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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 11 - Témoignages du 6 février 2017


OTTAWA, le lundi 6 février 2017

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 1, en public, pour examiner les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense et en faire rapport; et, à huis clos, pour l'examen d'un projet d'ordre du jour (affaires futures).

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du lundi 6 février 2017 du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Je m'appelle Daniel Lang, sénateur du Yukon. J'ai, à ma gauche immédiate, le greffier du comité, Adam Thompson, et à l'extrême droite, l'analyste de la Bibliothèque du Parlement, Marcus Pistor.

Avant de commencer, j'aimerais signaler à ceux qui suivent les débats de chez eux que le Sénat a pris la décision en décembre d'élargir le comité en portant de 9 à 12 le nombre de ses membres et que la semaine dernière, nous avons également décidé d'élargir le Sous-comité sur les anciens combattants dont le nombre passe de cinq à sept membres.

Nous allons faire un tour de table et je demande à chaque député de se présenter, à commencer par le président.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Kenny : Colin Kenny, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur White : Vernon White, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : Frances Lankin, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l'Ontario. Bienvenue.

Le sénateur Meredith : Don Meredith, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice McPhedran : Bienvenue. Marilou McPhedran, du Manitoba.

Le président : Nous entendrons quatre groupes de témoins à commencer par celui du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Bob Paulson, qui est accompagné de Daniel Dubeau, sous-commissaire et chef des ressources humaines; de Gilles Michaud, sous-commissaire, Services policiers fédéraux; et de Craig MacMillan, commissaire adjoint, Officier du secteur de la responsabilité professionnelle.

Commissaire, je vous invite à compléter les présentations. Je crois comprendre que vous souhaitez faire une déclaration préliminaire.

Bob Paulson, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Monsieur le président et sénateurs, merci de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter la dernière addition à mon équipe ici à Ottawa, la commissaire adjointe Louise Lafrance. Louise était jusqu'à récemment la commandante de notre école à Regina. Elle est rentrée récemment à la direction générale pour diriger une équipe spéciale chargée de la culture et de la mobilisation en milieu de travail. Louise veillera à ce que les facteurs comme la diversité, l'inclusion et l'ACS+ fassent partie de la prise de décisions en matière de politiques, de programmes et de planification opérationnelle.

[Français]

Permettez-moi, avant d'aller plus loin, d'exprimer, au nom de tous les employés de la GRC, nos plus profondes condoléances aux familles des victimes de l'horrible attentat perpétré contre une mosquée de Québec.

[Traduction]

Je ne vous l'apprends pas, d'importants changements sont en cours à la GRC et ils touchent ses employés. Je parle de la refonte des relations de travail avec nos membres, du projet des catégories d'employés, qui verra nos membres civils être convertis en employés de la fonction publique, et de la solde versée à nos policiers qui devrait suivre la courbe d'augmentation dont profitent nos homologues des corps policiers municipaux et provinciaux, qui sont, pour certains, littéralement des voisins.

Une bonne partie de ces projets ne repose pas entre nos mains, mais nous nous sommes engagés à communiquer à nos employés autant de renseignements sur ces sujets que nous sommes en mesure de le faire. Et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour améliorer la sécurité des policiers, la satisfaction de nos employés à l'égard du travail et leur bien-être général en milieu de travail.

Au sujet de la sécurité des policiers, vous vous souviendrez qu'en septembre, la GRC a acheté des trousses de naloxone, un antidote qui peut rapidement renverser les effets du fentanyl et d'autres dangereux opiacés. Nos membres opérationnels les portent en service, afin de pouvoir les utiliser sur leurs collègues policiers ou d'autres employés qui risquent une exposition accidentelle. Ils peuvent aussi s'en servir pour porter secours à des citoyens en situation d'urgence, s'ils soupçonnent une surdose d'opiacés.

À ce jour, environ 85 p. 100 de nos membres actifs — soit plus de 14 000 policiers — ont été formés à l'utilisation de la naloxone. En ce qui a trait à la sécurité des policiers et des premiers soins, nos trousses ont servi approximativement à 70 reprises. Malheureusement, cinq de nos interventions n'ont pas réussi. Dans deux cas, des membres qui ont été exposés à la drogue ont réussi à s'auto-administrer la naloxone.

Depuis peu, la GRC forme ses chiens policiers à la détection du fentanyl, en transformant du fentanyl pur sous forme liquide, ce qui permet d'entraîner les chiens à en reconnaître l'odeur sans le leur faire inhaler. Nous venons de faire l'acquisition de 28 détecteurs ioniques qui seront installés dans des détachements, partout au pays. Ces appareils peuvent rapidement analyser des échantillons afin d'y déceler la présence de substances dangereuses ou toxiques, comme le fentanyl.

En attendant, nous poursuivons notre lutte contre les producteurs et les distributeurs de cette drogue mortelle et nous nous efforçons d'étendre nos efforts de prévention à l'échelle internationale.

[Français]

En matière de santé et de sécurité au travail, notre rapport annuel le plus récent à ce sujet précise que les trois types d'accidents les plus fréquents chez nos membres réguliers sont les chutes, les agressions et les actes de violence, et l'épuisement physique. Les incidents sont peu nombreux, mais nous tenons à faire tout ce que nous pouvons pour en réduire le nombre.

[Traduction]

Pour accroître la sécurité de nos membres sur le terrain, nous avons bonifié de nombreux programmes de formation et d'équipement. Pour n'en nommer que quelques-uns, nous avons bonifié le cours sur le Déploiement rapide pour action immédiate, ou DRAI, sur la carabine et sur les interventions/désamorçage en cas de crise, autant de formations qui s'ajoutent à notre épreuve annuelle de qualification et de formation au tir.

C'est la formation au DRAI qui a permis à un policier qui agissait seul de convaincre de se rendre sans résistance le suspect de la tragique fusillade à l'école communautaire de La Loche, l'an dernier.

Nous avons modifié notre formation et l'avons rendue obligatoire pour tous nos policiers.

Nous nous sommes appliqués aussi à former nos membres à l'intervention et au désamorçage en cas de crise.

[Français]

Les policiers sont souvent les premiers arrivés sur les lieux quand une personne vit une crise de santé mentale. Nous avons un rôle essentiel à jouer lorsque nous intervenons. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en œuvre en septembre une nouvelle formation obligatoire pour nos membres. Ce cours est un complément à la formation donnée aux cadets à l'École de la GRC et à toute autre formation que donnent actuellement les divisions et les détachements.

[Traduction]

Certes, nous comprenons que les policiers ne sont pas des médecins et qu'il ne leur revient pas de diagnostiquer une personne en crise; mais il est important qu'ils comprennent un peu ce que sont les troubles de la santé mentale, qu'ils en reconnaissent les signes et les symptômes, afin de procéder à l'évaluation efficace des risques et au désamorçage de la crise, s'il leur est possible de le faire du point de vue tactique.

En ce qui concerne notre engagement à l'égard de la sécurité des policiers, nous avons aussi mis en place une nouvelle épreuve annuelle de qualification et de formation au tir pour nos membres.

À ce sujet, permettez-moi de dire que je tiens absolument à ce que les femmes et les hommes de la GRC aient à leur disposition le meilleur équipement pour assurer la sécurité du pays, pour faire respecter les lois, pour protéger les citoyens et pour se protéger eux-mêmes. Mais j'ai aussi peur de la tendance au sein de la pratique policière de l'augmentation des outils de type militaire dans les forces de l'ordre pour les besoins d'Opérations policières. Ce que l'on décrit comme la militarisation de la police. Le risque se situe au niveau de la création d'une mentalité excessivement axée sur l'application de la loi et l'utilisation de la force chez nos policiers professionnels, plutôt que l'approche préventive de résolution de problèmes axée sur la communauté qui est mieux adaptée au contexte canadien.

Le plus grand risque est l'approche du « nous vis-à-vis d'eux » dans la livraison des services policiers et notre éloignement potentiel des gens que nous servons. Les choses telles que l'équipement, les options d'intervention dans l'utilisation de la force et les tactiques que nous déployons contribuent toutes à la manière dont les Canadiens nous perçoivent et se sentent à notre sujet. Nous devons prendre le temps de réfléchir, de consulter et de bien peser le pour et le contre dans ces domaines.

[Français]

C'est là une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de profiter des leçons apprises par tous les services de police et d'autres intervenants et d'accroître notre expertise en nous concentrant sur des formations, comme celle du désamorçage. Nous voulons doter nos membres des compétences leur permettant d'intervenir de manière sécuritaire et efficace, afin qu'ils puissent choisir une option moins létale et privilégier une posture tactique plus imposante.

[Traduction]

L'autre aspect que je souhaite aborder est celui des postes vacants et des ressources. Comme toute autre grande organisation, nous composons en permanence avec des postes vacants. À cette difficulté s'ajoute chez nous celle de devoir combler des postes très spécialisés dans des villes et des villages dans tous les coins du pays.

La GRC maintient son engagement à combler les postes vacants et à s'occuper des problèmes de ressources en première ligne, afin de pouvoir continuer de s'occuper des menaces dont les formes évoluent et nous assurer que nos officiers soient en sécurité.

Nous avons aussi lancé en août 2016 un examen de l'affectation des ressources afin d'évaluer si notre enveloppe de financement global est suffisante pour nous acquitter efficacement de notre mandat d'assurer la sécurité des Canadiens.

L'évaluation, qui est menée par une société tierce professionnelle, porte sur les manques et les surplus dans le financement horizontal ou propre aux programmes. Elle examine les possibilités de rentabilisation, par exemple en revoyant la priorisation des ressources, en modifiant la conception du programme ou en éliminant des activités qui ne relèvent pas directement du mandat de la GRC.

J'aimerais maintenant aborder la question de la santé et du bien-être en milieu de travail. Les agents de la GRC sont d'abord des humains. Ils doivent composer avec les mêmes facteurs de stress que tous les autres Canadiens, mais le métier de policier comporte en outre un risque inhérent de blessure physique ou psychologique.

Le stress et la maladie mentale professionnels sont des réalités qui touchent et les membres réguliers et les membres civils, et que notre organisation prend très au sérieux. Le Plan d'action 2016-2017 à l'appui de la stratégie en matière de santé mentale sur cinq ans est en cours. Il soutient trois objectifs stratégiques, à savoir : éliminer les préjugés associés aux problèmes de santé mentale; prendre des mesures proactives pour aider les employés à maintenir ou à renforcer leur santé psychologique; et améliorer la gestion et l'examen des programmes et des services en matière de santé et de sécurité psychologiques.

[Français]

Il y a encore beaucoup plus de travail à faire pour que chaque employé ait le soutien nécessaire et se sente à l'aise de demander de l'aide lorsqu'il en a besoin. Nous sommes résolus à en faire une réalité.

[Traduction]

La GRC n'a aucune tolérance pour l'attitude dépassée selon laquelle les blessures psychologiques sont imaginaires et compte en venir à bout par l'éducation et la sensibilisation. Nous avons encore du travail à faire et avec l'appui de nos divers partenaires à l'intérieur du gouvernement, nous pouvons et nous allons faire mieux.

Le gouvernement du Canada a appuyé la GRC dans le règlement du recours collectif initié par les employées et les membres féminins et nous mettons en œuvre les termes et conditions de cette entente qui renforcera le travail de la Force envers la transformation de notre milieu de travail.

D'ici à ce que débute la consultation de nos partenaires policiers contractuels, nous apporterons des améliorations à certains des soins de santé complémentaires offerts à nos policiers.

La santé de l'organisation est une priorité absolue à mes yeux et à ceux de mes collègues cadres. Les améliorations du régime de soins de santé aideront nos membres à rester en santé. Nous continuons de prendre plus de 2,5 millions appels de service de la part des Canadiens, tous les ans.

Nous avons accompli des progrès au fil des ans en ce qui concerne le milieu de travail et le bien-être de nos employés, mais nous sommes conscients qu'il y a encore beaucoup à faire. Nous demeurons résolus à donner suite aux préoccupations de nos employés, en tenant compte des besoins et des attentes du public que nous servons et en nous assurant que tous sont informés et avisés des changements qui sont faits.

La GRC est une entreprise canadienne unique. Ce n'est pas un corps policier municipal; ce sont des centaines de forces de police ayant des responsabilités envers les gouvernements municipaux et les commissions de police. Ce n'est pas une force de police territoriale, mais trois qui rendent des comptes aux trois gouvernements territoriaux. Ce n'est pas non plus une force policière provinciale, mais huit, encore une fois avec de la reddition de comptes aux huit gouvernements provinciaux et auprès de tous les systèmes de contrôle et des processus que chacun a mis en place.

Le mandat principal de la GRC est la police fédérale et nous réalisons tous ces autres rôles à l'intérieur des contrats que nous avons avec les différentes juridictions. Parce que nous sommes une force fédérale nous sommes supervisés par et responsable envers une vaste gamme d'organismes de supervision et de réglementation, au-delà même de ceux de nos juridictions contractuelles.

Parce que nous faisons toutes ces choses et que nous les faisons majoritairement bien, les Canadiens peuvent être fiers de leur entreprise de police appelée GRC. Et avec cela, mes collègues et moi répondrons à toutes vos questions.

Le président : Chers collègues, je vous demande d'être concis dans vos questions et je vous demande, monsieur le commissaire, d'être concis dans vos réponses. Nous n'avons pas beaucoup de temps et il y a beaucoup de questions que vous n'avez manifestement pas abordées et que les députés soulèveront au cours de notre session.

Le sénateur Kenny : J'ai des questions dans trois domaines, mais j'aimerais tout d'abord faire un bref commentaire sur le recours collectif en cours.

Nous avons vu les annonces diffusées dans le journal la semaine dernière. Nous recevons actuellement des personnes ayant reçu des lettres individuelles les invitant à y participer. Je dois avouer que je suis impressionné par les six catégories de paiement que vous avez calculées, de 20 000 $ à 220 000 $.

La démarche semble bonne. Chaque plaignant s'adressera au juge Bastarache qui sera seul à décider de la somme allouée. Tout participant à la démarche aura le droit, s'il le souhaite, de poursuivre la question devant les tribunaux.

Je voulais simplement dire bravo. Il s'agit d'une étape importante pour changer l'image de la GRC, en particulier auprès des employés futurs qui, à mon avis, sentiront qu'ils prennent part à une démarche qui les traite avec respect et qui prend acte des difficultés auxquelles ils ont été confrontés. Je voulais simplement vous faire part de mon avis. Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter autre chose au sujet du recours collectif.

M. Paulson : Je vous remercie pour vos commentaires. Des années de travail ont été consacrées à la recherche d'un équilibre en matière de vie privée pour les plaignants. Cela va bien au-delà du règlement financier, nous avons également engagé d'importants changements organisationnels.

Je pense que c'est une évolution positive. Merci pour vos commentaires.

Le sénateur Kenny : Je voudrais soulever la question très préoccupante du manque d'effectifs. Il y a un an, le ministre dont vous relevez disait qu'on ne pouvait donner à la GRC un mandat exigeant d'elle qu'elle fasse des miracles sans lui fournir les ressources nécessaires à l'accomplissement de sa tâche.

On sait que vous avez reçu des fonds pour la cybersécurité et la lutte contre la radicalisation, mais vous semblez manquer cruellement d'effectifs à peu près partout ailleurs. J'en reviens au rapport du Groupe de travail Brown de 2007, dans lequel il disait que tous les détachements qu'il avait visités étaient en sous-effectifs à hauteur de 30 p. 100. Vous avez comparu devant le comité il y a un an et nous avez dit que vous aviez transféré 450 préposés de la lutte contre la criminalité des cols blancs à la lutte contre le terrorisme. Qu'avez-vous fait pour obtenir que davantage de personnes viennent travailler à la GRC, afin de faire face aux responsabilités supplémentaires qui vous sont confiées?

M. Paulson : Très rapidement : nous avons une approche de gestion des postes vacants qui est prise en charge par le sous-commissaire Dubeau et une équipe. Nous visons un niveau de 4 à 5 p. 100 de postes vacants dans nos diverses juridictions. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est une approche juste, équilibrée et réfléchie de la répartition des postes vacants à travers le pays.

Ensuite, nous avons l'examen par KPMG de nos ressources à tous les échelons, qui permettra, on l'espère, de dresser un état des lieux précis mettant en évidence les points forts en matière d'efficacité et d'efficience et les lacunes, dont pourra s'inspirer le gouvernement pour mettre en place les mesures qu'il semble avoir commencé à prendre à l'appui de la réalisation des conclusions dudit rapport.

Le sénateur Kenny : Il reste que l'impact continue de se faire sentir en termes de stress au niveau des agents en première ligne : le manque de renforts se traduit par des problèmes de santé et de sécurité. Vous connaissez ces problèmes bien mieux que moi. Pourquoi accepteriez-vous un déficit en personnel de 4 ou 5 p. 100 comme satisfaisant dans une organisation qui compte 17 000 policiers?

M. Paulson : Je ne dis pas qu'il est satisfaisant, mais j'essaie d'apporter des changements par des processus délibérés et transparents qui jouent sur les ressorts appropriés. Comme je l'ai dit dans d'autres domaines, le stress et le surmenage de nos employés tiennent davantage aux insuffisances de la gestion qu'à celles des ressources.

Nous devons classer nos tâches par ordre de priorité, laisser nos employés faire ce qu'ils peuvent, nous assurer qu'ils sont correctement supervisés et gérés, tout en présentant nos arguments en faveur d'une augmentation de nos budgets de façon efficace, réfléchie et transparente.

Le sénateur Kenny : Vous savez que vous manquerez de personnel. Dans un détachement de trois ou quatre personnes, si l'une vient à manquer, vous avez un gros problème.

M. Paulson : Effectivement et, à cet égard, nous avons élaboré des approches novatrices pour compenser ce sous- effectif. Dans certaines divisions, par exemple, il y a une équipe de personnes qu'on peut envoyer en renfort dans les petits détachements de trois personnes où, quand on est un de moins, ça fait mal. Nous avons quelques stratégies qui nous permettent de dire : voici les effectifs dont nous avons besoin, voici ce que nous pouvons faire avec ce que nous avons. Le reste attendra.

Le sénateur Kenny : Le message que vous passez au comité est que vous êtes satisfait de la situation, que vous disposez de ressources suffisantes pour faire le travail et que tout va bien.

M. Paulson : Ce n'est qu'une interprétation de ce que je viens de dire. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le sénateur Kenny : Il est parfois bon d'entendre ce que quelqu'un d'autre vous entend dire et c'est ce que je fais. À vous entendre, tout va pour le mieux du côté des effectifs, et je vous dis ce que nous entendons.

M. Paulson : Je n'ai pas dit cela, sénateur. Je n'ai pas dit que tout allait bien. Je conviens qu'il y a un manque de ressources. J'en ai donné le détail. J'en constate l'existence. Nous avons déployé des stratégies pour aider nos membres sur le terrain à y faire face. Nous avons déployé une stratégie spécifiquement pour y remédier. Nous avons déployé une autre stratégie pour classer nos tâches par ordre de priorité. Je ne suis pas là à vous dire que tout n'est que ciel bleu et papillons, sénateur. Ce n'est pas ce que je dis.

Le sénateur Kenny : Avez-vous demandé, arguments à l'appui, une augmentation de vos effectifs?

M. Paulson : Oui. C'est ce que nous faisons. Je viens de vous expliquer l'étude de KPMG sur l'efficacité et les ressources, qui concerne tous nos secteurs d'activité.

Le sénateur Kenny : Demandez-vous au gouvernement de nommer plus de ressources humaines?

M. Paulson : Je demanderai au gouvernement d'augmenter les ressources humaines quand j'aurai les éléments pour persuader ceux qui tiennent les cordons de la bourse de me donner plus de gens. Dans les provinces, nous avons plus de gens tout le temps parce que les justifications sont là. Les municipalités demandent constamment du personnel supplémentaire et nous le fournissons. C'est une entreprise très complexe que nous gérons ici.

Le sénateur Kenny : En ce qui concerne la rémunération, la GRC n'a pas eu d'augmentation depuis trois ans. On continue de recevoir des chiffres qui choquent les Canadiens, indiquant qu'un gendarme de première classe se retrouve au 57e rang sur 82 policiers canadiens. Si l'on prend la rémunération totale des membres de la GRC comme base de la comparaison, il en résulte que celle de la GRC est inférieure de 14,5 p. 100 aux autres. Pourquoi ne payons-nous pas aux policiers de la GRC un salaire en rapport avec le travail qu'ils font? Cela contribuerait à alléger vos problèmes de recrutement.

M. Paulson : C'est précisément ce que nous nous efforçons de faire.

Le sénateur Kenny : Que faites-vous?

M. Paulson : Je demande davantage d'argent au gouvernement.

Le sénateur Kenny : Et qu'est-ce qu'on vous répond?

M. Paulson : Patientez.

Le sénateur Kenny : Cela fait plus d'un an qu'on nous le dit.

M. Paulson : Ajoutez une pièce.

Le sénateur Kenny : J'aimerais bien, mais ce n'est pas une situation satisfaisante.

