son privilège?

[Traduction]

M. Levac : Oui, un précis sur le privilège. Comme je l’ai dit plus tôt, sans vouloir vous manquer de respect — moi compris, d’ailleurs, parce que je ne connais pas toutes les règles —, il est possible que je ne comprenne pas parfaitement le privilège. Il vaudrait mieux l’expliquer et fournir un précis indiquant ce que nous faisons, ou, comme je l’ai dit plus tôt, valser avec grâce sur un tapis roulant, au lieu de dire : « L'alinéa 12.3a) dit que nous devons faire ceci. »

Si vous réalisez une codification complète, a) vous ne pourrez pas tout couvrir; b) vous allez regretter de n’avoir pas mentionné quelque chose qui s’est produit il y a six semaines, et qui ne figure pas dans votre code, et qui vous pose tout à coup problème.

La sénatrice Dupuis : Privilège.

M. Levac : Oui, c’est ce que je voulais dire quand j’ai dit que vous devriez le revendiquer. Il vous appartient. Il est déjà établi. Il existe pour vous.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Je vais peut-être faire suite aux commentaires du sénateur Maltais. D’abord, je ferai une petite précision : la Cour suprême n’a jamais obligé l’affichage bilingue au Québec. Elle a plutôt dit qu’il était inconstitutionnel d’interdire l’utilisation d’une langue autre que le français dans l’affichage; l’anglais pouvait être utilisé, mais le français devait être prédominant.

La question qu’il posait et le point qu’il faisait valoir sont importants au sujet de la tablette ou de l’ordinateur du sénateur ou du député. Là-dessus, je dirais que le comité devrait peut-être se pencher sur cette question et s’inspirer de ce qui se fait par rapport au secret professionnel pour les avocats. Il n’est pas interdit de saisir le dossier d’un avocat ou sa tablette ou son ordinateur, mais il faut suivre une procédure. Évidemment, le juge doit autoriser cela, et on doit prévenir le syndic du barreau ou l’ordre professionnel que l’on fera une saisie. Un représentant de l’ordre peut être présent. L’ensemble du dossier peut être inaccessible à la police jusqu’à ce que le juge décide de ce qui est couvert par le secret professionnel et ce qui ne l’est pas.

Nous pourrions donc peut-être, dans le cadre du privilège parlementaire, nous assurer que le président de l’assemblée concernée, soit le Président du Sénat ou le président de l’assemblée législative, soit prévenu et qu’il puisse être impliqué pour faire valoir les droits parlementaires par rapport au fait que les documents saisis doivent être mis de côté, jusqu’à ce qu’un juge entende les arguments sur ce qui est couvert par le privilège parlementaire et ce qui ne l’est pas.

[Traduction]

M. Levac : Je pense que vous touchez à quelque chose qui indique qu’il s’agit d’une autre étape du processus de protection et de reconnaissance de l’existence des privilèges. Le privilège parlementaire existe déjà. Il est protégé. Au fil des années, les tribunaux ont continuellement indiqué qu’ils comprenaient l’existence du privilège parlementaire.

Un examen continu et des précisions l’amélioreraient. Cela ne le modifierait pas et ne le réduirait pas. En fait, cela le bonifierait. Le Président ne devrait intervenir que pour fournir des précisions au membre, et au sujet de la propriété saisie de ce membre, que cette question est couverte par un privilège. Le tribunal décide ensuite si la protection existe ou non. Il pourrait y avoir ici des choses que le tribunal recherche, dont nous ne sommes pas au courant, qu’il doit découvrir. Nous devons donc nous montrer respectueux à l’égard du tribunal, tout comme nous voulons que le tribunal soit respectueux envers nous. En Ontario, il n’y a pas eu de cas de tribunal qui n’ait pas compris cela ou qui ne collabore pas avec nous, alors nous devrions en faire de même de notre côté.

Votre remarque est très pertinente : nous devons élargir l’interprétation en indiquant que le Président pourrait être chargé d’aider un membre à protéger son privilège lorsqu’un document est saisi. C’est ce qu’il y a de nouveau. À une certaine époque, on utilisait de simples dossiers papier rangés dans des classeurs. Aujourd’hui, il y a plus d’information et plus de pouvoir dans cela qu’au cours des 20 premières années de l’utilisation des ordinateurs.

Le sénateur Dalphond : Cela pourrait exiger une quantité mineure de codification, au moins des procédures à suivre.

