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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 26 - Témoignages du 7 mai 2018


OTTAWA, le lundi 7 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 13 h 6, pour étudier la teneur des éléments de la partie 4 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, et à huis clos, pour examiner une ébauche de rapport sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants qui quittent les Forces armées canadiennes.

La sénatrice Gwen Boniface (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant tout, j’invite mes collègues à se présenter.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Patrick Brazeau, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

La présidente : Cet après-midi, nous entamons l’étude des éléments de la partie 4 du projet de loi C-74, Loi no 1 d’exécution du budget de 2018, qui porte sur les pensions des anciens combattants.

Nous avons le plaisir d’accueillir comme premier témoin Mme Faith McIntyre, directrice générale, Direction générale de la politique et de la recherche, Politiques stratégiques et Commémoration, Anciens Combattants Canada, qui participera à la réunion par vidéoconférence, à partir de l’Île-du-Prince-Édouard.

Madame McIntyre, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous aimerions entendre votre exposé et nous vous poserons ensuite des questions.

Faith McIntyre, directrice générale, Direction générale de la politique et de la recherche, Politiques stratégiques et Commémoration, Anciens Combattants Canada : Merci beaucoup. Bonjour, madame la présidente, bonjour, distingués membres du comité.

Comme il a été dit, je m’appelle Faith McIntyre. Je suis directrice générale de la Direction générale de la politique et de la recherche à Anciens Combattants Canada. Je vous remercie beaucoup de l’invitation à témoigner devant le comité. Aujourd’hui, je vous parlerai des mesures prises par le gouvernement du Canada pour améliorer la vie des anciens combattants et de leur famille par l’entremise de modifications apportées à la Loi sur le bien-être des vétérans, qui sont proposées à la partie 4 du projet de loi d’exécution du budget.

[Français]

Les changements que nous annonçons aux mesures de soutien financier à l’intention des anciens combattants fournissent un complément aux mesures de soutien existantes afin d’aider les anciens combattants et leur famille à faire la transition vers la prochaine étape de leur vie, qu’il s’agisse des études, du travail ou de la retraite. Les recherches que nous avons menées sur le bien-être et son rôle pour préparer les anciens combattants à réussir leur vie après le service militaire sont le principal moteur de ces changements. Chaque ancien combattant est différent. C’est pourquoi nos programmes sont flexibles et adaptés aux circonstances et à l’historique du service militaire de chaque ancien combattant, afin de pouvoir répondre à ses besoins uniques et soigner la blessure ou la maladie liée au service qui a entraîné une invalidité. Il faut un système de soutien intégré qui offre des avantages, des programmes et des services.

Le gouvernement canadien a adopté la Loi sur les pensions en 1919. Cette loi avait pour but de reconnaître l’engagement des soldats et des anciens combattants envers leur nation et d’encadrer le versement d’une indemnité à ceux qui ont été blessés à la suite de leur service au nom du pays. La pension était versée sous forme d’indemnité combinée en guise de compensation pour les souffrances, la douleur et la perte de revenus. Elle en faisait peu pour aider l’intégration des anciens combattants à la vie après le service militaire. Aujourd’hui, nous savons que nombre de ceux qui sont rentrés au pays après avoir vécu les horreurs de la guerre des tranchées ont eu de la difficulté à réintégrer la vie après le service militaire.

[Traduction]

Comme nous le savons tous, la nature des conflits a changé, et le gouvernement a dû réorienter les programmes pour répondre aux besoins des vétérans des Forces armées canadiennes de l’ère moderne et à ceux de leur famille.

En s’appuyant sur des recherches et des consultations, et en tenant compte des demandes des vétérans et des intervenants, le gouvernement a introduit en 2006 la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, aussi connue sous le nom de Nouvelle Charte des anciens combattants. L’objectif global était d’aider tous les vétérans à atteindre un sentiment de bien-être dans les sphères de l’éducation, de l’emploi, des finances et de la santé physique et mentale. Ce principe a conservé toute son importance.

Dans les budgets de 2016 et de 2017, le gouvernement a investi plus de 6 milliards de dollars dans les services et les prestations gérés par Anciens Combattants Canada. Les mesures incluaient notamment une augmentation de l’indemnité d’invalidité à un maximum de 360 000 $, une hausse de l’allocation pour perte de revenus qui est passée de 75 à 90 p. 100 de la solde et la création de l’allocation pour études et formation. Ces nouveaux investissements ont permis au ministère d’apporter d’autres améliorations tout en structurant les prestations et les services pour les harmoniser avec le modèle de bien-être.

En 2018, la Nouvelle Charte des anciens combattants a été officiellement renommée la Loi sur le bien-être des vétérans. Les changements proposés à la partie 4 du projet de loi permettent de tenir la promesse du gouvernement d’offrir une pension à vie en plus de répondre aux préoccupations soulevées par les militaires, les vétérans et leur famille. La nouvelle pension à vie consiste en une combinaison de prestations qui apporte une reconnaissance, un soutien du revenu et une stabilité aux vétérans et aux membres des Forces canadiennes aux prises avec une maladie ou une blessure liée au service. La stabilité financière est perçue comme l’un des nombreux aspects essentiels au bien-être d’un vétéran.

La pension à vie, qui a été annoncée en décembre 2017, inclut trois nouvelles prestations qui reconnaissent et qui indemnisent les vétérans : il s’agit d’un investissement de 3,6 milliards de dollars sur six ans, et l’ensemble des mesures entreront en vigueur le 1er avril 2019. Ces nouvelles prestations compléteront la gamme actuelle de programmes et de services, notamment en matière de gestion de cas, de soutien en santé mentale, de reconnaissance pour aidant et de réadaptation, pour ne nommer que ceux-là.

Premièrement, l’indemnité pour douleur et souffrance est une nouvelle prestation mensuelle non imposable qui reconnaît la douleur et la souffrance subies par un militaire ou un vétéran, qui sont causées par une invalidité à la suite d’une blessure ou d’une maladie liée au service. Elle remplace le paiement forfaitaire de l’indemnité d’invalidité qui a été annoncé en 2006. Elle prend la forme d’un versement mensuel maximal de 1 150 $ par mois tout au long de la vie du militaire ou du vétéran, ou d’un montant forfaitaire qui peut atteindre environ 360 000 $.

Le montant accordé est directement lié à l’ampleur de l’invalidité. Les militaires et les vétérans qui ont reçu l’indemnité d’invalidité pourraient avoir droit à un montant mensuel additionnel. Ce paiement mensuel, qui est versé au militaire ou au vétéran, s’additionne au montant forfaitaire de l’indemnité d’invalidité qui a déjà été reçue. Les calculs seront faits automatiquement pour les personnes qui sont admissibles à ce versement. Le montant individualisé est payable à vie. Il n’est pas nécessaire de réévaluer le degré de l’invalidité du vétéran.

Deuxièmement, l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance est une nouvelle prestation mensuelle non imposable qui offre une reconnaissance additionnelle aux vétérans qui se heurtent à des entraves à la réinsertion dans la vie civile après leur service militaire en raison d’une déficience permanente et grave. En fonction du degré de la déficience du vétéran à la suite de l’invalidité liée au service, le montant mensuel peut être de 500 $, 1 000 $ ou 1 500 $.

Troisièmement, la prestation de remplacement du revenu est un montant mensuel imposable visant à offrir un soutien du revenu aux vétérans aux prises avec des obstacles à la réinsertion dans la vie civile en raison d’un problème de santé découlant principalement du service. La prestation est offerte aux vétérans, aux survivants et aux orphelins, à vie, s’ils en ont besoin.

Les prestations financières actuelles ont chacune leurs propres règles complexes entourant l’admissibilité et l’indemnisation. Dans le cadre d’efforts importants visant à rationaliser et à simplifier les processus, la prestation de remplacement du revenu regroupe six mesures en une seule. La prestation correspond à 90 p. 100 de la solde du vétéran avant sa libération ou à un montant minimal, soit la somme la plus élevée entre les deux options. En 2019, le montant minimal sera de 48 600 $, ce qui correspond à la tranche d’imposition de la classe moyenne. Des déductions s’appliqueront à la somme versée, comme les montants payables en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

Si un vétéran ne peut pas travailler à cause d’une blessure ou d’une maladie liée au service, il recevra cette prestation à vie. Pour les vétérans qui ont une capacité diminuée d’obtenir une rémunération, la prestation de remplacement du revenu reconnaîtra les possibilités d’avancement de carrière perdues avec une augmentation de 1 p. 100 par année, qui s’ajoute à l’indexation annuelle. Ce rajustement s’appliquera à la solde versée avant la libération jusqu’à ce que le vétéran ait atteint l’âge de 60 ans ou jusqu’au moment qui aurait marqué ses 20 ans de service.

De plus, les vétérans qui souhaitent intégrer le marché du travail peuvent gagner jusqu’à 20 000 $ par année en revenus d’emploi avant que soient apportées des réductions à la prestation de remplacement du revenu. Lorsqu’un vétéran célèbre son 65e anniversaire, il reçoit un montant correspondant à 70 p. 100 de sa solde avant libération, avant les déductions. Le survivant ou l’orphelin d’un militaire ou d’un vétéran dont le décès est lié au service peut également recevoir la prestation de remplacement du revenu. Le montant correspond à 70 p. 100 de la solde, ce qui représente une augmentation par rapport au 50 p. 100 offert à ce moment.

De plus, dans les cas de vétérans décédés avant l’âge de 65 ans d’une cause non liée à leur service, les survivants recevront un montant forfaitaire correspondant à 24 fois la somme mensuelle versée au vétéran. Cette mesure représente également un élargissement des critères d’admissibilité actuels.

Les vétérans qui sont admissibles à l’allocation pour perte de revenus, au supplément à l’allocation pour incidence sur la carrière et à l’allocation de sécurité du revenu de retraite ne seront pas perdants avec la prestation de remplacement du revenu avant déductions par rapport à ce à quoi ils avaient droit avant le changement. Par ailleurs, les vétérans qui reçoivent l’allocation pour incidence sur la carrière seront automatiquement admissibles à l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance, selon un montant protégé de la même catégorie.

La partie 4 modifie également la Loi sur les pensions afin d’autoriser le ministre des Anciens Combattants à dispenser, dans certains cas, une personne de l’obligation de présenter une demande de compensation au titre de cette loi, ce qui correspond aux dispositions actuelles de la Loi sur le bien-être des vétérans. Enfin, elle apporte des modifications corrélatives à d’autres lois.

[Français]

En modifiant la Loi sur le bien-être des vétérans et en apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, nous prévoyons que les militaires et anciens combattants des Forces armées canadiennes qui doivent composer avec une maladie ou une blessure liée au service pourront déterminer quelle forme d’indemnisation convient le mieux à leur situation personnelle et familiale. De plus, ces modifications offriront une sécurité financière à vie pour les anciens combattants ayant des problèmes de santé causés après leur service dans les Forces armées canadiennes, ainsi qu’une sécurité financière accrue pour les conjoints survivants et les enfants à charge. Enfin, la loi modifiée offrira une administration et des mesures d’indemnisation rationalisées et simplifiées.