M. Paulson : Effectivement.

Le sénateur Kenny : Une dernière question courte et facile. Elle porte sur l'équipement. Je m'intéresse plus particulièrement à la recommandation sur les carabines, du rapport d'Alphonse McNeil. Est-ce qu'aujourd'hui tous les véhicules utilisés par les policiers dans leurs tâches ordinaires sont équipés d'une carabine et est-ce que tous les utilisateurs de ces véhicules ont été formés à leur utilisation?

M. Paulson : Nous ne nous sommes jamais réellement fixé pour objectif d'équiper toutes les voitures de police et de former tous les policiers. Nous avançons en ce qui concerne le déploiement des carabines dans l'ensemble du pays. Quant à la formation, elle se déroule très bien. Les recrues sont formées au Dépôt maintenant. J'ai les chiffres quelque part dans ce livre et je peux vous les donner plus tard.

Le sénateur Kenny : Quelqu'un pourrait-il nous envoyer les tableaux?

M. Paulson : Bien sûr.

Le sénateur White : Félicitations pour votre travail sur la naloxone. Je sais que c'est un problème énorme, surtout dans l'Ouest canadien. Je vous en suis reconnaissant.

Je me demande si vous ou le sous-commissaire Dubeau pourriez nous dresser un tableau détaillé de la situation concernant l'incidence des départs de policiers imputables à la faiblesse des prestations et de la rémunération. Sur la Colline, il y en a deux qui sont partis au cours des derniers mois, pour rejoindre la Police provinciale de l'Ontario, je crois. Pourriez-vous faire un point de la situation pour nous sur le plan financier au regard de la différence de salaire — le dernier rapport que j'ai lu date de 2014 — entre la Police provinciale de l'Ontario, la GRC et la GRC à Calgary, qui sont parmi les services les mieux placés, juste pour qu'on puisse comprendre les chiffres?

M. Paulson : Avant de céder la parole au sous-commissaire Dan Dubeau, cela fait bien sûr partie des arguments avancés à l'appui de notre demande d'augmentation de salaire dans nos discussions avec le gouvernement. On voit de plus en plus, un peu partout au pays, franchement, les gens qui quittent la force, en Colombie-Britannique pour aller à Vancouver, en Alberta pour aller à Calgary ou à Edmonton, en plus des exemples que vous venez de citer. C'est un véritable exode de nos ressources. Nous sommes toujours en concurrence avec d'autres forces de police. Dan a sans doute trouvé les statistiques maintenant.

Daniel Dubeau, sous-commissaire et chef des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Je les cherche. Nous pouvons vous envoyer le rapport en soi. Le sénateur Kenny avait raison. Nous sommes à peu près à 14,4 p. 100 derrière les trois premiers. Sénateur, si vous prenez le salaire de base, nous sommes maintenant au 72e rang, presque au bas de la liste. Nous avons examiné un corps de police de 50 policiers. C'est à cela que nous nous comparons. Nous sommes au 72e rang environ sur une liste de 80 et quelques. Nous sommes parmi les derniers. Lorsqu'on prend en compte tous les avantages, l'écart est de 14 p. 100. Voilà ce que je peux vous dire.

C'est un problème. Nous perdons des membres, pas au rythme que l'on a tendance à imaginer parce que les autres forces ne recrutent pas. Si les autres forces de police embauchaient davantage, vous pourriez mieux voir la transition. Nous avons vu dans le passé d'autres forces de police démarcher nos membres et leur offrir des primes d'embauche. En fait, ils citent actuellement le salaire comme problème. C'est un problème. Les chiffres eux-mêmes sont difficiles à suivre, car tous les membres ne nous disent pas quand ils partent.

Le sénateur White : Si vous me le permettez, je crois que vos gars gagnent environ 84 000 $ pour un constable de première classe.

M. Dubeau : Oui.

Le sénateur White : À Calgary, c'est 102 000 $ et en Alberta, 105 000 $, soit un écart de près de 20 000 $ par année.

M. Dubeau : Oui, vous pouvez commencer à Vancouver. Je crois qu'avec Calgary il est d'environ 20 000 $. C'est tout un fossé et ça devient plus difficile.

C'est pourquoi, comme le dit le commissaire, nous discutons avec le gouvernement, le bureau de notre ministre, d'une augmentation de salaire, qui ne nous mettrait peut-être pas au même niveau tout de suite, mais qui amorcerait une dynamique de rattrapage. Cela devient de plus en plus problématique d'avoir des membres qui font le même travail parfois dans des conditions plus difficiles et qui sont payés moins.

M. Paulson : Opérations policières conjuguées.

Le sénateur White : Mêmes voitures, salaires différents.

M. Dubeau : Je peux essayer de vous donner les chiffres, sénateur. Ils sont difficiles à suivre, selon les modalités de départ. Un policier qui quitte pour joindre les rangs d'une autre force ne nous le dira peut-être pas.

Le sénateur White : Ma deuxième question est semblable. Nous avons parlé de taux de postes vacants de l'ordre de 3 ou 4 p. 100, ce qui ne semble pas si mauvais, mais il s'agit de postes réellement non pourvus. Ça ne comprend pas, je suppose, les congés parentaux, les congés spéciaux, les congés de maladie et les congés de maladie à long terme. Quel serait le pourcentage de postes vacants autrement, au lieu des 3-4 p. 100? Est-ce qu'il passerait à 9, 10 ou 11 p. 100?

M. Dubeau : Pour les taux réels de postes vacants, je devrais sortir les graphiques que nous avons préparés. Si l'on ajoute au taux de base, d'environ 5 p. 100 comme l'a dit le commissaire, tous les autres postes vacants pour congés de maladie, et cetera on pourrait bien arriver à un taux à deux chiffres.

Le sénateur White : De 10 p. 100 et plus.

M. Dubeau : Oui. Davantage même, selon la région. Dans le Nord où les détachements sont plus petits, comme l'a dit le sénateur Kenny, si vous perdez une personne et que vous êtes trois, vous devez la remplacer. Nous avons diverses stratégies pour envoyer des renforts afin de libérer nos membres non seulement pour des rendez-vous médicaux ou autres, mais même pour les vacances. Nous collaborons de près avec nos commandants pour veiller à ce que nos membres puissent se reposer.

Le sénateur White : Ma dernière brève question, si vous le voulez bien, s'adresse à la commissaire adjointe Lafrance. Vous êtes sortie du Dépôt l'été dernier, sauf erreur. Je sais que cela remonte à six mois maintenant, mais je suis sûr que c'est encore frais.

Vous avez modifié les règles concernant l'embauche. Vous avez abandonné l'examen d'entrée à l'université. Vous êtes le seul service de police au Canada, je pense, qui n'ait pas d'examen d'entrée pour les candidats, d'ailleurs, en dehors du recrutement direct. De votre point de vue, est-ce que cela a eu un impact positif sur le nombre de personnes qui ont suivi la formation et obtenu leur diplôme, ou bien cela a-t-il simplement gonflé le nombre de candidats recrutés directement?

M. Dubeau : Je vais répondre à cette question parce que ces changements relèvent du service des ressources humaines et non du Dépôt. Il y a eu une amélioration.

Pour ce qui est de l'examen d'entrée, c'est très simple : quand on leur a demandé ce que l'examen d'entrée nous sert à tester, nos experts ont répondu qu'il sert seulement à s'assurer que le candidat ait le niveau de scolarisation nécessaire pour suivre la formation du Dépôt et réussir. C'est tout.

Nous l'avons supprimé pour les diplômés universitaires, car d'après une analyse des résultats, la plupart d'entre eux réussissaient très bien au Dépôt. Ils ne réussissaient pas l'examen d'entrée pour échouer ensuite faute de connaissances suffisantes. Maintenant, nous avons étendu cette mesure.

Cela élargit le bassin de recrutement et nous recrutons davantage maintenant. Nous voulons élever le niveau d'éducation de nos forces de police afin d'attirer ces cohortes, non seulement les diplômés universitaires, mais aussi ceux qui sortent des collèges avec un diplôme de deux ans d'études. Nous avons des paramètres très spécifiques.

Nous avons réussi à augmenter le nombre des recrues. On parle maintenant de 7 300. Notre objectif pour cette année était de 34 soldats. Avec 32 inscrits au Dépôt, l'objectif sera atteint. L'approche a porté fruit. Nous avons su attirer plus de candidats. J'ai entendu dire que l'Agence des services frontaliers du Canada avait adopté le même modèle. Il n'y a maintenant plus d'examen d'entrée pour les diplômés universitaires. Un examen servant à tester des connaissances qui ont déjà été testées à l'université fait double emploi.

Le sénateur White : La diversité du recrutement reste-t-elle assurée toutefois? Il y avait 10 p. 100 d'Autochtones, 20 p. 100 de collectivités diverses et 30 p. 100 de femmes. Est-ce que l'on atteint aussi ces objectifs ou est-ce qu'on les a laissé tomber? Je ne me souviens pas si nous l'avons fait ou non.

M. Dubeau : Nous ne les avons pas atteints. Avec notre tactique en matière de genre et de respect, on ciblait 50 p. 100 de femmes. Nous en sommes maintenant à 25 p. 100, sous l'effet d'une très forte augmentation de l'effectif. Nous en sommes environ à 75 p. 100 d'hommes blancs.

Le sénateur White : Cela concerne le recrutement ou l'organisation?

M. Dubeau : Le recrutement. Votre question concerne les inscriptions au Dépôt en ce moment. Il y a actuellement environ 850 recrues : 75 p. 100 d'hommes blancs, 25 p. 100 environ de femmes, et 15 p. 100 de minorités visibles. La proportion des Autochtones est d'environ 3 p. 100, ce qui est un problème pour nous. Nous voulons l'augmenter.

Dans l'ensemble, il s'agit d'élever la composition de la force. La disponibilité sur le marché du travail fait tout simplement défaut. Emploi et Développement social Canada nous a fourni des chiffres. On va créer 23 000 postes de policiers dans les prochaines années pour lesquels on n'aura que 21 000 candidats. Nous savons d'ores et déjà que nous sommes dans un marché concurrentiel. Notre force a du mal à attirer des gens non seulement du fait de la rémunération, mais aussi parce que les conditions de travail sont tout à fait différentes lorsqu'on doit être mobile et pouvoir se déplacer.

Le président : On nous a dit ce matin que la GRC aurait besoin d'au moins 1 000 policiers supplémentaires. Et aussi qu'on avait transféré à la lutte antiterroriste 450 employés chargés des infractions relatives aux narcotiques. C'est 1 450 personnes qui, d'une manière ou d'une autre, n'ont pas été remplacées à notre connaissance.

Pour ce qui est de l'examen en cours, d'abord, quand pouvons-nous nous attendre à ce qu'une proposition soit présentée au gouvernement pour pouvoir régler la question du financement afin que vous puissiez payer le personnel comme il devrait l'être et, ensuite, obtenir les effectifs supplémentaires nécessaires pour que vous puissiez faire le travail que l'on attend de vous? Quand pensez-vous que cela se fera et qu'une décision sera prise?

M. Paulson : On planche déjà sur la question du salaire. C'est entre les mains de quelqu'un d'autre en ce moment. Nous avons demandé une augmentation compatible avec l'analyse de rentabilisation réalisée par le défunt conseil de la rémunération pour amorcer le virage. Le gouvernement en est saisi; vous devriez vous adresser à lui.

En ce qui concerne les ressources, nous arrivons au bout de l'étude de KPMG. Compte tenu notamment des cycles budgétaires et de la préparation des rapports, d'ici deux ans, on devrait y voir plus clair, je pense.

En même temps, il faut dire que nous avons des partenaires comme les municipalités et les provinces, qui participent aussi à cette discussion. Nous avons un comité de gestion des contrats à qui nous rendons scrupuleusement compte. Lorsque nous modifions notre façon de faire, qu'il s'agisse de recrutement, de formation ou peu importe, il nous faut le consulter. Je ne dis pas que c'est un frein, car c'est une relation très positive qui doit être prise en compte.

C'est assez complexe, ce qui ne veut pas dire que j'essaie d'éluder la réponse, mais les questions qui en viennent à monopoliser l'attention sont celles-ci : l'augmentation des salaires, le ressourcement et les systèmes d'établissement des priorités de travail. Tout cela converge, alors je dirais que d'ici deux ans, nous devrions avoir terminé.

Le président : Quand l'étude de KPMG sera-t-elle terminée?

M. Paulson : Elle aurait dû l'être à ce stade, mais ce n'est pas le cas, alors disons dans les deux ou trois prochains mois probablement.

Le président : On pourra éventuellement y revenir.

Le sénateur Jaffer : Je voudrais poser une question supplémentaire dans le prolongement de celle du sénateur White. Avez-vous dit qu'il y avait 25 p. 100 de femmes à l'heure actuelle ou est-ce l'objectif visé par la GRC?

M. Paulson : L'objectif est de 30 p. 100. Nous l'avons fixé tout en reconnaissant qu'à terme, nous aimerions que les femmes représentent 50 p. 100 des effectifs. Notre objectif à court terme, à l'horizon 2026 ou 2030 peut-être, est de 30 p. 100. Il nous faudra recruter un très grand nombre de femmes pour modifier les proportions actuelles.

Aujourd'hui, les femmes représentent, je crois, 21 ou 22 p. 100 des effectifs, ce qui est méritoire. C'est plus que la disponibilité sur le marché du travail, cela ne devrait pas être le facteur limitant de notre approche du recrutement des femmes. Nous devons changer les forces de police, les rendre plus attirantes pour les femmes et d'autres groupes cibles.

Elles représentent actuellement autour de 25 p. 100 des nouvelles recrues. Cela n'aura pas d'incidence importante sur le taux actuel de 21 p. 100. Il nous faut l'augmenter. Pour avoir un changement notable dans nos chiffres à court terme, il faut que 50 p. 100 des inscrits au Dépôt soient des femmes.

Le sénateur Jaffer : Que diriez-vous des minorités ethniques?

M. Paulson : De même. Par exemple, avec les Autochtones, je pense que nous sommes à 8 p. 100.

M. Dubeau : À l'heure actuelle, la proportion de nos membres autochtones serait de 8 p. 100 et celle de nos minorités visibles, probablement d'environ 10 ou 10,5 p. 100.

Le sénateur Jaffer : Quel est l'objectif à long terme?

M. Dubeau : Je crois que pour les minorités visibles, on s'est fixé un objectif de 10 p. 100 et de 20 p. 100 d'Autochtones. Nous sommes en bonne voie de l'atteindre, à mon avis. Je devrai revenir à vous, sénateur, avec les cibles, mais ce sont là les repères.

M. Paulson : Nous collaborons avec la collectivité de la sécurité et du renseignement au sein du gouvernement fédéral sur la façon de renforcer collectivement nos différentes approches.

Par exemple, Service correctionnel Canada a de très bonnes initiatives pour recruter d'une certaine façon. Nous recrutons comme nous l'avons toujours fait. Nous nous sommes déjà réunis. Le gouvernement a clairement exprimé ses attentes en ce qui concerne l'innovation dans nos approches à l'égard de certaines de ces questions. Nous sommes activement engagés dans cette voie.

Le sénateur Jaffer : Je voudrais une précision avant de poser ma question.

Dans vos remarques, vous avez dit que vous aviez créé une unité spéciale. Que voulez-vous dire par spéciale? Est-ce temporaire? Pourquoi l'appelle-t-on spéciale? Elle se concentre sur la culture et l'engagement en milieu de travail et examine l'inclusion de la diversité et l'ACS. Je suppose que cela signifie analyse comparative entre les sexes.

Quel en est le mandat? Ce mandat est-il écrit? Quelle en est la durée? Pensez-vous également au harcèlement en milieu de travail? Pas le harcèlement sexuel, mais au travail? Est-ce à la fois pour les civils et pour les non-civils?

M. Paulson : C'est l'occasion idéale pour moi d'arrêter de parler et d'inviter la commissaire adjointe Lafrance à prendre la parole.

Le sénateur Jaffer : Avant que vous ne cessiez de parler, je voudrais que vous m'en expliquiez le mandat. Est-ce un mandat écrit?

M. Paulson : C'est un mandat sur papier, oui.

Le sénateur Jaffer : Pouvons-nous en avoir un exemplaire?

M. Paulson : C'est tout ce sur quoi vous venez de m'interroger. Vous seriez mieux informé en lui permettant de décrire en quoi il consiste.

Louise Lafrance, commissaire adjointe et directrice générale, Culture de la main-d'œuvre et engagement des employés, Gendarmerie royale du Canada : Vous tapez dans le mille. Le mandat, c'est l'ACS+, l'analyse comparative entre les sexes, qui couvre tout, non seulement le sexe. Cela vise les minorités visibles et les Autochtones, de l'orientation sexuelle à la langue, par exemple, et consiste à veiller à ce qu'il en soit tenu compte dans toutes les politiques et tout ce qui se fait en matière de formation à la GRC. C'est un projet de longue haleine, il ne sera pas temporaire.

Il prévoit de dresser le bilan de tout ce qui s'est fait dans le passé pour donner suite aux recommandations des divers rapports. J'examine ces rapports pour m'assurer que telle initiative ou recommandation a bien fait l'objet d'un suivi, pour savoir si elle a eu les résultats escomptés et si je peux faire un lien entre elles.

Il est très difficile pour les policiers et pour tous nos employés de passer de se concentrer sur le négatif à se concentrer sur le positif, le bon comportement positif dans l'organisation.

Vous vouliez savoir si c'était uniquement pour les policiers; pas du tout. C'est pourquoi on parle de mobilisation culturelle et de la main-d'œuvre, de tous les employés. Tout le monde y participe parce que nous sommes une grande équipe. Nous disons souvent que nous sommes une famille. Il s'agit de prendre soin les uns des autres.

Nous avons examiné tout ce que nous faisons en ce moment. Au lieu de réinventer tout ce que nous avons fait dans le passé, nous faisons la part des choses et nous veillons à ce que les gens comprennent les bonnes choses que nous faisons et le comportement négatif que nous avons eu à la GRC.

Les choses ne vont pas changer du jour au lendemain. Il faudra du temps. En tant que femme qui travaille dans cette organisation depuis longtemps, je peux vous affirmer que je n'aurais pas accepté ce poste si je n'avais pas cru à la volonté des dirigeants et de tous les niveaux de l'organisation de changer et de transformer notre culture.

La sénatrice Jaffer : Cela ne répond pas à ma question.

Mme Lafrance : Désolée.

La sénatrice Jaffer : Quelles sont vos attributions? J'aimerais voir un exemplaire de votre mandat. L'autre question à laquelle je voudrais une réponse c'est de savoir quelle est la taille de votre équipe et les ressources qui vous sont affectées pour mener à bien le travail?

Mme Lafrance : Mon équipe est en train de se constituer en ce moment même. Nous en sommes à la première phase. Je viens à peine de démarrer.

La sénatrice Jaffer : À vous toute seule?

Mme Lafrance : Non, non. J'ai toute une équipe. Le commissaire m'a laissé carte blanche. Il m'a demandé de lui dire ce qu'il nous fallait. Ce sont ces besoins que nous déterminons au cours de cette première phase. Il ne m'a pas imposé de limites ni des paramètres. Il a dit « Dites-moi ce qu'il nous faut pour faire avancer l'initiative », et c'est ce que je fais.

La sénatrice Jaffer : Combien de temps la première phase durera-t-elle?

Mme Lafrance : Jusqu'en décembre 2017.

La sénatrice Jaffer : La question principale que je veux vous poser, monsieur le commissaire, est la suivante. Depuis les deux dernières semaines, la donne a changé dans le monde, d'autant plus pour nous, les musulmans. Ce n'est pas le meilleur moment d'être musulman.

Les projets de loi C-51, Loi sur le partage de l'information sur la sécurité du Canada; C-44, Loi sur la protection du Canada contre les terroristes; et C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité vous permettent, monsieur, de divulguer des renseignements aux États-Unis.

À la lumière des événements, quelles sauvegardes êtes-vous en train de mettre en place pour protéger les Canadiens?

M. Paulson : Je dirais que les choses ont changé. Cela a été extrêmement bouleversant et je comprends vos inquiétudes. Vous les avez déjà exprimées dans vos questions précédentes, je crois.

Je serai très bref, monsieur le président, et je me contenterai de dire que je me suis présenté ici à plusieurs reprises pour discuter de nos problèmes de conduite en milieu de travail. Ce que Louise et son équipe font va bien au-delà de compter le nombre de plaintes de harcèlement que nous avons eues et de savoir comment elles se sont produites. Nous en sommes à une discussion plus vaste sur l'inclusion et une véritable communication entre nos citoyens et nous. Cela fait partie du changement culturel que nous visons depuis des années.

Quant à vos commentaires sur les divers projets de loi en cours d'examen, il est essentiel que nous soyons très proactifs dans le partage de l'information et très intelligents et transparents quant à notre façon de la partager. Pour ce qui est de votre question au sujet des Américains, ce scénario n'a rien de nouveau.

La sénatrice Jaffer : En effet.

M. Paulson : En effet. La CCETP effectue en ce moment un examen spécial de la façon dont la GRC a institué les changements apportés à nos opérations de sécurité nationale suite aux recommandations O'Connor qui, comme vous le savez, portent sur la qualification, la divulgation et l'échange d'information à l'échelle internationale ainsi que sur des questions de torture. Tous ces systèmes et processus sont en cours de validation à l'heure actuelle et ils nous maintiennent en bonne position depuis leur déploiement.