M. Levac : Absolument, et c’est ce que je soutiens. Je pense qu’il s’agit d’un outil très logique et souvent mal compris qui devrait être utilisé, mais cette catégorisation et codification complète est une autre paire de manches. C’est comme cette vieille expression : faites attention à ce que vous souhaitez, car vous pourriez l’obtenir.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le président, j’ai été interpellé par mon honorable collègue, donc j’ai le droit de répondre. Je ne m’adresserai pas à M. Levac, mais au juge Dalphond, en lui rappelant que c’est la loi 101 qui a été déclarée anticonstitutionnelle. Nous avons dû adopter la loi 178 pour permettre qu’une partie de l’affichage se fasse en français. Donc, ma réflexion était excellente. Peut-être étiez-vous avocat à l’époque, mais je vous le rappelle tout simplement pour que ce soit clair.

[Traduction]

Le président : Je vais maintenant exercer mon droit à titre de président de poser une dernière question au témoin.

Vous avez, bien sûr, été Président à Queen’s Park pendant plusieurs années, mais vous êtes également éducateur. Je m’inquiète, depuis quelque temps, au sujet de la population canadienne, et même, très souvent, au sujet des parlementaires. On écoute parfois les médias parler, au sein de groupes de témoins, de l’importance de la séparation de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Vous avez souvent mentionné cela dans votre exposé. Cet élément essentiel de notre système semble s’effriter. Que pouvons-nous faire, monsieur l’ancien Président, pour éduquer la population, les médias et les nouveaux parlementaires?

M. Levac : Tout d’abord, vous le faites déjà en réalisant cet exercice et en vous assurant qu’il soit diffusé. Vous avez dit que la diffusion commençait à se produire. Plus nous parlons de ceci, plus nous participons au dialogue nécessaire. La discussion est trop condensée; elle doit être diffusée.

La même chose se produit année après année, décennie après décennie : nous devons modifier le système d’éducation pour continuer de changer et d’évoluer, et pour en accroître la fluidité grâce à de nouveaux renseignements. Honnêtement, les accusations selon lesquelles cela n’est pas enseigné sont fausses. Il existe des cours; je le sais. Les élèves sont mobilisés — sauf que parfois, les renseignements ne sont pas assez complets. Il ne suffit pas de dire qu’il faut connaître l’existence des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral. Les enfants de maternelle peuvent comprendre cela; nous pouvons le leur enseigner. Nous devons réaliser des études plus complètes à ce sujet.

Pour ce qui est de la mobilisation, nous devons réaliser des exercices; nous devons nous assurer que les gens participent à des séances simulées du Parlement, du Sénat et des Nations Unies. Toutes les écoles doivent y participer. L’idée est que les gens ne possèdent pas cette connaissance, mais que ce n’est pas parce que l’information n’est pas disponible. Les renseignements aujourd’hui accessibles sur tous nos outils sont bien plus nombreux que ceux qui peuvent avoir été accumulés dans une bibliothèque. Quels sont ces renseignements? Là est la vraie question.

En passant, pour ceux qui souhaitent le savoir ou qui meurent d’envie de l’apprendre, Elvis est vivant quelque part aux États-Unis — parce que quelqu’un l’a dit sur les médias sociaux, non? La pensée critique est donc la limite de tout cela. Permettre aux personnes de penser de façon critique à l’existence des privilèges. Conjuguer cela avec les renseignements sur la justification de la séparation des trois ordres de gouvernement. Il existe aujourd’hui des exemples de cela dans le monde : police, juges, politiciens — corruption. Cela donne une mauvaise impression à la population. Les gens entendent les mauvaises nouvelles en premier. Ils supposent que tout va mal et que tout le monde est corrompu, et que nous nous en mettons tous plein les poches. C’est tout le contraire. Allez-vous me donner un exemple? Bien sûr. Vous allez me donner un exemple. Je vais vous citer des centaines de milliers d’exemples de bons politiciens qui, au fil des décennies, n’ont fourni que de bons services à la population, mais nous avons peur de dire cela. Alors, n’ayons pas peur de le dire.

Le président : Monsieur l’ancien Président, tout d’abord, au nom du comité, je veux vous remercier de votre générosité. Nous avons pris plus de temps que prévu parce que votre exposé était très intéressant. Nous vous remercions beaucoup d’avoir participé à cette étude essentielle sur les privilèges. Nous vous souhaitons une heureuse retraite.

M. Levac : Merci beaucoup,

(La séance est levée.)

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