[Traduction]

Je vous remercie encore une fois de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui. Je suis très reconnaissante d’avoir la chance de donner des renseignements additionnels au sujet des modifications pour les vétérans, qui sont incluses dans le projet de loi d’exécution du budget. Je suis heureuse de pouvoir continuer la discussion par l’entremise de vos questions.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie beaucoup, madame McIntyre. Je suis content de vous revoir. Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme d’évaluation d’admissibilité à l’indemnité supplémentaire? Si vous n’êtes pas en mesure de répondre aujourd’hui, quand pourrez-vous nous donner une réponse?

Mme McIntyre : Votre question porte-t-elle sur l’une des trois indemnités supplémentaires liées à la douleur et à la souffrance ou sur les trois ensemble?

Le sénateur Dagenais : Je miserais pour les trois ensemble.

Mme McIntyre : Effectivement, trois indemnités entreront en vigueur le 1er avril 2019, c’est-à-dire l’indemnité supplémentaire pour la douleur et la souffrance, le paiement additionnel pour la douleur et la souffrance et la prestation de remplacement du revenu. Tout d’abord, il y a une transition pour ceux et celles qui reçoivent ces paiements en ce moment. Cela se fera rapidement, de façon invisible. Ceux qui feront une demande à compter du 1er avril 2019, par exemple, pour obtenir une allocation pour la douleur et la souffrance, auront un délai d’attente d’environ 16 semaines. Cependant, à l’heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de respecter ce délai. Cela se fera aussi rapidement que possible à l’intérieur de nos normes de service.

Le sénateur Dagenais : En ce qui concerne l’indemnité pour la déficience permanente et grave, combien d’anciens combattants y sont admissibles?

Mme McIntyre : Il y a actuellement 70 000 anciens combattants qui touchent une indemnité d’invalidité. Nous allons examiner en amont ces bénéficiaires pour voir s’ils ont accès à un paiement additionnel. Cela se fera automatiquement. Dès le 31 mars 2023, environ 90 000 anciens combattants recevront cette indemnité pour compenser la douleur et la souffrance. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Dagenais : Certainement, madame. C’était clair, net et précis. Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Madame McIntyre, je vous remercie de votre témoignage. Il est évident qu’une personne portant le nom de McIntyre inspire confiance.

Madame McIntyre, en étudiant le projet de loi et en écoutant votre témoignage, je comprends que la partie 4 du projet de loi C-74 modifie deux lois : la Loi sur les pensions et la Loi sur le bien-être des vétérans. Les modifications introduisent de nouvelles mesures, comme la prestation de remplacement du revenu, l’indemnité pour douleur et souffrance et l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance. Essentiellement, le projet de loi regroupe certaines prestations actuelles pour en créer de nouvelles.

Cela dit, je crois comprendre que des groupes de vétérans ont critiqué cette approche ou cette proposition de nouvelles prestations. Par exemple, un groupe a affirmé que les vétérans qui reçoivent en ce moment l’indemnité d’invalidité pourraient voir leur versement mensuel à vie réduit à cause de l’évaluation rétroactive. Est-ce le cas?

Mme McIntyre : Merci beaucoup pour votre question. D’abord, vous avez raison, trois nouvelles prestations sont mises en place, et vous les avez nommées. La prestation de remplacement du revenu regroupe six mesures en une seule. Nous remplaçons donc l’allocation pour perte de revenus, l’allocation pour perte de revenus prolongée, l’allocation de sécurité du revenu de retraite, la prestation de retraite supplémentaire, l’allocation pour incidence sur la carrière et son supplément.

Le projet de loi vise bel et bien à simplifier et à regrouper les prestations. Comme je l’ai dit plus tôt, et comme vous l’avez remarqué dans le cadre de votre examen du projet de loi, des dispositions transitoires sont prévues pour garantir, en particulier en ce qui concerne la prestation de remplacement du revenu, qu’aucun bénéficiaire actuel ne reçoive un montant inférieur à la suite des modifications. Si une personne reçoit l’allocation pour perte de revenus, l’allocation de sécurité du revenu de retraite ou la prestation supplémentaire, elle profitera d’un montant protégé pour l’avenir. Pour ceux qui reçoivent l’allocation pour incidence sur la carrière, ils passeront automatiquement à l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance, selon un montant protégé de la même catégorie.

Pour répondre à votre question, monsieur le sénateur, au sujet du montant supplémentaire par mois, vous avez encore une fois raison. Comme je l’ai dit à votre collègue, environ 70 000 personnes ont reçu une indemnité d’invalidité d’Anciens Combattants Canada.

Pour ces personnes, nous étudierons leur cas de façon proactive, et le processus se déroulera sans que les vétérans en subissent le contrecoup. Nous comparerons trois éléments. Nous tiendrons compte du montant forfaitaire qu’elles auront déjà reçu. Par exemple, si elles ont reçu le montant maximum depuis 2006, la somme atteindra environ 360 000 $.

Nous allons ensuite déterminer ce qu’elles auraient reçu si le montant mensuel avait été en place depuis 2006, dans l’exemple que j’ai donné. Une incapacité totale donne droit à un montant maximum de 360 000 $. Nous examinerons l’écart entre les deux montants, s’il y a lieu. Dans certains cas, il n’y aura pas de somme due au vétéran. S’il y a un écart, un montant dû, nous appliquerons un facteur d’actualisation d’une rente viagère. Un tel facteur est un outil actuariel constant qui est utilisé par les sociétés d’assurances et de régimes de retraite.

Cela dit, notre site web présente un scénario pratique qui décrit comment la prestation mensuelle supplémentaire sera calculée. Dans l’exemple que j’ai donné, où l’incapacité est de 100 p. 100, la personne serait admissible à un montant additionnel de 880 $ par mois à vie.

Le sénateur McIntyre : À votre avis, existe-t-il un écart important entre la compensation financière prévue dans la Loi sur les pensions et celle offerte dans la Nouvelle Charte des anciens combattants et les mesures incluses dans le budget?

Mme McIntyre : Je vous remercie, encore une fois, de votre question. Je reconnais que cet enjeu est revenu régulièrement dans nos échanges avec les organismes d’intervenants.

Nous avons étudié un grand nombre de scénarios pour déterminer les répercussions dans l’avenir parce qu’il ne faut pas oublier, comme je l’ai dit, que les bénéficiaires actuels ne doivent pas recevoir un montant inférieur à compter du 1er avril 2019.

En ce qui concerne la Loi sur les pensions, comme je l’ai mentionné dans mes remarques préliminaires, cette loi s’appuie sur des mesures financières très précises. Elle n’offre rien pour la réadaptation et la formation. Elle ne prévoyait pas la nouvelle allocation pour études et formation ou l’allocation de reconnaissance pour aidant. Elle se concentre uniquement sur le versement d’une somme aux vétérans. Cette approche répondait aux besoins de l’époque lorsque les personnes revenaient de la guerre.

Je vais vous présenter deux scénarios. Ils sont accessibles sur notre site web. Ce sont des exemples; nous n’avons pas utilisé de cas réels pour appliquer ces conditions. Nous voulions donner des exemples de retombées pour les vétérans.

Nous avons étudié le cas d’une ancienne combattante âgée de 25 ans : c’est une femme dans le scénario sur le site web. Célibataire, elle est atteinte d’une invalidité évaluée à 100 p. 100. Dans cet exemple, nous dirons qu’elle a servi cinq ans, qu’elle a subi des amputations et qu’elle en est venue à souffrir de l’état de stress post-traumatique. Cette personne recevrait, selon le nouveau régime à compter du 1er avril 2019, 3,9 millions de dollars après impôt au cours de sa vie. Elle serait admissible au montant maximum de l’indemnité pour douleur et souffrance, de l’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance et de la prestation de remplacement du revenu à vie parce qu’elle ferait face à des obstacles à sa réintégration. Ensuite, bien sûr, elle aurait aussi droit aux services d’un gestionnaire de cas, à des avantages médicaux et au programme de services de réadaptation et d’assistance professionnelle.

Comparons ces résultats à ceux de la Loi sur les pensions. Selon le taux pour célibataire, elle aurait eu droit à 3,6 millions de dollars.

Je reconnais toutefois que la majorité des vétérans ne sont pas atteints d’une invalidité totale. Passons au deuxième scénario. Prenons le cas d’un homme dont l’invalidité a été évaluée à 20 p. 100. Il a subi une légère blessure au genou, ce qui ne représente pas un obstacle à sa réintégration. Retraité après 20 ans de service, l’homme de 55 ans estime être en bonne forme physique et mentale. Sous le nouveau régime à partir du 1er avril 2019, il serait admissible à un montant total d’environ 73 000 $ à vie, non imposable, ce qui représente environ 220 $ par mois. Il aurait également droit aux services d’un gestionnaire de cas et de réadaptation, s’il en a besoin dans l’avenir en raison de sa blessure qui s’aggrave. Par ailleurs, il serait aussi admissible à une allocation pour études et formation de 80 000 $.

Si on compare, encore une fois, avec la Loi sur les pensions, la personne aurait reçu un montant plus élevé. En fonction du taux pour célibataire, elle aurait eu droit à environ 180 000 $ au cours de sa vie parce que cette loi est axée sur l’aspect financier seulement. Les autres avantages que j’ai décrits ne sont pas inclus. Ils lui auraient été offerts selon la Nouvelle Charte des anciens combattants.

Le sénateur Brazeau : Merci de votre témoignage, madame McIntyre. Avant la présentation du projet de loi, des consultations ont-elles été menées auprès des vétérans, ce qui aurait permis d’établir une partie des changements proposés?

Mme McIntyre : Merci beaucoup pour la question. Je suis heureuse d’y répondre parce que les intervenants et les groupes de vétérans sont évidemment essentiels à ce que nous faisons. Je répondrai que nous avons effectivement mené des consultations et favorisé la mobilisation de façon proactive. Je vais vous en donner quelques exemples.

Nous disposons de six groupes consultatifs ministériels. Ils se penchent sur des sujets précis. Ils relèvent directement du ministre. Par exemple, il y a des groupes consultatifs sur les politiques, sur l’excellence du service et sur la santé mentale, pour ne vous en donner que trois exemples.

Ils ont tous le mandat — selon, encore une fois, l’aspect qu’ils étudient — de nous indiquer la meilleure voie à suivre pour les vétérans et leur famille dans l’avenir. Ils ont présenté leurs conclusions en octobre 2016, si je ne me trompe pas, lors d’un sommet des vétérans, devant tous leurs pairs et collègues. Toute l’information a bien sûr été prise en compte, tout comme l’ont été les conversations individuelles que nous avons eues avec des intervenants au cours des mois précédant l’annonce et le mémoire à l’intention du Cabinet, qui ont été présentés l’automne dernier.

Le sénateur Brazeau : Maintenant que nous savons quelles sont les modifications que le gouvernement du Canada veut proposer, comment qualifierez-vous le sentiment général parmi les vétérans? Les nouvelles mesures font-elles consensus?