Je me sens très confiant quant à la façon intelligente et transparente dont nous partageons l'information. Espérons que vous pourrez l'être tout autant à l'égard de ce que nous faisons.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le commissaire, j'ai eu le plaisir de travailler avec la famille de M. Arar pendant très longtemps, depuis le moment où il a été illicitement envoyé en Syrie. Cette famille souffre chaque jour et il n'y a pas d'argent au monde pour pouvoir la compenser ou l'empêcher de souffrir. Il ne s'agit pas seulement de M. Arar, mais de sa famille : ses enfants et sa femme.

Je ne veux pas que le cas de Maher Arar se reproduise. Je veux que vous me disiez ce que vous faites en ce moment même pour protéger les droits des Canadiens; non pas partager l'information avec les États-Unis, mais protéger les Canadiens.

M. Paulson : Je ne voudrais pas partir d'ici, sénatrice, en laissant l'impression que nous ne partageons pas l'information avec les États-Unis.

La sénatrice Jaffer : Non, je sais que vous le faites. Cela va de soi. Comment vous y prenez-vous?

M. Paulson : Nous veillons à ce que les renseignements dont nous disposons et que nous partageons le soient à des fins prévues par la législation en vigueur; qu'ils soient corroborés et conditionnés; que leur fiabilité et leur origine soient correctement décrites; qu'ils comportent des réserves et que toutes les limites que le juge O'Connor a estimé pertinentes et opportunes à l'issue de ses enquêtes, soient appliquées.

Nous avons mis nos livres à la disposition de la CCETP afin qu'elle puisse constater comment nous gérons les renseignements de sécurité nationale, y compris ceux que nous partageons avec nos partenaires étrangers. Elle pourra faire ses propres observations et je suis persuadé qu'elles seront positives. Les livres sont là : venez les voir.

Le président : La CCETP, c'est bien la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC?

M. Paulson : Oui. Je crois qu'elle a déjà témoigné devant vous.

Le président : C'est juste que les spectateurs ne savent pas nécessairement de qui vous parlez. C'est l'organisme de surveillance.

M. Paulson : Oui. Au moment où le projet de loi C-42 est entré en vigueur encore récemment, la commission a acquis de nouveaux pouvoirs lui permettant d'effectuer toutes sortes d'examens, qu'ils soient fondés sur des politiques, initiés par le président, ou qu'ils portent sur des activités ou des intérêts précis. Ses représentants peuvent venir nous voir et tout ouvrir et regarder comme chez eux, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Le président : Chers collègues, je vais être plus rigoureux dorénavant. Je ne me suis pas assez efforcé pour que tout le monde participe.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le commissaire. J'ai deux questions à vous poser. La première portera sur la radicalisation. Notre comité a déjà exprimé ses préoccupations au sujet du peu d'actions judiciaires initiées au Canada, et ce, malgré le nombre de personnes radicalisées, soit environ 160 ou 180 personnes.

Des journalistes travaillent actuellement sur un dossier lié à l'aéroport Montréal-Trudeau, car des personnes radicalisées pourraient se trouver parmi le personnel de l'aéroport. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cela. Maintenant, il faudrait peut-être identifier ces gens et savoir s'ils font l'objet d'une enquête au Canada ou au Québec.

Pouvez-vous rassurer les Canadiens et notre comité quant au fait qu'aucune des personnes que vous soupçonnez actuellement n'est employée par les services publics ou par une agence canadienne?

M. Paulson : J'aimerais pouvoir vous donner l'assurance que vous recherchez, mais je ne suis pas certain de savoir si je le peux. Je vais demander au sous-commissaire Michaud de vous parler de notre approche à ce sujet.

Gilles Michaud, sous-commissaire, Police fédérale, Gendarmerie royale du Canada : Il est difficile de répondre à cette question, en ce qui concerne la communication au public, quant à savoir qui est radicalisé et qui ne l'est pas. Pour notre part, nous avons une approche qui comprend les autres corps de police et d'autres services sociaux, pour nous permettre de contrer la radicalisation.

Les gens qui, de notre point de vue, sont radicalisés et qui veulent utiliser la violence comme moyen de manifester leurs croyances font l'objet d'enquêtes. Je souhaite rassurer le public canadien en disant que, si des gens sont connus de notre service comme étant radicalisés et voulant se servir de la violence, ils font l'objet d'une enquête.

Le sénateur Dagenais : Vous savez, souvent, les gens radicalisés vont chercher à poser des gestes, et les aéroports sont des endroits où ils peuvent obtenir une visibilité publique. On peut prendre comme exemple ce qui s'est passé à l'aéroport de Fort Lauderdale. Souvent, ils vont s'attaquer aux zones d'enregistrement ou de réception des bagages. Quand j'en ai été informé, j'ai trouvé cela un peu inquiétant. Cependant, je comprends que vous ne pouvez pas dévoiler ici des éléments d'enquêtes en cours.

Voici ma deuxième question, monsieur le commissaire. En juin dernier, vous avez dit à notre comité que vous pouviez vivre avec la syndicalisation de vos membres sans les exclusions que le projet de loi C-7 prévoyait. Nous avons donc amendé le projet de loi en ce sens, comme vous le savez. Or, depuis ce temps-là, c'est le silence du côté du gouvernement quant à ses intentions de permettre la syndicalisation des policiers de la GRC. On n'en a pas beaucoup entendu parler.

Pouvez-vous nous dire si vous ou des membres de la direction de la GRC avez travaillé depuis avec le gouvernement pour faire avancer le dossier du projet de loi C-7, ou encore pour préparer un nouveau projet de loi sur la syndicalisation des policiers de la GRC?

M. Paulson : Je pourrais dire, tout d'abord, qu'il existe un projet de loi sur les services publics. S'il y avait une initiative pour lancer la syndicalisation, il y aurait un moyen de le faire à l'heure actuelle.

La réponse à la deuxième partie de votre question est oui, nous avons travaillé avec le gouvernement après ma comparution au comité. Nous avons travaillé avec le gouvernement, et le dossier est entre les mains du gouvernement.

Le sénateur Dagenais : J'aurais un dernier commentaire; j'entendais parler plus tôt de la classification en ce qui concerne les salaires et les avantages sociaux. Peut-être que la syndicalisation pourrait vous aider à régler vos problèmes. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup monsieur le commissaire de votre présence et de celle de votre équipe. Je tiens à ce que vous fassiez part à tous les agents sous votre commandement de notre reconnaissance du travail qu'ils font en intervenant dans diverses situations d'urgence, et plus spécialement dans celle qui est survenue à Desmond, Nouvelle- Écosse, pendant les vacances.

Comme ma collègue la sénatrice Jaffer l'a dit, le monde a changé. Lorsqu'il s'agit de cerner et de recueillir des renseignements, les médias ont largement diffusé que vous auriez informé la CBC et le Toronto Star des obstacles technologiques et juridiques qui s'opposent à la collecte de preuves qui permettraient à la GRC de présenter des accusations.

Pourriez-vous vous étendre davantage sur ce sujet, nous dire pourquoi vous avez dû en arriver là et les conséquences pour l'article 83? Comptez-vous donner accès à ces informations au comité également?

M. Paulson : Laissez-moi commencer par répondre à la dernière question. Je ne demande qu'à répondre à tout aspect concret qui peut intéresser le comité. Si nous pouvons avoir des entretiens qui vont dans le sens des intérêts exprimés par la CBC et le Toronto Star, je serais heureux de m'y prêter.

Sans entrer dans des détails ou vouloir causer des ennuis, mon objectif et l'objectif de la GRC en communiquant avec les médias et leur ouvrant un peu nos livres c'est que la dimension cybercriminalité de toute la question cybernétique est souvent laissée de côté au milieu des grandes discussions autour de la cybersécurité mondiale.

Ce que je veux dire, c'est que la collecte de preuves, les tests pratiqués sur les éléments de preuves et la production de preuves à l'appui des interventions de la justice pénale face à des événements qui se produisent dans la société, sont tous touchés. Les décideurs doivent avoir une conversation sérieuse sur la façon dont nous voulons aller de l'avant dans ce monde numérique. J'essayais simplement d'illustrer que si la vie privée est un élément valable, important et même crucial des libertés dont nous jouissons, elle se heurte parfois à la façon dont nous trouvons des preuves dans le monde numérique. Ces deux aspects n'auraient pas été résolus de manière satisfaisante.

Il faut que nous y réfléchissions. J'ai des opinions assez arrêtées là-dessus, mais je ne veux pas nécessairement les imposer à qui que ce soit, si ce n'est pour dire que les décideurs et législateurs devraient s'intéresser à ces problèmes, car s'ils ne sont pas portés à leur attention aujourd'hui, ils le seront demain et ils arriveront tous à la fois.

Le sénateur Meredith : Voilà qui décrit bien la nécessité de présenter des informations, surtout lorsqu'il s'agit d'une menace concrète. Nous avons vu ce qui est arrivé à Strathroy, en Ontario, dans le cas de l'individu radicalisé Aaron Driver, qui a ensuite été tué. Il avait évidemment un engagement de ne pas troubler l'ordre public et les tribunaux avaient allégé la caution.

Que devons-nous faire en ce moment même comme législateurs pour protéger les Canadiens face à des personnes reconnues pour avoir été radicalisées d'une façon ou d'une autre et qui sont passées par les tribunaux?

M. Paulson : Pour ce qui est des leçons que nous avons tirées de l'affaire Driver, j'aurais deux ou trois commentaires. Nous devons non seulement imposer des conditions à l'individu auquel nous accordons l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, mais encore avoir un mécanisme pour pouvoir valider ces conditions. Autrement dit, c'est bien beau de lui interdire d'utiliser l'ordinateur, mais si nous ne pouvons pas entrer chez lui et vérifier s'il l'utilise ou pas, ne nous voilà pas plus avancés.

En tant que corps de police, nous devons être plus intelligents dans la manière dont nous gérons ces engagements de ne pas troubler l'ordre public. Lorsque je me suis retrouvé ici il y a des années pour plaider la cause de ces ordonnances, je disais que c'était une sorte d'approche à la Al Capone, n'est-ce pas? Peut-être que nous ne pouvons pas obtenir de preuve de financement du terrorisme ni pour l'infraction terroriste sous-jacente, mais si nous pouvons vous faire signer un engagement de ne pas troubler l'ordre public et vous surveiller jusqu'à ce que vous l'enfreigniez, ce que vous finirez par faire, ce sera alors une stratégie tout à fait valable. Nous devons gérer cela de manière intelligente.

De la même manière, nous devons gérer les attentes. L'engagement de ne pas troubler l'ordre public est un outil très important contre le terrorisme, mais ce n'est pas une solution définitive pour mettre fin à la question de la radicalisation ou du terrorisme. Ce n'est qu'un outil auquel nous avons de plus en plus recours pour que l'État puisse obliger la personne à suivre un processus où son état radicalisé sera examiné et géré.

Le sénateur Meredith : Côté ressources, le sénateur Kenny a parlé de pénurie. Comment comptez-vous les déployer pour vous assurer que les Canadiens sont protégés, étant donné les différentes cellules qui sont présumées fonctionner dans ce pays et la nécessité de les surveiller?

M. Paulson : Comme je l'ai décrit, nous établissons des priorités en fonction du degré de menace que le problème criminel présente. En ce qui concerne le terrorisme, le Canada n'a aucune envie d'avoir le moindre niveau de terrorisme. Par conséquent, nous suivons une approche qui ne tolère pas l'échec et qui exige énormément de ressources. C'est pourquoi nous puisons des ressources d'autres domaines moins prioritaires tout en insistant sur la nécessité d'obtenir plus de ressources pour ces nouveaux travaux.

La sénatrice Boniface : Pour reprendre la question de l'accès légal, je sais que le problème se présente à l'échelle mondiale. Pouvez-vous nommer un pays qui aurait selon vous parvenu à faire l'équilibre entre l'accès aux renseignements et le respect de la vie privée?

M. Paulson : Nous songeons souvent au Royaume-Uni en estimant que ce pays a une bonne approche pour les besoins de renseignement et les éléments de preuve, pour l'accès aux données personnelles et autre, mais il en est de même dans d'autres pays occidentaux. Le défi pour nous, c'est d'avoir notre propre débat sur la nécessité de protéger les renseignements personnels, ce qui semble avoir pris le dessus, pour vous dire franchement. Je ne veux pas donner l'impression d'être contre le respect de la vie privée. Je suis pour, mais il faut atteindre un juste milieu avec ce que nous nous efforçons de faire, c'est-à-dire veiller à la sécurité des Canadiens.

C'est toujours notre intention, quoiqu'il semble que je ne m'y connaisse pas aussi bien pour les deux côtés de l'argument. Je suis peut-être expert d'un côté, mais il s'agit d'en discuter sérieusement.

La sénatrice Lankin : J'aimerais en savoir davantage sur la question des éléments de preuve découlant des services de renseignement et les défis que vous devez relever dans ce contexte. Quand on vous a interrogé sur l'accès que vous avez accordé aux médias, vous avez clairement essayé de faire preuve de transparence et de divulguer certaines difficultés que la police doit surmonter à l'endroit des cybermenaces.

Vous avez déclaré qu'à votre avis il y avait un malentendu sur la menace à la vie privée. Il y a beaucoup d'empathie à l'égard d'un monde qui devient de plus en plus difficile face à la présence des cybermenaces, mais il y a également une véritable inquiétude face au risque d'empiéter sur les droits des citoyens, particulièrement en ce qui concerne leur vie privée.

Pourriez-vous nous parler de la question des éléments de preuve découlant des services de renseignement et expliquer ce que vous vouliez dire par un malentendu sur la menace à la vie privée?

M. Paulson : Je commencerai par répondre à la dernière question. Ce que je voulais dire par exemple, c'est que quand j'affirme que nous devrions avoir accès aux renseignements sans mandat en dépit de l'arrêt de la Cour suprême, les gens me prennent pour un hérétique et on nous demande de présenter des preuves montrant que la situation est assez grave pour justifier que la décision soit réexaminée. C'est ce que nous essayons de démontrer.

À mon avis, le débat sur la protection des renseignements personnels avait perdu de vue la réalité pratique, c'est-à- dire les obstacles sérieux à notre capacité de faire progresser nos enquêtes criminelles avec la Charte et la législation en vigueur. C'est ce que je voulais dire.

Les éléments de preuve découlant des services de renseignement sont une question à laquelle nos collègues du service de renseignement, nous-mêmes et d'autres nous sommes toujours en train de travailler. Il s'agit fondamentalement d'une fonction pratique courante entre la GRC et le service de renseignement. Nous avons fait un travail incroyable au cours des dernières années afin d'adopter une vision soi-disant unique pour gérer la menace et nous continuons à travailler là- dessus. Je ne sais pas s'il y a une solution législative pour les éléments de preuve découlant des services de renseignement.

Le professeur Forcese vient d'écrire dans son blogue un article très instructif à mon avis sur la manière d'interpréter le parcours des services de renseignement aux éléments de preuve et les défis à relever dans ce contexte. Nous devons nous entendre là-dessus, car c'est un aspect qui nous empêche parfois d'obtenir des décisions pénales où les Canadiens puissent apprécier le processus suivi.

Par ailleurs, l'intérêt de garder notre travail de renseignement sécuritaire et de ne pas exposer les méthodes et sources secrètes employées à la dureté du processus de justice pénale a un certain mérite lui aussi. Ces deux aspects doivent être réconciliés. Nous essayons de le faire par la pratique, une pratique qui doit encore évoluer.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Monsieur le commissaire, je vous remercie de votre présence ainsi que de celle de vos collaborateurs, et je tiens à souligner le respect avec lequel vous répondez à nos questions. Cela mérite aussi du respect de notre part.

J'ai deux questions reliées à la prévention ou à l'anticipation de certains enjeux; dans le premier cas, il s'agit de l'anticipation en ce qui a trait aux crimes haineux et, dans le deuxième cas, des enjeux de harcèlement et d'intimidation au travail.

En ce qui concerne les crimes haineux, dans votre présentation, vous avez fait référence avec pertinence aux événements récents et tragiques survenus à la grande mosquée de Québec. Croyez-vous que, dans le respect des lois et avec les outils à votre disposition présentement, la collaboration entre les divers services de police est suffisante? Je pense surtout aux services de police intérieurs au Canada, soit les policiers des provinces et les policiers municipaux. En outre, y a-t-il des moyens concrets, à court terme, pour améliorer cette collaboration afin que vous puissiez bénéficier d'un meilleur partage d'information et mieux prévenir les coups, à l'avantage de tous les citoyens?

M. Paulson : Je vous remercie pour votre question. C'est une question très importante, et nous avons pu constater les efforts qui nous ont bien servis à Québec lors de cet attentat.

Je vais demander au sous-commissaire Michaud de vous expliquer la façon dont nous avons géré la situation en collaboration avec la Sûreté du Québec, la Ville de Québec et la Ville de Montréal. À Québec, nous avons réussi à relever les défis, en collaboration avec les forces de police. C'est la même chose ailleurs, dans les autres provinces, mais il reste encore du travail à faire.

M. Michaud : Je comprends que votre question est générale et qu'elle ne concerne pas uniquement ce qui s'est passé à Québec.

La sénatrice Saint-Germain : Effectivement. L'incident qui a eu lieu à Québec est un exemple de ce qui doit nous inciter à prévenir davantage les crimes haineux, en particulier à l'égard de la communauté musulmane, mais également pour tous les autres citoyens.

M. Michaud : Tous les corps de police collaborent quotidiennement entre eux en matière de partage de renseignements. Les corps de police sous la responsabilité du Service canadien de renseignements criminels se partagent de l'information concernant le crime organisé, les crimes haineux, et cetera. Cela inclut tous les corps de police à travers le pays, que ce soit à l'échelon municipal, provincial ou même fédéral avec la GRC.

De ce point de vue, je crois que le partage de l'information est à point, et la collaboration de tous les corps policiers dans le déploiement des forces en réaction à l'incident de Québec le démontre, je crois. C'est un exemple à suivre.

La sénatrice Saint-Germain : Je me permets de vous interrompre. Je comprends que vous parlez de l'événement en question; cependant, je pense plutôt à l'avenir. C'est une question qui se veut au bénéfice éventuel de tous les citoyens. Tirez-vous des leçons de ce qui pourrait être fait par l'ensemble des corps policiers concernant le partage de l'information pour prévenir un tel événement?

Si, à l'heure actuelle, un Canadien songe à commettre un tel acte, êtes-vous suffisamment outillés, pourriez-vous être mieux outillés, et ce, dans le contexte du respect des enjeux liés à la vie privée prévus dans les chartes et les lois actuelles?

M. Michaud : La réponse courte, c'est oui. Concernant l'attentat perpétré à Québec, nous n'avons aucune indication selon laquelle certains renseignements n'avaient pas été partagés. Il est encore tôt pour pouvoir le confirmer, car nous devons faire une analyse après action pour savoir ce qui s'est passé. Cependant, pour l'instant, rien ne nous indique qu'il y avait de l'information au préalable nous permettant de croire que cet événement allait se produire.

De façon générale, concernant le partage d'information sur le crime organisé à travers le pays, je crois que le système en place est très efficace.

La sénatrice Saint-Germain : Merci.

Maintenant, en juin 2013, ce comité vous recommandait la mise en place d'un ombudsman pour mieux prévenir et régler les problèmes d'intimidation et de harcèlement en milieu de travail, de manière alternative aux tribunaux. Depuis, la Gendarmerie royale du Canada a dû verser 100 millions de dollars pour régler des recours collectifs liés à des allégations de harcèlement ou à des enjeux d'intimidation au travail.

Dans votre stratégie de prévention, avez-vous l'intention de donner suite à cette recommandation afin de créer éventuellement un poste de médiateur indépendant, comme un ombudsman, qui aurait la responsabilité de traiter ces enjeux de relations de travail?

M. Paulson : Non. Nous avons discuté de l'utilité d'un ombudsman. D'après moi, la responsabilisation aux niveaux fédéral, provincial et municipal est en place. Nos systèmes de prévention du harcèlement commencent à démontrer les succès de cette mesure. J'ai parlé souvent du volet lié à la prévention au sein du projet de loi C-42. Nous commençons à recevoir des données importantes à l'appui des mesures de prévention.

[Traduction]

Les efforts d'intervention précoce ont réussi à y parer dans certains cas.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Vous parlez de la responsabilisation des gestionnaires en vertu de votre politique de prévention du harcèlement?

M. Paulson : Oui.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci à tous d'être venus. Monsieur le commissaire, de nombreux téléspectateurs suivent ce comité chez eux et je suppose que c'est parce qu'ils s'intéressent à leur sécurité personnelle et à la sécurité et à la défense nationales. Un aspect qui n'est pas bien compris est celui du financement du terrorisme à cause de nombreux rapports contradictoires. Je vous lis un extrait du Rapport annuel de 2016 du CANAFE :

« Du nombre total des communications transmises, 1 501 étaient liées au blanchiment d'argent et 483, au financement d'activités terroristes et à des menaces pour la sécurité du Canada, ce qui représente une augmentation de plus de 43 p. 100... »

Cependant et à ce que j'ai compris, la GRC est responsable du terrorisme et il n'y a eu qu'une seule condamnation pour financement du terrorisme depuis 2001. Pourriez-vous expliquer ce que nous sommes en train de faire pour que les Canadiens aient la certitude que ces 483 cas futurs feront l'objet d'une enquête complète et qu'ils seront traités avec toute la rigueur prévue par la loi?