Mme McIntyre : Je vous remercie encore une fois pour la question. Mes collègues des communications et moi sommes en train d’extraire, si je peux m’exprimer ainsi, les données et les réactions dans les médias sociaux, par exemple. J’ai constaté que la majeure partie des commentaires sont neutres, ce qui, dans notre domaine, est considéré comme positif. Comme vous le savez, nous sommes souvent la cible de critiques.

Cela dit, les modifications feront-elles l’unanimité? Bien sûr que non. Comme il a été soulevé, l’application de cette approche repose sur l’idée que chaque vétéran est unique, et que nous devons offrir de l’aide aux moments opportuns et aux personnes qui en ont besoin. La sécurité financière n’est évidemment qu’un aspect de la question. Il y a des anciens combattants, comme l’exemple que j’ai donné de l’homme blessé au genou ayant une invalidité de 20 p. 100, qui peuvent très bien travailler, alors que c’est impossible pour d’autres. Il s’agit donc d’adopter ce point de vue.

Le sénateur Oh : Merci de votre participation, madame McIntyre. Voici ma question : pourquoi les vétérans libérés pour raisons médicales non liées à leur service seraient-ils exclus de la nouvelle prestation de remplacement du revenu qui prendrait effet le 1er avril 2019 selon les changements proposés?

Mme McIntyre : Merci beaucoup de votre question, qui est très pertinente. Elle est liée au Programme de services de réadaptation et d’assistance professionnelle.

En ce moment, nous disposons de ce que nous appelons une voie d’accès de la libération pour raisons médicales. Ces militaires libérés pour des raisons médicales, comme vous l’avez souligné, monsieur, peuvent l’être pour des causes non liées au service. À compter du 1er avril 2019, nous fermerons cette voie d’accès. Toutefois, en somme, nous mettrons fin aux allocations de réadaptation, d’assistance professionnelle et de remplacement du revenu pour ceux qui sont libérés pour raisons médicales non liées à leur service. Une voie d’accès temporaire de cinq ans sera créée, d’avril 2019 à avril 2024, pour permettre aux vétérans libérés pour raisons médicales non liées à leur service de recevoir des soins de réadaptation psychosociale ou médicale d’Anciens Combattants Canada. Il y aura une voie d’accès temporaire pour ces deux services. La réadaptation professionnelle et le soutien au revenu seraient fournis par l’entremise du programme d’invalidité de longue durée des Forces canadiennes.

En gros, sur quatre, deux continueront de relever d’Anciens Combattants Canada pendant cette période de cinq ans. À l’heure actuelle, deux sont fournis dans le cadre du régime d’invalidité de longue durée des Forces armées canadiennes et c’est vers celui-ci que ces personnes devraient se tourner. Pendant cette période de cinq ans, nous allons nous employer, en collaboration avec nos collègues des Forces armées canadiennes, à assurer une transition sans heurts ainsi qu’à en arriver à la solution optimale à adopter pour ce groupe de vétérans.

Je tiens en outre à souligner, monsieur, que les personnes qui touchent toutes les prestations à l’heure actuelle continueraient de les recevoir après le 1er avril 2019.

Le sénateur Oh : Combien de vétérans libérés pour raisons médicales non liées à leur service touchent actuellement l’allocation pour perte de revenus? En avez-vous une idée?

Mme McIntyre : Je vous remercie de cette question. Malheureusement, je ne le sais pas. Nous pouvons certainement vérifier. À ma connaissance, ce chiffre n’est pas nécessairement facile à obtenir. Naturellement, les vétérans libérés pour raisons médicales sont admissibles à notre programme. Nous allons devoir vérifier si nous pouvons ventiler ce chiffre afin de déterminer le nombre de vétérans libérés pour une raison non liée à leur service par opposition à ceux qui l’ont été pour une raison liée à leur service. Je vais devoir vous revenir sur ce point.

La sénatrice McPhedran : Merci, madame McIntyre. Ma question se situe dans le prolongement de celle du sénateur McIntyre, à laquelle vous avez répondu qu’il s’agissait d’une des protections prévues pour les prestataires actuels.

Quels sont les chiffres à plus long terme pour les groupes de prestataires à venir et après votre période de transition? Dans l’ensemble, la nouvelle formule sera-t-elle aussi ou plus avantageuse que ne l’aurait été l’ensemble précédent de mesures financières? Autrement dit, globalement, prévoyons-nous ou non des avantages financiers supérieurs plus tard, après l’étape de la transition?

Mme McIntyre : Merci beaucoup de cette question. Je suis heureuse de voir qu’il est bien clair qu’il n’y aura pas de répercussions pour les personnes qui vont faire la transition. Par la suite, c’est-à-dire à partir du 1er avril 2019, un nouveau programme sera en place, toujours aux termes de la Loi sur le bien-être des vétérans, et permettra d’accroître la sécurité financière de ceux qui en ont besoin.

Globalement, il s’agit d’un ensemble de prestations, de services et de programmes — un ensemble qui vise le bien-être des anciens combattants et de leur famille. D’un point de vue global, cet ensemble n’est certainement pas inférieur à ce qu’une personne reçoit à l’heure actuelle.

Ainsi, l’allocation pour études et formation pouvant atteindre 80 000 $ est une mesure que le gouvernement a instaurée récemment. Le montant de la prestation de remplacement du revenu resterait le même, soit 90 p. 100 du revenu que gagnait le vétéran avant sa libération. L’indemnité supplémentaire pour douleur et souffrance est un avantage non imposable; ce montant serait donc, lui aussi, plus élevé.

Pour répondre à votre question, globalement, cet ensemble de prestations est certainement plus généreux à long terme.

La sénatrice McPhedran : Je me permets de souligner que je trouve votre emploi du mot « neutre » pour décrire les réactions à la formule proposée assez intéressant. Comment est-ce possible? Combien de groupes de défense des intérêts des vétérans ont été consultés? Cela me semble tout à fait inhabituel que de tels groupes soient neutres.

Mme McIntyre : Merci beaucoup de votre question. Quand j’ai utilisé le terme « neutre », je faisais allusion aux résultats des activités d’exploration de données de notre équipe des communications dans les médias sociaux, c’est-à-dire dans les commentaires sur Facebook et les gazouillis sur Twitter. En gros, l’équipe regarde les commentaires et les différents symboles qui sont utilisés et elle peut déterminer la nature générale de la rétroaction. Dans ce cas-ci, dans l’ensemble, elle est neutre.

Pour ce qui est de demander directement l’opinion des organismes d’intervenants, ce n’est pas une démarche que nous avons faite. Nous avons travaillé avec des groupes consultatifs, comme je l’ai mentionné à votre collègue le sénateur Brazeau, et ils ont bel et bien formulé des commentaires. Encore une fois, je pense que c’est différent dans chaque cas.

Je tiens à répéter que, à mon avis, nous aurons là un bon ensemble de mesures, mais, encore une fois, chaque situation est différente.

La sénatrice McPhedran : J’aurais une dernière petite question à ce sujet, s’il vous plaît. Elle porte sur les personnes qui vous ont donné leur opinion, y compris les groupes consultatifs. Parmi les personnes consultées, combien se sont montrées clairement en faveur de ces changements?

Mme McIntyre : Merci beaucoup. Nous n’avons pas posé explicitement ce genre de question. Nous avons certainement tenu compte de toute l’information recueillie, mais nous n’avons pas demandé l’avis de chacun des membres du groupe consultatif. Je pense que cela répond à votre question, sénatrice.

La sénatrice McPhedran : Oui.

Mme McIntyre : Cela dit, nous savons, grâce à nos sondages sur la satisfaction de la clientèle, ce que les gens pensent à l’heure actuelle. Ce sera certainement un élément qui sera ajouté à nos sondages plus tard.

La sénatrice McPhedran : Merci.

La sénatrice Griffin : Je viens de l’Île-du-Prince-Édouard, où les familles sont souvent nombreuses, du moins c’était comme cela dans mon temps. Je viens d’une famille de huit enfants. En comparant les prestations actuelles avec les anciennes, je constate qu’on ne tient pas compte du nombre de personnes que compte la famille. Je me demande quelle est la logique derrière cette façon de faire. Une personne sans enfant toucherait-elle la même prestation qu’une personne ayant huit enfants?

Mme McIntyre : Merci beaucoup de cette question, sénatrice. Vous faites allusion à la Loi sur les pensions, qui prévoit un taux pour les célibataires, un taux pour les personnes mariées et un taux fondé sur le nombre de personnes à charge. Je pense qu’il ne faut pas oublier que la Loi sur les pensions ne comprenait qu’une mesure financière, un montant versé aux vétérans, encore une fois, selon certains de ces critères. Elle prévoyait aussi d’autres montants, comme l’allocation d’incapacité exceptionnelle et l’allocation pour soins.

Lorsqu’elle est entrée en vigueur, la Nouvelle Charte des anciens combattants reposait sur un principe différent. Elle était fondée sur le principe de la réadaptation, la transition de la personne à la vie civile, qui serait différente pour chacun. Mis à part les paiements directs — par exemple, l’indemnité pour souffrance et douleur et l’indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur —, il n’y a qu’un seul taux, peu importe la situation familiale.

La Nouvelle Charte des anciens combattants renferme cependant des dispositions visant les conjoints, les enfants, les personnes à charge et les orphelins, selon la situation, pour des choses telles que la réadaptation professionnelle. Si la réadaptation professionnelle n’est pas possible pour un ancien combattant, son conjoint peut se prévaloir des services. Cette mesure est beaucoup plus généreuse que le simple paiement qui était prévu par la Loi sur les pensions.

Nous avons également l’allocation de reconnaissance pour aidant, en place depuis le 1er avril dernier. Il s’agit d’un montant de 1 000 $ par mois versé à l’aidant, qui, la plupart du temps, est le conjoint, mais pourrait aussi être un enfant de plus de 18 ans. C’est aussi un avantage en plus. Les services de réorientation professionnelle sont également offerts aux conjoints; c’est un mécanisme de transition qui vise à les aider.

Voilà quelques exemples pour montrer que les mesures sont plus larges que le simple versement d’un montant d’argent et qu’un bon nombre de programmes et de services englobent bel et bien les familles.

La sénatrice Griffin : Merci. J’ai une autre question. Elle porte sur un sujet différent, mais, je suppose que, en fin de compte, je veux voir si vous êtes au courant. Le crédit d’impôt pour les chiens d’assistance semble avoir été annulé étant donné que l’Agence du revenu du Canada ne reconnaît pas les chiens d’assistance à l’heure actuelle. Je me demande si vous êtes au courant du problème et comment on justifie la situation.

Mme McIntyre : Merci beaucoup de votre question. Je connais le dossier. Je peux vous dire qu’ici, à Anciens Combattants Canada, nous sommes en train de faire des recherches sur l’efficacité des chiens d’assistance. Nous avons des résultats préliminaires et nous espérons avoir d’autres résultats cet été.