M. Paulson : Comme j'ai parcouru vos délibérations antérieures, je m'attendais un peu à la question. Gilles Michaud et moi nous avons vérifié nos chiffres et nous sommes prêts à vous donner une réponse.

Avant de laisser Gilles vous répondre, je tiens à souligner le rôle essentiel que le CANAFE est en train de jouer et à vous demander de ménager vos attentes. Ces 483 cas représentent à son avis des incidents suspects. Nous les prenons et examinons à partir de là et Gilles vous expliquera ce que nous en faisons.

On dirait que c'est une excuse et ce n'est pas ce que je prétends, mais l'absence de condamnations ne veut pas dire que nous ayons renoncé à nous intéresser à ces chiffres. Gilles, vous pourriez peut-être en parler.

M. Michaud : Quand nous recevons ces divulgations du CANAFE, nous faisons une évaluation de ces activités suspectes. Nous devons également analyser les soupçons derrière ces rapports. Sur ces 483 signalements, il y en avait 100 qui méritaient une attention plus poussée d'après nous. Sur ces 100 activités suspectes qui atteignaient le seuil justifiant une enquête criminelle, 43 dossiers ont été confiés à nos divisions pour les besoins d'enquête.

La place que ces dossiers occupent parmi les enquêtes en cours est un autre morceau du casse-tête. Certains pourraient être reliés à des enquêtes qui sont en train d'être menées sur des cas où des vies pourraient être en danger. Comme il s'agit de financement du terrorisme, nous faisons continuellement des investigations sur les personnes qui pourraient prendre part à ces activités.

Elles s'inscrivent dans une catégorie où nous enquêtons sur ces individus en raison des menaces qu'ils peuvent poser à la vie et, comme vous le savez, nous nous occupons davantage de ces menaces à la vie que du financement du terrorisme, à moins de déterminer que la meilleure façon de contrer leurs activités est de les accuser de financer des activités terroristes.

Si je vous parle de 43 dossiers, cela veut dire que certains sont sans doute toujours ouverts. Il faut plus de temps avant de pouvoir voir des résultats et des chefs d'accusation. À partir des soupçons, il nous faut des éléments de preuve avant de passer aux tribunaux.

Nous les utilisons parfois de manière à interrompre leurs activités. Ce n'est pas nécessairement au moyen d'une accusation criminelle, mais nous suivons une démarche différente pour des situations où ces personnes sont impliquées.

Je vais vous donner l'exemple du jeune homme au Québec en 2014 qui avait commis un vol à main armée essentiellement pour pouvoir voyager à l'étranger. En définitive et sans aller plus loin, nous avions de quoi l'accuser de financer le terrorisme, mais il a fini par être accusé en vertu de l'article 83 du Code criminel.

M. Paulson : Un autre bon exemple serait celui du projet dans l'affaire VIA Rail. Ces deux personnes ont été condamnées à l'emprisonnement à vie. Les accuser de financer des activités terroristes n'aurait eu aucun sens. Autrement dit, nous devons rester attentifs au financement du terrorisme, mais le problème n'est pas aussi énorme que ces chiffres pourraient vous laisser croire.

La sénatrice Boniface : Je m'intéresse à vos commentaires sur la stratégie en matière de santé mentale. Comme vous le savez, de nombreux organismes se mobilisent dans ce sens. Je vous en félicite. Or, comme la culture se nourrit de politique chaque jour, j'aimerais savoir comment vous comptez mesurer vos progrès à long terme.

M. Paulson : C'est en effet tout un défi que d'implanter ce plan d'action à partir de notre stratégie en matière de santé mentale. Il faudra beaucoup de ressources et nous devrons investir et faire des analyses de rentabilisation. S'il est vrai que nous avons une stratégie et le plan d'action correspondant, je ne voudrais tout de même pas vous leurrer en vous faisant croire que tout est parfait. Il y a du travail à faire.

Des éléments comme le nombre de plaintes découlant de l'insatisfaction au travail, des congés de maladie et autres absences sont les divers indicateurs que nous pourrions avoir au menu. Le coût des pensions de santé mentale augmente et les demandes liées au SSPT se multiplient. Ces chiffres en disent long. Les faire récupérer la normalité serait un excellent indicateur.

Notre stratégie est à l'état embryonnaire. Comme dirait Dan, nous tâchons pour le moment de comprendre la question de la santé mentale dans le milieu policier, ce qui est tout un défi, comme vous savez.

Je crois que nous avons réussi. Nous avons changé notre approche. Pas un jour ne se passe sans qu'un commandant ne m'apprenne qu'il y a eu une fusillade quelque part dans le pays. Avant, je recevais les preuves et tout le reste et les choses s'arrêtaient là. À présent, on se pose des questions : Que sommes-nous en train de faire pour l'agent ou les agents en question? Leur a-t-on donné l'occasion de s'exprimer? Est-ce qu'on s'occupe d'eux? Ce changement culturel est en train de s'implanter. C'est un travail qui se poursuit.

La sénatrice Lankin : Il y a deux ou trois ans, l'ancienne agente de la GRC Deanna Lennox a publié un livre sur son expérience avec le SSPT et le combat qu'elle a dû mener pour être comprise au sein du corps. Si ses descriptions sont exactes, en lisant ce livre je déduis que ce sont le traitement, la condescendance et les mesures punitives dont elle a fait l'objet qui ont aggravé le syndrome.

Qu'est-ce qui a changé depuis les deux ans qui se sont écoulés depuis la publication de son livre en ce qui a trait à former la direction et à surveiller sa manière de répondre aux inquiétudes de ce genre qui lui sont signalées?

M. Paulson : Il y a eu plusieurs changements, dont une formation obligatoire pour les gestionnaires, mais aussi sur le plan des responsabilités. Un des piliers de notre plan d'action consiste à sensibiliser l'organisme aux véritables effets du SSPT et des blessures psychologiques et à exiger des comptes des personnes qui négligent de gérer les situations de stress comme il faut.

Je vous disais par exemple le genre de questions que d'autres commandants et moi-même nous sommes en train de poser lorsqu'on nous fait part de faits particulièrement graves : Que faisons-nous pour les employés? Cet esprit commence à s'infiltrer dans nos rangs.

Je me sens extrêmement confiant. Il y a eu une véritable transformation, surtout depuis les deux ou trois dernières années. C'est le fruit des nombreuses discussions que nous tenons à l'échelle nationale et divisionnaire au sujet de la santé mentale.

La sénatrice McPhedran : En tant que nouvelle sénatrice indépendante, c'est la première fois que je vous rencontre, vous et votre équipe. La séance a été très intéressante.

J'avais présumé au départ que vos collègues et vous étiez tous des hommes, et j'ai donc été ravie de constater que la commissaire adjointe Lafrance vous accompagnait également.

Ma question se rapporte à la Direction des représentants de l'autorité disciplinaire, la DRAP, qui est mentionnée dans le contexte de l'incident survenu au Groupe de la formation aux explosifs. Je voudrais commencer par vous demander quelles sont les attributions de la DRAP et ensuite, tout comme mes collègues qui ont cherché à avoir plus d'information sur la surveillance, je voudrais que vous m'expliquiez clairement la méthodologie suivie et les moyens utilisés pour retracer l'information et effectuer des comparaisons utiles.

Je vous poserais également une question sur la consultation obligatoire de la DRAP face à des allégations d'inconduite sexuelle. Comment cela fonctionne-t-il? Comment mesurez-vous les « améliorations » dont vous parliez dans votre réponse à la sénatrice Saint-Germain?

M. Paulson : Craig MacMillan, qui est officier du Secteur de la responsabilité professionnelle, pourra vous expliquer tout cela.

Craig MacMillan, commissaire adjoint, officier du Secteur de la responsabilité professionnelle, Gendarmerie royale du Canada : La DRAP ou Direction des représentants de l'autorité disciplinaire se compose de policiers et d'avocats de la GRC ainsi que d'avocats civils. Leurs fonctions étaient plus vastes auparavant, mais à présent, ils ont juste à présenter les cas de congédiement à un conseil. Ils fournissent de l'aide également.

Pour répondre à votre question sur les fonctions d'aide, les dossiers d'inconduite sexuelle exigeant la consultation obligatoire de l'autorité disciplinaire en la matière ont augmenté d'environ 29 p. 100. Cette consultation se fait auprès de la DRAP avec l'aide d'un avocat-conseil.

M. Paulson : Nous avons redéfini l'inconduite sexuelle et nous avons promulgué cette nouvelle définition il y a à peine deux semaines. Elle est de nature très vaste et explique comment l'inconduite sexuelle doit être comprise à la gendarmerie en général, sans se limiter au harcèlement sexuel ni aux agressions sexuelles.

Cette consultation obligatoire a pour objet de veiller à ce que les comportements d'inconduite sexuelle soient inscrits dans le système, qu'ils soient portés à mon attention personnelle et que l'on effectue une consultation sur les mesures disciplinaires recherchées et gérées dans ces cas.

Ce fut une des défaillances du cas du CCP. Toutes ces recommandations nous ont beaucoup aidés à peaufiner notre approche à l'égard de notre régime de conduite.

La sénatrice McPhedran : Pour en revenir brièvement aux questions de surveillance et de signalement, pourriez-vous nous expliquer comment vous comptez mesurer les « améliorations » dans les faits et établir les rapports correspondants?

M. Paulson : Mon collègue m'a apporté un dossier avec 200 diapositives ce matin. Il contient toute l'information sur notre deuxième année d'analyse de toutes ces mesures que nous avons dû adopter.

Il illustre bien ce qui se passe dans la gendarmerie. Il ne porte pas exclusivement sur des questions d'inconduite sexuelle, car bien que ces questions soient de nature très publique, elles ne constituent pas un problème majeur pour l'ensemble du régime de conduite de la gendarmerie.

Nous disposons d'un système de rapport informatique très élaboré et obligatoire qui nous permet de tirer des conclusions quant à savoir qui fait quoi, à qui et à quelle fréquence, et ce que font les autorités respectives. Comme je l'ai dit, les données de la deuxième année sont en train d'être interprétées en ce moment même. Elles sont disponibles et je me ferai un plaisir de m'assurer que le comité est informé de nos conclusions. C'est un dossier très complet, et je ne saurais lui faire justice en essayant de le résumer ici.

Il y a des améliorations dans certaines régions et des défis dans d'autres.

La sénatrice McPhedran : Auriez-vous la bonté de joindre la méthodologie au document en question?

M. Paulson : Bien sûr.

La sénatrice Lankin : J'ai une question dans un autre domaine, mais il s'agit simplement de demander qu'on nous présente de l'information.

Je crois, monsieur le commissaire, que l'une des choses que nous cherchons c'est d'essayer de comprendre ce que vous considérerez comme des succès à mesure que les changements sont institués. Vous en êtes à votre deuxième année de classement des données. La commissaire adjointe Lafrance commence à travailler à la première phase cette année en vue d'un examen sur la mobilisation des employés et la culture dans le milieu de travail.

Une fois que vous aurez mesuré les résultats réels que vous cherchez, je vous saurais gré de nous fournir cette information assortie de la méthodologie suivie et de l'approche actuelle en matière de surveillance.

Ces informations se rapportent à un certain nombre de sujets et non pas seulement à l'inconduite sexuelle. Elles concernent toute une gamme d'enjeux liés au milieu de travail. J'apprécierais avoir cette documentation ainsi qu'une ACS+, dès que vous l'aurez et au stade où vous en serez pour que nous puissions suivre cette information régulièrement par la suite.

Ma question porte sur votre témoignage antérieur et vos préoccupations quant à la tendance des policiers à l'escalade vers les outils de style militaire. J'ai vu des photos provenant de municipalités des États-Unis représentant des équipements blindés lourds, des chars et des objets excédentaires de l'armée qui sont achetés et déployés dans les activités policières.

Ce n'est certainement pas quelque chose qu'on s'attendrait à voir dans un contexte canadien. Nous nous inquiétons toujours de la couleur de nos voitures de police et de leur caractère amical ou menaçant dans les collectivités. Il serait choquant de voir un char circuler dans la rue.

Vous avez une grande inquiétude à ce sujet et je me demande s'il y a eu des incidents au sein de la GRC qui, selon vous, seraient troublants en ce qui concerne une demande ou même un mouvement vers l'achat d'outils de style militaire? Avez- vous relevé des tendances quant aux comportements ou à l'attitude de votre personnel de première ligne ou de leurs supérieurs à l'égard de cette militarisation de la police?

M. Paulson : Oui. Dans mes remarques liminaires, je crois que j'ai utilisé le mot « peur » et c'est parce que j'ai peur. Les agents de police prêts à intervenir, qui sont une composante nécessaire, semblent être tiraillés entre l'utilisation et le mode d'application de la force et une communication préventive avec les collectivités et les personnes pour éviter le recours à la force dans certaines circonstances.

Historiquement, on a vu la police s'en tenir à un mode d'action plus qu'à l'autre. Pourtant, tel qu'énoncé dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, notre mandat nous donne une responsabilité égale pour prévenir la criminalité et faire appliquer les lois.

C'est un tiraillement continu. Nous devons inculquer à nos officiers en première ligne une mentalité qui cherche à résoudre les problèmes, une vision plus stratégique de ce qui est en jeu lorsqu'ils utilisent la force et leur faire comprendre que certaines questions comme l'usage de la carabine sont très électriques. Des discussions très émotives ont lieu au sujet de la carabine et de l'utilisation de nos chars. Nous avons tout cet équipement. Nous avons des chars. Nous avons des drones. Nous avons des mitrailleuses. Allons-nous poursuivre les voleurs à l'étalage avec une carabine?

Nous avons peaufiné nos politiques en réfléchissant à tout cela, mais dans la pratique les choses se passent comme les Canadiens peuvent le voir. Nous devons faire très attention à notre manière de nous présenter et de nous adresser au public.

La sénatrice Lankin : J'ai une question de suivi. Vous avez également parlé de la communication avec le public et des efforts qui sont en cours et qui pourraient augmenter dans ce contexte.

Je connais bien le service et l'importance qu'il accorde depuis les dernières années à la sensibilisation communautaire, aux stratégies perturbatrices et à un certain nombre de choses qui en découlent et qui sont principalement axées sur la radicalisation des jeunes.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce qui est parallèle à cela dans la GRC?

M. Paulson : Parmi nos responsabilités contractuelles, nous avons, à l'instar de nombreux corps policiers importants, toutes les villes principales et les deux autres services policiers provinciaux, des points d'accès communautaires et des lignes disponibles pour consulter les collectivités et communiquer avec elles en cas d'incident. Cette infrastructure, si on peut l'appeler ainsi, nous l'avons en place.

Dans le contexte de la sécurité nationale, nous comptons sur nos partenaires dans les grandes villes du pays et sur les nôtres pour livrer une foule d'initiatives. Par exemple, après l'attaque à Québec la semaine dernière, nous avons convoqué le Comité sur la sécurité nationale et le contre-terrorisme, qui relève de l'Association canadienne des chefs de police. Nous avons parlé de la nécessité de communiquer avec toutes nos communautés musulmanes respectives pour nous assurer qu'elles étaient au courant des faits survenus à Québec, ce qui s'y passait et quel était le risque pour eux.

Nous avons pu utiliser les infrastructures existantes non seulement de la GRC, mais aussi celles de la police de nos partenaires municipaux et provinciaux. C'est un excellent outil pour pouvoir accéder aux dirigeants communautaires de façon très importante.

Le président : Pourriez-vous, monsieur le commissaire, faire le point de façon générale au sujet de la menace terroriste au Canada? De plus en plus de Canadiens retournent au pays après avoir participé à des activités terroristes à l'étranger. Êtes-vous en mesure de déterminer leur nombre et nous dire ce que nous pouvons attendre à l'avenir, s'il vous plaît?

M. Paulson : Je sais que mon collègue du service a lancé quelques chiffres. C'est justement ce que nous essayons d'éviter. Vous m'en voudrez sans doute, mais je vais m'abstenir de vous donner des chiffres.

On peut dire que l'état des opérations est stable. Comme nous l'avons signalé, nous continuons à redéployer des ressources dans le monde en conflit, à prioriser nos dossiers et à travailler avec nos partenaires. Je n'ai pas vu de véritable diminution de l'activité, alors nous continuons à être mis au défi de faire face aux menaces qui se présentent, même si je pense que nous avons réussi à le faire jusqu'à présent.

Je sais qu'il y a un regain d'intérêt pour le cas du terrorisme non classique. Nous parlons maintenant du délinquant qui était à Québec. Nous avons travaillé en partenariat avec les services de police sur ce que j'appellerais les extrémistes criminels comme en témoigne la criminalité au Québec. Nous avons des dossiers sur ces cas. C'est un peu dur, mais je ne dirais pas que c'est largement le cas partout au Canada. Nous sommes en train de redoubler nos efforts avec nos partenaires policiers pour nous faire une image complète de la situation.

Le président : À titre d'observation, d'autres pays publient régulièrement des chiffres sur ce qui se passe dans leur pays et dans leurs collectivités afin que les gens comprennent la portée du problème auquel nous sommes tous confrontés. Je dirais qu'il y a une autre façon de l'examiner et le public aurait tout intérêt à le savoir.

Voyons-nous une augmentation des activités de ce que vous appelez le côté criminel extrémiste? Nous ne saurions assez exprimer notre chagrin pour le malheureux événement à Québec, mais y a-t-il une augmentation de ce type d'activités aussi, à votre avis?

M. Paulson : Il n'y a pas d'augmentation de ce type d'activités, mais je pense que tout le monde conviendrait qu'il y a un ton plus acide au discours politique qui semble attirer, agiter et radicaliser les gens de toutes croyances pour les inciter à s'engager, en particulier ceux qui n'y connaissent presque rien . Cela nous préoccupe. Tout le monde est préoccupé, y compris le service et les autres forces de police. Nous faisons tout notre possible pour y remédier.

À titre d'exemple prenons le mouvement Freeman on the Land dans l'ouest. Nous avons eu de nombreuses rencontres avec ce genre d'organisations criminelles. Je ne dirais pas qu'elles vont plus loin que la menace terroriste classique, mais il s'agit de ne pas les perdre de vue pendant que nous poursuivons ces autres menaces.

Le président : Je ne pense pas que quelqu'un y trouve à redire. Ce que nous cherchions à déterminer, c'est exactement la portée de la menace. Quelle en est l'ampleur? À quoi sommes-nous confrontés? Plus encore, de notre point de vue, avez- vous les ressources nécessaires pour pouvoir faire face aux problèmes quotidiens que vous avez? Au sein de ce comité, monsieur le commissaire, personne ne veut votre emploi. Je peux vous le garantir.

J'ai une question pour le compte rendu public sur un problème permanent concernant le vice-amiral de la Marine et s'il fait oui ou non l'objet d'une enquête. Cette personne a fait les manchettes. Sa crédibilité professionnelle est évidemment remise en question. Pouvez-vous nous faire une mise à jour?

M. Paulson : Je ne peux faire le point à ce sujet. Si vous avez des questions à poser relativement à son service, je pense que les mieux placés pour y répondre, ce sont les intervenants du secteur militaire.

Le président : Chers collègues, nous avons terminé. Merci, monsieur le commissaire, d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous. Nous attendons avec impatience votre prochaine visite et je suis persuadé que vous aussi. Je remercie également vos collaborateurs de s'être présentés.

Chers collègues, j'aimerais vous présenter nos nouveaux témoins. Pour nous présenter une mise à jour de la perspective des membres de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, en soi, M. Brian Sauvé, coprésident exécutif national de la Fédération de la Police Nationale, et M. Peter Merrifield, coprésident exécutif national de la Fédération de la Police Nationale, se joignent à nous aujourd'hui.

Nous sommes heureux de vous revoir, messieurs. Nous vous remercions de vous être déplacés pour faire à notre intention le point sur les enjeux concernant les membres de la GRC. Je crois savoir que vous prononcerez une allocution d'ouverture.

Brian Sauvé, coprésident exécutif national, Fédération de la Police Nationale : Bon après-midi, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je m'appelle Brian Sauvé. Je suis un membre régulier de la GRC, actuellement en congé non rémunéré pour occuper les fonctions de coprésident de la Fédération de la Police Nationale. Ce fut pour moi un honneur de servir les Canadiens en tant que membre de la GRC et c'en est toujours un.

M. Peter Merrifield, également coprésident de la Fédération de la Police Nationale, m'accompagne et nous serons tous les deux en mesure de répondre à vos questions.

Nous avons créé la Fédération de la Police Nationale au printemps dernier, dans le but de devenir l'agent négociateur accrédité des membres, des réservistes et des constables spéciaux de la gendarmerie. Près de 4 000 membres réguliers, réservistes et constables spéciaux ont joint les rangs de la fédération. Pour ceux d'entre vous qui n'êtes pas au courant des chiffres, c'est presque un agent sur quatre dans l'ensemble du Canada et à l'échelle internationale qui s'est rallié.

Merci de me donner l'occasion de prendre aujourd'hui la parole devant vous au nom de ces membres.