Je suis au courant des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui feraient en sorte que certaines dépenses engagées pour un chien d’assistance psychiatrique seraient admissibles au titre du crédit d’impôt pour frais médicaux. Je crois comprendre qu’elles vont entrer en vigueur pour l’année fiscale en cours. Pour le reste, je ne sais pas si leur mise en œuvre comporte des particularités ou des difficultés quelconques.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D’abord, je tiens à m’excuser de mon retard, j’étais avec un groupe de victimes. Je tenterai de reprendre un peu le temps perdu.

Ma première question s’adresse à Mme McIntyre. Vous avez parlé d’un certain nombre d’anciens combattants qui pourraient bénéficier des nouvelles prestations. Avez-vous un pourcentage plutôt qu’un nombre? Un nombre, c’est toujours relatif, alors qu’un pourcentage nous donne une bonne idée de ce qui serait admissible.

Mme McIntyre : Je vous remercie de votre question. Il me faudrait plusieurs minutes pour faire le calcul mathématique dans ma tête. Si vous me le permettez, je vous reviendrai avec ce pourcentage.

Le sénateur Boisvenu : Absolument.

J’ai une autre question en complément à celle de la sénatrice McPhedran. Les anciens combattants ont-ils été consultés au sujet des nouvelles mesures qui seront mises en place? Parce qu’on sait que, au cours des derniers mois, les anciens combattants ont critiqué sévèrement le gouvernement fédéral. Plusieurs ont fait les manchettes en raison de poursuites devant les tribunaux. Aussi, quel est le degré d’adhésion en ce qui concerne les nouvelles mesures?

Mme McIntyre : Je vous remercie de votre question. Je dirais qu’il y a eu des consultations, non seulement au sein des six comités ministériels qui traitent de différents thèmes, mais aussi avec des intervenants clés.

Le sénateur Boisvenu : Je vous parle des anciens combattants, de ceux qui vont bénéficier du service. Je ne parle pas des administrateurs ou des politiciens. Ceux qui sont dans une espèce de tourmente légale depuis des années dans le but d’être respectés ont-ils été consultés? Et quel est leur niveau d’adhésion à ce programme ou à ces nouvelles mesures?

Mme McIntyre : Je vous remercie de la clarification. J’aurais dû préciser que les membres qui siègent au comité consultatif ministériel sont des anciens combattants. Je ne peux pas en dire plus sur la procédure légale, mais je peux confirmer que les membres qui siègent à ces comités sont des anciens combattants qui ont accès aux services et qui continueront d’y avoir accès, de même que des membres des familles.

En ce qui concerne le niveau d’adhésion, je crois qu’il s’agit d’une perspective personnelle et individuelle. On a fait des pas en avant pour répondre aux critiques et pour assurer une stabilité financière à vie avec des options, selon les situations de chacun, en versant des paiements mensuels ou un paiement forfaitaire. Pour ce qui est du niveau d’adhésion, vous pouvez aussi poser la question aux membres de la communauté des anciens combattants.

Le sénateur Boisvenu : Les membres du comité dont vous parlez, ce sont des gens qui sont nommés par le gouvernement. N’est-ce pas?

Mme McIntyre : Ils sont choisis par le ministre lui-même.

Le sénateur Boisvenu : Parmi ceux-ci, y a-t-il un pourcentage élevé d’anciens combattants handicapés?

Mme McIntyre : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Quel est le pourcentage des membres qui ont un handicap permanent?

Mme McIntyre : Je ne peux pas vous le dire de mémoire, mais nous pouvons certainement vous fournir la liste des membres. Cette information est disponible sur notre site web. Je pourrais le vérifier au moyen de la Loi sur l’accès à l’information et vous fournir un chiffre. Nous pouvons certainement vous fournir les noms des membres des comités, parce que cette information figure sur notre site web public.

Le sénateur Boisvenu : Si je comprends bien, les anciens combattants qui vivent loin d’Ottawa, ceux qui sont de l’Ouest canadien, des Maritimes ou d’ailleurs au pays, n’ont pas pu participer à une consultation qui leur aurait permis de savoir si le programme, qui est en œuvre depuis des décennies, répond à leurs attentes.

Mme McIntyre : Des gens du Québec, de l’Atlantique et de la Colombie-Britannique sont membres de ces comités ministériels. Cela dépend de ce que vous entendez par « consultation directe ». Il est sûr qu’ils ont été consultés et engagés...

Le sénateur Boisvenu : Cependant, si je comprends bien, il n’y a pas eu de consultation directe. J’exclus les membres du comité. Je ne veux pas leur enlever quelque crédit que ce soit, mais, souvent, la réalité des gens qui siègent à ces comités peut différer de celle des gens sur le terrain. Je comprends qu’il n’y a pas eu de consultation auprès des anciens combattants.

Vous avez dit que le programme serait plus généreux à long terme. Lorsqu’un gouvernement ou un ministère parle de générosité à long terme, ça m’effraie, parce que ça signifie qu’il est moins généreux à court terme. Comment ce programme sera-t-il généreux à court terme, à moyen terme et à long terme? Pas seulement dans une perspective de quatre ou cinq ans, mais à court terme, comment ces gens pourront-ils bénéficier de ce programme?

Mme McIntyre : Merci de la question. Le programme sera plus généreux. Il faut regarder non seulement le côté financier, mais aussi les services et les avantages. Il faut regarder le tout dans son ensemble. Chaque ancien combattant a des besoins différents auprès d’Anciens Combattants Canada. Parmi les mesures, on retrouve le programme d’allocation pour l’éducation, le paiement additionnel pour la souffrance et la douleur ainsi que le paiement pour les soins dentaires, qui a commencé en avril. Nous apporterons aussi des changements au programme de réadaptation pour les survivants. Voilà des exemples. Il est important d’examiner le tout dans son ensemble et pas seulement le côté financier.

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Richards : Merci d’être avec nous aujourd’hui, madame McIntyre. Par souci de transparence, permettez-moi de mentionner que je suis marié à une McIntyre. Tout change constamment. Je me demande sur quoi on se fonde pour déterminer qui bénéficiera de quelles mesures. Ces ensembles de mesures d’indemnisation peuvent-ils changer au fil du temps d’une personne à l’autre? Comment la décision est-elle prise? Y a-t-il un processus établi au sein du ministère? Ces choses sont-elles évaluées couramment dans l’armée pour des raisons médicales? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme McIntyre : Merci de ces questions. Nous proposons d’instaurer trois nouvelles prestations à compter du 1er avril 2019, dont deux sont liées à la douleur et à la souffrance. Dans le cas de l’indemnité pour souffrance et douleur et de l’indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur, le montant est fondé sur le degré d’invalidité découlant d’une invalidité, d’une blessure ou d’une maladie attribuable au service. Le montant maximal pour une invalidité dont le degré est évalué à 100 p. 100 est de 360 000 $ ou 1 150 $ par mois.

La page 542 du projet de loi renferme un tableau dans lequel figurent les taux d’indemnité et les montants selon le degré d’invalidité. C’est le montant versé. Il ne diminuera jamais. Une personne pourrait demander à ce que son cas soit réévalué. Naturellement, une demande de réévaluation du montant de l’indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur comporte le risque que le degré d’invalidité baisse. Habituellement, ce n’est pas une chose que nous faisons de manière proactive. Cela est donc, si on veut, stable.

Du côté du remplacement du revenu, qui est de 90 p. 100 du revenu gagné avant la libération, il y a des critères d’admissibilité. La personne qui ne présente pas d’entrave à la réinsertion dans la vie civile — c’est-à-dire qui peut occuper un emploi —, n’est pas admissible à ce montant. Elle ne sera peut-être pas admissible à la réadaptation professionnelle. Cet élément est lui aussi évalué couramment. C’est vraiment une question d’entraves à la réinsertion dans le monde du travail. J’espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Richards : Oui, en partie. Ce qui me préoccupe est ceci : une personne revient d’une mission au Mali, par exemple, et elle va bien pendant un an ou deux, ou semble bien aller. Sa situation est évaluée en conséquence. Tout à coup, les choses changent et elle commence à aller moins bien. On prendrait cette situation très au sérieux, oui? Son cas pourrait être réévalué? C’est ce que je voulais savoir.

Mme McIntyre : Oui. C’est un détail très important. La personne peut revenir n’importe quand parce que son état s’est aggravé, et cetera. Merci d’avoir apporté cette précision.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

La présidente : Une dernière question, sénateur Dagenais, vous avez la parole.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dans votre présentation, si j’ai bien compris, il peut être question du réexamen des dossiers des prestataires actuels. Il n’est pas impossible que certains voient leur indemnité réduite plutôt qu’augmentée. Comment allez-vous traiter ce genre de situation? On peut imaginer les problèmes qu’une réévaluation de prestations à la baisse pourrait occasionner à une famille.

Mme McIntyre : Merci de votre question, sénateur. Il n’y aura pas de réévaluation des prestations actuelles. On ne réduira pas les prestations. Il y aura une protection financière pour la perte de revenu. Quant à la douleur et à la souffrance, dépendamment du pourcentage d’invalidité du prestataire, il pourrait y avoir un paiement additionnel, mais on ne récupérera pas les sommes déjà versées. Et ceux qui bénéficient des services de perte de revenu ne verront pas leurs prestations réduites. Il y aura une protection à l’avenir.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame McIntyre.

[Traduction]

La présidente : Madame McIntyre, nous tenons à vous remercier encore une fois d’avoir comparu. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir répondu à nos questions.

Notre deuxième témoin aujourd’hui, que nous accueillons avec plaisir, est M. Brian McKenna, du groupe Equitas Society. Nous allons entendre votre déclaration préliminaire, puis nous vous poserons des questions.

Brian McKenna, directeur, Equitas Society : Je vous remercie de me donner cette occasion de témoigner au nom d’Equitas Society. Je m’appelle Brian McKenna. Je suis un vétéran à la retraite et un membre du conseil d’Equitas. Cet organisme a été créé dans le but de fournir un mécanisme pour aider les vétérans blessés après l’adoption de la Nouvelle Charte des anciens combattants à obtenir une indemnisation comparable — ou la parité — à ce qui était prévu par la Loi sur les pensions. À lui seul, cet énoncé indique que la pension à vie est bien loin d’être à la hauteur. Elle n’assure pas la parité. Le ministre a lui-même dit que l’équité et la parité n’étaient pas ses objectifs.

Je ne vais pas prendre le temps de passer en revue de façon détaillée un document législatif qui n’a jamais eu pour objet de respecter une obligation politique pour commencer. Je vais soulever quelques points qui, à mon avis, constituent les problèmes les plus flagrants et qui, je le pense, pourraient faire l’objet de modifications législatives.

Je vais présenter des idées sur lesquelles vous pourriez agir en recommandant des amendements. Je n’irai pas par quatre chemins; ce ne sont pas des solutions. S’il s’agissait de solutions, je vous dirais simplement de lire la recommandation du propre groupe consultatif sur les politiques du ministre, qui lui a expressément conseillé de ne pas emprunter cette voie, qui consiste essentiellement à répartir un montant insuffisant et inéquitable sur un certain nombre d’années. Je vous demanderais également de lire la recommandation du groupe quant à ce qui devrait être fait, soit combiner les aspects valables des programmes de réadaptation et les points forts du régime d’indemnisation de la Loi sur les pensions.