Dans son invitation, le greffier a laissé entendre qu'il s'agirait d'une discussion générale pour prendre le pouls des membres qui sont sur la ligne de front et mettre le doigt sur ce que les membres de la GRC estiment être des sources de frustration dans l'exécution de leurs tâches quotidiennes. Nous sommes tout à fait disposés à discuter de ce que nous avons constaté quand nous nous sommes rendus dans pratiquement chaque province et territoire au cours de la dernière année et que nous avons organisé plus ou moins 60 séances d'information générales dans ces villes. Nous avons aussi mené, l'automne dernier, un sondage en ligne auquel ont participé quelque 1 500 membres de la GRC pour faire valoir les principaux problèmes et les principales préoccupations.

Nous pouvons certainement affirmer que l'évolution du régime des relations de travail à la GRC est une source de frustration. Or, les membres de la GRC nous ont confié que les questions notamment de rémunération, de niveaux de ressources, de transfert et de réinstallations, d'avantages sociaux et de pensions figurent en tête de leur liste.

Cela ne devrait étonner personne. Comme les témoins précédents l'ont expliqué, comparativement à 80 corps policiers comptant plus de 50 agents de police, la gendarmerie se classait au 72e rang encore tout récemment, soit en décembre 2016. Autrement dit, les membres de 71 corps policiers locaux sont mieux rémunérés que ceux de notre corps policier national. C'est honteux.

Outre la rémunération, la question du niveau des ressources est celle qui préoccupe le plus nos membres. Sans représentation ou représentation collective, il n'y a pas de solution en vue.

À l'occasion de nos visites dans bien des zones de détachement, une chose nous est apparue clairement : la GRC n'a pas les ressources humaines nécessaires pour offrir le niveau de service qu'elle s'est engagée à offrir aux municipalités, aux provinces et à la population canadienne. C'est frustrant pour tous les membres, car nous formons un groupe déterminé qui a joint les rangs de la GRC pour servir les Canadiens.

La détermination et le dévouement de nos membres les vulnérabilisent. La détermination dont nous faisons preuve incite nos membres à accepter beaucoup d'heures supplémentaires, d'où un équilibre plus précaire entre le travail et la vie privée et, en bout de ligne, l'épuisement professionnel.

Sans oublier le fait qu'un membre de la GRC peut se joindre à n'importe quel grand service de police et gagner près ou plus de 20 000 $ de plus par année, sans exigences de mobilité ou avec des exigences limitées, et le maintien en poste et le recrutement deviennent un problème grave sans solution en vue.

La Fédération de la Police Nationale est pratiquement en position de présenter une demande d'accréditation au nom des membres de la GRC. Nous avons l'intention d'être ouverts et constructifs et de négocier avec la GRC et le Conseil du Trésor pour trouver à ces problèmes des solutions équitables dans l'intérêt de tous les membres. Les membres de la GRC pourraient ainsi offrir aux Canadiens des années de service exceptionnel et être à la hauteur des attentes et de la réputation légendaires associées au port de la tunique rouge.

Le travail que vous accomplissez ici revêt une grande importance pour nos membres et nous sommes disposés à répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le sénateur Kenny : Je commencerais par vous demander si vous aimeriez faire des observations à propos du témoignage que vous avez entendu au cours des 90 dernières minutes.

M. Sauvé : Par où commencer? Devrions-nous parler de la stratégie en matière de santé mentale ou des niveaux de ressources ou des taux de postes vacants se situant entre 4 et 6 p. 100?

Le sénateur Kenny : Ne tardez pas à commencer, car nous manquons de temps.

M. Sauvé : Avant de me joindre à la GRC, j'ai œuvré dans le secteur privé, tout comme l'autre coprésident. Nous nous sommes tous deux enrôlés dans la trentaine et avions donc tous deux déjà une carrière, moi, dans les services bancaires aux grandes entreprises, et lui, davantage dans les ventes et les initiatives pilotées par l'industrie.

Je suis fondamentalement une personne de chiffres. La gendarmerie compte 17 600 membres et environ 1 000 sont peut- être en congé pour des raisons familiales ou en congé parental et 1 000 autres, en congé de maladie quelconque, de longue ou de courte durée. Puis, il y a ceux en formation, qu'il s'agisse d'un cours de deux semaines, d'une journée ou d'une semaine. Nous devons aussi composer avec les 450 postes financés, mais vacants, car il n'y a personne, dans un premier temps, pour les occuper. Déjà, 2 500 et peut-être 3 000 membres ne se présentent pas ou ne sont pas disponibles pour se présenter à une journée de travail et la force de 17 600 membres est amputée et passe à 14 600 membres.

Pouvons-nous accomplir la besogne quand il nous manque entre 15 et 16 p. 100 de l'effectif tous les jours? D'après les interventions précédentes, oui, c'est possible, car il ne s'agit que de 4 à 6 p. 100 à l'échelle nationale. Or, la réalité, c'est que la plupart de nos membres sont affectés dans de petites collectivités avec trois, quatre, six ou dix membres détachés. Si un membre d'un détachement qui en compte quatre se brise une jambe, le taux de postes vacants passe immédiatement à 25 p. 100.

Il a été question de créer des équipes de déploiement qui voleront pour compléter les ressources, mais d'abord et avant tout, d'où proviendront ces personnes? Quel poste abandonnent-elles? Quel crime ne fera pas l'objet d'une enquête pour déployer quelqu'un au Lac La Biche afin de remplacer un collègue qui s'est brisé une jambe? Voilà le défi auquel nous sommes confrontés.

J'ai beau dire que nous vivons une contraction des ressources; je mets le doigt sur le problème, mais cela ne nous explique pas en quoi consiste la solution. La solution passe par des discussions ardues au sujet du mandat que nous avons attribué pour le plaisir.

Est-il question des niveaux de service que nous sommes disposés à offrir aux échelles provinciale, municipale et fédérale? Expliquons-nous comment nous avons peut-être sabré dans ces niveaux de service? Devons-nous être honnêtes avec nos partenaires et leur dire, par exemple, que nous aurons besoin d'augmenter notre effectif à Cranbrook, en Colombie-Britannique, de 24 p. 100 pour maintenir le niveau de service ou alors nous devrons peut-être arrêter d'émettre des constats d'infraction?

Le président : Monsieur Merrifield, avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

Peter Merrifield, coprésident exécutif national, Fédération de la Police Nationale : Des membres très perspicaces siègent à ce comité. La sénatrice Boniface a déjà dirigé le deuxième plus important corps policier du pays, et le deuxième dans mes préférences. Le sénateur White a déjà porté avec fierté la tunique rouge et a par la suite dirigé certains organismes. Parmi vous, d'autres ont certains antécédents dans le domaine de l'application de la loi.

C'est bien que des cadres de l'organisation se présentent. Sans vouloir manquer de respect à quiconque a occupé un poste dans la haute direction, il y a un dicton que j'aime utiliser selon lequel plus on s'approche du sol, moins les choses sont embrouillées. Quand on écoute les constables, les caporaux et les sergents qui sont sur le terrain, nous voyons les choses un peu différemment.

Ces crises des ressources humaines sont réelles et elles sont énormes. Certains de nos membres ont en réserve une quantité colossale de jours de congé, car ils sont dans l'impossibilité de profiter de leurs congés annuels. Ils sont épuisés et souffrent de stress post-traumatique parce qu'il n'y a personne pour les remplacer. Dans les collectivités, nous faisons office de services de police à miniprix. Nos soumissions sont les moins élevées. Il n'y a pas de concurrence. Puis, au moment de signer le contrat, le gouvernement fédéral offre aux concurrents un rabais de l'ordre de 10 à 30 p. 100 de plus que notre prix le plus bas. Il est impossible d'améliorer le mécanisme entre le gouvernement, la GRC et ses partenaires.

Je mets au défi vos collègues du Sénat et les députés de la Chambre de trouver un autre ministère fédéral qui arrive 72e sur 80 dans l'univers de la rémunération. J'ose dire que vos efforts seront vains.

Vous demandez à de jeunes hommes et femmes et à des hommes et femmes âgés dont les genoux flanchent d'être au service de la population canadienne et d'en assurer la sécurité. Nous le faisons avec fierté. J'ai vu des membres de la GRC, contrairement à d'autres agents de police canadiens, faire des efforts remarquables. Nous les épuisons. Nous ne pouvons maintenir ce rythme.

Cela veut-il dire de nous retirer de certains contrats municipaux et d'autres contrats afin de pouvoir éviter la crise des ressources humaines là où nous n'avons tout simplement pas les candidats pour combler les postes? Ce sont des options que nous devons envisager.

D'abord et avant tout, nous devons commencer à faire en sorte d'être un employeur intéressant pour les recrues.

Nous devons ensuite éviter le problème du maintien en poste à mi-carrière avec lequel nous sommes aux prises quand nos membres quittent pour embrasser une autre carrière parce qu'ils sont de la génération du millénaire et qu'ils peuvent sortir indemnes des rangs de la police ou pour cogner à la porte d'autres services de police tout simplement parce qu'ils sont mieux rémunérés et traités et qu'ils sont moins inquiets de la question de la mobilité.

Puis, nous devons nous pencher sur les coulisses. Il y a une crise à la GRC, car le régime de gestion des ressources humaines supposait que les membres demeureraient en poste au moins 30 ans, ce qui n'est pas le cas. En moyenne, ils peuvent quitter après plus ou moins 25 années de service; il y a ainsi une crise du maintien en poste en arrière-plan, car savoir et capacité institutionnels nous filent entre les doigts.

Il nous faudra peut-être sortir des sentiers battus, comme l'a fait le secteur militaire, pour réfléchir au maintien en poste et aux primes afin de conserver les effectifs au-delà d'un certain nombre d'années et pour se pencher sur les aptitudes précises des membres et créer des primes. Nous devons vraiment briser le moule, mesdames et messieurs, car si nous continuons à faire les choses de la même façon que nous les faisons depuis la création de la GRC, il y a 150 ans, nous ne pouvons nous attendre qu'à obtenir le même résultat et le résultat, pour l'instant, n'est pas très bon.

Le sénateur Kenny : Pourriez-vous expliquer au comité la raison pour laquelle les membres de la GRC devraient être mieux rémunérés? En quoi leur situation est-elle différente pour justifier une rémunération plus élevée? Par ailleurs, si je peux ajouter, pourriez-vous nous expliquer la raison pour laquelle, à votre avis, nous nous retrouvons dans cette situation au plan de la rémunération? La GRC accuse-t-elle un tel retard?

M. Sauvé : En fait, avec l'adoption, en 2008-2009, de la Loi sur la compression des dépenses publiques, un gel des salaires a été institué. Nous sommes sans régime de rémunération depuis le 1er janvier 2015; je dirais donc que nos salaires sont gelés depuis sept bientôt huit ans.

Maintenant, pour quelle raison nos membres devraient-ils être mieux rémunérés? Je veux aussi insister sur le fait que nous sommes le corps policier le plus complexe du monde. Nous touchons à tout. Qu'il s'agisse de lutte au terrorisme, de déploiements internationaux, d'enquêtes fédérales, d'enquêtes de nature délicate, de contrat et d'absence de contrat, de municipalités, de provinces, de contrebande, de services généraux, de crimes ou d'homicides importants, nous rayonnons dans toutes les sphères. Je ne pense pas qu'il y ait dans le monde un autre corps policier qui fait ce que la GRC fait. Pour maintenir et renforcer la réputation de la GRC comme étant l'un des meilleurs corps policiers du monde, il faudrait en rémunérer les employés en conséquence par rapport à des corps policiers semblables.

Au Canada, nous ne pouvons comparer la GRC qu'avec la Police provinciale de l'Ontario, ou la PPO, le Service de police de Toronto et le Service de police de Vancouver. Ce sont nos univers comparatifs. Ajoutons-nous le FBI comme organisme national-fédéral pour nous comparer? Je ne pense pas. Je pense plutôt que nous voulons demeurer dans les limites du Canada. Je pourrais demain passer de sergent à la GRC à constable à la PPO et être mieux rémunéré, et c'est inacceptable.

Le sénateur Kenny : Je m'attendais à ce que vous parliez un peu de géographie.

M. Sauvé : Nous pourrions aussi en parler.

Le sénateur Kenny : Une prime devrait-elle être offerte aux familles qui sont déracinées quand un membre de la famille est transféré ou qu'il est appelé à travailler à l'extérieur?

M. Sauvé : Cela complique un peu plus les choses. Je m'efforçais d'être aussi simple que possible, mais nous pouvons aller dans les détails.

Quand un membre quitte le Dépôt, il peut être affecté à la province de son choix s'il a été recruté à partir du Manitoba, mais je crois savoir que la plupart de nos candidats proviennent de l'Ontario et qu'ils sont donc affectés partout au Canada.

Des membres de rang inférieur seront affectés à Fond du Lac, en Saskatchewan, et nous n'y avons jamais mis les pieds. Ces membres que nous recrutons pourraient être mariés ou célibataires. Au cours des cinq à dix premières années en poste, ils pourraient trouver leur âme sœur et convoler en justes noces.

Il pourrait aussi y avoir déracinement quand ils sont affectés à Surrey, en Colombie-Britannique, à Regina ou à Calgary. D'habitude, le conjoint devra quitter son emploi et déménager avec eux.

Peut-on parler de stabilité du revenu familial quand le conjoint qui est infirmière ou enseignante ou infirmier ou enseignant doit quitter son emploi et recommencer dans une autre province ou une autre collectivité? Cela influe sur la rémunération totale comme cellule familiale tout au long de la carrière.

Peter peut parler de son expérience du passage de la Division F à la Division O. Je n'ai pas déménagé. La vallée du bas Fraser n'a pas voulu me laisser aller; je n'ai donc pas été en mesure de m'en échapper. Oui, des sacrifices pour la cellule familiale, des sacrifices pour l'éducation et des sacrifices maintenant puisque n'étant pas représentés, nos membres ont perdu certains de leurs avantages médicaux concernant les postes isolés.

Avant, quand il y avait un problème avec les soins médicaux d'urgence, la force policière vous ramenait en avion pour prendre soin de vous. Maintenant, sous l'effet de la compression des dépenses, on vous dit que ce sera l'un de vos voyages-congés et on vous transporte. C'est un autre recul.

Beaucoup de sacrifices sont faits, et je ne les minimise pas. Je me suis rendu à Yellowknife et à Whitehorse et j'ai essayé de me rendre jusqu'à Inuvik; j'ai pu constater de visu les défis auxquels nos membres sont confrontés, même en ce qui a trait aux déplacements, par exemple, entre une collectivité et le Costco dans la collectivité voisine.

Le sénateur Kenny : Y a-t-il des problèmes avec les enfants?

M. Sauvé : Il y a d'énormes problèmes avec les enfants. Plus tôt aujourd'hui, le commissaire a parlé des prestations supplémentaires en hausse. C'est fantastique si vous vous trouvez dans un grand centre, mais essayez de trouver un acupuncteur, un chiropraticien ou un massothérapeute autorisé à Twin Oaks, au Manitoba, à Gods Lake Narrows, aussi au Manitoba, ou à Old Crow, au Yukon. Vous pouvez avoir droit à ces prestations dont la valeur peut représenter une certaine partie de votre rémunération totale, et c'est ce que le sous-commissaire a dit, mais vous ne pouvez pas vraiment les utiliser à moins d'en profiter pendant vos vacances. Voilà, vous devez prendre du temps pendant vos vacances pour profiter d'une partie de vos indemnités prévues.

De quoi s'agit-il au juste? Est-ce que j'utilise mes congés annuels ou que je prends soin de ma santé?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, messieurs Sauvé et Merrifield. Vous avez mentionné que certains sénateurs étaient policiers; j'ai moi-même travaillé durant 39 ans à la Sûreté du Québec. J'y étais le président de mon syndicat. Heureusement, nous avions une association en mesure de négocier avec l'employeur et cela nous a permis d'obtenir des avantages sociaux et des salaires décents.

Toutefois, je comprends bien la situation puisque, pendant une période de sept ans, le gouvernement du Québec avait réduit l'embauche et nous nous retrouvions deux patrouilles, au sein d'un petit détachement, pour couvrir un territoire qui regroupait 12 municipalités.

Il y va de la sécurité des policiers, mais également de celle des citoyens. Quand il manque de personnel pour couvrir le territoire et que le citoyen doit attendre, parfois dans une situation de détresse, le gouvernement se doit d'assurer la sécurité des citoyens.

Des rapports mentionnent un manque d'effectifs d'au moins 1 000 policiers au sein de la GRC. Vous qui êtes des personnes d'expérience, pourriez-vous nous dire quels changements la direction devrait-elle effectuer pour faciliter le recrutement de policiers et pour attirer plus de candidats? Je me doute de ce que seront vos réponses, sûrement fort louables, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet.

En ce qui a trait aux policiers formés, mais déçus de la GRC et qui rejoignent d'autres services policiers — on en a accueilli plusieurs à la Sûreté du Québec —, ce phénomène est-il important? L'employeur doit tenir compte du fait que la formation d'un policier à Regina coûte de l'argent et que d'autres corps policiers sont très heureux d'accueillir des policiers déjà formés.

J'aimerais vous entendre à ce sujet pour savoir ce que vous en pensez et pour savoir si le phénomène des départs est traité comme un dossier important depuis que vous êtes en poste.

[Traduction]

Le président : Je pourrais peut-être m'interposer ici. Je demande à tous d'être plus concis dans leurs questions et réponses, car nous n'avons pas beaucoup de temps.

M. Merrifield : Vous nous avez volé la vedette dans une certaine mesure. En bout de ligne, il ne s'agit pas de plaider en faveur d'une augmentation salariale pour les membres de la GRC, il s'agit vraiment de sécurité publique. Vous avez mis le doigt exactement sur le problème.

Nous avons reçu des courriels de nos membres dans 12 zones il y a quatre ou cinq jours. Douze agents devaient se présenter au travail et seulement cinq l'ont fait. C'est inacceptable. Premièrement, les policiers devant intervenir dans des situations d'urgence ont été mis en danger, mais qui plus est, le public n'a pas obtenu le niveau d'intervention qu'il méritait.

J'ai donné en exemple un endroit comme Surrey. Si cinq agents se présentent, il me reste deux ou trois zones à couvrir. Si un agent reçoit un 10-33, qui correspond au code d'appel de service d'urgence, il arrête tout et se rend sur place le plus rapidement possible avec gyrophares et sirènes. L'agent est en situation de risque, car il se déplace rapidement. Il faut faire attention aux intersections, car les gens font leurs affaires routinières. Il y aussi les piétons. Il y a, d'un côté, la personne qui loge un appel de service et de l'autre, l'agent qui se place seul dans une situation dangereuse. Rien de tout cela n'est bon pour la population canadienne.

Votre question portait sur ce que nous aimerions voir et ce en quoi consiste la solution à court terme. Pour revenir un peu sur l'autre question du sénateur à propos de la raison pour laquelle il faudrait augmenter la rémunération, nous devons attirer le nec plus ultra. Je ne peux diriger une unité anticorruption sans la bonne combinaison de compétences tout comme il m'est impossible de diriger une unité de lutte au cybercrime sans des collaborateurs ayant reçu la formation adéquate. À moins que la GRC ne devienne un employeur de choix pour les candidats qualifiés, je ne peux simplement pas leur donner la formation au Dépôt. J'ai besoin de personnes titulaires du bon diplôme. J'ai besoin de personnes avec les bons antécédents. Je dois être un employeur de choix.

Nous occupons le 72e rang dans l'univers de la rémunération, nous devons composer avec des problèmes de mobilité et il fait dire aux candidats qu'ils devront probablement se relocaliser dans l'une des provinces de l'Ouest et passer dès maintenant 10 ou 15 ans en uniforme; c'est donc une tâche difficile pour moi de me rendre à Silicon Valley afin de recruter un rédacteur de codes pour l'unité de la technologie. Personne n'est intéressé à faire du maintien de l'ordre dans une administration isolée.

Je dois étudier les besoins en ressources humaines propres à ma mission, puisque je constate que la haute direction de la GRC ne le fait pas. Je ne porte pas d'accusations, je constate simplement qu'elle ne le fait pas. Si elle est disposée à nous présenter un plan de recrutement de ressources humaines en fonction des ensembles de compétences requises, je m'en réjouis. Si elle ne le fait pas, je ne crois pas qu'il existe.

Le sénateur White : En 2003, le gouvernement fédéral du Canada a mis en place Sécurité publique Canada. On s'attendait à ce que l'organisme présente certaines choses, en ce qui concerne en particulier les normes qui régissent les services de police, les normes de service, peut-être des niveaux de compétences minimales et peut-être le temps de réponse.

Avec 198 corps policiers au pays aujourd'hui et compte tenu du fait que la GRC, même s'il s'agit du plus grand, est souvent le plus petit dans 780 ou 800 des collectivités, il n'est pas indiqué pour le gouvernement fédéral de prendre la relève de ce qu'on attendait du ministère de la sécurité publique en 2003 et qu'il établisse certaines normes et qu'il décide qu'il ne devrait pas y avoir des détachements d'une personne. Il arrive souvent qu'il n'y ait qu'un représentant de la GRC épaulé par du personnel de soutien qui se trouve à 45 minutes de vol ou de voiture. N'est-ce pas vraiment ce dont nous discutons?