La première lacune, et la plus flagrante, touche une des idées que le gouvernement répète le plus souvent dans le dossier des vétérans, à savoir que les familles sont importantes, que les conjoints sont importants, que les enfants sont importants. Le montant pour conjoint ajouté aux termes de la Loi sur les pensions pour les personnes admissibles, même celles qui bénéficient du régime prévu par cette loi en 2018, est de 698 $. Selon la Nouvelle Charte des anciens combattants, ce montant se chiffre à zéro. L’an prochain, dans le cadre de la pension à vie, le montant est de zéro. Il n’existe pas.

Le régime de la Loi sur les pensions prévoit un montant de 363 $ pour le premier enfant d’un vétéran blessé. La Nouvelle Charte des anciens combattants ne prévoit aucun montant, pas plus que la pension à vie. Selon le régime de la Loi sur les pensions, le montant pour un deuxième enfant était de 265 $. Encore une fois, ce montant disparaît avec la Nouvelle Charte des anciens combattants et la pension à vie. Un montant supplémentaire de 209 $ était prévu pour chaque enfant de plus. Naturellement, il disparaît avec la Nouvelle Charte et la pension à vie. Les prestations pour la famille, les montants pour les conjoints et les montants pour les autres enfants, pour les enfants en général, ne sont pas là.

Je vais donner l’impression de changer de sujet, mais je parle toujours de ce qui ne change pas avec la pension à vie. Qu’arrivera-t-il si, aujourd’hui, quelqu’un fait une chute grave ici? Si c’était l’un de vous, un député, un membre du service de protection ou n’importe quel fonctionnaire au pays, la personne perdrait-elle la pension qu’elle a payée pendant toute sa carrière si elle touchait une prestation parce qu’elle s’est blessé le genou ou s’est cassé la hanche? Perdriez-vous la vôtre? Un employé de Pêches et Océans perdrait-il la pension à laquelle il contribue depuis le premier jour de son emploi, la verrait-il diminuer d’un dollar pour chaque dollar qui lui est versé en prestations? C’est ce qui arrive à l’heure actuelle à tous ceux qui touchent l’allocation pour perte de revenus d’Anciens Combattants Canada et rien ne change avec la pension à vie. Le vétéran perd tout l’argent qu’il a mis dans son régime de pension, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Depuis que j’ai touché l’allocation pour perte de revenus, chaque dollar de la pension que j’ai payée pendant que je servais dans l’armée m’est repris. Il en restera ainsi lorsque ces nouvelles mesures entreront en vigueur l’an prochain.

Certaines personnes demandent pourquoi on ne retourne pas à la Loi sur les pensions de 1919. Ils brandissent l’année 1919 presque comme une insulte. Nous avons fait de nombreuses choses remarquables autour de 1919. Bon nombre de choses extraordinaires ont été réalisées dans ce pays avant cela. Il y a une raison pour laquelle le ministère ne veut pas revenir au régime de la loi de 1919 : c’est parce que ce régime serait plus avantageux pour nous, les anciens combattants.

Aujourd’hui, malgré les problèmes physiques dont souffrent les vétérans, on continue de les envoyer dans le système provincial. Ceux qui ont des problèmes de santé mentale sont encore transférés au système provincial. Ceux qui ont des problèmes de toxicomanie sont toujours envoyés dans les mêmes centres de désintoxication qui n’ont pas de programme de traitement adapté à la source du problème, qui, comme on le sait, est causé par les traumatismes. Cela ne va pas changer l’an prochain.

Ce sont là les soi-disant programmes de réadaptation. Le fait est qu’il n’y aura pas vraiment de nouveaux programmes de réadaptation. Il n’y a rien de plus que ce qu’on fait déjà pour tout le monde, c’est-à-dire transférer les gens au système provincial. Or, on nous dit que, dans le cadre de la Nouvelle Charte des anciens combattants, nous allons essentiellement devoir payer pour ces nouveaux programmes; nous allons perdre notre pension pour ces programmes.

Si le gouvernement s’est aperçu en 2005 que nous n’avions pas de programmes de réadaptation, il aurait dû en concevoir et envoyer le projet de loi au ministère des Finances. La mesure législative proposée à l’heure actuelle ne règle rien de tout cela. Elle renvoie plutôt à des nouveaux programmes et à de nouvelles installations qui n’existent pas et envoie la facture aux vétérans visés par la Nouvelle Charte des anciens combattants. C’est ce qu’on fait encore une fois. C’est ce qu’on fait ici, maintenant.

Certains vétérans vont recevoir une petite augmentation l’an prochain dans le cadre de la pension à vie et ce seront les militaires les plus gravement blessés après 2019 qui devront payer la facture avec la disparition du supplément à l’allocation pour incidence sur la carrière.

Je tiens à être très clair à ce sujet. C’est ce qu’on nous a dit. On nous a dit que nous devions financer ces programmes de réadaptation. Où sont-ils? Il faut savoir que, au cours de la dernière décennie, le ministère s’est systématiquement déchargé des soins de santé. L’hôpital Sainte-Anne est le dernier hôpital dont il s’est départi.

Il laisse peut-être entendre qu’il bonifie les soins de santé, mais, en réalité, il s’est graduellement déchargé de ces soins et en a simplement transféré la responsabilité aux ministères de la Santé provinciaux. Pourtant, nous avons dû les payer en y laissant notre pension.

Avant de conclure, j’aimerais apporter quelques précisions. Si rien d’autre ne s’améliore, nous pouvons au moins parler franchement. La grande majorité des anciens combattants, soit presque 88 p. 100, ne toucheront pas les prestations dont le ministère parle constamment. On nous indique dans la mesure législative que six prestations ont été combinées en une seule pour simplifier les choses pour le vétéran. Ce qu’on ne nous dit pas, c’est que la plupart des vétérans n’y sont pas admissibles. On aime aussi laisser entendre que c’est pour la vie. En réalité, le programme est conçu de telle sorte que le montant n’est pas versé pendant toute la vie. La plupart des anciens combattants n’y ont pas droit, point. Ceux qui y sont admissibles, ne reçoivent les fonds que pendant les années où ils prennent part au programme de réadaptation professionnelle comme tel. Ce n’est pas une prestation à vie. Pourtant, les chiffres mis en avant, et qui figurent même dans les documents qui ont été envoyés à tous les anciens combattants, laissent entendre que c’est le cas.

On parle d’une nouvelle indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur. On omet de dire que c’est l’allocation pour incidence sur la carrière de l’année dernière présentée sous un nouveau nom, qui, elle-même, correspondait à l’allocation pour déficience permanente de l’année précédente. De plus, comme je l’ai mentionné, le supplément disparaît entièrement l’année suivante.

Les anciens combattants modérément blessés sont ceux qui forment le plus grand groupe d’anciens combattants aux termes de la nouvelle charte, c’est-à-dire ceux que le ministère s’attend à voir travailler tous les jours en dépit de la douleur. Certains d’entre eux toucheront une petite prestation tous les mois, et s’il reste de l’argent après avoir divisé la somme forfaitaire sur le nombre d’années potentielles de vie — parce que c’est exactement ce que fait le projet de loi, c’est-à-dire répartir cette somme — ils recevront peut-être un petit dédommagement. Or, je tiens à préciser que nous avons déjà eu cette option de prendre la somme forfaitaire et de la diviser. Nous n’avions pas besoin du ministère pour faire le calcul. Ce dont nous avions besoin, c’est la pension qu’on avait promis de rétablir. Nous avions confiance et nous avons patienté. Le nouveau document ne livre pas la marchandise.

Comme nous l’avons dit à vos homologues dans l’autre Chambre, nous n’allons pas disparaître du jour au lendemain. Si jamais nous réussissons à obtenir une indemnisation pour blessures qui soit équitable pour tous, nous aurons encore une fois besoin de vous, les législateurs de notre pays. Nous aurons besoin de votre aide pour opérer ce changement et l’entériner dans la loi. Il faut que ce soit ainsi.

Le gouvernement devrait s’acquitter de ses obligations envers les anciens combattants avec honneur, compassion et respect, mais à mon sens, ce n’est pas ce qu’il fait. Il faudra recourir à la loi pour y arriver, et non pas à une politique ministérielle qui peut changer à tout moment à l’abri du regard du public. Toutefois, cela n’est pas au programme du jour. Ce que vous pouvez faire aujourd’hui, c’est revoir le document et formuler des recommandations de modification sur ce que nous avons en main, par opposition à ce qui nous a été promis. Nous examinons le projet de loi qui nous a été présenté.

Si vous pouviez recommander un changement qui serait ensuite renvoyé à la Chambre, ce serait de rétablir les sommes versées aux conjoints et aux enfants à même la pension. C’est ce qui aurait la plus grande incidence sur les familles, surtout dans le cadre de ce budget axé sur l’égalité des sexes. Ne serait-il pas le moment de rétablir ce qui a été enlevé aux conjoints et aux conjointes?

Je vais m’arrêter ici. Si vous pouviez faire une seule chose, ce serait de recommander le rétablissement de ces prestations. Merci.

La présidente : Merci, monsieur McKenna.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur McKenna, de votre présentation. D’entrée de jeu, est-ce qu’on doit comprendre que vous n’avez pas été consulté lorsque le gouvernement a modifié le programme des avantages sociaux des anciens combattants?

[Traduction]

M. McKenna : Non, monsieur, nous avons été consultés, mais on a tout simplement fait fi de ces consultations. On n’a pas tenu compte de notre point de vue. On n’a rien fait de ce que nous avions proposé, et on s’est engagé sur la voie que nous avions recommandé de ne pas suivre. Je fais partie de l’un de ces groupes, monsieur, c’est-à-dire le Groupe consultatif sur la santé mentale. Nous n’avons jamais rencontré le ministre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je dois vous dire que je suis un peu surpris. Lorsque j’étais président d’un syndicat et que je consultais le gouvernement, je m’attendais à ce qu’on tienne compte des consultations et des recommandations qui avaient été faites. Je suis surpris qu’on ne vous ait pas écouté, mais en même temps, je ne suis pas très surpris.

Cela dit, vous dites que certains anciens combattants seront dirigés vers des dispositifs provinciaux au lieu d’être pris en charge par le programme fédéral — programme que le gouvernement qualifie d’« amélioré ». Pouvez-vous nous donner des exemples de cas aujourd’hui?

[Traduction]

M. McKenna : Oui, monsieur. Je peux vous donner un exemple. Comme vous pouvez l’imaginer, l’une des difficultés, dans les cas de toxicomanie, qui est un problème de santé mentale parmi d’autres, c’est qu’on se retrouve avec des anciens combattants qui font la file, comme tous les autres Canadiens. Ce n’est pas le principal problème auquel nous sommes confrontés, même si nous aimerions que l’on réduise les temps d’attente pour que les gens obtiennent les soins essentiels dont ils ont besoin, et ce, le plus rapidement possible.

Voici le problème. Prenons par exemple un programme où nous sommes tous assis en cercle, un peu comme ici, et qu’il y a deux anciens combattants qui ont été blessés au combat à l’étranger et qui portent fièrement la feuille d’érable, mais que le reste des gens dans la pièce sont des criminels à qui on a imposé ce programme ou d’autres personnes venant d’un autre milieu, quelles sont les chances que ces anciens combattants s’ouvrent et livrent leurs secrets les plus profonds et les plus sombres à des gens qu’ils ne connaissent pas?

En tant qu’ancien combattant, je sais à quel point il est difficile d’amener des anciens combattants à s’ouvrir à d’autres anciens combattants, mais ils le font, car ils ont des points en commun et un esprit de camaraderie. Lorsque je vois un homme que je n’ai jamais rencontré au cours de mes 30 ou 40 années de carrière, mais avec qui j’ai des choses en commun, par exemple, nous avons suivi notre entraînement de base ensemble et nous arborons tous deux la feuille d’érable, il y a de l’espoir qu’on arrive à quelque chose.

Prenons par exemple un ancien combattant qui revient de l’Irak ou du Mali ou, dans mon cas, de l’Afghanistan et de la Bosnie. Si on le met dans une pièce avec des gens qu’il ne connaît pas, en fait, des gens qui travaillent contre la Couronne parfois, car beaucoup de gens ont l’obligation de suivre ces programmes pendant qu’ils purgent leur peine, la probabilité que l’ancien combattant s’ouvre est nulle, à mon avis. Il doit suivre un programme aux côtés de gens qui vont comprendre son parcours, le traumatisme violent qu’il a subi, de même que le fait d’être déployé et de risquer sa vie au service de la nation. À ce moment-là, on pourrait aboutir à un résultat. Ce type de programme n’existe pas. C’est ce que nous recommandons au gouvernement. Nous faisons la même file que tout le monde pour suivre les mêmes programmes. Quant à Anciens Combattants Canada, il ne fait que signer le chèque. C’est ce qui se passe.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sans vouloir faire de mauvaises comparaisons, êtes-vous en train de nous dire que c’est comme la météo, qu’on n’y peut rien, que, dans votre cas, c’est ce qui arrive et que, malgré les consultations et les recommandations, on fait la sourde oreille à tout ce que vous dites?

[Traduction]

M. McKenna : C’est exact. C’est la façon la plus simple de le dire. On nous consulte, sauf qu’on ne nous écoute pas. Je ne me raconte pas d’histoire. Je ne m’attends pas à ce que le ministre me laisse lui dire comment gérer son ministère. Il ne va pas prendre nos recommandations et les inscrire dans la politique gouvernementale. Toutefois, lorsque des gens se présentent devant vous et vous disent que le document qu’ils ont mis au point est le résultat de consultations auprès d’anciens combattants, eh bien, sachez que ce n’est pas tout à fait vrai. Oui, nous nous sommes retrouvés dans une salle et, oui, on nous a posé des questions, mais lorsqu’on ne tient aucunement compte de notre opinion, ce n’est pas ce que j’appelle des consultations, du moins ce ne sont pas les consultations auxquelles nous nous attendions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur McKenna.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie, monsieur McKenna, pour votre excellent exposé. Je crois savoir que votre groupe, Equitas, a intenté un recours collectif contre le gouvernement fédéral. Où en est le recours?

M. McKenna : S’il y a bien une chose que l’on apprend lorsqu’on est soldat, c’est qu’on doit se limiter à son champ de compétence. Il y a une raison pour laquelle nous avons fait appel à des avocats; ce sont les spécialistes du droit. J’ai tendance à ne pas trop m’en mêler, mais je peux vous dire où nous en sommes.

Nous avons présenté une requête auprès de la Cour suprême, et nous nous retrouvons dans une situation un peu délicate. Grosso modo, selon ce que nous ont dit les avocats du gouvernement, il n’y a aucune entente entre le Canada et ses soldats en ce qui concerne leur traitement. Il s’agit essentiellement d’une entente à l’amiable, qui a fonctionné jusqu’à ce qu’on cesse de se comporter en gentilshommes.

Par conséquent, n’y a-t-il pas une loi qui précise en quoi le Canada a l’obligation de s’occuper de ses militaires, ou est-ce selon le bon vouloir du Parlement? Est-ce une décision stratégique interne qui a été prise au sein du ministère des Anciens Combattants? Dans le contexte global, nous, comme nation, devons le découvrir. Equitas a décidé de prendre les choses en main.

Nous sommes très actifs, mais nous savons que même si nous obtenons ce que nous voulons de la part d’un tribunal au pays, il faudra tout de même s’en remettre au gouvernement, car, au bout du compte, c’est lui qui devra légiférer pour offrir une solution. D’une façon ou d’une autre, pendant que les tribunaux font ce qu’ils ont à faire, nous devons travailler avec le gouvernement. Et c’est ce que nous avons fait.

Notre société, par exemple, s’est penchée sur ce projet de loi. Je pense que l’annonce remonte à la première semaine de décembre. J’ai moi-même formulé des questions que nous avons transmises au ministère en février par l’entremise du nouveau député de White Rock. Nous continuons de poser des questions au sujet des consultations. J’ai posé toutes les questions que vous me posez et que vous avez posées à la témoin précédente. Il y a un mois, on m’a dit qu’on n’avait pas encore reçu mes questions, et depuis, c’est le silence radio.

Voilà comment se déroulent les consultations. Soit on nous met dans une pièce en nous disant qu’on va nous écouter, mais ce n’est pas le cas, soit le gouvernement ne donne pas suite aux demandes des divers groupes réunis. Voilà où nous en sommes pour l’instant. D’une manière ou d’une autre, à un moment donné, notre litige aboutira à la Cour suprême, mais, entre-temps, nous devons continuer de communiquer.

Le sénateur McIntyre : Si je comprends bien, le principal argument invoqué par votre groupe, c’est que le gouvernement fédéral a manqué à son obligation sacrée de s’occuper des anciens combattants blessés lorsque la Nouvelle Charte des anciens combattants a été adoptée en 2006. Est-ce exact?

M. McKenna : Oui, c’est là l’origine du problème. Permettez-moi de dire ceci : quand je me suis enrôlé dans les Forces canadiennes, j’ai dû signer une entente. Et je ne connais pas beaucoup d’autres ententes qui ont force de loi, particulièrement celles conclues avec le gouvernement, qui peuvent être changées sans que j’aie au moins à apposer ma signature.

C’est l’une des choses dont nous sommes très conscients. Mais effectivement, vous avez raison; c’est la raison pour laquelle nous existons. L’indemnisation pour blessures est loin d’être suffisante. On vous brosse un portrait erroné de la situation. Contrairement à ce qu’on vous dit, ce n’est pas tout le monde qui touche la totalité des prestations existantes. Je vous dirais qu’en réalité, la plupart des gens ne reçoivent pas la moitié des indemnités. Les prestations offertes sont censées être temporaires et révocables.

Et à mon avis, cela encourage les gens à rester malades. Si on doit être admissible pour continuer de toucher une prestation, il faut continuer de faire partie de cette catégorie. Autrement dit, cela empêche les gens de progresser. Comme anciens combattants, lorsque nous regardons nos semblables, nous nous demandons ce que nous pourrions faire pour les aider à aller de l’avant. Peut-être que s’ils n’avaient pas à mener une bataille bureaucratique contre le ministère des Anciens Combattants depuis 11 ans, cela aiderait.

Le sénateur McIntyre : Les termes « obligation sacrée » sont très importants. Ils semblent revenir souvent dans les documents que nous lisons, et les parlementaires les utilisent également beaucoup dans leurs échanges.

Le gouvernement doit tenir parole et respecter son obligation sacrée à l’égard des militaires blessés.

M. McKenna : Oui. Cela dépend de la façon dont on le formule. Certains pourraient appeler cela une « obligation fiduciaire », d’autres une « obligation sacrée ». Au bout du compte, j’ai fait ce que vous m’avez demandé. En tant que soldat, j’ai respecté mes engagements envers vous, alors je m’attends à ce que vous fassiez de même. Quelle que soit la terminologie utilisée, il faut que quelque chose se passe. Cette relation entre le gouvernement et ses militaires doit être écrite noir sur blanc, car auparavant, elle reposait simplement sur l’acceptation, et, visiblement, cela ne suffit pas.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie, monsieur McKenna, d’être des nôtres aujourd’hui et d’avoir présenté un exposé succinct et très utile.

Ma question comporte plusieurs volets et porte sur un aspect important sur lequel vous avez attiré notre attention, c’est-à-dire l’incidence au quotidien sur les familles des militaires.

Sachez que mon équipe et moi travaillons sur un amendement, mais j’espère que vous pourrez nous aider relativement à l’orientation que nous choisirons. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, je ne vois pas où nous pourrions traiter de l’élimination des prestations pour conjoints et enfants dont vous parlez.

Jusqu’à présent, nous envisageons l’article 165, mais je suis pratiquement certaine que cela se rapporte aux services de réadaptation au titre de l’article 9 de l’ancienne loi. Je ne crois pas que c’est ce que vous cherchez à nous dire aujourd’hui. Pourriez-vous nous dire où serait le meilleur endroit dans ce projet, selon vous, pour apporter un amendement qui serait examiné par le comité?

La deuxième partie de ma question porte toujours sur l’incidence sur les familles des militaires. Vous avez pris soin de ne pas parler de vos importantes divergences d’opinions avec la témoin précédente pour éviter que certains pensent que l’un ou l’autre ne dit pas la vérité. Je l’apprécie. D’après ce que j’ai entendu — et je vais revenir à la question que j’ai posée plus tôt à l’autre témoin —, lorsque j’ai demandé à Mme McIntyre d’expliquer comment les réactions pouvaient être neutres sur une telle question, j’ai trouvé sa réponse un peu ambiguë, mis à part ce qui concerne le suivi des réseaux sociaux. Vous avez dit très clairement que les consultations et les points de vue de vous et d’autres organismes de défense n’ont pas été pris en compte dans ce que nous avons sous les yeux.

Voici donc ma question : pensez-vous que le ministre est au courant? Est-ce que le ministre est au courant de cet écart entre ces deux positions que nous avons constaté aujourd’hui?

M. McKenna : Je vais commencer par la fin. Oui, je pense que le ministre est au courant et que vous venez d’en avoir la preuve. Vous avez posé une question bien précise, et on vous a donné une réponse préfabriquée. L’argumentaire avait été préparé d’avance. Grosso modo, on a demandé ce qu’il était advenu des prestations pour conjoints et enfants autrefois prévues dans la Loi sur les pensions, et on nous a plutôt parlé d’autres mesures dont le nom contient le mot « familial ». C’est ce qu’on dit dans l’argumentaire et c’est ce que vous venez de voir.