Nous pourrions parler du problème de la rémunération toute la journée. Nous savons que vous accusez un retard de sept ans et de dizaines de milliers de dollars par agent. Nous parlons de normes, et il n'y a pas de normes au pays. Je pourrais demain engager le sénateur Lang comme policier au Yukon, mais je ne pourrais pas l'engager en Ontario parce que nous n'avons pas établi de normes nationales.

M. Sauvé : Nous pouvons seulement parler dans l'optique de la GRC. Oui, il serait temps que nous établissions certaines normes, j'en conviens, tant et aussi longtemps que ces normes comprennent certaines bonnes méthodes de gestion des ressources des services de police.

De quoi une collectivité comme Chilliwack, en Colombie-Britannique, a-t-elle besoin pour sa population? De quoi une collectivité comme Kelowna, Airdrie ou Fort Saskatchewan a-t-elle besoin pour son service de police? À quoi ressemblerait cette norme? Pour établir ces normes, nous aurions probablement dû augmenter notre taille de 25 p. 100.

Le sénateur White : En guise de comparaison, quelle est la différence entre Surrey et Vancouver pour ce qui est de la main-d'œuvre, du ratio population-police ou du nombre d'agents par 100 000 habitants?

M. Sauvé : L'exemple le plus facile est celui de Surrey qui est une collectivité en expansion; en fait c'est l'une des collectivités qui croît le plus rapidement au Canada, la population approchant 700 000 habitants. J'habite à Vancouver qui compte 750 000 habitants. L'effectif autorisé du service de police de Vancouver correspond à plus ou moins 1 400 policiers armés et celui de Surrey, en Colombie-Britannique, à environ 750.

La sénatrice Lankin : Dans une vie antérieure, j'ai été négociatrice pour la partie syndicale dans un syndicat de la fonction publique après être passée par les Services correctionnels. J'ai une certaine idée de bien des points dont vous avez parlé et j'ai de l'empathie à cet égard.

S'agissant du harcèlement sexuel en milieu de travail et d'inconduite sexuelle, nous admettons en tant que syndicat que nous avons le devoir d'éduquer nos propres membres et de mettre en place une politique de harcèlement entre membres. Notre syndicat et bien d'autres ont emprunté cette voie.

Pouvez-vous me dire ce que votre fédération a fait à propos en particulier du très grave problème au sein de la force de la culture en milieu de travail et de la responsabilité outre la responsabilité claire de la direction? Quelles mesures avez-vous prises à cet égard?

M. Merrifield : Nous ne sommes pas accrédités et c'est là le problème. Dans l'optique de la préparation d'une politique, nous avons adopté, comme principe et modèle de gouvernance, que jamais, au grand jamais, ces comportements ou la philosophie des syndicats de la vieille école de cacher l'élément pourri ne seront acceptés.

Pour l'instant, notre plus grande crainte concerne le changement de culture dans ce que la haute direction de la GRC nous a annoncé aujourd'hui, la formation. Trois des quatre cours obligatoires sont en ligne. Il suffit de se brancher et de cocher la case. Nous pouvons ensuite nous présenter devant vous et vous assurer que nous sommes conformes.

Plusieurs de ces cours, dont celui sur l'inconduite sexuelle, se résument à des cases à cocher et à décocher en direct. Pour changer une culture, il faut beaucoup plus que cela. Il faut l'instituer au premier jour de la formation. Si nous ne le faisons pas dans le programme d'études du Dépôt et si nous n'établissons pas des normes de conduite élevées de la part de nos agents, nous échouons.

Nous devons briser le cycle selon lequel un poste de policier est un poste à vie. Si vous n'êtes pas exclu des services de police, si vous n'êtes pas la bonne personne au plan moral et éthique, vous êtes congédié. J'ai licencié des personnes dans le secteur privé. Si elles ne peuvent pas accomplir le travail, je m'en débarrasse. Dans les corps policiers, en particulier à la GRC, il semble que les personnes visées sont bien souvent transférées ou parfois promues. C'est horrible. Voilà le problème.

Dans le secteur des entreprises, qu'il s'agisse d'intimidation ou d'inconduite sexuelle en milieu de travail, vous n'êtes pas à l'abri même si vous êtes président ou vice-président exécutif. Je connais un président et chef de la direction qui gagnait 14 millions de dollars par année et qui a perdu son emploi pour cause d'inconduite sexuelle.

Le président : Je ne pense pas que vous ayez répondu à sa question, à savoir si vous avez mis en place votre propre politique.

La sénatrice Lankin : Que vous soyez accrédités ou non, vous êtes une fédération. Vous avez des membres. Vous avez des réunions, des conventions et des activités. Vous arriverez au bout de vos peines. Si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous recommande de faire partie de la solution. Vous vous proposez comme agent négociateur et vous devez mettre en place des politiques et des procédures pour traiter les plaintes de harcèlement entre les membres quand elles sont soumises dans le contexte d'activités syndicales. J'en reste là.

Le président : Était-ce une entente?

M. Merrifield : Oui, c'en est une. Cela fait 10 mois que nous avons lancé notre campagne de recrutement et que nous avons encore de la difficulté à attirer des membres.

La sénatrice Jaffer : Je ferai un suivi sur ce que la sénatrice Lankin a dit au sujet de la culture. Les membres de la GRC me disent souvent que la culture, spécialement aux échelons supérieurs, n'est pas une culture de bien-être, mais bien de relations de pouvoir. Les règles sont établies et les membres et les membres non-civils doivent les respecter, mais ces règles ne s'appliquent pas aux gestionnaires. Quelle a été votre expérience à ce chapitre?

M. Merrifield : Ça se résume assez à ce que vous dites, sénatrice. Je perçois, à l'instar de la plupart des membres, un état d'hypocrisie. Je ne généralise pas; j'ai rencontré des dirigeants fantastiques dans notre organisation, mais aussi des gens horribles qui auraient dû être renvoyés.

En bout de ligne, nous avons une culture de droits et de privilèges plutôt qu'un sens des responsabilités et de leadership. C'est à ce chapitre qu'il y a dérapage.

Le sénateur Meredith : Pour poursuivre avec la question de la sénatrice Jaffer sur le désir de changement, le commissaire Paulson nous a fait part de son opinion sur l'organisation qui comporte son lot de défis et qui est complexe et sous-financée.

Quelles sont les recommandations que vous avez formulées en tant que fédération à l'intention de la GRC? Dans quelle mesure la gestion a-t-elle été réceptive à des recommandations provenant, de toute évidence, des membres?

Nous nous préoccupons tous de la sécurité des agents qui sont déployés et qui doivent composer avec des tensions familiales et émotionnelles. Vous vous êtes regroupés en fédération pour régler ces problèmes. À quel point sont-ils réceptifs? Est-ce que quelque chose a été mis en œuvre dans les 10 mois depuis votre création? Avez-vous constaté un changement ou est-ce toujours au point mort?

M. Merrifield : Les dirigeants ne discutent pas avec nous. C'est la brève réponse compte tenu du temps. Ils n'ont accepté aucune recommandation. Ils n'ont jamais pris place à la table. À l'heure actuelle, il n'y a aucune représentation collective des membres de la GRC auprès de la haute direction de la GRC.

Nous devons comprendre qu'avec la disparition du dernier système interne, il n'y a pas de voix collective. Les membres n'ont pas accès aux problèmes de sécurité des agents. J'ai siégé au Comité national d'orientation en matière de santé et de sécurité de la GRC concernant le Code canadien du travail, tout comme M. Sauvé. Cette initiative a pris fin quand le programme en question a été interrompu. Les dirigeants attendent qu'un agent négociateur soit accrédité.

Le projet de loi C-4 et le projet de loi C-7 revêtent tous deux une importance capitale pour la GRC. Nous devons accélérer les choses au plan législatif, mesdames et messieurs, parce qu'en ce moment même, nous ne sommes absolument pas protégés.

Le sénateur Meredith : Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Merrifield : Le projet de loi C-4 aidera les membres de la GRC à atteindre un but réalisable afin d'obtenir son accréditation. Il modifie le seuil relatif aux demandes d'accréditation en tant qu'agent négociateur, un changement important pour nous.

Le projet de loi C-7 était une abomination, un projet de loi pris en main par les gestionnaires. C'était un projet de loi de reprise. C'était un cheval de Troie rempli de dispositions blessant les membres de la GRC. Il a éliminé les dispositions concernant les anciens combattants, modifié nos prestations de soins de santé et essayé de retirer aux gendarmes la protection que leur assurait une norme nationale en santé pour qu'ils relèvent des régimes provinciaux. Une horreur. Dieu merci, grâce au Sénat et au travail que vous avez accompli, le projet de loi a été modifié, les exclusions qui y étaient prévues ont été supprimées et des conditions ont été offertes pour aider à protéger les hommes et les femmes de la GRC sur le terrain.

Voilà deux ans que la décision MPAO a été rendue et, comme je l'ai dit, probablement 17 mois depuis la date butoir de la Cour suprême. Je rêve de m'asseoir avec le ministre et des représentants du ministère de la Justice et de Sécurité publique Canada pour rédiger une loi sur les relations de travail à la Gendarmerie royale du Canada avec du contenu pour les employés, de nous dissocier de la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et enfin, de pouvoir accomplir notre devoir, soit protéger les Canadiens.

La sénatrice Beyak : En 2013, le comité a recommandé à l'unanimité la création d'un poste d'ombudsman au sein de la GRC pour étudier les préoccupations soulevées par les membres. Seriez-vous d'accord avec une idée du genre? Serait-ce utile à votre avis?

M. Merrifield : Oui, nous le serions. En fait, nous vous encouragerions presque à envisager un poste d'inspecteur général, un poste doté d'un peu de pouvoirs. L'inspecteur en question ne pourrait interférer dans les activités des services de police, mais il bénéficierait du même pouvoir que le commissaire de la GRC dans les dossiers des questions administratives et non opérationnelles. Un ombudsman, ce serait bien, mais un inspecteur général, ce serait mieux.

La sénatrice McPhedran : Combien y a-t-il de femmes à la direction de votre organisation?

M. Sauvé : Nous avons reflété autant que nous le pouvions la diversité de la GRC. Dans notre constitution, 13 personnes siègent à notre conseil; à l'heure actuelle, 10 sièges sont occupés dont deux par des femmes, une de l'Alberta et l'autre, de Terre-Neuve. Nous sommes sans cesse à la recherche de membres disposés à défendre nos intérêts. Cependant, la GRC, qui a été établie il y a 144 ans, est très paramilitaire et chaque surveillant influe sur votre carrière. Il est très difficile de trouver des personnes disposées à dévoiler leur visage, leur nom et leur biographie pour se porter à la défense de cette cause. Nous espérons que les choses changeront d'ici un mois environ.

La sénatrice Boniface : Je vous assure que le brouillard se lève, et ce depuis un certain temps. Je veux parler de votre plan pour l'avenir si vous devenez l'unité de négociation. De toute évidence, vous aviez un système de représentation des divisions et maintenant, vous avez une lacune. Comment envisageriez-vous, dans l'avenir, de commencer à vous attaquer à ce problème? Il y a beaucoup d'autres associations policières que vous pourriez approcher.

M. Sauvé : Nous l'avons fait, nous ne travaillons pas en vase clos. Pour vous donner une idée, il y a des noms qui vous sont peut-être familiers, comme Dale Kinnear et Peter Ratcliff, qui nous aident bénévolement à titre de conseillers. Nous réalisons que c'est un territoire inconnu pour nous et pour les membres de la GRC. Nous réalisons aussi que ce ne sera pas toujours facile. Pendant quelques années, nous dirons que nous n'avions pas réalisé cela, que nous devons nous sensibiliser à ceci et que nous devons aller de l'avant.

Dans une stratégie globale, nous devrions concevoir que depuis le 1er janvier 2015, nous n'avons aucun régime de rémunération. Attaquons-nous à ce point en premier. Essayons de voir comment nous pourrons articuler quelque chose qui correspond à l'univers des polices. Puis, nous pourrons discuter de tout le reste.

Il faudra peut-être plus de temps pour négocier les centaines et milliers de pages de politiques et procédures, les avantages accordés pour les postes isolés et la politique sur la réinstallation qui vient tout juste d'être modifiée ce matin.

D'abord et avant tout, nous devons régler la question de la rémunération, ce qui nous aidera à passer au recrutement et à la transition. Allons-nous commencer à recruter activement des membres de la Police provinciale de l'Ontario par mutation latérale encore? Nous procéderons peut-être ainsi si nous voulons attirer davantage.

La sénatrice Boniface : C'est plus une déclaration que j'ai à faire qu'une question à poser. Je m'interroge davantage sur la façon d'établir la relation, car c'est cette relation qui vous aidera, en partie, à atteindre votre objectif. J'en reste là.

M. Sauvé : Je suis persuadé que le commissaire est à l'écoute. Je l'ai appelé Bob lors de ma dernière comparution; je vais donc dire commissaire aujourd'hui, car je veux rebâtir cette relation, si je puis dire. J'ose espérer que ce sera un dialogue de membre à membre, que ce soit le sous-commissaire Dubeau, M. MacMillan ou Mme Lafrance. Nous sommes tous ensemble dans le même bateau dans l'intérêt de l'ensemble des membres.

Je ne veux pas d'une mentalité de confrontation. Ce n'est pas une question d'allégeance. Nous avons tous déjà été constables. Nous avons tous fréquenté le Dépôt. Nous partageons tous cette passion. Nous assistons tous à des funérailles, peu importe les jalons à l'uniforme. Il s'agit simplement des membres et de ce qui peut être fait, dans les limites des pouvoirs conférés aux dirigeants, pour améliorer la vie des membres. Si ça ne relève pas des pouvoirs qui leur sont conférés, alors c'est à nous avec notre accréditation de collaborer avec les intervenants du Conseil du Trésor et du Secrétariat du Conseil du Trésor et de leur forcer la main afin que la vie soit meilleure à la GRC.

Le président : Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de venir témoigner. Comme vous le savez, la santé des membres de la GRC nous préoccupe beaucoup. Ce que vous nous avez dit nous éclaire et je vous remercie donc de vos interventions.

Chers collègues, se joignent à nous au groupe trois pour faire le point, de l'Association canadienne de la police montée professionnelle, M. Lee Keane, membre du conseil d'administration, et M. Louis-Philippe Theriault, officier.

Bienvenue, messieurs. Je crois savoir que vous avez une allocution d'ouverture.

Lee Keane, membre du conseil d'administration, Association professionnelle de la police montée du Canada : Je m'appelle Lee Keane. J'œuvre dans le domaine des associations depuis environ 22 ans et dans celui de l'application de la loi depuis 30 ans. Je siège actuellement au conseil d'administration de l'Association professionnelle de la police montée du Canada. Merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.

Nous parlons du moral des membres de la GRC, en particulier dans les rangs des sous-officiers. Le problème a atteint un niveau de crise en grande partie en raison de la responsabilité à l'échelon de la direction. On s'en remet trop au processus du Code de déontologie. Il n'y a pas de procédures de recours impartiales, efficaces et opportunes. En règle générale, les sous-officiers ont peur des représailles et de la vengeance, ce qui se traduit par un manque de soutien de la part des gestionnaires immédiats et supérieurs. Il s'agit d'une campagne pancanadienne pour systématiquement renvoyer les membres — et en ce moment, il y en a un — handicapés dans l'exercice de leurs fonctions. À cela s'ajoutent le manque chronique de personnel, l'absence de transparence dans le processus de promotion et une insuffisance désespérante de ressources humaines et matérielles.

Au départ, le renforcement de la Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada visait prétendument à moderniser la Loi sur la GRC. Elle conférait au commissaire de la GRC de nouveaux pouvoirs considérables pour moderniser le processus de discipline, de traitement des griefs et de gestion des ressources humaines pour les membres dans le but d'éviter, de régler et de corriger les problèmes de rendement et de conduite en temps opportun.

À l'époque, 500 plaintes de harcèlement sexuel contre divers accusés présumés avaient été déposées par des femmes et n'avaient pas été traitées. Les gestionnaires supérieurs et immédiats de la GRC avaient omis, par négligence, de régler ces plaintes en temps opportun ou de ne pas les régler du tout. Bien de ces plaintes ont été ajoutées à un recours collectif, comme nous le savons tous, et aucun des accusés présumés ne sera tenu responsable de ses actes. Ni le commissaire de la GRC ni aucun des gestionnaires de la GRC qui ont omis de prendre à temps des mesures correctrices ne sera tenu responsable de leurs gestes même s'ils touchent sans cesse des primes au rendement pour cadres.

L'organisation qui ne tient pas ces personnes et les personnes qui ont pris ces décisions responsables minent directement le moral des troupes. Étant donné que personne n'est responsable, l'image de la GRC et de sa culture est considérablement ternie. Fondamentalement, les choses ne changeront pas bientôt dans les rangs des sous-officiers.

Je suis au courant d'un cas où un membre a produit un certificat médical informant son supérieur immédiat de son inaptitude à exercer ses fonctions. Le membre avait été absent pendant deux quarts de travail lorsqu'un inspecteur accompagné d'un sergent s'est présenté à son domicile pour lui demander s'il était atteint d'une maladie mentale et s'il recevait les soins d'un psychiatre. L'inspecteur a posé cette question parce que selon lui — il n'était aucunement un professionnel de la santé qualifié — le membre ne souffrait pas de troubles mentaux.

Le membre a expliqué qu'il avait fourni le certificat médical, comme il a l'obligation de le faire. L'inspecteur lui a ordonné de retourner au travail en disant qu'à défaut d'obtempérer, il y aurait tenue d'une enquête en vertu du Code de déontologie, et ce, malgré la présence d'un certificat médical.

C'est alors que moi et d'autres personnes sommes intervenus. Je suis allé voir le Groupe des normes professionnelles pour l'informer de la situation, comme il est de mon devoir de le faire en cas d'infraction au Code de déontologie. Un des gestionnaires n'y a vu qu'un simple problème de rendement. On a présenté des excuses, mais aucune mesure n'a été prise.

Depuis, nous avons découvert que ce membre était victime de diverses formes de représailles; j'ai également appris que le même inspecteur de la police montée avait placé une autre personne dans une situation similaire. Il ne faut pas généraliser, mais ce genre de bavure continue de se produire. Je connais deux cas dont le responsable est le même officier breveté.

On recourt de façon excessive au processus disciplinaire. On l'utilise pour traiter une foule de problèmes différents. Il s'agit, essentiellement, d'un processus abusif servant à amorcer une enquête pour infraction alléguée au Code de déontologie, et ce, pour des questions qui devraient être considérées comme des problèmes liés à la formation ou au rendement.

Dans un cas survenu récemment au sein de la Division « E », deux inspecteurs ont fait savoir à un sergent d'état-major qu'en raison de certaines préoccupations liées à son rendement professionnel — préoccupations qu'ils ont d'ailleurs refusé de communiquer —, il était relevé de son commandement et réaffecté à un dossier non résolu vieux de 30 ans, sur lequel il allait devoir travailler en solo. L'inspecteur, qui était le principal responsable de la supervision du sergent d'état-major, lui avait d'abord dit qu'il allait lui communiquer par écrit de l'information supplémentaire sur les lacunes de rendement perçues. Il a ensuite refusé de le faire et quatre mois plus tard, le sergent d'état-major a eu une discussion avec un collègue à qui il a confié qu'il espérait en apprendre davantage sur les problèmes qui lui avaient valu d'être relevé de son commandement.

Résultat : le sergent-major a été suspendu de ses fonctions, il a fait l'objet d'une enquête aux termes du Code de déontologie et s'est vu imposer une mesure disciplinaire pour avoir voulu connaître quelles lacunes de rendement alléguées contre lui avaient entraîné le relèvement de son commandement. Jusqu'à maintenant, le processus d'appel et de grief n'a été d'aucune utilité pour le sergent d'état-major.

Une de nos grandes difficultés à l'heure actuelle, c'est que nous nous trouvons devant une absence de procédure de recours impartiale, efficace et opportune. Comme je l'ai mentionné, la crainte de représailles et de mesures disciplinaires est un grave problème dans les rangs des sous-officiers. De plus, notre système de promotion en place n'est pas axé sur le rendement. Il est fondé uniquement sur un CV et sur un examen, ce qui est tout à fait inhabituel partout ailleurs.

Je vais laisser mon collègue vous parler de certains autres problèmes.

[Français]

Louis-Philippe Thériault, officier, Association professionnelle de la police montée du Canada : Je serai bref. Le manque de personnel est seulement l'un des éléments liés au manque de ressources de la GRC. L'une des huit recommandations du juge en chef adjoint Daniel Pahl en vertu de la Fatality Inquiries Act de l'Alberta, suivant le meurtre de quatre membres de la GRC près de Mayerthorpe, en 2005, était d'équiper les détachements de la GRC avec des carabines de patrouille.

Le 21 octobre 2011, le commissaire Elliott a annoncé que les membres de la GRC auraient accès à de telles armes. Malheureusement, comme on a pu le constater le 4 juin 2014, la GRC n'avait toujours pas équipé tous ses détachements avec ces carabines, ce qui a contribué au meurtre de trois autres membres de la GRC. Jusqu'à ce jour, le commissaire de la GRC n'a toujours pas pris les mesures nécessaires pour équiper tous les détachements avec les carabines promises par son prédécesseur.

Par la suite, la GRC a été accusée, en vertu du Code canadien du travail, de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour assurer la sécurité et l'entraînement de ses membres.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Le premier paragraphe de votre mémoire renvoie à des sujets dont j'entends beaucoup parler. Je pense en particulier au niveau de crise qu'a atteint le moral des membres réguliers et des sous-officiers de la GRC en raison de ce qui semble être un manque de responsabilité des postes de gestion ainsi qu'une obstination des gestionnaires, qui disent ne pas avoir à suivre les règles établies. Cependant, depuis l'été, les vraies questions ont porté sur le projet de loi C-7.

L'attente est longue, et j'imagine qu'elle l'est 100 fois plus pour vous. Comment se porte le moral?

M. Keane : Pour être juste et honnête, il est au plus bas. On me pose toujours la même question. En ce moment, je travaille surtout dans le domaine de la formation. J'ai quitté la route il y a environ deux ans, mais j'ai passé la plus grande partie de ma carrière en uniforme, dans les services policiers de première ligne. En fait, j'ai travaillé dans les mêmes rues que le commissaire et que l'officier du Secteur de la responsabilité professionnelle. Je les connais tous les deux très bien.

Voilà exactement où en est le moral. La plupart des membres stagiaires ont peur d'exprimer leur opinion, ils ont même peur de me parler, parce qu'ils veulent réussir leur période de probation.

La sénatrice Jaffer : Simplement à titre de suivi, j'ai entendu dire que le sous-officier qui occupe votre poste leur aurait dit qu'il valait mieux de continuer à faire comme ils le font, parce qu'au point où en sont les choses, il n'y a pas grand-chose que même vous puissiez faire pour les représenter.

M. Keane : Tout ce que nous pouvons faire, c'est essayer. Nous ne sommes pas accrédités, mais il y a certaines choses que nous pouvons faire. Amener les gens à nous consulter est quelque chose de nouveau pour moi. C'est une très bonne chose. Nous n'avons jamais tenu de consultation avec l'utilisateur final.

Notre association offre un régime d'assurance juridique illimité aux membres qui en ont besoin. J'ai travaillé en RH. Je m'ennuyais, alors je suis retourné aux études pour faire une spécialité en RH dans le cadre de mon diplôme d'études supérieures. Je peux donc aider les personnes à maîtriser différents concepts, y compris des concepts de gestion. Mon travail consiste principalement à travailler en collaboration avec les personnes. C'est le type d'aide que j'ai fournie à plusieurs reprises, tant auprès des postes de gestion que des postes de première ligne.

La sénatrice Lankin : Je vous suis reconnaissante de votre comparution aujourd'hui. Espérons qu'un certain nombre des questions que vous avez abordées aboutiront à un résultat une fois que nous aurons résolu la question du projet de loi C-7, et selon la résolution adoptée. Les membres du Sénat se sont déjà penchés sur une foule de questions sur lesquelles ils ont pris position.

Je comprends également que vos efforts et ceux du groupe de témoins qui a comparu plus tôt sont centrés sur l'organisation et le recrutement de membres. C'est dans cette sphère que se situent vos activités prioritaires.

En réponse à nos questions, le commissaire s'est montré très ferme en affirmant qu'il essayait de mener un changement de culture, mais qu'il ne s'agissait pas d'une mince tâche dans une organisation comme celle-ci.

M. Keane : C'est une tâche énorme.

La sénatrice Lankin : Nous en sommes conscients et nous savons que cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Vous avez évoqué l'existence d'un état permanent de crainte de représailles et de mesures disciplinaires, qui trouve écho dans l'inquiétude qu'éprouvent certains membres à être vus en train de signer une carte d'adhésion à l'association, ou à être actif ou engagé au sein de l'association. Il y a aussi la question de la santé, de l'affectation aux postes et des mutations de personnel. J'ai parlé tout à l'heure d'un livre écrit par Deanna Lennox; ce livre porte précisément sur les représailles et les mesures disciplinaires dans les situations de TSPT.

Y a-t-il une chose à laquelle le commissaire s'est engagé relativement à sa tentative de diriger la transformation qui commence à se répercuter à l'échelle des membres réguliers et des sous-officiers? Il a affirmé que lorsqu'un incident se produit, sa principale question consiste à nous demander : que faites-vous pour l'employé? Quels soutiens sont mis en place?

Est-ce une chose dont vous êtes témoins? Est-ce quelque chose que vous ressentez? Sinon, soulevez-vous ces cas même si vous n'êtes pas certains de pouvoir attirer l'attention des personnes qui l'accompagnaient ici, ni celle du commissaire lui-même?

M. Keane : Pour répondre à votre question, oui, les changements se répercutent vers le bas, et un bon exemple de cela est que je viens tout juste de recevoir une formation sur le soutien entre pairs. Je soulève quand même ces cas. C'était plaisant de connaître les visages dans la salle. J'ai des liens avec la plupart de ces personnes.

Un des problèmes majeurs de la GRC, et je généralise, c'est le manque de volonté à l'égard du financement. Supposons que le détachement local a connu un incident de recours à la force, un incident impliquant la mort d'un enfant, un de ces cas critiques que nous vivons quotidiennement et qui a le potentiel de nous traumatiser. Dans le cadre du soutien entre pairs, on veillera à prévoir une rencontre avec un psychologue.

Les membres sont encouragés à suivre ce cours. Ils sont seulement encouragés à le suivre. Ils ne sont pas obligés de le suivre, parce que personne ne va les payer pour y assister. On s'attend à ce qu'ils viennent au cours pendant leur temps libre. Il n'y a pas de financement pour de la formation sur le soutien entre pairs. Celui qui veut la suivre doit payer de sa poche.

C'est une vision à court terme et peu clairvoyante, il ne se fait aucune consultation. On vous dit : « Voici votre programme. » On ne demande rien à l'utilisateur. Qui a-t-il consulté? Ce n'était pas nous qui étions là au départ.

La sénatrice Lankin : Nous avons entendu parler de problèmes de rémunération ainsi que d'autres problèmes qui semblent liés aux crédits alloués par le gouvernement du Canada. On peut supposer que la GRC n'a pas les fonds pour ce genre de choses et que cela fait partie d'un ensemble de mesures disparates.

M. Keane : Je n'ai pas une maîtrise en administration des affaires. J'ai fait une maîtrise en gestion parce que les maths me font peur. Le gouvernement a l'argent pour financer beaucoup de choses. Ce n'est pas moi qui gère cela, c'est le commissaire Paulson, et je n'ai pas la prétention de lui dire comment faire son travail, parce qu'il n'aurait jamais celle de me dire comment faire le mien. Pour les primes aux dirigeants, qui représentent 10 à 20 p. 100 de leur salaire annuel, on trouve toujours du financement.

La sénatrice McPhedran : Vous avez mentionné 500 plaintes pour harcèlement sexuel déposées par des femmes, et vous avez dit que non seulement aucun des transgresseurs ne sera tenu responsable, mais qu'en plus, certains d'entre eux ont obtenu une promotion de grade.

M. Keane : Oui.

La sénatrice McPhedran : Pourriez-vous nous dire, au nom de votre association, ce qui devrait se passer à la place?

M. Keane : Pour en revenir au Code de déontologie et à l'usage abusif qui en est fait, je dis que si vous commettez une infraction pour une chose que vous vous êtes engagé sous serment à respecter, vous êtes tenu responsable.

Aujourd'hui, le Code de déontologie est utilisé uniquement pour punir les personnes pour des actes qui étaient autrefois utilisés à des fins de formation. À titre d'exemple, l'inspecteur dont j'ai parlé, qui se rend chez les membres et use d'intimidation, n'a pas été tenu responsable. Ce n'était pas vraiment un problème lié au rendement et des excuses ont été présentées.

La sénatrice McPhedran : Pourriez-vous répondre à ma question concernant les 500 plaintes de harcèlement sexuel déposées par des femmes?

M. Keane : Les responsables devraient être soumis à une enquête aux termes du Code de déontologie et faire l'objet d'accusations criminelles, et à notre connaissance, ce n'a été le cas pour personne.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités. Monsieur Thériault, lorsqu'on s'est rencontré avant le début de la réunion du comité, vous avez mentionné que vous étiez un policier de la GRC de Moncton et que vous étiez patrouilleur. C'est bien cela?

M. Thériault : Oui.

Le sénateur Dagenais : Pour avoir été patrouilleur, je sais que les patrouilleurs sur le terrain sont un peu les laissés- pour-compte de l'organisation. Dans le cadre d'une crise pour contrer le terrorisme, on sait que des budgets et des équipements seront octroyés. Toutefois, il n'est pas aussi facile d'obtenir de l'équipement au quotidien pour les postes de la GRC.

En tant que policier de Moncton, vous avez mentionné l'assassinat des policiers de Mayerthorpe et, malheureusement, il y en a eu trois également à Moncton. Vous également souligné le manque de carabines. Y a-t-il d'autres équipements qui vous aideraient dans votre travail, ne serait-ce que l'ajout de véhicules de patrouille? Parlez-nous du manque d'équipement et de ressources.

M. Thériault : Je dois préciser qu'à Moncton, maintenant, nous sommes bien équipés. Malheureusement, la GRC est plus réactive que préventive. Le déploiement des carabines commençait à être mis en œuvre en 2014 lorsque l'incident est arrivé. On parle du manque d'équipement, mais aussi d'équipement désuet. Notre système de radio vient tout juste d'être amélioré; cela aurait dû être fait bien avant. Nous sommes à 2 ou 3 miles du poste de police et nous devons communiquer avec nos cellulaires, parce qu'il nous est difficile de communiquer avec nos équipements radio. Ce n'est donc pas la meilleure solution.

Lorsqu'on parle d'équipement, il s'agit d'armes et d'armes à impulsion électrique. Nous sommes mieux équipés maintenant. Le déploiement de l'équipement et l'entraînement ont été très lents. Il est souvent assez compliqué de libérer des membres pour leur offrir un entraînement avec le nouvel équipement, car nous manquons de personnel sur la route, mais nous devons les former. Si nous sommes à court de patrouilles, nous mettons la population à risque, y compris les policiers de la GRC. S'il s'agit d'un manque de personnel de bureau dans une unité fédérale, personne ne sera à risque. Cependant, si le quart de travail normal requiert 10 ou 12 agents et qu'il est réduit du tiers ou de la moitié, on prend un risque s'il y a des appels liés à des situations violentes.

Malheureusement, il y a de plus en plus de cas d'appels où nous devons intervenir avec des gens armés d'armes à feu. Dans ces cas, tous les agents se retrouvent dans ce périmètre pour répondre à cet appel, ce qui signifie qu'on ne peut pas répondre à d'autres appels. On doit donc mettre ces autres appels en suspens jusqu'à ce que la situation soit réglée.

[Traduction]

Le sénateur White : Ma question porte sur l'expression « militarisation des services de police », plus précisément en ce qui concerne les éléments qui sont ressortis de la fusillade de 2005 en Alberta. Qu'il s'agisse de plaques balistiques, de véhicules blindés légers ou de carabines C7 ou CB, j'entends constamment des propos qui montrent qu'on rejette ces moyens, comme si les policiers ne méritaient pas d'avoir l'équipement nécessaire pour sauver leur vie et protéger le public. Nous en avons encore entendu ici aujourd'hui.

La plupart des services policiers partout au pays ont des carabines. En Ontario, chaque service de police en a, mais personne ne les voit. Les policiers ne courent pas les rues en exhibant ces carabines, sauf le 22 octobre, lorsqu'il y a eu une attaque sur la Colline.

Je voulais vous donner une occasion de parler du terme « militarisation de la police », en comparaison avec le fait de disposer d'un accès adéquat aux outils dont vous avez besoin pour faire votre travail.

M. Thériault : Ce terme revient très souvent. Je vous donne un exemple : si les gens voient un fusil noir, ils disent que c'est un fusil militaire, s'il est marron, ils disent que c'est un fusil de chasse. Les gens ne voient pas la différence.

Nous devons adapter notre technologie et notre équipement aux défis que nous devons surmonter. Nous savons que les criminels ont accès à de plus en plus de matériel sur le marché noir et sur le marché souterrain, et nous devons être équipés pour être en mesure de répondre à ces menaces et protéger nos membres. Si nous ne pouvons pas protéger nos membres, nous ne pouvons pas protéger le public.

M. Keane : Quand j'étudiais la gestion, j'ai beaucoup appris au sujet de l'analyse SWOT, une analyse des forces, des faiblesses, des possibilités et des menaces. En tant qu'instructeur sur le recours à la force depuis 1994, je n'ai jamais vu d'étude globale sur les politiques de la GRC en matière de recours à la force. Tout fonctionne en vase clos.

C'est un point sur lequel il faut absolument se pencher. Avec la convention collective, nous siégerions à ce comité et c'est exactement ce que nous ferions.

Le sénateur White : Nous ne sommes pas en train de dire que la police doit ressembler aux forces armées.

M. Keane : Non, mais une analyse s'impose, sénateur. Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Meredith : Je vous remercie de votre franchise tout au long de cette discussion sur des sujets que le comité tient énormément à faire avancer. M. Thériault et le sénateur White ont parlé de la sécurité et de l'équipement nécessaire pour assurer la protection des agents et du public en général.

J'ai une question mixte concernant, d'une part, le moral des membres et le changement organisationnel en cours à la GRC, et, d'autre part, le terrorisme et le financement du terrorisme. Comment pensez-vous qu'il sera possible d'établir un équilibre dans tout cela?

Un membre du personnel de la GRC, qui faisait partie du groupe de témoins précédent, a mentionné les congés de maladie, les congés autorisés, et ainsi de suite. Si j'étais un agent, je chercherais d'abord à savoir comment bien me protéger émotivement, financièrement, et cetera. Quant à l'autre aspect, celui du terrorisme à vaste échelle, il serait relégué au second plan.

Pouvez-vous nous expliquer comment il est possible, à l'heure actuelle, d'établir un équilibre entre les besoins en matière d'équipement et les besoins organisationnels?

M. Keane : On en revient toujours à la consultation. Personne n'a jamais consulté l'utilisateur final. Beaucoup de décisions se font du haut vers le bas et sont imposées par Ottawa. L'utilisateur de la Nouvelle-Écosse et celui de Chilliwack, en Colombie-Britannique, n'ont pas nécessairement besoin de la même chose. Une convention collective nous procure cette capacité, et les membres que je représente possèdent de grandes connaissances sur tous ces sujets. Pourquoi ne pas tout simplement nous adresser à eux?

Je ne sais pas sur quelles études ils se fondent. Ça aussi, c'est un problème. Beaucoup des décisions qui viennent d'en haut ne s'appuient sur rien. Ce serait bien de fournir une base scientifique.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Ma question s'adresse à M. Thériault. Vous avez affirmé plus tôt qu'il existait un écart entre l'engagement des autorités de la GRC dans le discours public et la réalité. Vous avez donné l'exemple de l'Alberta où quatre officiers ont malheureusement été tués. On avait promis un meilleur armement des policiers et cela n'a pas été fait.

Pouvez-vous nous donner d'autres exemples concrets d'engagements publics ou d'engagements qui ont été pris devant des commissions parlementaires publiques et qui n'ont pas été respectés par les autorités de la GRC?

M. Thériault : En travaillant à Moncton et en parlant avec beaucoup d'autres personnes d'un bout à l'autre du pays, j'ai constaté que, souvent, on affirmait la future mise en place de mesures pour pourvoir des postes vacants ou des postes laissés vacants temporairement en raison d'un congé de paternité ou de maternité, ou encore d'une maladie à long terme. Souvent, ces postes ne sont pas pourvus. On nous dit qu'on examine la situation, mais, sur le terrain, nous ne remarquons pas nécessairement de changements.

La sénatrice Saint-Germain : Avez-vous d'autres exemples?

M. Thériault : On remarque que la GRC est une machine assez lourde et quelquefois lente à bouger. On parlait des carabines; d'autres corps policiers et d'autres forces fédérales s'étaient dotés du même équipement jusqu'à 10 ans avant nous, mais, à la GRC, il a fallu mener plusieurs études et prévoir beaucoup de temps avant que nous ayons cet équipement.

Il a fallu beaucoup de temps avant que nous puissions avoir des plaques balistiques. Dans mon unité de travail, nous avons eu ces plaques en 2013, mais nous ne comprenions pas pourquoi il a fallu autant de temps à la GRC pour se doter de cet équipement, alors que d'autres forces fédérales avaient déjà le même équipement. On parle aussi des radios; dans beaucoup de juridictions, y compris celles de St. Albert et de Moncton, les radios entraînent des problèmes de communications entre nous, parce que le système de radiocommunication date de 20 ou 30 ans, et même plus.

[Traduction]

Le président : Je tiens à remercier nos témoins d'avoir bien voulu comparaître aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris de votre précieux temps pour être avec nous. Si vous avez d'autres commentaires, je vous invite à nous les transmettre par écrit, nous les lirons très attentivement.

Accueillons notre quatrième groupe de témoins, pour une mise à jour. Se joignent à nous M. Charles Mancer, vice- président de l'Association des membres de la police montée du Québec, accompagné de Marc-André Fournier, directeur. Je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. Veuillez commencer, la parole est à vous.

[Français]

Charles Mancer, vice-président, Association des membres de la police montée du Québec : Je m'appelle Charles Mancer. Mon collègue se nomme Marc-André Fournier. Je suis le vice-président de l'Association des membres de la police montée du Québec. Ma présentation sera assez brève. J'aimerais surtout me présenter pour que vous sachiez qui je suis et vous parler de mon domaine d'expertise. Par la suite, nous pourrons répondre à vos questions.

Je travaille à la GRC depuis 17 ans. J'ai commencé ma carrière à Surrey, en Colombie-Britannique. J'ai travaillé trois ans dans la police sur une base contractuelle. Par la suite, j'ai travaillé à Montréal, surtout dans le domaine des crimes financiers, comme le blanchiment d'argent et la fraude, et c'est devenu mon champ d'expertise. J'ai également travaillé comme représentant d'employés sous l'ancien système de représentant divisionnaire, que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel. Je suis aussi conseiller dans le cadre du nouveau système qui a été mis en place par la GRC, depuis le 17 mai de l'année dernière, à la suite de la décision de la Cour suprême.

J'ai étudié dans différents domaines. J'ai fait deux ans en ingénierie. J'ai aussi étudié deux ans en gestion à l'Université McGill où j'ai obtenu un certificat. J'ai un diplôme en droit civil de l'Université de Montréal et un diplôme en common law de l'Université d'Ottawa. Je suis aussi membre du Barreau de l'Ontario.

Au cours des 12 derniers mois, j'ai consacré énormément de temps, comme vice-président de l'association, à essayer de convaincre les membres de la GRC de répondre aux critères juridiques pour obtenir un syndicat. Il a été très difficile de convaincre les membres de signer des cartes.

Le point important que j'aimerais soulever dans ma déclaration liminaire est le suivant. Les gens qui s'impliquent dans les associations de la GRC le font bénévolement. La situation est très différente de celles dont traitent les autres lois que vous allez examiner, où les syndicats ont des ressources financières importantes. Dans les associations, nous n'avons pas le luxe de disposer de telles ressources financières. Il s'agit de bénévolat et de sommes données par les membres de la GRC. La grande différence, en termes de législation, est que les membres de la GRC n'ont pas le droit de s'affilier à un syndicat.

Par exemple, j'ai rencontré des membres du syndicat des métallos. J'ai constaté qu'ils ont un fonds de grève de 400 millions de dollars et énormément de ressources. Ils m'ont confié que, pour une syndicalisation qui compte 18 000 employés, ce qui représente un peu notre situation à la GRC, leur budget serait de l'ordre de 9 millions de dollars. Nous sommes loin d'avoir des millions dans notre budget.

Si vous voulez offrir un meilleur service à la population, il faut régler rapidement ce problème de syndicalisation, en tenant compte des questions budgétaires et du fait que les gens comme moi et Marc-André sont bénévoles et assument ces tâches à l'extérieur des heures de travail. Le plus rapidement on arrivera à un syndicat, le plus rapidement vous pourrez nous transmettre les questions que vous examinez afin que nous puissions en débattre au sein d'un système équilibré avec l'employeur.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

La sénatrice Jaffer : Merci de votre présence. Nous l'apprécions beaucoup.

[Traduction]

Lors de votre comparution sur le projet de loi C-7, vous avez souligné l'existence d'un certain nombre d'exclusions dans la procédure interne de règlement des griefs — vous avez été plutôt prolixe à ce sujet. Vous avez dit qu'à ce moment-là, une procédure de règlement des griefs menée par la GRC était en cours. Les décisionnaires sont des officiers brevetés, un poste de niveau inférieur à celui du commissaire. Il existe donc une impartialité inhérente liée au fait que ces derniers ne peuvent pas prendre des décisions qui n'ont pas la faveur du commissaire. Êtes-vous encore de cet avis?

M. Mancer : Pouvez-vous répéter la fin de votre question au sujet du commissaire?

La sénatrice Jaffer : Ces officiers, parce qu'ils sont directement subordonnés au commissaire, sont portés à prendre des décisions qui plaisent au commissaire. C'est ce que vous avez dit la dernière fois. J'aimerais savoir si la situation est toujours la même.