Par conséquent, j’espère que cela répond à votre question, car il n’y a aucune neutralité dans la rétroaction des anciens combattants. Il y a un groupe d’anciens combattants qui peuvent être particulièrement touchés par cette mesure. Par exemple, j’ai de très bons amis qui souffrent de graves problèmes de santé depuis leur retour de la guerre du golfe Persique. Disons que la Loi sur les pensions n’est pas ce qui occupe le plus leurs pensées, étant donné que ce conflit a eu lieu il y a 25 ou 30 ans. Ce qui les préoccupe le plus en ce moment, ce sont les séquelles de la méfloquine. Si vous leur demandez ce qu’ils pensent des changements apportés à la Loi sur les pensions, ce n’est pas vraiment ce qui les chiffonne. Pour les gens de ma génération qui sont directement touchés par cela, c’est presque un « non » catégorique.

À part ce « non » clair, vous entendrez peut-être : « On verra ce que ça donnera. » À vrai dire, je ne connais pas les chiffres et j’ignore combien cela va représenter pour chacun des anciens combattants, car les changements n’ont pas encore été mis en œuvre.

La dernière fois que nous avons attendu qu’une politique soit mise œuvre en œuvre pour nous prononcer, la Nouvelle Charte des anciens combattants a stagné pendant près d’une décennie. Par conséquent, comme anciens combattants, nous avons décidé de ne pas attendre les bras croisés et nous avons posé nos questions au gouvernement. Nous leur disons directement que nous savons que c’est un mauvais projet de loi. Ils nous remercient puis ils se rendent à la prochaine assemblée publique pour se faire dire exactement la même chose, par exemple à Edmonton. Vous l’avez sans doute vu aux nouvelles. Ils entendent la même chose à Halifax, et ensuite ils reviennent et nous disent que le message est ambigu. C’est faux; le message est très clair.

Dans le premier volet de votre question, vous avez parlé des prestations pour conjoints et enfants. Il y avait autrefois ce qu’on appelle une « allocation pour soins » au titre de la Loi sur les pensions. Cette allocation a complètement disparu, puis elle est réapparue, en 2015, sous le gouvernement précédent, mais nettement inférieure, le maximum se situant autour de 7 000 $. C’était une prestation de répit, si je puis dire.

Grâce à la loi de l’année dernière, dont les mesures ont vu le jour le 1er avril dernier, cette prestation est passée de 7 000 à 12 000 $. Il s’agit de la prestation pour proches aidants dont on parle aujourd’hui. Lorsque vous posez la question au sujet des sommes qui étaient versées aux conjoints et aux enfants en vertu de la Loi sur les pensions, mais qui ont disparu et ne reviendront pas dans le cadre de ce projet de loi, et qu’on vous parle de cette prestation complètement différente, cela ne répond pas du tout à votre question.

Par conséquent, on vous a parlé de ce qui a remplacé l’allocation pour soins, alors que vous avez demandé ce qui est arrivé aux prestations pour conjoints et enfants. Il n’y a rien qui remplace cela.

La sénatrice McPhedran : Avec tout le respect que je vous dois, ce n’est pas la question que je vous ai posée.

M. McKenna : C’est juste.

La sénatrice McPhedran : Je vous ai demandé de nous aider à rédiger un amendement, car c’est ce que vous avez dit en début d’exposé, et c’est pour cette raison que j’ai besoin de votre aide.

J’aimerais que vous nous donniez de l’information et des conseils là-dessus, pas nécessairement que vous nous fournissiez du contexte. Quels changements devrait-on apporter au projet de loi pour obtenir le résultat dont vous avez parlé en début d’exposé?

M. McKenna : Vous me demandez ce qui manque dans ce projet de loi? Comme je vous l’ai dit, j’ai lu attentivement le projet de loi, et c’est une partie d’un ancien projet de loi qui n’existe plus. Cela ne figure pas dans le projet, et cela a été conçu ainsi. Si j’ai répondu comme je l’ai fait, en parlant de la témoin précédente, c’est parce que plus on demande au gouvernement où cela se trouve, plus il élude la question en vous parlant d’une mesure tout à fait différente. L’allocation pour conjoints et enfants n’est plus offerte aux nouveaux anciens combattants depuis 2006. Ceux qui touchaient cette prestation auparavant continuent de la recevoir, mais ce n’est pas dans ce nouveau projet de loi.

La sénatrice McPhedran : D’accord. Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur McKenna, j’aimerais d’abord vous remercier pour les services que vous avez rendus à notre pays. J’en profite aussi pour remercier tous les anciens combattants qui nous écoutent aujourd’hui. Il est de notre devoir de nous assurer que ce projet de loi soit le plus juste possible pour vous.

Vous avez dit qu’il faudrait revenir à la loi qui remonte à 1919. De toute évidence, il est difficile de revenir 100 ans en arrière. Je crois qu’il faut moderniser cette loi dans la perspective d’apporter une très grande justice aux gens qui ont donné une partie d’eux-mêmes, tant au point de vue psychologique que physique, pour préserver nos libertés. Vous êtes les gens qui y ont le plus contribué.

Mme McIntyre nous disait plus tôt que le comité consultatif était composé de membres qui représentaient les opinions des anciens combattants et que ce sont eux qui ont surtout contribué à l’élaboration de ce projet de loi.

Avez-vous été consulté sur la nomination des gens qui siègent au sein de ce comité? Ces gens représentent-ils vraiment l’opinion générale des anciens combattants d’un océan à l’autre du pays, même s’ils travaillent à partir d’Ottawa?

[Traduction]

M. McKenna : Premièrement, en ce qui concerne les comités, sachez que je siège au comité sur la santé mentale. Ce que je vous ai lu aujourd’hui est inspiré d’un de mes bons amis, Mark Campbell, qui fait partie du comité des politiques. Le comité des politiques est celui qui a été consulté pour les politiques dont vous êtes saisis aujourd’hui. Certaines de mes remarques, bien que je les aie présentées, viennent de lui. Nous en parlons souvent. Il est aussi l’un des plaignants dans le litige, et nous siégeons tous les deux à plusieurs différents comités.

Je ne partage pas cette inquiétude concernant la composition des comités. Or, ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a pas que des anciens combattants au sein de ces comités. C’est particulièrement le cas du comité sur la santé mentale. La plupart des membres ne sont pas des anciens combattants; ce sont des gens qui fournissent actuellement des services au gouvernement. C’est une réalité avec laquelle il faut composer.

Il se trouve qu’au sein du comité sur la santé mentale, si je ne me trompe pas, nous sommes trois à avoir servi en Afghanistan, il y en a d’autres qui ont pris part à d’autres conflits, et il y a beaucoup de médecins choisis par le gouvernement qui, en fait, fournissent des services au gouvernement. Ce n’est donc pas un comité d’anciens combattants.

Toutefois, si la composition des comités faisait l’objet d’un vote par les anciens combattants de partout au pays, si c’était possible, les comités n’auraient de valeur que pour ceux qui font le travail. On a beau donner tous les conseils possibles, s’ils ne sont pas suivis, ce ne sera qu’une autre réunion tenue dans la capitale reléguée aux oubliettes.

À vrai dire, même les questions que vous m’avez posées aujourd’hui — et je suis ravi d’avoir l’occasion de vous parler — nous ont été posées précédemment par d’autres comités, que ce soit le comité de la Chambre des communes ou un autre comité. On nous a tous déjà posé ces questions. Le problème, ce n’est pas que le message ne se rend pas au gouvernement; c’est plutôt que le gouvernement ne nous écoute pas.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vos demandes en ce qui a trait aux modifications de ce projet de loi sont-elles strictement liées aux pensions des conjoints et des enfants ou y a-t-il d’autres modifications que vous souhaiteriez voir dans ce projet de loi?

[Traduction]

M. McKenna : Personnellement, ce qui me préoccupe le plus, ce sont les prestations pour conjoints et enfants. Le gros problème aussi, c’est la récupération, au titre de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, de diverses prestations toujours en vigueur aujourd’hui et ce qu’on propose de mettre en œuvre le 1er avril prochain. Je commencerais donc par remédier à ces deux problèmes.

Cela dit, il faut commencer à envisager de modifier le projet de loi dont vous êtes saisis. Comme la plupart des anciens combattants partout au pays, je pense que ce n’est pas du tout ce qu’on avait promis aux anciens combattants. Ce sont donc les principaux changements que je recommanderais par rapport à ce qui se trouve devant vous.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je crois que tout le monde a vu la vidéo de cet ancien combattant qui interpellait le premier ministre Trudeau à Edmonton. Il a fait une déclaration qui a bouleversé beaucoup de Canadiens, à savoir que lorsqu’il s’est engagé dans les Forces armées canadiennes, il ne s’attendait pas à devoir se battre contre le gouvernement de son pays pour obtenir justice. Représentait-il vraiment l’opinion de l’ensemble des anciens combattants canadiens? Quelle est votre opinion à titre d’ancien combattant quant au fait que le gouvernement dépense des millions de dollars pour combattre des revendications tout à fait légitimes de votre part?

[Traduction]

M. McKenna : Oui, je suis d’accord avec cet homme. Je l’ai entendu parler, en effet, et je considère qu’il représente la majorité des gens. En fait, je dirais que c’est une opinion pratiquement unanime concernant la manière dont sont traités les anciens combattants.

Ce qui nous amène devant les tribunaux, ce n’est pas seulement le montant d’argent qui nous touche, mais c’est plutôt la facilité avec laquelle on dépense de l’argent dans d’autres secteurs, partout dans le monde. Des centaines de millions de dollars sont dépensés pour un voyage à l’étranger, alors que nous menons une lutte acharnée. Même lorsque nous étions en service, il ne manquait pas d’argent lorsqu’il s’agissait de faire la guerre en Afghanistan. On trouvait les moyens. Les règles du Conseil du Trésor faisaient en sorte que cela fonctionnait, et il y avait une volonté que cela fonctionne. On pouvait modifier le processus d’approvisionnement au besoin.

Voilà ce que nous constatons, monsieur le sénateur. Ce n’est pas seulement le montant d’argent qui nous amène à contester devant les tribunaux; c’est la facilité avec laquelle le gouvernement dépense de l’argent lorsqu’il s’agit de voyager et de faire des séances de photos partout dans le monde, alors que j’ai des amis qui se voient refuser quelques centaines de dollars de prestations.

Par exemple, on m’a récemment refusé une prestation. J’ai lu le formulaire et on me demandait, entre autres, si je pouvais me nourrir moi-même. On ne m’a pas demandé qui préparait les repas. On ne m’a pas demandé si mon épouse a dû quitter son emploi pour pouvoir m’aider ou ce que j’ai à faire. C’était à l’époque où il y a eu un voyage à l’étranger pour lequel l’argent semblait simplement jaillir du portefeuille canadien. Personnellement, c’est cela qui me touche le plus.

Le sénateur Brazeau : Comme mon collègue, j’aimerais vous remercier du service que vous avez rendu à votre pays. Je pense qu’il est de notre devoir, comme parlementaires, de reconnaître le travail que les anciens combattants et les militaires font pour notre grand pays. Je vous en remercie donc.

Vous êtes manifestement une personne qui ne mâche pas ses mots et cela me plaît. J’aimerais donc savoir pourquoi, d’après vous, les sommes destinées aux conjoints sont retirées.

M. McKenna : Elles coûtent quelque chose. Je pense qu’ils savaient qu’ils introduisaient une chose portant le même nom de sorte que la suppression passerait mieux.

Je ne crois pas que le gouvernement pense berner les anciens combattants lorsqu’il joue des tours de passe-passe avec les prestations. Je pense qu’il tente de faire disparaître les opinions non fondées. Je pense qu’il veut que les gens qui ne connaissent pas le dossier pensent que c’est réglé. C’est ce qui, à mon avis, se passe dans le cas présent. Il ne nous jette pas de la poudre aux yeux. Nous savons quelles étaient les prestations et ce qu’il manque. Je pense qu’il espère simplement pouvoir compter sur notre apathie, que la plupart des gens regarderont le dossier et diront : « Bon, ils ont fait quelque chose pour les familles », et ils passeront à d’autres choses. C’est ce qui se passe, à mon avis.

Le sénateur Brazeau : Merci. Nous avons certaines choses en commun à propos de ce dont vous parlez. Quand il s’agit d’aller en guerre, il y a plein d’argent; toutefois, quand on parle des anciens combattants, c’est une lutte constante. Je vois le même phénomène pour les dépenses auprès des peuples et des communautés autochtones de tout le pays, mais ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui.

Ma question suivante est : indépendamment du parti ou de l’allégeance politique ou du gouvernement au pouvoir, pensez-vous que les gouvernements font de la politique sur le dos des anciens combattants dans notre pays?

M. McKenna : Je pense que ce ministère, plus que tout autre, en est un où les bureaucrates ont pris le pouvoir et dirigent. Pour avoir servi pendant 19 ans dans les forces, je suis en mesure de comprendre pourquoi l’expérience des fonctionnaires dans un ministère compte quand un ministre n’est là que depuis quelques semaines. Il faut des gens qui connaissent le dossier. Le problème, c’est qu’ils pilotent le dossier et c’est ce à quoi, à mon avis, nous avons affaire.

Par exemple, le ministre actuel vient de nous dire, lors de sa tournée d’un océan à l’autre, qu’il doit changer le ton et la culture dans le ministère. Toutefois, son sous-ministre nous a dit, il y a deux ans, qu’ils en avaient changé. Lorsque le ministre en poste dit qu’il y a un problème de culture, mais qu’on a dit aux principaux intéressés, dans une réunion, quelques années auparavant, que la culture avait changé, la seule chose que je peux faire pour comprendre, c’est d’aller sur Facebook, prendre le téléphone, parler à mes amis et demander ce qui se passe.

C’est toujours pareil. On entend encore parler de bénéfice du doute; pourtant, les artilleurs voient leurs demandes pour perte auditive rejetées. On entend des déclarations comme « Nous avons changé de culture. », mais les parachutistes doivent se battre autant qu’avant pour une fracture de la cheville.

On peut en rire. J’avais rendez-vous chez le chiro récemment et mon médecin s’est retrouvé au bulletin de nouvelles à propos de moi il y a quelques années. Nous en avons bien ri.

J’attends toujours le règlement de l’une de mes demandes faites en 2014 pour laquelle le ministère a confondu mes médecins. Je parle d’une erreur administrative qui aurait pu être facilement corrigée. Dans mon propre cas, une demande faite en 2014 — et je signale que nous sommes en 2018 — je me trouve encore dans un bourbier bureaucratique où on est incapable de consulter le dossier et corriger une simple erreur.

Je ne pense donc pas que cela se passe au niveau du ministre et je ne pense pas qu’un changement de gouvernement réglera le problème. Ce que les législateurs devraient faire, c’est scruter ce ministère de plus près. Le fait qu’il se trouve en partie à Charlottetown rend la chose plus difficile. C’est vraiment ce qui se passe ici. Ce sont les bureaucrates qui mènent.

Le sénateur Brazeau : J’aurais peut-être un petit conseil à vous donner, et peut-être à certains de vos collègues. Il y a plusieurs sièges vacants au Sénat en ce moment, et je pense que le premier ministre a une sacrée belle occasion de nommer d’anciens combattants au Sénat du Canada. Nous en avons vraiment besoin. J’espère que vous êtes d’accord.

M. McKenna : J’aimerais voir cela.

La sénatrice McPhedran : Je continue sur le sujet des répercussions sur les familles militaires. Le greffier vient de confirmer que le document que les membres du comité ont entre les mains et qui s’intitule « Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense », qui sert à nous guider dans l’étude article par article, comporte, à la partie 4, une sorte de foire aux questions. À la question « Pourquoi le gouvernement propose-t-il ces changements maintenant? », le deuxième argument donné est pour qu’il y ait « une seule prestation mensuelle facile à comprendre qui offre un soutien du revenu à court et à long terme pour eux-mêmes » — en parlant des anciens combattants — « et leur famille ».

À la question suivante : « Que contient la pension à vie proposée? », le premier paragraphe de la réponse, à la toute fin, parle de permettre aux anciens combattants de choisir le type d’indemnisation qui convient le mieux à leur situation personnelle et familiale. Cette section a été présentée comme un travail en cours entre Anciens Combattants Canada et les anciens combattants intéressés.

Le paragraphe suivant commence par : « Nous avons écouté ce que les vétérans nous disent vouloir. »

Il y a donc un écart gigantesque entre, d’une part, ceux que vous représentez et les messages que vous nous transmettez aujourd’hui et, d’autre part, le message, l’information, du ministère au comité.

Je veux passer à une question sur les répercussions sur les familles de militaires, en prenant soin de choisir mes mots. C’est une question difficile. À votre avis — d’après votre expérience et les connaissances que vous avez acquises sur les répercussions des mesures législatives — quelle serait votre prédiction — et je suis consciente que c’est une supposition — concernant les changements que vous critiquez et la possibilité de violence conjugale, qui est, comme nous le savons, un problème très présent dans notre société? Il se trouve, toutefois, que nous nous penchons sur un groupe particulier dans la société et sur les répercussions sur les familles de ce que certains militaires ont vécu. Je me demande si vous voyez des liens ou si vous avez des préoccupations sur les répercussions potentielles.

M. McKenna : En ce qui concerne la première partie de la question, la documentation que vous avez devant vous parle des anciens combattants et de leurs familles. Quant à ma propre famille, lorsque je reçois une enveloppe brune du ministère des Anciens Combattants, c’est habituellement de mauvaises nouvelles. En ce qui concerne ce avec quoi ma famille doit composer, la première chose est que mon épouse s’occupe de tout cela. J’ai horreur d’ouvrir ces enveloppes.

En ce qui a trait aux effets sur elle, elle fait, disons, au moins 70 ou 80p. 100 de tout à l’intérieur de la maison. Cela limite donc sa capacité d’occuper un emploi. Même en faisant abstraction du stress, du traumatisme, des cauchemars et des sueurs froides — ce côté-là des choses — et en ne considérant que la façon dont la famille est censée trouver un équilibre et accomplir des choses, je vois les mots dans le texte tout comme vous, mais je n’y vois pas de changement là-dedans. Je poserais cette question au gouvernement : si l’expression « et leur situation familiale » a un tant soit peu de poids, alors, quelle est la différence dans le programme d’allocations pour une personne qui a une famille? Comment accorder les deux? Comment peut-on dire que la famille compte si elle n’est pas prise en compte séparément dans l’indemnisation?

Pour ce qui est de la violence, je ne suis pas un expert. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a beaucoup de divorces dans notre communauté. La violence que nous voyons consiste habituelle en de l’automutilation. La famille vit déjà du stress en raison des nombreuses affectations, mais je peux vous dire en tant qu’homme — parce que beaucoup d’anciens combattants sont des hommes — que, quand nous sentons que notre capacité à remplir notre rôle traditionnel consistant à subvenir aux besoins de notre famille est menacée, nous ne sommes pas le meilleur de nous-mêmes. Nous ne le sommes pas.

Je vous dirais que bien des problèmes de dépendance y sont attribuables. Je sais très bien que, lorsque des militaires reviennent d’une affectation, ils ont parfois l’esprit agité. Il arrive que les choses se passent très bien. Parfois, ils reprennent le travail comme s’il n’y avait pas de problème, mais il arrive qu’ils soient à plat. Ils reviennent pour une affectation ou il peut arriver qu’ils reviennent et découvrent leurs affaires sur la pelouse en raison d’une demande de divorce dont ils sont sur le point d’être informés. Beaucoup de choses s’accumulent.

Je ne suis un expert dans aucun de ces domaines. Le cas échéant, je vois plus d’automutilation que de mal. C’est ce que j’ai remarqué.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Le sénateur McIntyre : Monsieur McKenna, à l’instar de mes collègues, je vous remercie pour les années de service que vous avez données à notre pays.

Essentiellement, la nouvelle mesure législative regroupe des allocations pour en former de nouvelles et, comme vous l’avez indiqué, les groupes d’anciens combattants critiquent cette approche.

Est-ce que le gouvernement devrait reprendre le travail pour certains des programmes ou tous les programmes actuels destinés aux anciens combattants ou y a-t-il de bons aspects dans ces programmes que vos groupes privilégieraient?

M. McKenna : Il y a quelques bonnes choses dans les programmes actuels et je ne pense pas que cela nous aide de faire semblant qu’il n’y en a pas.

Par exemple, je pense que l’une des pires choses que nous faisons aux gens, plus particulièrement aux jeunes qui ont un problème mental et, dans certains cas, des blessures physiques, c’est de leur verser plein d’argent, même si ce n’est pas assez ou si c’est une somme forfaitaire qui ne correspond pas à ce qu’ils auraient touché pendant leur vie. Quand une somme forfaitaire, quelle qu’elle soit, a été versée à une personne qui vit une crise mentale, devons-nous nous étonner que des problèmes de dépendance soient apparus par la suite?

Cela a été ma réaction et la réaction des anciens combattants dans l’ensemble du pays. Que pensions-nous qui allait arriver? C’est donc probablement une bonne chose d’avoir la possibilité de verser la somme tout au long de la vie de la personne.

Il y a quelques allocations. Il y a une allocation pour études. Bien que nous commencions à voir qu’elle est plus restrictive que ce que j’avais espéré, je dois vous dire que je pense que c’est une bonne chose. Je ne vais pas vous dire que tout ce qui arrive aux anciens combattants est mauvais.

Quant à l’intention alléguée de la loi, rien n’est fait. Les lacunes sont si flagrantes que, soit elles sont intentionnelles soit ce sont des maladresses.

La présidente : Monsieur McKenna, je joins ma voix à celles des sénateurs pour vous remercier pour votre service et pour votre présentation sincère aujourd’hui. Nous vous sommes très reconnaissants d’être venus ici pour ce projet de loi particulier. Encore une fois, merci beaucoup.

M. McKenna : Je vous remercie de m’en avoir donné la possibilité, madame.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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