[Français]

M. Mancer : La situation est encore la même. Le système de traitement des griefs de la GRC a été réformé récemment, depuis novembre 2014, et des améliorations ont été apportées. Toutefois, ces améliorations sont insuffisantes. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les membres formulent des griefs pour essayer de trouver une solution à un problème. Sous l'ancien système, il fallait de cinq à six ans pour arriver à un résultat. Aujourd'hui, il faut d'un an à deux ans. Si on aborde les officiers pour régler des problèmes et qu'ils ne peuvent les régler, je dois aller au-delà du système de traitement des griefs. En novembre 2014, le projet de loi C-42 a touché une portion infime de ce volet.

Je dois aussi vous parler du système disciplinaire de la GRC. Le commissaire est venu témoigner devant vous et a demandé des pouvoirs étendus pour régler des problèmes au sein de la GRC. Ces pouvoirs étendus lui ont été octroyés dans le cadre du projet de loi C-42. Que s'est-il produit avec ces pouvoirs étendus en relation avec le système disciplinaire? Avant novembre 2014, il y avait environ 200 dossiers disciplinaires à traiter par année. En 2015, il y en a eu 700, soit trois fois et demie de plus.

Sur le terrain, que signifie cette augmentation? Les membres de la GRC craignent que des procédures disciplinaires soient utilisées contre eux. La plupart des procédures disciplinaires qui ont été initiées, selon mon expérience à titre de conseiller et de vice-président de l'association, sont frivoles et non fondées. Un mot d'ordre a été donné par le commissaire et est descendu dans la chaîne de commandement selon lequel si vous ne donnez pas de mesures disciplinaires, vous serez tenus personnellement responsables. Les officiers ont donc des craintes et ils amorcent des procédures disciplinaires.

En termes de ressources, cela signifie que certains des membres qui sont accusés et qui considèrent ces mesures comme frivoles sont désengagés. S'ils demeurent au sein de la GRC, ils n'ont plus le même engagement. D'autres membres que j'ai représentés ont démissionné. Un membre en particulier a reçu trois accusations disciplinaires. Il avait fait son travail correctement, mais l'officier a jugé que c'était insuffisant et il a entrepris des procédures disciplinaires. À la fin, le membre a été acquitté de deux des accusations et a été condamné pour la troisième. Il a fait appel, et je suis convaincu qu'il sera acquitté de cette troisième accusation. Toutefois, le membre a démissionné. Il avait accumulé 11 ans de service et était très qualifié.

On parle de problèmes de ressources. Cependant, je suggère que nous devrions utiliser convenablement les ressources que nous avons en ce moment. Le membre qui a quitté la GRC avec 11 ans de service était très qualifié. Or, il s'est trouvé un emploi ailleurs. Le système de traitement des griefs est visé, mais il y a d'autres problèmes aussi en ce qui concerne le système disciplinaire.

[Traduction]

Le sénateur White : Ma question a trait à la prise de contact avec les membres de la GRC. Dans la plupart des lieux de travail, le contact avec les futurs membres potentiels du syndicat se fait dans un seul local, parfois deux, au moyen de babillards ou de choses de ce genre.

Est-il vrai qu'il ne vous est pas permis d'avoir accès au système de courrier interne pour contacter les membres de la GRC et évaluer leur intérêt pour l'accréditation?

[Français]

M. Mancer : C'est une excellente question que celle de déterminer comment communiquer avec les membres. Encore une fois, pour mettre les choses en contexte, contrairement à un syndicat, nous n'avons pas les ressources financières pour nous tenir devant chaque immeuble, tous les jours, afin de rencontrer les membres. Nous ne pouvons pas non plus utiliser le système de courriel, car c'est interdit. Je sais que certaines personnes qui sont membres d'associations ont envoyé des courriels et font face à des mesures disciplinaires. Nous avons examiné cette question, et il semble qu'elle soit visée par la loi.

La loi, selon l'interprétation qui en a été faite par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, interdit l'usage du système de courriel. Qu'est-ce que cela nous laisse comme moyen pour contacter les membres sur les lieux de travail? La loi le permet en dehors des heures de travail. De mémoire, je crois qu'il s'agit de l'article 187 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Ce problème, pour ma part, j'y ai fait face le 20 mai 2016, lorsque j'étais accompagné du président de l'Association des membres de la police montée du Québec, M. Paul Dupuis. Nous sommes allés informer les membres de la GRC, à Montréal, au quartier général, que nous avions loué un local à côté, sur la rue Green, un local commercial où ils pouvaient venir nous voir pour nous poser des questions ou pour signer des cartes. Le commandant a été informé de ma présence sur les lieux de travail. J'étais en congé, donc cela s'est déroulé en dehors des heures de travail, mais il a initié des mesures disciplinaires contre moi pour avoir été présent sur les lieux de travail et pour ce qu'il considérait être de la sollicitation syndicale. J'ai déposé une plainte à la Commission des relations de travail, qui sera entendue à la fin du mois de mars. En attendant, j'ai été accusé sur le plan disciplinaire tout simplement pour avoir accompagné Paul Dupuis. Paul Dupuis, lui, n'a pas été accusé, je ne sais pas pourquoi.

Le processus de signature de cartes est extrêmement difficile. Nous avons un manque de ressources pour le faire, et je crois que, s'il y a un message à faire passer ici aujourd'hui, c'est celui-ci : le plus rapidement on arrivera à avoir un syndicat dans la GRC, le plus rapidement les problèmes vont se régler. Mettre en place un système avec 40 ou 50 p. 100 de cartes à signer, c'est extrêmement difficile à atteindre, d'autant plus qu'il faut tenir compte du contexte spécifique de la GRC où, en ce moment, il y a trois associations. Celle du Québec est restée au niveau provincial, donc elle ne fait pas partie du problème. Cependant, il y a deux associations qui s'opposent et qui ne veulent pas se regrouper en ce moment. Donc, quelle que soit la solution qui sera trouvée, il faudra qu'elle tienne compte de la dichotomie qui existe avec les deux associations actuelles.

[Traduction]

Le sénateur White : Je comprends ce que vous dites par rapport au Québec, mais est-ce que vous comprenez que ce problème est commun à toutes les organisations du pays qui essaient de s'accréditer, et ce, dans 800 collectivités dont certaines sont vraiment isolées du reste du pays, de Tuktoyaktuk à l'île Fogo? Est-ce exact?

Marc-André Fournier, directeur, Association des membres de la police montée du Québec : La réalité à laquelle nous faisons face est assez redoutable. Pour être franc, je ne sais pas comment nous allons faire pour concrétiser tout cela aussi rapidement que nous le voudrions.

Pour ajouter à votre question, et afin que vous compreniez à quelle sorte d'employeur nous avons affaire en ce moment, nous avons des cas de plaintes en déontologie, comme celui déposé contre M. Mancer actuellement. Il faut se demander : quel est l'objectif final?

Comme l'ont dit les associations précédentes, notre objectif est de travailler avec la direction pour améliorer notre situation. Toutes les mesures qui ont été prises jusqu'à présent nous montrent le contraire. J'ai dû prendre ma propre remorque et mon propre camion et les garer devant notre QG à Montréal afin que les membres puissent y entrer pour venir signer les cartes. Les gens avaient peur d'entrer dans ma remorque, car ils étaient filmés en vidéo et ne voulaient pas que ce geste nuise à leur carrière.

Je vous laisser tirer votre propre conclusion sur ce à quoi nous faisons face quant aux autres problèmes que nous pourrions avoir sur les plans financier et territorial. Nous sommes en présence d'une grosse machine et il faudra travailler fort pour mener à bien ce projet.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux témoins. Si je vous ai bien compris, monsieur Mancer, l'employeur ne vous facilite pas la tâche lorsqu'il s'agit de faire signer des cartes d'adhésion. Autrement dit, tout cela doit se faire à l'extérieur. Votre collègue a mentionné que les gens pouvaient être aperçus dans leur camion et que ce n'était pas facile. Quel serait pour vous un pourcentage acceptable de signatures de cartes pour mettre en place la syndicalisation des policiers et des policières de la GRC? Vous n'avez pas les moyens financiers de communiquer avec les membres, alors est-ce qu'on parle de 30 p. 100, de 40 p. 100? La création d'un syndicat nécessite un certain pourcentage. Quel serait donc le pourcentage raisonnable, selon vous?

M. Mancer : Je crois que le maximum doit être à 30 p. 100, et idéalement à 25 p. 100. Cela serait suffisant. Je dois souligner le niveau de difficulté : au Québec, en raison des actions d'intimidation de la part de l'employeur, nous avons eu beaucoup de difficulté à recruter des directeurs pour faire signer ces cartes. Oui, les gens ont peur de monter dans le camion pour signer leur carte, mais nous avons aussi du mal à trouver des personnes pour faire signer ces cartes. C'est pour cela que 30 p. 100 seraient le maximum, et idéalement, 25 p. 100. C'est la fameuse règle des trois tiers : un tiers des gens sont pour la syndicalisation, un tiers des gens y sont indifférents et il faut les convaincre, et un tiers des gens sont contre.

Le sénateur Dagenais : Je comprends que la loi dans le domaine du travail à l'échelle fédérale oblige les différents syndicats à avoir des cartes d'adhésion. Mais, comme vous l'avez mentionné, si la GRC avait son propre syndicat ou son association, ses employés ne pourraient pas faire partie d'un autre syndicat. Il faudrait que ce soit un syndicat unique, comme la plupart des organisations policières. Il me semble donc qu'on pourrait éliminer la signature de cartes et procéder tout simplement avec un vote secret, ce qui vous faciliterait énormément la tâche. Est-ce là ce que je dois comprendre? Parce que dans toutes les organisations policières, il n'y a jamais eu de cartes d'adhésion; les policiers sont engagés et sont automatiquement syndiqués. Après cela, on procède par vote secret. Est-ce que je comprends que le vote secret vous faciliterait la tâche?

M. Mancer : La solution la plus rapide, ce serait la solution qui nous permettrait d'élire des représentants. Si on enlevait l'étape des cartes, ce serait une bonne chose. Le cas échéant, on pourrait faire un vote en deux étapes. Le premier vote porterait sur la création d'un syndicat. Dans l'affirmative, le deuxième vote porterait sur le choix de l'association qui aurait le mandat de représenter les employés. Il y aurait une association qui représenterait les membres, et ce serait extrêmement rapide.

Cependant, n'oubliez pas que le projet de loi C-7 permettra la syndicalisation uniquement des 24 000 membres de la GRC. Ce sera une loi faite sur mesure pour les membres de la GRC. Il n'y a personne d'autre au sein du gouvernement qui n'est pas syndiqué. Cette loi-là, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dont vous êtes saisis en ce moment, est une loi sur mesure pour les membres de la GRC. Je vous en prie, veuillez adopter une loi sur mesure pour régler les problèmes auxquels nous faisons face. C'est un luxe dont nous avons exceptionnellement besoin cette fois-ci.

Le sénateur Dagenais : Je comprends que c'est le vote secret qui réglerait votre problème.

M. Mancer : Si le vote secret nous amène à une élection rapide, oui.

[Traduction]

Le sénateur Meredith : Ma question porte sur la collaboration entre la Fédération de la Police Nationale, l'Association professionnelle de la police montée du Canada et l'Association des membres de la police montée du Québec. Ces organismes travaillent-ils en collaboration? Travaillez-vous ensemble? Vous sollicitez les mêmes membres et les mêmes ressources, je parle de la signature de cartes, et cetera. Quel type de collaboration existe-t-il entre les trois organismes?

[Français]

M. Mancer : L'association du Québec, depuis le début, demande un regroupement des trois associations, mais on n'arrive pas à ce regroupement. Il y a un manque de collaboration, je ne sais pas comment le qualifier, mais je ne vois pas de possibilité de regroupement, à ce point-ci, entre la Fédération de la police nationale, l'association qui s'est créée en Ontario, et l'Association professionnelle de la police montée du Canada, l'association qui a pris naissance en Colombie- Britannique. Il y a une division qui s'est créée à ce point-là. La collaboration est minimale, et c'est la raison pour laquelle une loi sur mesure doit être adoptée pour aborder le problème. Qu'il s'agisse d'un vote ou de cartes, on doit faire face à cela pour essayer de contourner le problème. Je tente, depuis un an, d'en arriver à un regroupement, mais cela n'arrivera pas. L'association du Québec parle aux deux autres associations, mais ces dernières ne se parlent pas entre elles.

[Traduction]

Le sénateur Meredith : Ce qui me préoccupe, monsieur Mancer, c'est que les problèmes que vous avez tous trois soulevés au sujet du moral, du manque de ressources, et cetera, persistent pendant que vos trois associations se disputent l'adhésion de membres.

Les membres ne sont toujours pas plus avancés par rapport à votre regroupement. Comment allons-nous y arriver? Et en ce qui concerne le risque plus général pour la sécurité des Canadiens, comment y parvenir?

M. Mancer : Laissez-moi vous dire une chose très importante. Plus vite nous tiendrons une élection pour choisir les membres qui représenteront d'autres membres, mieux ce sera pour tout monde.

[Français]

Les associations ne sont que des contenants à ce point-ci. Le contenu, c'est cette élection. Il s'agit tout simplement d'adopter une loi qui va nous permettre d'arriver à cette élection. On pourrait même réglementer l'élection de base. Cependant, en essayant d'y arriver d'une autre façon, je ne crois pas que ce sera possible.

[Traduction]

M. Fournier : Brièvement, si vous demandiez demain matin aux membres de la GRC de voter pour savoir si oui ou non ils voteront pour un syndicat, la réponse sera un « oui » sans équivoque, parce que les membres qui voteront sont ceux qui sont pour la création d'un syndicat.

Qui les représentera? C'est une autre histoire. Vous devez comprendre que si vous pouviez nous fournir un cadre législatif qui nous permettrait d'être accrédités le plus rapidement possible, les membres obtiendraient une représentation, et cette représentation nous permettrait d'obtenir des résultats sur toutes les questions dont nous avons discuté aujourd'hui : de meilleures ressources, de meilleurs salaires, bref, tout serait amélioré.

Le sénateur Meredith : Oui, nous comprenons cela. Nous savons cela. Nous devons adopter des mesures législatives qui vous permettront d'être pleinement accrédités, et ainsi de suite.

Dans un cadre plus large, monsieur Mancer, vous avez parlé de votre expérience en finance. Au Canada, on a décelé 300 cas d'individus radicalisés, et 400 cas de personnes liées au financement du terrorisme.

Pouvez-vous m'expliquer ce qui doit être fait sur ce front, étant donné que ce sont vos membres qui mènent l'enquête et portent ces accusations?

[Français]

M. Mancer : Ce qu'il faudrait réussir à faire, c'est de motiver les gens qui font le travail d'enquête pour nous afin qu'ils soient impliqués dans les enquêtes. À ce point-ci, les gens ont peur de se retrouver avec des plaintes disciplinaires sur les bras. Ils ont peur de poser les gestes nécessaires que l'enquête leur impose. Moi-même, comme conseiller, je leur dis de faire attention, car ils font face à des procédures disciplinaires pour des accusations frivoles. Les gens qui sont censés vous protéger ont peur pour eux-mêmes et doivent se protéger eux-mêmes.

Je viens de commenter toute la question du manque d'équipement et du manque de ressources. Ce que je vous dis, c'est que les ressources actuelles sont sous-utilisées et, en fait, la plupart des membres ont peur d'agir et se contentent de suivre les ordres. La façon la plus sécuritaire de fonctionner dans la GRC, c'est de suivre les ordres de son supérieur.

[Traduction]

Si vous suivez ses ordres, vous ne pouvez pas vous tromper.

[Français]

Or, le problème, il est là. La GRC devrait suivre certaines règles qui existent dans le milieu des affaires, comme l'innovation 3M, où l'innovation fait partie de la culture d'entreprise. À partir du moment où on veut commencer à innover dans le domaine de l'enquête, les probabilités où nous serons en mesure de repérer la personne parmi 300 autres qui a réellement l'intention de commettre un crime ou de faire exploser une bombe augmenteront. Il faut pouvoir se fier à ses membres et sur leur expertise.

En ce moment, il n'y a même pas d'expertise; les gens font une rotation pendant deux ans, trois ans ou quatre ans, et ils vont travailler ailleurs. Ce manque d'expertise fait en sorte que, lorsqu'on parle pour la première fois à un terroriste potentiel, les chances de le détecter sont extrêmement faibles, parce que les indices sont tels qu'il aurait fallu parler à 20 ou 30 personnes avant de pouvoir discerner les modèles et les reconnaître.

Tout cela est lié à la création d'un milieu de travail équilibré, qui inclut la présence d'un syndicat. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, j'aimerais préciser un point très clairement. Comme l'étude du projet de loi C-7 n'a pas été poursuivie, dois-je comprendre que vous vous trouvez dans une position qui vous empêche de vous organiser en syndicat, parce qu'il n'y a pas de cadre législatif à mettre en place, et ce, quel que soit le syndicat choisi pour négocier une convention collective en votre nom? Ai-je bien compris?

[Français]

M. Mancer : La réponse courte, c'est que, en ce moment, la loi actuelle sur les relations de travail dans la fonction publique est la loi qui s'applique à nous. Cette loi exige une preuve documentaire de 40 p. 100 de cartes. Or, nous n'avons pas atteint les 40 p. 100, et les associations prises individuellement n'atteignent pas ces 40 p. 100 non plus. Même mis en groupe, nous n'obtenons pas le taux de 40 p. 100 de cartes.

[Traduction]

Le président : Donc, pour être clair, votre travail est régi par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa version actuelle et aux fins de vos activités.

M. Mancer : Oui.

Le sénateur White : J'ai une question supplémentaire. Si j'ai bien compris, c'est le nouveau projet de loi C-4, Loi modifiant les relations de travail dans la fonction publique, et non le projet de loi C-7, qui vous permettrait d'aller de l'avant auprès de la Commission des relations de travail sans ces 40 p. 100 de cartes.

[Français]

M. Mancer : J'ai consacré un grand nombre d'heures à examiner cette question. Le projet de loi C-4 — je l'ai ici avec moi — indique précisément, dans sa dernière version, qu'il faut convaincre la Commission des relations de travail que l'association représente la majorité des employés. Je ne sais pas comment cela sera interprété par la Commission des relations de travail. Il s'agit de l'article 64(1)a).

[Traduction]

Le sénateur White : Non pas pour lancer un débat, mais par souci d'équité, vous avez l'occasion de comparaître et d'expliquer pourquoi vous ne pouvez pas obtenir la majorité.

Dans le cas de la GRC, qui compte plus de 700 détachements présents dans 800 collectivités de l'ensemble des provinces et territoires, jusqu'à Tombouctou aller-retour, je comprends qu'il y aurait une occasion à saisir dans ce projet de loi.

Les deux autres organismes disent rechercher une association ou un syndicat national de la police. D'après ce que j'ai compris, le projet de loi C-4 leur en donnerait la possibilité. Vous avez une formation juridique, pas moi.

M. Fournier : Cela dépend de votre définition de la majorité. Si la majorité s'établit à 50 p. 100 plus un, nous revenons en arrière, parce qu'en ce moment, nous visons les 40 p. 100.

M. Mancer : La solution offerte par l'article 65 indique que la commission peut ordonner la tenue d'un scrutin de représentation.

Le sénateur White : C'est exact. Cela vous donne un argument.

[Français]

M. Mancer : Ça pourrait être plus clair en termes de cadre législatif, ça pourrait être clarifié.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, de toute évidence il y a un certain manqué de clarté.

M. Mancer : Puis-je ajouter un commentaire avant que vous leviez la séance?

Le président : Allez-y.

[Français]

M. Mancer : Je me suis demandé pourquoi la question de la syndicalisation faisait peur au gouvernement actuel et pourquoi il y avait des éléments qui nous empêchaient de progresser rapidement. L'un des éléments qui doivent toujours être considérés, c'est l'aspect financier d'une syndicalisation. J'ai ici un document que je vais déposer. C'est tout simplement une analyse sur l'arbitrage. L'arbitre doit tenir compte de certains articles de la loi avant d'augmenter les salaires ou de donner des avantages supplémentaires. Il s'agit de l'article 148 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Il y a aussi l'article 238.21 du projet de loi C-7, s'il est adopté. Dans tous les cas, l'arbitre doit tenir compte de la capacité financière du gouvernement.

J'ai inclus également le témoignage à la Chambre des communes de Manon Brassard, qui travaille au Conseil du Trésor. Elle a indiqué clairement que l'augmentation qu'elle prévoyait au niveau budgétaire était de 0,25 p. 100.

Je vais déposer ces documents pour que vous puissiez en prendre connaissance. Il n'y a pas de coûts importants associés à un arbitrage et à une syndicalisation de la GRC. C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi on ne progresse pas plus rapidement vers la syndicalisation. Je n'ai pas eu de réponse à ce sujet.

[Traduction]

Le président : Monsieur, je peux vous assurer que nous nous posons la même question que vous. C'est en partie la raison de votre présence parmi nous. Merci d'avoir pris le temps de venir ici. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Je vais inviter les témoins à quitter la salle; nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes puis nous siégerons à huis clos pour discuter de quelques questions.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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